La prise en charge globale du patient diabétique d www.diabeteetobesite.org En pratique Faut-il faire perdre du poids aux patients de plus de 60 ans ? p. 369 Chirurgie Résultats métaboliques de la gastrectomie longitudinale p. 373 Thérapeutique Le syndrome de Prader-Willi : le traitement par ocytocine peut-il être un avenir ? p. 393 Index Diabète & Obésité 2011 Tous les articles de Diabète & Obésité 2011 en un coup d’œil p. 398 Dossier FMC Situations précaires Comment gérer la maladie chronique ? 1 Comment évaluer la précarité en pratique ? 2 Inégalités sociales de santé : définitions et enjeux 3 L’exemple de la prise en charge du diabète en milieu carcéral Décembre 2011 • Volume 6 • n° 54 • 8 E sommaire La pris e e n c h ar g e g l o ba l e d u pa t i e n t diab é t i q u e • Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Violaine Colmet Daâge • Secrétaire de rédaction : Annaïg Bévan • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de studio : Laurent Flin • Maquette et illustrations : Elodie Lecomte, Antoine Orry • Chefs de publicité : Catherine Colsenet, Sandrine Staes • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Comité de lecture Rédacteur en chef “Obésité” : Pr Patrick Ritz (Toulouse) Rédacteur en chef “Diabète” : Dr Saïd Bekka (Chartres) Pr Yves Boirie (Clermont-Ferrand) Pr Régis Coutant (Angers) Pr Jean Doucet (Rouen) Pr Pierre Gourdy (Toulouse) Pr Véronique Kerlan (Brest) Dr Sylvie Picard (Dijon) Dr Helen Mosnier Pudar (Paris) Dr Caroline Sanz (Toulouse) Dr Anne Vambergue (Lille) Toute l’équipe de Diabète & Obésité vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année ! n ActualitÉs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 366 et 368 n en pratique Diabète & Obésité est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai • 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : [email protected] RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1957-5238 N° de Commission paritaire : 1013 T 88454 Prix au numéro : 8 F. Mensuel : 10 numéros par an. Les articles de “Diabète & Obésité” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. Faut-il faire perdre du poids aux patients de plus de 60 ans ? Analyse de la littérature. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 369 Pr Patrick Ritz (Toulouse) n chirurgie Résultats métaboliques de la gastrectomie longitudinale : des effets bénéfiques dans le diabète de type 2 . . . . . . . . . . . . . . . p. 373 Pr David Nocca (Montpellier) n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 377 situations précaires Comment gérer la maladie chronique ? Dossier coordonné par le Pr Patrick Ritz (Toulouse) Pourquoi s’occuper des démunis ?������������������������������������������������������������������������������������� p. 378 Pr Patrick Ritz (Toulouse) Comité Scientifique Pr Bernard Bauduceau (Paris) Pr Rémy Burcelin (Toulouse) Pr Bertrand Cariou (Nantes) Pr François Carré (Rennes) Pr Bernard Charbonnel (Nantes) Dr Xavier Debussche (Saint-Denis, Réunion) Pr Jean Girard (Paris) Pr Alain Golay (Genève) Pr Hélène Hanaire (Toulouse) Dr Michel Krempf (Nantes) Pr Michel Pinget (Strasbourg) Pr Paul Valensi (Bondy) Décembre 2011 • Vol. 6 • N° 54 www.diabeteetobesite.org 1 n Comment évaluer la précarité ? Définitions et outils pratiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 379 Dr Hélène Bihan (Bobigny) 2 n Les inégalités sociales de santé : quelques enjeux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 382 Pr Thierry Lang (Toulouse) 3 n Prise en charge du diabète en milieu carcéral : l’exemple du centre de détention de Muret et de la maison d’arrêt de Seysse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 389 Dr Juliette Spiess (Toulouse) n thérapeutique Le syndrome de Prader-Willi : le traitement par ocytocine peut-il être un avenir ?. . . . . . . . . . . . . p. 393 Pr Maithé Tauber (Toulouse) n index diabète & obésité 2011 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 397 n agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 368 p. 388 p. 399 Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photos de couverture : © moodboard - Fotolia actualités de la profession Le chiffre du mois 22 % des femmes seraient touchés d’hypertension artérielle en France, selon une étude Kantar Health France 2011. C’est ce qu’annonçait le comité de lutte contre l’hypertension artérielle, le 13 décembre dernier à l’occasion de la Journée Nationale de lutte contre l’HTA et du lancement de la campagne « Femmes et hypertension artérielle : une liaison à risque ». EN BREF Le numerus clausus augmenté Le gouvernement a annoncé début décembre l’augmentation du numerus clausus de 100 places, qui passe ainsi à 7 500. 200 places supplémentaires seront également réservées aux passerelles. Ainsi, ce sont 300 étudiants en médecine supplémentaires chaque année, à partir de la rentrée 2011-2012. Depuis 2001, le numerus clausus a augmenté progressivement passant de 4 300 à 7 400 places en 2011. Selon le gouvernement, cette nouvelle augmentation maîtrisée devrait permettre de mieux organiser l’implantation des médecins sur le territoire à l’horizon 2020. L’effort spécifique réalisé sur les passerelles, qui passent ainsi de 300 à 500, va permettre à davantage d’étudiants d’accéder directement en 2e ou 3e année de médecine, enrichissant ainsi le profil universitaire de nos futurs médecins. 366 Economie L’OCDE préconise des progrès dans la gestion des maladies chroniques S elon un nouveau rapport de l’OCDE, la qualité des soins médicaux s’améliore dans les pays de l’OCDE, ce qui se traduit par une augmentation des taux de survie aux maladies graves. Améliorer la prévention et la gestion des maladies chroniques L’OCDE rappelle qu’il est cependant nécessaire d’améliorer la prévention et la gestion des maladies chroniques comme le diabète, car il y a trop d’admissions inutiles et coûteuses à l’hôpital. En moyenne, 50 adultes sur 100 000 sont admis chaque année à l’hôpital pour cause de diabète non contrôlé. Les taux d’admission sont particulièrement élevés en Autriche, en Hongrie et en Corée, s’élevant à plus du double de la moyenne des pays de l’OCDE. Ces constats soulignent l’importance de renforcer la prévention et la gestion des maladies chroniques et assurer une offre suffisante de prestataires de soins primaires. Le Panorama de la santé 2011 montre que l’équilibre entre médecins généralistes et spécialistes s’est modifié au cours de la dernière décennie, le nombre de spécialistes ayant augmenté beaucoup plus rapidement que celui des généralistes. Ce déséquilibre peut s’expliquer en partie par le creusement de l’écart de rémunération entre généralistes et spécialistes dans plusieurs pays, notamment au Canada, en Finlande, en France et en Irlande. Prévenir l’obésité L’OCDE rappelle que l’obésité est un facteur de risque majeur pour de nombreuses maladies chroniques. Les personnes souffrant d’obésité sévère décèdent jusqu’à 10 ans plus tôt que les personnes ayant un poids normal. Le Panorama de la santé 2011 montre que les taux d’obésité ont doublé, voire triplé, dans de nombreux pays, depuis 1980. Dans plus de la moitié des pays de l’OCDE, 50 % ou plus de la population est aujourd’hui en surpoids, si ce n’est obèse. Le taux d’obésité parmi la population adulte est particulièrement élevé aux États-Unis où il est passé de 15 % en 1980 à 34 % en 2008, et le plus bas au Japon et en Corée, se situant à 4 %. Pour endiguer cette épidémie, de nombreux pays de l’OCDE accentuent les efforts pour promouvoir un mode de vie sain et actif. Certains ont récemment instauré des taxes sur les aliments à forte teneur en graisses ou en sucre – par exemple, le Danemark, la Finlande, la France et la Hongrie. Cependant, il reste encore à démontrer que ces politiques sont suffisantes, en particulier pour réduire les risques d’obésité parmi les catégories les plus pauvres de la population qui sont les plus exposées. Les travaux de l’OCDE montrent qu’une stratégie de prévention d’ensemble, conjuguant les campagnes de promotion de la santé, les réglementations et les conseils des médecins de famille, pourrait éviter des centaines de milliers de décès liés aux maladies chroniques, chaque année. Cela coûterait entre 10 USD et 30 USD par personne, selon les pays. ß Source : communiqué de presse de l’OCDE. Pour en savoir plus : www.oecd.org Diabète & Obésité •Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 actualités de la profession agenda 2012 Cœur et diabète 10 et 11 Février 2012 - Paris Programme et inscription : http://www.coeuretdiabete.fr Congrès de la société francophone du diabète 2012 20-23 mars 2012 - Nice Programme et inscription : http://www.congres-sfd.com ICE/ECE 2012 5-9 mai 2012 - Florence Programme et inscription : http://www.ice-ece2012.com/ ADA 2012 72nd Scientific sessions of the American Association of Diabetes 8-12 Juin 2012 - Philadelphie Programme et inscription : http://www.diabetes.org/ news-research/research/ scientific-sessions.html EASD 2012 48th Meeting of the European Association for the Study of Diabetes 1-5 octobre 2012 – Berlin Programme et inscription : http://www.easd.org RECOMMANDATIONS NUTRITIONNELLES Carton rouge pour les obèses ! P rès de deux ans et demi après son lancement, l’étude Nutrinet-Santé compte déjà 206 000 volontaires qui se sont inscrits à ce programme de recherche national (sur un objectif final de 500 000). Le Docteur Serge Hercberg, Professeur de nutrition et coordonnateur de l’étude, explique l’objectif de Nutrinet-Santé : « identifier des facteurs de risque ou de protection liés à la nutrition, pour les maladies qui sont devenues aujourd’hui des problèmes majeurs de santé publique, constitue une étape indispensable pour établir des recommandations nutritionnelles visant à prévenir ces maladies et à améliorer la santé des populations ». Pour ce faire, les «Nutrinautes» volontaires répondent chaque année à des questionnaires sur leur alimentation (3 enregistrements alimentaires de 24 h), sur leur activité physique, leurs poids et taille, leur état de santé et sur divers déterminants des comportements alimentaires. Le 24 novembre, ont été publiés des résultats qui permettent de connaître l’adéquation des consommations alimentaires aux recommandations du Programme National Nutrition Santé (PNNS). Celle-ci est mesurée grâce à un score sur 15 points. Selon les premiers résultats, la corpulence aurait un impact sur le suivi des recommandations du PNNS. En effet, chez les hommes, l’obésité est plus fréquemment associée à une moins bonne adhérence aux recommandations. Parmi les per- sonnes présentant une obésité (IMC ≥ 30), 27 % ont une alimentation avec une forte adéquation aux recommandations et 39 % ne présentent qu’une faible adéquation aux recommandations ; alors que chez les sujets de poids normal, ils sont 34 % dans le premier cas et 31 % dans le second cas (Fig.). Chez les femmes, les résultats vont dans le même sens, mais de façon moins marquée : 35 % des sujets de poids normal présentent une faible adéquation aux recommandations contre 37 % chez les sujets obèses. A l’inverse, 33 % des sujets de poids normal tendent vers un meilleur suivi aux recommandations contre 29 % chez les sujets obèses. A noter également que le pourcentage des sujets tendant vers une meilleure adéquation aux recommandations nutritionnelles du PNNS est plus élevé chez les sujets les plus âgés par rapport aux sujets les plus jeunes : 52 % des plus de 65 ans ont une forte adéquation aux recommandations versus 16 % seulement chez les 18-25 ans. Avec un nombre suffisant de volontaires et un suivi sur plusieurs années, l’étude NutriNet-Santé devrait permettre d’étudier les effets des comportements alimentaires sur l’obésité, le diabète... .ß Pour plus d’informations : www.etude-nutrinet-sante.fr ISPAD 2012 38th annual meeting of the International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes 10-13 octobre 2012 – Istanbul Programme et inscription : http://www.ispad.org/ Journée thématique SFD 2012 7 décembre 2012 - Paris Programme et inscription : www.sfdiabete.org 368 Diabète & Obésité •Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 en pratique Faut-il faire perdre du poids aux patients de plus de 60 ans ? Analyse de la littérature Pr Patrick Ritz* Une perte de poids est recommandée comme première ligne de traitement du diabète, et il y a de nombreux arguments démontrant le bénéfice sur l’équilibre glycémique et sur la réduction des facteurs de risque cardiovasculaire. Cependant, aucune étude de qualité méthodologique irréprochable, n’a été conçue pour montrer une plus faible mortalité chez les patients avec une perte de poids durable. Il y a même des études épidémiologiques suggérant que la perte de poids est associée à une surmortalité. C’est particulièrement le cas chez les personnes âgées de plus de 55-60 ans conduisant à des messages et recommandations d’extrême prudence. S eules les études de cohorte de patients ayant eu recours à la chirurgie bariatrique (1, 2) ont suggéré une réduction de mortalité chez l’obèse avec une perte de poids importante. Chez les personnes âgées de plus de 5560 ans, la chirurgie bariatrique a été associée à une surmortalité, jusqu’à des études récentes de cas qui tempèrent cet argument (3). Alors que faire devant un patient * Unité transversale de nutrition clinique, Hôpital de Rangueil, Toulouse © Meddy Popcorn - Fotolia Introduction diabétique de type 2 de 60 ans à la découverte de son diabète ? Que faire par extension chez un patient du même âge avec des comorbidités associées à l’obésité (arthrose, syndrome d’apnées du sommeil) qu’une perte de poids pourrait améliorer ? Au-delà de l’argument ultra-orthodoxe en termes de méthodologie selon lequel aucun essai ne sera construit pour prouver la surmortalité d’une stratégie, et que par conséquent nous resterons longtemps sans preuve, cette analyse de la littérature permet d’être relativement serein. Les évidences Relation moRtalité/IMC La relation entre la mortalité et l’IMC est souvent décrite comme une courbe en U. Aux catégories les plus basses et les plus hautes d’IMC correspond une surmortalité. Si ces courbes sont analysées en fonction de l’âge, l’U a tendance à s’aplatir et les valeurs d’IMC se décalent vers la droite. En effet, plus l’âge avance, plus le risque relatif que le surpoids et l’obésité entraînent le décès devient faible par rapport aux autres causes de décès. De plus, la taille diminuant, l’IMC augmente naturellement, décalant la courbe en U vers la droite. Les patients âgés à l’IMC le plus élevé sont cependant à moindre risque de décès que ceux à l’IMC le plus bas. Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Une maladie intercurrente L’explication traditionnelle est que la perte de poids importante, involontaire et associée à une maladie intercurrente sévère, chez une personne mince pourrait “gonfler” la mortalité des plus minces et conduire à la conclusion que les personnes avec un IMC élevé sont relativement protégées. Cela a cependant conduit à des messages de prudence, ne recommandant pas la perte de poids volontaire chez les personnes âgées (4). Pourtant l’étude de Williamson avait montré que des femmes obèses de 40 à 64 ans, avec des comorbidités associées à l’obésité et ayant perdu du poids (quelque perte que ce 369 en pratique Tableau 1 - Risque de mortalité en cas de perte de poids, selon Yaari et al. (15). Variation de poids entre 1963 et1968 Mortalité ajustée par 1000 personnes-année soit), avaient une mortalité réduite de 20 % à 12 ans (5). Perte de poids volontaire ou involontaire Quelques études récentes analysent le caractère intentionnel ou non intentionnel de la perte de poids et modulent cette analyse. Quelques études prospectives analysant la perte de poids (volontaire et involontaire) trouvent Perte de plus de 5 kg Perte de 1-5 kg Poids stable à ± 1 kg Prise de 1-5 kg Prise de plus de 5 kg 18,7 15,2 13,3 11,6 11,0 tients qui ont choisi de perdre du poids volontairement étaient aussi ceux qui avaient le plus de facteurs de risque cardiovasculaire. Mortalité élevéE en cas de perte de plus de 5 kg La mortalité est la plus forte dans la catégorie de ceux qui perdent plus de 5 kg (même après avoir éliminé les morts des 5 premières années) (Tab. 1). La mortalité est de cause Les patients dont l’IMC est > 30 kg/m2 qui perdent du poids n’ont pas de surmortalité. une surmortalité de toute cause mais aussi de façon surprenante de cause cardiovasculaire. Savoir lire entre les lignes L’étude de Yaari (6) porte sur plus de 10 000 hommes fonctionnaires israéliens évalués en 1963 (IMC, poids, âge 40-65 ans) et en 1968 et analyse la mortalité 18 ans plus tard. Perdre du poids, risque élevé Dans cette étude, les patients qui perdaient plus de 5 kg en 5 ans avaient un risque plus élevé d’être “malade” à 5 ans. Non seulement les cancers étaient plus fréquents, mais aussi les facteurs de risque vasculaire : diabète (20,9 vs 8,4 % dans le groupe au poids stable), tension artérielle systolique, et insuffisance coronarienne. Les pa370 cardiovasculaire pour 30 % des cas. Cependant, cette surmortalité ne concerne que les patients les plus minces au départ. Les patients dont l’IMC est > 30 kg/m2 qui perdent du poids n’ont pas de surmortalité. Quand la pratique alimentaire est considérée, le fait de faire un régime pour perdre du poids, ou pour améliorer sa santé, ou ne pas changer son alimentation ne modifie pas la mortalité, quelle que soit la catégorie d’IMC de départ. Prise modeste de poids bénéfique pour les plus minces Cette étude qui prolonge une analyse préalable (sur 13 études publiées (7)) suggère donc que la perte de poids majore le risque de décès cardiovasculaire et d’autre cause, surtout chez les patients minces au départ. Dans cette population, un gain modeste de poids a même tendance à minorer la mortalité. Cependant, il n’y a pas de surmortalité chez les obèses qui perdent du poids, ni d’ailleurs de réduction de mortalité par rapport aux patients au poids stable. La perte de poids involontaire Une analyse sur une grande cohorte de femmes américaines (> 40 000) conclut de façon similaire (8). La perte de poids involontaire, mais pas la perte de poids volontaire (ici de plus de 9,1 kg) majore la mortalité totale par un facteur de 1,4 à 1,7, et la mortalité cardiovasculaire par un facteur supérieur à 2. Cela est plus marqué si la perte de poids apparaît après 55 ans, mais reste valable quel que soit l’âge. Il est notable que les femmes qui perdent du poids de façon volontaire ou involontaire déclarent un plus mauvais état de santé perçu et ont plus de “maladies” que les femmes au poids stable. Ce facteur “maladie” majore la mortalité, au point que les femmes en bonne santé n’ont pas de surmortalité quand elles perdent du poids. Il est encore noté que les femmes les plus minces et qui perdent du poids involontairement sont celles à la mortalité la plus élevée. Les mêmes résultats sont obtenus dans l’étude de Williamson et al. chez des hommes (9). En conclusion, les hommes et les femmes en excès de poids et quel que soit l’âge peuvent Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Faut-il faire perdre du poids aux patients de plus de 60 ans ? perdre du poids de façon volontaire sans excès de mortalité, jusqu’à une limite d’âge moyen de 60 à 65 ans. Chez les plus âgés ? Une analyse prospective porte sur 985 Américains vivant en communauté, âgés de 65 ans et plus, suivis pendant 3 ans (10). 8,8 % ont perdu du poids de façon volontaire, et 19,1 % de façon involontaire. Toutes choses égales par ailleurs (modèle ajusté pour toutes les causes classiques de mortalité), la mortalité est deux fois plus importante chez les Des approches plus élaborées Perte de poids randomisée Certains auteurs considèrent que les études prospectives de cohortes ne sont pas assez précises pour reconnaître le caractère volontaire on involontaire de la perte de poids (12). ❚❚En faveur d’une perte de poids pour l’une des études… Shea et al. (13, 14) ont donc analysé la mortalité au décours de deux essais où la perte de poids a été randomisée (par design) entre les groupes. Ces deux études n’étaient En conclusion, les hommes et les femmes en excès de poids et quel que soit l’âge peuvent perdre du poids de façon volontaire sans excès de mortalité, jusqu’à une limite d’âge moyen de 60 à 65 ans. maigres et n’est pas augmentée chez les IMC les plus élevés. La mortalité en cas de perte de poids involontaire est de 1,67 fois celle des patients de poids stable. La perte de poids volontaire ne modifie pas la mortalité. Dans une étude de registre de médecine générale britannique, où 4 786 hommes de 40-59 ans au recrutement ont été suivis pendant 8-12 ans, les mêmes conclusions sont obtenues (11). Les hommes avec une perte de poids volontaire sont peu nombreux (limitant les conclusions). En les séparant en perte de poids par choix personnel (n = 178) et perte de poids du fait de la découverte d’une maladie ou par suggestion de la part du médecin traitant (n = 164), les premiers n’ont pas de surmortalité, voire une discrète réduction de mortalité. pas construites pour comparer la perte de poids à son absence, mais comportaient deux groupes de patients dont l’un perdait du poids et pas l’autre. Cela devrait cependant répartir les autres causes de mortalité potentielle entre les deux bras. Dans la première étude (ADAPT : arthritis diet activity promotion trial (13)), 318 hommes et femmes de plus de 60 ans sont répartis de façon aléatoire entre deux bras : un avec perte volontaire de poids (4,8 kg à 18 mois) et un avec promotion de l’activité physique sans perte de poids (1,4 kg). L’essai initial est de 18 mois, la mortalité est évaluée 8 ans plus tard. Elle est moitié moindre dans le groupe qui a perdu du poids (14 décès) que dans l’autre bras (29 décès). Cette étude est importante car elle porte sur des patients de 68 ans d’âge moyen, dont 75 % sont obèses, dépourvus de maladie cardiovasculaire, d’HTA Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 ou de BPCO. Les analyses post-hoc suggèrent une validité quelle que soit la perte de poids, le genre, et l’IMC de départ. La réduction de mortalité est significativement plus importante chez les plus de 67 ans. ❚❚Aucune différence pour l’autre… Dans une seconde analyse avec la même stratégie, les mêmes auteurs (14) ont étudié la mortalité au cours de l’essai TONE (Trial of nonpharmacological intervention in the elderly, essai sur la tension artérielle). Cet essai chez des hypertendus sans autre maladie sévère (insuffisance cardiaque ou coronaire, cancer, perte de poids involontaire…) et d’âge moyen 65,5 ans, compare une stratégie de perte de poids (au final 3,9 kg maintenu à 30 mois) et une stratégie sans perte de poids (0,9 kg, par restriction sodée) sur la mortalité à 12 ans, sur un échantillon de 585 (sur les 975 patients initiaux) avec un IMC > 25 kg/m2. La mortalité n’est pas différente dans les deux bras avant et après ajustement. La perte de poids ne majore pas la mortalité Au total, quand la perte de poids volontaire est randomisée par le design de l’étude et que les patients en excès de poids sont sélectionnés pour ne pas présenter de pathologie sévère, la mortalité totale n’est pas augmentée chez les personnes de plus de 65 ans. Cependant, ces études ne permettent pas de préciser quel aura été l’effet de la reprise de poids (pour les patients concernés) sur la mortalité, et ne dégage pas de preuve de cause à effet (l’effet non recherché des autres modifications). De plus les pertes de poids sont modestes, et ne prédisent pas ce qui se passerait en cas de perte de poids plus importante. 371 en pratique Cela permet cependant de suggérer très fortement que la perte de poids ne majore pas la mortalité. Une revue récente de la littérature avec méta-analyse des études à tous les âges conclut que la perte de poids intentionnelle n’est pas associée à une surmortalité et que la perte de poids ne peut être induite pour augmenter l’espérance de vie (15). Une autre revue avec sélection des études selon des critères stricts pour juger de l’inten- mortalité, car il persiste des études avec un sur-risque. Ces études sont chez des sujets jeunes, et les études chez les sujets de plus de 60 ans tendent à suggérer une réduction de mortalité (16). Au total Nous n’avons pas de preuve formelle, basée sur des études prévues à cet effet, que la perte de poids volontaire réduit la mortalité. Ceci Quand la perte de poids volontaire est randomisée par le design de l’étude et que les patients en excès de poids sont sélectionnés pour ne pas présenter de pathologie sévère, la mortalité totale n’est pas augmentée chez les personnes de plus de 65 ans. tion de perte de poids conclut que nous ne pouvons pas encore faire de recommandation au sujet de la relation entre perte de poids et est le cas tant chez la personne relativement jeune que chez la personne de plus de 55-60 ans. Ce message peut être un peu plus op- timiste après chirurgie de l’obésité. Nous pouvons cependant considérer qu’il n’y a pas de surmortalité induite par la perte de poids volontaire, quel que soit l’âge. Que ce soit la perte de poids elle-même ou les changements de style de vie associés importent peu car dans la prise en charge d’un patient, il est rare que la perte de poids soit le seul objectif. Une perte de poids involontaire, signant une maladie intercurrente, ou choisie par le patient dans l’espoir de guérir d’une maladie sévère n’est sûrement pas recommandée, car il y a des arguments convergents suggérant une surmortalité. n Mots-clés : Perte de poids, Mortalité, Risque cardiovasculaire, Personne âgée Bibliographie 1. Adams TD, Gress RE, Smith SC et al. Long-term mortality after gastric bypass surgery. N Engl J Med 2007 ; 357 : 753-61. 2. Sjostrom L, Narbro K, Sjostrom CD et al. Effects of bariatric surgery on mortality in Swedish obese subjects. N Engl J Med 2007 ; 357 : 741-52. 3. Ritz P. Traitement du diabète et de l’obésité de la personne âgée par la chirurgie bariatrique : point sur la littérature. Diabète & Obésité 2011 ; 6 : 128-32. 4. National Task Force on the Prevention and Treatment of Obesity. Weight cycling. JAMA 1994 ; 272 : 1196-202. 5. Williamson DF, Pamuk E, Thun M et al. Prospective study of intentional weight loss and mortality in never-smoking overweight US white women aged 40-64 years. Am J Epidemiol 1995 ; 141 : 1128-41. 6. Yaari S, Goldbourt U. Voluntary and involuntary weight loss: associations with long term mortality in 9,228 middle-aged and elderly men. Am J Epidemiol 1998 ; 148 : 546-55. 7. Andres R, Muller DC, Sorkin JD. Long-term effects of change in body weight on all-cause mortality: a review. Ann Intern Med 1993 ;119 : 737-43. 8. French SA, Folsom AR, Jeffery RW, Williamson DF. Prospective study of intentionality of weight loss and mortality in older women: the Iowa women’s health study. Am J Epidemiol 1999 ;149: 504-14. 372 9. Williamson DF, Pamuk E, Thun M et al. Prospective study of intentional weight loss and mortality in overweight US white men aged 40-64 years. 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Simonsen MK, Hundrup YA, Obel EB. Intentional weight loss and mortality among initially healthy men and women. Nutr Rev 2008 ; 66 : 375-86. Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 CHIRURGIE Résultats métaboliques de la gastrectomie longitudinale Des effets bénéfiques dans le diabète de type 2 Pr David Nocca* Les effets bénéfiques de la chirurgie bariatrique sur le métabolisme glucidique sont largement démontrés. Chez les patients diabétiques de type 2 et obèses sévères qui ont bénéficié d’une prise en charge chirurgicale bariatrique, une résolution du diabète est observée à court terme dans 45 à 100 % des cas, suivant la technique opératoire utilisée (1). Les études en cours sont nombreuses pour tenter de comprendre la raison d’une telle efficacité. Physiopathologie L’amélioration du contrôle glycémique est constatée dès la phase post-opératoire précoce, avant toute perte de poids, dans les chirurgies dites “malabsorptives” : gastric by-pass (GBP) (Fig. 1), dérivation bilio-pancréatique (BPD). Deux hypothèses physiopathologiques ont été proposées : • l’arrivée précoce des nutriments dans l’intestin grêle distal (hindgut theory) qui accroît la sécrétion de GLP-1 (glucagon-like peptide 1), hormone digestive (incrétine) connue pour stimuler l’insulinosécrétion, et diminuer l’insulinorésistance ; * Coordinateur de l’équipe pluridisciplinaire de chirurgie bariatrique et métabolique du CHU de Montpellier ; Président du Comité Scientifique de la Société Française et Francophone de Chirurgie de l’Obésité et Métabolique. © Juan Herrera - iStockphoto Introduction Chez les patients diabétiques de type 2 et obèses sévères qui ont bénéficié d’une chirurgie bariatrique, une résolution du diabète est observée à court terme dans 45 à 100 % des cas, suivant la technique opératoire utilisée. • l’exclusion de l’intestin proximal (Foregut theory) qui améliore la sensibilité à l’insuline. Un accroissement des taux du peptide YY (PYY) ou de la ghréline, hormones qui interviennent dans la régulation de la satiété, est également observé. • Les techniques “restrictives pures”, comme la gastroplastie par anneau ajustable (AGB) (Fig. 2) ou la gastroplastie verticale calibrée (GVC), qui ne sont pas associées à un effet incrétine, ont un impact métabolique plus faible (45 à 72 % de rémission du diabète) et principalement lié à la perte de poids, donc plus tardif. • La gastrectomie longitudinale ou Sleeve gastrectomy (SG) Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 (Fig. 3) est une technique restrictive fondée sur l’ablation d’une grande partie du fundus et du corps gastrique (environ deux tiers de l’estomac). L’absence de corps étranger prothétique ralentissant la progression du bol alimentaire est à l’origine d’une augmentation de la vitesse de vidange gastrique. Celle-ci semble être en grande partie responsable de l’impact sur la régulation hormonale digestive et, de ce fait, de l’efficacité de cette procédure sur le traitement du diabète de type 2. Cependant, les mécanismes impliqués dans la résolution rapide du diabète après la gastrectomie longitudinale demeurent mal élucidés en raison de l’absence d’étude spécifique chez le patient diabétique de type 2 obèse. 373 CHIRURGIE Figure 1 - Court-circuit gastro-intestinal (gastric Figure 2 - Anneau de gastroplastie. by-pass). Impact de la gastrectomie longitudinale chez le patient obèse et diabétique DE type 2 tudinale (sleeve gastrectomy). Les résultats d’études sont positifs mission du T2DM étaient de 60 % dans le groupe GBP et de 75,8 % dans le groupe SG. Le taux moyen de HbA1c perdu était de 2,537 % pour le groupe GBP et 2,175 % pour SG, soulignant ainsi une efficacité comparable des deux procédures à court terme. ❚❚A court terme Vidal, dans son étude comparative avec le GBP, a été un des premiers (2008) à souligner un impact important de la SG sur la rémission du T2DM (2). Il retrouve une efficacité similaire entre les deux procédures à 1 an (84,6 % de rémission du T2DM pour 39 SG et 52 GBP). Une efficacité importante est aussi retrouvée dans la première étude française multicentrique non randomisée publiée en 2011 par Nocca et al. (3). Un critère composite de rémission du diabète a été choisi (arrêt du traitement médicamenteux et taux de HbA1c < 7 %) ; 35 patients ont été traités par un GBP et 33 par SG. A un an, les taux de ré- ❚❚A moyen terme Dans son étude rétrospective à moyen terme, Abbatini décrit les résultats obtenus dans cette indication après réalisation de 3 procédures consensuelles bariatriques : 24 cas d’anneaux, 16 cas de GBP et 20 cas de SG. Pour un suivi moyen de 36 mois, elle présente un taux de rémission du diabète de 60,8 % pour AGB, de 81,2 % pour GBP et de 81 % pour la SG (4). Les mêmes résultats sont décrits par Srinivasa et al. (5). Pour 81 patients qui ont subi une gastrectomie longitudinale, un taux de rémission du T2DM de 81 % est retrouvé (66 patients). Plusieurs autres équipes ont comparé la SG aux autres techniques consensuelles. Nguyen (6) présente les résultats de 27 patients atteints de diabète type 2. 