Partie 1 Page 11 vendredi 12 mai 2000 10:59 GÉNÉRALITÉS Partie 1 : Généralités O H N C’est Nicolas Lémery qui, le premier, a divisé la chimie en deux domaines : • chimie minérale (à partir de la matière inerte) ; N H O • chimie organique (à partir des organismes vivants). L’indigo En 1828,Wöhler en synthétisant l’urée à partir de corps minéraux (CO, CO2 et NH3) démontrait que la « mystérieuse force vitale » supposée à l’origine de la chimie organique était sans fondement. À partir de cette date, un très grand nombre de synthèses organiques ont été réalisées. Aux premières molécules simples du début de la chimie, l’éthanol en 1828, l’acide éthanoïque en 1843, le méthane en 1845, ont succédé rapidement des molécules plus complexes : • l’indigo (C16H10N2O2) synthétisé en 1878 par Baeyer ; • la chlorophylle (C55H72MgN4O5), la vitamine B12 (C63H88CoN14O14P) toutes deux synthétisées par Woodward en 1973. La chimie organique est la chimie de tous les composés du carbone à l’exception des oxydes (CO, CO2), des carbonates et des cyanures. On y trouve une incroyable variété de molécules aussi bien naturelles qu’artificielles (sucres, protéines, médicaments, polymères…). Le nombre des composés connus dépasse actuellement vingt millions. Structure de l’ADN décrite par Watson et Crick (1953). Les composés organiques sont généralement des composés moléculaires ; les liaisons sont donc de type covalent. 11 Partie 1 Page 12 vendredi 12 mai 2000 10:59 GÉNÉRALITÉS A. THÉORIE DE LEWIS A. 1. Mise en commun de deux électrons Selon la théorie de Lewis, il y a formation d’une liaison de covalence entre deux atomes lorsque deux électrons de valence (soit une paire d’électrons) sont mis en commun entre ces deux atomes. Dans le cas d’une liaison covalente simple, chaque atome apporte un électron, la liaison obtenue est formée par la mise en commun de ces deux électrons : il s’est formé une paire d’électrons de liaison. Dans d’autres cas, il peut y avoir plusieurs paires de liaisons mises en commun entre deux atomes : il y a alors formation d’une liaison covalente multiple (double ou triple). Pour représenter une liaison covalente en théorie de Lewis, on utilise un trait reliant les deux atomes liés : H H A. 2. Quelques exemples Dans la molécule de méthane (CH4), quatre atomes d’hydrogène, possédant chacun un électron (1s1), s’associent avec un atome de carbone qui possède quatre électrons de valence sur sa couche externe (2s2 2p2). Chacun de ces quatre électrons va former avec un électron d’un atome d’hydrogène une paire d’électrons, donc une liaison covalente : H H C H H Dans la molécule d’éthyne (ou acétylène C2H2), il se forme une triple liaison entre les deux atomes de carbone : H C C H Chaque atome de carbone met en commun trois électrons avec l’autre atome de carbone, formant ainsi trois paires d’électrons donc trois liaisons de covalence. A. 3. Géométrie : méthode VSEPR La représentation de Lewis est conventionnelle : elle indique seulement l’existence des liaisons de covalence dans la molécule considérée, elle ne donne aucune indication sur la forme géométrique de cette molécule. Celle-ci est obtenue en appliquant la théorie VSEPR (Valence Shell Electrons Pair Repulsion), soit en français RPECV (Répulsion des paires d’électrons dans la couche de valence). Selon cette théorie, les liaisons et les doublets libres se déploient autour d’un atome de manière à occuper le maximum d’espace. Le tableau ci-dessous indique la géométrie obtenue pour un atome central A entouré de n atomes (X, identiques ou différents), et de y paires d’électrons (E), la molécule est alors notée AXnEy. 