pourquoi sont-ils si importants ? Dr

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Les certificats médicaux initiaux de constatations de coups et
blessures : pourquoi sont-ils si importants ?
Dr Frédérique PAPIN-LEFEBVRE. CDO 14
L’établissement des certificats médicaux constitue un devoir déontologique
(art. 76 du Code de Déontologie Médicale) dont la finalité principale est d’aider le
patient à faire valoir ses droits.
Il s’impose à tout médecin amené à constater dans l’exercice de sa
profession, des lésions traumatiques pouvant résulter de violences volontaires
(agression physique, violence sexuelle, violence psychologique, maltraitance…)
ou involontaires (accident de la voie publique, accident du travail, accident
médical…) provoquées par un tiers.
La description précise des lésions initiales dans un certificat médical
constitue la 1ère étape du suivi de la maladie traumatique.
C’est à partir de ces constatations médicales initiales que pourront ensuite
être évalués :
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Sur le plan pénal : l’Incapacité Totale de Travail (ou ITT).
Même si elle n’a pas un intérêt direct pour le patient, son évaluation est
indispensable pour qualifier l’infraction pénale commise par l’auteur des faits, et
sa gravité (articles 222-11 et 222-19 du Code Pénal).
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En matière de violences volontaires, l’auteur des faits encourt les peines
suivantes :
o Une contravention de 4e classe (750 €) lorsqu’il s’agit de faits de
violences n’ayant pas entraîné d’ITT ;
o Une contravention de 5e classe, devant le tribunal de police, lorsque
l’ITT est inférieure ou égale à 8 jours ;
o 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, devant le tribunal
correctionnel, lorsque l’ITT est supérieure à 8 jours ;
En matière de blessures involontaires, l’auteur des faits encourt les peines
suivantes :
o Une contravention de 2e classe (150 €) lorsqu’il s’agit de blessures
n’ayant pas entraîné d’ITT ;
o Une contravention de 5e classe (de 1 500 €), devant le tribunal de
police, lorsque l’ITT est inférieure ou égale à 3 mois ;
o 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende, devant le tribunal
correctionnel, lorsque l’ITT est supérieure à 3 mois.
Elle est donc requise pour le patient qui souhaite déposer une plainte à
l’encontre de son agresseur.
Dans ce cas, l’autorité judiciaire requiert un avis technique (auquel elle n’est
pas tenue), auprès d’un médecin, souvent médecin légiste, pour établir la
matérialité des blessures et évaluer l’ITT. Ce certificat médical obtenu sur
réquisition judiciaire est ensuite remis à l’autorité judiciaire directement par le
médecin requis. Les unités médico-judiciaires implantées suite à la réforme de la
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médecine légale en décembre 20101 ont vocation à répondre à ces réquisitions
judiciaires.
Cependant, la rédaction d’un constat médico-légal n’exonère pas le
médecin sollicité par le patient de produire un certificat médical descriptif établi à
la demande du patient ou de son représentant légal (s’il s’agit d’un mineur ou d’un
majeur protégé).
En effet, la rédaction au préalable d’un certificat médical initial remis au
patient (ou au représentant légal) par le médecin soignant (généraliste ou
spécialiste) a toute son importance pour plusieurs raisons :
- Il existe un délai légal de prescription pour déposer plainte. Le patient peut
ainsi décider de déposer plainte à distance des faits alors même qu’il est guéri et
qu’il n’existe plus aucune trace du traumatisme subi.
- Chaque médecin consulté, y compris les différents spécialistes, peut
attester des lésions constatées.
- La remise au moment du dépôt de plainte d’un certificat médical initial,
même s’il n’est pas établi par un médecin légiste ou qu’il ne comporte pas
l’évaluation de l’ITT, constitue une 1ère étape vers la preuve de la matérialité des
blessures2.
- Si la durée d’ITT constitue un élément aggravant la peine encourue par
l’auteur, la qualité de la victime peut aussi constituer une autre circonstance
aggravante (art 222-14 du Code Pénal) :
- l’âge de la victime (mineur de moins de 15 ans) ;
- la vulnérabilité en raison de son âge, d’une maladie ou d’une
infirmité ;
- Une déficience physique ou psychique ;
- Un état de grossesse.
Cette qualité peut reposer sur l’avis du médecin traitant, seul détenteur du dossier
médical de son patient.
- L’évaluation de la durée d’ITT peut être réalisée initialement, à priori, à
partir de l’évolution prévisible de la maladie traumatique. Mais l’ITT peut aussi être
évaluée à posteriori, par le médecin expert, à partir de documents produits par la
victime, en particulier les certificats médicaux initiaux. En effet, lorsqu’elle est
évaluée à distance du fait traumatique, elle est souvent plus précise car elle
repose alors sur l’évolution réelle de la maladie. Dans certains cas, en particulier
en matière de violences psychologiques, plusieurs examens médicaux sont
indispensables pour son évaluation.
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Sur le plan civil : les dommages subis par la victime
Le principe de la Responsabilité Civile, posé dès 1810 par l'article 1382 du
Code Civil est le suivant : "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un
dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". Ainsi, qu’elle
ait ou non déposé plainte, la victime peut demander réparation des préjudices
subis. Elle peut le faire dans le cadre d’une procédure judiciaire, pénale en se
constituant partie civile, ou directement devant une juridiction civile ou
administrative.
Circulaire du 27 décembre 2010 relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine légale
Les services de Police et de Gendarmerie ne peuvent pas refuser d’enregistrer la plainte du fait
de l’absence d’évaluation de l’ITT.
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Dans cette hypothèse, la preuve du dommage doit être apportée par le
patient qui entend se faire indemniser.
La rédaction d’un bon certificat médical de description des blessures
initiales remis au patient prend alors aussi toute son importance.
