actualité, info Le réchauffement venu, nous mourrons encore en hiver «La mortalité hivernale va­t­elle diminuer avec le changement climatique ?» C’est la cu­ rieuse interrogation d’un papier 1 non moins curieux, publié dans le dernier numéro de l’austère Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l’Institut national (français) de veille sanitaire. Tout commence ici avec deux constats. Le premier : les taux de mortalité sont plus éle­ vés pendant l’hiver dans les régions tempé­ rées de l’hémisphère nord. Le second : des températures extrêmes durant l’été peuvent se traduire par des pics de mortalité. Ces deux phénomènes conjoints se traduisent par une relation en U entre mortalité journalière et il n’est ni trop tard ni trop tôt pour se pen­ cher sur ses impacts sanitaires possibles. Par exemple, s’interroger sur le fait de savoir si la mortalité hivernale est susceptible de di­ minuer du fait du réchauffement climatique (ce qui aurait immanquablement des consé­ quences importantes sur l’adaptation de la réponse en matière de santé publique). Ils achèvent leur travail ainsi : «De manière surprenante, à partir d’une analyse de la lit­ térature, nous concluons qu’il semble peu probable que la mortalité hivernale diminue avec l’augmentation des températures.» Par quel cheminement parviennent­ils à cette conclusion quelque peu provocatrice ? Les températures moyennes glo­ bales ont certes augmenté pen­ … la mortalité hivernale pourrait augmenter dant le siècle dernier, et il est au fur et à mesure que les régions s’adaptent difficile de contester que la ten­ à des températures plus élevées … dance au réchauffement s’est accélérée au cours des dernières températures. Bien sûr, la forme et la position décennies. «Les modèles climatiques pré­ du U varient selon les régions et les tempé­ disent de manière cohérente un réchauffe­ ratures moyennes. C’est l’une des preuves ment futur de l’ordre de 0,2°C par décennie. qu’il n’y a pas, ici, de fatalité : les popula­ Et en Europe, les projections indiquent que tions humaines savent s’adapter à leur climat les températures les plus basses devraient local. Ainsi dans les villes les plus froides, augmenter plus rapidement en hiver que l’augmentation de la mortalité aux tempéra­ les températures les plus élevées, condui­ tures basses est relativement modérée et sant à un rétrécissement de la distribution celle de la mortalité aux températures éle­ des températures hivernales dans un climat vées relativement accentuée. Et à l’inverse, futur» rappellent les auteurs. On ne saurait dans les villes les plus chaudes, la relation pour autant exclure la survenue d’épisodes froid­mortalité est plus importante que la de froid extrême. relation chaleur­mortalité. «Malheureusement, alors qu’il existe une Les auteurs poursuivent leur propos avec littérature abondante sur les impacts sani­ une quasi­certitude : le réchauffement glo­ taires de la chaleur dans un contexte de bal dû aux émissions de gaz à effet de serre changement climatique, un intérêt scienti­ d’origine anthropique est pratiquement ac­ fique moindre a été porté à la question plus quis pour les prochaines décennies. Dès lors, large, et d’une certaine manière plus impor­ Information professionnelle abrégée de Ciclopoli® : C : Vernis à ongles avec 80 mg/g de ciclopirox. I : Infections fongiques des ongles, légères à modérément importantes, provoquées par des dermatophytes et/ou d’autres champignons sensibles au ciclopirox, dans lesquelles la matrice unguéale n’est pas touchée. Pos : Pour application topique sur les ongles des doigts, les ongles des pieds et les zones de peau voisines (périonyx, hyponychium). Appliquer une fois par jour en une couche mince. CI : Hypersensibilité au ciclopirox ou à un des autres composants du médicament. Enfants de moins de 6 ans. Préc : En cas de survenue d’une réaction d’hypersensibilité le médicament doit être arrêté. L’alcool cétylstéarylique peut provoquer des réactions cutanées locales telles que par exemple une dermite de contact irritative. EI : Très rarement : rougeur, desquamation, brûlures et démangeaisons de la zone traitée. Prés : 3,3 ml et 6,6 ml. Catégorie de remise B, admis aux caisses-maladie. Pour de plus amples informations, veuillez consulter le Compendium Suisse des Médicaments. Astellas Pharma SA, Grindelstrasse 6, 8304 Wallisellen. 