12 Partie 1 Page 13 vendredi 12 mai 2000 10:59 COURS Comme le montre le tableau, la molécule de méthane est tétraédrique et la molécule d’acide cyanhydrique HCN est linéaire (les trois atomes sont alignés). La forme géométrique de la molécule AXnEy est fonction de la somme n + y. L’application du principe de répulsion minimale conduit aux formes résumées ci-dessous : nombre de paires liées non liées total 2 0 2 3 0 notation forme(a) représentation AX2 linéaire A AX3 trigonal (120°) A SO3, BH3, H3C+ exemples CO2, HC N 3 2 1 AX2E forme en V (120°) A SO2, O3 4 0 AX4 tétraédrique (109°) A CH4, NH4+ 3 1 AX3E pyramide aplatie (107°) A NH3, H3O+ 2 2 AX2E2 forme en V (109°) A NH2– , H2O 4 (a). sans considérer les doublets libres représentés par : B. RÈGLE DITE DE L’OCTET B. 1. Énoncé de la règle de l’octet Si on étudie la structure électronique de nombreuses molécules on observe que la configuration électronique externe la plus stable d’un atome est généralement celle du gaz rare qui le suit ou qui le précède dans le tableau périodique. 13 Partie 1 Page 14 vendredi 12 mai 2000 10:59 GÉNÉRALITÉS Dans les exemples qui suivent, le gaz rare est indiqué entre parenthèses : CH4, C (néon) et H (hélium) ; H C C H, C (néon) ; NaCl, Na+ (néon) et Cl– (argon). Pour les éléments de la deuxième période, les plus fréquents en chimie organique (C, O, N) : « la stabilité maximale est obtenue lorsque chaque atome est entouré de huit électrons ». Notons que dans cette règle dite « règle de l’octet », on compte les électrons liés et les électrons non liés de la couche électronique externe de l’atome. Dans le cas de l’hydrogène (première période), les atomes ne s’entourent que de deux électrons (structure de l’hélium). Dans la molécule d’ammoniac NH3, l’atome d’azote possède cinq électrons sur sa couche externe (2s2 2p3). L’atome d’azote met en commun trois électrons avec les trois atomes d’hydrogène formant ainsi trois paires d’électrons donc trois liaisons de covalence. Il lui reste deux électrons, soit une paire d’électrons non liés. La règle de l’octet est respectée puisque l’atome d’azote dans la molécule est maintenant entouré de six électrons liés et de deux électrons non liés. H N H H B. 2. Exceptions à la règle de l’octet Il existe un certain nombre d’exceptions à la règle de l’octet, par excès ou par défaut. • Le nombre d’électrons peut être inférieur à 8, c’est le cas pour l’atome d’hydrogène. Mais cela se produit pour d’autres molécules notamment les dérivés du bore. Dans la molécule de triméthylborane, l’atome de bore n’est entouré que de trois paires d’électrons liés. Les deux électrons manquants sont signalés par une case vide ( ) symbolisant le défaut d’une paire d’électrons sur l’atome de bore ; H3 C B CH3 CH3 • Le nombre d’électrons peut être supérieur à 8 pour un atome situé au-delà de la deuxième période. À titre d’exemple, on connaît les phosphines de formule générale R3P dans lesquelles l’atome de phosphore est entouré de huit électrons ; mais également les dérivés pentasubstitués comme (C6H5)5P dans lesquels l’atome de phosphore est entouré de 10 électrons. Cette possibilité de dépasser le seuil de 8 électrons est due à l’existence d’une orbitale 3d pour les atomes de la troisième période alors que l’octet constitue une limite supérieure pour les atomes de la seconde période(1). (1 ) L’oxyde de triphénylphosphine peut être représenté par (C6H5)3P 14 O alors qu’un oxyde d’amine est représenté par R3N O . Partie 1 Page 15 vendredi 12 mai 2000 10:59 COURS C. CHARGE FORMELLE C. 1. Définition La liaison covalente peut aussi être formée à partir de deux électrons apportés tous les deux par un seul des deux atomes engagés dans la liaison ; c’est le cas de l’ion ammonium (NH4+). On peut considérer que l’ion NH4+ est formé à partir de NH3 et de l’ion H+ (zéro électron). Dans cet ion, rien