Chapitre: Nombres premiers Cours de spécialité math. en TS. http://www.lefigaro.fr/sciences/2013/02/06/01008-20130206ARTFIG00485-le-nombre- premier- le-plus-long-du- monde- decouvert.php Le Figaro. Article de Tristan Vey du 6 février 2013. Le nombre premier le plus long du monde découvert. 250.000$ pour un nombre premier à 1 milliard de chiffres. Mais comment Curtis Cooper et son équipe ont-ils pu mettre la main sur un nombre aussi incroyable ? Ils ont utilisé une technique bien connue consistant à étudier les ≪nombres de Mersenne≫. Le moine et mathématicien français, Marin Mersenne, né à la fin du XVIe siècle est en effet le premier à avoir regardé de manière systématique les nombres obtenus en multipliant 2 par lui-même pendant un nombre premier de fois avant de retrancher 1 au résultat (en notation mathématique : ≪ 2p −1 ≫ où p est un nombre premier). Il a remarqué que ce calcul donnait régulièrement un nombre premier. Le projet collaboratif GIMPS, lancé en 1996, s’est proposé de les étudier de façon systématique. N’importe quel particulier peut utiliser le logiciel fourni pour tester la ≪primalité≫ d’un nombre de Mersenne. Curtis Cooper et son université sont les plus importants collaborateurs de ce programme. Ils ont d’ailleurs déjà à leur actif les deux records de longueurs établis en 2005 et en 2006. Ils avaient toutefois été détrônés en 2008 par l’université de Californie (UCLA) et un premier long d’un peu moins de 13 millions de chiffres. Quatre ans plus tard, le professeur de mathématiques peut se réjouir de faire voler en éclats ce record. Il aura fallu 39 jours à son ordinateur pour vérifier la primalité du petit nouveau, 257885161 − 1, le 25 janvier 2013. Trois preuves indépendantes réalisées par des chercheurs différents, sur des machines différentes, avec des algorithmes différents, ont permis de s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un ≪ faux positif ≫. La fondation GIMPS a ainsi pu annoncer officiellement cette semaine la découverte du 48e nombre premier connu de Mersenne, le 15e débusqué depuis 1996. Ce résultat a valu à son découvreur et à son institution un prix de 3000$ versé par GIMPS. Celui qui découvrira le premier nombre premier à plus de 100 millions de chiffres touchera, lui, le jackpot : il pourra partager avec les fondateurs de GIMPS la récompense de 150.000$ promise par l’Electronic Frontier Foundation. Un prix de 250.000$ est aussi prévu pour le franchissement de la barrière du milliard de chiffres. Cet objet mathématique est composé de plus de 17 millions de chiffres et remplirait près de 20 livres de 500 pages environ. La plupart des nombres entiers peuvent se décomposer en un produit de nombres entiers strictement supérieurs à 1 : 4 (2 × 2), 6 (3 × 2), 8 (4 × 2), 9 (3 × 3), 10 (5 × 2), etc. Ce n’est pas le cas des nombres premiers (2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 23, etc). La recherche de ces objets particuliers, sorte de briques élémentaires de l’arithmétique, est aussi vieille que les mathématiques. Leurs propriétés sont aujourd’hui utilisées en cryptographie, notamment pour sécuriser vos échanges sur Internet. Si l’on sait depuis Euclide qu’il en existe une infinité, la découverte d’un nouveau nombre premier reste un événement tant ils sont difficiles à débusquer. Un chercheur américain de l’université du Missouri, Curtis Cooper, rapporte justement la découverte du plus grand nombre premier jamais identifié. La ≪ bête ≫ fait plus de 17 millions de chiffres, 17.425.170 précisément. Cela correspond à un fichier texte de 22Mo, consultable ici. Comptez environ 4000 feuilles