100 % de rémission sont retrouvés Plusieurs études prospectives ont été publiées analysant l’impact de la SG sur le diabète de type 2 (T2DM). 374 Figure 3 - Gastrectomie Longi- dans le groupe SG (14 patients) pour 46 % des patients traités par AGB (6/13 opérés) (différence significative : p < 0,001). La période moyenne de suivi post-opératoire a été de 15 mois pour le groupe SG et de 17 mois pour le groupe AGB. Un bon taux de résolution chez les super-obèses… En ce qui concerne les patients super-obèses (IMC > 50 kg/m2), Silecchia et al. ont évalué la SG chez 17 patients super-obèses avec T2DM. Ils ont décrit un taux de résolution de 80 % (7). Cottam et al. ont réalisé 75 cas de SG chez des patients présentant un IMC > 50 kg/m², comme procédure de première intention avant la réalisation de GBP. A 12 mois post-opératoire, ils ont enregistré une perte d’excès pondéral de 46 % et une rémission du T2DM chez 81 % des patients (8). Dans la même indication, Shah et al. (13) ont évalué 58 cas de LSG et ils ont trouvé un taux impressionnant de résolution du diabète de 96 %. Les niveaux de HbA1c chez ces patients ont baissé en moyenne de 8,4 % à 6,1 %. Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Résultats métaboliques de la Gastrectomie Longitudinale … mais aussi en cas d’IMC < 35 kg/m2 La réalisation de procédures de chirurgie dites métaboliques n’est validée en France que pour des patients en état d’obésité sévère (> 35 kg/m²). Cependant des équipes internationales ont démontré une efficacité de la SG chez les patients dont l’IMC était inférieur à 35 kg/m². Un taux de 50 % de rémission du diabète à 52 semaines post-opératoires est décrit dans l’essai de Lee (10). Des résultats encore plus encourageants sont retrouvés par Abbatini et al. (11) (88 % de rémission) en l’absence de perte de poids significative. Une technique efficace La rapidité de l’amélioration de l’équilibre glycémique après SG et GBP est un facteur important à prendre en compte pour éviter des surdosages post-opératoires médicamenteux potentiellement pourvoyeurs d’hypoglycémie grave. Dans l’étude d’Abbatini et al. (4) comparant AGB, GBP et SG, l’arrêt de traitement anti-diabétique était retrouvé à 12,6 mois après AGB, 3,2 mois après GBP et 3,3 mois après SG. A l’analyse de toutes ces études, la SG semble pouvoir être considérée comme une procédure de chirurgie métabolique à part entière. La revue de la littérature sur les effets de la SG sur le diabète de type 2, publiée par Gill et al. (12) confirme cette hypothèse. Les résultats de 27 études incluant 623 patients diabétiques et obèses (IMC moyen = 47,4 kg/m²) ont été évalués. La durée moyenne de suivi était de 13,1 mois. 66,2 % des patients présentaient une rémission du T2DM, 26,9 % une amélioration du traitement médical et 13,1 % restaient stables. Pourquoi la SG estelle aussi efficace ? étiologie : la théorie “hormonale” privilégiée ❚❚Les observations Pendant le Diabetes Surgery Summit de 2009, les effets de la gastrectomie sur le diabète ont été reconsidérés (13-17). L’analyse des données de 19 patients diabétiques qui avaient subi des gastrectomies partielles pour ulcères (13 patients) ou cancers gastriques (6 patients) a montré la normalisation post-opératoire rapide du contrôle de la glycémie (10 patients) ou une amélioration importante (9 patients) à 1 et 5 ans. En 1955, Friedman et al. (13) ont signalé une amélioration importante du diabète avec la réduction des besoins d’insuline chez trois patients seulement 3/4 jours après une gastrectomie sub-totale. ❚❚Les mécanismes en jeu Les mécanismes qui peuvent expliquer les effets de la SG sur le diabète ne sont pas parfaitement connus. La théorie “hormonale” semble être la plus logique. En effet, plusieurs hormones digestives présentent des variations de sécrétions en phase post-opératoire. L’exérèse de la principale zone de Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 sécrétion de ghréline (hormone orexigène) au niveau du fundus gastrique pourrait être impliquée (18). Karamanakos et al. ont décrit une baisse significative de taux de ghréline pour 16 patients après SG (19). Cette diminution semblerait se maintenir à long terme (5 ans) d’après Bohdjalian et al. (20). De plus, une accélération de la vitesse de vidange gastrique consécutive à la réalisation d’une gastrectomie longitudinale pourrait expliquer l’augmentation de sécrétion de GLP-1 et PYY en phase post-opératoire précoce (Hindgut mechanism). Après SG, à la différence des autres procédures restrictives (AGB et GVC), la vitesse de vidange gastrique est augmentée, ce qui propulserait plus rapidement le bol alimentaire dans l’intestin et déclencherait donc les réflexes neuro-hormonaux de façon plus précoce (21). Cette hypothèse semble être prépondérante dans l’explication des excellents résultats retrouvés après SG, qui sont pratiquement équivalents à ceux du GBP. • Le GLP-1, sécrété au niveau de l’intestin distal, stimule la sécrétion d’insuline au niveau du pancréas. Cette hormone a aussi, un effet “antiapoptotique” sur les cellules β dans le pancréas (22). • De plus, le peptide YY, sécrété GLP-1 et PYY, des niveaux de sécrétions clés Peterli a étudié, dans un essai randomisé de faible effectif de patients obèses (14 SG et 13 GBP), la sécrétion de GLP-1 et PYY. Une augmentation de la sécrétion est notée pour ces deux hormones en post-opératoire (3 mois) sans différence significative suivant le type de procédure (24). La rapidité d’action de ces changements de sécrétions hormonales, initiés par la technique chirurgicale, est un point important à souligner. Dans son étude évaluant la sécrétion et la résistance insulinique en phase post-opératoire précoce (3 jours), Basso décrit une amélioration majeure en l’absence de perte de poids significative corrélée à des changements de sécrétion en GLP-1, PYY et ghréline (25). Des variations d’insulinorésistance post-opératoire précoce sont aussi mises en évidence par une diminution significative de l’indice HOMA dans l’étude de Rizzello et al. (26). 375 CHIRURGIE au niveau des cellules L de la muqueuse du tube digestif (iléon et côlon) peut améliorer la résistance à l’insuline chez la souris (23). Quelques facteurs limitant la rémission Malgré ces changements de sécrétions hormonales, tous les patients obèses sévères et diabétiques de type 2 ne sont pas en rémission après réalisation d’une SG. La durée d’évolution du diabète de type 2 semble être un facteur limitant la rémission du diabète en phase post-opératoire. D’après Casella (27), une durée d’évolution du diabète supérieure à 10 ans est un facteur d’échec de la prise en charge chirurgicale. D’autres facteurs de risque d’échec ont été soulignés dans la littérature comme la sévéri- té de la maladie (taux d’HbA1c préopératoire, fortes doses d’insuline nécessaires pour assurer l’équilibre glycémique). De plus, un taux de C peptide bas (< 3 ng/ml), reflet de la capacité de sécrétion d’insuline par le pancréas, a été aussi mis en évidence dans l’étude de Lee et al. comme facteur de risque d’échec thérapeutique (10). Conclusion Bien que peu d’études de haut niveau de preuve soient disponibles à l’heure actuelle, la reconnaissance de la gastrectomie longitudinale comme procédure métabolique est en cours. Des essais plus ciblés sur des patients diabétiques sévères (traitement par insuline, taux de C peptide bas, durée d’ap- parition du diabète) sont à mettre en place. Un contrôle régulier de l’équilibre glycémique ainsi qu’une adaptation précoce du traitement médicamenteux est de mise après réalisation d’une gastrectomie longitudinale pour éviter tout surn dosage thérapeutique. Remerciements : A l’équipe multidisciplinaire de prise en charge de l’obésité du CHU de Montpellier. Au Dr Pierre Blanc (CHG Gap) pour la réalisation des schémas. Mots-clés : Gastric by-pass, Chirurgie bariatrique, Gastrectomie longitudinale, Diabète de type 2 Bibliographie 1. Rubino F, Kaplan LM, Schauer PR, Cummings DE. Diabetes Surgery Summit Delegates. The Diabetes Surgery Summit consensus conference: recommendations for the evaluation and use of gastrointestinal surgery to treat type 2 diabetes mellitus. Ann Surg 2010 ; 251 : 399-405. 2. Vidal J, Ibarzabal A, Romero F et al. Type 2 diabetes mellitus and the metabolic syndrome following sleeve gastrectomy in severely obese subjects. Obes Surg 2008 ; 18 : 1077–82. 3. Nocca D, Fabre G, Aggarwal R et al. Impact of Sleeve Gastrectomy and Gastric Bypass on HbA1c blood level and pharmacological treatment of Type 2 Diabetes Mellitus in severe or morbid obese patients. Results of a multicenter prospective study at 1 year. Obes Surg 2011 ; 21 : 738-43. 4. Abbatini F, Rizzello M, Casella G et al. 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Définitions et outils pratiques ����������������������������������������������������������� p. 379 Dr Hélène Bihan (Bobigny) 2 Les inégalités sociales de santé Quelques enjeux ����������������������������������������������������������������������������������� p. 382 Pr Thierry Lang (Toulouse) 3 Prise en charge du diabète en milieu carcéral L’exemple du centre de détention de Muret et de la maison d’arrêt de Seysse ����������������������������������������������������� p. 389 Dr Juliette Spiess (Toulouse) situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? DOSSIER introduction Pr Patrick Ritz* Pourquoi s’occuper des démunis ? C e n’est pas la proximité de Noël qui tirerait la larme de l’œil. Ce n’est pas “la crise” qui pousserait dans un discours ambivalent de repli sur soi d’un côté, et de générosité de compensation de l’autre. C’est notre métier de médecin, et les engagements que nous avons pris devant nos pairs qui nous fondent. S’occuper des démunis, c’est d’abord avoir chevillé au corps cette conviction que QUI QUE CE SOIT est d’abord un humain, et a le DROIT aux soins, de façon équitable, à ce titre. NI PLUS, NI MOINS. J’ai confiance que nous sommes tous bâtis sur cette architecture. Alors pourquoi le redire ? Parce que ce qui n’est pas répété comme une prière ou une litanie finit par s’oublier devant l’évidence. Cette évidence n’est pas toujours/encore partagée. Ce que je sais par expérience, et que j’ai tendance à croire que les plus jeunes partagent, force m’est de constater qu’ils ne le savent pas encore, ou pas toujours, et qu’il faut le répéter, inlassablement. CHU de Toulouse 378 C’est la mission de l’enseignant et de l’éducateur que nous sommes tous. Alors pourquoi le redire ? Parce qu’il nous faut du matériau pour penser et progresser. Je ne rencontrerai probablement pas beaucoup de patients en prison, ou très rarement. Mais, ce que dit le Dr Spiess m’inspire pour d’autres patients. Parce que la précarité est un sujet de questionnement permanent dans les pratiques. Sommes-nous capables de la repérer en dehors des situations caricaturales ? Si non, que puis-je attendre d’un patient “précaire” ou “en précarisation” quand je lui suggère des modifications complexes, ou radicales de ses façons de s’alimenter ? Quant aux inégalités sociales et territoriales de santé, si nous ne les connaissons pas, d’une part nous risquons de les aggraver même en croyant bien faire, mais en les pensant, nous avons du matériau pour améliorer nos pratiques. Le seul rempart à toutes les restrictions est notre compétence. Personne ne peut nous la retirer. Si nous devenons toujours meilleurs, toujours en progrès, tous en seront bénéficiaires. Je vous souhaite une bonne lecture et de n joyeuses fêtes de fin d’année. Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 1 Comment évaluer la précarité ? Définitions et outils pratiques n La prévalence de nombreuses pathologies chroniques est inversement corrélée au niveau socio-économique : hypertension, obésité, diabète. Aussi, prendre en compte la précarité des patients doit faire partie de la démarche thérapeutique, à diverses étapes : pour guider le dépistage de ces pathologies dans les populations à risque et pour orienter le suivi dans le cadre de maladie chronique. Après une description de l’évolution historique de la notion de précarité, nous nous intéresserons aux index utilisés dans la littérature médicale et à des aspects pratiques. Dr Hélène Bihan* How to evaluate the vulnerability? Approximately 15-20% of the French are deprived. To assess the deprivation status of each patient, we have economic criteria: income, education, property. More recently the sociological approach defines new aspects of vulnerability: isolation, fragility of an individual, ethnic minority. The examination identifies deprived patients, as well the score EPICES can be a tool. Définir et évaluer la précarité Le point de vue économique En 1954, pour les comparaisons internationales, le rapport des Nations Unies retenait 12 composantes du niveau socio-économique d’un pays (santé, libertés, éducation, vie brève, illettrisme, exclusion, absence de ressources matérielles…). En 1970, l’OCDE (Organisme de Coopération et de Développement Economique) a développé des indicateurs sociaux, et produit les premières statistiques démographiques. Puis, vers 1980-1990, l’INSEE est le premier organisme offrant des informations sur la précarité, avec une évaluation * Service d’Endocrinologie, Diabétologie, Maladies métaboliques, Hôpital Avicenne ; UREN Unité de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, SMBH, Paris 13, Bobigny qui repose sur 3 indicateurs : indicateur monétaire, indicateur de “conditions de vie”, indicateur de “pauvreté administrative”. La définition actuelle de la précarité, donnée par le Conseil Economique et Social, est « l’absence d’une ou plusieurs des sécurités notamment celle de l’emploi, per- de revenus, niveau d’éducation, propriété du logement, d’une voiture. Une approche sociologique Dans les années 1970-1980 (époque de forte croissance économique, mais aussi de syndicalisme puissant), la notion de classes sociales était prédominante pour définir les inégalités entre individus ; alors que depuis les années 1990, l’importance des classes sociales a diminué en parallèle de l’émergence des inégalités “plurielles et cumulatives” (2). La notion d’“inégalités plurielles” inclut des inégalités d’éducation, la discri- La mesure du niveau de précarité se base sur des indicateurs “classiques” : niveau de revenus, niveau d’éducation, propriété du logement, d’une voiture. mettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux » (1). Avec cette approche, la mesure du niveau de précarité se base sur des indicateurs “classiques” : niveau Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 mination ethnique, des conflits générationnels ; alors que le terme “inégalités cumulatives” introduit la notion d’évolution de l’individu suite à des échecs successifs, de la pauvreté à la précarité, et à l’exclusion. Les sociologues décrivent la précarité comme « une trajectoire 379 DOSSIER situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? Tableau 1 - Score EPICES. DOSSIER N° Questions 1Rencontrez-vous parfois un travailleur social ? 2 Bénéficiez-vous d’une assurance maladie complémentaire ? 3 Vivez-vous en couple ? 4Etes-vous propriétaire de votre logement ? 5 Y a-t-il des périodes dans le mois où vous rencontrez de réelles difficultés financières à faire face à vos besoins (alimentation, loyer, EDF…) ? 6 Vous est-il arrivé de faire du sport au cours des 12 derniers mois ? 7Etes-vous allé au spectacle au cours des 12 derniers mois ? 8Etes-vous parti en vacances au cours des 12 derniers mois ? 9Au cours des 6 derniers mois, avez-vous eu des contacts avec des membres de votre famille autres que vos parents ou vos enfants ? 10En cas de difficultés, y a-t-il dans votre entourage des personnes sur qui vous puissiez compter pour vous héberger quelques jours en cas de besoin ? 