Les aphasies progressives primaires : aspects cliniques Primary

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Synthèse
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2006 ; 4 (3) : 189-200
Les aphasies progressives primaires :
aspects cliniques
Primary progressive aphasia: clinical aspects
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DANIELLE DAVID1
OLIVIER MOREAUD1,2
ANNIK CHARNALLET1,2
1
Unité de neuropsychologie,
Département de neurologie &
CMRR, CHU Grenoble
2
Laboratoire de psychologie
et neurocognition, LPNC
CNRS UMR 5105,
Grenoble
<[email protected]>
Tirés à part :
O. Moreaud
Résumé. L’aphasie progressive primaire (APP) ou syndrome de Mesulam est caractérisée
par la survenue insidieuse et l’aggravation progressive sur plusieurs années de troubles du
langage de nature aphasique chez des patients âgés de 45 à 70 ans. La classification la plus
pertinente distingue une forme non fluente (anomie avec réduction du langage, sans
troubles de compréhension) et une forme fluente (anomie avec discours fluide et troubles
de la compréhension des mots isolés), souvent assimilée à la démence sémantique bien
que certains cas peuvent en être distingués. L’évolution se fait vers un mutisme et un
tableau démentiel le plus souvent de type frontal. L’APP est sous-tendue par des lésions
neurodégénératives siégeant principalement dans les régions périsylviennes gauches.
Dans deux tiers des cas, des lésions différentes de celles de la maladie d’Alzheimer sont
observées (inclusions tau positives dans l’APP non fluente, inclusions de type maladie du
motoneurone dans les APP fluentes). Dans le tiers restant les lésions sont de type Alzheimer.
Mots clés : aphasie progressive, démence sémantique, Alzheimer, démence frontotemporale
Abstract. Primary progressive aphasia (PPA), initially described by Mesulam, is a syndrome
of progressive deterioration of language, occurring in the presenium. Several classifications have been proposed, but the most useful one distinguishes non fluent and fluent
forms of PPA. Both begin by anomia. In non fluent PPA, there is a progressive reduction of
language, sometimes with aggramatism and articulatory impairment, but without impairment of comprehension. Fluent PPA is characterized by preserved fluency with severe
impairment of single word comprehension. It is frequently confounded with semantic
dementia (SD), but some observations can be differentiated from SD. After several years, all
patients become mute, and most of them develop dementia, usually of frontal lobe type.
The syndrome of PPA is due to neurodegenerative brain pathology affecting mostly the
perisylvian regions of the left hemisphere. In most cases, no Alzheimer type pathology was
found in the brain, but tauopathy (mainly in non fluent PPA) or motor neuron disease type
pathology - tau negative ubiquitin inclusions (mainly in fluent PPA). However, Alzheimer
type pathology was found in a substantial number of cases.
Key words: progressive aphasia, semantic dementia, Alzheimer, frontotemporal dementia
E
n 1982, Mesulam [1] a individualisé, au sein des
affections neurodégénératives, une entité spécifique, l’aphasie progressive, à partir de six
observations1. Cette nouvelle entité est devenue
l’aphasie progressive primaire (APP) [2], connue aussi
sous le nom de syndrome de Mesulam. L’APP réalise
une détérioration isolée et progressive du langage,
d’installation insidieuse, évoluant sur plusieurs années
et pouvant s’associer en fin d’évolution à une altération
1
5 cas d’aphasie anomique et un cas de surdité verbale chez une jeune
fille de 17 ans (cas 4). Cette observation pourrait être séparée des
autres étant donné le jeune âge de la patiente et la non évolutivité des
troubles à 10 ans du début.
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006
intellectuelle globale [3]. Elle est habituellement la
conséquence d’une atrophie focale progressive des
régions périsylviennes de l’hémisphère gauche.
En 2001, Mesulam a proposé sept critères nécessaires pour poser le diagnostic d’APP [4] :
1) apparition insidieuse d’une détérioration isolée et
progressive du langage, caractérisée par un manque
du mot et/ou un trouble de la compréhension des mots
qui se manifestent dans le discours spontané et lors de
l’évaluation formelle du langage ;
2) absence de limitation des activités de la vie quotidienne autre que celle générée par les troubles du
langage, pendant au moins deux ans après le début
des troubles ;
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D. David, et al.
3) normalité des fonctions langagières pré-morbides
(un antécédent de dyslexie développementale est
néanmoins accepté) ;
4) absence, au cours des deux premières années de la
maladie, d’apathie, de désinhibition, d’oubli des événements récents, de troubles visuo-spatiaux, de déficit de
reconnaissance visuelle et de troubles sensorimoteurs, comme en témoignent l’anamnèse, l’évaluation des activités quotidiennes et le bilan neuropsychologique ;
5) présence éventuelle d’une acalculie et d’une apraxie
idéomotrice durant ces deux premières années. De
même, une discrète apraxie constructive et des persévérations sont acceptées dans la mesure où elles ne
perturbent pas les activités de la vie quotidienne ;
6) d’autres fonctions cognitives peuvent être altérées
après les deux premières années, mais les troubles du
langage restent au premier plan tout au long de l’évolution et s’aggravent plus rapidement que les autres ;
7) exclusion par l’imagerie cérébrale de causes spécifiques, comme par exemple un accident vasculaire ou
une tumeur.
L’APP débute dans le présenium, entre 45 et 70 ans
[4, 5]. La durée de la maladie est variable, de 4 à 14 ans,
en moyenne 8 ans. L’évolution se fait habituellement
vers une perte d’autonomie et le développement d’une
démence, le plus souvent de type frontal en 6 à 7 ans
[6]. La prévalence du sexe est très variable suivant les
études [4, 5, 7, 8]. L’imagerie morphologique et fonctionnelle met en évidence une atrophie et une hypoactivité des régions corticales périsylviennes, gauches
dans environ deux tiers des cas, bilatérales pour le tiers
restant [7].