A4 si vous souhaitez l’imprimer avec une taille de police classique. Il est impossible d’appréhender ce que représente un tel nombre. À titre de comparaison, il faut moins de cent chiffres pour effectuer le décompte du nombre de particules (neutrons, protons et électrons) contenues dans tout l’univers ! Critiquez le titre de l’article. Expliquez l’expression briques élémentaires de l’arithmétique qualifiant les nombres premiers. Vérifiez que : La ≪ bête ≫ fait plus de 17 millions de chiffres. Rappel : 210 = 1024 ≃ 103 Vérifiez, puis critiquez le passage concernant les nombres de Mersenne : Il a remarqué que ce calcul donnait régulièrement un nombre premier. n−1 xn − 1 X k = x . 5. Prouver que si n n’est pas premier, alors 2n − 1 ne peut pas l’être. Rappel : x−1 1. 2. 3. 4. k=0 1 Chapitre: Nombres premiers Cours de spécialité math. en TS. Définition. Un nombre premier est un nombre entier naturel différent de 1 qui est uniquement divisible par 1 et par lui même. On notera P l’ensemble des nombres premiers. Les plus petits nombres premiers sont : 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, 31, 37, 41, 43, 47, 53, 59, 61, 67, 71, 73, 79, 83, 89, 97, 101, 103, 107, 109, 113, 127, 131, 137, 139, 149, 151, 157, 163, 167, 173, 179, 181, 191, 193, 197, 199. . . Lemme. n ∈ N \ {0, 1}. Si n ∈ / P, alors son plus petit diviseur différent de 1 est premier. Démonstration. Soit n ∈ N tel que n ∈ / P et n > 2. n ∈ / P donc n admet des diviseurs différent de 1, notons p le plus petit diviseur de n différent de 1. Prouvons par l’absurde que p ∈ P. Supposons que p ∈ / P. Il existe alors un entier d tel que : d|p et 1 < d < p. Ceci contredit la définition de p, en effet : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ainsi l’hypothèse p ∈ / P est fausse, on a donc p ∈ P. Propriété 1. n ∈ N \ {0, 1}. Si n n’est divisible par aucun nombre premier inférieur à √ n, alors n ∈ P. Démonstration. Si n n’est pas premier, le lemme permet d’affirmer qu’il existe p ∈ P et q ∈ N tel que n = pq avec 1 < p 6 q. Alors : . . . < p2 6 . . . . Or pq = n donc p2 √ 6 . . . , d’où : p 6 . . . Notons A : ≪ n ∈ / P ≫ et B : ≪ n admet un diviseur premier p 6 n ≫. On a prouvé que A =⇒ B. La contrapposée : (non B) =⇒ (non A) est donc aussi vraie. Cette propriété donne une méthode pour savoir si un nombre est premier : √ ① On calcule n ② On tente de diviser n par les nombres premiers dans l’ordre croissant, jusqu’à √ n. ③ Si on trouve un diviseur premier dans cette liste, n n’est pas premier, et sinon, n est premier. Théorème 1. Il existe une infinité de nombres premiers. Démonstration. Par l’absurde : on suppose qu’il existe un nombre fini de nombres premiers, disons p1 , p2 , . . .pn . Avec pn le plus grand de ces nombres premiers. On considère N = p1 p2 p3 · · · pn + 1. Le reste dans la division euclidienne de N par chacun des pi est . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Par la prop 1 on en déduit que N ∈ . . . . Or p1 > 2, alors N > 2pn > pn . Ce qui contredit la définition de pn , ainsi il n’existe pas un nombre fini de nombre premiers. Théorème 2 (Décomposition en produit de facteurs premiers). Tout entier naturel n > 2 s’écrit de manière unique comme produit de nombres premiers. Cette écriture s’appelle la décomposition en produit de facteurs premiers (dpfp) de n. Démonstration. L’unicité 1 est admise. On prouve l’existence de la dpfp. Si n est premier, c’est fini, supposons n non premier. Par le lemme : ① le plus petit diviseur de n différent de 1, notons le p1 , est premier. Notons n = p1 n1 . ② Si n1 ∈ P, c’est fini, sinon on reprend au ① en remplaçant