Les Franco-Américains et le Séminaire St-Charles Borromée C ayant quitté le Québec entre 1860 et 1930. On leur accole bientôt le nom de Franco-Américains ou, plus succinctement, de Francos. omme à chaque année, les 23 et 24 décembre, de nombreux élèves du Séminaire Saint-Charles Borromée de Sherbrooke s’engouffrent dans le train du Canadien National ou du Canadien Pacifique en direction des États de la Nouvelle-Angleterre. Dans des wagons qui leur sont réservés, ils rejoignent des dizaines d’autres jeunes comme eux qui, de Montréal, de SaintHyacinthe ou d’ailleurs, retournent dans leur famille pour le congé scolaire de Noël. Ils peuvent ainsi arriver à temps pour la messe de minuit. Deux semaines s’écoulent avant qu’ils ne refassent le chemin inverse pour rentrer au Séminaire d’où ils ne ressortiront qu’à la toute fin de l’année scolaire. Cette scène se répètera durant plusieurs années à la fin du XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle. Un grand nombre de ces Américains d’adoption croient en l’importance d’une éducation se déroulant en français et dans la religion catholique pour leurs enfants. Si plusieurs écoles primaires paroissiales respectant les croyances et l’origine des Francos font leur apparition rapidement aux États-Unis, le réseau d’institutions secondaires ne se développe que très lentement. De nombreux jeunes gens empruntent donc le chemin des maisons d’éducation canadiennes. La principale source de recrutement provient cependant du clergé catholique franco-américain, lui-même majoritairement issu du Québec. En effet, les curés dirigent ceux qu’ils croient appelés à la prêtrise vers les collèges classiques d’outre-frontière d’où ils sont eux-mêmes diplômés. Ces adolescents sont en fait des descendants de Canadiens français établis aux États-Unis. Leurs parents ou grands-parents ont fui une situation économique difficile au pays. Le surpeuplement des terres agricoles, l’épuisement des sols et la mécanisation dans l’agriculture à la fin du XIXe siècle laissent de nombreux travailleurs sans emploi. Plusieurs sont attirés par les bons salaires versés dans les filatures de laine et de coton des six états de la Nouvelle-Angleterre où l’industrialisation se fait plus rapidement qu’au Québec. On estime ainsi à environ 900 000 le nombre de Canadiens français Selon l’abbé Michel Nault, dans un article paru au mois de septembre 1975 dans Le Borroméen, journal de l’Association des Anciens, 2 378 Franco-Américains ont fréquenté le Séminaire St-Charles de sa fondation, en 1875, à 1969-1970. Ces élèves proviennent principalement des villes de Manchester N.H., Berlin N.H., Lewiston Ma. et Woonsocket R.I. Il est intéressant de noter que ces Francos représentent régulièrement entre 20% et 30% de la clientèle borroméenne entre les années 1901 et 1932. Ce nombre atteint même 31,7% (127 sur 401 élèves) en 19081909. Pendant la même période, on compte 19 années où l’on retrouve plus de 100 jeunes FrancoAméricains au Séminaire avec un record de 153 en 1925-1926. À partir de 1932 s’amorce une baisse lente et graduelle du nombre de Francos au Séminaire St- ANCIENS FRANCO-AMÉRICAINS PAR ÉTAT New Hampshire ...................... 836 Maine........................................518 Massachusetts..........................447 Vermont .................................. 223 Rhode Island .......................... .204 Connecticut ................................75 New York................................... 26 Autres ........................................ 49 TOTAL........................... 2378 Charles. Conscients que leur vie se déroule désormais aux États-Unis, de plus en plus de FrancoAméricains croient que le système public anglophone prépare mieux leurs enfants à la vie qui les attend. Le phénomène d’anglicisation s’accentue ainsi avec les nouvelles générations nées en sol américain. La fin de la concordance entre les systèmes scolaires américain et québécois ainsi que la disparition du cours classique dans les années ’60 sonnent le glas d’une longue tradition de présence francoaméricaine au Séminaire de Sherbrooke. Réal Collard, Robert Ravenelle, Laurent Rodrigue en collaboration avec le Service des archives du Séminaire de Sherbrooke