Le syndrome est sous-tendu par des affections neurodégénératives dans la majorité des cas, même si
quelques cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob ont pu
être décrits [9]. Les lésions sont plus marquées dans les
régions frontales et périsylviennes gauches que dans
l’hippocampe et le cortex entorhinal (qui sont les
régions les plus touchées dans la maladie d’Alzheimer). Environ 60 % des patients ont des altérations
focales non spécifiques (perte neuronale, gliose, spongiose des couches corticales superficielles). Des inclusions tau et ubiquitine positives peuvent être présentes, mais la présence de corps de Pick ne concerne que
20 % des patients avec APP. Enfin, pour les 20 % restants, des lésions de maladie d’Alzheimer sont présentes, souvent avec une distribution et une topographie
atypiques [10, 11]. Dans une série post mortem prospective de 22 patients, Kertesz et al. [12] ont mis en
évidence dans un nombre élevé de cas, des lésions de
190
type Alzheimer (9 patients), associées ou non à une
pathologie gliale ; les auteurs précisaient toutefois que
ces patients étaient plus âgés et présentaient des troubles de la mémoire associés. Ils proposaient pour ces
cas l’appellation d’aphasie progressive « possible ».
Chez les autres patients, la pathologie était distribuée
comme suit : maladie de Pick (3 patients), dégénérescence cortico-basale (5 patients), inclusions de type
maladie du motoneurone (tau et synucléine négatives,
ubiquitine positives) (4 patients), corps de Lewy (1
patient). Ces résultats montrent l’hétérogénéité neuropathologique qui sous-tend le syndrome. Les pathologies non Alzheimer étant néanmoins les plus fréquentes, la classification de Lund et Manchester inclut les
APP au sein des atrophies lobaires frontotemporales
[13].
L’aphasie progressive peut être familiale. Le tableau
clinique est alors rarement pur, d’autres troubles cognitifs et comportementaux sont associés, au moins chez
certains membres de la famille. Une famille a été
décrite dans laquelle tous les membres affectés souffraient d’APP ; chez un sujet, l’autopsie a révélé des
lésions ubiquitine positives [14]. Récemment, dans une
famille d’APP évoluant vers une DFT, l’autopsie de
deux frères a montré la présence conjointe de corps de
Lewy et d’inclusions tau positives dans le noyau basal
de Meynert [15].
Classification clinique
Dans les années qui ont suivi la publication princeps de Mesulam [1], de nombreuses études de cas et
de groupes ont été publiées. Une majorité de ces études s’est intéressée au statut nosologique de l’aphasie
progressive par rapport aux maladies d’Alzheimer et
de Pick. L’étude détaillée des troubles du langage
n’était pas toujours au premier plan mais l’analyse de
ces travaux met en évidence l’existence d’une grande
hétérogénéité sémiologique. On ne retrouve pas un
syndrome clinique unitaire et des tableaux cliniques
différents sont regroupés sous le même terme d’aphasie progressive.
Au cours des années 1990-2000, des tentatives de
classification ont été proposées à partir d’études longitudinales de groupes de patients. Certains auteurs ont
tenté de classer les cas d’APP suivant le critère d’aphasie fluente/non fluente ; d’autres se sont attachés à
décrire des tableaux cliniques plus précis, proches de
la sémiologie rencontrée dans les aphasies vasculaires.
Kertesz et al. [8] ont décrit, à partir de l’étude longitudinale de 38 patients, des tableaux aphasiques précis : 17 patients avaient une anomie pure ; 7 patients
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Les aphasies progressives primaires
étaient qualifiés de logopéniques, ce terme décrivant
un discours plutôt non fluent, ralenti, avec un manque
du mot au premier plan, des phrases courtes n’excédant pas quatre mots, une syntaxe préservée mais simplifiée, sans trouble de la phonologie, de l’articulation
et de la compréhension [1, 3, 16] ; 4 patients avaient
une aphasie non fluente qui évoquait un tableau
d’aphasie de Broca, caractérisée par une anomie, des
erreurs articulatoires et phonologiques et un agrammatisme ; 2 patients avaient « une aphasie sémantique ou
démence sémantique » avec, au premier plan, un trouble de la compréhension des mots sans trouble de la
syntaxe ni de la phonologie dans le contexte d’un discours fluent ; 2 patients étaient mutiques alors que leur
compréhension était relativement épargnée ; 6 patients
présentaient une aphémie ou apraxie verbale avec des
« erreurs articulatoires et phonologiques » (probables
troubles arthriques), un débit de parole ralenti, parfois
une tendance au bégaiement et un trouble de la prosodie. Ces derniers patients sont à rapprocher d’autres
cas publiés sous le nom de « perte progressive du
langage et apraxie bucco-faciale associées à un hypométabolisme frontal » [17], de « perte progressive du
langage avec dysfonctionnement prémoteur » [18],
d’« anarthrie progressive » [19] ou d’« aphémie progressive pure » [20]. Par ailleurs, des études de cas
isolés ont décrit des tableaux de surdité verbale pure
avec un trouble isolé de la compréhension du langage
oral, en l’absence de trouble de l’expression et de la
compréhension du langage écrit, qui présentaient, à
l’imagerie, une atrophie et un hypométabolisme temporal supérieur gauche : cas 4 de Mesulam [1], cas 2 de
Croisile et al. [21], cas d’Otsuki et al. [22]. Ces tableaux
d’anarthrie et de surdité verbale progressives représentent des tableaux frontières et se détachent du
cadre strict des APP.