n par n1 . (puis plus généralement en remplaçant ni par ni+1 = ni /pi+1 tant que ni n’est pas premier) Cet algorithme fonctionne et fournit bien la dpfp de n car on obtient une suite strictement décroissante d’entiers : n > n1 > n2 > · · · > 1. Cette suite est nécessairement finie, disons qu’elle se finit avec nk = pk premier et on obtient 2 : n = p1 p2 · · · pk avec les pi ∈ P. Remarque. Attention, les pi ne sont pas nécessairement distincts : p1 6 p2 6 · · · 6 pk . Cet algorithme donne la méthode pour trouver la dpfp d’un entier. On dispose le calcul des divisions successives par les nombres premiers croissants comme ci-contre. On regroupe les facteurs premiers identiques avec une puissance : 18 = 2 × 32 18 9 3 1 2 3 3 Énigme 3 Barrez trois symboles dans l’expression suivante pour que le résultat donne 2010 : 2 × 3 × 4 × 5 × 6 × 7 . Un symbole peut être un chiffre ou un signe ×. Si l’on barrait le signe × entre 2 et 3, par exemple, on lirait alors le nombre 23. 1. C’est pour garantir cette décomposition unique qu’on convient que 1 n’est pas premier. 2 = 2 × 1 = 2 × 1 × 1 = . . . k Y pi 2. On peut noter le produit n = p1 p2 · · · pk avec un symbole pi majuscule : n = i=1 3. Tirée du 1 4 finale du Championnat Internationnal des Jeux Mathématiques et Logiques 2010. www.ffjm.org 2 Cours de spécialité math. en TS. I Sur la répartition des nombres premiers. Lister les nombres premiers I.1 Le crible d’Ératosthène. Algorithme pour avoir les nombres premiers inférieurs à n2 . Initialisation : p = 2. Tant que p < n, faire : ① Entourer p, il est premier. ② Barrer ses multiples sauf lui même. ③ p devient le prochain nombre non barré. Fin du tant que. Tous les nombres non barrés sont premiers. Sur le crible 6 × 6 ci-contre on observe que les nombres premiers à partir de 5 sont tous dans deux colonnes. Est-ce un hasard, ou avez vous une explication ? I.2 Les premiers nombres premiers. II La fonction π Pour étudier la répartition des nombres premiers on a eu l’idée d’introduire une fonction notée π définie sur R et qui donne pour π(x) le nombre de nombres premiers qui sont inférieurs ou égaux à x. Pour x ∈ R, π(x) compte le nombre d’éléments de {p ∈ P; p 6 x}. Par exemple, π(6, 32) = 3 car il y a 3 nombres premiers inférieurs à 6,32 qui sont 2, 3, et 5. Courbe de la fonction π sur [0; 47] II.1 Tracez ci-dessous le début de la courbe (discontinue) de la fonction π sur [0; 47] 14 12 10 8 6 4 2 O 5 10 15 20 25 30 35 40 45 −2 On observe sur la courbe de la fonction π des plateaux plus ou moins longs qui indiquent l’absence de nombre premiers sur ces intervalles. On a la propriété : Propriété 2. Il existe des intervalles aussi grands qu’on veut ne contenant aucun nombre premier. Démonstration. Soit n entier supérieur à 3. Justifier que l’intervalle [n! + 2 ; n! + n] ne comporte aucun nombre premier. II.2 Le théorème des nombres premiers. x Théorème 3 (Théorème des nombres premiers). π(x) ∼ ln(x) i.e. lim π(x)/ x→+∞ x ln(x) =1 Ce théorème a été conjecturé par Gauss (en 1792 à 15 ans), puis il a été démontré indépendamment par Hadamard et De La Vallée Poussin en 1896 à l’aide de méthodes d’analyse complexe. Le théorème des nombres premiers permet d’obtenir une formule qui donne le comportement asymptotique du ne nombre premier p(n) : p(n) ∼ n ln(n). On ne connait aucune formule qui ne donne que des nombres premiers, et encore moins qui donnerait tous les nombres premiers. Cependant il y a eu des tentatives : 3 Cours de spécialité math. en TS. III III.1 Sur la répartition des nombres premiers. À la recherche d’une formule Nombres de Mersenne et de Fermat. On a