Il servira à la fixation de la date de consolidation des blessures et à
l’évaluation des différents postes de préjudices corporels (inspirés du rapport
Dintilhac) : déficit fonctionnel temporaire résultant des blessures initiales, préjudice
esthétique temporaire, souffrances endurées…
Il permettra d’imputer les séquelles résultant de manière directe et certaine
aux lésions initiales et d’écarter un éventuel état pathologique antérieur ayant pu
interférer avec l’évolution de la maladie traumatique.
Ces notions de réparation juridique du dommage corporel sont évaluées à
distance des faits, par le médecin expert, officiant dans un cadre judiciaire ou non.
Sans constatations médicales initiales, il ne peut remplir sa mission d’expertise
médicale, préalable indispensable à l’indemnisation de la victime.
Par ailleurs, l’obtention de certains droits sociaux, en particulier en matière
d’accidents du travail, est subordonnée à la production de ces certificats
médicaux.
C’est le cas aussi des demandes d’indemnisation dans le cadre d’une
procédure de règlement amiable devant les Commissions Régionales de
Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux (CRCI).
Au total, quelque soit leur finalité, les certificats médicaux doivent être
rédigés de façon intelligible, permettant l’identification du médecin, être signés,
comporter la date de constatation et faire une description exhaustive, objective et
précise des lésions, en s’appuyant éventuellement sur les résultats des examens
complémentaires et sur des photographies. Ils sont établis en double exemplaire,
l’un conservé par le médecin.
Il engage la responsabilité du médecin, qui doit au préalable avoir examiné
la victime.
Lorsqu’ils ont une portée judiciaire, ces certificats médicaux doivent être
établis par un Docteur en médecine.
Pour en savoir plus :
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1120330/certificat-medical-initialconcernant-une-personne-victime-de-violences
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La détermination de l’Incapacité Totale de Travail (ou ITT)
L’ITT pénale connaît une définition établie par la jurisprudence.
C’est la durée pendant laquelle la victime présente une gêne notable dans les
actes de la vie courante : manger, dormir, se laver, s’habiller, faire ses courses,
se déplacer.
Il s’agit donc d’une incapacité de travail personnel, qui ne nécessite pas d’être
« totale » pour exister.
Cette incapacité fonctionnelle peut résulter de troubles physiques ou
psychiques.
Elle s’applique à tous (salariés, enfants, retraités, personnes au chômage…).
Il n’existe pas de lien entre la durée de l’arrêt de travail et la durée d’ITT.
Elle s’exprime en jours, à compter de la date des faits.
Elle doit être différenciée :
- Du déficit fonctionnel temporaire, notion de droit civil, qui a pour objet la
réparation des dommages et l’indemnisation de la victime ;
- De la durée d’arrêt de travail de la Sécurité Sociale qui permet le calcul
des indemnités journalières. Celle-ci dépend de l’activité professionnelle
de la victime.
Par exemple :
- Un pianiste virtuose peut être en arrêt de travail suite à une fracture de
l’auriculaire. Il ne sera pas considéré en incapacité totale de travail, au
sens pénal du terme ;
- A contrario, une secrétaire présentant une fracture de jambe l’obligeant à
se déplacer avec des cannes anglaises sera considérée en incapacité
totale de travail, au sens pénal du terme, du fait de la gêne importante
occasionnée dans ses déplacements, mais pourra ne pas être en arrêt de
travail.
Il n’existe pas de barème de l’ITT. En effet, la gêne fonctionnelle occasionnée
est dépendante de l’état antérieur de la victime.
Par exemple, un patient présentant un trouble de la réfraction visuelle sera
particulièrement affecté par une contusion faciale l’empêchant de porter ses
lunettes alors que chez un patient « ordinaire », ce traumatisme n’aura que peu
d’incidence sur les actes de la vie quotidienne.
Quelques exemples d’ITT :
- Hématome péri-orbitaire simple, retour à l’état initial en 10 jours :
o ITT = 3 jours
- Hématome péri-orbitaire, avec occlusion palpébrale pendant 5 jours :
o ITT = 5 jours
- Cervicalgies nécessitant le port d’un collier cervical pendant 10 jours :
o ITT = 10 jours
- Fracture de côte de l’adulte, consolidation en 21 jours :
o ITT = 14 jours
- Traumatisme crânien avec perte de connaissance, surveillance
hospitalière pendant 48 heures :
o ITT = 2 jours
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Modèle de certificat médical initial
Nom et prénom du médecin :
Adresse :
Numéro d’inscription à l’ordre des médecins :
Je soussigné, Docteur____________________, certifie avoir examiné
Madame, Mademoiselle, Monsieur_____________________ (Nom,
prénom, date de naissance), le_________ (date), à ________ (lieu),
+/- en présence de son représentant légal Madame, Mademoiselle,
Monsieur_____________________ (Nom, prénom)
+/en
présence
d’un
interprète
Madame,
Monsieur_____________________ (Nom, prénom)
Mademoiselle,
Cette personne me déclare avoir été victime d’une agression
____________ (type d’agression), le _________ (date), à ________
(heure), à ________ (lieu).
Description de la gêne fonctionnelle, de l’état psychique et des données
de l’examen clinique.
+/- Les examens complémentaires ______________ (à détailler) ont
révélé ____________.
+/- Un avis spécialisé ____________ (à détailler) est sollicité.
+/- Compte-tenu de ces éléments, l’état de Madame, Mademoiselle,
Monsieur_____________________ (Nom, prénom) peut justifier
l’évaluation d’une Incapacité Totale de Travail de _______ jours, à
compter de la date des faits, sous réserve de constatations ultérieures.
Fait à __________ (ville), le ________ (date).
Remis en mains propres, +/- à son représentant légal
Signature et cachet
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