REVUE ALGERIENNE DE PHYSIQUE VOLUME 2, NUMERO 2 2015 MODELISATION EXPERIMENTALE ET THEORIQUE D’UNE SUBSTANCE COMPLEXE M. Amoura(1,*) , N. Zeraibi(2), M. Gareche(2) et A. Benzaoui(1) 1 Université des Sciences et de la technologie Houari Boumedienne, Faculté de Physique, Dépt. Energétique. B.P. 32 El-Alia, 16111 Bab-Ezzouar, Alger, Algérie. 2 Université de Boumerdes, Faculté des hydrocarbures, Dépt. Transport et Equipements, Avenue de l’indépendance, 35000 Boumerdes, Algérie. (Reçu le 17 Avril 2015 ; accepté le 18 Octobre 2015 ; publié en ligne le 20 Octobre 2015) RESUME: Le comportement rhéologique d’un fluide modèle (solution de carboxymethylcellulose) ainsi que les modifications de ce comportement avec la température sont analysés. En effet, la réussite des études sur les écoulements de fluides non Newtoniens repose avant tout sur l’utilisation d’un matériau modèle correctement caractérisé rhéologiquement. Deux approches différentes sont utilisées. La première, de type phénoménologique, utilise des modèles classiques de comportement. La seconde approche est basée sur des modèles structuraux. Dans le but de déduire les paramètres rhéologiques des modèles étudiés, nous avons élaboré un programme d’identification utilisant la méthode de Levenberg-Marquardt. Cette méthode est l’une des plus robustes et des plus employée dans les problèmes difficiles de modélisation non linéaire. MOTS CLES: Fluide non-newtonien, Caractérisation, Rhéomètrie, Méthode de Levenberg-Marquardt. I. INTRODUCTION La caractérisation rhéologique d’un fluide non-Newtonien est fondamentale pour la réussite des études sur les écoulements de ce type de fluide, en particulier, ceux présentant un seuil de contrainte [1-4]. Dans ce travail nous nous proposons, d’effectuer une caractérisation rhéologique fine d’un matériau modèle (solution de carboxymethylcellulose) [5] et les modifications de ce comportement avec la température. Pour cela, nous utiliserons deux approches différentes. La première, est phénoménologique, qui utilise des modèles classiques de comportement. Ces modèles intègrent un ou plusieurs paramètres caractéristiques du fluide ou du type de comportement. La seconde est une approche se basant sur des modèles structuraux. Ces modèles supposent que la structure des fluides est stable, donc le temps d’application de la contrainte ou du cisaillement n’influe pas sur le modèle [6]. (*) Corresponding author, [email protected] Pour déduire les paramètres rhéologiques des modèles étudiés, nous avons élaboré un programme d’identification utilisant la méthode de Levenberg-Marquardt. Cette méthode est l’une des plus robustes et la plus employée dans les problèmes difficiles de modélisation non linéaire [710]. II. METHODE EXPERIMENTALE Nous avons mesuré expérimentalement la viscosité apparente d’une solution de carboxymethylcellulose à différentes concentrations. Il est bien connu que, dans de nombreux cas, la connaissance de la relation contrainte de cisaillement – vitesse de cisaillement suffit à caractériser complètement le comportement d’un fluide. Les expériences ont été réalisées sur un rhéomètre de la société Haake appelé Rotovisco, constitué de deux cylindres coaxiaux en acier inoxydable dont le 96 © 2015 Association Algérienne de Physique Amoura, Zeraibi, Gareche et Benzaoui Rev. Alg. Phy., Vol.2, N°2, 2015 cylindre intérieur, de rayon Ri, tourne à une vitesse définie. Le cylindre extérieur de rayon Re, est fixe. Le couple résultant permet de mesurer avec précision la viscosité du fluide. Lorsque le régime est permanent, la contrainte r en tout point de l’espace annulaire est donnée par : M r 2 r 2 L où M est le moment du couple exercé sur le cylindre tournant et L la longueur des cylindres. d’accéder à la contrainte et à la