11En cas de difficultés, y a-t-il dans votre entourage des personnes sur qui vous puissiez compter pour vous apporter une aide matérielle ? Constante OuiNon 10,06 0 -11,83 0 -8,28 0 -8,28 0 14,80 -6,51 -7,10 -7,10 0 0 0 0 -9,47 0 -9,47 0 -7,10 75,14 0 Calcul du score : à partir de la constante (75,14), il faut ajouter ou soustraire des points pour chaque réponse positive aux 11 questions. Il faut impérativement que toutes les questions soient renseignées. Exemple : Pour une personne qui a répondu oui aux questions 1, 2 et 3, et non aux autres questions, EPICES = 75,14 + 10,06 11,83 - 8,28 = 65,09. Le score varie de 0 (absence de précarité) à 100 (précarité maximale), avec un seuil fixé à 30,17 pour définir la précarité. de vie, un processus individuel et biographique éventuellement transitoire et réversible, fait de l’accumulation de facteurs d’exclusion et de ruptures, susceptibles de plonger une personne dans une situation de pauvreté effective » (3). A cette époque apparaît également la définition d’un individu comme précaire lorsqu’il devient dépendant de l’état providence (Welfare regime), aussi le terme “assisté” fait son apparition. Pierre Bourdieu décrit dans La misère du monde diverses formes de précarité, à travers des entretiens réalisés en France, au début des années 1990 (4). Avec une approche littéraire, William T. Vollman a élargi le vocabulaire de la pauvreté avec les termes invisibilité, difformité, rejet, dépendance, vulnérabilité, douleur, indifférence et aliénation (5). Les mots de la précarité : • Inégalités socio-économiques • Exclusion 380 Précarité dans le domaine médical • Assisté • Pauvreté • Fragilisation sociale • Jeunes au chômage • Habitant d’une zone sensible • Disqualification en 3 phases : fragilité/dépendance/rupture Prenant en compte ces définitions, les travaux du CETAF (Centre technique d’appui et de formation des centres d’examens de santé) ont abouti en 2004 à la création d’un nouvel outil de mesure, le score EPICES (Evaluation de la Précarité et des Inégalités de santé dans les Centres d’Examens de Santé). Son objectif est d’être un outil facile pour le dépistage de la précarité parmi les consultants des centres d’examens de santé (Tab. 1). Ce score est corrélé de façon statistiquement significative à tous les indicateurs de position sociale, de modes de vie, d’accès aux soins et de santé (6). Un patient avec un score supérieur à 30,17 est considéré comme précaire. Quelle que soit la définition retenue, la précarité est un facteur de risque majeur de pathologies chroniques (Tab. 2) (7-9). • Entre autres causes, il faut souligner chez les personnes défavorisées la prévalence élevée des comportements à risque (53 % des hommes au chômage et presque 70 % des SDF sont fumeurs (9)), des difficultés d’intégration dans les parcours de soins et les conséquences d’une alimentation moins saine (10-12). • Dans le domaine de la santé, la plupart des travaux sur le lien précarité-morbidité s’appuient sur les indices classiques : revenus annuels, niveau professionnel, dernier emploi occupé, niveau d’éducation, milieu de vie (rural/ urbain), conditions du foyer (réfrigérateur/machine à laver/voiture). L’origine raciale est utilisée comme un marqueur d’inégalités socio-économiques, ainsi il est re- Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 connu que les personnes d’origine afro-américaine, d’origine hispanique ont une mortalité et morbidité plus importantes que les sujets blancs. • Cependant, parallèlement à ces déterminants usuels, d’autres indices ont été développés. Le plus connu est l’indice de Townsend, au Royaume-Uni (13). Cet indice est basé sur le lieu de résidence de la personne. Cette approche repose sur l’hypothèse que dans un même quartier, la majorité des habitants partagent les mêmes conditions de vie, de niveau socio-économique. Toujours aux Etats-Unis, une telle approche géographique est utilisée et des logiciels peuvent ainsi mettre en parallèle des données géographiques (nombre de fast-foods) à des données démographiques pour identifier des zones défavorisées. proche, ou pour un migrant, les parents restés dans un pays d’origine qu’il faut aider ; • l’entourage : composition de la famille, et les visites (voyez-vous des amis ?, d’autres membres de la famille ?) ; • les aides potentielles en cas de difficultés temporaires (quelqu’un peut-il vous héberger ? Pouvezvous acheter tous les aliments que vous souhaitez ?) • les loisirs ; • les projets d’avenir et ainsi évaluer un éventuel syndrome dépressif. En pratique En conclusion Au cours d’une consultation médicale ou du suivi, on peut proposer au patient de remplir le questionnaire pour le calcul de son score EPICES, ou simplement en interrogeant les patients sur : • leurs revenus : niveau professionnel, allocation, qui travaille (vous, le conjoint) ; • les propriétés : maison, voiture ; • la composition de la famille Ces questions peuvent facilement dépister les patients en difficultés, certes financières, mais pas uniquement car les patients isolés, sans aide potentielle en cas de difficultés de vie sont considérés comme précaires. La précarité est un terme dont l’apparition est assez récente dans le domaine médical, où la prise en charge des maladies chroniques se heurte parfois aux difficultés socio-économiques et à l’isolement des patients. Ce phénomène doit être pris en compte dans la pathologie chronique, car la précarité apparaît comme un frein au recours aux soins, un facteur de risque de multiples pathologies, Tableau 2 - Comportements de santé et risque de pathologies dans la population précaire. Comportement de santé • Tabagisme • Sédentarité • Alcoolisme • Défaut/négligence d’accès aux soins Pathologies • Syndrome métabolique • Obésité et obésité abdominale • Diabète • Dyslipidémie : hypertriglycéridémie, HDLc abaissé • Hypertension artérielle et protéinurie • Pathologies cardiovasculaires • Anomalies du bilan hépatique • Anomalies de la vision • Plaques dentaires • Cancers liés au tabagisme, et alcoolisme • Cancer ORL • Syndrome dépressif dont celles liées à l’alimentation. Enfin, en 2002, l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion sociale a souligné les difficultés à appréhender « une pauvreté dont les formes évoluent plus vite que les indicateurs imparfaits qui la représentent. » n Mots-clés : Précarité, Pauvreté, Logement, Travail, Prise en charge, Soins Bibliographie 1. Wresinski J. Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale. Rapport 2002. 2. Paugam S. Les nouvelles théories des inégalités - Séminaire de l’ERIS (Equipe de Recherche sur les Inégalités Sociales) 2010-2011. 3. Parizot I, Lebas J, Chauvin P. Trajectoires et modes de relation aux structures sanitaires. Coll. Médecines Sciences. Paris : Flammarion, 2008. 4. Bourdieu P. La misère du monde. Paris : Points, 1993. 5. Vollman WT. Pourquoi êtes-vous pauvres ? Arles : Babel, 2010. 6. Sass C, Guéguen R, Moulin JJ et al. [Comparison of the individual deprivation index of the French Health Examination Centres and the administrative definition of deprivation]. Sante Publique 2006 ; 18 : 513-22. 7. Kelly WF, Mahmood R, Kelly MJ et al. Influence of social deprivation on illness in diabetic patients. BMJ 1993 ; 307 : 1115-6. Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 8. Mackenbach JP, Stirbu I, Roskam AR et al. Socioeconomic inequalities in health in 22 European countries. N Engl J Med 2008 ; 358 : 2468-81. 9. Moulin JJ, Dauphinot V, Dupré C. Inégalités de santé et comportements : comparaison d’une population de 704 128 personnes en situation de précarité à une population de 516 607 personnes non précaires. BEH 2005 ; 43 : 213-5. 10. Darmon N. Manger équilibré pour 3,5 euros par jour : un véritable défi. INPES, 2009 ; 402. www.inpes.sante.fr. 11. Darmon N, Bocquier A, Vieux F et al. L’insécurité alimentaire pour raisons financières en France. Les travaux de l’Observatoire 2009 : 583-603. 12. Bihan H. Précarité et impact sur les comportements de santé, consommation de fruits et légumes et prise en charge du diabète. Thèse en Epidémiologie. Paris : CNAM, 2011. 13. Townsend P. Deprivation. J Soc Policy 1987 ; 16 : 125-46. 381 DOSSIER situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? DOSSIER 2 Les inégalités sociales de santé Quelques enjeux n La question des inégalités sociales de santé est de plus en plus souvent évoquée depuis quelques années. L’objectif de cet article sera de proposer un cadre de réflexion et de fournir des pistes pour approfondir le sujet, plutôt que de dresser un panorama complet d’un sujet complexe, sur lequel la littérature scientifique est abondante (1). U ne double ambiguïté pèse sur les termes inégalités sociales de santé en France, où ils renvoient volontiers à la précarité et l’exclusion, avec une attention particulière portée aux populations les plus défavorisées. Par ailleurs, le terme “santé” évoque prioritairement dans notre pays les soins, si bien qu’évoquer les inégalités sociales de santé est souvent compris comme poser la question de l’accès aux soins des plus défavorisés. Une question occupe une place importante dans le débat, celle des interventions susceptibles de réduire les inégalités. Il n’y a pas en France de politique publique explicite dans le domaine. L’objectif 34 de la loi de santé publique de 2004 évoque cette question, mais l’angle est exclusivement celui de la précarité, alors que les inégalités sociales de santé ne se résument pas à une opposition entre les plus démunis et le reste de la société. Inégalités sociales de santé, de quoi parle-t-on ? Sous ce terme, on désigne les inégalités concernant la mortalité, * CHU de Toulouse ; UMR Inserm-Université Paul Sabatier 1027 ; Institut Fédératif d’Etudes et de Recherche Interdisciplinaires Santé Société (IFERISS), Toulouse 382 la morbidité, ou d’autres dimensions de santé, qui traversent l’ensemble de la société, selon le niveau d’études, le revenu ou la profession. Le terme de “gradient social” est souvent utilisé pour souligner l’idée d’un continuum. Les inégalités sociales de santé ne concernent pas seulement la santé des plus pauvres ou des exclus, mais bien de l’ensemble de la société. La situation des inégalités sociales de santé en France Espérance de vie avec ou sans incapacité Les inégalités d’espérance de vie en France selon les professions et catégories sociales sont en fait documentées depuis plus de 50 ans. A 35 ans, les hommes cadres supérieurs ont une espérance de vie de 47 ans, soit 7 ans de plus que les ouvriers. Sur ces 47 années, ils peuvent espérer en vivre 34 (73 %) sans aucune incapacité. Un ouvrier de 35 ans, lui, vivra en moyenne 24 ans sans incapacité, soit 60 % du temps qui lui reste à vivre. C’est donc une situation de cumul, aux inégalités de mortalité s’ajoutant des inégalités d’espérance de vie sans Pr Thierry Lang* incapacité. Pour les femmes, les écarts d’espérance de vie sont plus réduits, deux ans entre les cadres supérieurs dont l’espérance de vie à 35 ans approche 51 ans, et les ouvrières ; mais une femme ouvrière de 35 ans vivra, en moyenne, 22 ans de sa vie avec une incapacité, le chiffre correspondant n’étant que 16 ans pour une femme cadre supérieur. L’écart est donc plus important pour la vie sans incapacité (6 ans) que pour l’espérance de vie (2). Les comparaisons étendues à l’ensemble des classes d’âges et des catégories de diplômes montrent que, globalement, les inégalités liées aux niveaux d’étude ont augmenté depuis 1968 dans les deux sexes. Une inégalité française ? Enfin, dernier point marquant, malgré un système de soins qui reste envié, ces inégalités sont particulièrement marquées en France. Les inégalités sociales de mortalité prématurée parmi les hommes de 45 à 59 ans sont plus importantes en France que chez nos voisins européens. Pour les femmes, les inégalités de mortalité sont supérieures pour les femmes françaises à celles observées en Finlande, en Norvège, au Danemark et en Italie (3). Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? © fatihhoca - iStockphoto Une enquête menée en 2005 auprès de plus de 7 200 élèves de cm2 a montré que 16 % d’entre eux avaient un surpoids modéré et 4 % étaient obèses (5). L’obésité était dix fois plus fréquente parmi les enfants d’ouvriers (6 %) que parmi les enfants de cadres (0,6 %), les autres catégories se situant en position intermédiaire, soit entre 2 et 3 % pour les enfants d’artisans, de commerçants, d’employés, et de professions intermédiaires. La fréquence de la surcharge pondérale est restée globalement stable entre 2002, année où la même enquête avait été menée, et 2005, mais les inégalités se sont creusées. En effet, la proportion d’enfants obèses a diminué dans toutes les catégories socio-professionnelles, sauf parmi les enfants d’ouvriers où elle est passée de 5 % à 6 %. Les données de l’enquête sur la Santé et la Protection Sociale 2006, sur plus de 15 000 personnes, illustrent l’existence d’un gradient social, concernant aussi les hommes et les femmes de tous âges (6). Plus le revenu mensuel du ménage par unité de consommation augmente, plus l’obésité est rare. Toutes choses égales par ailleurs, la fréquence de l’obésité est multipliée par plus de 2 entre les quintiles extrêmes ; il ne s’agit pas d’un effet de seuil, mais bien d’un continuum. Les inégalités sociales de santé sont donc plus fortes pour les enfants, ce qui relève plutôt d’un effet de génération que d’un effet de l’âge. Le cancer en cause chez les non-diplômés Pour les hommes, c’est le cancer qui contribue le plus fortement à la surmortalité des personnes sans diplôme, comparées aux titulaires du baccalauréat ou d’un diplôme supérieur au baccalauréat, avec une contribution qui atteint presque 40 % (4). Elle est plus faible pour les femmes, chez qui les inégalités de mortalité cardiovasculaire sont de plus grande amplitude que dans la population masculine. à l’origine des inégalités : les déterminants sociaux de la santé Les déterminants sociaux de la santé peuvent être compris comme les conditions sociales dans lesquelles les personnes vivent et travaillent. Leur étude s’attache à montrer l’impact du contexte social sur la santé mais aussi les mécanismes par lesquels ces déterminants l’affectent. Les DSS conditionnent la façon dont une personne dispose des ressources physiques, sociales, économiques et personnelles pour satisfaire ses besoins, ses aspirations et s’adapter à son environnement. Dans la longue liste de ces déterminants, on peut proposer de distinguer trois grandes familles : les facteurs socio-économiques, les comportements et le système de santé. Les facteurs socio-économiques L’hypothèse matérialiste accorde un rôle primordial aux Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 conditions matérielles et à leurs conséquences sur la santé. L’accès à l’eau, l’alimentation, les expositions chimiques et physiques figurent dans cette approche. A l’inverse, l’explication psycho-sociale suppose que les conditions matérielles ont moins d’influence sur la santé, au moins dans les sociétés développées, que le “stress” psychologique associé avec la perception d’un désavantage socioéconomique. Les réseaux sociaux, en rapport avec le nombre de contacts sociaux, amicaux, familiaux, professionnels ou de voisinage d’une personne, et le support social qu’ils peuvent apporter, illustrent ce double aspect matériel et psycho-social puisque le soutien peut être d’ordre informationnel, émotionnel, affectif mais aussi matériel ou financier. 