François ROMON Récit à la mémoire de mon père Gabriel ROMON (18 juin 1905 - 21 août 1944) L’activité de résistant, l’arrestation, la déportation et l’exécution par l’Occupant de Gabriel ROMON, lieutenant-colonel des Transmissions, ingénieur en chef des Transmissions de l’Etat Commandant des Transmissions de l’Armée Secrète Co-fondateur du Réseau Service des Transmissions nationales(STN) Responsable du secteur radio du Réseau Super NAP Chef technique radio du Réseau Alliance (« Cygne ») Chef de mission de 1ère classe (lieutenant-colonel) des FFC (EM-PTT) Mort pour la France à 39 ans Croix de guerre 1939-45 avec palme Médaille de la Résistance Chevalier de la légion d’honneur Père de Jean-Louis, Philippe et François Récit reconstitué à partir des publications, documents et témoignages disponibles à la date du présent document. Tout apport d’information nouvelle que suggèrerait ce travail au lecteur (à la lectrice) sera le bienvenu. Toute citation dans une publication doit être référencée selon les règles déontologiques d’usage, et toute reproduction, même partielle, soumise à l’autorisation de l’auteur : François ROMON, 5 Impasse Charrière 75011 Paris, Tél. 01.43.73.34.94, [email protected] Photo Novembre 1943. Gabriel ROMON dans son bureau d’ingénieur en chef des Transmissions de l’Etat à Paris, quelques semaines avant son arrestation par la Gestapo [Archives familiales] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 2 « C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière » Ce vers de Chantecler (Acte 2, cène 3) d’Edmond ROSTAND, l’auteur de Cyrano de Bergerac, était affiché par Gabriel ROMON dans son Bureau de Directeur Technique du Groupement des Contrôles Radioélectriques (GCR) à Hauterive (Allier), de 1940 à 1943 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 3 Pourquoi un récit à la mémoire de mon père Gabriel ROMON ? Le 12 décembre 1943, lorsque deux agents de la Gestapo font irruption, revolver au poing, dans notre maison de Saint-Yorre, mon père est arrivé de la veille. Il vient de son bureau de Paris pour passer dimanche en famille. Ce jour-là, mon frère Philippe fête ses 10 ans. Ma mère essaye, en vain, de s’interposer. Mon père présente calmement ses papiers, en règle bien sûr. Philippe comprend immédiatement ce qui se passe. Mon autre frère Jean-Louis n’est pas à la maison, il apprendra la nouvelle bien assez tôt. Moi, je me mets à pleurer, et, lorsque les gestapistes repartent quelques minutes plus tard en emmenant mon père, je continue de pleurer. Mais c’est parce que j’ai faim, ma mère en a évidemment oublié l’heure du biberon. Je n’ai que trois mois. Je n’ai donc jamais connu mon père. Contrairement à mes frères qui peuvent évoquer leurs souvenirs d’enfants (Jean-Louis a onze ans au moment de l’arrestation), je ne peux qu’imaginer quel homme il était, ce qu’il a fait, pourquoi il l’a fait. Ma mère ne m’a que très rarement parlé de mon père, et je sais aujourd’hui qu’elle n’en a pas non plus beaucoup parlé à mes frères. Tout juste m’a-t-elle donné à lire les ouvrages de RODRIGUEZ [1958] et de BERTRAND [1973] lorsqu’ils sont parus1. Ce n’est qu’en 1997, deux ans avant sa disparition, que ma mère a pris l’initiative de me communiquer copie de deux articles de la Revue des anciens de SUPELEC qui évoquaient l’action de mon père2. Pourquoi un tel mutisme de ma mère pendant toutes ces années ? Trop de douleur ? Sans doute. Le présupposé que la nouvelle génération ne pourrait pas comprendre celle qui a vécu l’horreur de la Seconde Guerre Mondiale ? Peut-être. Du côté des amis de mes parents, la seule personne qui ait évoqué pour moi la mémoire de mon père est le général GILSON. Il était le « parrain militaire » des trois fils du lieutenant-colonel ROMON disparu. Ma mère m’a emmené plusieurs fois chez lui où nous étions invités à déjeuner. Cela se passait dans un appartement en duplex de la très chic avenue de Breteuil, avec vue sur l’Hôtel des Invalides. Je m’y ennuyais ferme. J’entends encore la clochette que Madame la générale agitait pour commander à la bonne d’amener le plat suivant. Quant aux discours que mon « parrain » m’adressaient, ils étaient essentiellement consacrés à mes résultats scolaires ; et lorsqu’il parlait effectivement de mon père, je ne me souviens pas avoir appris quoi que ce soit de personnel à son sujet. Pourquoi, par exemple, le général GUERIN, Directeur des Transmissions en 1947, que j’ai vu plusieurs fois chez nous lorsque j’étais enfant, qui a été un supérieur direct de mon père, ne m’a-t-il jamais parlé de lui ? Pourquoi le général COLLARD, chez qui ma mère m’emmenait également quelquefois, ne m’a-t-il pas rapporté quelque anecdote propre à stimuler mon imagination d’enfant, en se rappelant du temps où, capitaine au Groupement des Contrôles Radioélectriques (GCR) d’Hauterive, il travaillait directement sous les ordres de mon père ? Pourquoi n’ai-je jamais rencontré Marien LESCHI, l’ami de mon père, même formation, même carrière, même résistance, déporté également, rescapé du camp de Dora en 1945, premier Directeur technique de la naissante ORTF après la guerre ? Il a pourtant signé, dès octobre 1946, un vibrant hommage à son camarade Gabriel ROMON disparu3. 1 Voir la bibliographie Voir la lettre de ma mère en annexe, 17 juillet 1997 3 Voir ce très beau texte, impeccablement documenté, éditorial de La Revue des Transmissions n0 5, en annexe, octobre 1946 François ROMON, 16/08/2009 2 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 4 Pourquoi cette conspiration du silence ? La volonté de tourner la page ? C’est possible. Pourtant, l’une des recommandations que mon père fait oralement à ma mère lorsqu’il envisage l’hypothèse de sa disparition en novembre 19434 est bien « d’élever ses fils dans le souvenir de leur père ». Mon père ajoute : « Chacun a besoin d’un drapeau, que ce soit pour eux le nom que je leur laisse ». Il ne pouvait pas mieux dire. J’ai effectivement eu besoin d’un drapeau, nul doute que mon père l’aurait porté très haut, mais ma mère ne me l’a pas transmis. Pour quelle raison ? Je l’ignorerai sans doute toujours. Etant donné ce silence sur mon père, j’ai été extrêmement surpris, au décès de ma mère, de trouver dans les Archives familiales une information aussi volumineuse et aussi riche sur la carrière de Gabriel ROMON. J’ai en effet pu inventorier 184 documents, dont j’ai l’intention de faire le dépôt au Service Historique de la Défense5, sans compter les 254 lettres échangées entre mon père et ma mère, plus quelques photos. Lors de ma visite en compagnie de ma femme Jasna, en juillet 2005, à Heilbronn, là où mon père a été fusillé, j’ai constaté que les allemands eux-mêmes avaient gardé la mémoire de l’exécution de mon père et de ses 23 compagnons dans leur ville. C’est alors que j’ai entrepris de reconstituer le récit de la trop courte vie de Gabriel ROMON. Philippe a déjà évoqué la mémoire de notre père dans son livre Les croix de ma mère6. Il travaille actuellement sur un autre ouvrage consacré à l’histoire du GCR, cet organisme d’Etat, mi civil mi militaire, créé au lendemain de l’Armistice, dont notre père a été le Directeur technique. Le GCR travaillait officiellement pour le Gouvernement de Pétain. Mais son Directeur, Paul LABAT, et son adjoint, notre père, en ont fait en réalité l’instrument de la transmission d’informations sur les positions militaires allemandes, d’abord au 2ème Bureau français, puis, progressivement, au fur et à mesure que l’étau de l’occupant se resserrait, à l’Intelligence Service britannique et aux Services de Renseignement de la France Libre à Londres. L’année 2005 qui vient de s’achever a marqué les 100 ans de la naissance de mon père. La plupart de ses compagnons de résistance qui ont pu échapper à la vengeance nazie ne sont donc plus là pour témoigner. Les passants, et même les habitants, de la rue du Commandant ROMON à Saint-Yorre ou de la rue des Colonels MESNIER et ROMON à Montargis, savent-ils encore de qui il s’agit ? Plus largement, les leçons de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale ont-elles été bien assimilées ? Le sacrifice de mon père peut-il encore servir d’exemple et de guide aux générations futures ? L’une des raisons de l’échec du projet de Traité Constitutionnel Européen au référendum du 29 mai 2005, est que l’argument de l’Union Européenne comme rempart contre une nouvelle guerre sur notre continent, mis en avant par nos dirigeants, est tombé à plat : les français d’aujourd’hui considèrent la paix entre les nations d’Europe comme définitivement acquise. Dont acte. En écrivant ce récit, je souhaite cependant que mes enfants se souviennent, une fois encore, de ce qui est arrivé à leurs grands parents, qui eux non plus ne croyaient pas qu’une nouvelle guerre soit possible. 4 Voir la transcription de ces recommandations par ma mère en annexe er Voir la lettre de Mme ROUGE-DUCOS en annexe, 1 décembre 2005 6 Voir la bibliographie François ROMON, 16/08/2009 5 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 5 Fin 2005, la presse a publié les résultats d’un sondage d’opinion : 30 % des français interrogés disent ne pas être choqués par le discours de Le Pen. Les sondages d’opinion n’existaient sans doute pas au milieu des années 1930 en Allemagne ! Clemenceau, le « Père la victoire », qui a encore aujourd’hui ses avenues et ses statues dans la plupart des villes de France, est l’un des principaux artisans, avec le Traité de Versailles (28 juin 1919), de l’humiliation du peuple allemand. « L’Allemagne paiera !… ». Mes parents n’ont que trop entendu ce slogan : il a évité à nos dirigeants d’alors d’avoir à chercher des réponses plus appropriées aux besoins des français. C’est bien aussi ce slogan qui a permis à Hitler de présenter le « Diktat » de Versailles comme l’une des causes de la crise économique qui frappait ses compatriotes, et d’embarquer les chefs de l’Armée allemande dans son délire de Grand Reich. Se croyant à l’abri d’une nouvelle guerre par l’affaiblissement organisé de l’Allemagne, par la Société Des Nations, et par la Ligne Maginot, nos gouvernants de l’époque n’ont pas été à la hauteur de la situation : ils n’ont pas entendu le discours antisémite des nazis (septembre 1935) ; ils ont approuvé l’annexion de l’Autriche et feint d’ignorer le sort réservé à la Tchécoslovaquie (Accords de Munich, septembre 1938) ; ils ont laissé croire à l’opinion publique, contre toute évidence, qu’Hitler n’oserait pas s’attaquer à la Pologne. Nous connaissons la suite : d’incompétences de nos généraux en lâchetés de nos politiques, Paris est ville ouverte à l’envahisseur allemand six semaines après qu’il ait franchi notre frontière (15 juin 1940) : une incroyable déroute de l’Armée française ! L’Armistice est signé par Pétain dans les huit jours. Le Maréchal et ses amis profitent de la défaite pour instituer leur « Révolution Nationale » alors que notre pays est occupé ; ils jouent à parler « Au nom du Peuple français » au moment, précisément, où les français ne contrôlent plus rien de leur destin national. On comptera, avec la Guerre du Pacifique, qui s’ajoute à la guerre en Europe, 40 millions de tués dans le Monde avant que l’Allemagne puis le Japon ne capitulent. Il s’agit bien de tués, pas de morts. Nous mourrons tous. Mais ces 40 millions-là ont été fauchés par la mitraille ou par les obus sur les champs de bataille, ils ont été gazés ou sont morts de faim dans les camps de concentration parce qu’ils étaient juifs ou opposants, ils ont été écrasés par les bombes à Londres parce qu’ils étaient anglais, à Dresde parce qu’ils étaient allemands, ils ont été anéantis à Hiroshima et à Nagasaki parce qu’ils étaient japonais. Ou bien encore, ils ont été fusillés, comme mon père, sur le champ de tir d’Heilbronn, parce qu’il avait voulu participer à la libération de son pays. Il avait 39 ans. Mon père est un héros, c’est incontestable et incontesté : tous les documents que j’ai consultés, tous les honneurs officiels qui ont été rendus à Gabriel ROMON, promu commandant à 37 ans, élevé au grade de lieutenant-colonel, décoré de la Médaille de la Résistance et Chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume, en témoignent. Mais à cause du silence qui m’a entouré sur son histoire, cette figure héroïque du père était restée abstraite pour moi. Aujourd’hui, grâce aux recherches que j’ai entreprises, j’ai acquis une image de mon père qui n’est pas seulement admirable, mais aussi attachante. En effet, les écrits de ses camarades sur Gabriel ROMON comportent toujours, en plus de la relation attendue de ses faits d’armes, une note de sympathie pour ses qualités proprement humaines. De même, les témoins survivants que j’ai rencontrés ont tous spontanément évoqué sa droiture morale et son ascendant sur ses hommes. Ils parlent encore de mon père avec émotion 60 ans après. A travers la correspondance échangée entre mon père et ma mère, je devine que les conceptions de la vie politique, de la place de la femme dans la société, ou de l’éducation qu’il faut donner aux enfants qu’avait adoptées mon père, sont bien François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 6 différentes des miennes. Mais c’est seulement parce que son monde était tout autre que le mien ; car, in fine, je suis d’accord avec les choix qu’il a été amené à faire en étant confronté à des évènements aussi exceptionnels et aussi dramatiques. J’espère seulement que j’aurais été capable de faire les mêmes si j’avais été à sa place. J’ai cependant un grave reproche à adresser à mon père : celui de n’avoir pas su se garder en vie, et de m’avoir ainsi privé de sa présence. Je sais, en effet, que certains de ses camarades ont pu s’échapper à temps pour gagner Alger ou Londres, sans avoir pour autant démérité de la Résistance. Bien au contraire, ils ont pu ainsi continuer à la servir. D’autres ont pu revenir de la déportation. Il était donc, théoriquement, possible de résister et de survivre. Mais je sais aussi, hélas, que d’autres encore, tels le patron de mon père, Paul LABAT, ou le chef militaire du Réseau Alliance, Léon FAYE, également arrêtés par la Gestapo et déportés, n’ont même pas eu, comme mon père, la « chance » d’être fusillés et enterrés. Ils ont été abattus comme des chiens par les nazis, qui ont ensuite jeté leurs corps au feu. Nul ne saura jamais si mon père aurait pu ne pas être arrêté par la Gestapo, ou si, une fois arrêté, il aurait pu échapper à l’exécution : on ne refait pas l’histoire. En ces années 1940-1944, les plus sombres que la France n’ait jamais connues, ce qui peut apparaître aujourd’hui comme une erreur de jugement, n’était bien souvent qu’un sinistre jeu de hasard. Jusqu’à présent, mes enfants n’ont quasiment jamais entendu parler de leur grand père paternel. A cette étape de mon travail de mémoire, je peux leur affirmer que c’était un type bien. Quel dommage que eux non plus, ils ne l’aient pas connu. François ROMON, Paris, 14 avril 2008 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 7 Sommaire Sources d’information Inventaire des Archives de la Famille ROMON………………………………9 Inventaire des documents collectés……………………………………….…24 Notices biographiques et citations de Gabriel ROMON……………………31 Témoins rencontrés…………………………………………………………….33 1. Gabriel ROMON dans la guerre puis dans la Résistance……………….34 Gabriel ROMON prend l’ascenseur social Une carrière sans surprise de jeune officier polytechnicien jusqu’à la mobilisation Une guerre entièrement vécue à l’Etat-major du Général Georges, Commandant en chef sur le Front Nord-est De la résistance encouragée à la résistance tolérée pour certains officiers de l’Armée d’Armistice La résistance secrète des militaires après la dissolution de l’Armée d’Armistice, dont Gabriel ROMON Le faux problème de la date d’entrée dans la Résistance de Gabriel ROMON 2. L’arrestation de mon père à notre domicile de Saint-Yorre..………53 Pourquoi mon père a-t-il été arrêté par la Gestapo ? Les autres arrestations dans les réseaux voués au renseignement La façon dont De Brinon « s’inquiète » de l’arrestation du commandant ROMON 3. De prisons en prisons, Gabriel ROMON s’enfonce lentement dans la Nuit et le Brouillard……………………………………….…………62 La Prison militaire allemande de Moulins La Prison allemande de Fresnes (Kriegswehrmachtgefängnis Paris) Gabriel ROMON disparaît dans la Nuit et le Brouillard De la prison de Kehl à celle de Freiburg im Breisgau Le cheminement de mon père de l’arrestation à la déportation est le cheminement type d’un membre d’Alliance arrêté 4. La condamnation à mort de Gabriel ROMON et de 23 autres membres du réseau Alliance……………………………..66 Tous condamnés à mort Pourquoi mon père a-t-il été condamné à mort ? 5. « Il fut tiré dix coups sur chaque condamné… puis les corps furent déliés, mis en cercueil et enterrés »…………….70 De la prison de Freiburg im Breisgau à la prison de Schwäbisch Hall L’énoncé de la sentence de mort à la prison de Schwäbisch Hall Les dernières heures à la Caserne Schlieffen d’Heilbronn L’exécution à Heilbronn le 21 août 1944 Un an après son exécution, on espère toujours en France le retour du Commandant ROMON : Nuit et Brouillard Les traces sur le sol allemand des 24 français fusillés Le réseau Alliance : l’hécatombe des fusillés mais aussi des assassinés François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 8 6. Honneurs posthumes : Gabriel ROMON Mort pour la France……...80 Le rapatriement des dépouilles mortelles des 24 martyrs d’Heilbronn Citations et commémorations officielles Autres témoignages à la mémoire de mon père 7. Se souvient-on encore aujourd’hui du sacrifice de mon père ?........86 Qui garde la mémoire de mon père ? La mémoire des hommes La mémoire des lieux La mémoire des documents La mémoire des technologies Les allemands de Heilbronn et de Schwäbisch Hall Il faut perpétuer l’esprit de Résistance Bibliographie…………………………………………………….…………….100 Index des organismes et organisations, officielles et secrètes……...102 Illustrations du récit…………………………………………………………..104 Photos Dessins originaux Texte original Plans Liste des annexes……………………………………………………………106 Annexe supplémentaire : Les déportés du GCR……………….………108 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 9 1. Gabriel ROMON dans la guerre puis dans la Résistance Gabriel ROMON prend l’ascenseur social Mon père est né le 18 juin 1905 à Boulogne sur mer. Il fait ses études au Lycée Faidherbe à Lille, grâce à une bourse, et rentre à Polytechnique en 1925, où il choisit comme Ecole d’application le Génie. Dans une lettre de 11 pages à sa future femme, ma mère, à un moment où ils se vouvoient encore7, mon père nous en apprend beaucoup sur ses origines sociales, son enfance et son adolescence. L’ancêtre fortuné est ruiné par la confiscation de ses biens par la Révolution Française. Ses descendants ne s’en sont jamais remis et n’ont fait que de mauvaises affaires. Gabriel ROMON est le fils unique d’un père modeste instituteur, qu’il a beaucoup aimé et admiré. Son père a donné à Gabriel le goût du savoir et de l’effort, mais il meurt prématurément, alors que mon père n’a que onze ans. Mon père révèle dans cette longue lettre des traits de caractère typiques que je retrouverai dans sa correspondance avec ma mère par la suite. L’honnêteté d’abord : il ne veut rien cacher à celle qu’il veut épouser et qu’il considère comme d’un milieu social bien plus élevé que le sien (c’est effectivement la fille d’un colonel, mais, surtout, l’arrière petite-fille d’un Maître des forges). L’orgueil et l’ambition ensuite, il tient à montrer qu’il s’est fait lui-même, au mérite, il veut échapper à la vie pauvre qu’il a connue enfant et croit dans sa capacité à réussir. Une carrière sans surprise de jeune officier polytechnicien jusqu’à la mobilisation et la déclaration de guerre Les premières affectations : le lieutenant Gabriel ROMON sert d’abord au 18ème RG à Nancy, puis au 19ème RG à Hussein Dey (octobre 1929 – août 1932) A sa sortie de Polytechnique en 1926, et après son école d’application du Génie, mon père est affecté comme lieutenant au 18ème RG à Nancy en octobre 1929. Gabriel ROMON a fait la connaissance de Denise SIVOT, ma mère, en mars 1930. Selon la correspondance, quasi journalière, qu’ils échangent alors, c’est le coup de foudre réciproque : cinq mois plus tard, le 9 août 1930, ils se marient à Nancy. Denise est la fille aînée du colonel SIVOT, commandant le 18ème RG à Nancy. C’est donc au colonel commandant son propre premier régiment d’affectation, que le jeune lieutenant Gabriel ROMON doit demander la main de sa future femme ! Il n’en mènera pas large, lorsque, attendant d’être reçu, il fait antichambre dans les bureaux du colonel…mais tout se termine bien pour lui. Le deuxième régiment d’affectation de mon père, de 1931 à 1932, est le 19ème RG à Hussein Dey près d’Alger8. Une femme d’officier ne travaillait pas alors. Ma mère suit son mari de garnison en garnison. Jean-Louis naît à Alger le 22 août 1932. 7 8 Cf. Lettre de mon père à ma mère, 28 mai 1930 [Archives familiales] ème Donnera naissance au 45 Bataillon des Transmissions, à la création de l’Arme en juin 1942 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 10 Le passage par Paris : Gabriel ROMON est diplômé de l’Ecole Supérieure d’Electricité, promu capitaine, nommé à l’Etat major des Armées, breveté officier du Génie (septembre 1932 – septembre 1937) Ambitieux et toujours soucieux d’apprendre, mon père est admis à l’Ecole Supérieure d’Electricité (ESE), dont il suit les cours à partir d’octobre 1932, tout en étant affecté à l’Etablissement Central du Matériel de la Radiotélégraphie Militaire (ECMR) à Paris, que dirige alors le colonel René MARTY. Diplômé de l’ESE en juillet 1933, mon père est promu capitaine, toujours en poste à l’ECMR, le 25 décembre 1933. En juillet 1935, mon père est nommé à l’Etat Major des Armées (EMA), 3 ème Bureau, celui des opérations. Le capitaine Gabriel ROMON est breveté officier du Génie le 2 décembre 1936. Philippe naît à Paris le 12 décembre 1933. Pendant cette période, mon père a quelques ennuis de santé, qui l’amènent à suivre une cure au Lioran, en Auvergne, au mois de juin 1935. C’est l’occasion d’un nouvel échange quasi quotidien de courrier avec ma mère. Dans son hôtel se trouve une curiste dévote avec qui il parle longuement, les distractions étant rares dans cette station de cure. Il écrit alors à sa femme, à l’occasion de ces discussions, ce qu’il pense de la religion. On apprend ainsi qu’il n’a pas été élevé dans la pratique religieuse, même s’il est certainement croyant. Ma mère écrira dans son mémoire9, que c’est de cette rencontre en station de cure que date la « conversion » de mon père à une pratique catholique assidue. Pourtant, dans les lettres que mon père écrit du Lioran, il rejette, bien au contraire, une pratique qu’il qualifie « d’ostentatoire », et qu’il considère comme une perversion de la vraie croyance. C’est en fait ma mère qui poussera progressivement mon père vers la pratique religieuse : elle reviendra à la charge, en effet, très souvent tout au long de sa correspondance avec son mari. En 1935 et en 1937, trois cartes postales envoyées par mon père à ma mère de Zagreb et de Belgrade, nous apprennent que le jeune capitaine d’Etat-major Gabriel ROMON a été envoyé en mission en Yougoslavie, le pays d’origine de Jasna. En 1935 il a envoyé aussi une carte depuis Prague, et les Archives familiales contiennent également un magnifique document original avec le sceau du Roi de Roumanie sur papier gaufré, citant Gabriel ROMON à l’Ordre de la Couronne10. J’ignore, jusqu’à présent, quel était le contenu des missions de mon père dans les Balkans et les pays voisins. Sans doute une coopération militaire dans les Transmissions. L’air pur du Lioran a du être bénéfique à mon père. Malgré le pessimisme qui imprégnait sa correspondance d’alors, depuis son lieu de cure, les photos du couple de mon père et de ma mère en 1936 que contiennent les Archives familiales, sont le reflet de jours heureux. 