Une autre approche a tenté une classification des
APP selon l’axe de la fluence. Snowden et al. [23] ont
décrit trois sous-types d’APP à partir de l’étude longitudinale de 16 patients :
1) le profil A, « anomie/non fluent » (5 patients) était
caractérisé par un manque du mot, un style télégraphique, une répétition altérée, des troubles de la lecture et
de l’écriture, une compréhension relativement bien
préservée et évoluait vers le mutisme. L’imagerie montrait une atrophie asymétrique plus prononcée à gauche et un hypométabolisme hémisphérique gauche ;
2) le profil B, « anomie + trouble de la compréhension/fluent » (6 patients), était caractérisé par un
manque du mot, de nombreuses paraphasies sémantiques, un trouble de la compréhension des mots, des
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régularisations en écriture, dans le contexte d’un discours fluent avec une articulation, une syntaxe et une
prosodie préservées. L’évolution se faisait vers une
réduction du langage, avec une écholalie, des persévérations et des troubles sévères de la compréhension,
et, pour quatre de ces patients, une agnosie associative
et des troubles du comportement faisant évoquer un
tableau de démence sémantique. Chez trois patients,
l’imagerie montrait une atrophie et un hypométabolisme antérieurs bilatéraux (symétriques ou prédominant à gauche) ;
3) le profil C (5 patients), regroupait des formes intermédiaires, difficiles à classer. Quatre patients présentaient un tableau mixte, le profil A accompagné d’un
déficit marqué de la compréhension, une évolution
vers un mutisme, mais gardant parfois la capacité à
s’exprimer par écrit (par des mots isolés). Chez ces
patients, l’atrophie cérébrale était globale, symétrique
ou plus marquée à gauche et un hypométabolisme
frontal gauche était observé. Le dernier patient présentait un discours fluent voire logorrhéique, de type aphasie de Wernicke, avec une certaine préservation de la
compréhension des mots concrets. L’atrophie frontale
était bilatérale, mais l’hypométabolisme était plus marqué à droite.
Dans la même optique, Mesulam [4] a décrit deux
grands tableaux d’APP en séparant clairement les formes non fluentes et fluentes et en prenant en compte
l’évolution. Il a décrit ainsi une première phase, le stade
anomique, commun à toutes les APP, caractérisée par :
– un discours fluent malgré la recherche de mots, la
présence de pauses, l’utilisation de mots neutres et la
production de paraphasies sémantiques ;
– un manque du mot lors d’épreuves de dénomination,
sans trouble de la compréhension de ces mêmes mots
(désignation correcte).
À ce stade, la grammaire, la syntaxe et la lecture
sont préservées et la compréhension est parfaite ; on
peut observer des paraphasies phonémiques et des
troubles de l’écriture.
Ce stade anomique peut évoluer en deux tableaux
aphasiques différents :
1) l’APP non fluente, se différenciant en deux sous
types :
– une forme anomique pure dans laquelle le manque
du mot reste isolé, s’aggrave progressivement et évolue vers un mutisme ;
– une forme avec agrammatisme, proche de l’aphasie de Broca et caractérisée par un débit de parole
ralenti, une perte de la prosodie, un manque du mot,
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D. David, et al.
une articulation laborieuse et une très bonne compréhension ;
2) l’APP fluente, caractérisée par un débit de parole et
une articulation normaux, un manque du mot, un trouble de la compréhension du mot isolé, en l’absence de
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A
déficit majeur de l’identification visuelle des objets et
des visages. Les patients accèdent, ici, aux connaissances sémantiques à partir d’une entrée visuelle (objets,
visages) et non à partir des mots, qu’ils soient entendus
ou lus. Mesulam pose ici le problème de la définition
B
Figure 1. A : IRM encéphalique (TI coronal) d’un homme de 59 ans présentant une APP non fluente évoluant depuis 2 ans : atrophie
frontale inférieure, insulaire et probablement temporale externe supérieure gauche. B : IRM du même patient, 6 ans plus tard (Flair
coronal) : atrophie hémisphérique gauche beaucoup plus diffuse, atteignant notamment la partie antérieure du lobe temporal dans ses
parties interne et externe, et la tête du noyau caudé ; à droite, le lobe frontal inférieur, la partie supérieure et antérieure du lobe temporal,
et l’insula antérieure sont discrètement atrophiques.
Figure 1. A: cranial MRI (coronal T1): left inferior frontal, anterior insular, and lateral anterior and superior temporal atrophy in a 59 year old
man with non fluent primary progressive aphasia. B: MRI in the same patient, 6 years later (coronal FLAIR): progression of the atrophy in
the left hemisphere, now affecting the mesial and lateral anterior temporal lobe, and the head of the caudate nucleus; the anterior part of
the right frontal lobe, the anterior and superior temporal lobe, and the right anterior insula are also slightly atrophic.
A
B
Figure 2. A : IRM encéphalique (Flair coronal) d’un homme de 67 ans avec APP fluente (patient AL) : atrophie temporale antérieure
gauche, interne et externe, hypersignaux de la substance blanche. B : Spect du même patient : hypoperfusion temporale antérieure et
externe gauche.
Figure 2. A: Cranial MRI (coronal FLAIR): left mesial and lateral anterior temporal atrophy, with bilateral white matter hyperintensities, in a
67 year old man with fluent progressive aphasia (patient AL, see text). B: SPECT in the same patient: lateral anterior temporal
hypoperfusion.
192
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006
Les aphasies progressives primaires
de la démence sémantique, généralement assimilée à
l’APP fluente. Pour lui, la démence sémantique sort du
cadre des APP et doit être considérée comme un « syndrome APP - plus », c’est-à-dire une aphasie fluente
plus un déficit de la reconnaissance visuelle. Nous
reviendrons plus loin sur cette question.
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Quelle que soit la forme initiale (fluente ou non),
l’évolution se fait vers une aphasie globale avec un
quasi-mutisme et des troubles sévères de la compréhension. À ce stade, il n’est plus possible d’évaluer les
patients et des troubles cognitifs plus globaux et du
comportement peuvent apparaître.
Les données neuroanatomiques sont corrélées aux
tableaux cliniques : Mesulam a observé un hypométabolisme et une atrophie dans les régions périsylviennes gauches (incluant le cortex frontal inférieur) chez
les patients non fluents dont la compréhension du langage était préservée, alors que chez les patients qui
présentaient une aphasie fluente, un hypométabolisme
et une atrophie touchant les régions moyenne,
inférieure et polaire du lobe temporal gauche étaient
mis en évidence. C’est aussi ce que nous observons
chez nos patients, au moins en début d’évolution
(figures 1 et 2). Ces données sont confortées par l’étude
de Gorno-Tempini et al. [16], qui portait sur 31 patients
soumis à une évaluation cognitive détaillée et à une
mesure de l’atrophie en IRM. Onze patients présentant
une aphasie progressive non fluente et produisant des
erreurs syntaxiques et morphologiques, présentaient
une atrophie significative de l’aire de Broca (aires 44,
45), du gyrus frontal inférieur gauche (aire 47), de
l’insula gauche, du putamen gauche et des noyaux
caudés ; 10 patients atteints d’APP fluentes et de
démence sémantique avaient une atrophie bilatérale
temporale antérieure (mésiale et latérale) ; enfin, chez
10 patients atteints d’aphasie logopénique, une atrophie du gyrus angulaire gauche, du tiers postérieur du
gyrus temporal moyen et du sulcus supérieur temporal
gauche était observée.