1006142 708 42_45.indd 3 tante, de la possibilité de modification des impacts sanitaires hivernaux, regrettent les auteurs. A ce jour, les rares études qui se sont penchées sur les impacts potentiels futurs du réchauffement des températures hivernales sur la mortalité ont généralement conclu que la mortalité hivernale était susceptible de diminuer.» Pour sa part, le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (Giec) a déclaré que le changement climatique pour­ rait «s’avérer bénéfique et entraîner une baisse de la mortalité associée au froid». On a même été jusqu’à estimer qu’en Europe les réductions de la mortalité hivernale pour­ raient compenser les augmentations de la mortalité estivale dues au réchauffement. LDD ostephy/morguefile point de vue De telles prophéties sont pour partie fon­ dées sur l’hypothèse que la relation en U température­mortalité observée historique­ ment dans une région donnée ne changera pas et qu’elle peut donc être directement utilisée pour estimer la mortalité future sous des températures plus élevées dans cette même région. Les auteurs ont, quant à eux, passé en revue la littérature historique pour mieux comprendre les mécanismes sous­ tendant la surmortalité hivernale, et pour souligner l’importance des facteurs saison­ niers et de la température en soi, afin de vé­ rifier la validité potentielle de cette hypo­ thèse. Après filtrage, cinquante­trois publi­ cations ont été sélectionnées et analysées. Et il apparaît que bien des lacunes demeurent. D’une manière générale, la mortalité est en moyenne plus élevée en hiver qu’en été dans les villes des Etats­Unis et d’Europe. On peut raisonnablement penser que cette surmortalité hivernale est due à la fois à des facteurs saisonniers et à l’exposition au froid. Comment distinguer l’importance relative de ces deux composantes ? De l’examen des données disponibles, il apparaît que l’am­ Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 mars 2012 26.03.12 11:00 pleur de la surmortalité hivernale est plus importante dans les régions connaissant des hivers plus modérés. Et dans leur ensemble, les études montrent que les régions où l’on a su s’adapter à des climats chauds étaient susceptibles d’afficher des hausses de mor­ talité hivernale deux à trois fois plus impor­ tantes que les régions où l’on s’était adapté à des températures basses. Pour les auteurs de ce travail, ceci laisse entendre que, dans des conditions de ré­ chauffement climatique, la mortalité hiver­ nale pourrait augmenter au fur et à mesure que les régions s’adaptent à des tempéra­ tures plus élevées. Des observateurs ont noté que la mortalité augmentait de 4% pour chaque baisse de 1°C des tem­ pératures de la saison froide à Bangkok (Thaïlande) alors même qu’elle n’augmentait que de 0,4% pour chaque baisse de 1°C des tempéra­ tures à Ljubljana (Slovénie). A partir de leur revue de la littérature, les auteurs con­ cluent qu’il est peu probable que les hivers plus chauds, dus au changement climati­ que, entraînent une baisse si­ gnificative de la mortalité sai­ sonnière hivernale aux Etats­ Unis et en Europe. «De plus, nous considérons possible que des vagues de froid sur­ viennent, avec des effets sa­ nitaires associés potentiellement importants, concluent­ils. L’interaction entre les trois facteurs de risques principaux "saison­ froid­maladies infectieuses" ne permet pas d’attribuer clairement ces impacts au froid seul. Comme cela a été fait pour les vagues de chaleur, des études épidémiologiques sur les vagues de froid sont nécessaires, afin de mieux quantifier les risques sanitaires, d’identifier les populations vulnérables et de définir les mesures de prévention appro­ priées. Il est également impératif de mieux comprendre les caractéristiques de l’exposi­ tion au froid, et de bien différencier statisti­ quement la température, la saison et les autres facteurs de confusion.» Quels météo­ rologues des vies humaines se passionne­ ront pour cette question ? Jean-Yves Nau [email protected] 1 Ce travail est signé de Patrick Kinney (Columbia University, Mailman School of Public Health, New York), Robert Vautard (Laboratoire des Sciences du climat et de l’environnement, Paris), Mathilde Pascal et Karine Laaidi (Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France). Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 mars 2012 42_45.indd 4 709 26.03.12 11:00