9 Cf. Mémoire de ma mère Résister et survivre au temps de la guerre 1939-1945, APA n° 485 [Archives familiales, 01/12/1996] 10 Cf. Archives familiales [04/06/1937] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 11 Photo Mai 1936. Jours heureux sur les bords de la Marne. Gabriel ROMON se détend [Archives familiales] Photo Juillet 1936. Jours heureux à la terrasse d’un café chic à Versailles. Le capitaine ROMON a beaucoup de choses à dire, tout le monde l’écoute et sa femme le couve des yeux [Archives familiales] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 12 Le temps de commandement jusqu’à la mobilisation : Gabriel ROMON effectue son temps de commandement de capitaine au 38ème RG à Montargis. C’est là qu’il va recevoir son ordre de mobilisation (octobre 1937 – août 1939) A partir d’octobre 1937, mon père effectue son temps de commandement de capitaine au 38ème RG à Montargis (Loiret)11. La famille s’installe à Montargis12. Gabriel ROMON commence alors à préparer l’Ecole de Guerre, ambitionnant déjà une carrière d’officier général, mais, comme l’écrira plus tard ma mère13, ce n’est pas l’école de la guerre qui l’attend, mais la guerre elle-même. Une guerre entièrement vécue à l’Etat-major du Général Georges, Commandant en chef sur le Front Nord-est Deux jours avant la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, le capitaine ROMON est mobilisé. Fini le projet de se présenter à l’Ecole de guerre, il est affecté au 3ème Bureau de l’EMA, là où il servait avant de faire son temps de commandement à Montargis. En temps de guerre, l’EMA se transforme en Grand Quartier Général (GQG) et Gabriel ROMON se retrouve à La Ferté sous Jouarre au 3ème Bureau (opérations) de l’Etatmajor du Commandant en chef sur le Front Nord-est, le général Georges. Il y restera pendant toute la guerre. Ma mère veut se rapprocher de son mari. Elle sait qu’il est dans la Région parisienne, mais elle lui écrit à la Poste aux armées, car elle doit rester dans l’ignorance de l’emplacement exact du GQG. Gabriel ROMON veille à ce que la consigne soit bien respectée. Elle argumente dans ses lettres sur les inconvénients de rester à Montargis. Mon père la dissuade de s’installer à Paris : trop dangereux à cause des bombardements possibles. Ils optent finalement pour Melun, où ma mère emménage effectivement avec Jean-Louis et Philippe. Mes parents consacrent alors une grande partie de leur correspondance à organiser des rendez-vous sur Paris, où ils se retrouvent à l’hôtel à la faveur des missions dans la capitale du capitaine ROMON. Gabriel ROMON mal à l’aise dans la « drôle de guerre » (septembre 1939 - mai 1940) Durant toute la « drôle de guerre »14, mon père se plaint continuellement de son environnement. Le capitaine ROMON peste contre la bureaucratie qui règne selon lui à l’Etat-major, il trouve qu’on l’emploie mal, qu’il manque de moyens. Il écrit qu’il préférerait être sur le front à un poste de commandement, il sous-entend que les décisions prises sont mauvaises (mais il ne cite aucun nom !). Chose très rare chez lui, mon père recourt même à l’humour15 : « Quelle arme de guerre que le stylo ! J’espère bien qu’on nous fera défiler un jour sous l’Arc de Triomphe avec le Waterman sur l’épaule »16. 11 ème 38 Régiment de sapeurs télégraphistes, créé le 16 octobre 1937, dissous à l’Armistice Cf. Mémoire de ma mère Histoire d’un mariage, 1930-1944 [Archives familiales, 01/01/1996 (1)], et Mémoire de Philippe La vie d’une famille d’officier à Montargis [Archives familiales, 01/01/1996 (2)] 13 Cf. Mémoire de ma mère APA n° 485 [Archives familiales, 01/12/1996] 14 Voir ci-dessus le § De la déclaration de guerre à l’Armistice François ROMON, 16/08/2009 12 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 13 Hélas, pour une fois que mon père veut faire un bon mot, l’avenir le rendra rétrospectivement sinistre : ce sont en fait les divisions allemandes qui défileront sous l’Arc de Triomphe. Mais, comme tous les français en ce début de guerre, il est loin d’avoir seulement imaginé qu’une telle scène puisse se produire un jour. Pour lui la guerre va bientôt s’achever, et, bien sûr, les troupes françaises victorieuses défileront alors sous l’Arc de Triomphe. L’image que donne Gabriel ROMON du GQG français pendant la « drôle de guerre » est cohérente avec ce qu’en disent les historiens. D’après GARCON [2004] Le GQG formé en août 1939 par l’Etat-major, les inspections et les Directions de services mis à la disposition du Commandant en chef, a de larges attributions, et un personnel très nombreux : 1.700 personnes à fin octobre 1939, dont 500 officiers. Gabriel ROMON montre, durant cette période tendue, qu’il n’a pas un caractère facile. Il n’aime pas partager les responsabilités. Il a l’esprit très critique, et une conscience aigue de sa propre valeur. Il écrit par exemple : « L’évolution de la crise depuis quelques jours me donne une fois de plus raison avec une telle précision que je commence à être fatigué de voir juste, surtout lorsqu’il s’agit de prophétiser des choses aussi peu agréables »17. Il se montre jaloux de la réussite de son collègue direct, Edmond COMBAUX18 : « COMBAUX a magnifiquement réussi ici. J’estime qu’il n’y a pas ici de travail pour deux en temps de guerre…En doublure je ne ferai pas les choses à ma façon, et je ne serai pas apprécié »19. La mauvaise humeur manifestée dans ses lettres par mon père durant la « drôle de guerre » est telle, que ma mère se risque à lui faire des reproches, chose pourtant très inhabituelle dans sa correspondance : « Ne pourrais-tu pas essayer de supporter les gens tels qu’ils sont ?…Tu sais bien que tu as l’esprit d’un chef, et que tu t’imposeras partout quoi qu’il arrive. Ta carrière jusqu’ici en a toujours été la preuve »20. Heureusement, le capitaine ROMON ne ressent pas tous ses collègues de l’Etat-major comme des concurrents, il compte aussi des amis parmi eux. Il en a au moins un, c’est Marien LESCHI21. Il en parle à deux reprises dans sa correspondance avec sa femme, au plus fort de l’offensive allemande : 31 mai 1940 : « Nous sommes un peu inquiets du sort de LESCHI actuellement en Belgique », 3 juin 1940 : « LESCHI nous est revenu sain et sauf ». Gabriel ROMON pris dans la tourmente de l’offensive allemande (mai-juin 1940) La « vraie » guerre ne durera en France que six semaines, entre la Percée de Sedan le 13 mai 1940 et la signature de l’Armistice à Rethondes le 22 juin 1940. Elle aura été cependant extrêmement violente puisqu’elle aura fait 100.000 tués dans les rangs français, soit plus qu’en aucune période de six semaines pendant toute la Première Guerre Mondiale, pourtant terriblement meurtrière. Le 3ème Bureau, où est affecté mon père, est le plus important de l’Etat-major en temps de guerre, puisque c’est le Bureau Opérations. Gabriel ROMON est donc en première ligne de la guerre, depuis le GQG en tous cas, sinon sur le terrain. 15 C’est que son moral doit vraiment être au plus bas ! Cf. lettre de mon père à ma mère, 23 novembre 1939 [Archives familiales] 17 Cf. lettre de mon père à ma mère, 20 mars 1940 [Archives familiales] 18 Voir ci-dessus la biographie de COMBAUX au § Les Transmissions et la Résistance 19 Cf. lettre de mon père à ma mère, 9 septembre 1939 [Archives familiales] 20 Cf. lettre de ma mère à mon père, 17 septembre 1939 [Archives familiales] 21 Voir ci-dessus la biographie de LESCHI à propos de la création de l’ORA au § Du débarquement allié en AFN à celui en Normandie François ROMON, 16/08/2009 16 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 14 Les lettres que mon père écrit alors à ma mère sont si régulières (114 lettres du 27 août 1939 au 21 juin 1940) qu’elles devraient nous permettre de suivre quasiment au jour le jour la guerre elle-même. Mais le capitaine ROMON ne veut donner aucune information de nature militaire à sa femme. Sa correspondance nous informe cependant très clairement sur l’évolution de l’idée qu’on se faisait à l’Etat-major du général en chef de l’issue des combats. Si l’on se rappelle22 que la France déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, mais que la Wehrmacht ne déclenche son offensive que le 10 mai 194023, quelques citations des observations faites dans sa correspondance avec sa femme par le capitaine ROMON, suffisent à mesurer l’ampleur et la rapidité de la dégringolade que va connaître notre pays. Elles se passent, hélas, de commentaires : 29 août 1939. « Hitler s’écroulera dans peu de temps. » 4 octobre 1939. « Ou bien Hitler s’écroule maintenant…et nous serons chez nous en novembre…ou bien il se décide à agir…et dans ce cas il faut s’attendre à 15 jours de guerre terrible, après quoi, si l’Allemagne n’en est pas morte, un hiver tranquille, et nous liquiderons la question au printemps. » 13 mai 1940. « L’opinion générale est que si nous tenons bien jusqu’à samedi prochain, tout s’apaisera. Je ne suis pas de cet avis, je crois que nous n’avons pas vu encore toute l’expansion que peut prendre la bagarre et que nous aurons encore deux ou trois semaines très denses. » 31 mai 1940. « Il faut abandonner tout espoir de faire plier l’Allemagne par des moyens détournés, il faut se battre maintenant. Il faut vaincre ou périr. La situation exige le sacrifice de nos vies au besoin. » 11 juin 1940. « L’armée se battra jusqu’au bout et s’expatriera si on le lui demande. Il serait important que la France continue d’exister, en AFN par exemple. ». 22 Voir ci-dessus le § De la déclaration de guerre à l’Armistice A propos, pourquoi est-ce que l’Armée française n’a pas elle-même pris l’initiative de l’offensive François ROMON, 16/08/2009 23 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 15 Dessin 1939-1940. La guerre de Gabriel ROMON, vue par son arrière petit-fils, Anatole ROMON, 8 ans et demi : il est en bas à droite et écoute avec son appareil radio les mouvements de l’ennemi pour en informer le général en chef [Paris, 22 décembre 2005] Quant aux causes de notre déroute, mon père n’en parle quasiment jamais. Il se défait cependant de sa réserve sur ce sujet une fois24 : « Pourquoi faut-il que les pires laideurs et les désastres s’abattent sur notre pauvre pays ? Ah ! Les égoïsmes féroces, le grand régime de facilité…la note à payer aujourd’hui est sévère…Weygand est un grand type25, mais nous aurions eu moins besoin de lui si Blum n’avait pas existé ». Gabriel ROMON montre ainsi que sur le terrain politique, il adopte les stéréotypes propres à son milieu à cette époque. Gabriel ROMON, placé seul face à ses responsabilités par la signature de l’Armistice, choisit de résister La défaite est maintenant consommée. Mon père sait que l’on va signer l’Armistice, mais il n’en connaît pas encore le contenu. Les choix à faire sont douloureux, mais Gabriel ROMON est un homme d’action, un chef, il ne doute pas une seconde que ce soit à lui de montrer le chemin…et c’est ce qu’il va faire effectivement ! La lettre, très émouvante, qu’il écrit le 21 juin 1940 à sa femme, la veille même de la signature de l’armistice, sur un papier de fortune, dans des conditions matérielles précaires, en témoigne26 : il n’y est nullement question de désarroi mais de décisions à prendre. 24 Cf. lettre de mon père à ma mère, 26 mai 1940 [Archives familiales] Paul Reynaud vient de remplacer Gamelin par Weygand 26 Un spécialiste des documents anciens à qui j’ai montré cette lettre, dans l’idée de la préserver d’une dégradation supplémentaire, m’a expliqué qu’elle n’était pas écrite dans une encre qui se serait effacée avec le temps, mais avec une mauvaise mine de crayon bleu, qu’il fallait humecter pour qu’elle laisse une trace suffisamment lisible, sur un papier de médiocre qualité (manifestement mon père n’a plus de bureau, il est vraisemblablement sur la route). La lettre a été pliée plusieurs fois de façon à tenir dans un portefeuille, l’exposition à l’oxydation varie en effet fortement d’une partie de la lettre à l’autre François ROMON, 16/08/2009 25 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 16 Mon père confie sa lettre à l’un de ses collègues, qui saura où trouver ma mère sur la route de l’exode, car leurs deux épouses ont fui la Région Parisienne pour Périgueux ensemble. En voici les passages les plus significatifs27. « Le contact est donc enfin repris et je sais que tu vas bien. Je n’ai pas besoin de te dire la joie que me cause cette certitude… Donc mon ami LYET va vous voir et vous dira où nous sommes si tu ne le sais déjà… Il apparaît dès maintenant que l’évacuation des officiers en Afrique du Nord sans leurs familles n’est plus guère à envisager…Je risque ou bien quelques jours d’internement, puis la liberté entière ou surveillée, ou bien le camp de concentration ou même un sort plus expéditif. Cette dernière éventualité ne paraît pas très probable. Si elle se produisait, c’est fini. Il n’y aurait plus que toi à plaindre… Nous sommes un certain nombre qui tenteront leur chance, je tacherais de te rejoindre et de me cacher…Il est bien entendu que je n’agirais ainsi que si je n’avais pas de mission, et si je n’étais vraiment utile à rien. Je crois que ce sera le cas… Je suis prêt à tout supporter pour que vous n’ayez à cause de moi aucun ennui… Aujourd’hui, dans la débandade générale, le lien qui m’unit à toi s’affermit chaque jour. Je t’en dégagerais si tu ne partageais pas mes intentions, mais de mon propre gré je ne romprais rien de ce qui m’attache à toi. » Ainsi, lorsque l’Armistice est signé le lendemain 22 juin 1940, mon père avait déjà pris au moins une décision : résister. Mon père était contre la signature de l’Armistice. Rappelons-nous, en effet ce qu’il écrit dès le 11 juin 1940 à ma mère (voir plus haut) : « L’armée se battra jusqu’au bout et s’expatriera si on le lui demande. Il serait important que la France continue d’exister, en AFN par exemple… ». Le lendemain, 12 juin 1940, dix jours avant la signature de l’Armistice, Gabriel ROMON écrit encore à sa femme : « Je ne suis pas le genre de Monsieur qui peut rester chez lui tranquillement. Je risque d’être un des cas suspects pour qui certaines atmosphères risquent d’être malsaines ». Résister, mais comment ? On l’a vu dans ses lettres, Gabriel ROMON veut tout à la fois ne rien faire que n’approuverait pas sa femme, ne pas être en territoire occupé par les nazis, et accomplir les missions que sa hiérarchie voudra bien lui confier : vaste programme étant donnée la situation ! Que proposent les chefs de l’Armée française défaite ? Si l’on essaye de déchiffrer, derrière leurs discours dorénavant contrôlés par les signataires de l’Armistice, les messages que ses chefs adressent au Capitaine ROMON en ces instants dramatiques, ont s’aperçoit qu’ils sont contradictoires. Ainsi, le général NOIRET, chef du 3èmeBureau de l’Etat-major du général Georges (donc le patron de Gabriel ROMON pendant toute la guerre), appelle implicitement ses officiers à une forme de résistance souterraine en vue d’une reprise prochaine des hostilités28. Mais le général Georges lui-même, est beaucoup plus ambigu. On peut lire dans son Ordre aux officiers de son Etat major un appel à une « régénération du pays » qui n’implique pas une reprise des hostilités, et qui pourrait tout aussi bien s’incarner dans la Révolution nationale que Pétain va mettre en place quelques semaines plus tard29. 27 Voir la transcription intégrale que j’ai faite de cette lettre, très difficile à lire, en annexe, 21 juin 1940 28 Voir la note du général NOIRET en annexe, 25 juin 1940 29 Voir l’Ordre du général Georges en annexe, 30 juin 1940. Je ne sais pas ce qu’a été par la suite la carrière du général NOIRET. Le général Georges, quant à lui, prend sa retraite, comme il l’annonce d’ailleurs dans son Ordre. Il ne jouera plus de rôle majeur. Il sera cependant tiré hors de sa retraite en 1943 pour soutenir Giraud en AFN contre De Gaulle : position ambiguë et François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 17 De la résistance encouragée à la résistance tolérée pour certains officiers de l’armée d’armistice, dont Gabriel ROMON 28 juin 1940 – 10 août 1940. Le capitaine de l’Armée d’Armistice Gabriel ROMON est Directeur du Groupement des unités d’Ecoute et de Radiogoniométrie (GER) Mon père, cette fois, aura de la chance. Il va lui être offert la possibilité de concilier ses différents objectifs, a priori contradictoires. En premier lieu ma mère a déjà exprimé formellement le 22 juin à mon père son accord pour ne pas rester sur un territoire occupé par les nazis : « J’ai eu une vraie peine de voir ma patrie ainsi atteinte, et surtout la cause qu’elle défendait…Je ne veux absolument pas non plus que nous restions l’un ou l’autre dans une France nazie…Il faut absolument risquer notre chance. Je ne sais comment puisque j’ignore les conditions de l’Armistice, mais j’accepte aussi bien de m’expatrier que de vivre d’expédients si on nous laisse un coin de France vraiment à nous. »30 Ensuite, mon père va pouvoir à la fois obéir à ses chefs et se retrouver hors des territoires occupés par les nazis : il est nommé dans l’Armée d’Armistice, en Zone sud « libre », comme Directeur du GER à Châteldon (Puy de Dôme). La note de nomination est datée du 28 juin 1940, soit 6 jours seulement après la signature de l’Armistice. Bien qu’écrite dans des termes acceptables par les Commissions d’Armistice, on comprend que la mission ainsi confiée à mon père est de participer à la sauvegarde du potentiel technique des Transmissions de l’Armée Française31. Si mon père fait ainsi partie de ces officiers encouragés à résister, dès la signature de l’Armistice, par leur propre hiérarchie, il le doit d’abord à son domaine d’expertise, les transmissions32. Il le doit ensuite au soutien de ses chefs ou de ses anciens chefs qui, comme lui, ont déjà décidé de résister. Nous retrouvons ici, dans l’histoire de mon père, René MARTY. C’est lui qui a demandé à son patron, le colonel GAUCHE, chef du 2ème Bureau de l’EMA, de confier cette mission à Gabriel ROMON. René MARTY [CONGOST, 1990] Né en 1898 en Charente Maritime ème 1923, Ecole d’application du Génie, affectation au 8 RG (comme Paul LABAT), promu Capitaine en 1925, Directeur de l’Etablissement Central du Matériel de la Radiotélégraphie Militaire (ECMR) de 1932 à 1935 (donc patron à cette époque de mon père et de LESCHI) ème ème 1936, 2 Bureau de l’EMA (mon père y est aussi, mais au 3 Bureau) ; ème 1939, à nouveau 8 RG ème Mobilisation au GQG à la Ferté sous Jouarre, 2 Bureau ou il coiffe les compagnies d’écoute et de radiogoniométrie du front Nord-est (fait donc la guerre tout près de mon père, qui lui aussi s’occupe de transmissions, mais au ème 3 Bureau) transitoire bien conforme au ton de son Ordre du 30 juin 1940. A sa décharge, il n’est certainement pas seul responsable de la déroute française, mais avoir été le Commandant en chef précisément là où nos lignes ont été irrémédiablement enfoncées par l’envahisseur ne doit pas être facile à porter 30 Cf. lettre de ma mère du 22 juin 1944 en réponse de la lettre du 21 juin de mon père [Archives familiales] 31 Voir la note de nomination en annexe, 28 juin 1940 32 Comme nous l’avons vu, le renseignement, et donc les transmissions qui en sont le moyen, est le premier secteur où s’organise la résistance dès après la signature de l’Armistice François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 18 Après l’Armistice, René MARTY est Chef d’Etat-major du Général KOELTZ, lequel est chargé par Weygand, alors ministre de la Défense de Pétain, de la Direction des Services de l’Armistice. Il s’emploie alors à sauver les unités d’interception radio qui vont constituer le GCR que dirigera Paul LABAT aidé de Gabriel ROMON Juin 1941, il est promu Lieutenant-colonel ; René MARTY crée un fichier des réservistes, prépare l’équipement d’un train blindé camouflé en train de marchandises, organise deux dépôts d’armes clandestins dans l’Allier. 15 mai 1942, à la création de l’Arme du Génie, il est commandant des ème transmissions de la 13 région militaire. En novembre 1942, il fait le même choix que Verneau et Frère et rejoint l’ORA. Il échappe par miracle aux arrestations qui frappent Frère, LESCHI, ROMON, il freine les armées allemandes qui remontent vers le front de Normandie ère Octobre 1944, promu colonel, il commande les Transmissions de la 1 Région militaire Novembre 1953, promu général de division en, il est le premier inspecteur général de la nouvelle Arme des Transmissions Commandeur de la LH, Président de la Fédération Nationale des Anciens des Transmissions (FNAT). La biographie de René MARTY résume à elle seule l’évolution de la résistance qu’ont menée les officiers des Transmissions. Le général MARTY est très respecté de ses collègues33, et ce n’est pas un hasard si c’est lui qui sera le Premier Président de la Fédération Nationale des Anciens des Transmissions (FNAT) après la guerre. 10 août 1940 – 1er septembre 1943. Gabriel ROMON est Directeur technique du Groupement des Contrôles Radioélectriques (GCR), d’abord comme capitaine de l’Armée d’Armistice, puis comme ingénieur des Transmissions de l’Etat Le GCR est créé le 9 août 1940. La note signée du général Weygand, Ministre de la Guerre du Gouvernement de Vichy34, précise que le GCR regroupe le Réseau d’Ecoutes et de Radiogoniométrie des Services Radioélectriques du Territoire (SRT) et le Groupement des unités d’Ecoute et de Radiogoniométrie (GER), que dirige alors mon père. C’est un Service mi militaire mi civil, qui, selon les termes de la note de Weygand, « doit prendre comme base le projet du capitaine ROMON, en l’amplifiant de telle manière que le nouveau service, assurant en première urgence les besoins du 2ème Bureau de l’Etat-major de l’Armée, puisse en plus fournir d’autres Départements Ministériels ». Weygand insiste par ailleurs sur les mesures conservatoires à prendre sans attendre la parution du décret de création du GCR « pour éviter la dispersion totale des spécialistes récemment démobilisés qui seraient volontaires pour conserver, à titre civil, leur emploi ». Le GCR comprend un Centre principal à Hauterive (Allier), et 4 centres secondaires à Francheleins dans l’Ain, Bouillargues près de Nîmes, Bordères près de Tarbes et Argenton sur Creuse, tous donc en Zone sud « libre ». L’effectif total du service est de 400 agents (dont une centaine pour le seul centre d’Hauterive). Le Centre d’Hauterive du GCR est aussi un centre de formation pour les écouteurs radio35. Paul LABAT36 est le Directeur du GCR, il coiffe en même temps l’ensemble du CSTTE et les SRT. Il a ses bureaux à Vichy. 33 Cf. la lettre du général MARTINA au général MARTY [Archives familiales, 30/08/1978] Cf. Note de Weygand [Archives familiales, 09/08/1940] 35 Pour les gens de la Région d’Hauterive, qui ne sont pas des militaires des Transmissions, le GCR est avant tout une école [DESBORDES, 2000] 36 Voir ci-dessus la biographie de LABAT au § Les Transmissions et la Résistance François ROMON, 16/08/2009 34 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 19 Mon père est nommé Directeur technique du GCR le 10 août 194037. Il est en même temps Directeur du Centre d’Hauterive (Allier), où est installée la Direction des services techniques. Toute la famille du capitaine ROMON s’installe alors à Saint-Yorre, tout près d’Hauterive, non loin de Vichy. Quelques mois plus tard, le 4 décembre 1940, le Contre-amiral BOURRAGUE38, en tant que Président du CCTI dont dépend le GCR, enfonce le clou 39. S’adressant aux généraux commandant les 7ème, 9ème, 15ème, 17ème Régions Militaires, il écrit : « L’activité du GCR doit être essentiellement tenue secrète, mais chaque centre du GCR situé sur le territoire de votre Région doit bénéficier des mêmes avantages matériels que ceux consentis aux autres Services Militaires placés sous votre commandement ». Comment le Contre-amiral BOURRAGUE peut-il mettre ainsi très officiellement les commandants des Régions Militaires dans la confidence ? Il est vrai que le CCTI, comme tout ce qui est Impérial (les colonies françaises) échappe normalement au contrôle des Commissions d’Armistice ! Le 7 décembre 1940, trois jours après cette note du Président du CCTI aux commandants des Régions Militaires, le CSTTE, est mis en place40. Le 8 avril 1941, le colonel COSSON, Directeur du Génie, décide d’admettre au CSTTE six officiers du Génie en congé d’armistice, dont Paul LABAT et Gabriel ROMON41. Cela signifie concrètement que ces officiers des Transmissions seront dorénavant des ingénieurs civils des PTT, mais qu’ils pourront simultanément continuer leur carrière militaire. L’arrêté du Directeur du Génie précise que Gabriel ROMON dépend des PTT de Lyon : c’est en fait la Direction nationale des radiocommunications des PTT qui se trouve à Lyon, en Zone sud « libre ». Le montage du GCR est maintenant bouclé. Un chef d’œuvre de camouflage ! On comprend donc que toute la hiérarchie militaire, jusqu’au Ministre de la Guerre de Pétain, s’accorde dans cette première période de l’occupation pour préserver le potentiel militaire français de la main mise allemande. Elle encourage ainsi la résistance chez les officiers des Transmissions concernés. La question qui mériterait d’être posée à ce stade est la suivante : le Contre-amiral BOURRAGUE, véritable parrain du montage CSTTE, mais aussi futur membre du gouvernement de Pétain, connaît-il, et si oui, approuve-t-il, l’ensemble des activités secrètes effectivement menées par le GCR et les SRT ? Ou bien LABAT, LESCHI, ROMON et les autres, n’ont-ils pas été, de leur propre initiative, plus loin dans les activités anti-allemandes que ce qu’avait imaginé au départ le promoteur de cet astucieux montage ? A sa création, en août 1940, le GCR, comme le CSTTE, est rattaché au Secrétariat d’Etat aux Communications. Son autonomie ne sera reconnue officiellement qu’en janvier 1942. Jusqu’en novembre 1942, l’activité du GCR peut s’exercer à peu près librement. Sous le couvert d’écoutes de presse et d’écoutes commerciales, le GCR travaille en fait pour le 2ème Bureau français. 