vu dans l’article de presse que les nombres de la forme 2n − 1 (où n ∈ P) sont appelés nombres de Mersenne. Actuellement on ne connaı̂t que 48 nombres de Mersenne qui soient premiers mais ils fournissent les records de grands nombres premiers. Mais on a vu que pour n = 11 par exemple 211 − 1 = 2047 = 23 × 89 n’est pas premier. Pierre de Fermat (1601-1665) a prouvé que pour que 2k + 1 soit premier il faut que k soit une puissance de deux. Il a donc considéré : n Définition. Pour n ∈ N, le n-ème nombre de Fermat est Fn = 22 + 1. n 0 1 2 3 4 5 Fn Fermat émit la conjecture que tous ces nombres étaient premiers. On a sa correspondance avec Marin Mersenne et Blaise Pascal à ce sujet. Cette conjecture s’avéra fausse : Leonhard Euler présente un diviseur de F5 en 1732 qui est 641. Actuellement, on ne connaı̂t que cinq nombres de Fermat premiers, ceux cités ci-dessus de F0 à F4 . On ignore encore s’il en existe d’autres, mais on sait que Fn , pour n entre 5 et 32, sont tous composés ; F3 3 est le plus petit nombre de Fermat dont on ne sait pas s’il est premier ou composé. III.2 La spirale d’Ulam Stanislaw Marcin Ulam, lors d’une conférence scientifique en 1963 se trouva coincé, contraint d’écouter ≪ un exposé très long et très ennuyeux ≫. Il passa son temps à crayonner et se mit à gribouiller des entiers consécutifs, commençant par 1 au centre, dans une espèce de spirale tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Puis, il noircit tous les nombres premiers. À sa surprise, les nombres premiers tendaient à s’aligner le long de lignes diagonales. La 3e image (200 × 200) illustre ceci. Les diagonales noires sont clairement visibles. Ceci implique qu’il existe beaucoup de constantes entières a, b et c telles que la fonction : 2 f (n) = an + bn + c génère un nombre extraordinairement grand de nombres premiers. Au XVIIIe siècle, Euler avait avancé la formule n2 + n + 17. Vérifiez sur tableur de calculette que pour n = 0 à n = 15 cette formule donne des nombres premiers. Plus tard Euler proposa n2 − n + 41. Voyez vous des diagonales ne contenant aucun nombre premiers ? III.3 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 289 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 288 225 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 242 287 224 169 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 184 243 286 223 168 121 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 134 185 244 285 222 167 120 81 50 51 52 53 54 55 56 57 92 135 186 245 284 221 166 119 80 49 26 27 28 29 30 31 58 93 136 187 246 283 220 165 118 79 48 25 10 11 12 13 32 59 94 137 188 247 282 219 164 117 78 47 24 9 2 3 14 33 60 95 138 189 248 281 218 163 116 77 46 23 8 4 15 34 61 96 139 190 249 280 217 162 115 76 45 22 7 5 16 35 62 97 140 191 250 279 216 161 114 75 44 21 20 19 18 17 36 63 98 141 192 251 278 215 160 113 74 43 42 41 40 39 38 37 64 99 142 193 252 277 214 159 112 73 72 71 70 69 68 67 66 65 100 143 194 253 6 276 213 158 111 110 109 108 107 106 105 104 103 102 101 144 195 254 275 212 157 156 155 154 153 152 151 150 149 148 147 146 145 196 255 274 211 210 209 208 207 206 205 204 203 202 201 200 199 198 197 256 273 272 271 270 269 268 267 266 265 264 263 262 261 260 259 258 257 Le petit théorème de Fermat, une propriété caractéristique ? Théorème 4 (Le petit théorème de Fermat.). Si p est un nombre premier et a un entier naturel non divisible par p, alors : ap−1 ≡ 1 mod p. ≪ Comme ap − a = a(ap−1 − 1), alors par le théorème de Gauss, un énoncé équivalent est : Si p est un nombre premier et si a est un entier quelconque, alors ap − a est un multiple de p. 4 ≫