Une étude clinicopathologique récente [24] conforte
l’intérêt de la distinction fluente/non fluente, en montrant que la majorité des APP non fluentes appartiennent au cadre des tauopathies, alors que les lésions
observées dans les APP fluentes (démences sémantiques incluses) sont identiques à celles observées dans
les maladies du motoneurone (présence d’inclusions
ubiquitine positives et tau négatives). On peut aussi
noter qu’un tiers des cas dans chaque sous-groupe
avaient des lésions de type Alzheimer.
En résumé, même si les résultats de certaines études sont parfois divergents, les tableaux décrits et les
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tentatives de classification peu homogènes, la classification en fonction de la fluence du discours semble
bien correspondre à une réalité clinique et anatomique.
En effet, même si ce terme de fluence n’est jamais
défini de façon spécifique, on peut déjà, au stade anomique commun aux deux profils d’APP (dans lesquels
les productions en termes de longueur de phrases et de
nombre de mots sont souvent équivalentes), classer le
discours des patients en non fluent et fluent. Le débit
des patients non fluents est ralenti, haché, la prosodie
est parfois altérée, parler paraît demander un effort,
même si, à ce stade, il n’existe pas de trouble articulatoire. Leur comportement vis-à-vis de la communication est aussi caractéristique : leur appétence au langage est moindre, ils redoutent les situations de
communication. Ils ont une très bonne conscience de
leurs difficultés, en sont très affectés, et ont une nette
tendance à se replier sur eux-mêmes. À l’opposé, les
patients fluents ont un discours fluide, un débit de
parole normal, même si on note des pauses à la recherche des mots. Leur appétence au langage et la prosodie
du discours sont préservées ; la communication et
l’élocution sont aisées. Ils ont également une bonne
conscience de leurs troubles, qu’ils décrivent en général très bien. Ils sont cependant beaucoup moins affectés et tristes que les patients non fluents et restent très
à l’aise dans la communication même lorsque leurs
troubles s’aggravent.
Nous allons maintenant détailler ces profils d’APP.
L’aphasie progressive primaire
non fluente
Ce tableau d’APP est le plus majoritairement décrit
et le plus documenté dans la littérature. Il a été rapporté par de nombreux auteurs [1, 4, 5, 8, 10, 11, 24-26].
L’exposé qui va suivre est une synthèse de ces différentes études et de notre propre expérience du syndrome.
Nous décrirons essentiellement les premières années
d’évolution, avant que s’installe un tableau démentiel
(très habituellement de type frontal) avec troubles du
comportement.
A - Sur le plan du comportement et de la personnalité, les patients atteints d’APP non fluente ont une
excellente conscience de leurs troubles qui s’accompagne souvent d’un état anxieux voire dépressif, et d’une
nette tendance au repli sur soi. Lors des évaluations, ils
coopèrent parfaitement. Ils sont indépendants et autonomes dans les actes de la vie quotidienne. Ils restent
actifs, voyagent, bricolent, jardinent, font du sport, certains même continuent à travailler.
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D. David, et al.
B - Sur le plan neuropsychologique, ces patients ne
présentent aucune détérioration intellectuelle. Leur QI
verbal peut être réduit mais leur QI performance est
normal. On ne met pas en évidence d’atteinte cognitive
en dehors de l’aphasie. L’évaluation des différentes
fonctions intellectuelles et instrumentales permet de
confirmer l’absence de désorientation temporospatiale et de troubles de mémoire, excepté pour le
matériel verbal. En raison de l’aggravation des troubles
du langage, les résultats des tests deviennent parfois
difficiles à interpréter, mais les patients continuent à
enregistrer les faits d’actualité et les événements personnels. Ils ont une bonne mémoire au jour le jour, ce
qui traduit l’absence de syndrome amnésique clinique.
Il n’y a pas non plus de troubles visuospatiaux, de
difficultés de reconnaissance et d’identification visuelle
des objets et des personnes, de ralentissement idéomoteur, d’impulsivité et de syndrome dysexécutif. Une
apraxie bucco-faciale est fréquente, et on observe parfois une apraxie idéomotrice. Les résultats dans les
tâches classiques faisant appel à l’abstraction, à la planification, au raisonnement sont normales [27], même
si certaines performances basées sur le langage (fluences verbales, test des similitudes) sont assez systématiquement abaissées.