37 38 Voir l’arrêté de nomination en annexe, 10 août 1940 Voir la biographie de BOURRAGUE ci-dessus au § Les Transmissions et la Résistance Cf. Note BOURRAGUE [Archives familiales, 04/12/1940] 40 Voir ci-dessus le § Les Transmissions et la Résistance 41 Voir l’arrêté de COSSON en annexe, 8 avril 1941 François ROMON, 16/08/2009 39 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 20 D’après plusieurs documents42et l’ouvrage du général BERTRAND [1973], les activités « secrètes » que mène alors le GCR peuvent être résumées de la façon suivante. Pour le compte des SR français (2ème Bureau), puis pour les SR alliés et l’IntelligenceService à Londres : établissement des schémas radio de la Gestapo et de la Vehrmacht (notamment les mouvements de l’aviation allemande dans les aéroports français), interception du trafic déchiffrable de ces réseaux, interception des émissions allemandes, transmission à Cadix des messages allemands cryptés pour décryptage « Enigma » analyse de l’ordre de bataille des forces allemandes, écoute de toutes les émissions, information des résistants clandestins lorsqu’ils sont repérés par la Gestapo, Le général BERTRAND donne des précisions concernant plus spécialement les activités du GCR liées au décryptage des messages allemands codés en « Enigma »43 : « Au cours de cette période, l’intéressé [BERTRAND], fut en liaison permanente, une fois par semaine, avec le commandant ROMON…et recevait les PV des interceptions chiffrées qu’il emportait…Les interceptions réalisées portaient surtout sur les trafics d’agents allemands en zone occupée, et le contenu de certains messages a permis, ente autres, de détecter toute une organisation à Marseille et de l’annihiler, grâce à la ténacité du commandant ROMON, qui a tout fait pour arriver au but… L’intéressé [BERTRAND] a reçu communication de toutes les directives d’interception et de radiogoniométrie données par la police : ces renseignements étaient immédiatement transmis à Londres, si bien que la Gestapo n’a jamais pu arrêter aucun de ces agents sur la base de moyens seulement techniques ». 42 Editorial de LESCHI dans le n° 5 de la Revue des Transissions d’octobre 1946 (voir en 42 annexe), le compte rendu du Congrès de l’Association des Anciens Résistants du GCR , les 42 articles de AUGIER et de COMBAUX dans la Revue des anciens SUPELEC , 43 Voir en annexe des extraits de Enigma [BERTRAND, 1973] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 21 Dessin 1940-1943. L’activité clandestine de Gabriel ROMON, vue par son arrière petit fils, Anatole ROMON, 8 ans : il envoie par radio des informations sur la position de la DCA allemande aux anglais qui larguent des parachutistes en France [Saint Raphaël, le 24 août 2005] Le général GILSON, dans le discours qu’il prononce lors de la Prise d’armes du 9 novembre 194744, décrit les activités des SRT et du GCR de la façon suivante : « Ce fut le regroupement, sous le couvert d’organismes tolérés par l’ennemi, du Service Radio de Sécurité du Territoire, et du Groupement des Contrôles Radioélectriques (GCR), véritables séminaires d’où partirent tant d’opérateurs des réseaux clandestins, véritables magasins d’où sortirent tant de matériels introuvables ailleurs. Ainsi se tissa lentement, à la faveur des services officiels, toute une organisation d’écoutes et d’émissions qui travaillait dans l’ombre au bénéfice des réseaux de renseignement et des groupes de combat ». Mais à qui le GCR envoyait-il la production de ses écoutes pour exploitation, après une première sélection sans doute en fonction de leur valeur stratégique ? Je ne possède pour l’instant que de documents que sur trois destinations : 1) le 2ème Bureau de l’Armée d’Armistice, et ses services plus ou moins camouflés comme les Travaux Ruraux de Paul PAILLOLE [PAILLOLE, 1975] ; 2) lorsque les messages étaient cryptés, le centre « Cadix » du colonel BERTRAND avec le décryptage d’Enigma ; 3) le MI6 de l’IS à Londres (cf. le certificat de service signé du Maréchal Montgomery). Mon père est mis en congé d’armistice le 15 novembre 1940 et démobilisé le 9 mai 194145. Mais lorsqu’il est démobilisé, il a déjà été « civilisé » puisqu’il est nommé ingénieur des Transmissions de l’Etat, via le CSTTE, le 8 avril 194146. L’épisode algérois : la mission de mon père en AFN à l’automne 1941 44 Voir ci-dessous le § Citations et commémorations officielles Voir la fiche de démobilisation en annexe, 9 mai 1941 46 Voir ci-dessus le § Les Transmissions et la Résistance 45 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 22 En septembre 1941, mon père est envoyé en mission en Algérie, Maroc et Tunisie. L’échange de correspondance avec ma mère reprend donc. On apprend ainsi que Gabriel ROMON est plutôt content de ce voyage. Il écrit qu’il a « l’impression de connaître toute l’Armée française ». Mon père retrouve en effet plusieurs de ses anciens collègues dans différents postes en AFN. N’oublions pas que Hussein Dey a été la deuxième affectation du lieutenant du Génie Gabriel ROMON, alors jeune marié, et que l’aîné de ses fils, Jean-Louis, est né à Alger. On apprend surtout, grâce à ses lettres depuis Alger, que mon père est convoqué par le général Weygand lui-même47. Le Délégué général pour l’AFN reçoit mon père une première fois avant qu’il entame sa mission, le 14 septembre 1941 : « Le général Weygand m’a reçu aujourd’hui à 13 heures, et c’est maintenant seulement que j’ai les mains libres »48. Il le reçoit une deuxième fois à l’issue de cette mission, le 18 septembre : « Comme il me faudra alors voir le général Weygand, je partirai mardi pour la France, si je ne fais pas antichambre »49. De quelle mission mon père peut-il être ainsi investi, pour que le Délégué général en AFN en personne veuille recevoir ainsi par deux fois un simple capitaine du Génie50 ? La réponse se trouve dans les comptes rendus des réunions de la « Commission JAUBERT » qui se sont tenues à Alger quelques semaines plus tard, et dans les différentes notes signées par le Vice-amiral BOURRAGUE à la suite de ces réunions. Des photocopies de ces documents, très intéressants, tous classés « Secret » ou « Très secret », se trouvent dans les Archives familiales léguées par ma mère51. Le général JAUBERT est alors le Commandant du Génie et des Transmissions en AFN. C’est le commandant LABAT qui représente le Vice-amiral BOURRAGUE à ces réunions. Il s’agit de rattacher les services d’écoutes des Transmissions des Forces françaises d’AFN au GCR. Le but est de fournir directement aux différents départements ministériels demandeurs le même type d’informations en provenance d’AFN que celles fournies par le GCR en provenance de la Métropole, mais sans passer par la hiérarchie militaire d’AFN, dont ces services dépendent pourtant. En échange, LABAT propose aux Etats-majors des Forces françaises d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, d’intégrer leur personnel militaire au fameux CSTTE, en liaison avec les services des PTT d’AFN, et d’apporter l’aide technique et financière de la Métropole. Paul LABAT a fait venir à ces réunions, son adjoint, le capitaine Gabriel ROMON, pour qu’il rende compte à la Commission JAUBERT du résultat de sa mission du mois de septembre précédent en AFN. Cette mission dont mon père avait été chargé consistait donc à évaluer l’état du matériel et des compétences disponibles en AFN, et leur capacité à répondre aux besoins des différents départements ministériels du gouvernement de Pétain, mais aussi, et surtout, à ceux des SR français. 47 Weygand n’est plus Ministre de la Guerre depuis septembre 1940, mais Délégué général pour l’AFN, et, en même temps, Commandant en chef des Forces Françaises d’AFN. Voir cidessus le § De l’Armistice au débarquement allié en AFN 48 Cf. lettre de mon père à ma mère, 14 septembre 1941 [Archives familiales] 49 Cf. lettre de mon père à ma mère, 18 septembre 1941 [Archives familiales] 50 Weygand répond sans doute ainsi à la sollicitation de BOURRAGUE, puisque c’est le Président du CCTI qui est à l’origine de la mission de mon père en AFN. Au passage, on se souvient que c’est Weygand, alors Ministre de la Guerre de Pétain, qui a signé le décret créant le GCR « en prenant comme base le projet du capitaine ROMON » [Archives familiales, 09/08/1941]. Peut-être s’en souvient-il ? 51 Cf. Archives familiales [25/11/1941, 27/11/1941, 28/11/1941]. Je pense que ces photocopies, ont été données à ma mère par Maurice VIDREQUIN François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 23 L’enjeu est de taille quand on sait que le Haut Commandement des Forces Françaises d’AFN hésitera longuement par la suite entre Vichy et la France Libre, même après le débarquement allié en AFN en novembre 194252. Lorsque BOURRAGUE écrit dans sa note du 25 novembre 194153 : « Laisser dépendre ces services des Transmissions d’AFN du Commandement militaire d’AFN présente un certain nombre de risques », on sait que sous couvert de parler des risques encourus par le Régime de Vichy, il pense en fait aux risques encourus par la Résistance. Il serait intéressant de savoir si cette intégration des écoutes d’AFN au GCR a été effectivement réalisée, et si oui, ce que cette intégration a eu comme conséquences sur les activités de résistance de LABAT, de mon père et de leurs collègues. Malheureusement, je n’ai pas de documents sur les suites de cette affaire. Nous savons, en tous cas, que le GCR renaîtra de ses cendres après la guerre, à partir du 818° Bataillon des Transmissions, en provenance justement d’AFN. Les comptes-rendus des réunions de la Commission JAUBERT montrent que le capitaine ROMON est à son affaire. Il a l’entière confiance de son patron Paul LABAT. Il n’hésite pas à reprendre la parole et à argumenter au milieu de cet aréopage de généraux, de colonels et de directeurs des PTT. Les notes que signera le Vice-amiral BOURRAGUE, suite aux réunions de la Commission JAUBERT, aux différents ministres concernés du Gouvernement de Vichy, montrent que le Commandant LABAT et le Capitaine ROMON ont pleinement réussi leur mission à Alger. BOURRAGUE peut maintenant forcer la main à Darlan pour récupérer les services d’écoute d’AFN et les intégrer à son dispositif de camouflage vis à vis de l’occupant. On apprend enfin dans la correspondance de mon père avec ma mère, qu’une mutation à Alger tenterait bien mon père, mais qu’il ne peut pas « lâcher le navire à ce moment crucial », et aussi « qu’il n’a pas l’intention de jouer les second rôles à Alger, alors qu’il est au premier plan en France ». Le ton des lettres que mon père écrit alors à ma mère est très enjoué et très optimiste. C’est une première dans la correspondance de mes parents. Rien à voir bien sûr avec les lettres écrites depuis l’Etat-major du général Georges pendant la guerre de 1939 à 1940, très amères. Mais rien à voir non plus avec les lettres écrites depuis le Lioran en 1935, empreintes de pessimisme, alors que la guerre n’est pourtant pas encore d’actualité. Quant aux prochaines lettres que ma mère recevra après celles d’Alger, mon père les aura écrites depuis sa cellule de la prison de Moulins, juste avant d’être emmené en déportation. Ainsi, l’automne 1941 à Alger semble bien marquer le moment de sa carrière, hélas trop courte, où mon père s’est senti le plus épanoui. Il a atteint les deux objectifs qui comptent le plus pour lui : servir une juste cause, et bien faire son métier. Le projet du Vice-amiral BOURRAGUE est bien au service de la plus noble des causes pour mon père, la libération du pays occupé. Quant à la proposition de Paul LABAT aux chefs militaires d’AFN de leur apporter l’assistance technique du GCR en échange de l’abandon de leurs prérogatives hiérarchiques, elle prouve que les services techniques dont mon père est responsable fonctionnent efficacement. La Résistance a été aussi une opportunité pour certains français de mener des actions plus exaltantes que celles qu’ils auraient normalement menées en temps de paix, et de prendre plus vite des responsabilités. A travers ma lecture de ses lettres à ma mère, et à travers les témoignages que j’ai pu recueillir, il ne me semble pas impossible que mon père ait pris goût aux aspects 52 53 Voir ci-dessus le § Les Services de Renseignement et la Résistance Voir Archives familiales [25/11/1941] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 24 romanesques que peut présenter cette vie de résistant qu’il a choisie…jusqu’à commettre des imprudences ? Peut-être54. Eté 1942. Gabriel ROMON est promu Ingénieur en chef des PTT et, dans la foulée, commandant de l’Armée française Le 31 juillet 1942, Gabriel ROMON est nommé ingénieur en chef des PTT55. Il était ingénieur des PTT depuis le 8 avril 1941. Le 25 septembre 1942, le capitaine ROMON est promu commandant (chef de bataillon)56. On se rappelle cependant que mon père est officiellement démobilisé depuis le 9 mai 1941 ! En cet fin d’été 1942, on peut dire que le montage du CSTTE fonctionne à plein régime, puisque mon père obtient ainsi, à 3 semaines d’intervalle, une promotion civile et une promotion militaire. Les choses vont radicalement changer avec le débarquement allié en AFN de novembre 1942, et ses conséquences en Métropole : l’invasion de la Zone sud par l’Armée allemande, et la dissolution de l’Armée française d’Armistice. La résistance secrète des militaires après la dissolution de l’Armée d’Armistice Dans cette première période de l’occupation (août 1940 à novembre 1942), nous l’avons vu, le Contre-amiral BOURRAGUE parvient à faire signer aux ministres de la guerre successifs du Gouvernement de Pétain (Weygand, Huntziger, Darlan) les différents décrets et arrêtés mettant en place le GCR et les SRT, via le CSTTE, pour camoufler les « activités secrètes » d’officiers des Transmissions57. Mais maintenant, après le débarquement allié à Alger, la Zone sud est envahie, l’Armée de l’Armistice est dissoute, tout a changé58. Les officiers restés dans l’Armée d’Armistice seront obligés de choisir entre obéir au nouveau Ministre de la guerre, le général Bridoux et accepter la démobilisation, ou suivre l’exemple des généraux Frère et Verneau et rejoindre la clandestinité de l’ORA59. Fin novembre 1942, les officiers des Transmissions du CSTTE sont déjà camouflés aux PTT Lors de la dissolution de l’Armée de l’Armistice, mon père est déjà « civilisé » via le montage du CSTTE : il n’est plus (officiellement en tous cas) dans l’Armée. Le problème qui se pose à lui n’est donc pas de choisir entre accepter la démobilisation ou prendre le maquis, mais d’adapter ses activités de résistance à la nouvelle donne. Finie, en effet, la couverture officielle ou officieuse de la hiérarchie militaire. Gabriel ROMON devra maintenant prendre des risques seul, et essayer de deviner à quel camp appartient chacun de ses collègues. Depuis la réussite du débarquement allié en AFN, la résistance intérieure s’amplifie, car elle sait maintenant qu’une libération de la patrie est possible. Mais c’est aussi à partir de novembre 1942 que l’étau nazi se resserre. Résister ne sera plus seulement pour un officier risquer de compromettre sa carrière, ce sera aussi risquer sa vie. 54 Voir ci-dessous le § Pourquoi mon père a-t-il été arrêté par la Gestapo ? 55 Voir l’arrêté de nomination en annexe, 31 juillet 1942 56 Brillante carrière militaire, il n’a que 37 ans Cf. Note de BOURRAGUE [Archives familiales, 09/08/1940] 58 Voir ci-dessus le § Du débarquement allié en AFN au débarquement en Normandie 59 Voir ci-dessus le § La résistance intérieure François ROMON, 16/08/2009 57 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 25 Photo Décembre 1942. L’hiver devant la maison familiale à Saint-Yorre. Ma mère s’apprête à monter dans la voiture de mon père, nouvellement promu commandant [DUMON, 1993] 1943. La montée des périls Dés le début 1943, COMBAUX60 prévient LESCHI61 à La Rapine qu’il vaut mieux se replier, disparaître dans le maquis, ou partir pour Alger ou pour Londres62. Il pense que LABAT et le GCR devraient en faire autant. COMBAUX lui même, rejoindra Londres en avril 1943. S’agissant des SRT à La Rapine, LESCHI avait mis ses services à la disposition de la Résistance en les rattachant progressivement à l’ORA. Quant à Paul LABAT, il est « trop chargé de besogne », selon COMBAUX, pour ne pas retarder sans cesse son enlèvement en Lysander pour Londres. Pour ce qui concerne le GCR enfin, les Archives familiales contiennent un document significatif des difficultés rencontrées par mon père pour garder secrètes ses activités de résistance après novembre 1942. Il s’agit d’un rapport du commandant ROMON, daté du 12 février 194363, où il ne faut pas moins de13 pages dactylographiées à mon père pour expliquer pourquoi 60 Voir la biographie de COMBAUX ci-dessus au § Les Transmissions et la Résistance Voir ci-dessus la biographie de LESCHI à propos de la création de l’ORA au § Du débarquement allié en AFN à celui en Normandie 62 Cf. Archives familiales [01/01/1991] 61 63 Voir le rapport en annexe, 12 février 1943 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 26 l’émetteur radio-clandestin que ses services ont repéré, n’a finalement pas pu être arrêté par la police : « Les techniciens du GCR n’ont pas pu arriver à temps, le clandestin avait cessé ses émissions à la dernière minute ! ». Mais tout se ligue contre mon père dans cette affaire : il s’est pourtant rendu lui-même sur place, mais il est tombé en panne d’essence ! Heureusement il est équipé d’une radio…mais le véhicule de rechange n’a pas trouvé la route et s’est perdu !….D’ailleurs, la police était en dessous de tout, elle n’a pas su réagir assez vite. En conclusion, mon père demande plus de moyens matériels ! Sachant que les allemands peuvent, depuis novembre 1942, exercer un contrôle inopiné à tout moment sur les activités d’un service de l’Administration française sur tout le territoire, on se demande comment un rapport aussi cousu de fil blanc peut ne pas avoir éveillé plus tôt les soupçons sur un éventuel double jeu du GCR. Hélas, mon père finira effectivement par être arrêté. Plusieurs documents et écrits de ses anciens camarades de résistance après la guerre, attestent que mon père aura des contacts avec l’ORA : il semble que ce soit en tant que membre de l’Armée Secrète, peut-être par l’intermédiaire de son camarade et ami LESCHI. En juillet 1943, Marien LESCHI et tous ses collègues engagés comme lui dans la résistance à La Rapine sont arrêtés par la Gestapo. Tout de suite après l’arrestation de LESCHI, mon père est muté aux Services Techniques de la TSF à Paris, toujours sous la direction de Paul LABAT, lui même muté à la Direction des PTT à Paris. Un directeur civil est nommé pour remplacer mon père à la tête des services techniques à Hauterive. Pour BERTRAND [1973], il s’agit clairement de mettre de la distance entre mon père et la résistance à Hauterive, trop en vue de la Gestapo après le drame de La Rapine. A partir de juillet 1943, au lieu de profiter de sa mutation à Paris pour s’éloigner du danger, Gabriel ROMON s’engage de plus en plus dans des activités secrètes En venant de Hauterive à Paris, contrairement à ce que ses compagnons attendaient de lui, Gabriel ROMON ne ralentit nullement le rythme de ses activités de résistance. Au contraire, il participe activement à de plus en plus de réseaux. Ainsi, depuis mars 1943, Gabriel ROMON a succédé à Paul LABAT, trop surchargé de travail, comme « Commandant » des transmissions de l’Armée Secrète. Dans le même temps, il est pour Maurice NEGRE, le chef du réseau Super NAP, un de ses agents les plus actifs puisque responsable de son secteur radio64, alors que pour RODRIGUEZ [1958], mon père a continué, après août 1943, depuis Paris, à recruter et à former des opérateurs radio pour le réseau Alliance. Enfin, selon le rapport du général MARTINA de 197465, mon père a aussi pendant cette période des contacts avec une organisation de résistants aviateurs, et une organisation de résistants des PTT. Parce que la vie est relativement moins difficile en Province qu’à Paris en cette année 1943 où les allemands pressurent de plus en plus la France occupée, sans doute aussi pour que mon père puisse avoir les coudées plus franches dans ses activités secrètes, notre famille reste installée à Saint-Yorre, pendant que mon père travaille à Paris. Il ne revient chez lui qu’en fin de semaine. Je nais le 11 septembre 1943, à Vichy. 64 65 Cf. le certificat de Maurice NEGRE [Archives familiales, 31/01/1946] Cf. Archives familiales [01/01/1974] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 27 Le faux problème de la date d’entrée dans la résistance de Gabriel ROMON Les différentes archives historiques font toujours mention d’une date « officielle » d’entrée dans la résistance. A posteriori, on a l’impression que les mouvements de résistance disposaient de véritables services de gestion du personnel ! Le problème est que chaque mouvement ou réseau, ne voit la Résistance qu’à sa porte : en dehors d’une appartenance « certifiée » à son propre réseau, pas d’activité secrète reconnue. Il faut dire aussi que la plus élémentaire mesure de sécurité consistait à cloisonner le plus strictement possible les différents réseaux. Ainsi, nous l’avons vu, mon père a appartenu à l’Armée Secrète dès le lendemain de l’Armistice. Le GCR a d’ailleurs lui-même été monté pour camoufler des actions de résistance, également dès la signature de l’Armistice. Pourtant, le certificat délivré par Maurice Nègre ne mentionne d’activité secrète qu’à partir de 194366, tandis que Marie-Madeleine FOURCADE, fondatrice et chef du Réseau Alliance, certifie que « Le commandant du Génie ROMON a fait partie de mes services depuis mai 1943, avec le pseudo Cygne ». Elle ne fait pas la moindre allusion à une activité de résistant antérieure67. Mais, selon le Rapport du Général MARTINA au Général MARTY, Président de la Fédération Nationale des Anciens des Transmissions68, l’entrée officielle de Gabriel ROMON dans la Résistance est bien antérieure. Les dates d’entrée en résistance ne sont donc pas celles qui sont comptabilisées dans les registres des associations d’anciens résistants après-guerre. Dans le cas de la résistance de certains officiers d’active, comme mon père, il y a eu continuité de l’action contre l’occupant, c’est sa forme qui a évolué. Ce qui a changé pour eux, ce n’est pas qu’ils soient passés de l’état de non résistants à celui de résistants, ce sont les conditions dans lesquelles ils ont du mener leurs activités de résistance. Résumé des services rendus dans la Résistance par M. ROMON, 1 page [SHD 16 P 519315, ROMON Gabriel ; 1945/10/01 (2)] Le commandant ROMON organisa dès 1941, la Résistance dans les Transmissions, s’occupant spécialement de la question radio, et cela sans quitter ses fonctions de chef du Groupement des Contrôles Radioélectriques à Hauterive (Allier). Il vint à Paris en 1943 e intensifia sin action en garant un bureau officiel à la Direction de la T.S.F. rue Froiedevaux. Il jeta les base du STN en collaboration avec PONTCARRAL (colonel de Jussieu) et CHABAN (M. CHABAN-DELMAS). Recherché de longue date par la Gestapo de Vichy pour stockage de matériel et dépôts clandestins, il fut arrêté à Saint-Yorre, le 12 décembre 1943 et fusillé à Heilbronn le 21 août 1944, en faisant preuve d’un courage et d’une bravoure absolument exceptionnels, tels que le rapporte le procès-verbal d’exécution. 