COP22 : SIDE-EVENT DE LA COALITION EAU ET DE LA VILLE DE DAKAR « De l’Accord de Paris à la mise en œuvre des politiques sur le terrain : l’exemple de l’eau » 11 novembre 2016 Introduction Intervenante : Kristel Malègue, Coordinatrice de la Coalition Eau L’eau, principal vecteur par lequel les changements climatiques impacteront les sociétés et les écosystèmes. L’eau, une solution pour l’adaptation et l’atténuation. L’eau, interconnectée à tous les secteurs du développement. Une prise en compte insuffisante de l’eau dans les négociations internationale et les politiques publiques. Après l’adoption de l’Accord de Paris, l’enjeu de l’intégration du lien Eau/Climat dans les politiques publiques et de leur déclinaison opérationnelle au niveau local. Objectifs du side-event : Mettre en évidence la place de l’eau dans la lutte contre le changement climatique, au niveau global et local Favoriser l’opérationnalisation de l’Accord de Paris à travers l’échange d’expériences entre acteurs Echanger sur les enjeux et défis de l’intégration Eau et Climat dans les politiques publiques, et proposer des solutions Mettre en exergue la complémentarité des acteurs étatiques et non-étatiques dans la lutte contre le changement climatique et la mise en œuvre de l’Accord de Paris PREMIERE PARTIE : INTEGRER LE LIEN EAU/CLIMAT DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES NATIONALES ET LEUR DECLINAISON OPERATIONNELLE AU NIVEAU LOCAL 1.1. Intégration des moyens d’adaptation au changement climatique dans les politiques publiques : expérience du secteur de l’eau au Maroc Intervenant : Abdeslam Ziyad, Directeur de la Recherche et la Planification de l’Eau, Ministère Délégué chargé de l’Eau, Maroc 1 Depuis Paris, la communauté internationale de l’eau s’est mobilisée pour œuvrer et plaider pour la place de l’eau dans les négociations climatiques. Le Maroc a œuvré pour que des progrès soient réalisés concernant la prise en compte de l’eau dans les négociations car il souhaite que cette COP soit celle de l’Afrique et de l’eau. Le 9 novembre, une journée officielle, en zone bleue, a été dédiée à l’eau, avec notamment l’organisation d’un dialogue pour examiner les enjeux liés au secteur de l’eau. Les éléments seront rapportés dans un panel de haut niveau le 17 novembre. Les leviers d’action résident dans la question des financements : classiques, privés, climat. Nécessité d’améliorer la gouvernance pour améliorer la capacité à mobiliser les financements et générer des financements propres. Le Maroc a développé sa propre expérience et expertise et serait ravi de la partager avec les pays amis africains. Régime hydrologique Maroc : grande disparité dans le temps et territoriale. Donc solution : développer des moyens de stockage de l’eau. Maroc a atteint son autonomie en matière d’ingénierie, réalisation d’infrastructures etc., et a anticipé (dans domaine de l’eau, besoin de planification anticipative sur des horizons de 20 ans). Actuellement, le Maroc revoit sa politique pour non plus agir uniquement sur l’offre, mais aussi sur la demande et sur la préservation des ressources et du cycle de l’eau (qui avaient été négligées). 1.2. L’expérience du Plan Climat Energie Territorial (PCET) intégré de la région Dakar et du Plan Climat de la ville de Dakar Intervenante : Rokhaya Sarr, Planificatrice à la Direction de la Planification et du Développement Durable de la ville de Dakar, Sénégal Enjeux de Dakar : érosion côtière, élévation du niveau de la mer, inondations, gaspillage de l’eau (surtout établissements scolaires et des bâtiments publics). PCET en cours d’élaboration selon une démarche participative et inclusive qui s’appuie sur l’ancien PCTI de la région, pour une mise à jour au niveau du département. PCET selon 3 axes : o Stratégie d’atténuation et d’adaptation, o Sensibilisation et la mobilisation des populations pour les faire acquérir la « culture eau », o Mise en œuvre d’un projet pilote d’efficacité énergétique. Actions Eau considérées : o Projet pilote de gestion et de traitement de l’eau au niveau du centre de formation de la ville, pour le micro jardinage et l’arrosage des espaces verts. o Bassins de rétentions des eaux de pluies pour la lutte contre les inondations. Commentaire de la salle : Les territoires et la ville ont un rôle à jouer pour mettre l’accès à l’eau aux plus vulnérables : ex : tarification sociale. 