vitesse de cisaillement ̇ . La représentation de Log( )en fonction de Log( ̇ ) permet de déduire les caractéristiques rhéologiques du fluide. Une étude systématique de l’influence de la concentration et de la température sur la rhéologie du fluide a été menée. III. ETUDE THEORIQUE L’approximation de données numériques par un modèle non linéaire : y = f (X,C) conduit à minimiser la fonctionnelle : = ou = (1) où Z : est la fonction scalaire ei : est l’erreur commise en prédisant y par f(X,C) défini par : ei = yi – f (X,C) f (X,C) est le modèle tel que f (X,C) = yi * et C représente les paramètres du modèle à calculer. Wi : sont des coefficients de pondération représentant le poids associé à chaque mesure. Ils sont définis comme suit Ri Re L i Figure 1 : Schéma d’un viscosimètre de type Couette y y* wi Cependant, le calcul du gradient de vitesse, r N , i 1, N (2) yi y*i d , nécessite la connaissance de la loi dr i 1 de répartition de la vitesse angulaire. Or, cette répartition est fonction des propriétés rhéologiques du matériau. On est donc en présence d’un cercle vicieux : pour déterminer le comportement rhéologique, il serait nécessaire de le connaître préalablement. Il est possible de contourner cette difficulté en utilisant un entrefer très faible. En effet, le cisaillement peut être considéré dans ce cas comme constant en tout point du fluide. Les deux hypothèses précédentes (cisaillement constant, entrefer étroit) conduisent à : Le principe de la méthode consiste à minimiser la fonctionnelle Z et de résoudre par la suite le système non linéaire suivant : Min (Z) = et w e [ − ( , )] [ − ( , )] = 0 (3) Cette méthode d’optimisation présente l’avantage de condenser les deux algorithmes de Newton et du gradient en un seul. En effet la méthode du gradient est de convergence linéaire : elle est donc lente relativement à la convergence quadratique de la méthode de Newton. Cependant la méthode de Newton nécessite un très bon estimé X(0) de la solution X*, alors que la méthode du . Ri i Ri Re Il est ainsi possible, à partir de la mesure du couple M et de la vitesse de rotation i , 97 Modélisation expérimentale et théorique … Rev. Alg. Phys., Vol. 2, N° 2, 2015 Contrainte de cisaillement (Pa) gradient se contente généralement d’un estimé moins précis. IV. DETERMINATION DES PARAMETRES DES MODELES 1 1000 -1 Figure 3 : Rhéogrammes en coordonnées logarithmiques pour différentes concentrations de solutions de carboxymeyhylcellulose à T=35°C 10 C=1% C=1.5% C=2% C=3% 100 C=1% C=1.5% C=2% C=3% 100 100 1 10 Vitesse de cisaillement (s ) Contrainte de cisaillement (Pa) Contrainte de cisaillement (Pa) A partir des résultats expérimentaux obtenus pour la solution de carboxymethylcellulose à différentes températures et à diverses concentrations (figures 1, 2, 3 et 4), nous avons calculé les paramètres des différentes lois rhéologiques. 100 100 10 C=1% C=1.5% C=2% C=3% 1 100 1000 -1 Vitesse de cisaillement (s ) 1000 Figure 4 : Rhéogrammes en coordonnées logarithmiques pour différentes concentrations de solutions de carboxymeyhylcellulose à T=40°C -1 Vitesse de cisaillement (s ) Figure 1 : Rhéogrammes en coordonnées logarithmiques pour différentes concentrations de solutions de carboxymeyhylcellulose à T=25°C Contrainte de cisaillement (Pa) A partir du calcul de la dispersion, qui représente la somme des erreurs relatives quadratiques moyennes : 100 1 D M M 2 * Hi X i 1 1/ 2 100 (4) 10 C=1% C=1.5% C=2% C=3% 1 100 le modèle pour lequel la dispersion est faible est celui de Carreau [11] 1000 -1 n 1 2 . 