Fragilité du sujet âgé Dépistage et diagnostic Éléments de prise en charge Dr Marc Harboun, Clinique médicale de la Porte Verte, Versailles Paradigme de la fragilité • La fragilité peut se définir comme une diminution de la capacité à réagir face à un stress par baisse des réserves fonctionnelles. • Elle augmente la vulnérabilité et les risques d’effets néfastes tels que la survenue d’une pathologie aigüe, la progression d’une maladie chronique, les chutes, la survenue ou la progression d’incapacités et la mort prématurée. Pourquoi identifier un patient âgé fragile ? • La Fragilité est associée à : – Survenue et fréquence des chutes – Nombre d’hospitalisations – L’augmentation de la dépendance pour les activités de la vie quotidienne (ADL) et donc à mobiliser des aides – La difficulté à marcher – L’ entrée en institution – Risque infectieux (survenue d’infections à CMV, BK …) – Dénutrition – Risque de complications post-chirurgicales, iatrogènes ou après une chimiothérapie – La mortalité à court terme Fried L J Gerontol Med Sci 2001, Gill TM JAMA 2004, Wang Am J Epidemiol 2010 Données épidémiologiques • Prévalence sous estimée car pas de réelles études de cohorte • Prévalence de fragilité : – 3 % entre 65-70 ans – 25 % après 90 ans • Incidence de fragilité : – 72/1000 p.a. ( Cardiovascular Health Study ) – 191/1000 p.a. (Women’s Health Aging Study) Repérage de la fragilité Entre 1980 et 1990 : Les critères de l’évaluation gériatrique standardisée (ADL, IADL, comorbidité, évaluation cognitive, thymique, sociale, nutritionnelle, risque de chute, marche, sociale….) repéraient la fragilité et guidaient les prises en charge invasives en particulier en cancérologie. Critères statistiques d’évaluation (modèles statistiques multivariés) : – Dans les années 1990: Dépendance et poly-pathologie – Depuis 2001: critères de Linda Fried (gold standard actuel) Impression clinique de Fragilité Impression clinique vs critères statistique de L. Fried 1. Impression clinique : Approche plus globale ajoutant à la fragilité physique une dimension psycho-cognitive et sociale. 2. Critères de L. Fried (issus des données statistiques) : • 5 critères – – – – – • Perte de poids involontaire au cours de la dernière année Vitesse de marche lente Faible endurance Faiblesse/fatigue Activités physiques réduite Trois états facilement repérables: rables 1. non fragile (pas de critères) 2. pré-fragile ou intermédiaire (1 à 2 critères) 3. fragile (3 ou plus) Fried L J Gerontol Med Sci 2001 Phénotype de la fragilité modèle de L. Fried Marqueurs biologiques de la fragilité • Augmentation des GB (PNN et monocytes) – Augmentation lymphocytes CD8 – Diminution du rapport CD4/CD8 – Lymphopénie • Élévation de la CRP, IL 6 – Anémie, diminution IGF-1 – Consommation protéique (albumine) • Diminution de la réaction immunitaire, immunitaire dysrégulation endocrinienne Vitesse de la marche et fragilité • La vitesse de marche semble être le marqueur le plus précoce de fragilité : – Corrélée à la mortalité et au déclin fonctionnel si < 1 m/s (OR entre 4 et 7) (IAGG 2009) – Corrélée au risque de fracture du col fémoral (cohorte EPIDOS) – Mesurée sur 4 ou 6 m , elle est aussi performante que des échelles de risque de chute – Valeurs seuils : • > 1m/s prédit la mortalité • > 0,8 m/s pour les événements péjoratifs (seuil retenu par les groupes d’experts cad > 5 sec pour faire 4 m) La vitesse de marche • Changement de la vitesse de marche ++ • L’ augmentation de 0,1 m/s augmente la survie (réduction de 18% de décès) (Hardy, 2007) • Utilisée dans les études : – Iatrogénie (nombre de médicaments prescrits et diminution de la vitesse de marche) Xue et Fried, J Epidemiol, 2008 Quelle prévention de la fragilité ? • Constat : – Plus les patients sont actifs physiquement (marche au moins 2 fois par semaine, course à pied, danse ..) et moins il existe de dépendance à 3 ans vs patients identiques mais sédentaires (Wu, J Am Geriatr Soc 1999) – Confirmé dans plusieurs études longitudinales • Mécanisme Physiopathologie : – Diminution de la force musculaire associée à une perte de la masse musculaire de 10 à 15 % entre 70 et 80 ans. – Programme d’entrainement musculaire et de marche avec l’objectif d’augmenter l’endurance (augmentation de VO2 max) – L’endurance améliore le travail en aérobie et la masse musculaire (Harber, Am J Physiol Regul Integr Comp 2009) Quelle prévention de la fragilité ? • Etudes interventionnelles d’exercices de résistance musculaire : • Les exercices de résistance musculaire augmentent la force musculaire (revue Cochrane de 74 articles, 2009) • Des patients de maison de retraite augmentaient leur force musculaire de 95% après 10 semaines d’exercice de résistance musculaire (Fiatatone, 2005) • Ces exercices chez patients fragiles et non fragiles augmentent la vitesse de la marche (Fiatatone, 2005) de façon linéaire avec la répétition des exercices. • Combinaison d’exercices en aérobie et de résistance ont un effet synergique sur la vitesse de la marche avec un effet préventif sur le déclin fonctionnel (Pahor, 2006) Effet des exercices sur la fragilité • Réduction du risque de chute chez de patients âgés vivant à domicile (environ 20 %) et en maison de retraite (environ 50 %). • Exercices de résistance diminuent le risque de dépendance pour les AVQ (Cochrane, Liu, 2009) • Un programme associant travail de résistance et d’équilibre permet une diminution du risque de dépendance si fragilité modérée seulement. Effet sur le phénotype fragile de l’exercice • Réversibilité du phénotype « fragile » de 18% à 6 mois (Peterson, 2007) • Etude en cours associant programme d’exercice en aérobie et de résistance musculaire (Fairhall, étude LIFE). • Effet identique chez les patients atteints de démence d’Alzheimer avec réduction du risque de chute de 23 % (Gillespie, 2009) (si compliants) Conclusion • La physiopathologie et l’histoire naturelle de la fragilité est de mieux en mieux connu impliquant un syndrome inflammatoire qui entretien et aggrave la fragilité avec comme répercussion une sarcopénie et un trouble de la marche. • Le marqueur le plus simple de dépistage de la fragilité est la réduction de la vitesse de la marche (> 5 sec en 4 m). • 5 critères de L. Fried utiles dans des stades plus avancés. • Peut être réversible • Recommander l’exercice régulier aux patients fragiles (marcher 2 fois 30 minutes à 1 heure par semaine)