1.3. L’expérience des Prévisions saisonnières participatives (PSP) menée auprès des communautés au Niger Intervenant : Moutari Abdoul Madjid, Chargé de mission Plaidoyer, ONG DEMI-E, Niger Pour les pays Africains : l’adaptation est la priorité. Cela nécessitera beaucoup de financements et d’aide de la part des pays développés. L’eau n’est pas au centre des négociations Climat, pourtant indispensable : « l’eau c’est la vie ». Objectifs du projet PSP : Traduire les prévisions climatiques saisonnières scientifiques couplées aux savoir-faire, pour une information adaptée au contexte local. 2 Exemples d’indicateurs locaux (niveau communautaire) : o Prédominance de forte chaleur bonne pluviométrie o Prolongation saison froide d’une durée jusqu’à 8 mois lunaire raccourcit la période de la saison des pluies o Après abreuvement, les vaches se couchent en regardant les puits signe de saison de pluie lointaine o Production importante des balanites, persistance de l’harmattan (vent nord-est) signe d’un hivernage mauvais o Arrivée tardive de la cigogne signe d’un début tardif de la saison o Selon les savoirs traditionnels et scientifiques, en 2014, l’analyse prévisionnelle des indicateurs locaux a montré que l’année serait très probablement déficitaire (à 88%). Etaient impliqués dans ces précisions : météorologues, communautés, services techniques, administration locale, ONG, OCB, Médias, secteur privés groupe de producteurs de semence, chercheurs. Commentaire de la salle : les populations rurales ont des connaissances locales du climat, mais ne les relient pas forcément au phénomène global qu’est le changement climatique Commentaire de la salle : Ne pas attendre que les financements internationaux arrivent, mettre en place, dès à présent, des projets avec des financements endogènes. DEUXIEME PARTIE : ALLER PLUS LOIN POUR RENFORCER CETTE INTEGRATION : LEVER LES OBSTACLES 2.1. Les obstacles à une plus grande intégration de la problématique Eau/Climat dans les politiques publiques Intervenant : Aliou Lam, 1er adjoint au Maire de Boghé, en charge de l’assainissement, Mauritanie Contexte : - Boghé : commune de 60 villages de Mauritanie - Budget : 11 euros / habitant - De nombreuses actions pour l’accès à l’eau potable et de l’assainissement. - Partenariat avec le GRET pour mettre en œuvre un projet de collecte de déchets, et de gestion des inondations. Quels sont les obstacles auxquels, nous, élus, devons faire face si nous voulons mettre en œuvre des politiques locales dans le domaine de l’eau qui soient adaptées au changement climatique ? - Le manque d’orientations nationales et de méthodes et outils pour intégrer l’adaptation dans nos politiques et nos actions sectorielles au niveau local Prenons l’exemple de la gestion des eaux pluviales : nous travaillons à l’amélioration de la gestion des eaux pluviales ; nous faisons face à des inondations en saison des pluies et nous entendons que ce phénomène va s’accentuer du fait du changement climatique ; mais nous manquons d’outils et d’orientations pour planifier la collecte dans le futur. - Un besoin de renforcement et d’accompagnement des capacités des agents des élus : Aujourd’hui, les compétences sur l’adaptation des services essentiels locaux au changement climatique manquent cruellement dans nos communes car c’est un sujet complexe et nouveau. 3 - Les difficultés de financement : Il nous semble donc important que les Collectivités qui sont les acteurs de l’adaptation concrète au niveau local puissent avoir accès aux financements promis dans le cadre de l’Accord de Paris. - Disponibilité et fiabilité des données : On dispose aujourd’hui de données scientifiques au niveau global mais les impacts du changement du changement climatique au niveau local, en particulier sur l’eau, sont peu précis. Il y a donc un besoin d’accompagnement pour réduire ces incertitudes et mieux les intégrer dans notre prise de décision. Conclusion : souhait d’intégrer les effets du changement climatique aux politiques et projets pour s’adapter (intérêt des populations) mais forts défis et difficultés, d’où un besoin d’appui aussi bien technique que financier. 2.2. Accompagner les acteurs locaux pour une meilleure intégration eau/climat dans les politiques publiques Intervenante : Céline Gilquin, Responsable Division Eau et Assainissement, Agence Française de Développement, France Rappel que l’eau est au cœur des NDC. Un certain nombre de pays n’ont pas encore décliné leurs NDC en politiques publiques. L’année dernière : création d’une facilité de l’AFD de mise en œuvre de ces contributions, pour accompagner une quinzaine de pays (en priorité, africains et Etats insulaires). Cette facilité a pour objectif de créer des profils de vulnérabilités, aider à intégrer le climat dans les politiques, réaliser des réformes institutionnelles si nécessaire, et réaliser des