66 Cf. Archives familiales [31/01/1946] Cf. Archives familiales [15/10/1945]. Ce certificat est d’ailleurs curieusement rédigé : « Gabriel ROMON a appartenu à mes services… », comme si Madame FOURCADE dirigeait une administration officielle 68 Cf. Archives familiales [01/10/1974] François ROMON, 16/08/2009 67 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 28 2. L’arrestation de mon père à notre domicile de Saint-Yorre Le dimanche où tout a basculé pour notre famille Nous sommes le dimanche 12 décembre 1943 après-midi. Gabriel ROMON est chez lui, à Saint-Yorre, venant de son bureau de Paris pour passer la fin de semaine en famille et fêter les dix ans de mon frère Philippe. « On frappe à la porte, c’est la Gestapo »69. Ma mère essaye, en vain, de s’interposer. Philippe, rentrant au même instant d’une visite faite au village, comprend immédiatement ce qui se passe [DUMON, 2003]. Mon autre frère, Jean-Louis, est momentanément absent de la maison, il apprendra la nouvelle bien assez tôt. Moi, je me mets à pleurer. Je dois être perturbé par une agitation inhabituelle dans notre maison : je suis dans mon berceau, je n’ai que trois mois. Dessin 12 décembre 1943. L’arrestation par la Gestapo de Gabriel ROMON, chez lui, en présence de sa famille, vue par son arrière petit fils, Anatole ROMON, 8 ans [Saint Raphaël, le 24 août 2005] Robert GUERRIER, alors cuisinier du GCR, avait l’habitude de venir au domicile familial pour régler différents problèmes d’intendance70. Il me raconte, ainsi qu’à mon frère Philippe : « J’ai su que la Gestapo arrivait ce jour là, il y avait des voitures qui encerclaient le Château d’Hauterive71. Je suis immédiatement allé prévenir le commandant ROMON à son domicile route de Thiers. Il m’a reçu. Mme ROMON était 69 Cf. Mémoire de ma mère, APA n° 485 [Archives familiales, 01/12/1996] Voir ci-dessus la présentation des témoins survivants 71 Siège du GCR François ROMON, 16/08/2009 70 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 29 là. Il n’a pas bougé, il m’a dit qu’il n’avait rien à craindre. Je suis reparti. Quelques minutes plus tard, la Gestapo venait l’arrêter et l’emmener ». Ce témoignage de Robert GUERRIER est en complète contradiction avec le récit de ma mère : « On frappe à la porte, c’est la Gestapo » 72: Pour elle, la surprise est donc totale. Philippe arrive à la maison juste après les gestapistes, il n’était donc pas là au moment où Robert GUERRIER croit se rappeler être venu chez nous. Par contre, ayant aidé ma mère ensuite à alerter un collègue de mon père, il se rappelle parfaitement qu’il n’y avait pas de voitures autour du GCR. Comment alors, GUERRIER a-t-il pu être informé de l’arrivée de la Gestapo ? Il est probable que, 62 ans plus tard, Robert GUERRIER fasse quelques confusions dans ses souvenirs. Des voitures de la Gestapo sont bien venues encercler le Château d’Hauterive, mais c’était le lendemain lundi, quand les gestapistes ont effectivement procédé à d’autres arrestations au sein du GCR. Cependant, en supposant que les choses se soient passées comme le raconte GUERRIER aujourd’hui, il n’est pas totalement invraisemblable que mon père ait pu effectivement rester stoïquement chez lui à attendre la Gestapo plutôt que de fuir, et qu’il ait dit alors à Robert GUERRIER « qu’il n’avait rien à craindre »73. Mais il faudrait dans ce cas admettre que ma mère ait passé volontairement sous silence cet événement capital : la possibilité pour mon père d’éviter l’arrestation ce jour-là. Pour quelle raison aurait-elle agi de la sorte ? De suite après le départ des gestapistes emmenant mon père, ma mère demande à mon frère Philippe de lui sortir discrètement son vélo au dehors, puis pédale en direction d’Hauterive, sans être inquiétée, pour informer René ZECHT de l’arrestation. Celui-ci se charge d’avertir tous les autres. Mais lui-même se rend néanmoins le lendemain à son travail au GCR, où il voit débarquer la Gestapo en force74. Sa fille Annie ZECHT-MOINDROT raconte : « Un des gestapistes arrivant au Château d’Hauterive demande à mon père où il peut trouver un certain ZECHT. Après l’avoir envoyé sur une fausse piste, mon père s’enfuit et prend le maquis ». Hélas, René ZECHT sera arrêté à son tour et fusillé quelques mois plus tard. René ZECHT Né le 18 février 1902, lieutenant de réserve au GCR sous les ordres de mon père, il est chef technicien radio, en charge de la logistique et des véhicules. René ZECHT travaillait déjà également avec mon père au GER dès le 75 lendemain de l’Armistice . Après l’arrestation de mon père, il prend le maquis, mais tombe quelques mois plus tard dans un piège de la Milice et de la Gestapo. Il est incarcéré à Montluc et fusillé à Villeneuve sur Ain le 13 juin 1944 Parmi les membres du GCR prévenus par René ZECHT de l’arrestation de mon père, se trouvent les capitaines COLLARD76, MARTINA et GIRARD. Les capitaines MARTINA et GIRARD s’échappent immédiatement. COLLARD, lui, se rend à son travail le lendemain au GCR, comme si de rien n’était. Il sera arrêté par la Gestapo et déporté, mais il sera rapatrié. Dans son rapport de 1974 au général MARTY, Président de la Fédération des Anciens des Transmissions77, le général MARTINA donne une version légèrement différente des évènements qui ont suivi l’arrestation de mon père. Selon lui, c’est le capitaine 72 Cf. Mémoire de ma mère, APA n° 485 [Archives familiales, 01/12/1996] Voir ci-dessous le § Pourquoi mon père a-t-il été arrêté par la Gestapo ? 74 Je ne sais pas pourquoi René ZECHT ne s’enfuit pas dès qu’il est averti par ma mère 75 Voir ci-dessus le § De la résistance encouragée à la résistance tolérée 76 Déporté et rapatrié, Raymond COLLARD, né le 23 mai 1905 au Perreux (Seine), terminera sa carrière comme général en 1978 77 Cf. Archives familiales [01/10/1974] François ROMON, 16/08/2009 73 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 30 GIRARD que ma mère vient prévenir, et non le lieutenant ZECHT, et c’est GIRARD qui vient le prévenir lui, ainsi que COLLARD. MARTINA er Affecté au 1 Bureau de l’EMA à Vichy en janvier 1942 dans l’Armée d’Armistice. Après la dissolution de l’Armée d’Armistice (27 novembre 1942), embauché par LABAT au GCR d’Hauterive en janvier 1943, où il est capitaine sous les ordres de mon père. Prévenu par ZECHT (selon ma mère et Annie ZECHT), ou par GIRARD (selon lui), s’enfuit pour Toulon. Général, auteur en 1974 du Rapport au Général MARTY, sur le comportement des officiers des Transmissions pendant l’occupation. Mon père est enfermé le soir même à la Prison allemande de Moulins près de Vichy (« La mal coiffée »). Pourquoi mon père a-t-il été arrêté par la Gestapo ? L’explication par la dénonciation D’après les historiens, la plupart des arrestations de résistants français sont faites sur dénonciation. Dans leurs différents écrits sur mon père au lendemain de la guerre, ses collègues rescapés de la vengeance nazie reprennent sans hésitation l’hypothèse de la dénonciation : ainsi LESCHI78, BERTRAND [1973], GILSON79. Ils doivent bien savoir de quoi ils parlent, ils ont eux-mêmes été dénoncés. Le fait que le 17 octobre 1980 encore, le Ministre de la Défense invoque le « Secret Défense » pour ne pas ouvrir les dossiers du Service Historique de l’Armée à Maurice VIDREQUIN cherchant des informations sur les actions de résistance de Paul LABAT et de Gabriel ROMON, laisse supposer également que les dénonciations étaient fréquentes80. Mais il existe deux versions de cette dénonciation concernant mon père. La version de la dénonciation de Gabriel ROMON par un ancien du GCR passé à la Milice C’est cette version que ma mère a adoptée, s’appuyant sur les témoignages concordants des camarades de résistance de mon père. Elle cite notamment Jacques LEYSER, rescapé du camp de Dora, qui lui raconte après la guerre81 : « Je partageais la cellule du Commandant à la Prison allemande de Moulins. Lors de nos interrogatoires, nous avons été mis en présence de cet ancien opérateur radio du GCR passé à la Milice, que le commandant ROMON m’a dit ensuite avoir formellement reconnu : c’était bien celui qui se trouvait dans la voiture des gestapistes venus l’arrêter. » Jacques LEYSER [Amicale des anciens résistants du GCR, Archives familiales, 1949/04/15] Chef mécanicien, responsable du Service auto du GCR à Hauterive, chargé notamment de l’entretien et de la conduite des véhicules utilisés pour le camouflage du matériel radio, du transport d’armes et du ravitaillement du maquis Arrêté le 13 décembre 1943 à Hauterive, déporté au camp de Dora, libéré le 3 mai 1945, décède le 9 avril 1949 des suites des mauvais traitements subis en déportation Croix de guerre, médaille de la Résistance 78 Cf. La revue des Transmissions, n° 5, octobre 1946 Cf. Archives familiales [01/02/1948] 80 Cf. Archives familiales [17/10/1980] 81 Cf. Mémoire de ma mère, APA, n° 485 [Archives familiales, 01/12/1996] François ROMON, 16/08/2009 79 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 31 Le général MARTINA retient également cette version de la dénonciation par un ancien GCR devenu milicien dans son rapport au général MARTY82 : « Une lettre dactylographiée, portant pour signature La Milice parvient aux domiciles de ROMON, COLLARD, GIRARD et MARTINA : menaces de mort. Dénonciateur possible : un opérateur d’écoute radio qui a quitté récemment le GCR, et dont on a appris qu’il s’était engagé dans la Milice. Je fais faire une vérification de la frappe de la machine à écrire qu’il employait pour l’écoute : c’est positif. » Enfin, la dénonciation par un ancien du GCR ne fait aucun doute non plus pour Robert GUERRIER, l’ancien cuistot du GCR. Il me donne même le nom d’un chef mécanicien, qui figure en effet dans l’effectif des agents du GCR : « Ce chef mécanicien, parce que le commandant ROMON n’aurait pas voulu l’embaucher au début, l’a dénoncé au chef de la Milice de l’Allier Marcel GOURUT » Gabriel-Marcel GOURUT [DESBORDES, 2000] Chef milicien de l’Allier, Marcel GOURUT est arrêté à Hauterive à la Libération. Condamné à mort par la Cour martiale de Vichy le 26 octobre 1944, il est fusillé à Cusset le 22 novembre 1944. Le père et la mère de Marcel GOURUT ont été pendus sur le seuil de leur maison par la foule déchaînée à la Libération. La version de la dénonciation de Gabriel ROMON par un infiltré de la Gestapo dans le réseau Alliance Selon RODRIGUEZ83 un nouveau recruté dans le réseau Alliance, LIEN (pseudonyme « Flandrin »), a dénoncé tous les membres du réseau Alliance qu’il avait pu connaître. RODRIGUEZ écrit qu’il aurait soupçonné LIEN de double jeu dès son admission dans le réseau Alliance. Il raconte dans son livre comment il tombe par hasard sur LIEN dans une boîte de nuit parisienne après la fin de la guerre, et comment il réussit à le faire arrêter par la Police française. LIEN sera condamné à mort et exécuté. Les deux versions de dénonciation sont aussi plausibles l’une que l’autre, elles ne sont d’ailleurs pas incompatibles. J’aurais tendance, cependant, à privilégier la version de l’ancien GCR devenu milicien. En effet, Gabriel ROMON n’a été membre d’Alliance que peu de temps84. Je n’ai par ailleurs aucun document montrant que LIEN ait pu être en contact avec mon père. Mais, in fine, la dénonciation était-elle vraiment nécessaire pour que la Gestapo passe à l’acte et vienne arrêter les résistants sinon notoires, en tous cas potentiels, comme mon père ? Rappelons nous que l’un des services constitutifs du GCR est le service d’écoutes radio militaires, qui existait avant la guerre, et dont la mission principale était, déjà, de capter les messages de l’Armée allemande pour le compte du 2ème Bureau français. On a du mal à imaginer, rétrospectivement, que les allemands n’aient pas étroitement surveillé depuis le début un officier français, mon père, à qui on confie justement la mission de débusquer ceux qui font, sous l’occupation, ce que lui-même faisait avant la guerre, intercepter les messages de l’Armée allemande. Mon père a donc joué double jeu d’une façon qui nous semble aujourd’hui hautement risquée. L’explication par l’imprudence 82 Cf. Archives familiales [01/10/1974] Voir les extraits de L’escalier de fer, en annexe, 1958 84 Voir ci-dessous le § Pourquoi mon père a-t-il été condamné à mort ? François ROMON, 16/08/2009 83 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 32 Il y a deux façons, au moins, d’être imprudent pour Gabriel ROMON. La première façon consiste à ne pas dissimuler suffisamment ses activités de résistant. Lorsque mon père est arrêté, il ne travaille plus, depuis 7 mois déjà, au GCR au château d’Hauterive, mais à Paris, au siège du Secrétariat d’Etat aux PTT. Cependant, comme nous l’avons vu, loin de mettre un frein à ses activités clandestines, il en fait de plus en plus. Or, en cette fin d’année 1943, la Gestapo a déjà procédé à l’arrestation de Marien LESCHI et de ses adjoints. On sait que LESCHI et ROMON sont très proches, ils travaillent dans le même domaine des transmissions, et ils ont le même patron, Paul LABAT. Quant au réseau Alliance, il a déjà été décimé par la Gestapo. Le chef militaire du réseau, Léon FAYE, ainsi que Fernand RODRIGUEZ, ont été arrêtés quelques mois avant mon père. Gabriel ROMON est le dernier à être arrêté des 24 membres du réseau Alliance qui seront condamnés par le Tribunal de guerre allemand85. Ces 24 français-là étaient eux-mêmes les derniers d’Alliance à avoir été condamnés par ce Tribunal, qui, par deux fois déjà, a envoyé des résistants du réseau devant le peloton d’exécution. Si mon père n’avait raisonné qu’en termes stricts de sécurité, il aurait du non seulement cesser ses activités secrètes, mais fuir la France occupée. Pourquoi Gabriel ROMON n’a-t-il pas essayé de rejoindre Alger ? Rappelons que mon père a été en garnison au 19ème RG à Hussein Dey de 1930 à 1932, et que lors de sa mission en AFN à l’automne 1941, il était placé de telle façon qu’il a pu nouer énormément de contacts dans l’Armée française d’AFN86, qui, depuis, a rallié les Forces Françaises Libres. Pourquoi, autre possibilité, n’a-t-il pas traversé la Manche pour rejoindre à Londres ceux à qui il transmettait ses informations, comme l’a fait à cette époque son collègue Edmond COMBAUX ? D’après ma mère87, une place dans un avion pour Londres a plusieurs fois été proposée à mon père. La deuxième façon d’être imprudent consiste à sous-estimer les conséquences d’une arrestation. En suivant le scénario que nous propose Robert GUERRIER (voir plus haut), on peut imaginer que mon père continue son action de résistance, en se disant que, s’il est arrêté, son appartenance à l’Armée Secrète, ou à Alliance, lui confère un statut de prisonnier de guerre et lui évite le peloton d’exécution. Après tout, Marien LESCHI, qui est exactement dans la même situation que mon père, et qui est arrêté pour les mêmes raisons88, sera rapatrié du camp de Dora. La Gestapo, nous l’avons vu, a arrêté Léon FAYE, le chef militaire d’Alliance dès septembre 1943. Selon le Mémorial d’Alliance [1947], la Gestapo lui aurait donné alors l’assurance que « son organisation étant une organisation militaire, tous les membres détenus de d’Alliance seraient considérés comme prisonniers de guerre, ne subiraient aucun jugement, et attendraient la fin de la guerre dans les camps ». Ce que les allemands avaient dit à FAYE devait être connu des résistants d’Alliance, donc de Gabriel ROMON, arrêté trois mois après. Hélas ! Si Léon FAYE est gardé prisonnier par les allemands et non fusillé, ce n’est pas par respect d’une quelconque convention internationale, c’est sur ordre de Himmler lui même, qui voulait se servir de cette prise importante comme monnaie d’échange contre ses propres hommes prisonniers des alliés. 85 Voir la liste des 24 d’Heilbronn en annexe, 21 août 1944 Voir ci-dessus l’épisode algérois au § De la résistance encouragée à la résistance tolérée 87 Cf. Note biographique de ma mère sur Gabriel ROMON [Archives familiales, 01/01/1979 (1)] 88 Au titre de l’ORA sans doute François ROMON, 16/08/2009 86 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 33 FAYE sera purement et simplement assassiné dans la panique de la débâcle allemande, dans le camp de concentration de Sonnenburg, le 30 janvier 1945 [Mémorial de l’Alliance, 1947]. Fallait-il croire dans la parole de la Gestapo ? L’imprudence est sûrement présente dans l’histoire de mon père. Mais, il me semble trop bon professionnel pour n’avoir pas bien sécurisé ses activités même de résistance. Par ailleurs, un tel comportement aurait été un danger pour les autres également, et on sait à quel point mon père avait le souci de ceux qui étaient sous sa responsabilité. Par contre, Gabriel ROMON n’a jamais montré un intérêt excessif pour les analyses politiques. C’est avant tout un soldat, et il est bien capable de n’avoir vu dans ses ennemis allemands que des soldats comme lui, et non ce qu’ils étaient devenus à l’époque, des barbares. Mon père a pu croire qu’il serait traité comme un prisonnier de guerre, en effet. Mais alors, pourquoi aurait-il évoqué avec ma mère quelques jours avant son arrestation l’éventualité de sa disparition ?89 L’explication par l’entêtement Selon cette hypothèse, mon père aurait voulu terminer en quelque sorte « à tout prix »90 ce qu’il avait commencé. Gabriel ROMON, tous les témoignages concordent sur ce point, est un perfectionniste. Selon son camarade LESCHI91, « Il aime le travail bien fait ». Or sa résistance à lui consiste, à ce moment là, à fournir le maximum de moyens de transmissions opérationnels pour les armées alliées quand elles débarqueront. Plus le temps passe et plus la victoire des alliés devient possible, ce n’est donc pas le moment de lâcher prise ! Le problème, évidemment, c’est que plus le temps passe et plus également la répression nazie s’accentue. Cette explication a le mérite de la simplicité et de la cohérence avec l’ensemble de l’action de Gabriel ROMON. Il est cependant peu plausible qu’elle soit la seule explication de son arrestation : mon père est sans doute têtu, mais pas forcément inconscient ! L’explication par le sacrifice Une autre façon, très différente, de poser la question de l’arrestation de mon père, est d’admettre l’inéluctabilité de cette arrestation, étant donné le contexte d’insécurité permanente de l’époque (voir plus haut). En continuant ses activités de résistance, mon père aurait, en quelque sorte, accepté de se sacrifier. L’explication du sacrifice consisterait à dire que mon père ne voulait pas abandonner à leur sort ses camarades, dont beaucoup sont venus à la résistance sous son impulsion, et dont il se sentait responsable : le capitaine qui ne veut pas abandonner son navire en train de sombrer en quelque sorte. Gabriel ROMON peut aussi s’être sacrifié pour sa famille, craignant des représailles à son encontre s’il s’enfuyait (à tort ou à raison, je ne sais pas). Les quatre types d’explication : la dénonciation, l’imprudence, l’entêtement et le sacrifice, ne sont pas incompatibles. Il y a certainement eu convergence entre un comportement imprudent et entêté de mon père, l’impunité dont a cru pouvoir profiter son dénonciateur (qu’il soit ancien opérateur radio passé à la Milice ou gestapiste 89 Voir les dernières recommandations de mon père en annexe, 14 avril 1946 Ici, le prix à payer est tout simplement celui de sa propre vie 91 Voir l’éditorial Le commandant ROMON de LESCHI en annexe, octobre 1946 François ROMON, 16/08/2009 90 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 34 infiltré dans le réseau Alliance), et l’esprit de sacrifice que tous ses camarades attribuent au commandant ROMON. Texte 12 décembre 1943. Pourquoi Gabriel ROMON a-t-il été arrêté par la Gestapo ? selon son arrière petit fils, Anatole ROMON, 8 ans et demi92 [Paris, 22 décembre 2005] Des documents très importants qui me manquent encore, comme le rapport de la Gestapo le concernant, pourraient nous en apprendre certainement beaucoup plus sur les causes de l’arrestation de Gabriel ROMON. Les autres arrestations dans les réseaux voués au renseignement Paul LABAT, pourtant déjà engagé dans d’autres réseaux de résistants, prend immédiatement la relève de l’action de son adjoint Gabriel ROMON dans le réseau Alliance : il sera arrêté le 30 mars 1944, deux mois seulement après mon père. Dans le Magazine Historique d’Heilbronn, l’auteur allemand de l’article du 29 avril 196293 considère que les « 24 condamnés français » faisaient partie du même groupe de résistants, qu’ils travaillaient ensemble, et qu’ils ont été arrêtés ensemble par la Gestapo. C’est une erreur : s’ils font tous partie du réseau Alliance, et s’ils ont été condamnés ensemble par le Tribunal de guerre de Freiburg, la plupart des 24 fusillés de Heilbronn ont été arrêtés à des dates et dans des lieux différents, et ne se connaissaient pas forcément entre eux94. RODRIGUEZ [1958], a été arrêté le 16 septembre 1943, dans le train Nanteuil le Haudouin - Paris par la Gestapo. Ont été arrêtés avec lui : Léon FAYE, « Aigle », chef militaire du réseau Alliance, assassiné par ses gardiens du camp de Sonnenburg le 30 janvier 1945, René DALLAS, parmi les 24 fusillés de Heilbronn, Jean-Pierre SNEYERS, parmi les 24 fusillés de Heilbronn, 92 Mon petit fils Anatole a tenu à donner sa propre version de l’arrestation de son arrière grand père, qu’il a improvisée sur ce bout de papier. Je la transcris ci-dessous sans « corriger » quoi que ce soit : « Les vacances étaient de plus en plus courtes, la guerre de plus en plus difficile, le métier de plus en plus important, et la retraite tard. Gabriel Romon avait énormément de mal à combattre. Depuis qu’il espionnait, il ne se passait plus des armes. M. Hitler faisait bâtir de plus en plus de DCA. En en découvrant beaucoup dans un passage, il perturba énormément les plans de l’ennemi, et Hitler fut si furieux qu’il lança une puissante attaque, et le résultat fut que (on ne sait pas comment), Gabriel fut repéré et arrêté » 93 Voir l’article en annexe, 29 avril 1962 94 Voir la liste des 24 fusillés d’Heilbronn en annexe, 21 août 1944 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 35 LIEN, délivré par la Gestapo juste après son arrestation, et que RODRIGUEZ retrouvera après la guerre, et qu’il réussira à faire arrêter. LIEN sera condamné à mort par une Cour de justice de la Libération et exécuté. La façon dont De Brinon « s’inquiète » de l’arrestation du commandant ROMON Cinq mois après son arrestation, mon père fait brusquement l’objet de toutes les sollicitudes de la part du Délégué général du Gouvernement français dans les Territoires Occupés, Fernand De Brinon. Le 5 juin 1944, celui-ci « s’inquiète » auprès du Préfet de l’Allier du sort réservé au commandant ROMON95. Il serait effectivement temps de s’inquiéter : à cette date, cela fait 6 mois que mon père a été arrêté, il est déjà déporté à Freiburg im Breisgau où il attend d’être jugé par le Tribunal de guerre allemand, il ne lui reste que deux mois à vivre. La réponse du Préfet de l’Allier nous parait stupéfiante aujourd’hui96. Il constate d’abord : « Gabriel ROMON, ingénieur en chef des PTT, ex-commandant de l’Armée française, a été arrêté par la police allemande, à son domicile ». Il rapporte ensuite que « d’autres personnes du Centre [du GCR] furent également appréhendées ». Le Préfet prend soin pour terminer d’ajouter que « M. ROMON avait peu de relations à Saint-Yorre où il résidait...et qu’il ne s’est jamais fait remarquer à aucun point de vue ». Il oublie, au passage, de répercuter à De Brinon ce que lui a écrit le Sous Préfet de Vichy : « Cet officier menait des activités secrètes de communication avec l’ennemi »97. Tout va bien donc : un ex-commandant de l’Armée française a été arrêté par la Gestapo ? Normal, il communiquait avec l’ennemi. D’autres personnes du GCR ont également été appréhendées ? Pas de commentaires. Le Préfet s’arrête là dans son traitement de « l’affaire ROMON ». Il transmet au Délégué général De Brinon, qui prend acte. L’ordre pétainiste règne. Ces messieurs ayant ainsi fait leur travail, je suppose qu’ils pourront se retrouver pour dîner dans l’un des bons restaurants de la Capitale de la collaboration. Fin 1943, la fiction pétainiste de la « Souveraineté nationale » a manifestement touché le fond du grotesque et de l’horreur, et le cas de mon père en est, hélas, une illustration d’anthologie. Le Préfet de l’Allier est alors PICOT. Si ce n’est un collaborationniste actif, il est au moins un serviteur zélé de Vichy puisqu’il est limogé du corps préfectoral à la Libération. Mais il sera réintégré 15 ans plus tard et finira tranquillement sa carrière comme préfet honoraire. Quant au Délégué Général de Pétain auprès des autorités allemandes, on ne connaît que trop bien son parcours. Fernand de Brinon [www.archivesnationales.culture.gouv.fr] [www.conflitsactuels.com] [PAXTON, 1973, 2005] Fernand de Brinon naît le 16 août 1885. Licencié en droit et diplômé des Sciences politiques, journaliste, partisan d’un rapprochement franco-allemand, il obtint une interview du Führer en 1933. Il publie en 1934 France-Allemagne, 1918-1934, et fonde en 1935 le Comité France-Allemagne. 95 Voir la demande du Délégué général en annexe, 5 juin 1944 Voir la réponse du Préfet en annexe, 18 juillet 1944 97 Cf. Archives nouvelles [13/07/1944]. Comprenons bien que quand le Sous-préfet parle d’ennemis, il s’agit des anglais évidemment pas des allemands François ROMON, 16/08/2009 96 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 36 Ami de Ribbentrop (il est surnommé « Brinontrop ») et d’Abetz, proche de l’oligarchie nazie, il est nommé le 17 décembre 1940 Délégué général du gouvernement français dans les Territoires Occupés, poste qu’il gardera jusqu’à 98 sa fuite à Sigmaringen avec Pétain et Laval . Fin 1942, le général von Stülpnagel, Délégué de l’Allemagne auprès de Vichy charge De Brinon de féliciter Pétain pour les succès de sa police pour l’année 99 écoulée : arrestation de 400 « terroristes notoires » et de 5.460 communistes, saisie de 40 tonnes d’armes. Le 9 juillet 1943, Déat, De Brinon, Benoist-Méchin, Drieu, Rebatet, cosignent une demande à Pétain de « remplacer Laval par un gouvernement entièrement acquis à l’effort de guerre allemand ». 