383 DOSSIER L’exemple de l’obésité situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? DOSSIER On relèvera que les deux approches, psycho-sociale et matérialiste, ne sont pas antagonistes. Ainsi, les conditions de travail des employés et ouvriers en France en 2007 restent marquées par une pénibilité physique, des expositions à des facteurs nocifs physiques et chimiques qui entrent dans le cadre matérialiste. Dans le même temps, les travaux sur l’organisation du travail ont montré toute l’importance des explications psycho-sociales (modèle déséquilibré effort-récompense par exemple) qui ne sont pas à considérer comme des facteurs individuels : il s’agit de comprendre comment une organisation du travail, sur laquelle on peut agir, se traduit en vécu pour des individus. Comportements sociaux, pas individuels ❚❚A l’origine des comportements Les travaux montrant des différences sociales des comportements de santé sont très nombreux (1). Ces comportements (consommation de tabac, d’alcool, l’exercice physique, l’alimentation…) sont souvent qualifiés d’individuels. Il est important ici de faire la distinction entre “causes proximales” et “causes fondamentales”. La part importante des inégalités de mortalité attribuable aux cancers du poumon et des voies aérodigestives supérieures suggère que les consommations de tabac et d’alcool, s’ajoutant aux expositions professionnelles à des cancérogènes, jouent un rôle important. Ceci ne veut pas dire qu’il ne faille pas s’interroger, en amont, sur “les causes des causes”. Il est essentiel de se demander pourquoi certains boivent et fument plus, pourquoi certains mangent trop ou mal : 384 incitations diverses sous-tendues par des mécanismes de nature sociale ou économique, conditions de vie et de travail qui rendent difficiles de modifier sa consommation, font partie des causes “en amont”. Concernant l’alimentation, divers auteurs se sont penchés sur les mécanismes à l’origine d’une alimentation déséquilibrée, qu’il s’agisse des inégalités entre quartiers dans l’offre alimentaire ou du coût de certains aliments ; les fruits et légumes sont souvent coûteux comparés à d’autres aliments, et parfois peu disponibles dans des quartiers où la demande est insuffisante. L’obésité des plus jeunes est aussi liée aux messages qui leur sont adressés par les médias, et à la possibilité qu’ont les parents de proposer aux enfants des activités variées. Qu’il s’agisse des recommandations du PNNS ou du suivi de programmes d’éducation thérapeutique, leur suivi est là aussi variable selon les catégories sociales ou de niveau d’études, contribuant à renforcer les inégalités sociales de santé. ❚❚L’histoire individuelle Il faut souvent remonter loin dans le passé pour retrouver les “causes” des inégalités, ceci parce que les causes des maladies sont multiples et, pour certaines, ancrées dans l’histoire individuelle, dès la naissance voire avant la naissance. Cette dimension est développée sous le nom d’épidémiologie biographique. De nombreux travaux, notamment dans la santé cardiovasculaire montrent des liens entre la santé de l’adulte et la santé de l’enfant. Les inégalités sociales de santé ont donc, pour une part d’entre elles, leurs racines dans l’enfance (7). L’impact des disparités sociales de prévalence du surpoids aujourd’hui se révélera dans une quarantaine d’années (diabète, hypertension artérielle, maladies chroniques…) ; mais les résultats des interventions peuvent s’évaluer facilement sur le critère intermédiaire qu’est l’index pondéral. ❚❚Influence études/revenus De nombreuses études montrent l’influence du niveau d’étude et du revenu sur la santé, à tous les âges de la vie. Le niveau d’études est un acquis fondamental de l’individu au début de sa vie. Il influence les styles de vie et les comportements de santé, oriente vers une profession, un niveau de revenu et donc une catégorie sociale. Il est protecteur vis-à-vis du chômage, et prédit aussi l’exposition plus ou moins forte aux contraintes de travail péjoratives pour la santé. L’éducation intervient donc sur la santé par des voies indirectes, en complément des effets directs qui peuvent être liés aux connaissances acquises, à la capacité à en acquérir d’autres. Inégalités dans les soins préventifs et curatifs Malgré la confusion fréquente dans notre pays entre inégalités sociales de santé et inégalités d’accès aux soins, les soins ne jouent pas le rôle central. Ils occupent une place très limitée pour des causes de décès qui contribuent fortement aux inégalités. C’est le cas pour des cancers à mauvais pronostic, comme le cancer du poumon. De même, pour l’obésité, les pistes d’explication ne concernent pas le système de soins. Son rôle potentiel varie selon les dimensions de santé considérées. Au-delà de la mortalité, la qualité des soins joue un rôle majeur sur les limitations fonctionnelles ou la qualité de vie (douleurs…). Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 ❚❚La “loi des soins inverses” La “loi des soins inverses” (inverse care law) proposée en 1971 par J.T. Hart, médecin généraliste britannique illustre le fait que l’accès des populations à des soins de bonne qualité tend à varier de façon inverse à leurs besoins de santé, et cela d’autant plus que les soins médicaux sont exposés aux forces du marché. A ce sujet, il est utile de distinguer l’accès primaire aux soins, lié à un manque de protection sociale ou des problèmes de coût, et l’accès secondaire, après un premier contact avec le système de santé (8). Une partie de l’origine des inégalités trouve sa source dans le système lui-même, souvent mal adapté à prendre en compte la dimension sociale d’un problème de santé. ❚❚La couverture complémentaire La couverture complémentaire est un élément déterminant de l’accès aux soins, et la part laissée à la charge du patient au cours des 20 dernières années a eu tendance à s’accroître et représente autour de 25 % des dépenses de santé. Dans l’enquête Soins et Pro- L’exemple de l’effet de la pauvreté masculine sur les habitudes de vie A titre d’exemple, à l’issue d’un travail sociologique dans la région de l’Ouatanais, l’auteur (10) propose quatre grandes tendances observées chez les interviewés permettant ainsi de mieux comprendre l’effet de la pauvreté masculine sur les habitudes de vie nécessaires à la santé. « • Leur priorité est accordée à la stabilité financière plutôt qu’à la santé ; leur préoccupation pour les urgences de la vie quotidienne supplante celle liée à la prévention des maladies. • Leur méfiance d’autrui engendre une résistance à l’imposition d’un régime de santé et un scepticisme envers les conseils prodigués par les professionnels de santé. Souvent, les styles de vie recommandés ne correspondent pas aux possibilités offertes par leurs conditions de vie. • Leur perception d’un faible contrôle sur leur propre vie se traduit par un défaitisme devant l’amélioration de leur santé et une résignation devant la maladie. • Leur sauvegarde de leur dignité et la crainte du déshonneur sont entretenues par des attitudes et comportements “hypermasculins” potentiellement nocifs pour la santé (par ex. : minimisation de la sévérité d’une maladie, poursuite d’activités à risque ; atténuation de l’importance de la convalescence et des suivis médicaux). » pendant erroné de considérer que c’est l’unique source d’inégalités. Le système de soins, tel qu’il fonctionne en routine, maintient et parfois amplifie les inégalités (8). Si la survie dans le mois qui suit un événement coronarien aigu est L’accès des populations à des soins de bonne qualité tend à varier de façon inverse à leurs besoins de santé tection Sociale (SPS), 14 % de la population adulte déclarent avoir renoncé au moins une fois dans les douze mois précédents à des soins de santé pour des raisons financières. ❚❚Le rôle des soins ambulatoires La question de l’accès aux soins et du coût des soins ne doit pas être sous-estimée. Les barrières liées au revenu ou à la couverture sociale ont, de façon évidente, des conséquences en termes d’inégalités devant la santé. Il serait ce- meilleure chez les cadres, ce n’est pas que la prise en charge hospitalière diffère selon la situation sociale. L’origine des différences se situe avant l’hospitalisation, et même avant l’épisode aigu. Les cadres ont une plus forte probabilité de ne pas décéder entre l’accident et leur arrivée à l’hôpital, et ont aussi bénéficié antérieurement d’une prise en charge plus complète de leurs problèmes cardiaques (Lang (1)). De façon générale, les progrès thérapeutiques se diffusent plus rapidement dans Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 les groupes sociaux favorisés. Les soins préventifs, les démarches de dépistage précoce, tendent aussi à être utilisés de façon inégalitaire, même quand il n’existe pas de barrière de coût. Par exemple, si 14 % des femmes de 50 à 75 ans, disposant d’une bonne couverture sociale, n’ont pas eu de mammographie dans les 3 dernières années, ce pourcentage varie de 7 % pour le premier quintile de revenus (les plus élevés) à 26 % pour le premier quintile, avec un gradient entre les deux extrêmes (6). Il est encourageant de noter qu’entre 1995 et 2005 en France, c’est parmi les femmes aux revenus modestes que la pratique du dépistage a le plus progressé, ce qui laisse penser qu’un dépistage organisé est plus égalitaire qu’un dépistage individuel (9). ❚❚Les obstacles pour le patient La nature des obstacles qui expliquent ces difficultés est beaucoup 385 DOSSIER situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? DOSSIER moins documentée. Parmi les facteurs associés retrouvés dans la littérature, on note : • le sentiment de faible efficacité personnelle (self-efficacy), • une faible estime de soi, • l’isolement social, • les charges familiales, • les ressources financières pour l’accès aux produits ou en termes de priorité d’action, • les transports, • la relation au système de santé, • la honte ou le sentiment de culpabilité incitant au repli sur soi, • les problèmes de stress au travail, • les représentations de l’image du corps ou des soins du corps… Une étude portant sur le dépistage du cancer du côlon en Grande-Bretagne donne également quelques pistes (11). Les que la proportion de fonds d’œil réalisés dans la surveillance régulière, donc sur prescription médicale, était deux fois plus faible chez les patients non diplômés (12). Les travaux sur la relation entre médecin et malade, étudiant la concordance, donc la mémoire de ce qui s’est joué dans une consultation montre des différences selon le niveau d’étude, suggérant des relations, des anticipations et peut-être un niveau de compréhension mutuelle qui varie selon le niveau d’étude des patients (13, 14). La santé comme ressource Inégalités sociales de santé et inégalités territoriales Réduire les inégalités et améliorer la santé de la population Les deux sont liées, les interventions pourront donc avoir Les interventions les plus efficaces peuvent relever de domaines aussi variés que la législation, l’amélioration des conditions de travail, la politique de la ville, la formation… auteurs évoquent un plus grand fatalisme dans les catégories sociales défavorisées (amenant à penser qu’il n’est pas utile de faire un test car : « ce qui doit arriver arrivera »), une mauvaise perception de l’avantage du dépistage (ne pas être certain que « le dépistage réduit le risque de cancer »), et aussi la peur liée à la démarche (« le dépistage va me faire m’inquiéter du cancer »). Il n’y a pas que le comportement des patients qui soit en cause. Dans l’étude ENTRED, le risque de mauvais contrôle glycémique était deux fois plus élevé chez les diabétiques sans diplôme que chez les diabétiques plus diplômés. Il est intéressant de noter 386 ce point d’entrée territorial. Les liens entre environnement et territoires ne renvoient pas seulement à l’environnement physique et chimique. Il est connu que la prévalence de l’obésité est liée au revenu individuel. Mais à revenu personnel fixé, le revenu moyen de la zone de résidence (reflétant les équipements collectifs, l’accessibilité des produits…) est un facteur tout aussi déterminant. Or la zone de résidence est accessible aux interventions et politiques publiques et pourrait permettre de favoriser les comportements sains, qui ne sont pas de la seule responsabilité de l’individu, les inégalités sociales de santé observées chez les enfants en témoignent. La situation sociale agit essentiellement comme un déterminant de la santé. Mais une mauvaise santé influe sur la situation sociale ; un exemple en est la possibilité de continuer à travailler (ou d’acheter un logement…) en souffrant d’une maladie chronique. Des “cercles vicieux”, de la situation sociale à la santé, et de la santé à la situation sociale, peuvent s’enchaîner, par exemple quand un salarié victime d’un accident du travail se retrouve de ce fait sans emploi. Connaître les facteurs de risque Pour envisager de réduire les inégalités de santé, il est nécessaire de disposer d’information sur l’ensemble des facteurs liés à la survenue d’une maladie (ce que les épidémiologistes appellent les facteurs de risque), à sa sévérité et à sa durée. Selon les cas, en effet, les interventions les plus efficaces peuvent relever de domaines aussi variés que la législation (par exemple sur les messages publicitaires, ou la vente de tabac ou d’alcool…), l’amélioration des conditions de travail, la politique de la ville, et bien sûr la formation et l’éducation, sans oublier ce qui relève de l’accès aux soins et à leur qualité. des Politiques de santé pour tous De ce point de vue, il faut s’interroger sur les conséquences de nombreuses décisions, en particulier celles concernant le coût des soins, qui aggravent la situation des plus défavorisés. Au-delà, Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 il convient de s’interroger sur les effets d’interventions relevant de domaines divers non limités à la prise en charge médicale, et dont les objectifs concernent principalement ou partiellement la santé. Bien souvent, ces interventions sont évaluées du point de vue de leur effet “en moyenne” au niveau de la population, et non du point de vue des inégalités sociales de santé. C’est le cas, par exemple, de la politique de réduction du tabagisme, ou de la généralisation de pratiques considérées comme des innovations médicales, ou simplement comme des “bonnes pratiques” de prise en charge. L’amélioration de la santé “en moyenne” et la réduction des inégalités sociales de santé sont deux mouvements qui ne vont pas “naturellement” de pair. Au contraire, les exemples sont nombreux d’améliorations apportées par des innovations qui accroissent les inégalités. L’enjeu est donc d’améliorer la santé “en moyenne” tout en réduisant les inégalités. la santé dans toutes les politiques Si l’accès à des soins de qualité est un enjeu toujours essentiel, les déterminants des inégalités sociales de santé sont hors du système de santé et appellent des interventions intersectorielles sur la santé. Le rôle du travail et de l’emploi est majeur. Rappelons par exemple que pour le cancer du poumon, 50 % de la surmortalité des ou- Quelques idées directrices Toutes les étapes de la vie sont concernées ; les inégalités se construisent et s’installent avec le temps, certaines inégalités présentes dans l’enfance en annoncent d’autres pour l’âge adulte. Les causes des inégalités sont multiples, et plusieurs “niveaux” d’explication coexistent, causes “proximales”, en particulier ce qui relève des comportements, et causes fondamentales. De très nombreux domaines sont concernés, dont certains paraissent a priori bien loin du domaine de la santé, qu’il s’agisse de l’éducation, mais aussi de l’accès à l’emploi et des conditions de travail, de l’âge de la retraite, de la politique du logement, et enfin des politiques redistributives, par la fiscalité et les aides financières directes. Les inégalités peuvent être aggravées par des décisions ou des changements qui ont par ailleurs des effets positifs globaux sur la santé, par exemple lors de la généralisation d’innovations dans les soins ou la prise en charge. L’accès aux soins et le coût des soins ont des effets directs sur les inégalités. Mais l’absence de barrières à ce niveau ne suffit pas à garantir l’égalité des soins. Les inégalités sociales de santé sont et résultent des inégalités sociales en général. Même s’il faut souligner qu’il n’est qu’un des aspects d’une démarche de réduction des inégalités, le système de santé y a un rôle à jouer, et au minimum il a la responsabilité de ne pas les aggraver. vriers est liée aux expositions professionnelles et que les cancers sont à l’origine de 40 % des inégalités sociales de santé. santé est la condition d’une amélioration globale de l’état de santé. n Et l’avenir ? Le défi pour notre système de santé est d’utiliser les connaissances accumulées pour réduire les inégalités sociales de santé et éviter un creusement dans un contexte de crise. Le recul de l’espérance de vie récemment observé aux EtatsUnis (15) souligne que les progrès ne sont pas inexorables et que la réduction des inégalités sociales de Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Mots-clés : Inégalités sociales, Système de soins, Travail, Déterminants sociaux, ­ Education, Etudes Pour en savoir plus • Haut conseil de la santé publique (HCSP). Inégalités sociales de santé : sortir de la fatalité La documentation Française, Paris 2010. Téléchargeable sur le site web du HCSP. 387 DOSSIER situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? Bibliographie DOSSIER 1. Leclerc A, Kaminski M, Lang T. Inégaux face à la santé : du constat à l’action. Paris : La Découverte Ed., 2008. 