2 2 1 0 où : Vitesse de cisaillement (s ) Figure 2 : Rhéogrammes en coordonnées logarithmiques pour différentes concentrations de solutions de carboxymeyhylcellulose à T=30°C (5) n est un paramètre caractéristique du fluide étudié représentant le degré de défloculation engendré par le cisaillement et dépendant du degré de polydispersité, est la viscosité du fluide étudié, 0 est la 98 Amoura, Zeraibi, Gareche et Benzaoui Rev. Alg. Phy., Vol.2, N°2, 2015 Viscosité à cisaillement infini Viscosité à cisaillement infini viscosité du fluide étudié à cisaillement nul, est la viscosité du fluide étudié à . cisaillement infini, est la vitesse de cisaillement et le temps caractéristique dépendant du rapport entre le taux de déformation par le cisaillement et le mouvement Brownien. Dans les tableaux 1, 2 et 3, nous présentons les valeurs des paramètres de la loi de Carreau pour différentes concentrations et différentes températures. 100 10 C=3% 1 C=2% 0,1 C=1.5% C=1% 0,01 20 25 30 35 40 45 T(°C) Figure 5: Evolution de la viscosité à cisaillement infini en fonction de la température pour différentes concentrations Tableau 1: Viscosité du fluide étudié à cisaillement infini : 0 25°C 30°C 35°C 40°C 0.112 0.764 4.363 42.919 0.091 0.502 2.866 30.240 0.066 0.306 1.753 21.157 0.047 0.186 1.170 14.696 Temps caractéristique [C] % masse 1 1.5 2 3 200 C=1% C=1.5% C=2% C=3% 150 100 50 Tableau 2: Temps caractéristique : 0 20 [C] % 25°C 30°C 35°C 40°C masse 1 100 100 100 100 1.5 100 100 100 100 2 98.980 100 100.010 100.010 3 98.085 101.523 102.660 103.190 0.888 0.788 0.687 0.569 30°C 0.907 0.814 0.713 0.592 35°C 0.926 0.847 0.745 0.615 35 40 45 Figure 6: Evolution du temps caractéristique en fonction de la température pour différentes concentrations 1,0 40°C Indice d'écoulement n 25°C 30 T(°C) Tableau 3: Valeurs de l’indice d’écoulement : n [C] % masse 1 1.5 2 3 25 0.943 0.881 0.772 0.639 C=1.5% 0,8 C=2% 0,7 C=3% 0,6 0,5 20 L’effet de la température sur les paramètres rhéologique de la loi de Carreau a été montré en représentant leurs évolutions en fonction de la température (figures 5, 6 et 7). C=1% 0,9 25 30 35 40 45 T(°C) Figure 7: Evolution de l’indice de comportement en fonction de la température pour différentes concentrations 99 Modélisation expérimentale et théorique … Rev. Alg. Phys., Vol. 2, N° 2, 2015 V. CONCLUSION Dans ce travail, nous avons effectué une caractérisation rhéomètrique d’un fluide modèle. Notre choix s’est porté sur une solution de carboxymethylcellulose, viscosifiant très utilisé dans l’industrie pharmaceutique et l’industrie pétrolière. Cette caractérisation rhéométrique a été effectuée sur un grand domaine de vitesse de cisaillement, par rhéomètre à cylindres coaxiaux. A l’aide de cette étude, nous avons déterminé les paramètres rhéologiques des différents modèles étudiés : valeur du seuil de contrainte, les propriétés visqueuses du fluide …etc. L’évolution des paramètres rhéologiques en fonction de la concentration a été étudiée. Les relations des paramètres rhéologiquesconcentrations-températures obtenues peuvent fournir un moyen très simple pour prédire le comportement du fluide test considéré sans passer par des essais viscosimétriques. [1] K. Benyounes, A. Mellak et A. Benchabane, European Journal of Scientific Research, 19, 121 (2007). [2] V. Kelessidis, E. Poulakakis et V. Chatzistamou, Applied Clay Science, 54, 63 (2011). [3] W. Xie and J. Lecourtier, 38, 155 (1992). [4] M. Gareche, N. Zeraibi, A. Allal et M. Amoura, Petroleum Science and Technology, 30, 1981 (2012). [5] J.C.T. Kwak, Polymer surfactant systems, CRC Press, 46 (1998). [6] M. Amoura, Contribution à l’étude des phénomènes de transfert de chaleur des fluides non-newtoniens dans les espaces annulaires en rotation, (UMBB, 2008). [7] K. Levenberg, Quart. Appl. Math. 2, 164 (1944). [8] D.Marquardt, SIAM J. Appl. Math. 11, 431 (1963). [9] P.E.Gill et W. Murray, SIAM J. Numer. Anal. 15, 977 (1978). 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