100 A la libération, De Brinon est arrêté et incarcéré à Fresnes . Il comparaît devant la Haute cour de justice en mars 1947. C’est le seul des membres des gouvernements de Pétain jugés par la Haute Cour qui fut convaincu de prévarication, en plus de l’accusation de trahison et de collaboration : quand il fut arrêté, il emportait 5 millions en liquide et des bijoux estimés à 850.000 francs de l’époque. La Haute Cour prononça 18 peines de mort, dont 10 par contumace. Sur les 8 condamnés à mort appréhendés, 3 furent exécutés : Laval, Darnan et De Brinon. Il a été fusillé le 15 avril 1947 au fort de Montrouge. Ainsi, celui qui « s’inquiète » du sort de mon père, est l’un des trois seuls ministres de Pétain effectivement condamnés à mort et exécutés à la Libération. On est en droit de se demander, dès lors, si un tel personnage ne cherchait pas plutôt à savoir si l’arrestation de Gabriel ROMON avait bien eu lieu comme il l’avait lui même ordonnée. 98 Que signifie être Délégué du « gouvernement » d’un pays pour ses Territoires Occupés, lorsque tout le pays est occupé ? On est dans un vaudeville cauchemardesque ! 99 Traduire « résistants notoires ». Tous les régimes totalitaires usent du même langage 100 Il a peut-être occupé la même cellule que Gabriel ROMON 3 ans plus tôt François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 37 3. De prisons en prisons, Gabriel ROMON s’enfonce lentement dans la Nuit et le Brouillard La Prison militaire allemande de Moulins Mon père est d’abord incarcéré à la prison militaire allemande de Moulins (dite « La mal coiffée »). De là, il parvient à faire passer des messages à ma mère. Il lui écrit d’abord (4 janvier 1944) qu’il n’est pas accusé gravement et qu’il risque au pire une période d’internement : « Si on reconnaît, comme je l’espère, que je suis presque entièrement innocent, je filerai vers une prison de Province ». Intox à destination de ses gardiens ? Pieux mensonge pour essayer de rassurer sa femme ? Quelques jours plus tard, le 16 janvier 1944101, le ton a déjà changé, il envisage « toutes les hypothèses y compris le camp de concentration ou l’exécution ». En cet hiver 1943, il n’y a pas de visites aux détenus de la prison allemande de Moulins. On ne peut pas non plus leur apporter de nourriture. On peut seulement leur apporter un colis de linge propre et reprendre leur colis de linge sale une fois par semaine. Ma mère se rendra ainsi tous les jeudi matin à la prison de « La mal coiffée ». Au moins peut-elle ainsi s’assurer que son mari est toujours vivant. Ma mère écrit à Hugo Geissler, le chef de la Gestapo de Vichy, pour lui demander de la recevoir102 : « Vous êtes venu inspecter le GCR et vous avez alors apprécié les connaissances techniques sur les transmissions que vous partagiez avec mon mari… Il a été arrêté et emprisonné à Moulins par la police allemande. Elle a fait sans doute ce qu’elle considérait être de son devoir. Je voudrais au moins qu’on me laisse faire le mien qui est d’adoucir, dans toute la mesure du possible, le sort de mon mari, et je vous demande instamment de m’y aider…Je désirerais obtenir une autorisation écrite qui me permettrait de joindre quelques vivres au colis de linge que je dépose chaque semaine à la prison de Moulins ». Ma mère raconte dans son mémoire Résister et survivre103 comment s’est déroulé son entretien avec Geissler : le Chef de la Sécurité allemande a accédé à sa demande, elle est autorisée à ajouter de la nourriture à son paquet de linge hebdomadaire pour mon père. Mais, finalement, cela ne se fera pas. L’allemand que ma mère vient solliciter ainsi, n’est pas n’importe qui dans la hiérarchie de la répression nazie. Il sera tué par des membres de l’Armée Secrète (AS), organisation de résistance à laquelle appartenait…Gabriel ROMON ! Hugo Geissler [DESBORDES, 2000] Commandant (Hauptsturm führer) SS, chef du SD de Vichy et du Massif Central. Le 12 juin 1944, des maquisards de l’Armée Secrète attaquent un commando de miliciens et d’allemands à Murat, conduit par Geissler, en route pour l’arrestation d’une douzaine de personnes. Deux miliciens et huit allemands furent tués dont Geissler. Le 24 juin 1944, 115 habitants de Murat sont pris en otages pour l’exécution de Geissler. Ils sont déportés, 75 ne sont pas rentrés. 101 Cette lettre du 16 janvier 1944 ne parviendra à ma mère que le 12 novembre 1944, comme l’atteste le tampon sur l’enveloppe, c’est à dire 3 mois après la mort de mon père 102 Cf. Archives familiales [29/01/1944] 103 Cf. APA n° 485 [Archives familiales, 01/12/1996] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 38 Le jeudi 3 février 1944, on ne prendra plus son colis de linge propre à ma mère à la conciergerie de la prison « La mal coiffée » : Gabriel ROMON a été transféré depuis le 1er février à la Prison de Fresnes. La Prison allemande de Fresnes (Kriegswehrmachtgefängnis Paris) La Prison de Fresnes est alors de lieu de détention des résistants arrêtés dans la France entière [Mémorial de l’Alliance, 1947]. Comme ses camarades résistants incarcérés dans cette prison, mon père est certainement emmené de Fresnes à la Rue des Saussaies pour être entendu par les spécialistes des interrogatoires de la Gestapo. A Fresnes, seuls sont autorisés aux familles les dépôts de colis de linge, pas les échanges comme à Moulins. Pour les prisonniers dont le nom commence par les lettres M à R, les colis peuvent être déposés le 3ème mardi du mois, de 8h30 à 11h30 et de 13h30 à 16h104. Pour se rendre à Fresnes, ma mère devra donc patienter jusqu’au 22 février. En attendant, ma mère vient voir Paul LABAT à Paris. Celui-ci lui expose alors son projet pour faire évader Gabriel ROMON : une somme importante serait versée à un allemand travaillant à Fresnes, qui se fait fort de faire évader le prisonnier. Ce projet de LABAT est confirmé, après guerre, par l’Inspecteur général des Transmissions BESSON105. Celui-ci, en effet, cherchant à ce moment là à passer en Angleterre, s’adresse à LABAT. Il lui répond qu’il réserve la seule place qu’il avait pu obtenir dans un prochain avion pour Londres à ROMON, qu’il faudra éloigner de Paris dès son évasion. Paul LABAT n’a, apparemment, pas pris beaucoup de précautions pour cette rencontre avec ma mère. Pour parler plan d’évasion d’un détenu à la prison de Fresnes, il organise un déjeuner à trois, avec ma mère et la secrétaire de mon père devenue la sienne, au restaurant La Coupole, restaurant de Montparnasse à la mode sous l’Occupation. Ma mère écrit que cet entretien avec le patron de mon père l’a réconfortée, mais qu’elle ne croit qu’à moitié aux chances de succès de son plan d’évasion106. Deux mois plus tard, Paul LABAT est arrêté par la Gestapo à son bureau de Directeur aux PTT à Paris. Lorsque le mardi 22 février arrive enfin, ma mère fait la queue à la porte de la Prison de Fresnes avec les autres femmes et parents de détenus, chacun portant son colis de linge propre. Elle est avec ma grand’mère, Gabrielle ROMON, la mère de mon père. Quand leur tour arrive, c’est le choc : Gabriel ROMON est parti, emmené ailleurs. Où est-il ? On ne sait pas, il n’est plus à Fresnes, disparu, on ne doit rien dire : Nuit et Brouillard. Le soir même de sa dramatique visite à Fresnes, ma mère se rend au camp de Royallieu, à Compiègne. C’est le centre de « tri » pour les déportés français vers l’Allemagne. Mais personne n’y a jamais entendu parler de Gabriel ROMON. Elle essaye alors d’avoir des informations par tous moyens. Elle sollicite les anciens collègues du commandant ROMON : en vain107. Elle frappe aux portes des bureaux de la Gestapo à Paris : en vain encore108. 104 er Voir le Règlement des dépôts de colis à Fresnes en annexe, 1 février 1944 Cf. Archives familiales [10/11/1978] 106 Cf. Mémoire Résister et survivre, APA n° 485 [Archives familiales, 01/12/1996] 107 Cf. lettres de LIONNET à ma mère [Archives familiales, 27/05/1944, 02/06/1944] 108 er Voir la réponse de la Sécurité allemande en annexe, 1 mars 1944 François ROMON, 16/08/2009 105 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 39 Gabriel ROMON disparaît dans la Nuit et le Brouillard Nous sommes début juillet 1944. Le débarquement allié en Normandie a eu lieu déjà depuis un mois. Dans un bureau parisien, un fonctionnaire de la Gestapo finit par lâcher à ma mère une information : destination Strasbourg. D’anciens collègues de mon père, que ma mère sollicite alors, lui écrivent des lettres rassurantes : la Forteresse de Strasbourg n’est pas utilisée par les nazis comme lieu de transit, c’est une prison définitive. Compte tenu de la progression rapide des alliés depuis le débarquement en Normandie, nul doute que le commandant ROMON sera bientôt libéré, il faut être patiente109. Ce ne sont que pieux mensonges. C’est tout le contraire. Strasbourg est la dernière étape en France avant la déportation en Allemagne. Par Jacques LEYSER, arrêté et détenu avec mon père à la prison de Moulins, rapatrié du camp de Dora110, ma mère apprendra, bien plus tard, quel a été le cheminement de son mari, prisonnier des nazis. Gabriel ROMON est effectivement emmené de Fresnes à la Forteresse de Strasbourg, où il est interrogé par l’AST de Strasbourg, spécialisé dans les dossiers du Réseau Alliance. C’est là que son sort est scellé : à part une évasion, rien ne peut plus le sauver alors de l’exécution. AST = AbwehrSTelle de Strasbourg [Mémorial d’Alliance, 1947] A l’origine, l’AST est le Service de Renseignements de l’Armée allemande, l’équivalent de notre 2ème Bureau, créé longtemps avant l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Hitler réorganisa le Service de Renseignements, le baptisa Abwehrdienst en lui adjoignant le Service de sécurité (Sicherheitsdienst, SD), c’est à dire la Gestapo (Geheime-Staats-Polizei) pour les pays occupés. Le siège est à Stuttgart, L’Abwehrdienst est divisé en AST. Les dossiers d’Alliance étaient instruits par les AST de Dijon et de Strasbourg. Selon le Secrétaire d’Etat aux Forces armées après guerre, c’est le 15 février 1944 que Gabriel ROMON a été déporté en Allemagne, à la prison de Kehl.111 De la prison de Kehl à celle de Freiburg im Breisgau Le 27 avril 1944, mon père sera transféré de la prison de Kehl à la Prison de Freiburg im Breisgau, pour comparaître cette fois devant le Tribunal de guerre allemand. Le cheminement de mon père de l’arrestation à la déportation est le cheminement type d’un membre d’Alliance arrêté Voici, selon le Mémorial de l’Alliance [1947], le cheminement type d’un membre du Réseau arrêté par la Gestapo : - Arrestation par la Gestapo partout sur le territoire occupé - Dès que l’appartenance à Alliance est suspectée, instruction du dossier par l’AST de Dijon, qui s’efforce de le raccorder aux autres dossiers qu’elle possède. Durant ce temps le détenu reste dans une prison de province, d’où il est conduit à Fresnes, et de là il sera interrogé par les services centraux de la Gestapo en France, rue des Saussaies ou 82 Avenue Foch 109 Cf. Lettre de LIONNET à ma mère [Archives familiales, 13/071944] Voir la biographie de Jacques LEYSER ci-dessus au § Pourquoi mon père a-t-il été arrêté par la Gestapo 111 Cf. Archives familiales [28/01/1952] François ROMON, 16/08/2009 110 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 40 C’est exactement le chemin suivi par mon père : prison de Moulins puis prison de Fresnes, et certainement interrogatoires rue des Saussaies et 82 avenue Foch112. - Si classement par la Gestapo « Nacht und Nebel, NN », transfert au camp de Schirmeck ou dans les prisons du pays de Bade (Kehl, Buhl, Rastatt, Offenbuburg, Pforzheim, etc.) avec nouveaux interrogatoires menés par l’AST de Strasbourg qui prépare toutes les pièces nécessaires à la comparution du « coupable » devant le Tribunal113. C’est aussi le chemin suivi par mon père : Forteresse de Strasbourg, puis prison de Kehl - Peu de temps avant le jugement, le détenu « NN » est transféré dans la prison de Freiburg im Breisgau ou dans une prison proche de la Forêt Noire. - Le Tribunal chargé des affaires d’Alliance est le Tribunal de Guerre (Kriegsgerichtsrat) de Torgau, transféré ensuite à Freiburg im Breisgau, où trois sessions ont été tenues : décembre 1941 mars et avril 1944 juin 1944 Comme les autres résistants d’Alliance arrêtés, Gabriel ROMON a été transféré à la prison de Freiburg im Breisgau, et jugé par le Kriegsgerichtsrat. 112 Cf. Réponse du SD allemand à ma mère [Archives familiales, 01/03/1944] Cf. Rapports de la gestapo, AST Strasbourg Alliance II [Archives familiales, 04/05/1944 et 13/07/1944] François ROMON, 16/08/2009 113 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 41 4. La condamnation à mort de Gabriel ROMON et de 23 autres membres du réseau Alliance Tous condamnés à mort Le 24 juin 1944, le Tribunal de guerre (Kriegsgerichtsrat) de Freiburg im Breisgau, se prononce pour la troisième fois sur des détenus du réseau Alliance. Ils sont cette fois 24, dont mon père. La sentence est toujours la même : tous condamnés à mort. Condamnés à mort pour « espionnage », en application de la section 8 du § 2 du Règlement militaire allemand en temps de guerre : « Est espion celui qui, consciemment, dans la zone de l’armée allemande (tout territoire occupé en temps de guerre en fait partie), secrètement ou sous une couverture, recueille ou transmet des renseignements intéressant la conduite de la guerre, principalement des renseignements de nature militaire dans le but de les communiquer, directement ou indirectement à l’ennemi. » Photo Juin 1944. Photo anthropométrique de Gabriel ROMON pour le Tribunal de guerre de Freiburg im Breisgau, [Mémorial d’Alliance, 1947] Cinq avocats ont été commis d’office par le Tribunal de guerre allemand : SCHUMACHER, HEZEL, METZGER, HERMANN, BRUNNER. L’Association des amis d’Alliance a pu se procurer, après-guerre, le témoignage de l’un d’entre eux, HERMANN : « La conduite de tous les membres d’Alliance devant le Tribunal militaire fut excellente…jamais je n’ai rien vu encore d’aussi émouvant que ces procès, particulièrement à cause de la personnalité si sympathique des accusés et de leur attitude admirable. Mes confrères et moi avions tous de l’admiration pour le patriotisme et la tenue remarquable des membres d’Alliance »114. 114 Cf. Mémorial de l’Alliance, 1947 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 42 Bien entendu, les plaidoiries de tous ces avocats, qui ont pourtant l’air bien intentionnés si l’on se fie au témoignage de HERMANN, ne serviront à rien. Les jeux sont faits depuis longtemps. Pourquoi mon père a-t-il été condamné à mort ? L’hypothèse de la loterie sinistre L’arrestation d’un résistant ne le conduit pas forcément à la condamnation à mort : d’autres résistants, pourtant très proches de mon père, ont été arrêtés puis déportés eux aussi, et condamnés seulement à l’emprisonnement, par exemple LESCHI115, ou LEROY116. Tous les membres du GCR d’Hauterive, arrêtés au Château des Cours le lendemain du jour de l’arrestation de mon père, QUESNEL, ROCHARD, GAILHAC, COLLARD ont été déportés, mais ont été rapatriés (cf. annexe supplémentaire, les déportés du GCR). Le Journal Officiel n° 26 du 31 janvier 1946 donne la liste de 25 officiers des Transmissions déportés, disparus ou rapatriés, classés par le Jury d’Honneur comme n’ayant jamais cessé d’être en activité de service117. Sur les 25 officiers, 2 ont été fusillés (René ZECHT et Gabriel ROMON), 3 ont été massacrés dans les camps de concentration (Paul LABAT, André MESNIER et le lieutenant METRAT), les 20 autres ont été rapatriés : sur quels critères ? Sur 30 agents des Transmissions non officiers, déportés eux aussi, 20 ont été fusillés ou sont disparus dans les camps de concentration : pourquoi ces 20 là et pas les 10 autres ? Appartenir au Réseau Alliance peut aussi être une façon de tirer le mauvais numéro. Tous les résistants arrêtés et convaincus par la Gestapo d’appartenir à Alliance ont été tués par les nazis. Si nous ne possédons pas le rapport de la Gestapo sur Gabriel ROMON, nous possédons ceux sur Paul LABAT118 et sur « Alliance II »119. On y voit clairement que les gestapistes interrogateurs cherchent simplement à prouver l’appartenance des détenus à Alliance. Dès qu’ils pensent y être parvenus, il leur suffit d’écrire en face du nom de l’accusé la mention « Membre d’Alliance, Nécessite un jugement », et c’est la condamnation à mort assurée. Gabriel ROMON sait que Alliance est dans le collimateur de Himmler. Si, comme il le raconte dans L’escalier de fer [1958], RODRIGUEZ peut tenter de faire croire aux gestapistes qui l’interrogent que ROMON ne s’est pas entendu avec FAYE120, c’est qu’il peut argumenter sur des faits. D’après ma mère, mon père trouvait justement les gens d’Alliance imprudents121. Selon elle, mon père n’était pas d’accord avec FAYE parce qu’il jugeait son projet de réseau de transmissions pour servir le débarquement allié pas assez sécurisé122. Un autre document [CONGOST, 1990] indique même que 115 Voir sa biographie ci-dessus § Du débarquement allié en AFN au débarquement en Normandie 116 Philippe LEROY est un camarade de promotion de Polytechnique de mon père. Il lui écrit à la Libération qu’il vient d’être rapatrié d’un camp en très mauvaise santé physique, et lui demande de ses nouvelles, il ne sait pas que mon père a disparu [Archives familiales, 17/05/1945] 117 Cf. Archives familiales [31/01/1946 (01)] 118 Cf. Archives familiales [04/05/1944] 119 Cf. Archives familiales [13/07/1944] 120 Le chef militaire de Alliance 121 Cf. Notes de souvenirs de ma mère [Archives familiales, 01/01/1979] 122 La mésentente entre les deux hommes me paraît effectivement plausible : autant mon père reconnaîtra toujours l’autorité de son aîné, ayant la même formation que lui, dont il peut en tous points admirer l’action, de toute façon son supérieur hiérarchique dans l’Armée, Paul LABAT, François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 43 Gabriel ROMON se serait retiré de Alliance à cette époque. C’est ce qui aurait encouragé RODRIGUEZ à affirmer à ses interrogateurs de la Gestapo : « Du reste, le commandant ROMON n’a jamais travaillé pour nous du fait de cette mésentente avec FAYE »123. Pourtant le nom de mon père devait figurer sur les papiers que des membres du réseau Alliance se sont fait prendre lors de leur arrestation, ou qu’un traître éventuel comme LIEN124 a pu se procurer, puisque Mme FOURCADE émet un certificat à la Libération, d’appartenance de mon père au réseau qu’elle dirige125 Notons enfin qu’aucun des collègues et camarades de résistance de mon père cités plus haut comme ayant été déportés, mais qui ont été rapatriés (LESCHI, COLLARD, LEYSER, LEROY) n’appartenait au Réseau Alliance. L’hypothèse des aveux extorqués par la torture à un autre détenu L’hypothèse des aveux d’un autre détenu est celle que retient ma mère. Dans le Mémorial d’Alliance [1947] qu’elle a légué à ses fils, en face de la biographie de l’un des déportés du réseau, elle a écrit ces quelques mots : « A parlé pendant les interrogatoires, est responsable de la condamnation ». Ce déporté sera pourtant assassiné lui aussi par les nazis. Elle confirme cette version dans sa lettre d’envoi du dossier de son mari au représentant de l’Association des anciens de Polytechnique (cf. Archives famille ROMON, 1970/12/10], à l’occasion de l’exposition « les scientifiques dans la résistance » à Bordeaux, en décembre 1970. Il y a certainement eu des résistants détenus qui ont craqué rue des Saussaies ou à l’AST de Strasbourg. Peut-on vraiment leur en vouloir ? Mais, je ne crois pas beaucoup à cette hypothèse des aveux. Comment savoir s’il y a eu des aveux ou non ? Mis à part la libération suspecte d’un détenu interrogé, ce qui n’est justement pas le cas ici. J’ignore totalement d’où ma mère tenait l’information qu’elle a reporté elle même dans le Mémorial d’Alliance. Je n’en ai trouvé mention dans aucun autre document. On imagine mal la gestapo garder la trace de tels aveux. Enfin, les gestapistes avaient-ils vraiment besoin d’aveux lors des interrogatoires ? Ils surveillaient depuis longtemps les agissements de ceux qu’ils finissent par arrêter, comme mon père. Ainsi RODRIGUEZ écrit-il dans son ouvrage [1958], en parlant de l’entrevue FAYE - ROMON : « Je suis abasourdi d’entendre détailler les circonstances, les mobiles, les résultats de l’entrevue ». L’hypothèse « Cyrano de Bergerac » Dans cette hypothèse, il faut imaginer que Gabriel ROMON s’est enfermé dans son Monde. Il continue à faire son métier d’officier sapeur télégraphiste. Il transmet des informations pour la prise de décision du Haut commandement militaire ; il raisonne simplement comme s’il s’était retrouvé derrière les lignes ennemies (cela arrive dans les combats), et que le GQG n’était plus à la Ferté sous Jouarre mais à Londres. Gabriel ROMON fait donc simplement son devoir, dans le prolongement de ce que ses chefs lui ont demandé de faire dès le lendemain de l’Armistice. Et si son devoir le conduit à la mort, il mourra avec panache, voilà tout. Cette hypothèse d’un père dernier mousquetaire romanesque peut paraître incongrue s’agissant d’un homme très conscient de ses responsabilités, qui perçoit bien le autant il ne doit pas aimer devoir obéir, lui qui a succédé à LABAT comme « commandant » des transmissions de l’Armée Secrète, au chef militaire d’Alliance 123 Voir extraits de L’escalier de fer de RODRIGUEZ, en annexe, 1958 124 Voir ci-dessus l’hypothèse de la dénonciation dans le § Pourquoi mon père a-t-il été arrêté par la Gestapo ? 125 Voir ci-dessus le § Le faux problème de la date d’entrée dans la Résistance de Gabriel ROMON François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 44 caractère dangereux de ses activités secrètes puisqu’il évoque longuement avec sa femme l’hypothèse de sa disparition126. Et pourtant ! Ce n’est pas un hasard si c’est une citation de l’auteur du Cyrano de Bergerac que mon père a affichée dans son bureau du GCR à Hauterive pendant les années noires 1940-1943 : « C’est la nuit qu’il est beau de croire dans la lumière ». Voici également ce qu’écrit RODRIGUEZ quand il évoque son compagnon de prison, Gabriel ROMON127 : « Dans leurs cellules de Schwäbish Hall, les détenus communiquent entre eux par morse en tapant sur les tuyaux de chauffage. Un jour je ne résiste plus et compose le nom qui me taquine : - « ROMON ? » - « Condamné à mort » Je m’inquiète : - «J’avais tenté de le sauver » - « En dépit ce qu’avez dit » répond LEMOIGNE, « ROMON a pris à son compte recrutement radios ». Monsieur de Cyrano en eut fait autant128. En moi se mêlent la peine de le savoir voué à notre sort129, et la fierté de le reconnaître égal à lui-même. Mon mensonge ne l’a pas servi, je ne regrette rien. » Quant à Marien LESCHI, dans le très bel éditorial de la Revue des Transmissions qu’il consacre à Gabriel ROMON disparu130, il parle de l’engagement « quasi mystique » de son camarade et ami. Le général BERTRAND, lui aussi, parle de mon père dans son ouvrage Enigma131 comme « d’une personne entière et prête au sacrifice ». Souvenons-nous, pour terminer, de ce que mon père lui-même écrivait à ma mère, en pleine déroute, le 31 mai 1940 : « La situation exige le sacrifice de nos vies au besoin » 132. 126 Voir les dernières recommandations de mon père en annexe, 14 avril 1946 Voir les extraits de L’escalier de fer de RODRIGUEZ en annexe, 1958 128 C’est bien la référence à ce même personnage romanesque célébrissime du même Edmond Rostand dont mon père a affiché un ver dans son bureau, qui vient, de façon troublante, sous la plume de cet anglais, alors qu’il n’a certainement jamais mis les pieds dans le bureau de Gabriel ROMON à Hauterive (voir plus haut) 129 A ce moment là, RODRIGUEZ est condamné à mort comme les 24 autres détenus d’Alliance, il ne sera pas fusillé car échangé par la suite contre des prisonniers allemands 130 Voir le texte de l’éditorial de LESCHI en annexe, octobre 1946 131 Voir les extraits d’Enigma de BERTRAND en annexe, 1973 132 Voir ci-dessus le § Gabriel ROMON pris dans la tourmente de l’offensive allemande François ROMON, 16/08/2009 127 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 45 5. « Il fut tiré dix coups sur chaque condamné…puis les corps furent déliés, mis en cercueil et enterrés » Le transfert de la prison de Freiburg im Breisgau à la prison de Schwäbisch Hall Les 24 détenus de Freiburg im Breisgau ne connaîtront pas la sentence du Tribunal à l’issue de leur procès. Ils retournent dans leur cellule, certainement la peur au ventre. Ils y resteront ainsi, dans une attente insoutenable, pendant presque trois semaines. Le 27 juin, les prisonniers sont transférés de la prison de Freiburg im Breisgau à la prison de Schwäbisch Hall133. Ce transfert ne leur laisse malheureusement plus aucun doute sur leur destination : le peloton d’exécution. De fait, la prison de Schwäbish Hall a été choisie pour sa proximité avec le lieu d’exécution retenu : le champ de tir de Heilbronn. La lecture de la sentence de mort à la prison de Schwäbisch Hall RODRIGUEZ [1958] décrit avec précision les dernières heures des condamnés à mort. L’escalier de fer, titre de son ouvrage, c’est l’escalier qui mène aux cellules de la prison de Schwäbisch Hall. Photo 1936. Schwäbisch Hall avant la guerre. Vue générale [Mémorial de l’Alliance, 1947] Alliance situe, à tort, la prison en haut à gauche de la photo Les 24 résistants de l’Alliance ne resteront que quelques semaines à Schwäbisch Hall. Ils y arrivent le 27 juin, et le 20 août 1944 à minuit, ils sont réveillés et sortis de leur cellule. La sentence leur est alors communiquée, en bonne et due forme, par un officier allemand, en présence de deux assesseurs du Tribunal de guerre, d’abord en allemand, puis en Français : « condamnés à mort par fusillade ». 