2. Cambois E, Laborde C, Robine JM. La « double peine » des ouvriers : plus d’incapacités au sein d’une vie plus courte. Population et sociétés 2008 ; 441 : 1-4. 3. Mackenbach JP, Stirbu I, Roskam AJ, et al. ; European Union Working Group on Socioeconomic Inequalities in Health. N Engl J Med 2008 ; 358 : 2468-81. 4. Menvielle G, Leclerc A, Chastang JF, Luce D, et le groupe EDISC. Evolution temporelle des inégalités sociales de mortalité en France entre 1968 et 1996. Etude en fonction du niveau d’études par cause de décès. Revue d’Epidémiologie et de santé Publique 2007 ; 55 : 97-101. 5. Guignon N et al. La santé des enfants scolarisés en cm2 en 2004-2005. Premiers résultats. Etudes et résultats 2008 ; 632 : 1-8. 6. Allonier C, Dourgnon P, Rochereau T. Enquête sur la Santé et la Protection Sociale 2006. Rapport IRDES, 2008. 7. Galogardes B, Lynch JW, Davey Smith G. Is the association between childhood socioeconomic circumstances and cause-specific mortality established ? Update of a systematic review. Journal of Epidemiology and Community Health 2008 ; 62 : 387-90. 8. Lombrail P. Inégalités de santé et d’accès secondaire aux soins. Revue d’Epidémiologie et Santé Publique 2007 ; 55 : 23-30. 9. Baudier F, Michaud C, Gautier A, et al. Le dépistage du cancer du sein en France : pratiques et évolution des habitudes dans la population des femmes de 18 à 75 ans, Baromètre santé 2004-2005. BEH 2007 ; 17 : 142-4. 10. Dumas A, Bournival E. Men, masculinities and health. Theory and application. In Jason Laker ‘Canadian Masculinities’, Toronto: Oxford University Press, 2011. 11. Wardle J, McCaffery K, Nadel M, et al. Socioeconomic in cancer screening participation : comparing cognitive and psychosocial explanations. Social Science and Medicine 2004 ; 59 : 249-61. 12. Robert J, Roudier C, Poutignat N, et al., pour le comité scientifique d’Entred 2007-2010. Prise en charge des personnes diabétiques de type 2 en France en 2007 et tendances par rapport à 2001. BEH 2009 ; 42-43 : 455-60. 13. Kelly-Irving M, Delpierre C, Schiebera AC, et al. The INTERMEDE group. Do general practitioners overestimate the health of their patients with lower education ? Social Science & Medicine 2011 ; 73 : 1416-21. 14. Schieber AC, Kelly-Irving M, Rolland C, et al. Do doctors and patients remember the same elements of the cardiovascular risk-factors’ management after the consultation ? The INTERMEDE study. British Journal of General Practice 2011 ; 61 : 178-83. 15. National Vital Statistics Reports 2010 ; 59, No2. Bulletin d’abonnement à Diabète & Obésité • Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité • Pris en charge par le budget formation continue des salariés A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé 2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax. : 01 49 29 29 19 - E-mail : [email protected] 4 Je m’abonne pour 10 numéros q Abonnement 65 E TTC (au lieu de 80 E prix au numéro) q Institutions 75 E TTC q Etudiants 40 E TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant) Diabète 54 Frais de port (étranger et DOM TOM) q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE q + 23 E par avion pour l’étranger autre que l’UE 388 http://www.diabeteetobesite.org/ q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : . .................................................................................................................... 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DOSSIER 3 Prise en charge du diabète en milieu carcéral L’exemple du centre de détention de Muret et de la maison d’arrêt de Seysse n L’arrivée en prison, ce huis-clos dans lequel le mode de vie et l’autonomie des personnes sont fortement réduits, peut tout boulverser pour le patient diabétique qui a pris (ou non) l’habitude d’autogérer sa maladie chronique librement. D’autant plus que la prise en charge de ces personnes fragiles au sein des différentes structures reste très variée. Prenons l’exemple du centre de détention de Muret et de la maison d’arrêt de Seysse. La prison Qui sont les détenus ? L’ensemble de la population carcérale en France (95 % d’hommes) est en moyenne plus jeune que la population générale (2). Cependant, les détenus du Centre de Détention (CD) de Muret, incarcérés pour de longues peines sont plus âgés que ceux présents à la Maison d’Arrêt (MA) de Seysse. Le niveau d’études des détenus est globalement faible et nombre d’entre eux n’ont jamais exercé de profession. Quel diabète en prison ? Certains facteurs favorisant le diabète de type 2 (âge, sédentarité et alimentation déséquilibrée) sont présents en milieu carcéral, ce qui explique l’existence d’une population de patients diabétiques de type 2 parfois importante : 5,8 % de la population totale du CD de Muret en mars 2010, soit 34 des 586 détenus. Les premiers mois de l’incarcération entraînent fréquemment une prise pondérale du fait du changement brutal de mode de vie. En MA, on retrouve une population mixte de diabétiques de type 2 et de type 1, ce qui s’explique par un âge moyen plus jeune. La population des diabétiques présente des comorbidités que sont notamment la consommation d’alcool et de tabac (4 personnes sur 5 fument à leur arrivée en prison). Le nombre total de diabétiques incarcérés en France n’est pas connu. En 1999, J.M. Petit a recueilli par questionnaire des données concernant les diabétiques traités par insuline en milieu carcéral, auprès de 115 des 163 établissements français. Ce travail mettait en évi- Dr Juliette Spiess* dence une disparité importante dans la prise en charge du diabète et une faible autonomie des patients dans la gestion de leur pathologie (55 % d’autonomie pour l’autosurveillance glycémique et moins de 40 % pour les injections d’insuline) (3). Comment fonctionne le système de soin en milieu carcéral ? Depuis 1994, le personnel de santé qui prend en charge les détenus est détaché de la fonction publique hospitalière et non pas fonctionnaire de l’administration pénitentiaire. Les soins s’organisent en différents lieux : Quels sont les différents types d’établissements pénitentiaires ? Les maisons d’arrêt (MA) accueillent les prévenus (25 % des détenus) et les détenus condamnés à de courtes peines (inférieures à un an). Dans les centres de détention (CD) sont incarcérés les condamnés à de longues peines présentant les meilleures perspectives de réinsertion (1). *Service de diabétologie, CHU Rangueil, Toulouse Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 389 situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? Dans les deux UCSA de Muret et de Seysse, il existe une infirmerie (avec une permanence infirmière y compris le week-end) et des salles où se déroulent les consultations de médecine générale et les consultations spécialisées. Les détenus peuvent également bénéficier sur place de soins dentaires, de radiographies standard, de consultations paramédicales (podologue, diététicienne, kinésithérapeute, infirmière de tabacologie). L’ensemble des soins ambulatoires est fait sur place. Les traitements disponibles sont ceux de la pharmacie centrale du CHU de Toulouse. LA VIE QUOTIDIENNE EN MILIEU CARCÉRAL Comment se déroulent les journées ? A la MA, les cellules sont fermées toute la journée en dehors des heures de promenades. Seuls ceux qui travaillent, qui se rendent à l’UCSA ou au SMPR sont hors de leur cellule la journée. Au CD, les cellules sont ouvertes le matin, fermées à l’heure du déjeuner et ouvertes l’après-midi, avec des horaires variables en fonction des bâtiments. 390 DEUX EXEMPLES 1/ Un patient diabétique de type 1 suivi en maison d’arrêt Mr D., âgé de 33 ans, a été suivi dans le cadre d’un diabète de type 1 de 2007 à 2009. Il présentait un diabète évoluant depuis 13 ans, traité à son arrivée par deux injections de Novomix 30®, avec un équilibre glycémique insuffisant (HbA1c à 9,5 %). Le bilan du retentissement a été mis à jour, révélant une rétinopathie diabétique minime. Ce schéma thérapeutique a d’emblée été modifié pour un schéma basalbolus. En juin 2008, son HbA1c est à 7,4 %, mais au prix de nombreuses hypoglycémies (10 à 12 par semaine). En effet, le patient était contraint de venir faire ses injections à l’UCSA, ce qui impliquait un délai avant le retour en cellule et le repas (mouvement encadré par les gardes pénitentiaires), avoisinant parfois une heure. Cette contrainte a amené le patient à refuser l’injection du midi de façon quotidienne car cela était incompatible avec ses horaires de travail. Il a également refusé des injections le week-end à plusieurs reprises, ce qui a entraîné des épisodes d’acétonurie. En août 2009, l’administration pénitentiaire a autorisé la réalisation des injections en cellules. L’équilibre glycémique de ce patient s’est alors nettement amélioré. De plus, durant son suivi rapproché, Mr D. est devenu autonome dans l’adaptation de son traitement et la gestion des situations d’urgence. © moodboard - Fotolia DOSSIER • les UCSA (unités de consultation et de soins ambulatoires) qui existent depuis 1994. Il s’agit d’unités hospitalières implantées au sein des structures pénitentiaires ; • les SMPR (services médico-psychologiques régionaux) ; • les UHSI (unités d’hospitalisation sécurisées interrégionales), ce sont des services d’hospitalisation implantés au sein des hôpitaux et qui accueillent exclusivement des détenus. 2/ Un patient diabétique de type 2 suivi en centre de détention Mr B. est âgé de 50 ans. Il est suivi depuis 2006, suite à la découverte d’un diabète de type 2. Mr B. présente plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire (hypertension artérielle, antécédent familial et tabagisme actif) ainsi qu’un syndrome d’apnées du sommeil non appareillé. Son traitement antidiabétique initial comportait du Glucophage®, qui a été secondairement associé à un analogue du GLP-1 (Byetta®) en raison d’un équilibre glycémique insuffisant et d’une évolution pondérale défavorable. Le reste de son traitement a également été modifié : un IEC a été introduit en raison d’une microalbuminurie pathologique, le traitement par statine a été majoré, enfin il a été introduit un traitement antiagrégant plaquettaire. Lors de la dernière consultation fin 2009, l’équilibre glycémique était satisfaisant (HbA1c à 6,5 %). Mr B. présentait une perte de poids de 10 kg, mais son alimentation restait déséquilibrée avec des grignotages réguliers. Il ne pratiquait pas d’activité physique. La tension artérielle était à 135/85 mmHg, la microalbuminurie était physiologique et le bilan lipidique était bien contrôlé. Le patient a par ailleurs interrompu son tabagisme. Qui travaille en prison ? Certains détenus peuvent travailler à la MA, mais ils sont peu nombreux. En revanche, un plus grand nombre exerce une activité professionnelle au CD. Il s’agit le plus souvent de travailler dans un atelier, de participer au service général (entretien des locaux ou livraison des repas). Ce travail est rémunéré, ce qui peut permettre aux détenus de se Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 procurer des denrées vendues en cantine. La population en maison d’arrêt En maison d’arrêt les détenus sont plus jeunes, les peines sont courtes. En centre de détention, la population vieillit, le suivi est prolongé. La population est globalement issue de milieux socio-économiques défavorisés. Les comorbidités sont fréquentes. Et l’alimentation ? Les détenus ne reçoivent pas de colis alimentaires en dehors de la période de Noël. ❚❚Les repas La cuisine centrale est commune aux deux établissements pénitentiaires. Le repas (la gamelle) est servi sous forme de plateaux en cellule. Tous les régimes pour raison de santé peuvent être prescrits par les médecins. En pratique, le régime diabétique ne comporte pas toujours de féculents, et les collations ne sont pas systématiquement présentes. Selon les détenus, les repas ont des qualités gustatives moins appréciables pour les repas diabétiques. De plus, chaque détenu se voit remis quotidiennement une baguette de pain de 250 g. ❚❚“Cantiner” des aliments Hormis ce repas servi par l’établissement, les détenus qui ont des revenus peuvent s’ils le souhaitent “cantiner” des aliments. Pour cela, il leur est fourni une liste au sein de laquelle chacun fait ses commandes. Les produits y sont globalement plus chers qu’à l’extérieur (et les prix varient en fonction des établissements). Par ailleurs, la liste de cantine est faite, non pas en fonction des recommandations concernant une alimentation équilibrée, mais selon les attentes des détenus. Elle comprend des fruits et légumes frais, mais dont le prix est élevé, et par ailleurs de nombreux aliments hyperlipidiques ou hyperglucidiques. ❚❚Pour cuisiner... Les détenus peuvent louer un réfrigérateur et une plaque de cuisson qui sont installés en cellule. En CD, certains bâtiments sont munis d’une salle de réfectoire (un four y est mis à disposition) où les repas sont pris en commun. Comment est organisée la pratique de l’activité physique pour les détenus ? Les deux établissements pénitentiaires sont munis de locaux dédiés à la pratique sportive en plus de la cour de promenade. En MA, il s’agit d’une salle de gymnastique qui comprend entre autres des appareils de musculation et des vélos d’appartement. Au sein du CD, les infrastructures sont nombreuses : deux terrains de football, deux pistes d’athlétisme, un plateau omnisports, des terrains de pétanque, trois salles de musculation et un gymnase. Les locaux sont accessibles quotidiennement par l’ensemble des détenus, même ceux qui travaillent. Vie quotidienne en maison d’arrêt En maison d’arrêt, les détenus sont en cellule la plupart du temps. En centre de détention de nombreux détenus travaillent. L’alimentation est distribuée sous forme de plateaux repas et les détenus peuvent cantiner. L’activité physique est accessible tous les jours. Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Les activités proposées sont soit libres, soit encadrées par des agents pénitentiaires ayant bénéficié d’une formation d’encadrement dans le domaine sportif. Ceux-ci ont au départ une formation de surveillant pénitentiaire et s’orientent secondairement vers l’encadrement de l’activité physique, via un concours interne. Leurs formations à l’activité physiques sont très hétérogènes et ne comprennent pas de formation à l’activité physique adaptée aux pathologies. Que dire des conditions d’hygiène corporelle par rapport à la maladie ? Sur les sites de Seysse et Muret, les détenus ont accès à des douches (en cellule ou non) de façon quotidienne. Le nécessaire minimum (savon, rasoir…) est fourni à ceux qui n’ont pas de revenus. Des produits supplémentaires existent en cantine (crème hydratante, gel douche, déodorant…). Cependant, plus encore qu’en milieu libre se pose le problème de l’hygiène (notamment des pieds) pour les détenus âgés ou dont la mobilisation est difficile : il n’y a pas d’aidant, ni de possibilité de mettre en place une aide à la toilette. avantages et limites de la prise en charge diabétologique Une proximité de soins Il y a effectivement des avantages à la pratique médicale en milieu 391 DOSSIER situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? DOSSIER carcéral : • les détenus bénéficient d’un bilan médical dès leur entrée, qui peut être l’occasion de la découverte du diabète ou de la mise à jour du bilan du retentissement, pour des populations de patients dont le suivi en milieu libre était souvent irrégulier ; • le suivi peut être rapproché ; • la proximité entre le spécialiste et le médecin traitant sur le site permet de confronter les points de vue ou d’avoir facilement un avis thérapeutique ; • la prise en charge des patients est très individualisée, l’ensemble de l’équipe soignante ayant une bonne connaissance des détenus ; • il y a à l’UCSA une équipe paramédicale et médicale pluridisciplinaire. Certains soins (consultation diététique, soins dentaires, consultation podologie) difficilement accessibles en milieu libre sont gratuits en milieu carcéral ; • la proposition d’objectifs éducatifs réalisables et leur évaluation lors des consultations suivantes peuvent aider à valoriser les patients et à les impliquer dans leur prise en charge ; • un programme d’éducation thérapeutique collectif a été mené auprès de deux groupes de patients diabétiques de type 2 au CD de Muret. Des séances de suivi éducatif vont être proposées au cours La prise en charge ­diabétologique en milieu carcéral Les avantages : multidisciplinarité, accès aux soins, individualisation, éducation thérapeutique. Les inconvénients : qualité de l’alimentation, mise en place de l’activité physique, refus des soins. 392 des mois suivants ; • les activités physiques proposées sont nombreuses et gratuites. Des freins Cependant, les freins sont également nombreux. • Le principal concerne l’alimentation : les possibilités de modifier l’alimentation sont limitées par la qualité des repas livrés et des denrées de cantine, mais aussi par les conséquences de la détention sur le mode alimentaire (grignotages nocturnes à visée anxiolytique). La nourriture a, comme à l’extérieur (ou peut-être plus), un rôle social important (moments de partage) qu’il faut respecter. • La mise en place de l’activité physique est souvent difficile, malgré les locaux disponibles : le public qui fréquente les salles de gymnastique de façon régulière (hommes jeunes pratiquant la musculation) est très différent des patients diabétiques de type 2, ce qui crée des effets d’influence entre détenus. L’image du corps a certainement une place particulière au sein d’une population d’hommes incarcérés. • Les moniteurs sportifs n’ont actuellement jamais bénéficié d’une formation concernant le diabète et la pratique de l’activité physique. Les activités encadrées proposées aujourd’hui ne correspondent pas aux besoins de la population des patients diabétiques de type 2 (football, judo, musculation…). • L’incarcération amène certains patients à refuser des soins en raison de leur condition de détention : refus d’un traitement ou d’une hospitalisation pour réaliser des examens complémentaires (l’épreuve d’effort notamment qui nécessite une extraction). • Les connaissances des détenus sur leur pathologie, leur traite- ment, les complications liées au diabète, l’alimentation ou l’activité physique sont très limitées. • Au plan éducatif, les groupes de détenus sont très hétérogènes ce qui rend difficile l’animation des séances de groupe. Les méthodes et les outils utilisés à l’extérieur sont parfois inadaptés pour certains patients (difficultés d’apprentissage, analphabétisme, difficultés d’abstraction…). En conclusion Pratiquer la diabétologie en milieu carcéral est une expérience enrichissante au plan humain car les enjeux de la relation patientssoignants sont parfois plus complexes qu’à l’extérieur. En centre de détention, le suivi des patients incarcérés est prolongé. Même si les conditions de suivi se rapprochent de celles du milieu libre, la monotonie de la vie en milieu carcéral peut rendre certains objectifs thérapeutiques ou éducatifs difficiles à atteindre. En maison d’arrêt en revanche, le suivi est de courte durée (se résumant parfois à un avis ponctuel) et constitue souvent un premier contact avec le diabétologue. L’enjeu principal réside en la sensibilisation du patient à s’impliquer dans la gestion de sa maladie après n la libération. Mots-clés : Centre de détention, Maison d’arrêt, Population ­carcérale, UCSA, Horaire, Cantine, Activité ­physique, Éducation thérapeutique Bibliographie • Direction de l’administration pénitentiaire. Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire au 1er janvier 2009. • Guérin G. La population carcérale. ADSP 2003 ; 44. • Petit JM. Management of diabetes in french prisons: a cross sectionnal study. Diabet Med 2001 ; 18 : 47-50. Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Le Syndrome de Prader-Willi Le syndrome de Prader-Willi Le traitement par ocytocine peut-il être un avenir ? n La connaissance de la physiopathologie du syndrome de Prader-Willi pourrait avoir des retombées dans la prise en charge des obésités sévères qui sont dans la grande majorité des cas associées à des troubles du comportement. Pr Maithé Tauber* Le syndrome de Prader-Willi Le syndrome de Prader-Willi (SPW) est un trouble génétique du développement lié au défaut d’expression de gènes d’origine paternelle (empreinte génomique parentale) situés sur le chromosome 15 dans la région q11-q13. Il peut s’agir d’une délétion sur le chromosome paternel dans 65 % des cas, d’une disomie maternelle (25 %), d’un déficit d’empreinte (1 à 5 %) ou d’une translocation chromosomique (1 à 5 %). Décrit pour la première fois en 1956, le SPW est caractérisé par une hypotonie néonatale avec déficit de succion et des difficultés de prise pondérale, et secondairement par l’apparition précoce d’une obésité sévère associée à des dysfonctions hormonales d’origine hypothalamique probable (déficit en GH, hypogonadisme) et à des troubles d’apprentissage avec un retard mental modéré et dans certains cas à des troubles psychiatriques plus sévères (1). *Centre de référence du Syndrome de Prader-Willi ; Unité d’endocrinologie, maladies osseuses, génétique, gynécologie médicale et obésité ; Hôpital des enfants, CHU de Toulouse © Slobodan Vasic - iStockphoto Description clinique L’hyperphagie semble plutôt liée à une obsession pour la nourriture avec une recherche constante et des comportements de vols et de stockage. Prévalence Sa prévalence est estimée à 1/15 000 à 1/25 000 naissances. En France 750 patients, enfants et adultes, ont été identifiés dans le cadre du centre de référence et on estime le nombre théorique entre 750 et 1 000 patients. Impact de la prise en charge précoce Le diagnostic précoce combiné à la prise en charge multidisciplinaire (avec traitement par hor- Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 mone de croissance) a considérablement modifié la présentation de ces enfants (2, 3) et probablement modifiera celle des futurs adultes. Cependant, l’obésité et les troubles du comportement restent des problèmes majeurs avec des conséquences sévères pour le patient, son entourage et les soignants. Le taux de morbidité et de mortalité à tout âge de la vie est élevé (le taux de mortalité est 3 fois celui de la population générale), lié à des complications 393 Thérapeutique de l’obésité et/ou des causes respiratoires. Le rôle de GH dans ce contexte dans les décès précoces observés chez ces enfants n’est pas démontré (4). Les troubles du comportement alimentaire Font partie intégrante du comportement Prise des repas Les patients présentant un SPW ont un profil particulier de prise du repas avec un début de prise alimentaire plutôt lent et une durée plus longue du repas. La faim réapparaît très tôt après la fin du repas suggérant une diminution de la satiété (5). L’hyperphagie semble plutôt liée à une obsession pour la nourriture avec une recherche constante et des comportements de vols et de stockage (1). De plus, ces patients sont apaisés s’ils sont rassurés sur l’horaire et le contenu des repas. En l’absence de contrôle strict de l’accès à la nourriture, ces patients peuvent consommer de grosses quantités d’aliments et dans certains cas des denrées non comestibles. Ils ont une préférence pour les aliments denses en calories. Contrôle des émotions Les patients présentant un SPW ont une labilité émotionnelle importante et une difficulté de contrôle de leurs émotions avec de fréquentes crises de colère (6). Ces accès de colère surviennent le plus souvent dans un contexte de frustration, de sentiment profond d’injustice. Ces données suggèrent un défaut de compréhension des codes sociaux et d’empathie, de compréhension de l’autre. On comprend bien les difficultés de socialisation de ces patients bien 394 supérieures à ce que laisse prévoir leur quotient de développement. La rigidité, le repli sur soi sont également retrouvés de manière très fréquente. Certains patients présentent des caractéristiques du spectre autistique. Troubles psychiatriques Certains patients présentent des troubles psychiatriques sévères avec un tableau particulier de psychoses hallucinatoires qui sont toujours précédées de troubles du comportement alimentaire et les difficultés psychologiques qui vont émailler la vie de ces patients (séparations, perte de proches, déménagements….) vont retentir sur le comportement alimentaire. Aujourd’hui, il n’y pas d’autonomie possible pour eux ce qui souligne la nécessité de mieux comprendre la physiopathologie de cette maladie complexe afin d’ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques. Physiopathologie des troubles du comportement alimentaire Le SPW est bien identifié comme un modèle de dysfonction hypothalamique et d’obésité morbide (7). Sur le plan physiopathologique, les seules hormones impliquées dans la régulation de l’appétit qui sont anormales chez ces patients sont la ghréline et le polypeptide pancréatique. LA ghréline ❚❚Aspects cliniques La ghréline, neurohormone orexigène dont la majorité des taux circulants sont d’origine gastrique et qui agit au niveau des centres hypothalamiques sur la régulation de l’appétit et la sécrétion de GH est anormale dans le SPW. Nous avons pu montré que l’hyperghrélinémie qui n’est retrouvée que chez les patients présentant un SPW et pas dans d’autres obésités communes ou génétiques, est présente très tôt au cours de la vie et en particulier avant l’installation de l’obésité (8, 9). Nous avons émis l’hypothèse qu’il existait une anomalie précoce de mise en place des centres régulant l’appétit et les comportements dans ce syndrome et l’identification des mécanismes impliqués semble indispensable pour comprendre la physiopathologie et proposer des thérapeutiques spécifiques qui n’existent pas à l’heure actuelle. ❚❚Sur le plan thérapeutique Les traitements diminuant la ghréline tels les analogues de la somatostatine n’empêchent pas les troubles de l’appétit et l’hyperphagie, ce qui va dans le sens d’une anomalie précoce. De plus, il a été montré que la ghréline était impliquée dans le rythme de la prise des repas (10), sa pulsatilité étant liée à la fréquence des repas. Le pic de ghréline préprandial n’est pas lié à la faim mais plus à l’anticipation du repas. L’hyperghrélinémie de ces patients pourrait expliquer leur obsession pour la nourriture. le Polypeptide pancréatique Les taux circulants de polypeptide pancréatique sont abaissés chez les patients SPW et pourrait être en lien avec les troubles vagaux présentés par ces patients. Quel est le rôle de l’ocytocine dans la physiopathologie du SPW ? Rôle de l’ocytocine A côté de ses actions périphériques bien connues sur le déclenchement de l’accouchement Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Le Syndrome de Prader-Willi et la stimulation de l’allaitement, l’ocytocine (OT) a également des actions centrales récemment décrites sur la reconnaissance des émotions, la confiance aux autres, la compréhension des codes sociaux et les phénomènes d’attachement (lien parent-enfant et lien entre partenaires amoureux démontré chez certains modèles animaux). De plus, l’OT est connue pour être une hormone anorexigène depuis longtemps mais son action essentielle sur le contrôle de la satiété n’a été que récemment identifiée (11, 12). L’ocytocine dans le SPW Enfin, une diminution significative du nombre et du volume des neurones des noyaux paraventriculaires hypothalamiques sécrétant de l’OT a été retrouvée à la fois chez des patients décédés présentant un SPW (13) et chez un modèle de souris avec invalidation du gène necdine situé dans la région chromosomique SPW (14). Des données récentes publiées sur un modèle animal du SPW (MAGEL 2 KO) montrent que l’administration précoce d’OT chez le souriceau nouveau-né muté prévient la forte létalité néonatale en restaurant la succion (15) alors que l’administration d’anticorps contre le récepteur de l’OT chez l’animal sauvage reproduit le phénotype mute avec troubles de la succion et décès précoce. L’OT semble donc impliquée dans la physiopathologie du SPW. Quel est l’effet de l’administration d’ocytocine ? Nous avons montré dans une étude préliminaire en double aveugle contre placebo que l’administration intranasale d’OT chez ces patients diminuait les conflits interpersonnels et les tendances 100 90 % de patients 80 70 60 Echec 50 Réussite 40 30 20 10 Groupe Placebo Groupe ocytocine Figure 1 - Pourcentage de patients dans le groupe placebo et le groupe ocytocine qui ont échoué (histogramme jaune) ou réussi (histogramme bleu) le test de Sally et Ann. à la tristesse en augmentant la confiance aux autres (16). Une tendance à une augmentation de la satiété est aussi retrouvée dans cette étude. De plus, la compréhension sociale analysée par le test de Sally et Ann semble meilleure chez les patients ayant reçu l’OT comparés aux autres patients ayant reçu le placebo même si les résultats n’en sont pas significatifs (Fig. 1). Nous avons pu montrer par imagerie cérébrale (PET-scan) (Fig. 2) qu’il existe des hypoperfusions relatives au niveau de régions cérébrales impliquées dans la compréhension des codes sociaux et la mise en place des fonctions cognitives et exécutives qui sont anormales chez les patients présentant un SPW (17). Nous avons émis l’hypothèse qu’une dysrégulation de l’ocytocine (OT) pourrait être impliquée dans les troubles du comportement et l’hyperphagie avec déficit de satiété à l’origine de l’obésité précoce et sévère chez ces patients. Des études sont en cours actuellement pour confirmer ces hypothèses chez l’homme et dans des n modèles animaux. Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Figure 2 - Les zones vertes correspondent à des régions cérébrales avec hypoperfusion relative, mises en évidence par PET-scan chez des patients avec SPW, par comparaison avec des contrôles (P < 0,05 non corrigé) : lobe limbique, cingulum antérieur (A), gyrus temporal supérieur, lobe pariétal, gyrus post-central (B). Mots-clés : Ocytocine, Prader-Willi, Compétences sociales, Satiété 395 Thérapeutique Bibliographie 1. Goldstone AP, Holland AJ, Hauffa BP et al. Recommendations for the diagnosis and management of Prader-Willi syndrome. J Clin Endocrinol Metab 2008 ; 93 : 4183-97. 2. Bachere N, Diene G, Delagnes V et al. Early diagnosis and multidisciplinary care reduce the hospitalization time and duration of tube feeding and prevent early obesity in PWS infants. Horm Res 2008 ; 69 : 45-52. 3. Tauber M, Barbeau C, Jouret B et al. Auxological and endocrine evolution of 28 children with Prader-Willi syndrome: effect of GH therapy in 14 children. Horm Res 2000 ; 53 : 279-87. 4. Tauber M, Diene G, Molinas C et al. Review of 64 cases of death in children with Prader-Willi syndrome (PWS). Am J Med Genet A 2008 ; 146 : 881-7. 