C - Sur le plan linguistique
1 - En expression
a. le discours spontané est hésitant avec un débit de
parole souvent ralenti, des pauses fréquentes à la
recherche des mots. La prosodie est préservée. L’articulation peut demander un effort [4, 8] ; on peut observer des paraphasies phonémiques avec des conduites
d’approche, parfois un pseudobégaiement avec des
palilalies sur la première syllabe des mots, des paraphasies verbales et même des néologismes [5] ;
b. les altérations de la syntaxe sont variables. Quand
des troubles de la syntaxe sont présents, les auteurs
parlent essentiellement d’agrammatisme. Ils mentionnent un style télégraphique, l’omission ou le mauvais
emploi des mots de fonction, pronoms, prépositions et
conjonctions. Ces troubles semblent très proches de
ceux qui sont rencontrés dans les aphasies de Broca
d’origine vasculaire [4, 10, 11, 25, 26]. D’autres parlent
d’erreurs grammaticales aussi bien au niveau morphologique que syntaxique [5]. Néanmoins, des cas typiques d’aphasie de Broca avec agrammatisme ont rarement été décrits [8]. Effectivement, on peut se
demander, à la lecture des descriptions, s’il s’agit d’un
véritable agrammatisme ou s’il ne s’agit pas plutôt
d’une stratégie d’économie, mise en place plus ou
moins consciemment par les patients ;
194
c. à l’examen
– les épreuves de dénomination permettent de mettre en évidence un manque du mot, premier trouble
observé et qui s’aggrave régulièrement. Il se manifeste
par des latences de réponse élevées et l’utilisation de
définitions et de mimes de l’usage, indiquant que le
patient a parfaitement identifié l’objet qu’il ne peut
nommer, et par des paraphasies verbales, souvent
sémantiques, dont le patient est conscient. On constate
la préservation de certaines connaissances partielles
phonologiques sur le mot recherché (nombre de syllabes, phonème initial, sons appartenant au mot). Les
facilitations, surtout l’ébauche orale du premier phonème, aident le patient à récupérer l’étiquette verbale
du mot recherché. De même, il est capable de choisir le
bon mot dans un choix multiple de 3 mots sémantiquement proches, ce qui témoigne de l’absence de problème sémantique. Le trouble se situe, ici, au niveau
lexical et s’explique par un problème d’accès ou de
sélection de l’étiquette verbale au niveau du lexique
phonologique [5] ;
– l’évocation verbale est globalement abaissée, la
fluence catégorielle étant supérieure à la fluence alphabétique ;
– les transpositions orales sont perturbées : la répétition de mots met en évidence une articulation difficile,
demandant des efforts, qui fait évoquer des troubles
arthriques. Des paraphasies phonémiques avec des
conduites d’approche sont également rapportées. La
répétition des non-mots est très altérée ;
– la lecture à haute voix est lente, difficile, avec de
nombreuses paralexies phonémiques. L’écriture est
lente avec de nombreuses paragraphies (omissions,
substitutions de lettres), parfois des paragraphies
sémantiques et des fautes d’orthographe d’usage et
grammaticales. La progression des troubles se fait,
comme à l’oral, vers une importante réduction, un style
télégraphique, le patient n’écrivant plus que des mots
isolés. La copie est, quant à elle, préservée.
2 - En compréhension
a. la compréhension orale est, au début, parfaitement
préservée. Au cours de l’évolution apparaissent des
difficultés de compréhension de phrases syntaxiquement complexes, comme par exemple celles de la partie V du Token test [28]. Certains auteurs expliquent ces
troubles par un déficit de la mémoire de travail [29]. La
compréhension des mots isolés est préservée ;
b. l’altération de la compréhension écrite évolue de
façon parallèle à celle de la compréhension orale.
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Les aphasies progressives primaires
3 - Les autres épreuves montrent que :
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a. la mémoire à court terme est toujours abaissée avec
un empan verbal réduit, une répétition de phrases perturbée (le sens est souvent conservé mais pas la
forme) ;
b. le calcul est, au départ, totalement épargné, les
patients continuent à gérer leur budget, leur compte
bancaire. Puis apparaissent des difficultés dans les procédures arithmétiques, les opérations, les retenues
mais les patients conservent longtemps le sens et la
valeur des chiffres et des quantités ;
c. on retrouve une dissociation automatico-volontaire,
mais au cours de l’évolution des stimulations fortes et
répétées sont nécessaires pour la mettre en évidence.
D - L’évolution de l’APP non fluente se fait vers une
altération progressive de la parole, un manque du mot
de plus en plus sévère, les patients ne s’exprimant plus
que par mots isolés et monosyllabes ; les intonations
restent conservées. Puis la progression se fait vers un
mutisme avec perte de la prosodie et l’apparition d’une
hypophonie. La compréhension, orale et écrite, l’écriture, le calcul se détériorent peu à peu. Sur le plan
comportemental, ces patients peuvent devenir apathiques, peu sociables et avoir des comportements stéréotypés. Enfin, après plusieurs années d’évolution,
apparaît un tableau démentiel de type frontal.
Cette description appelle quelques observations.
Les troubles décrits dans les aphasies non fluentes ne
semblent pas tous être de même nature. Le seul trouble commun est le manque du mot. La présence de
troubles de la syntaxe est très variable. On retrouve des
tableaux proches de l’aphasie de Broca avec des difficultés articulatoires (troubles arthriques), avec ou sans
agrammatisme ; d’autres descriptions associent troubles arthriques et paraphasies phonémiques avec
conduites d’approche, faisant parfois évoquer des
tableaux d’aphasie de conduction. Même si les auteurs
tentent de rapprocher les tableaux cliniques d’APP des
aphasies traditionnelles, les présentations sémiologiques sont assez atypiques avec l’association, chez un
même patient, de traits appartenant à différentes formes d’aphasie.
L’aphasie progressive primaire
fluente
Elle est moins souvent décrite et habituellement
assimilée à la démence sémantique. Nous rappellerons
simplement ici, pour plus de clarté, la définition de la
démence sémantique [5, 30]. Il s’agit de la détérioration
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006
progressive et sélective des connaissances sémantiques caractérisée par :
– des perturbations majeures des connaissances
sémantiques, avec une anomie et un trouble de la compréhension des mots, un déficit de l’identification des
objets et des personnes, associés à une dyslexiedysorthographie de surface et à un déficit de mémoire
portant sur les souvenirs anciens ;
– la préservation des aspects « non sémantiques de la
cognition », c’est-à-dire des composantes phonologiques et syntaxiques du langage, du traitement visuoperceptif, des capacités de raisonnement et de la
mémoire autobiographique « au jour le jour » ;
– l’apparition, au cours de l’évolution, de troubles du
comportement, avec une tendance à l’égocentrisme, et
de la perte des conventions sociales.
La démence sémantique est donc un trouble de la
mémoire sémantique se traduisant par des perturbations multimodales qui dépassent le cadre de l’aphasie.
Notre propos ici, dans une optique proche de celle de
Mesulam, est de montrer qu’il existe des APP fluentes
sans altération globale de la mémoire sémantique et
dont l’évolution ne se fait pas vers une démence
sémantique. Ceci ne remet pas, bien entendu, en question l’idée couramment admise et étayée par plusieurs
descriptions [5, 30] que la démence sémantique peut,
en début d’évolution, se manifester par des troubles
qui prédominent dans le domaine verbal, avec peu de
difficultés dans la modalité visuelle, et donc être assimilable temporairement à une aphasie fluente.