133 Voir l’étiquette des effets personnels de Gabriel ROMON en annexe, 7 juillet 1944 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 46 Après la lecture de la sentence, « que les condamnés écoutent avec calme et dignité », raconte RODRIGUEZ, les 24 français sont reconduits dans leur cellule. Deux heures plus tard, dans la nuit du 20 au 21 août 1944, l’escalier de fer de la prison de Schwäbisch Hall résonne des pas des gardiens qui viennent chercher un à un les condamnés pour les emmener devant le peloton d’exécution…ils ne s’arrêtent pas devant la cellule de RODRIGUEZ134. De la prison de Schwäbisch Hall, les condamnés sont emmenés aussitôt à la Caserne Schlieffen de Heilbronn où ils arrivèrent le 21 août à 2 heures du matin. Les dernières heures à la caserne Schlieffen d’Heilbronn Les dernières heures de mon père et de ses 23 camarades condamnés à mort avec lui nous sont particulièrement bien connues grâce aux rapports établis en 1945 par l’abbé SAUTER135 et par l’Abbé FREY136. Ces deux prêtres catholiques allemands avaient été appelés par le Tribunal de guerre de Freiburg pour assister les condamnés jusqu’à leur exécution. Une lettre écrite par l’abbé FREY en 1946 à ma mère apporte quelques informations complémentaires137. On demande aux condamnés d'exprimer leur dernière volonté. L’un d’eux, le capitaine de réserve Pierre DELIRY, répond, au nom de ses 23 camarades : « être enterrés en terre française ». D’après l’abbé FREY, il lui est répondu par l’assesseur du Tribunal de guerre que ce souhait sera exaucé. On autorise alors les condamnés à écrire une dernière lettre à leurs familles, ce qu’ils font, en attendant leur tour de se confesser : elle ne parviendra jamais à leurs destinataires138. 134 Finalement épargné, nous l’avons vu, pour être échangé contre des prisonniers allemands Cf. Archives familiales [07/07/1945] 136 Voir en annexe, 10 septembre 1945 137 Voir en annexe, 16 mai 1946 138 Voir l’attestation du Gouvernement militaire allié en annexe, 15 juillet 1947 François ROMON, 16/08/2009 135 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 47 Photo 1935. La Ludendorffkaserne à Heilbronn, devenue la caserne Schlieffen en 1939 [Stadtarchiv Heilbronn, 1946] Ce n’est pas le commandant ROMON, comme l’écrit à tort l’auteur de l’article du Magazine Historique d’Heilbronn du 21 avril 1961139, mais Pierre DELIRY qui demande alors que les condamnés puissent chanter le Salve Regina et réciter un Pater Noster pour l’église catholique allemande. L’abbé FREY écrit dans son rapport : « C’était émouvant d’entendre chanter ces hommes consacrés à la mort qui se mettaient en pleine confiance dans la protection de la Sainte Vierge ». C’est encore Pierre DELIRY qui dira juste avant de partir pour le peloton d’exécution : « Je meurs pour la réconciliation entre la France et l’Allemagne »140. L’exécution à Heilbronn le 21 août 1944 Les circonstances de l’exécution de mon père et de ses 23 camarades fusillés avec lui, nous sont également bien connues par les mêmes rapports des abbés SAUTER et FREY, et par la même lettre de l’abbé FREY à ma mère. Nous disposons de plus dans les Archives familiales du rapport que le gardien de la prison de Schwäbisch a lui aussi rédigé pour le Gouvernement militaire allié141. Nous sommes le dimanche 21 août 1944. Il est 6 heures du matin dans la vallée de la Köpfer. Les français sont amenés 8 par 8 en camion de la Caserne Schlieffen au champ de tir, « à 15 minutes de voiture », écrit l’abbé SAUTER. Le gardien de la prison de Schwäbisch est précis : « 8 poteaux ont été dressés, distants de 10 mètres ». 139 Voir l’article en annexe, 21 avril 1961 Chapeau bas Monsieur DELIRY ! 141 Voir le rapport en annexe, 6 juin 1945 140 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 48 Il poursuit : « La même procédure fut appliquée trois fois aux condamnés arrivés successivement…Ils furent attachés torse nu, mains liées dans le dos…il fut tiré dix coups sur chaque condamné…puis les corps furent déliés, mis en cercueil et enterrés ». Photo 1944. Le champ de tir de la Caserne Schlieffen [Archives nouvelles] L’abbé FREY ajoute : « A l’appel de leurs noms, ils furent conduits et liés aux poteaux. Chacun pria de ne pas lui bander les yeux. Après que nous ayons tous reculé, les prisonniers, comme faisant suite à un ordre, s’écrièrent tous ensemble « Vive la France ». Tous moururent complètement prêts, absolument calmes…ils se sont distingués comme vrais chrétiens et héros de leur nation. » L’Abbé SAUTER conclut ainsi : « Je n’ai rien pu faire pour m’opposer à tout cela. C’est un pénible et triste devoir que j’ai eu à accomplir ce jour là. Mais je dois dire que tous les 24 sont morts bravement et bien préparés ». Dans sa lettre à ma mère, l’abbé FREY écrit encore : « Tous ceux qui furent condamnés sont bien morts, et par leur attitude admirable, ont laissé à leurs parents et enfants le plus bel exemple, et un testament honorable ». Le 21 août 1944, l’insurrection a déjà éclaté à Paris, on est à quatre jours de la libération de notre Capitale. Le 21 août 1944, ma mère et mes frères ont la joie d’assister à la libération de SaintYorre, où la famille habite toujours. Un drapeau français est hissé à la place de l’oriflamme nazi sur le toit de la prison « La mal coiffée » à Moulins. Le 4 décembre 1944 au soir, soit à peine plus de 4 mois après l’exécution des 24 français, 255 bombardiers longue distance et 9 avions de chasse de la RAF bombardent la ville de Heilbronn. François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 49 La Plaque commémorative apposée sur le « Cimetière d’honneur » de la ville précise : « Pendant cette attaque, qui dura environ 25 minutes, 6.530 personnes trouvèrent la mort, parmi lesquelles plus de 1.000 enfants. » Un an après son exécution, on espère toujours en France le retour du Commandant ROMON : Nuit et Brouillard Du 22 février 1944, date à laquelle elle se trouve désemparée à la conciergerie de la Prison allemande de Fresnes, jusqu’en juillet 1945, ma mère n’aura plus jamais aucune nouvelle de son mari : Nuit et Brouillard Toute la France est libérée depuis longtemps, les camps de prisonniers en Allemagne ont tous également été libérés, mais les identifications sont longues à faire, les soviétiques craignant des espions procèdent d’abord à des interrogatoires des prisonniers libérés. Ma mère passe une annonce dans la presse parisienne en mai 1945142 : pas de résultat. C’est l’époque où ma mère reçoit un abondant courrier d’amis et de collègues de mon père qui s’emploient à la rassurer : « Nous avons vu rentrer un tel ou un tel, alors votre mari va rentrer lui aussi ». Une seule de ces lettres résume le désarroi dans lequel est plongé ma mère par les effets de la barbarie nazie codifiée dans le terrible décret Nuit et Brouillard. C’est un collègue de mon père qui écrit à ma mère : « J’apprends aujourd’hui de source sûre que le commandant est vivant dans un camp de la région de Weimar »143. Sa lettre est datée du 15 mars 1945. Cela fait plus de 6 mois que mon père a été fusillé. Pendant un an et demi, ma mère pourra ainsi croire que son mari est encore vivant, quelque part en Allemagne, et qu’il va bientôt être rapatrié par les Forces d’occupation. Elle écrit que la période de la Libération est terrible pour elle, car au lieu de se réjouir de voir, enfin, son pays libéré, elle reste choquée lorsque les journalistes insistent sur chaque nouvelle centaine de corps découverts sans vie dans les camps allemands libérés un à un. Ils ne se rendent pas compte à quel point ils désespèrent un peu plus ceux qui, comme ma mère, attendent toujours le retour de leurs proches144. En juillet 1945, ma mère est informée de l’exécution de mon père à Heilbronn par le Gouvernement militaire allié de Ehingen. L’attente est terminée. Dans les Archives familiales, les lettres d’encouragement ont fait place aux lettres de condoléances. 142 Voir l’annonce en annexe, mai 1945 Cf. Archives familiales [15/03/1945] 144 Cf. APA n° 485 [Archives familiales, 01/12/1996] 143 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 50 Les traces sur le sol allemand des 24 français fusillés La prison de Schwäbisch Hall est aujourd’hui désaffectée. Photo Juillet 2005 (1). La prison de Schwäbisch Hall, aujourd’hui désaffectée. Elle est bien située au bord de la Köpfer La Caserne Schlieffen a été reconvertie en « Business Park ». La rue Schlieffen qui la bordait a été débaptisée après la guerre. Son nom n’était plus « politiquement correct » vis à vis de l’Administration alliée de la ville, m’a expliqué le Directeur des archives de Heilbronn. Schlieffen, c’est en effet ce général allemand de la première guerre mondiale, auteur du fameux plan « Blitzkrieg » qui prévoyait d’envahir rapidement la France pour pouvoir se consacrer ensuite plus tranquillement à l’invasion des pays d’Europe centrale et de l’est. Si le « Plan Schlieffen » a échoué en 1914, l’Armée allemande ayant été arrêtée par l’Armée française, finalement victorieuse avec l’aide de ses alliés, ce plan a réussi au delà de tout ce que pouvait espérer Hitler en mai 1940. La rue qui borde le « Business Park » s’appelle maintenant John F. Kennedy : on ne peut pas mieux marquer le changement d’époque ! François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 51 Photo Juillet 2005 (2). La caserne Schlieffen aujourd’hui, transformée en Business Park Le champ de tir de la vallée de la Köpfer existe toujours. Mais, la Caserne Schlieffen ayant disparu, il est aujourd’hui la propriété…de l’Association des chasseurs d’Heilbronn ! On y tire donc toujours, mais ce ne sont pas les mêmes coups de feu. Photo Juillet 2005 (3). Le chemin du champ de tir de la Caserne Schlieffen, devenu aujourd’hui Stand de tir de l’Association des chasseurs de Heilbronn François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 52 L’abbé SAUTER croit que les 24 français exécutés furent enterrés dans le cimetière de Neckargartach près de Heilbronn145. Il fait erreur, c’est dans le cimetière de SontheimHeilbronn, d’ailleurs situé tout près du champ de tir, que les 24 fusillés ont été enterrés. Plan 1936. Plan de Heilbronn avant la guerre. En hachuré de gauche à droite : le cimetière de Sontheim, la Ludendorffkaserne (devenue caserne Schlieffen en 1939), le champ de tir de la caserne [Stadtarchiv Heilbronn, 1936] Plan 2005. Plan de Heilbronn aujourd’hui. En hachuré de gauche à droite : le cimetière de Sontheim, le Business Park, John F. Kennedy Strasse, qui a remplacé la caserne Schlieffen, le stand de tir de l’Association des chasseurs de Heilbronn qui a remplacé le champ de tir de la caserne Schlieffen 145 Cf. Archives familiales [07/07/1945] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 53 Les 24 fusillés d’Heilbronn n’ont pas eu droit à l’époque à une tombe individuelle, ils n’ont pas non plus été inscrits dans le registre du Cimetière : Nuit et Brouillard. Le Directeur actuel du Cimetière n’a qu’une quarantaine d’années, il n’était même pas né lors de ces évènements terribles. Pourtant, il savait parfaitement où se trouvait le bout de terre que son prédécesseur de 1944 avait pu réserver aux 24 français. Il m’y a conduit avec Jasna sans l’ombre d’une hésitation. Il n’y a là aucune plaque commémorative, ni aucune croix. Mais l’emplacement a été laissé volontairement libre d’utilisation ultérieure, et est parfaitement entretenu. Une façon, élégante, pour les allemands d’aujourd’hui de montrer leur opposition au décret Nuit et Brouillard. Photo Juillet 2005 (4). L’emplacement de la sépulture des 24 français fusillés, à l'est de la chapelle du cimetière de Sontheim aujourd’hui Le réseau Alliance : l’hécatombe des fusillés mais aussi des assassinés L’Association des amis d’Alliance a dénombré 429 membres du réseau Morts pour la France sur environ 700 agents que comptait le réseau : plus d’un sur deux [Mémorial de l’Alliance, 1947]. Parmi eux, beaucoup n’ont même pas été jugés et fusillés comme les 24 d’Heilbronn : ils ont été assassinés purement et simplement par les nazis [Mémorial de l’Alliance, 1947]. Le sort des résistants arrêtés varie essentiellement avec la progression des armées alliées sur le front ouest des allemands, et celle des armées soviétiques sur leur front est. Lorsqu’ils croient pouvoir encore maîtriser la situation militaire, les nazis se donnent la peine de réunir un Tribunal de guerre (même si le verdict est connu d’avance), de demander l’assistance d’un prêtre, de rassembler un peloton d’exécution, et d’enterrer les fusillés, comme ils l’ont fait pour les 24 d’Heilbronn le 21 août 1944. Mais plus on se rapproche de la fin de leur régime barbare, plus ils perdent pied sur les champs de bataille, et plus les nazis se montrent inhumains dans les camps et les François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 54 prisons à l’arrière. Sachant leur cause perdue, au lieu de libérer leurs prisonniers (au moins de les laisser se débrouiller et de fuir), ils les exécutent. Ils essayent ensuite de faire disparaître leurs dépouilles, comme s’ils espéraient ainsi faire s’évanouir, à son tour, dans la nuit et le brouillard, l’énormité de leurs crimes146. Selon le Mémorial d’Alliance [1947], 108 membres du réseau, dont Paul LABAT, furent exécutés les 1er et 2 septembre 1944 au camp du Struthof près du camp de Shirmeck (Bas Rhin), sur ordre direct de Berlin. Le seul rescapé de Shirmeck (un médecin, les gardiens allemands avaient besoin de lui) témoigne : « Parvenus au Struthof par groupes de 12 et déshabillés dans la baraque-vestiaire, nos camarades ont été conduits au local situé au dessous du four crématoire, sous le prétexte d’une désinfection. Ils furent étendus sur le sol puis exécutés d’une balle dans la tête dès leur entrée dans ce caveau. Les corps furent montés par l’ascenseur jusqu’au four crématoire, puis incinérés à raison de 4 à 6 par heure, ce qui explique le fonctionnement pendant plusieurs jours du four ». 146 On retrouvera le même comportement, aussi bien du côté serbe que du côté croate ou bosniaque, dans la guerre en ex-Yougoslavie (1991-1994) : des charniers n’on été découverts qu’après la fin des combats. François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 55 6. Honneurs posthumes : Gabriel ROMON Mort pour la France Le rapatriement des dépouilles mortelles des 24 martyrs d’Heilbronn On sait que si le dernier vœu des 24 condamnés, « être enterrés en France », a finalement pu être exaucé, ce n’est pas parce que les assesseurs du Tribunal de guerre de Freiburg ont tenu parole. C’est d’abord parce qu’en dépit du décret Nuit et Brouillard, les allemands de Heilbronn ont enterrés les corps dans leur Cimetière de Sontheim147. C’est ensuite parce que l’Allemagne nazie finira par capituler le 8 mai 1945. Heilbronn se trouve alors dans la zone d’occupation américaine, et dépend du Gouvernement militaire allié de Ehingen. Le 5 juillet 1945, une délégation française, à laquelle s’est joint le captain RODRIGUEZ, vient à Heilbronn. Elle fait déterrer les 24 corps pour procéder à leur identification. En juillet 1947, les anciens du réseau Alliance réussissent à faire rapatrier les corps en France, via Strasbourg, où ils ont été inhumés provisoirement le 2 juillet 1947 au Cimetière nord de la Robertsau. Une cérémonie a lieu avant la restitution des corps aux familles le 28 août 1947. Photo août 1947 (1). Cérémonie en l’honneur des 24 fusillés de Heilbronn à Strasbourg, lors du rapatriement de leurs corps par le Réseau Alliance [Mémorial Alliance, 1947] 147 Il brillait encore une petite flamme d’humanité chez ces allemands de Heilbronn en cet été 1944, que n’avaient pas encore réussi à éteindre cinq ans de barbarie nazie François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 56 Photo Juillet 1947 (2). Sépulture provisoire de Gabriel ROMON et des 23 autres fusillés d’Heilbronn à Strasbourg (Robertsau) lors du rapatriement des corps [Archives familiales] Obsèques officielles en l’Eglise Saint-Louis des Invalides Les obsèques officielles du lieutenant-Colonel Gabriel ROMON ont eu lieu le 27 décembre 1947 en l'Eglise Saint-Louis des Invalides à Paris, en présence de toute la hiérarchie des Transmissions. Photo Décembre 1947. Les obsèques du lieutenant-colonel ROMON en l’église Saint-Louis des Invalides [La Revue des Transmissions n° 21, avril 1948] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 57 Mon père est enterré depuis dans le caveau familial du cimetière d’Aubervilliers (Seine Saint-Denis), où sa mère Gabrielle ROMON l’a rejoint le 15 septembre 1965, et sa femme, ma mère, le 22 décembre 1999. Citations et commémorations officielles 26 octobre 1945. Promotion, à titre posthume, de Gabriel ROMON au grade de lieutenant-Colonel, à compter du 25 mars 1944 Lettre du colonel GUERIN, Directeur des Transmissions à ma mère148. 31 janvier 1946. Classement de Gabriel ROMON au Jury d’Honneur Journal Officiel n° 26. Liste de 25 officiers des Transmissions, qui, déportés, disparus ou rapatriés, ont été classés par le Jury d’honneur comme n’ayant jamais cessé d’être en activité de service. Parmi eux, le lieutenant-colonel ROMON (également le colonel LABAT, les lieutenants-colonels LESCHI et MESNIER, le chef de bataillon COLLARD). 19 avril 1946. Gabriel ROMON « Mort pour la France » Avis officiel de décès « Mort pour la France » n° 562-176 de Gabriel ROMON, émis par le Ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre149. 6 mai 1946. « Certificate of Service » de Gabriel ROMON « Certificate of Service » signé du Field Marshal Montgomery, de Gabriel ROMON « who, as a volunteer of the United Nations laid down his life that Europe might be free »150. 17 mai 1946. Gabriel ROMON médaillé de la Résistance à titre posthume Journal Officiel n° 115. Le Président du Gouvernement Provisoire de la République Française décerne à titre posthume la Médaille de la Résistance Française à Gabriel ROMON (en même temps qu’à Paul LABAT). - 6 juin 1946. Gabriel ROMON Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume Décret du Gouvernement Provisoire de la République Française Citation : « ROMON Louis Charles Gabriel, lieutenant-colonel des ex Forces Françaises de l’Intérieur, Chef de bataillon du Génie de l’Armée active qui est entré comme volontaire au S.R. Alliance en mai 1943. Devenu chef du Service des Emissions secrètes, s’est consacré à cette tâche essentielle avec l’esprit de sacrifice d’un soldat. Arrêté par la Gestapo le 12 décembre 1943, a été condamné à mort par le Tribunal militaire de Freiburg im Breisgau et fusillé à Heilbronn le 21 août 1944, faisant face à la mort au chant de la « Marseillaise ». Compte parmi ceux qui ont montré dès l’Armistice le chemin de l’honneur et frayé celui de la Victoire »151. 18 juin 1947. Jean-Louis, Philippe et François ROMON pupilles de la Nation 148 Cf. Archives familiales [05/12/1945] Cf. Archives familiales [19/04/1946] 150 Voir le Certificat en annexe, 6 mai 1946 151 Cf. Archives familiales [06/06/1946]. C’est sans doute le Réseau Alliance qui a instruit le dossier de la Légion d’Honneur de mon père, puisque la citation mentionne comme premier fait de résistance cette entrée dans le réseau Alliance en mai 1943. La citation ajoute toutefois, d’une manière assez ambiguë « Compte parmi ceux qui ont montré dès l’Armistice le chemin de l’honneur et frayé celui de la victoire ». Voir ci-dessus le § Le faux problème de la date d’entrée de Gabriel ROMON dans la Résistance François ROMON, 16/08/2009 149 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 58 Notification d’un jugement du Tribunal de 1ère Instance de la Seine : « La Nation adopte Jean-Louis, Philippe et François ROMON »152 - 152 9 novembre 1947. Prise d’armes dans la cour de l’Hôtel des Invalides en l’honneur des Morts pour la France des Transmissions Revue des Transmissions, février 1948, n° 19 Prise d’Armes présidée par le Général de Corps d’Armée REVERS, Chef d’Etat Major Général de l’Armée. Remise de l’insigne de Chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur de son père, Gabriel ROMON, à son fils aîné Jean-Louis ROMON. Inauguration de la Plaque commémorative du personnel civil et militaire des Transmissions disparu pendant l’occupation, comportant 56 noms dont celui de Gabriel ROMON. Discours du Général de Division GILSON. Messe solennelle en l’Eglise Saint Louis des Invalides. Cf. Archives familiales [18/06/1947] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 59 Photo Novembre 1947 (1). Prise d’armes dans la Cour de l’Hôtel des Invalides à la mémoire des Morts pour la France des Transmissions. Vue générale [La Revue des Transmissions n° 19, février 1948] Photo Novembre 1947 (2). Prise d’armes dans la Cour de l’Hôtel des Invalides à la mémoire des Morts pour la France des Transmissions. Jean-Louis ROMON (1er à gauche sur la photo) décoré au nom de son père [La Revue des Transmissions n° 19, février 1948] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 60 Photo Novembre 1947 (3). Plaque commémorative des 56 martyrs de la résistance des Transmissions apposée à l’Hôtel des Invalides lors de la Prise d’armes [La Revue des Transmissions n° 19, février 1948] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 61 7. Se souviens-t-on encore aujourd’hui du sacrifice de mon père ? Qui garde la mémoire de mon père ? Jusqu’à présent, ce sont essentiellement les « corps constitués » qui ont gardé la mémoire de mon père. La fraternité de ceux pour qui « il était des nôtres» est efficace. Ainsi, c’est auprès de l’Arme des Transmissions d’abord, des anciens de Polytechnique et des anciens de SUPELEC ensuite, que j’ai trouvé les premiers témoignages écrits sur la vie et l’œuvre de mon père. L’Association des Amis d’Alliance est toujours active. Elle est présidée par Madame MIQUEL-MONCOMBLE153. L’Association a réanimé la Flamme sous l’Arc de Triomphe à la mémoire des membres d’Alliance Morts pour la France le 31 octobre 2005. Mon frère Philippe était présent. Photo Octobre 2005 (1). Réanimation à l’Arc de Triomphe à la mémoire des martyrs de la Résistance du réseau Alliance, Philippe ROMON est là La mémoire des hommes Voir ci-dessus la présentation des témoins de la vie de mon père (Sources d’information). 153 Témoignage de Claude BERMAN Ancien lieutenant au GCR d’Hauterive. Colonel de réserve. Mme MIQUEL MONCOMBLE, 24 rue Charles LAFFITTE, 92200 Neuilly sur Seine, Tél. 01.55.24.05.23 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 62 Lorsqu’on arrive chez Claude BERMAN, on tombe dès l’entrée sur les photos de Paul LABAT et de Gabriel ROMON. Il est à l’initiative du projet de pose d’une Plaque commémorative des déportés résistants du GCR sur les murs du château d’Hauterive, projet qui devrait aboutir au Printemps 2006. « J’ai donné comme prénom Gabriel à l’un de mes fils ce n’est pas un hasard. Votre père, c’était un meneur d’hommes ». Témoignage de Robert GUERRIER Ancien coursier puis cuistot au GCR d’Hauterive. Gabriel ROMON est pour Robert GUERRIER un patron charismatique, qui savait écouter, comprendre et aider les plus humbles. La dénonciation par l’un des anciens employés du GCR est une certitude pour Robert GUERRIER, il donne même un nom. De même, l’hypothèse du sacrifice de la part de mon père lui semble plausible. Selon lui, Gabriel ROMON aurait pu échapper à l’arrestation154. « Le commandant ROMON, c’est un homme droit, il savait commander, parler à ses hommes, un type bien. On ne peut dire que du bien de lui ». Photo Octobre 2005 (2). Dialogue avec Robert GUERRIER, le cuistot du GCR, dans sa maison d’Hauterive Témoignage d’Annie ZECHT-MOINDROT Annie est la fille de René ZECHT, lieutenant de réserve au GCR155. « Gabriel ROMON était un Chevalier du Moyen Age » Septembre 1952. Baptême de la Promotion des Elèves Officiers de Réserve (EOR) de l’Ecole d’Application des Transmissions « Lieutenant-colonel ROMON » Lettre du représentant des EOR de l’Ecole d’Application des Transmissions de Sète à ma mère lui demandant l’autorisation de baptiser sa promotion « Lieutenantcolonel ROMON »156. 