Eléments en vue d’une position d’associations françaises sur Genre et changement climatique Document de travail, ne pas diffuser Texte proposé par Adéquations, Yveline Nicolas 13/11/2014 Envoyer vos contributions : [email protected] Introduction /contexte La 21ème Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques aura lieu du 30 novembre au 11 décembre 2015 en France sur le site Paris Le Bourget. Cette Conférence est stratégique car elle est censée aboutir à un nouvel accord international juridiquement contraignant sur le climat, applicable à tous les pays à partir de 2020, visant à maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C d’ici 2100. Un Sommet climat a été organisée par les Nations unies le 23 septembre 2014 pour mobiliser les chefs d’Etat. La 20ème Conférence des parties à Lima au Pérou du 1 au 12 décembre 2014 doit jeter les bases d’un premier texte de négociation sur l’accord 2015. Les pays devront faire connaître leurs propositions pour la réduction des émissions d’ici mai 2015. L’Union européenne a adopté le 24 octobre son paquet climat énergie 2030 (peu ambitieux)1. La France s’apprête à voter une loi sur la « transition énergétique pour la croissance verte ».2 Deux réunions de négociation de la CCNUCC auront lieu à Bonn en juin et octobre 2015. Cet agenda s’inscrit aussi dans le processus « post 2015 » visant à adopter des objectifs de développement durable (ODD) universels, sur la base d’une proposition de 17 ODD formulés par les Nations unies. En France des organisations de la société civile se mobilisent au sein de la Coalition Climat 2015, qui participe également aux concertations organisées par les pouvoirs publics français (ministère des Affaires Etrangères et du Développement International, ministère du Développement Durable). Au sein du groupe français Genre et développement soutenable des associations élaborent des propositions depuis la conférence Rio + 20. Analyse Genre et climat Le 5ème rapport du GIEC, publié le 2 novembre 2014, a confirmé la gravité de la situation : selon un scénario possible, le réchauffement global pourrait approcher des 5° d’ici 2100 si la tendance actuelle de consommation des énergies fossiles n’est pas Diminution de 40 % d’ici à 2030 des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, part des énergies renouvelables de 27 % contre 14 % actuellement et 27 % d'économies d'énergie, ces deux derniers objectifs étant non contraignants 1 Objectifs principaux : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030 et les diviser par quatre à l’horizon 2050 (facteur 4). Réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012 et porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030. Réduire la consommation d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à 2012. Porter la part des énergies renouvelables à 23% de notre consommation énergétique finale brute en 2020 et à 32 % en 2030. Porter la part du nucléaire à 50% dans la production d’électricité à l’horizon 2025 2 1 inversée, ainsi que la déforestation. D’ores et déjà les effets du changement climatique se font sentir notamment dans les zones les plus fragiles : sécheresses, inondations Le groupe Genre et développement soutenable inscrit ses positions dans celles des coalitions de la société civile dont certains de ses membres font partie (coalition Rio + 20 et post 2015, coalition climat, Women Major Group…) : - Nécessité d’articuler la question du climat avec l’enjeu transversal du respect des droits humains et de la justice sociale – intégrant les droits humains des femmes - Reconnaissance des biens communs mondiaux, de leur protection et non marchandisation - Principe de responsabilité commune mais différenciée, compte-tenu de la participation inégale au déséquilibre climatique des pays et groupes humains à l’intérieur des pays - Approche de justice climatique : transferts pour le financement de l’adaptation et de l’atténuation dans les pays les plus pauvres - D’abord ne pas nuire : arrêter les subventions aux industries polluantes, ainsi qu’aux « grands projets inutiles » (barrages, exploitations agricoles démesurées…) et les diriger vers des pratiques soutenables (agroécologie, énergies renouvelables, relocalisation de la production et de la consommation…) - Revoir les approches « néo-libérales » : les marchés et les mécanismes de finances carbones alimentent des spéculations au lieu de concourir à résoudre le problème. Les milieux d’affaires et industries polluantes qui sont responsables d’une partie importante des émissions de GES prennent de plus en plus de place dans les négociations et les mécanismes onusiens et de