Pour Mesulam [4], les patients atteints d’APP
fluente ont un discours fluide, informatif, grammaticalement correct et bien articulé, mais avec des pauses
fréquentes à la recherche des mots. En dénomination,
le manque du mot est important mais les patients peuvent fournir des définitions par l’usage, miment l’utilisation des objets, font des périphrases indiquant qu’ils
ont parfaitement identifié les objets ou les visages et
donc qu’ils accèdent aux connaissances sémantiques à
partir d’une entrée visuelle. Parallèlement au manque
du mot, un déficit de la compréhension des mots s’installe. Il leur arrive, au cours d’une conversation ou
d’une lecture, de demander la signification d’un mot et,
par ailleurs, ils sont incapables, à partir d’une entrée
verbale, de désigner l’objet ou le visage correspondant
au mot entendu ou lu.
Au cours de l’évolution, le déficit de compréhension
des mots devient majeur, rendant toute conversation
impossible, alors que l’identification des objets et des
visages reste préservée. L’anomie s’aggrave en parallèle. Le discours devient progressivement vide, avec
195
D. David, et al.
des paraphasies verbales, de nombreuses circonlocutions, donnant parfois une impression de discours
incohérent. Ces patients deviennent excessivement difficiles à évaluer cliniquement pouvant générer une
fausse impression de « démence globale ».
Le langage écrit est initialement moins altéré que le
langage oral mais, par la suite, ces patients développent une dyslexie – dysorthographie de surface.
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La répétition peut être préservée (dans ce cas,
Mesulam rapproche ce tableau clinique de celui d’une
aphasie transcorticale sensorielle) ou altérée (il parle
alors de tableau de type aphasie de Wernicke).
Pour illustrer ces propos et pour combler le manque
crucial de données neuropsychologiques, comportementales et évolutives de la littérature, nous proposons ici la description détaillée d’un cas d’APP fluente,
et les données évolutives concernant deux autres
patients.
AL est un homme né en 1937, droitier, ancien ingénieur. Il présente, depuis trois ans, un manque du mot,
se plaint de ne plus savoir ce que certains mots veulent
dire, d’avoir des difficultés à suivre une conversation,
une émission de télévision, à comprendre ce qu’il lit, et
de faire des erreurs en lecture et en écriture. Il consulte
pour la première fois début 2005. Le bilan neurologique
est normal. L’IRM montre une atrophie temporale antérieure interne et externe gauche (figure 2). Le bilan
neuropsychologique est strictement normal, sans détérioration intellectuelle ni trouble mnésique, syndrome
dysexécutif ou troubles instrumentaux (en dehors du
langage). Sur le plan du comportement et de la personnalité, AL est très coopérant au cours des évaluations. Il
a une conscience parfaite de ses difficultés qu’il décrit
très bien. Par ailleurs, il se dit très gêné dans sa vie
sociale même s’il ne semble pas particulièrement
angoissé. Il est totalement autonome dans la vie de
tous les jours et demeure très actif ; il voyage, pratique
différents sports (tennis, golf, ski de randonnée), joue
au bridge, s’occupe de ses petits-enfants. Sur le plan
linguistique, il conserve une bonne appétence au langage. Son discours spontané est fluent et informatif,
mais on observe des pauses à la recherche des mots et
de nombreux mots neutres « truc, machin ». La syntaxe est correcte : « Les mots je les perds, j’en perds
beaucoup... quand on me les donne, je peux pas les
récupérer facilement, je les cherche... je vois plus le
sens ». La répétition de mots isolés est totalement préservée. La mémoire à court terme est légèrement altérée avec un empan verbal de 4 mots. Les résultats
obtenus dans les épreuves permettent de mettre en
évidence certaines caractéristiques :
196
– le manque du mot est sévère dans les épreuves de
dénomination alors que l’identification visuelle des
mêmes items est parfaite. Ce manque du mot présente
certaines particularités : il porte essentiellement sur les
noms alors que la dénomination des verbes est préservée ; les facilitations habituelles (contexte, ébauche
orale du premier phonème) ne permettent pas au
patient la récupération de l’étiquette verbale correspondante ; le mot n’est pas retrouvé parmi un choix
multiple de 3 mots ; le patient a un sentiment d’étrangeté lorsque le mot lui est proposé ; il fait des erreurs
sur le genre des mots non retrouvés ;
– l’évocation verbale est modérément diminuée ;
– la compréhension morphosyntaxique est parfaite. La
compréhension des mots isolés est très perturbée.