154 Voir ci-dessus le § Pourquoi mon père a-t-il été arrêté par la Gestapo ? Voir la biographie de René ZECHT au § Le dimanche où tout a basculé pour notre famille 156 Voir en annexe, 16 septembre 1952 François ROMON, 16/08/2009 155 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 63 Septembre 1997. Baptème de la Promotion des EOR de l’Ecole Supérieure d’Application des Transmissions (ESAT) « Lieutenant-colonel ROMON » Transmissions magazine n° 18, septembre 1997. Article In Mémoriam Gabriel ROMON, à l’occasion du baptême de la promotion 1996 des EOR de l’ESAT « Lieutenant-colonel ROMON »157. La mémoire des lieux Salle d’Honneur du 8° RT. Forteresse du Mont Valérien La Plaque commémorative des 56 noms d’officiers et agents des Transmissions martyrs de la Résistance (dont Gabriel ROMON) apposée dans les corridors de l’Hôtel des Invalides le 9 novembre 1947 est maintenant confiée au 8ème RT à la Forteresse du Mont Valérien. Photo Octobre 2005 (3). Plaque commémorative des 56 martyrs de la résistance des Transmissions maintenant au Mont Valérien 157 er Voir en annexe, 1 septembre 1997 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 64 Photo Octobre 2005 (4). Dialogue avec le Capitaine LARTIGUE, Officier Traditions du 8ème RT, et son adjoint, au Mont Valérien Photo Octobre 2005 (5). Le Musée du 8ème RT au Mont Valérien François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 65 Photo Octobre 2005 (6). Séance de travail avec M. BOUQUILLON, conservateur du Musée du 8ème RT au Mont Valérien 158 Rue Commandant ROMON à Saint-Yorre (Allier) 12 mai 1946. Discours du maire de Saint-Yorre pour l’inauguration de la rue Commandant ROMON : « …Je m’incline respectueusement devant sa veuve éplorée et devant ses enfants qui auront à cœur de se montrer les dignes descendants du héros que fut leur père. Le nom de cette rue…perpétuera dans ce Saint-Yorre…le souvenir d’un grand Français devant lequel nous nous inclinons tous »158. Voir le discours du maire in extenso en annexe, 12 mai 1946 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 66 Photo Juin 2007. Tatiana, Vesna, Anatole et Pascal à Saint-Yorre devant le panneau de la rue qui porte le nom de leur grand père et arrière grand-père François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 67 Rue Colonels MESNIER et ROMON à Montargis (Loiret) 26 juin 1946. Lettre du maire de Montargis, annonçant le baptême de la rue des colonels MESNIER et ROMON159. André-Marie-Joseph MESNIER [Mémorial de l’Alliance, 1947] ème Capitaine au 38 Régiment du Génie de Montargis en même temps que mon père (1937-1939) Arrêté par la Gestapo le 25 juin 1944, assassiné à Dachau le 21 décembre 1944 Cité par le Jury d’honneur comme n’ayant jamais eu d’interruption de carrière, Lieutenant-colonel à titre posthume Centre des Transmissions des Forces Françaises en Allemagne à Mayence « Lieutenant-colonel ROMON » 18 mars 1948. Discours du général Robert BRYGOO, commandant les Transmissions françaises en Allemagne pour l’inauguration du Centre des Transmissions de Mayence « Lieutenant-colonel ROMON » par le général KOENIG, Commandant en chef français en Allemagne160 : « Vous allez mon Général, en coupant ce ruban, donner un nom à ce Centre. Nous avons choisi celui d’un des nôtres, qui synthétise peut-être le mieux le transmetteur français. Technicien de valeur, Officier d’Etat-major accompli, ingénieur des PTT aux heures sombres de l’Armistice, chef des Transmissions de l’Armée Secrète enfin, avant d’être martyr du plus pur patriotisme…Je crois bon...de se souvenir de ceux qui n’ayant jamais désespéré aux heures les plus sombres ont mérité cette suprême récompense, d’une mort dans l’exaltation d’un pur mouvement ascendant vers l’idéal… Mon Général, vos Transmetteurs vous demandent de donner à ce Centre le nom du Lieutenant-colonel ROMON » Robert BRYGOO [CONGOST, 1990] ème Commandant du 43 Bataillon en Syrie à la mobilisation de 1939 ème Février 1942 : Lieutenant-colonel à l’Etat-major de la 19 Région à Alger Août 1943. Commandant adjoint des transmissions en AFN Novembre 1943. Commandant des Transmissions du général Juin, chef du Corps Expéditionnaire Français (CEF) en Italie. 25 décembre 1945. Général de Brigade, Commandant des Transmissions des Forces Françaises d’Allemagne er 1 septembre 1951. Général de division Grand Officier de la Légion d’Honneur 159 160 Voir la lettre en annexe, 26 juin 1946 Cf. Archives familiales [18/03/1948] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 68 Photo Mars 1948 (1). Le Centre des Transmissions de Mayence « Lieutenant-colonel ROMON » [Archives familiales] Photo Mars 1948 (1). Inauguration par le Général Koenig, Commandant en chef de l’Armée française en Allemagne, du Centre des Transmissions de Mayence « Lieutenant-colonel ROMON » [Archives familiales] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 69 Au jour d’aujourd’hui, je n’ai pas encore trouvé la trace du Centre de Mayence « Lieutenant-colonel ROMON ». Il a du être rapatrié après l’évacuation des Forces Françaises d’Allemagne (1991), et intégré à une unité des Transmissions quelque part en France. Mais laquelle ? Pour l’instant je l’ignore. Du même coup, je ne sais pas ce qu’est devenue la Plaque en l’honneur de mon père qui a été inaugurée par le Général Koenig. Château des Cours, à Hauterive (Allier), Centre principal du GCR 25 juin 2007 Cérémonie à la mémoire des résistants du GCR, plus particulièrement de Paul LABAT, directeur du GCR, et de Gabriel ROMON, directeur du centre principal d’Hauterive, en présence du Sous-préfet de Vichy, avec pose d’une Plaque commémorative sur le fronton de la Mairie d’Hauterive, siège du GCR sous l’occupation [La Montagne, 27/06/2007] Photo juin 2007 (9). Le Sous-préfet de vichy salue la plaque dévoilée en l’honneur des résistants du GCR au Château d’Hauterive siège du GCR, aujourd’hui Mairie d’Hauterive La mémoire des Technologies La sauvegarde du patrimoine technologique national des télécommunications, militaires aussi bien que civiles, pendant l’occupation, a été essentiellement organisée par Paul LABAT, fidèle en cela à sa démarche de coopération militaire – civil qu’il avait déjà mise en œuvre avant la guerre161 161 Voir ci-dessus la biographie de LABAT dans le § Les Transmissions et la Résistance François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 70 Sous l’égide du Comité de Coordination des Télécommunications, des « ingénieursofficiers » comme LABAT, COMBAUX, LESCHI, ROMON ont résisté en préservant le patrimoine technologique français du pillage nazi. Ils ont ainsi mené à bien : le transfert de l’Ecole Supérieure d’Electricité de Paris à Lyon, formant plus de 200 ingénieurs sous l’occupation, l’attribution de marchés d’études aux labos des firmes françaises, leur permettant de maintenir leurs équipes de R&D au meilleur niveau de compétence (détection électromagnétique, ondes courtes). Le Service d’Etude des Matériels des Transmissions (SMT) a donné à la Résistance le concours de ses ateliers, et a soutenu par des marchés secrets les recherches de pointe confiées pour les télécommunications et les radars162 aux laboratoires français : SFR, SADIR, LCT, LMT, TRT, Radio-industrie, LTT. Cette coopération étroite, pendant l’occupation, entre les recherches PTT et les recherches militaires, est à l’origine de la création à la Libération du Centre National d’Etude des Télécommunications (CNET), devenu le Centre R&D de France Télécom. Pour Edmond COMBAUX163 « c’est bien à Paul LABAT que l’électronique française doit de s’être maintenue durant l’Occupation, à un niveau suffisant pour pouvoir, la paix revenue, retrouver rapidement sa place parmi les premières du Monde ». Les allemands de Heilbronn et de Schwäbisch Hall aujourd’hui Le Tribunal de guerre de Freiburg im Breisgau a bien appliqué le décret barbare Nuit et Brouillard en ne transmettant pas à leurs familles les dernières lettres écrites par les 24 condamnés français. Il ne l’a pas appliqué, par contre, en faisant appel aux abbés SAUTER et FREY pour assister les 24 martyrs d’Heilbronn dans leurs derniers instants164, ni en gardant trace de leur intervention. C’est ainsi, que le Gouvernement militaire allié de Ehingen a pu, dès septembre 1945, contacter ces deux prêtres. De même, l’exécution des 24 martyrs français est bien relatée au jour du 21 août 1944 dans la Chronique officielle de la ville d’Heilbronn165. Lorsque Claude DELIRY vient à Heilbronn, en 1994, pour rendre hommage à son père, Pierre DELIRY, l’un des 24 fusillés français166, il est reçu par le maire de la ville. Lorsque je suis venu à Heilbronn le 14 juillet 2005 avec Jasna, sans avoir pris aucun contact préalable, nous avons été reçus en l’espace de 24 heures par le Directeur des archives de la ville (qui m’a procuré 3 précieux documents référencés dans ce récit), par le Directeur du Cimetière de Sontheim (qui nous a conduit à l’emplacement des anciennes sépultures), et par le Directeur des archives de la ville de Schwäbisch Hall. Parti à la recherche de souvenirs du martyr que des allemands avaient infligé à mon père, j’ai trouvé d’autres allemands qui savaient regarder leur passé en face167. Chapeau messieurs ! Vous construisez ainsi l’amitié entre nos deux peuples, quelques années après les centaines de milliers de tués de part et d’autre, conformément au vœu formulé si courageusement par Pierre DELIRY, quelques minutes avant d’être fusillé168 : « Je meurs pour la réconciliation entre la France et l’Allemagne ». 162 Même si la contribution française a été modeste, elle a existé, et c’est bien le radar anglais, avec Sir Watson WATT, qui a finalement eu raison d’Hitler 163 Cf. Archives familiales [01/01/1991] 164 Voir ci-dessus le § L’exécution de Gabriel ROMON 165 Voir la Chronique d’Heilbronn en annexe, 21 août 1944 166 Voir la liste des 24 d’Heilbronn en annexe, 21 août 1944 167 On aimerait pouvoir en dire autant de tous les anciens belligérants, par exemple ceux de la guerre en ex-Yougoslavie, 1991-1994 168 Voir ci dessus le § Les dernières heures de Gabriel ROMON François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 71 Contrairement à Heilbronn, Schwäbisch Hall a été épargnée par l’aviation alliée. Sans doute, m’a dit le Directeur des archives municipales, parce que d’une importance stratégique moindre. C’est ce qui en fait encore aujourd’hui une charmante bourgade qui a gardé ses maisons et bâtiments publics des 15° et 16° siècles et qui est une destination touristique très appréciée. Photo Juillet 2005 (5). Schwäbisch Hall, charmante bourgade du Bade Wurtemberg, au bord de la Köpfer Pendant que nous consultions, Jasna et moi, les archives municipales, essayant de nous représenter les dernières heures des 24 français condamnés à mort détenus dans la prison de cette ville en août 1944, se préparait, juste en face du bâtiment où nous nous trouvions, un opéra de Verdi, en plein air, programmé pour le soir même. Il faut perpétuer l’esprit de la Résistance La mémoire de la résistance en France a été déformée du fait de la politique de réconciliation nationale après-guerre Le silence qui a été fait dans ma famille sur l’histoire de mon père n’est nullement un cas isolé. A la Libération, très nombreux parmi les rescapés étaient ceux qui ne pensaient qu’à retrouver une vie normale. D’autres se sentaient coupables d’avoir survécu. Vivre ces années noires a été une expérience si difficile que tous ceux qui l’ont faite ont bien du mal à la considérer rétrospectivement avec sérénité. Cette attitude a été encouragée par les pouvoirs publics, et singulièrement par le général De Gaulle. Il souhaitait une réconciliation nationale afin de mobiliser les François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 72 français pour la reconstruction du pays après la guerre169. Cette réconciliation s’est faite effectivement. Tant mieux. Mais elle s’est faite au prix d’une déformation de la mémoire de la Résistance dans sa complexité et dans ses difficultés. Dans l’idéologie de la Libération, le Régime de Vichy a été purement et simplement effacé de l’Histoire. Une ordonnance promulguée à Alger par le CFLN déclare nuls et non avenus les actes de « L’Autorité de fait », c’est à dire des gouvernements de Pétain. L’apaisement a été souhaité. Quatorze dignitaires de Vichy siègent au parlement en 1958. René COTY, Président de la République en 1953, avait voté les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940. La Résistance a certes été magnifiée (trop d’ailleurs, il est bon de rappeler qu’elle n’a pas mobilisé numériquement plus de français que la Collaboration), mais presque exclusivement celle qu’on pouvait voir au grand jour (attaques en ville des commandos de FFI, sabotage des voies de chemin de fer, etc.), au détriment de la résistance secrète, comme celle menée par mon père. Après la guerre, on délivrera 300.000 cartes de « combattants » : 130.000 à des déportés, 170.000 à des « combattants volontaires de la résistance ». En y ajoutant les 100.000 qui ont laissé leur vie170, on arrive à 400.000 soit 2 % de la population adulte. En 1948, une loi distingue deux catégories : « les déportés résistants », déportés suite à leurs activités de résistants171, et les « déportés politiques », victimes innocentes, tels que les otages. Ceux qui avaient été envoyés en Allemagne au titre du STO se virent refusés le statut de déportés, l’idée étant qu’ils auraient du éviter le STO et rejoindre la Résistance. Quant à la résistance spécifique des militaires, qui s’est d’abord faite avec un Régime de Vichy qui fermait les yeux, et qui a suivi ensuite l’évolution des rapports de force entre l’occupant, les collaborationnistes, les alliés, les forces françaises libres, et les autres résistants, elle n’a guère été étudiée jusqu’à présent. L’esprit de résistance est toujours d’actualité Après tout, la génération montante a peut-être raison, une guerre n’est sans doute plus possible entre les nations d’Europe. Tant mieux. Et pourtant ! Mes propres enfants sont, hélas, bien placés pour savoir ce qui s’est passé dans les années 1990 dans les Balkans. Le pays d’origine de leur mère, la Yougoslavie, s’est complètement déchiré. Nous avons assisté, sinon au cœur de l’Europe, en tous cas sur son sol, au retour de la barbarie 50 ans après celle des nazis. Si le « nettoyage ethnique » de Milosevic, Karadzic et autres Tusman n’a pas atteint l’horreur de la « solution finale » d’Hitler, c’est uniquement parce que serbes, croates et bosniaques intégristes admettaient que ceux qui n’étaient pas de leur « ethnie » (sic !) puissent vivre…à condition toutefois que ce soit ailleurs, et après les avoirs spoliés de tous leurs biens. Pour parvenir à leurs fins, les uns comme les autres n’ont pas hésité à exterminer les habitants de villages entiers, ou à tirer sur les enfants dans les rues de Sarajevo. S’il n’y a pas eu de tués dans la famille proche de Jasna, il y en a eu chez ses parents plus éloignés. Il y a eu surtout les couples et les familles qui ont éclaté sous la pression identitaire, il y a eu tous ceux qui ont fui l’ex Yougoslavie, et qui ne veulent plus y retourner maintenant que les armes se sont tues, parce que disent-ils « ils ne reconnaissent plus leur pays ». 169 Voir ci-dessus l’évocation de la relative modération de l’épuration en France à la Libération dans le § Du débarquement à la Conférence de Potsdam 170 Mon père est dans ces 100.000, soit 0,5 % de la population adulte 171 C’est la catégorie dans laquelle il faut classer mon père François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 73 Les Accords de Dayton ont entériné le partage « ethnique ». Ma propre belle-famille a éclaté, mes enfants ne voient plus leur oncle ni leur cousins du côté maternel. Le sacrifice de mon père peut nous servir de guide en dehors même d’un contexte aussi dramatique que celui de la débâcle de juin 1940, de l’Occupation allemande, de la « solution finale » nazie, ou du « nettoyage ethnique » dans les Balkans. Même dans la France d’aujourd’hui, qui reste relativement l’un des pays les plus riches du Monde, et qui est en paix avec tous ses voisins, les dérives auxquelles nous devons résister, ne manquent pas. Comme l’écrit si justement Amin MAALOUF [1998], les identités sont meurtrières. Chaque fois qu’un groupe humain se replie sur son identité raciale, religieuse ou sociale, il commence par s’isoler de ceux qui vivent autrement, puis il en fait les boucs émissaires de ses propres problèmes, et il finit par essayer de les éliminer par la violence. Il suffit de regarder autour de nous : Bosnie, Rwanda, ou plus proche, Irlande du Nord. Des discours sur la supériorité de la race aryenne aux discriminations ethniques, puis au port de l’étoile jaune, et enfin aux chambres à gaz, le pas a été franchi en quelques années par l’un des peuples les plus avancés culturellement techniquement et économiquement de la planète. C’est la même nation qui nous a donné Kant, Goethe ou Beethoven, qui nous a conduit à la Seconde Guerre Mondiale et à son cortège d’horreurs : 40 millions de tués dans le Monde en 6 ans ! Les identités meurtrières. Il ne s’agit pas de prendre modèle sur Gabriel ROMON, tout le monde n’est pas Cyrano de Bergerac. Mais nous pouvons nous inspirer de son constant esprit de résistance. Avant la guerre, mon père a résisté contre la pauvreté où était tombée sa famille, contre l’ignorance de son propre entourage, contre les petits calculs égoïstes de certains de ses collègues. Après la débâcle, il a résisté encore contre le découragement ambiant, contre la lassitude et le manque de moyens pour maintenir le potentiel technique des transmissions de l’Armée française, contre les appels des sirènes de l’égoïsme qui lui proposaient de venir se mettre à l’abri à Alger ou à Londres. Dans son abondante correspondance, mon père peut laisser apercevoir quelquefois un caractère irascible, un esprit porté à la critique, ou une attitude orgueilleuse. Mais, en 168 lettres qu’il écrit à sa femme, quelques fois pourtant dans des heures très sombres, y compris depuis le GQG en fuite ou depuis sa cellule de la prison de Moulins, je n’ai pas trouvé une seule allusion à un quelconque découragement. Gabriel ROMON ne renonce jamais, il résiste. François ROMON, Paris, 14 avril 2008 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 74 Bibliographie Ouvrages BERTRAND Gustave (1973), Enigma, Paris, Plon BOISFLEURY Bernard de (2005). L’Armée en résistance. France, 1940-1944. Paris, l’Esprit du livre DAINVILLE A. de (1974). L’ORA, la résistance de l’armée, guerre 1939-1945, Caen Lavauzelle DESBORDES Jean (2000), L’allier dans la Guerre 1939-1945, Clermont-Ferrand, Editions Gérard Tisserand DUMON Henri172 (2003), Les croix de ma mère, Paris, Editions des écrivains FOURCADE Marie-Madeleine (1998). L’arche de Noë : Réseau Alliance 1940-1945, Paris, Plon GARCON Ségolène (2004). Le Grand Quartier Général des forces terrestres françaises, 28 août 1939-1er juillet 1940 Thèse IEP JACKSON Julian (2001). La France sous l’occupation, 1940-1944. Traduction de France, The Dark Years, 1940-1944. Paris, Flammarion MAALOUF Amin (1998). Les identités meurtrières, Paris, Grasset, Le livre de poche MARTRES Eugène (2000), L’auvergne dans la tourmente 1939-1945, ClermontFerrand, Editions De Borée MOULIN Louis-André (1994). Itinéraire d’un Morvandiau, Bar sur Aube, Imprimerie Némont ORDIONI Pierre (1972), Tout commence à Alger, 1940-44, Paris, Stock PAXTON Robert O. (1973, 2005), La France de Vichy, 1940-1944, Paris, Seuil PAILLOLE Paul (1975). Services Spéciaux (1935-1945). Paris, Robert Laffont RIOUX Jean-Pierre (Dir., 2005), Une histoire du Monde contemporain, Paris, Larousse RODRIGUEZ Fernand E. (1958), L’escalier de fer, Paris, Editions France-Empire VIDAL-NAQUET Pierre (1998), Mémoires, la brisure et l’attente, 1930-1955, Paris, Seuil Revues et documents 172 La Montagne (2007), Le devoir de mémoire enfin gravé, Le sacrifice des télégraphistes militaires, 27 juin 2007 Revue des Transmissions (1946 n° 5, Colonel LESCHI), Le commandant ROMON, Editorial, octobre 1946, pp. 3-4 Revue des Transmissions (1947 Numéro spécial, Général MERLIN), Les Transmissions en métropole de septembre 1940 à l’Armistice de mai 1945, août 1947 Revue des Transmissions (1948 n° 19). Discours du général GILSON, Directeur des Transmissions, lors de la Prise d’armes dans la cour de l’Hôtel des Invalides, le 9 novembre 1947, en l’honneur des officiers et agents des Transmissions disparus dans la Résistance, février 1948, p. 1-5 Revue des Transmissions (1948 n° 21). Compte rendu des obsèques du lieutenant-colonel Gabriel ROMON le 27 décembre 1947 en l’église Saint-Louis des Invalides, avril 1948, p 2 Revue des Transmissions (1948 n° 24, Commandant GONNARD). Inauguration le 18 mars 1948 du Centre des Transmissions de Mayence « Lieutenant-colonel ROMON » par le Général KOENIG, juillet 1948, p 2-3 Pseudonyme de Philippe ROMON François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 75 Revue Historique de l’Armée (1967 n°1). Les Transmissions de la Résistance, Numéro spécial Transmissions Télécommunications, 23ème année, Ministère des armées, p.118 Transmissions magazine (1997 n° 18), Un grand résistant, le Lieutenant-colonel ROMON, Baptême de la promotion d’EOR de l’ESAT « Lieutenant-colonel ROMON », septembre 1997, p. 37 X-Résistance (1970). Des polytechniciens dans la Résistance : Le livre d’or de l’Ecole polytechnique, Le lieutenant-colonel ROMON (1925) pp. 12-14 Jugement du Reichskriegsgerichtrat condamnant à mort Gabriel ROMON [Archives GERHARDS Auguste1944/06/15] Chronik der Stadt Heilbronn : exécution de 24 français sur le champ de tir de la caserne Schlieffen [Stadtarchiv Heilbronn, 1944/08/21 Certificat délivré par Marie-Madeleine FOURCADE, fondatrice et chef du réseau Alliance [Archives Famille ROMON, 1945/10/15] Direction des Transmissions, Liste des résistants des Transmissions disparus en déportation ou fusillés [Archives Famille ROMON, 1946/02/12] Mémorial d’Alliance [Archives Famille ROMON, 1947/08/01] Direction des Transmissions, Liste des membres du GCR arrêtés, déportés, rentrés et disparus [Document ESAT, 1975/04/25] Maurice RENAULT, Rapport sur l’activité clandestine de Monsieur Maurice RENAULT, agent radio du SR Alliance [Archives Famille RENAULT, 1946/10/01 (1)] Groupe d’Etudes Historiques (GEH) Général MARTY, Historique du GCR [Document ESAT, 1962/11/09] François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 76 Index des organismes et organisations, officielles et secrètes AEF AFN AFMD AS AST BCRAM CCTI CEF CFLN CNF CNR CSTTE DGSS ECMR EMA FFI Afrique Equatoriale Française Afrique Française du Nord Amis de la Fondation pour la Mémoire des Déportés Armée Secrète. Organisation militaire clandestine, surtout implantée dans la Zone sud, politiquement située à droite, avec une majorité de militaires résistants, a intégré les FFI. Gabriel ROMON est membre très tôt de l’AS Deuxième Bureau allemand Bureau Central de Renseignement et d’Action Militaires, créé au sein de la France Libre à Londres par le colonel « Passy » Comité de Coordination des Télécommunications Impériales, présidé par le Contre-amiral BOURRAGUE, servira notamment à préserver le CSTT du contrôle des Commissions d’Armistice (l’Empire français est hors conventions d’Armistice) Corps Expéditionnaire Français. Détachement des Forces françaises d’Afrique, qui, définitivement passées du côté des alliés et des Forces Françaises Libres, participe à la Campagne d’Italie menée par le général américain Clark, et dont le chef, le général Juin, obtiendra de Clark un « créneau français » dans les Abruzzes Conseil Français de Libération Nationale. Organisme de direction politique, constitué à Alger le 3 juin 1943, d’abord co-présidé par Giraud et De Gaulle, puis par le seul De Gaulle à partir du 2 octobre 1943 Comité National Français. Fondé à Londres par De gaulle le 24 septembre 1941. Se transforme en CFLN à Alger en juin 1943 Conseil National de la Résistance, formé le 27 mai 1943, présidé par Jean Moulin puis par Georges Bidault. Le CNR se place sous les ordres du CFLN Cadre Spécial Temporaire des ingénieurs des Transmissions de l’Etat, Directeur : Paul LABAT. Créé le 7 décembre 1940, par accord secret entre le général COSSON, chef d’Etat-major, et Charles LANGE, Directeur des PTT, il s’agit d’une structure civile de gestion des officiers des Transmissions « civilisés », notamment ceux qui sont affectés aux SRT (LESCHI), et au GCR (ROMON) Direction Générale des Services Spéciaux de la Défense Nationale. Organisation regroupant, à partir de décembre 1942, à la demande du CFLN, les organisations de renseignements « giraudistes » d’Alger (Colonel Rivet, Paul Paillote), et « gaullistes » de Londres (Colonel Passy, colonel REMY). La DGSS est dirigée par Jacques SOUSTELLE. Elle deviendra après la fin de la guerre le SDECE, aujourd’hui la DGSE. Etablissement Central du Matériel de Radiotéléphonie Militaire Etat-major des Armées ou Etat-major de l’Armée. Subdivisé en Etat-major Général et en autant d’Etats-majors particuliers qu’il y a d’armes (QG du Génie, etc.). En temps de guerre, l’Etat major des Armées se transforme en GQG Forces Françaises de l’Intérieur. Regroupement, à partir du 29 décembre 1943 des FTP, de l’AS, de l’ORA ; commandées par le général KOENIG, fidèle à De Gaulle. François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père FFL FNAT FTP GCR GER GPRF GQG MLN MUR NAP OMA ORA RAF REG SR SRT UNATRANS 77 Forces Françaises Libres. Organisation politique et militaire, montée par De Gaulle à Londres dès la signature de l’Armistice en juin 1940. Appelée aussi France Libre, sera rebaptisée France combattante par De Gaulle le 14 juillet 1942 Fédération Nationale des Anciens des Transmissions. Président : Général MARTY Francs Tireurs et Partisans. Organisation militaire de résistance montée par le Parti Communiste Français en mars 1942, après la rupture par Hitler du pacte germano-soviétique. Fournira les plus importants contingents de résistants français en armes, mais seront finalement intégrés aux FFI Groupement des Contrôles Radioélectriques, créé le 10 août 1940, par regroupement, sur proposition du capitaine ROMON, du GER, qu’il dirigeait alors, et des services similaires des SRT. Rattaché au CSTTE. Le Directeur est Paul LABAT, mon père en est le Directeur des Services Techniques. Le GCR comprend 5 centres en France métropolitaine, tous en Zone Sud, et plusieurs centres dans les possessions françaises. Groupement des unités d’Ecoute et de Radiogoniométrie, rattaché au 2ème Bureau de l’Etat-major, sous la direction de mon père à partir du 28 juin 1940 Gouvernement Provisoire de la République Française. Prend la suite, le 3 juin 1944 du CFLN. Présidé à Londres et à Alger par De Gaulle, Tiendra sa première réunion dans Paris libéré le 2 septembre 1944 Grand Quartier Général, voir EMA Mouvement de Libération Nationale. Organisation politique réunissant à partir du 5 janvier 1944 les MUR et les principaux mouvements de résistance de la Zone Nord (Libération Nord, Défense de la France, Lorraine), sous la Direction du CNR et du CFLN Mouvements Unis de la Résistance. Organisation regroupant sous la Direction de Jean Moulin, à partir du 26 janvier 1943, les 3 principales organisations de résistance de la Zone sud : Combat (démocrates chrétiens avec Henri Fresnay, Georges Bidault), Libération sud (socialistes et syndicalistes avec Emmanuel d’Astier de la Vigerie), FTP communistes (Voir aussi réseau Super-NAP). Noyautage de l’Administration Publique. Organisation secrète dirigée par Maurice NEGRE. Comprend Super NAP Organisation Métropolitaine de l’Armée, première forme de l’ORA Organisation de Résistance de l’Armée. Organisation de résistance militaire, fondée par le général Frère suite à la dissolution de l’Armée de l’Armistice, acceptée par le Gouvernement de Pétain. Royal Air Force, Armée de l’air britannique Réseau d’Ecoutes et de Radiogoniométrie des Emissions étrangères. Appartient aux SRT, sera intégré dans le nouveau GCR Service de Renseignement : 2ème Bureau de l’EMA officiellement, réseaux clandestins tels le SR Alliance, ou le BRCA de la France Libre à Londres Services Radioélectriques du Territoire. Dirigés Marien LESCHI Union Nationale des Associations des Transmissions François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 78 Illustrations du récit Photos Novembre 1943. Gabriel ROMON dans son bureau d’ingénieur en chef des Transmissions de l’Etat, Direction de la TSF à Paris, quelques semaines avant son arrestation [Archives familiales] Mai 1936. Jours heureux sur les bords de la Marne. Le capitaine ROMON se détend [Archives familiales] Juillet 1936. Jours heureux à la terrasse d’un café chic à Versailles. Le capitaine ROMON a beaucoup de choses à dire, tout le monde l’écoute et sa femme le couve des yeux [Archives familiales] Décembre 1942. L’hiver devant la maison familiale à Saint-Yorre [DUMON, 2003] Juin 1944. Photo anthropométrique de Gabriel ROMON pour le Tribunal de guerre de Freiburg im Breisgau, [Archives familiales] 1936. Schwäbisch Hall avant la guerre. vue générale [Mémorial de l’Alliance, 1947] Alliance situe, à tort, la prison en haut à gauche de la photo 1935. La Ludendorffkaserne construite à Heilbronn en 1935, devenue la caserne Schlieffen en 1939 [Stadtarcchiv Heilbronn, 1946] 1944. Le champ de tir de la Caserne Schlieffen [Archives nouvelles] Juillet 2005 (1). La prison de Schwäbisch Hall, aujourd’hui désaffectée. Elle est située au bord de la Köpfer Juillet 2005 (2). La caserne Schlieffen aujourd’hui, transformée en Business Park Juillet 2005 (3). Le chemin du champ de tir de la Caserne Schlieffen, devenu aujourd’hui Stand de tir de l’Association des chasseurs de Heilbronn Juillet 2005 (4). L’emplacement de la sépulture des 24 français fusillés, à l'est de la chapelle du cimetière de Sontheim aujourd’hui Juin 1947 (1). Cérémonie en l’honneur des 24 fusillés de Heilbronn à Strasbourg, lors du rapatriement de leurs corps par le Réseau Alliance [Mémorial Alliance] Juin 1947 (2). Sépulture provisoire de Gabriel ROMON et des 23 autres fusillés d’Heilbronn (sans doute à Strasbourg) lors du rapatriement des corps Décembre 1947. Les obsèques du lieutenant-colonel ROMON en l’église SaintLouis des Invalides [La Revue des Transmissions n° 21, avril 1948] Novembre 1947 (1). Prise d’armes dans la Cour de l’Hôtel des Invalides à la mémoire du personnel des Transmissions disparu dans la résistance. Vue générale [La Revue des Transmissions n° 19, février 1948] Novembre 1947 (2). Prise d’armes dans la Cour de l’Hôtel des Invalides à la mémoire du personnel des Transmissions disparu dans la résistance. Jean-Louis ROMON décoré au nom de son père [La Revue des Transmissions n° 19, février 1948] Novembre 1947 (3). Plaque commémorative des 56 martyrs de la résistance des Transmissions apposée à l’Hôtel des Invalides lors de la Prise d’armes [La Revue des Transmissions n° 19, février 1948] Octobre 2005 (1). Réanimation à l’Arc de Triomphe à la mémoire des martyrs de la Résistance du réseau Alliance, Philippe ROMON est là Octobre 2005 (2). Dialogue avec Robert GUERRIER, le cuistot du GCR, dans sa maison d’Hauterive Octobre 2005 (3). Plaque commémorative des 56 martyrs de la résistance des Transmissions maintenant au Mont Valérien Octobre 2005 (4). Dialogue avec le Capitaine LARTIGUE, officier Traditions du 8ème RT, et son adjoint, au Mont Valérien Octobre 2005 (5). Le Musée du 8ème RT au Mont Valérien François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 79 Octobre 2005 (6). Séance de travail avec M. BOUQUILLON, conservateur du Musée du 8ème RT au Mont Valérien Juin 2007. Tatiana, Vesna, Anatole et Pascal à Saint-Yorre devant le panneau de la rue qui porte le nom de leur grand père et arrière grand-père Mars 1948 (1). Le Centre des Transmissions de Mayence « Lieutenant-colonel ROMON » [Archives familiales] Mars 1948 (2). Inauguration par le Général Koenig, Commandant en chef de l’Armée française en Allemagne, du Centre des Transmissions de Mayence « Lieutenant-colonel ROMON » [Archives familiales] Octobre 2005 (9). Le Château d’Hauterive siège du GCR, aujourd’hui Mairie d’Hauterive, en compagnie de Didier CORRE et de François DEMAEGDT Juillet 2005 (5). Schwäbisch Hall, charmante bourgade du Bade Wurtemberg, au bord de la Köpfer 1942. Le Commandant Gabriel ROMON au Groupement des Contrôles Radioélectriques (GCR) à Hauterive (Allier), encore sous l’uniforme du 38ème Régiment du Génie [Revue des Transmissions n° 5, octobre 1946] Juin 2007. Le Sous-préfet de vichy salue la plaque dévoilée en l’honneur des résistants du GCR au Château d’Hauterive siège du GCR, aujourd’hui Mairie d’Hauterive Dessins originaux 1939-1940. La guerre de Gabriel ROMON, vue par son arrière petit-fils, Anatole ROMON, 8 ans et demi : il est en bas à gauche et écoute avec son appareil radio les mouvements de l’ennemi pour en informer le général en chef [Paris, 22 décembre 2005] 1940-1943. L’activité clandestine de Gabriel ROMON, vue par son arrière petit fils, Anatole ROMON, 8 ans : il envoie par radio des informations sur la position de la DCA allemande aux anglais qui larguent des parachutistes en France [Saint Raphaël, le 24 août 2005] 12 décembre 1943. L’arrestation par la Gestapo de Gabriel ROMON, chez lui, en présence de sa famille, vue par son arrière petit fils, Anatole ROMON, 8 ans [Saint Raphaël, le 24 août 2005] Texte original 12 décembre 1943. Pourquoi Gabriel ROMON a-t-il été arrêté par la Gestapo ? selon son arrière petit fils, Anatole ROMON, 8 ans et demi [Paris, 22 décembre 2005] Plans 1936. Plan de Heilbronn avant la guerre. En hachuré de gauche à droite : le cimetière de Sontheim, la Ludendorffkaserne (devenue caserne Schlieffen en 1939), le champ de tir de la caserne [Stadtarchiv Heilbronn, 1936] 2005. Plan de Heilbronn aujourd’hui. En hachuré de gauche à droite : le cimetière de Sontheim, le Business Park John F. Kennedy Strasse qui a remplacé la caserne remplacé le champ de tir de la caserne Schlieffen Schlieffen, le stand de tir de l’Association des chasseurs de Heilbronn qui a François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 80 Liste des annexes Lettre de ma mère m’adressant copie de deux nouveaux documents concernant mon père, 17 juillet 1997 La Revue des Transmissions, n° 5, Editorial du Colonel LESCHI, Le commandant ROMON, octobre 1946 Transcription par ma mère des dernières recommandations de mon père pour l’éducation de ses fils, 14 avril 1946 Lettre de Mme ROUGE-DUCOS, Conservateur du patrimoine, Service Historique de la Défense, 1er décembre 2005 Note par laquelle ma mère lègue à ses trois fils ses archives sur Gabriel ROMON, 22 décembre 1999 Inventaire des Archives familiales Inventaire des Archives nouvelles E-mail de Mme GILLET, Conservateur en chef à la Section du 20ème siècle du Centre Historique des Archives nationales, 8 décembre 2005 « Certificate of Service » de Gabriel ROMON, signé du Field Marshal Montgomery, 6 mai 1946 Transcription de la lettre que mon père fait porter à ma mère à la veille de l’Armistice, 21 juin 1940 Note du général NOIRET, Chef du 3ème Bureau de l’Etat-major du Commandant en chef sur le Front Nord-est, à ses officiers (dont le capitaine ROMON), au lendemain de la signature de l’Armistice, 25 juin 1940 Ordre du général Georges, Commandant en chef sur le Front Nord-est aux officiers de son Etat-major (dont le capitaine ROMON), au lendemain de la signature de l’Armistice, 30 juin 1940 Nomination du capitaine ROMON à la tête du Groupement des unités d’Ecoute et de radiogoniométrie (GER) à Châteldon (Puy de Dôme), 28 juin 1940 Note du Ministre de la Défense Nationale au Secrétaire d’Etat à la Guerre : Préparez un décret créant un Service Civil des Contrôles Radioélectriques « prenant comme base le projet du capitaine ROMON… », 9 août 1940 Arrêté du général METROT, Directeur du Génie, nommant le capitaine ROMON Directeur technique du Groupement des Contrôles Radioélectriques (GCR), 10 août 1940 Admission au Cadre Spécial Temporaire d’ingénieurs des Transmissions de l’Etat (CSTTE) de six officiers du Génie en congé d’Armistice (dont le capitaine ROMON, et le commandant LABAT), 8 avril 1941 Extraits de Enigma, BERTRAND, 1973 Fiche de démobilisation du capitaine ROMON, 9 mai 1941 Arrêté de nomination de Gabriel ROMON comme ingénieur en chef des Transmissions de l’Etat au titre du CSTTE, 31 juillet 1942 Rapport du commandant ROMON sur les repérages d’un émetteur clandestin, et sur l’échec de son arrestation, 12 février 1943 Texte de présentation par Philippe LEJEUNE du mémoire de 46 pages de ma mère Résister et survivre au temps de la guerre 1939-1945, publié par l’Association Pour l’Autobiographie, APA, n° 485, 22 février 1997 Liste des 24 fusillés d’Heilbronn, 21 août 1944 Article du Magazine Historique de Heilbronn sur l’exécution de 24 résistants français, 29 avril 1961 Demande d’information par De Brinon au Préfet de l’Allier, sur l’arrestation du Commandant ROMON, 5 juin 1944 Réponse du Préfet de l’Allier à la demande d’information de De Brinon sur l’arrestation du Commandant ROMON, 5 juin 1944 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 81 Réglementation des dépôts de colis aux prisonniers de Fresnes, 1er février 1944 Réponse du Service de la Sécurité allemande de Paris à ma mère qui demande des nouvelles de Gabriel ROMON, 1er mars 1944 Extraits de l’Escalier de fer, RODRIGUEZ, 1958 Etiquette d’envoi du paquetage de Gabriel ROMON transféré de la prison de Freiburg im Breisgau à celle de Schwäbisch Hall, 7 juillet 1944 Rapport de l’abbé FREY sur l’exécution de 24 français à Heilbronn, 10 septembre 1945 Lettre de l’abbé FREY à ma mère, 16 mai 1946 Rapport du gardien de la prison de Schwäbish Hall au Gouvernement militaire allié à Ehingen sur l’exécution de 24 français à Heilbronn, 6 juin 1945 Attestation du Gouvernement militaire allié à Ehingen, 15 juillet 1947 Chronique de la Ville de Heilbronn, 21 août 1944 Article du Heilbronner Stimme sur l’exécution de 24 résistants français à Heilbronn, 19 août 1994 Avis de recherche de Gabriel ROMON passé par ma mère dans un journal parisien à la Libération, 18 mai 1945 Lettre du représentant des Elèves Officiers de Réserve de l’Ecole d’Application des Transmissions de Sète à ma mère, lui demandant l’autorisation de baptiser sa promotion « Lieutenant-colonel ROMON », 16 septembre 1952 Note de Maurice VIDREQUIN retraçant l’historique de la résistance, de l’arrestation et de l’exécution du Commandant ROMON, 25 janvier 1979 Transmissions Magazine, n° 18, Baptême de la promotion 1996 des Elèves Officiers de Réserve de l’Ecole Supérieure d’ Application des Transmissions de Rennes « Lieutenant-colonel ROMON », 1er septembre 1997 Discours du maire de Saint-Yorre pour l’inauguration de la rue « Commandant ROMON », 12 mai 1946 Lettre de M. MEUNIER, maire de Montargis annonçant la décision du Conseil Municipal de rebaptiser la rue Chrétiennette en rue « Colonels MESNIER et ROMON », 26 juin 1946 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 82 Annexe supplémentaire Déportation des membres du Groupement des Contrôles Radioélectriques (GCR) Déportations de répression Source principale d’informations : Mémorial de la Déportation, Base de données de la Fondation de la Déportation. Autres sources d’informations, situation actuelle des rentrés survivants GCR, 1940-1944 Direction générale à Vichy, Hôtel Thermal, Allier, 03200 Direction technique et Centre principal à Hauterive, Allier, 03270 Centres secondaires (tous fermés par les allemands en 04/1944) : o Bordères sur l’Echez, Hautes Pyrénées, 65320 (près de Tarbes) o Francheleins, Ain, 01090 o Argenton sur Creuse, Indre, 36200 o Bouillargues, Gard, 30230, (près de Nîmes) Réseau de résistance du Commandant ROMON : Service des Télécommunications nationales (STN)173, 1943-1944 Centrale d’écoutes clandestines 76 rue Nollet, Paris, 75017 (Famille DELILLE) Centrale d’écoutes clandestines Le Vigan, Gard, 30120 MPF : Mort pour la France. 26 déportés dont 19 MPF en déportation, plus Raymond ROBERT tué dans un engagement de son maquis, plus René ZECHT fusillé en France, soit 21 MPF du GCR. Claude BERMAN, arrêté et déporté s’est évadé de son convoi 173 Document ESAT, Groupe d’Etudes Historiques Général MARTY, Les transmetteurs dans la Résistance [1980/06/18], p 11 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père Nom, prénom Date et lieu de naissance Résultat de la répression BOUVIER Armand 26/10/1900 à Doulon, Loire inférieure Rentré CAUSSAIN Robert 17/11/1922 à Provenchères, Vosges MPF CHANSON André 29/08/1918 à Saint Bruingt-le-Bois, HauteMarne MPF CHAPUIS André 23/07/1914 à Chalons sur Saône, Saône et Loire MPF COLLARD Raymond 23/05/1909 à Le Perreux, Val de Marne (ex Seine) Rentré Fonction au GCR Actions de résistance Profession au moment de l’arrestation Lieu et date de l’arrestation Autorité qui arrête Lieux et dates d’arrivée dans les lieux d’internement en France Date, tribunal, sentence et motif du jugement 83 Numéro, lieu et date de départ du convoi Lieux, dates d’arrivée et matricules de déportation Opérateur radio, Francheleins Maraîcher Arrêté à Nantes, Loire inférieure, 30/07/1943 Opérateur radio, Bouillargues Alliance, « Orfraie » (Région Normandie) Arrêté à Paris, 19/02/1944 Compiègne, 09/1943 Opérateur radio STN Alliance « Perdrix », (Région Centre, KAUFMANN) Electricien Arrêté à Volvic, Puy de Dôme, 22/09/1943 Opérateur radio, Argenton sur Creuse Dessinateur d’art Arrêté, 06/1943 Fresnes Compiègne Déporté convoi I.199, Compiègne, 06/04/1944 Mathausen, 08/04/1944, matricule 62126 MPF disparu à Melk, Kommando de Mathausen, (30 ans) Capitaine des Transmissions Responsable du matériel, Hauterive Ingénieur CSTTE Arrêté à Hauterive, Vichy Moulins, 15/12/1943 Compiègne, 29/12/1943 Déporté convoi I.171, Compiègne, 17/01/1944 Buchenwald, 19/01/1944, matricule 40838 Reichenau, 13/12/1944 Libéré, 08/05/1945 Rentré, 24/05/1945 Compiègne Déporté convoi I.145, Compiègne, 28/10/1943 Buchenwald, 30/10/1943, matricule 30416 Dora Déporté convoi I.240, Compiègne, 02/07/1944 Dachau 05/07/1944, matricule 76621 Hersbruck, 25/08/1944, matricule 20521 Déporté convoi I.166, Paris 16/12/1943, Rastatt Dates et lieux de libération et de rapatriement Dates, lieux et circonstances de décès MPF (âge au moment du décès) MPF disparu à Hersbruck, Kommando de Flossenburg, 02/12/1944 (22 ans) MPF assassiné (Gehrum) à Rastatt, 24/11/1944 (26 ans) François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père DELILLE Roger 27/01/1917 MPF DUGAS Alfred 09/04/1901 à Beaulieu MPF 14/12/1943 Sergent chef Aviation Opérateur radio STN, « DAYET», Centrale rue Nollet depuis le 01/10/1943 Alliance Arrêté rue Nollet, 07/03/1944 STN Le Vigan, Gard Fresnes FLEURET « Guy » François 10/12/1924 à Sciez, Haute Savoie MPF Stagiaire opérateur radio, Hauterive Nancy FOIX Roger 27/05/1915 à Palaiseau, Yvelines Rentré Chef de centre Technicien Arrêté à Vichy, 04/03/1944 Moulins, 05/03/1944 Compiègne, 15/04/1944 GAILHAC Jean 15/06/1891 à Rochechouart, Haute Vienne Rentré Ingénieur PTT Directeur du Centre d’Hauterive après la mutation de Gabriel ROMON Arrêté à Hauterive 14/12/1943 Quartier-maître chef Opérateur radio, Bordères STN, « GLYCINE », Centrale rue Nollet depuis le 01/11/1943 Alliance Compiègne GLEVAREC Emile 06/05/1919 à La Rochelle, Charentes maritimes MPF Fresnes 84 Déporté convoi I.198, Paris 19/05/1944 Schirmeck, matricule B10 Natzweiler-Struthof MPF massacré au Struthof, 02/09/1944 (27 ans) Déporté convoi I.252, Toulouse, 30/07/1944 Buchenwald, 06/08/1944, matricule 69861 Déporté convoi I.270, Nancy Natzweiler, 19/08/1944, matricule 22933 Dachau, 04/09/1944, matricule 100026 Neuengamme Déporté convoi I.211, Compiègne, 12/05/1944 Buchenwald, 14/05/1944, matricule 51763 Reichenau, 13/12/1944, matricule 88948 Déporté convoi I.171, Compiègne, 17/01/1944 Buchenwald, 19/01/1944, matricule 40767 Gross Rosen, 13/12/1944 MPF disparu 17/02/1945 Déporté convoi I.198, Paris 19/05/1944 Schirmeck, 20/05/1944, matricule 1277 Natzweiler-Struthof MPF massacré au Struthof, 02/09/1944 (25 ans) MPF disparu à Neuengamme, 10/03/1945 (21 ans) Libéré, 08/05/1945 Rentré François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père HOSCHE Oscar 20/08/1916 à Barr, Bas Rhin MPF JAFFRY Jacques 11/10/1920 à Ouistreham, Calvados Rentré LABAT Paul 06/01/1900 à Aire sur Adour, Landes MPF LEBRE René 26/09/1921 MPF LETAILLEUR Louis 24/01/1912 à Boulogne sur Mer, Pas de Calais MPF LEYSER Jacques 12/09/1906 à Saint- Arrêté rue Nollet, 07/03/1944 Sergent chef aviation Opérateur radio, Hauterive STN Alliance (Région Ouest, PRADELLE) Arrêté à Vichy, 22/03/1944 Opérateur radio, Hauterive STN Arrêté à Hauterive, 08/03/1944 Commandant puis Lieutenant-colonel des Transmissions Directeur général du GCR, Hôtel thermal Vichy, Ingénieur en chef des PTT Paris Kléber, Gallia « Deslandes » STN, Alliance, Arrêté à Paris, 30/03/1944 Police française Opérateur radio, Bouillargues STN Alliance « Chardonneret », (Région Ouest) Arrêté à Rennes, Ile et Vilaine, 23/09/1943 Chef de poste, Argenton sur Creuse Pourpre BCRA Arrêté à Montluçon, Allier, 24/04/1944 Mécanicien chef, Hauterive STN 85 Fresnes Déporté convoi I.166, Paris, 16/12/1943 Rastatt Kehl MPF assassiné (Gerhum) à Kehl, 23/11/1944 (28 ans) Compiègne Déporté convoi I.211, Compiègne, 12/05/1944 Buchenwald 14/05/1944, matricule 49751 Libéré, 11/04/1945 Fresnes Déporté convoi I.198, Paris 19/05/1994 Schirmeck, 20/05/1944 Natzweiler-Struthof MPF massacré au Struthof, 02/09/1944 (44 ans) Déporté convoi I.166, Paris, 16/12/1943 Rastatt Kehl Freiburg Schwäbish-Hall Déporté convoi 1.285, Belfort, 05/09/1944 Buchenwald, 10/09/1944, matricule 85209 MPF fusillé à Heilbronn, 21/08/1944 (23 ans) Déporté convoi I.171, Compiègne, 17/01/1944, Rentré de Dora le 03/05/1945 Compiègne MPF massacré dans un transport S3 depuis Buchenwald, 11/05/1945 François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père 86 Dizier, Haute Marne Rentré, décédé le 09/04/1949 à Mamirolle, Doubs, suite aux mauvais traitements subis en déportation LOUYS Louis 08/08/1913 à Cappelle, Nord MPF METRAT René 17/08/1904 à Sidi Bel Abbès, Algérie MPF Electro-mécanicien Arrêté à Hauterive, 14/12/1943 Buchenwald, 19/01/1944, matricule 40977 Dora, 10/02/1944 Sergent chef Aviation Opérateur radio, Bordères Alliance (Région Ouest) Arrêté, 17/07/1944 Adjudant des Transmissions Chef de centre, Bouillargues Arrêté à Bouillargues le 13/03/1944 Déporté convoi I.198, Paris 19/05/1994 Schirmeck, 20/05/1944 MPF massacré au Struthof, 02/09/1944 (31 ans) MPF disparu à Neckaretz, 19/03/1945 (40 ans) MONCLIN Hughes 22/09/1920 MPF Opérateur radio STN Alliance « Pingouin » Postier Arrêté en Loire inférieure, 11/1943 Opérateur radio STN, Centrale rue Nollet Alliance « Milouin » Radio-électricien Arrêté à Paris, 16/09/1943 Fresnes Déporté convoi I.240, Compiègne, 02/07/1944 Dachau, 05/07/1944, matricule 77154 Auschwitz, Neckaretz Déporté convoi I.166, Paris, 16/12/1943 Rastatt Kehl Déporté convoi I.166, Paris, 16/12/1943, Kehl Freiburg Schwäbisch Hall MPF fusillé à Heilbronn, 21/08/1944 (26 ans) Chef de section PTT Responsable des Services administratifs, Hôtel Thermal Vichy Fonctionnaire Arrêté à Hauterive, 14/12/1943 Moulins Compiègne, 22/12/1943 Déporté convoi I.171, Compiègne, 17/01/1944 Buchenwald 19/01/1944, matricule 40880 Giessen, 10/08/1944 Libéré 23/04/1945 Rentré Hayange, 15/05/1945 PORTENART Jean 02/08/1918 MPF QUESNEL Paul 26/08/1894 à Saint Maur, Val de Marne (ex Seine) Rentré Compiègne 15 juin 1944, Tribunal de guerre allemand (Reichskriegsgerichtrat t) de Freiburg im Breisgau, 15/06/1944 Condamné à mort « pour espionnage » MPF assassiné (Gerhum) à Kehl, 23/11/1944 (24 ans) François ROMON, 16/08/2009 Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père RIVET Maurice 01/05/1918 à Conakry, Guinée (ex française) MPF ROCHART Robert 25/03/1907 à Lille, Nord Rentré ROMON Gabriel 18/06/1905 à Boulogne sur mer, Pas de Calais MPF SINGER Joseph 03/08/1916 MPF Gestapo Opérateur radio, Hauterive STN à partir de 06/1943 Alliance, « Dianou » (Région Centre, KAUFMANN) Arrêté à Volvic, Puy de Dôme, 22/09/1943 Chef de section PTT Responsable des Services généraux, Hauterive Fonctionnaire Arrêté à Hauterive, 14/12/1943 Gestapo Capitaine puis commandant des Transmissions Directeur technique, Directeur Centre Hauterive Ingénieur titulaire CSTTE, 02/12/1941 Ingénieur en chef PTT STN, Commandant des transmissions de l’AS Alliance, Super NAP Arrêté à Saint-Yorre, Allier, 12/12/1943 Gestapo Opérateur radio, Hauterive STN Alliance (Région Ouest, Pradelle) Sergent armée de l’air Arrêté à Hauterive, 03/1944 87 Clermont-Ferrand Fresnes Déporté convoi I.166, Paris 16/12/1943 Rastatt MPF assassiné (Gerhum) à Rastatt, 24/11/1944 (26 ans) Moulins Compiègne, 28/12/1943 Déporté convoi I.171, Compiègne 17/01/1944 Buchenwald 19/01/1944, matricule 40452 Dachau Libéré 29/04/1945 Rentré Mulhouse, 29/05/1945 Déporté Strasbourg, 29/02/1944 Kehl, 01/03/1944 Freiburg im Breisgau, 27/04/1944 Schwäbisch Hall, 27/06/1944 MPF fusillé à Heilbronn, 21/08/1944 (39 ans) Déporté convoi I.166, Paris 16/12/1943 Kehl MPF, assassiné (Gerhum) à Kehl, 23/11/1944 (28 ans) Vichy, 12/12/1943 au 17/01/1944 Moulins, 18 /01/1944 au 01/02/1944 Fresnes, 01/02/1944 au 15/02/1944 Strasbourg, 15/02/1944 au 29/02/1944 Fresnes 15 juin 1944, Tribunal de guerre allemand (Reichskriegsgerichtrat t) de Freiburg im Breisgau, 15/06/1944 « Condamné à mort pour aide à l’espionnage » François ROMON, 16/08/2009