ne distingue une liaison de covalence issue de la mise en commun d’un électron de l’azote et d’un électron de l’hydrogène, de la liaison obtenue par la mise en commun du doublet d’électrons libres de l’azote. Toutefois, en raison de ce partage du doublet de l’azote, on peut dire que l’atome d’azote « a perdu » un électron et qu’il a acquis une charge formelle (+)(1). H H N H H C. 2. Méthode de calcul Pour calculer la charge formelle d’un atome, on détermine : • nv le nombre d’électrons de valence de l’atome isolé ; • le nombre de liaisons covalentes partant de l’atome ; • le nombre d’électrons non liants. La charge formelle de l’atome est donnée par : q = nb d’électrons de valence – nb de liaisons – nb d’électrons covalentes non liants de l’atome isolé Pour l’atome d’azote dans l’ion NH4+, nv = 5 ; q = 5 – 4 – 0 = + 1 Ce décompte est formel, il ne tient pas compte de la véritable répartition dans l’espace des électrons formant la liaison. Ainsi, lorsque deux éléments n’ont pas la même électronégativité, cette répartition n’est pas symétrique : la charge réellement portée par l’atome est différente de la charge formelle. (1 ) La présence d’une charge n’est pas incompatible avec la règle de l’octet. Dans le cas de l’ion ammonium, l’atome d’azote est bien entouré de quatre doublets de liaisons et vérifie toujours la règle de l’octet. Autrefois, on utilisait une autre technique pour représenter ce genre de liaisons : la liaison donneur-accepteur. Cette méthode est toujours employée pour préciser la structure des complexes. 15 Partie 1 Page 16 vendredi 12 mai 2000 10:59 GÉNÉRALITÉS C. 3. Exemples Dans la molécule d’acide cyanhydrique H C N : - pour l’atome de carbone, q = 4 – 4 = 0 ; - pour l’atome d’azote, q = 5 – 3 – 2 = 0. Dans l’ion cyanure N C : - pour l’atome de carbone, q = 4 – 3 – 2 = – 1 ; - pour l’atome d’azote, q = 5 – 3 – 2 = 0. D. PURIFICATION DES COMPOSÉS ORGANIQUES Avant de chercher à déterminer la formule d’un composé organique, il faut le purifier. La méthode mise en jeu dépend de l’état physique du mélange. • Si le mélange à séparer est liquide, on utilise la distillation fractionnée. Les composés organiques pouvant être facilement décomposés par la chaleur, la distillation est fréquemment conduite sous pression réduite ce qui permet d’abaisser la température d’ébullition. • Avec un mélange à l’état solide, on emploie la cristallisation fractionnée. Il faut disposer d’un solvant dans lequel le composé recherché est peu soluble à froid : on dissout le mélange solide dans le solvant à l’ébullition puis, par refroidissement, le composé recherché précipite. • La chromatographie est une technique basée sur la différence d’affinité de divers produits à l’égard : - d’une phase solide appelée phase stationnaire ; - d’une phase liquide (ou gazeuse) l’éluant. L’éluant entraîne plus ou moins facilement les divers composés du mélange ce qui permet de les séparer. D’autres techniques moins courantes telles que l’entraînement à la vapeur, la sublimation sont également utilisées. La formule brute indique la composition atomique de la molécule, on l’écrit : CxHyOzNt… À partir de la composition centésimale (pourcentages déterminés par micro-analyse), la détermination de la masse moléculaire molaire permet d’atteindre la formule brute en appliquant les relations : 12x y 16z M 12x %C --------- = --------- = --------- = … = --------- ou --------- = --------- . %C %H %O 100 y %H Pour déterminer la masse moléculaire molaire, on dispose de plusieurs méthodes, la plus moderne étant la spectrographie de masse ; les anciennes méthodes sont toutes basées sur la loi de Raoult(1) (cryométrie, ébulliométrie, tonométrie, osmométrie). (1 ) Voir cours de Thermodynamique chimique. 16