Dans les épreuves de désignation (appariement mot
entendu/image) ou de définition de mots, que les mots
soient présentés oralement ou par écrit, les scores sont
équivalents et très pathologiques. On retrouve un effet
de fréquence ;
– en lecture et en écriture, on observe une dyslexie et
une dysorthographie de surface. La lecture des non
mots et des mots réguliers est parfaite, alors qu’on voit
de très nombreuses régularisations sur les mots irréguliers qui montrent que la voie phonologique de lecture
fonctionne parfaitement : le patient lit de façon analytique et n’utilise pas sa voie lexicale. En écriture, seule la
dictée des non mots est correcte. Toutes les erreurs
produites sont des régularisations. En effet, pour les
mots réguliers, les erreurs portent sur les graphies
inconsistantes qui sont, en quelque sorte, « régularisées » (exemple : réunion est écrit « réugnon »). Sur les
mots irréguliers, on observe des régularisations habituelles (« ognon », « professi », « dicotomie ») ;
– des épreuves complémentaires permettent d’aller un
peu plus loin dans une tentative de compréhension de
ces déficits. Les résultats obtenus au pyramid and palm
tree test (PPTT) [31] confortent l’impression d’une identification parfaite et d’une préservation des connaissances sémantiques à partir de la modalité visuelle, alors
qu’à partir des mots le score est pathologique (visuel :
51/52, soit - 0,71 ds ; verbal : 48/52, soit - 3,63 ds). La
décision lexicale est elle aussi perturbée, que les mots
soient présentés par oral ou par écrit. À partir des mots
écrits, AL refuse 11 % de mots existants et accepte 4 %
de non mots comme étant des mots appartenant à la
langue. Lorsque les mots lui sont présentés oralement,
il refuse 5 % des mots et accepte 5 % des non mots ; de
plus, il est très lent, hésitant, répète les mots et n’est
souvent pas sûr de ses réponses. Les scores obtenus
par une population témoin sont de 100 % de réussite et
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Les aphasies progressives primaires
les sujets sont très rapides et ne montrent aucune hésitation. Une épreuve de connaissances grammaticales
sur une liste de mots (les mêmes que les mots désignés, lus et définis), présentée en même temps visuellement et oralement, met en évidence, là aussi, une
perte des connaissances portant sur certains mots. Il
est demandé au patient de dire d’abord à quelle classe
grammaticale appartient le mot (nom, verbe ou adjectif) puis si c’est un nom, de donner le genre. Le jugement d’appartenance à une classe grammaticale donne
lieu à des erreurs (exemples : « étrangeté, c’est un
adjectif ? On dit il est étrangeté ? » ; « enivrer, c’est un
nom ? On dit un enivrer ? », ou « rigueur, c’est un adjectif ? On dit quelque chose de très rigueur ? »). Le patient
est toujours très interrogatif, n’a aucune certitude ; il
tente de faire des déductions à partir de l’orthographe
du mot. Les erreurs sont toujours plausibles ; il existe,
en effet, des adjectifs en « eur » ou en « é », des noms
en « er ». De même, la connaissance du genre des
noms donne lieu à des erreurs. Ces erreurs sont toujours produites sur des mots dont le patient ne connaît
plus le sens et qu’il a refusés en décision lexicale.
En résumé, AL présente une aphasie fluente caractérisée par un manque du mot spécifique sur lequel
nous reviendrons dans la discussion, un trouble de la
compréhension des mots isolés, une dyslexiedysorthographie de surface, un déficit en décision lexicale, tout cela en l’absence de déficit de l’identification
visuelle. Ce tableau correspond exactement à celui
décrit par Mesulam [4] sous le nom d’aphasie progressive fluente avec déficit de la compréhension des mots.
Comme nous le mentionnions plus haut, l’évolution
de ces patients est peu décrite dans la littérature. Nous
avons pu suivre deux patients, AW et APH, âgés tous
deux de 83 ans, présentant une APP fluente, dont les
troubles évoluent respectivement depuis 18 et 10 ans.
Ces patients sont devenus excessivement difficiles à
évaluer en raison du trouble massif de la compréhension. Cependant, l’observation écologique et l’interrogatoire de la famille sont riches d’informations. Sur le
plan comportemental, ces patients restent très conscients de leurs troubles, totalement adaptés et autonomes dans la vie de tous les jours. Ils conservent leurs
activités quotidiennes, leurs occupations : ils font leurs
courses dans les supermarchés où il n’est pas nécessaire de parler, jardinent, font fonctionner des engins
comme un petit tracteur, bricolent, continuent à
conduire, vont chercher de l’argent à un distributeur
automatique, leur pain, leur journal, réalisent des activités ménagères sans difficulté (faire la vaisselle, éplucher des légumes, faire la cuisine...). Les familles affir-
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006
ment que leur comportement est normal, qu’ils
s’intéressent à ce qui se passe autour d’eux, qu’ils
éprouvent des émotions, identifient les émotions
d’autrui et sont sensibles aux sentiments de leur entourage. Elles ne rapportent pas d’égocentrisme, pas de
comportements stéréotypés, pas de perte des conventions sociales (tels qu’on les observe dans la démence
sémantique) et pas de désorientation dans le temps et
dans l’espace. Ces patients gardent une bonne appétence au langage, à la communication. Leur discours
reste fluent même s’il devient peu informatif, souvent
« vide », en raison d’un manque du mot massif, avec
toujours une nette préservation des verbes (« moi,
dans ma... toc, toc (parle de sa voiture)... ça marche
vraiment bien... je pourrais encore aller... toc, toc...
mais je saurais pas dire... » ; « Vous avez des difficultés
pour parler ? » « Parler ? Je vois pas ce que c’est...
parler ? Je sais pas... c’est là haut ? Au dessus ? (montre sa tête) ça marche mal à cause de ces machins
(montre sa tête), ça marche mal, mal... j’y comprends
que dalle ! »). En opposition, à ce manque du mot massif et à ces troubles de la compréhension, l’identification visuelle de ces patients reste préservée aussi bien
pour les objets que pour les personnes. À titre d’illustration, AW, dont l’évolution est la plus longue (18 ans),
ne parle plus depuis environ deux ans. Il produit de
façon stéréotypée une suite de sons sans signification,
avec une préservation de la prosodie, des intonations
et des expressions faciales. Il a continué à mener une
vie autonome jusqu’à il y a peu2, à avoir des activités
routinières, et, d’après son épouse, n’a pas de déficit de
l’identification, il utilise correctement les objets, identifie parfaitement ce qu’il mange, est capable de choisir
au marché les légumes qu’il désire ; il a interpellé dans
le tramway un de ses collègues qu’il n’avait pas vu
depuis plus de dix ans, alors que son épouse ne l’avait
pas reconnu. L’évolution de ces patients semble donc
assez spécifique et avoir peu de points communs avec
celle des démences sémantiques (trouble global de
l’identification, en particulier des personnes, égocentrisme, perte des conventions sociales, troubles du
comportement). Ces patients restent essentiellement
aphasiques et leur déficit semble être un trouble linguistique pur.
Discussion
Si, d’une part, les troubles rencontrés dans l’APP
non fluente, et essentiellement le manque du mot,
2
L’état de AW s’est récemment considérablement aggravé, avec installation d’un tableau démentiel frontal.
