Commentaire de la proposition de résolution visant à la reconnaissance d'un statut spécifique pour les réfugiés climatiques présentée par Ecolo et Groen! 1. L'élaboration d'une proposition de modification de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers pourrait être un complément utile à la proposition d'une résolution. En particulier, il pourrait être opportun de proposer la modification de l'article 48/4, §2 qui définit la notion d'atteintes graves donnant droit à la protection subsidiaire en y ajoutant un point d rédigé comme suit: «les menaces sérieuses contre la vie, la sécurité et le bien-être d'un civil, qui résultent de phénomènes environnementaux graves, de nature catastrophique ou graduelle, anthropique ou naturelle». 2. La refonte de la directive 2004/83/CE, dite directive qualification, devrait être l'occasion de prendre en compte la question des réfugiés environnementaux, par exemple par la modification de l'article 15 de ladite directive, relatif à la notion d'atteinte grave. C'est pourquoi, d'une part, la proposition de résolution devrait demander à la Belgique de défendre une telle position au sein du Conseil européen et, d'autre part, une initiative devrait être prise au niveau du Parlement européen, par exemple sous la forme d'une résolution portant sur la prise en compte de la protection des réfugiés environnementaux, notamment dans le cadre de la refonte de ladite directive. 3. L'initiative – qu'elle prenne la forme d'une proposition de résolution ou d'une proposition de modification législative ou encore d'une combinaison des deux – devrait être portée par des mandataires Ecolo et Groen! mais aussi par des mandataires d'autres formations politiques. 4. Il peut être aisé de démontrer un lien de causalité entre le réchauffement climatique et des tendances environnementales lourdes, mais le lien causal est nettement plus difficile à établir quand il s'agit de phénomènes environnementaux spécifiques. S'il est par exemple envisageable d'établir un lien entre le réchauffement climatique et l'évolution de la gravité et de la fréquence des inondations au Pakistan, il est plus hasardeux d'en établir un entre ledit réchauffement et les dernières inondations qu'a connu ce pays. La référence à la notion de réfugié climatique, plutôt qu'à celle de réfugié environnemental, porte donc en soi le risque que des personnes en réel besoin de protection n'obtiennent pas celle-ci parce que n'étant pas en mesure de prouver le lien entre, d'une part, le ou les événements environnementaux à la base de leur besoin de protection et, d'autre part, le réchauffement climatique. La reconnaissance du lien causal pourrait en outre être biaisé politiquement et avoir lieu ou non suivant la volonté ou non de protéger les victimes. Enfin, la référence aux réfugiés climatiques exclut explicitement les victimes de catastrophes clairement indépendantes du réchauffement climatique: éruptions volcaniques, tremblements de terre, accidents nucléaires et autres. C'est pourquoi, il serait opportun de remplacer la référence aux réfugiés climatiques par une référence aux réfugiés environnementaux. 5. Il n'est pas certain que la protection des réfugiés environnementaux doive passer par la définition d'un statut spécifique. Des voies alternatives sont l'extension de la définition de réfugié, l'extension de la notion de protection subsidiaire (voir plus haut) ou encore la définition de critères spécifiques de régularisation. 6. Du point précédent, il résulte qu'il n'est de même pas évident que la dite protection des réfugiés environnementaux implique la création d'une agence onusienne spécifique. L'extension du mandat du HCR devrait être prise en considération, ainsi que sa collaboration et sa coordination avec d'autres agences concernées telles que le PNUE, le PNUD et l'OIM. 7. Le Gouvernement ne devrait pas seulement poursuivre mais plutôt intensifier significativement ses efforts en matière de lutte contre le réchauffement climatique et se baser pour cela sur les recommandation du GIEC en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'objectif d'une telle action devrait être de garantir la pérennité de l'environnement et la justice sociale interet intragénérationnelle et non de gérer ou de réduire les migrations. Le point 1 de la proposition de résolution devrait en conséquence être rédigé comme suit: «d'intensifier de manière significative, avec ses partenaires européens et autres, la définition et la mise en œuvre de politique de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique au bénéfice des générations futures et des populations les plus démunies et vulnérables». 8. Les points 4 et 5 devraient traiter non seulement des catastrophes mais aussi des phénomènes environnementaux graduels qui, bien que plus lents, n'en n'ont pas moins des effets préoccupants sur le bien-être et la sécurité des personnes et populations concernées. 9. La résolution devrait explicitement aborder la question de l'aide à apporter aux pays et régions réceptrices des flux migratoires éventuellement engendrés par les phénomènes environnementaux, par exemple en demandant que la Belgique mette en place des mesures d'aide financière, technique ou autres et, sur la base d'une évaluation de ces mesures, œuvre la mise en œuvre de mesures similaires au niveau de l'Union européenne ou des Nations unies. L'aide aux régions ou pays récepteurs de flux migratoires devrait être fonction de l'ampleur de ces flux, de la vulnérabilité des populations migrantes et autochtones et de la capacité de ces régions et pays à y faire face. Le fait que ces flux migratoires soient ou non et totalement ou partiellement le résultat de phénomènes environnementaux devrait ici être secondaire. Ce, premièrement, parce qu'il est souvent difficile d'identifier les raisons des migrations – difficulté qui pourrait être en outre utilisée comme prétexte à l'inaction – et, deuxièmement, parce qu'il serait injuste, à vulnérabilité égale des populations concernées et à capacité d'action égale des autorités concernées, de n'agir que quand la causalité environnementale des migrations est avérée. 10. Le réchauffement climatique est la conséquence directe de la manière dont notre économie est organisée. C'est en effet notre manière de produire, de consommer et d'éliminer des biens et services qui détermine notre impact sur l'environnement. Il est donc frappant de constater que la résolution n'en fait pas mention. Cette dernière devrait à tout le moins inviter le Parlement à débattre du rôle du secteur privé et du cadre réglementaire et institutionnel à mettre en place pour que le secteur privé, et l'économie de manière plus générale, améliore significativement leur impact sur l'environnement. Un tel travail parlementaire devrait inclure la participation active notamment des partenaires sociaux et de la société civile. 11. La résolution devrait inviter le Parlement à user de toutes ses prérogatives en matière de débat, de proposition, d'interpellation, de contrôle et autres afin de contribuer activement à l'application de la résolution adoptée. 12. L'introduction de propositions de résolutions analogues au niveau des parlements régionaux et communautaires – et éventuellement européen – devrait être envisagée, ces niveaux de pouvoir ayant, eux aussi, un impact sur les questions environnementales et économiques et ayant des compétences en matière de relations et de solidarité internationales.