études de faisabilité de projets concrets pour la mobilisation de financements, en particulier internationaux tels que le Fonds Vert Climat. En parallèle, l’AFD finance aussi des dispositifs de suivi de la ressource en eau. La connaissance est un enjeu important : connaître l’état des ressources, mesurer l’effet du changement climatique sur les ressources, pour pouvoir mieux s’adapter. Exemple de projet au Sénégal : appui de l’AFD auprès du gouvernement sénégalais pour mieux connaitre les risques d’inondations, réduire le risque à travers des réglementations (urbanisme : définir des zones inondables, des matériaux de construction), et prévenir le risque (grâce à des systèmes d’alertes, une meilleure gestion des ouvrages de stockage et de drainage, améliorer la gouvernance). Suite à l’engagement du Président de la République l’année dernière, les financements de l’AFD vont augmenter (passer de 8 milliards à 12 milliards), en particulier pour le Climat. Mise en place d’une ligne de crédit « bleue » AFD/BEI en faveur de BMCE Bank of Africa pour financer des projets de protection des ressources en eau et d’adaptation au changement climatique Intervenante : Louise Whiting, Senior Policy Analyst for water security and climate change, WaterAid, UK WaterAid travaille étroitement avec les gouvernements pour avoir une meilleure appréhension du contexte local. WaterAid travaille avec les communautés sur l’identification des vulnérabilités (ex : avec des pluviographes), en Afrique de l’Ouest depuis 7 ans, ainsi que sur le renforcement de capacités Deux impacts principaux : les communautés peuvent mieux gérer les informations à relayer auprès des pouvoirs publics, et elles peuvent exiger des services de meilleures qualités La participation du gouvernement local est très importante : la communauté donne des informations au gouvernement, et le gouvernement utilise ces informations pour améliorer la gestion de l’eau = bidirectionnel. 4 Réflexion sur le financement de cette approche : l’analyse de Wateraid montre que les flux de financements Climat au regard du secteur de l’eau ne vont ni aux pays les plus pauvres, ni aux populations les plus vulnérables. L’analyse a également permis de déceler les blocages politiques : faibles capacité à concevoir et mettre en œuvre des projets ; fragmentation institutionnelle (le Ministre climat ne traite pas avec ses confrères de l’eau) ; nonappropriation par les pays des stratégies climat rédigées par les bailleurs ou consultants extérieurs. Autre enjeu : la traçabilité des financements climat. Analyse de 8 pays qui ont bien géré leurs financements climat, ce qui a permis d’identifier des bonnes pratiques : - Aligner les Agenda ODD et Climat - Impliquer les acteurs au plus tôt afin de leur donner un véritable contrôle sur l’adaptation - Alignement entre actions nationales et locales : les plans d’adaptation au Népal et Bangladesh ont permis de dégager des financements propres et une meilleure appropriation locale. - Innover - Ne pas seulement faire des ouvrages techniques attrayants pour les bailleurs de fonds, mais au contraire réussir à faire du renforcement de capacités au niveau local. Développer l’intégration entre divers secteurs. Nous ne devrions pas attendre les fonds du Fonds Vert Climat : nous devrons travailler ensemble pour partager auprès des gouvernements pour pouvoir partager les projets bancables. Conclusion Intervenant : Joseph Kogbe, Coordinateur international, Réseau Climat Développement La communauté scientifique s’est emparée de la question de l’eau lorsque le GIEC a produit des rapports spéciaux sur l’eau et le climat. On a vu la mobilisation des différents acteurs pour accompagner les actions locales et/ou communautaires. Nécessité d’impliquer tous les acteurs. Cette COP accorde une place importante aux acteurs non-étatiques. Nécessité de mieux sensibiliser et former sur l’eau, et surtout d’arriver à faire le lien avec le changement climatique. Nécessité de mieux connaître la ressource en eau (données). Importance de réfléchir à des financements endogènes pour faire face à la question de l’eau : plutôt que d’attendre les 100 milliards, commençons à trouver des financements innovants. Salutaire de la part du Maroc d’avoir dédié une journée à l’eau. L’agriculture est apparue pour la première fois à Copenhague et à Durban, et a réussi à être intégrée pour la première fois l’année dernière dans l’accord à Paris. Cela est prometteur : continuons à nous mobiliser, avec le leadership du Maroc, auprès de nos négociateurs, en particulier du Sud, pour que l’eau soit également dans un prochain accord. 5