197
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D. David, et al.
s’expliquent par un trouble au niveau du lexique phonologique, et si, d’autre part, les déficits rencontrés
dans la démence sémantique s’expliquent par une
dégradation des connaissances sémantiques, l’interprétation des déficits qui caractérisent certains
tableaux d’APP fluentes pose quelques problèmes. Certains auteurs [32, 33] considèrent que ces APP fluentes
sont des démences sémantiques débutantes, avec
troubles de la compréhension des mots, sans déficit de
l’identification visuelle, et évoluant ultérieurement vers
un trouble sémantique global. Ce tableau s’expliquerait
alors par une atrophie plus importante à gauche qu’à
droite en début d’évolution. Cependant, les patients
que nous avons décrits semblent avoir un déficit purement verbal tout au long de l’évolution et la question se
pose de savoir s’il est de nature sémantique ou pas.
Mesulam [4], sans interpréter ce déficit dans un
cadre théorique précis, parlait de déficit de la sémantique verbale, ce qui sous-entend deux systèmes sémantiques indépendants, verbal et visuel, et donc, dans ce
cas, un déficit au niveau du système sémantique verbal. On sait que des modèles de ce type [34, 35], qui
peuvent expliquer ce tableau, ont beaucoup de mal à
rendre compte d’autres types de tableaux, notamment
la plupart des cas d’agnosie catégorie-spécifique [36].
Ces mêmes APP fluentes, dans le cadre d’un modèle
supposant un seul système sémantique - dans lequel
les connaissances sont représentées de façon indépendante de la modalité d’accès [37] - peuvent être expliquées par un déficit d’accès aux connaissances à partir
de la modalité verbale. Si ces déficits d’accès ou de
sémantique verbale permettent d’interpréter le déficit
Points clés
• L’aphasie progressive primaire est un syndrome
caractérisé par la survenue insidieuse et l’aggravation progressive sur plusieurs années de troubles du
langage isolés, de nature aphasique, qui débute
habituellement entre 45 et 70 ans.
• On distingue une forme non fluente (anomie avec
réduction du langage, sans troubles de compréhension) et une forme fluente (anomie avec discours
fluide et troubles de la compréhension des mots
isolés).
• Elle est sous-tendue par des lésions dégénératives
de nature variée, mais le plus souvent sans rapport
avec celles de la maladie d’Alzheimer.
• L’évolution se fait vers une démence qui justifie
son inclusion dans le cadre des démences frontotemporales.
198
de compréhension des mots, ils ne nous semblent pas
pouvoir rendre compte de l’ensemble des troubles (le
manque du mot massif et ses caractéristiques sur lesquelles nous reviendrons, le déficit en décision lexicale
et la dyslexie de surface) ni de leur évolution. Par
ailleurs, la constance des erreurs et l’effet de fréquence
vont à l’encontre de difficultés d’accès aux représentations sémantiques [38]. À partir de l’observation des
patients que nous avons rencontrés et de leur évolution, nous pensons que le déficit n’est pas de nature
sémantique. Une hypothèse alternative et économique
est de postuler un déficit unique, la dégradation progressive des représentations phonologiques. En effet,
l’anomie massive de ces patients n’a pas les caractéristiques habituelles du manque du mot aphasique. Ce
manque du mot n’est pas du tout facilité, le mot n’est
pas retrouvé en choix multiple et le patient a un sentiment d’étrangeté lorsque le mot lui est proposé ; il ne
reconnaît plus le mot. Ce manque du mot touche
essentiellement les noms, les verbes étant épargnés,
ce qui pour certains auteurs [10, 39] pourrait s’expliquer par une atteinte plus postérieure des aires du
langage dans les APP fluentes. On observe également
des erreurs sur les caractéristiques syntaxiques ou préphonologiques (catégorie grammaticale, genre), informations appartenant au lexique phonologique [40]. On
note aussi un effet net de la fréquence ; il semble que
ce soit les mots les moins fréquents que le patient a
perdus. Ce manque du mot particulier s’accompagne
d’un trouble de la compréhension de ces mêmes mots,
qu’ils soient présentés oralement ou par écrit, en
l’absence d’un trouble plus global de la compréhension. De plus, on ne note pas de variabilité dans le
temps, les erreurs sont constantes, le patient échoue
toujours sur les mêmes items. Il existe également des
erreurs en décision lexicale et une dyslexiedysorthographie de surface. L’ensemble de ces constatations suggère que certains mots semblent ne plus
appartenir au lexique du patient. Tout ceci est observé
en l’absence de déficit cognitif, de détérioration intellectuelle et surtout en l’absence de déficit de l’identification visuelle ; à partir d’un objet, d’une image, d’une
photo, d’un visage le patient accède parfaitement à son
stock sémantique. Enfin, 18 et 10 ans après le début
des troubles, deux patients n’ont toujours pas développé d’atteinte globale des connaissances sémantiques.
Comme le suggère Mesulam [4], l’APP fluente semble pouvoir, dans certains cas, être une entité spécifique, différente de la démence sémantique. L’ensemble
des déficits linguistiques semble pouvoir s’interpréter
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 3, septembre 2006
Les aphasies progressives primaires
par un déficit unique, un trouble lexical isolé. On peut
supposer une dégradation progressive du lexique phonologique, c’est-à-dire la perte progressive des étiquettes verbales des mots, des représentations phonologiques, lexicales. On pourrait dans ce cas parler d’APP
fluente lexicale.
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Conclusion
L’APP est une entité spécifique qui présente une
grande hétérogénéité clinique et des tableaux qui souvent ne correspondent pas à ceux des aphasies traditionnelles d’origine vasculaire. Néanmoins, la distinction des APP fluentes et non fluentes est très pertinente
en clinique, même si elle n’est pas absolue. En effet, au
cours de l’évolution, certains patients fluents au départ
deviennent logopéniques puis non fluents [10]. L’étude
des APP et de leur évolution semble pouvoir apporter
beaucoup à l’étude de l’organisation du langage et à
l’investigation des réseaux cérébraux qui sous-tendent
le langage. L’évaluation, l’analyse et l’interprétation
des troubles observés doivent se faire dans le cadre de
modèles théoriques précis dans le but de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à ces déficits. La
compréhension de ces déficits conditionne entièrement la prise en charge orthophonique de ces patients
et doit guider les explications et les conseils qu’il faut
donner à l’entourage pour optimiser la communication.
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