l’Union européenne Il est maintenant largement reconnu que « Les femmes sont affectées de manière disproportionnée par les impacts du changement climatique, tels que les sécheresses, inondations et autres événements météorologiques extrêmes, mais elles jouent aussi un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique. » (CCNUCC http://unfccc.int/gender_and_climate_change/items/7516.php 2012). Les femmes constituant 70 % des pauvres et du fait de leurs rôles socialement construits sont particulièrement touchées (eau, énergie, agriculture, ainsi que les violences, migrantes et réfugiées) alors qu’en moyenne elles consomment moins d’énergie. Un autre problème est que les négociations et les groupes de travail scientifiques sont majoritairement menés par des hommes. Progressivement, les questions de genre ont été prises en compte. La 18ème session de la Conférence des parties avait décidé d’un suivi des progrès en matière de parité dans la représentation dans les organismes de négociations et de décision et de prise en compte du genre dans les politiques climatiques. Le Global Gender Climate Alliance, lancé à la conférence de Bali en 2007 (WEDO, PNUD, et UICN) a pour objectif d’assurer que les politiques sur le changement climatique, la prise de décisions, les initiatives au niveau global, régional et national prennent en compte le genre. Le Cadre d’action de Hyogo 2005 – 2015 (stratégie internationale pour la prévention des catastrophes) indique « la perspective de genre devrait être intégrée dans toutes les politiques de gestion des risques de catastrophe, et des plans et des processus de prise de décisions, y compris celles relatives à l'évaluation des risques, l'alerte rapide, la gestion de l'information, l'éducation et la formation ». Malgré ces prises de conscience de l’importance d’une approche de genre, on peine à sortir d’une rhétorique sur l’importance des femmes, « à la fois victimes et actrices ». En particulier en France, pays où se tient la Conférence des parties de 2015, il n’y a 2 quasiment aucune reconnaissance et aucun soutien aux associations travaillant spécifiquement sur genre, environnement et développement durable, qui sont quasiment absente des discussions nationales et internationales faute de moyens. Propositions La prise en compte du genre dans la question du climat renvoie à la prise en compte du genre dans l’ensemble des politiques environnementales, économiques, sociales et dans la participation équitable de l’ensemble des acteurs de la société civile. L’égalité femmeshommes, l’autonomisation des femmes, la lutte contre les violences fondes sur le genre constituent un enjeu transversal qui conditionne l’atteinte d’un développement humain durable3. En particulier, nous attirons l’attention sur la nécessité de mieux articuler les processus des conventions et des plans d’action sur changement climatique, biodiversité, désertification : actuellement l’érosion massive de la biodiversité (objectifs d’Aïchi) semble beaucoup moins bien prise en compte au niveau local et global que la question du climat. Pourtant la protection de la biodiversité – intégrant le développement de pratiques agro-écologiques adaptées à chaque contexte – sont des facteurs essentiels de résilience. Un autre point stratégique à la fois pour l’environnement et pour l’égalité femmeshommes est l’aménagement urbain durable intégrant le genre (gouvernance – actuellement non paritaire - modes de transport, aménagement de l’espace, agriculture urbaine…). On parle souvent des pays pauvres en matière de genre et climat, mais cette question doit être prise en compte dans les pays ou les couches sociales qui surconsomment. Un exemple : le contrôle des émissions de GES est directement liée au mode de production et de consommation, or il existe un lien entre sexisme et marketing (assimilation par la publicité du corps féminin à la consommation, marketing genré entrainant un surcroit de gaspillage par la création de produits sexospécifiques…) Par ailleurs un rééquilibrage entre la sphère marchande / de consommation et la sphère d’utilité sociale / care / culture pourrait avoir un impact doublement favorable : diminution de la consommation d’énergie et de ressources non renouvelables + amélioration de l’articulation vie personnelle / vie professionnelle + développement d’activités économiques viables telle que l’économie sociale et solidaire • Assurer la parité dans les équipes de négociation et à tous les niveaux décisionnels ; financer la représentation systématique de groupes de femmes ayant des actions sur le terrain (eau, assainissement, déchets, semences, agroforesterie, agriculture