5. Lindgren AC, Barkeling B, Hägg A et al. Eating behavior in Prader-Willi syndrome, normal weight, and obese control groups. J Pediatr 2000 ; 137 : 50-5. 6. McAllister CJ, Whittington JE, Holland AJ. Development of the eating behaviour in Prader-Willi Syndrome: advances in our understanding. Int J Obes (Lond) 2011 ; 35 : 188-97. 7. Goldstone AP. Prader-Willi syndrome: advances in genetics, pathophysiology and treatment. Trends Endocrinol Metab 2004 ; 15 : 12-20. 8. Tauber M, Conte Auriol F, Moulin P et al. Hyperghrelinemia is a common feature of Prader-Willi syndrome and pituitary stalk interruption: a pathophysiological hypothesis. Horm Res 2004 ; 62 : 49-54. 9. Feigerlová E, Diene G, Conte-Auriol F et al. Hyperghrelinemia precedes obesity in Prader-Willi syndrome. J Clin Endocrinol Metab 2008 ; 93 : 2800-5. 10. LeSauter J, Hoque N, Weintraub M et al. Stomach ghrelin-secreting 396 cells as food-entrainable circadian clocks. Proc Natl Acad Sci U S A. 2009 ; 106 : 13582-7. 11. Olszewski PK, Klockars A, Schiöth HB et al. Oxytocin as feeding inhibitor: maintaining homeostasis in consummatory behavior. Pharmacol Biochem Behav 2010 ; 97 : 47-54. 12. Borg J, Simrén M, Ohlsson B. Oxytocin reduces satiety scores without affecting the volume of nutrient intake or gastric emptying rate in healthy subjects. Neurogastroenterol Motil 2011 ; 23 : 56-61. 13. Swaab DF, Purba JS, Hofman MA. Alterations in the hypothalamic paraventricular nucleus and its oxytocin neurons (putative satiety cells) in Prader-Willi syndrome: a study of five cases. J Clin Endocrinol Metab 1995 ; 80 : 573-9. 14. Muscatelli F, Abrous DN, Massacrier A et al. 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Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 index diabète & obésité 2011 no 45 no 46 Tous les dossiers et Mises au point • N° 45 - Les pompes à insuline : les dernières innovations • N° 46 - Diabète & cancer : prévention, facteurs de risque, traitement • N° 47 - L’inflammation dans tous ses états • N° 48 - Rein & diabète : les nouvelles perspectives • N° 49 - Diabète & personne âgée • N° 50 - Chirurgie de l’obésité • N° 51 - Education thérapeutique : les nouvelles techniques pédagogiques chez le diabétique • N° 52 - Cœur et diabète : des liaisons dangereuses • N° 53 - Troubles des conduites alimentaires • N° 54 - Situations précaires : comment gérer la maladie chronique ? Articles par rubrique dà SAVOIR • N° 47 - Liste des 77 médicaments et plan de gestion des risques : que dire à nos patients ? dCHIRURGIE • N° 45 - Quelle place pour la dérivation bilio-pancréatique ? Faut-il accepter les risques et contraintes d’une chirurgie malabsorptive majeure ? • N° 46 - Suivi nutritionnel d’un patient opéré : les risques post-opératoires et les facteurs clés à surveiller • N° 48 - Traitement du diabète et de l’obésité de la personne âgée par la chirurgie bariatrique : point sur la littérature • N° 52 - Lithiase biliaire chez l’obèse : quel est l’impact de la chirurgie bariatrique ? • N° 54 - Résultats métaboliques de la gastrectomie longitudinale : des effets bénéfiques dans le diabète de type 2 Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 no 47 no 48 no 49 dCLINIQUE • N° 46 - Prévention du diabète de type 1 : entre espoirs et déceptions • N° 48 - Les troubles du comportement alimentaire à l’adolescence : savoir les reconnaître chez le diabétique de type 1 • N° 50 - L’insulinothérapie fonctionnelle : l’apprentissage du traitement insulinique intensifié du diabète de type 1 déDUCATION THERAPEUTIQUE • N° 53 - L’entretien motivationnel : un véritable état d’esprit • N° 52 - Diagnostic éducatif (ou bilan éducatif partagé) : les étapes-clés den pratique • N° 54 - Faut-il faire perdre du poids aux patients de plus de 60 ans ? Analyse de la littérature déPIDEMIOLOGIE • N° 47 - Baromètre Santé Nutrition 2008 : activité physique et sédentarité : commentaires et pistes pratiques dHISTOIRE • N° 51 - Au sujet de l’adipocyte : les différents concepts qui ont jalonné son histoire… dINTERSPÉCIALITÉ • N° 45 - Maladies parodontales, diabète et obésité : ces pathologies s’influencent-elles mutuellement ? • N° 47 - Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique : actualités • N° 52 - Douleur liée à la polyneuropathie diabétique : le raisonnement diagnostique au travers d’un cas clinique 397 index diabète & obésité 2011 no 50 no 51 no 52 no 53 no 54 LA PRISE EN CHARGE GLOBALE DU PATIENT DIABÉTIQUE d www.diabeteetobesite.org EN PRATIQUE Faut-il faire perdre du poids aux patients de plus de 60 ans ? p. 369 CHIRURGIE Résultats métaboliques de la gastrectomie longitudinale p. 373 THÉRAPEUTIQUE Le syndrome de Prader-Willi : le traitement par ocytocine peut-il être un avenir ? p. 393 INDEX DIABÈTE & OBÉSITÉ 2011 Tous les articles de Diabète & Obésité 2011 en un coup d’œil p. 398 DOSSIER FMC SITUATIONS PRÉCAIRES Comment gérer la maladie chronique ? Comment évaluer la précarité en pratique ? Inégalités sociales de santé : définitions et enjeux L’exemple de la prise en charge du diabète en milieu carcéral Décembre 2011 • Volume 6 • n° 54 • 8 € dMISE AU POINT • N° 49 - La variabilité glycémique : quel impact sur le risque cardiovasculaire ? • N° 49 - Le syndrome d’apnées du sommeil : quel lien avec le diabète ? • N° 53 - La ghréline, physiologie et perspectives thérapeutiques : un acteur primordial de la régulation alimentaire • N° 53 - La glycémie postprandiale : un paramètre à prendre en compte (aussi) dans le diabète de type 2 dNUTRITION • N° 50 - Entre sucres et édulcorants : comment faut-il “sucrer” les aliments ? • N° 52 - Les allégations nutritionnelles : bien comprendre pour mieux informer vos patients • N° 52 - L’alimentation de l’enfant diabétique : en pratique dPOLITIQUE DE SANTÉ • N° 48 - La prise en charge du diabète dans les pays émergents : des contraintes spécifiques • N° 50 - Remboursement des bandelettes d’autocontrôle glycémique : quelles sont les nouveautés ? dPRéVENTION • N° 51 - Prévenir le diabète de type 2 : des études contrôlées à la mise en pratique dPROFESSION • N° 46 - Données médicales personnelles : vos obligations à l’heure du numérique • N° 50 - Diabète et travail : aspects réglementaires dSOCIéTé • N° 45 - Les déterminants sociaux de l’obésité : quels sont les critères sociologiques influents ? dTECHNOLOGIE • N° 48 - Quelle place pour la télémédecine dans le suivi du diabète ? Expériences et perspectives dTHÉRAPEUTIQUE • N° 49 - La dyslipidémie chez le diabétique : quelle stratégie pour la traiter ? • N° 51 - Place des inhibiteurs de la DPP-4 dans le traitement du diabète de type 2 : que nous apprennent les recommandations internationales ? • N° 53 - Les incrétines, entre insulinosécrétion et insulinorésistance : les implications, de la nutrition artificielle à la chirurgie bariatrique • N° 54 - Le syndrome de Prader-Willi : le traitement par ocytocine peut-il être un avenir ? RETROUVEZ TOUTES LES ARCHIVES de 2011 SUR LE SITE : www.diabeteetobesite.org 398 Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 rendez-vous de l’industrie Association AMM pour Komboglyze® B MS et Astra Zeneca ont indiqué que la Commission Européenne a donné son accord pour l’autorisation de mise sur le marché en Europe de Komboglyze®, association fixe de saxagliptine (Onglyza®) et metformine. Komboglyze® est indiqué en association à un régime alimentaire et à la pratique d’une activité physique pour améliorer le contrôle de la glycémie chez les patients adultes atteints de diabète de type 2 lorsque la metformine seule ne permet pas d’obtenir un contrôle adéquat de la glycémie et chez les patients déjà traités par une association libre de saxagliptine et metformine. n rappellent également la marche à suivre en cas d’asthme connu (prévenir le surpoids, mesurer et surveiller l’IMC, repérer les facteur de risque de surpoids, pratiquer une activité physique régulière) et/ou de surpoids (adapter le traitement de fond pour bien contrôler l’asthme, agir en cas de crise, rechercher d’autres complications liées au surpoids et prendre celui-ci en charge en charge). Enfin, le carnet fait le point sur le cas particulier des enfants. En effet, la surcharge pondérale constitue un facteur de risque significatif de survenue d’asthme pendant l’enfance et implique donc une surveillance accrue. n Etude Guide Asthme et obésité, le nouveau carnet MSD L a collection MSD/Asthme s’enrichit de deux nouveaux carnets, « Asthme et grossesse » et « Asthme et obésité ». Réalisée sous la direction scientifique du Pr Michel Aubier (Hôpital Bichat – Paris), et en partenariat avec l’association Asthme et Allergies, la collection MSD/Asthme propose aux personnes concernées des conseils utiles et pratiques pour mieux vivre leur asthme au quotidien. Le carnet « asthme et obésité » revient sur les liens avérés entre asthme et obésité, ainsi que sur l’épidémiologie et les causes de l’obésité. En 2006, 12,4 % de la population adulte française était atteinte d’obésité, soit 5,9 millions de personnes. Plusieurs études suggèrent que les personnes obèses ont un risque accru d’asthme. Inversement, plus d’un asthmatique sur six est obèse : 16 % contre 10 % de la population non-asthmatique. Aussi, la prévalence de l’asthme est plus élevée chez les personnes obèses que chez les autres : 10,2 % contre 6,9 % parmi les personnes en surpoids et 6,3 % parmi celles ayant un poids normal ou insuffisant. De plus, les asthmatiques insuffisamment contrôlés sont plus souvent en surpoids (32 % d’entre eux) ou obèses (19 %) que les asthmatiques contrôlés (respectivement 26 % et 14 %). On note que plus l’excès de poids est important, plus le contrôle de l’asthme diminue. Par ailleurs, les asthmatiques atteints d’obésité auraient tendance à avoir plus de symptômes nocturnes et moins de tolérance à l’effort. L’asthme apparaît aujourd’hui comme une des principales comorbidités liées à l’obésité, au même titre que d’autres maladies telles que le diabète ou l’hypertension artérielle. Outre ce rappel des liens entre les deux pathologies, le nouveau carnet « asthme et obésité » donne au patient des outils pour mesurer son IMC et des conseils pratiques pour favoriser la perte de poids. Les auteurs Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Lantus® : sécurité d’emploi confirmée S anofi présentait début décembre les résultats d’une nouvelle méta-analyse au Congrès mondial du diabète, à Dubaï. Cette méta-analyse a étudié la relation éventuelle entre le diabète et le risque de cancer et ne démontre aucun risque accru pour les patients traités par Lantus® (insuline glargine). La méta-analyse a inclus des études observationnelles tirées de bases de données, d’études cliniques randomisées et contrôlées, et d’une étude de cas-témoin menée dans plusieurs pays (tels que la Suède, l’Allemagne, l’Ecosse, l’Angleterre et Taiwan). Elle regroupe plus de 80 000 patients, et 38 millions de patients-année d’exposition au traitement Lantus® (l’insuline glargine). Elle a évalué le risque de cancer de sujets diabétiques traités par différentes insulines. Sanofi rappelle par ailleurs s’être engagé à générer plus d’informations permettant d’évaluer l’existence d’un lien entre le cancer et l’utilisation d’insuline, et d’évaluer l’existence d’une différence de risque entre l’insuline glargine et les autres insulines. En accord avec l’Agence européenne des médicaments (EMA) et avec le concours des autorités de santé, trois études de grande ampleur, dont deux études de cohortes rétrospectives et une étude cas-témoins, sont actuellement menées par des investigateurs indépendants. Les résultats définitifs de la première d’entre elles, fondée sur des bases de données d’Europe du Nord, seront présentés à la communauté scientifique en 2012. n Antidiabétique Fin de commercialisation de Diamicron® 30 mg D epuis le 1er novembre, Diamicron® 30 mg comprimé à libération modifié du laboratoire Servier n’est plus 399 rendez-vous de l’industrie commercialisé. La forme 60 mg reste en revanche disponible. Pour mémoire, Diamicron® est indiqué dans le traitement du diabète non insulinodépendant chez l’adulte, lorsque le régime alimentaire, l’exercice physique et la réduction pondérale seuls ne sont pas suffisants pour obtenir l’équilibre glycémique. n Matériel Le iCool Weekender, un trousse de voyage pour conserver au frais M edActiv propose le iCool Weekender, une nouvelle trousse de voyage pour les médicaments sensibles à la chaleur. MedActiv rappelle que si l’insuline est exposée à des températures extrêmes, elle est endommagée et perd très vite son efficacité. Ceci est une préoccupation majeure pour les diabétiques quand ils voyagent dans des pays où la température ambiante est élevée. L’entreprise propose donc la trousse de voyage iCool Weekender qui maintient l’insuline au frais pendant 12 heures. n Insuline Levemir® chez l’enfant diabétique de type 1 N ovo Nordisk annonçait fin septembre que le Comité des Médicaments à usage humain (CHMP) de l’Agence Européenne pour l’évaluation des médicaments (EMA) a émis un avis favorable recommandant l’extension de l’autorisation de mise sur le marché dans l’Union Européenne de son insuline Levemir® (insuline détémir), analogue de l’insuline basale, à l’utilisation chez les enfants diabétiques de type 1 à partir de 2 ans. La recommandation du CHMP repose sur des données montrant que l’insuline détémir est une alternative thérapeutique aussi efficace que l’insuline NPH chez les enfants diabétiques de type 1 âgés de deux à cinq ans. 400 Les résultats du sous-groupe de patients de 2 à 5 ans, selon la stratification prédéfinie dans le protocole, montrent une incidence numériquement plus faible des hypoglycémies sur 24 heures et des hypoglycémies nocturnes chez les enfants âgés de deux à cinq ans traités par l’insuline détémir associée à un analogue de l’insuline d’action rapide (NovoRapid® - insuline asparte), comparée au groupe d’enfants sous insuline basale humaine (insuline NPH - neutral protamine Hagedorn) et insuline asparte (hypoglycémies sur 24 heures : 50,6 vs 78,3 épisodes par patient-année ; hypoglycémies nocturnes : 8,0 vs 17,4 épisodes par patient-année). n Logiciel Anomalies sur le logiciel Auto- Assist du FreeStyle Papillon InsuLinx A bbott informait fin octobre les utilisateurs d’une anomalie dans le logiciel Auto-Assist inclus dans le système d’autosurveillance de la glycémie FreeStyle Papillon InsuLinx qui peut réinitialiser certains paramètres de personnalisation aux valeurs par défaut. Les paramètres qui peuvent être affectés sont : les valeurs du calculateur de bolus qui repassent « 0 », les préférences audio, les notes, les rappels et les messages hebdomadaires. En revanche, les fonctionnalités et les résultats de la mesure de la glycémie ne sont pas impactés et les patients peuvent continuer à utiliser leur lecteur. Abbott a développé une solution en plusieurs étapes que les utilisateurs doivent suivre afin de corriger définitivement ce dysfonctionnement potentiel et qui peut être consulté sur le site : www.freestyleinsulinx.com/importantupdate Cette anomalie se présente uniquement lors de la première utilisation des fonctions de sauvegarde et de restauration du logiciel Auto-Assist. Aucun autre produit Freestyle ou Abbott n’est concerné. Les utilisateurs qui se servent de la version pour MacintoshTM du logiciel FreeStyle Auto-Assist ne sont pas concernés. n Diabète & Obésité • Décembre 2011 • vol. 6 • numéro 54 Le premier réseau social professionnel desendocrinologues Déjà 2 membr 25 Et vouses ! ? Suivez l’actualité Retrouvez vos contacts Créez votre page entreprise Communiquez sur vos événements Recrutez ou trouvez un emploi Rejoignez vos contacts dès maintenant en vous inscrivant sur : http://docteursearch.com Un réseau et Expression Groupe Docteursearch.com est exclusivement réservé aux médecins. En application de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le site web a fait l’objet d’une déclaration auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (http://www.cnil.fr). Docteursearch est une marque déposée à l’INPI.