vivrière, énergie rurale etc.) • Prise en compte du genre dans l’ensemble des objectifs et indicateurs qui pourront être décidés dans le cadre post 2015 • Prendre en compte particulièrement le fait que les femmes, par leur travail de care gratuit, subventionnent l’économie de production, que cette charge de travail s’accroit avec les déséquilibres climatiques, et que son partage équitable entre hommes et femmes doit être organisée (notamment par la création de services publics), d’autant que par ailleurs les femmes (notamment monoparentales) sont plus touchées par la Ces questions sont développées dans les documents de position du groupe français Genre et développement soutenable élaborés dans le cadre « Rio + 20 » et « post 2015 » http://www.adequations.org/spip.php?rubrique379 3 3 précarité énergétique, le logement dégradé, des trajets longs et modes de transports non durables, etc. • Rappeler l’obligation d’intégrer une perspective de genre et de budgétisation sensible au genre dans les stratégies climat énergie, toutes stratégie de développement durable4 et agendas 21 • Dans le cadre des fonds d’adaptation climatique (cf. fonds vert pour le climat qui doit collecter et redistribuer 100 milliards de dollars par an d’ici 2020), affecter un pourcentage de l’aide aux organisations de femmes engagées dans la préservation de l’environnement et la lutte contre le changement climatique ; affecter des moyens pour recueillir et formaliser les pratiques locales et décentralisées des femmes et pour favoriser les transferts de compétences, notamment par des recherches-actions et particulièrement pour produire des connaissances spécifiques dans le monde francophone et en Afrique. La France pourrait financer l’élaboration participative d’un outil pratique d’intégration genre et climat dans les projets de développement • Propriété foncière des femmes, accès aux biens communs ; mesures pour contrôler l’accaparement des terres et de l’eau, l’extractivisme ; respecter les droits des communautés autochtones et le leadership des femmes. Liens entre mise en œuvre Cedef et climat • Mesures contre les stéréotypes sexistes dans la consommation et l’éducation • Renforcer l’orientation, la formation et l’accès des femmes et des jeunes filles aux filières scientifiques et techniques, aux emplois créés par la transition énergétique • Vulgarisation de l’information, formations sur les liens entre genre, climat, mécanismes internationaux etc. qui doit être rendue accessible à tous et toutes et notamment les jeunes, les décideurs locaux, les ONG engagées dans des projets de développement • Nécessité d’une veille et d’évaluations documentées sur l’impact en matière de genre et de droits des femmes des initiatives publiques ou privées telles que « Divest – Invest », « Climate Smart Agriculture », REDD+ (déforestation évitée), Sustainable Energy for All (SE4ALL) des Nations unies et de la Banque mondiale… Bibliographie : indexer qq textes et positions société civile francophone • Dossier documentaire d’Adéquations sur Genre et climat énergie : http://www.adequations.org/spip.php?article1253 • Document de position du groupe français genre et développement soutenable dans le cadre post 2015 : http://www.adequations.org/spip.php?article2115 ; contribution du groupe genre et développement soutenable en vue de Rio + 20 : http://www.adequations.org/spip.php?article2115 • Genre en Action : http://www.genreenaction.net/spip.php?article9497 ; http://www.observaction.org/genre-et-changement-climatique/genre-et-changementclimatique-prendre-en-compte-la-specificite-des-pays-francophones/ • CARE, trousse à outils de l’adaptation de base communautaire http://www.careclimatechange.org/tk/cba/fr/ • Women’s Major Group : http://www.womenmajorgroup.org/category/policy-statements ; Contribution sur les Objectifs de développement durable : changement climatique et réduction des risques de catastrophes : http://www.adequations.org/spip.php?article2100 Le projet de stratégie de développement durable de la France pour 2014-2015 est ainsi aveugle au genre (à part la mixité des métiers et l’égalité professionnelle dans la RSE) 4 4 Proposition à voir En plus du texte de base de position, établir des fiches courtes (une page à une page et demi) pour développer certains points en fonction des compétences des associations. Exemple : Genre, climat, agriculture-alimentation Genre, climat, biodiversité, semences Genre, climat, villes durables Genre, climat, lutte contre les stéréotypes Genre, climat, Aide publique au développement Genre, climat, santé environnementale Genre, climat, conflits armés etc 5