N°ordre 2001ISAL0072 Année 2001 THESE Présentée DEVANT L’INSTITUT DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON Pour obtenir LE GRADE DE DOCTEUR FORMATION DOCTORALE : Génie des matériaux ECOLE DOCTORALE : Matériaux de Lyon Par Nicolas LAVAIRE (Ingénieur de l’Institut des Sciences et Techniques de Grenoble) Etude des phénomènes à l'origine du vieillissement des aciers pour emballage à "Ultra Bas Carbone" (ULC): Apport du Pouvoir Thermo-Electrique à la caractérisation des états microstructuraux. Soutenue le 20 décembre 2001 Jury Mmme André Pineau Rapporteur Pierre Auger Rapporteur Jean Luc Christen Véronique Sardoy François Gobin Roger Fougères Véronique Merlin Directeur de thèse THESE de Doctorat Etude des phénomènes à l'origine du vieillissement des aciers pour emballage à "Ultra Bas Carbone" (ULC): Apport du Pouvoir Thermo-Electrique à la caractérisation des états microstructuraux. Nicolas LAVAIRE SOMMAIRE Abréviations utilisées INTRODUCTION I. GENERALITES I.A. Les aciers plats au carbone pour emboutissage 12 18 18 I.A.1. Introduction 18 I.A.2. La fabrication des aciers plats au carbone 19 I.B. Les aciers pour emballages 21 I.B.1. Généralités 21 I.B.2. Recuit et relaminage des APE ULC 21 I.B.3. propriétés mécaniques et rhéologiques des APE 22 I.C. Etats du carbone et de l’azote dans les aciers extra-doux I.C.1. Systèmes Fe-C et Fe-N 24 I.C.1.a) diagrammes d’équilibre 24 I.C.1.b) Les carbures de fer 26 I.C.1.c) les nitrures de fer 27 I.C.2. Aciers extra-doux I.D. 24 29 I.C.2.a) Nitrure d’aluminium: AlN 29 I.C.2.b) Interactions substitutionnel-interstitiel 29 I.C.2.c) Les atmosphères de Cottrell 30 I.C.2.d) Ordre ou atmosphères de Snoek 31 I.C.2.e) Ségrégation aux joints de grains 32 Déformation dans un acier bas carbone 33 I.D.1. Génération de nouvelles dislocations : Sources de dislocations 33 I.D.2. Sous-structure de dislocations 33 I.D.3. Densité de dislocations 34 II. LE VIEILLISSEMENT DANS LES ACIERS BAS CARBONE 36 II.A. Introduction 36 II.B. Le vieillissement après trempe 38 II.C. Le vieillissement après écrouissage 41 II.C.1. Généralités et définition 41 II.C.1.a) Signature du vieillissement après écrouissage 41 II.C.1.b) Le Bake Hardening 42 II.C.1.c) L’Aging Index 42 II.C.2. Théorie du vieillissement après écrouissage 43 II.C.3. Mécanismes du vieillissement après écrouissage 45 II.C.4. Effet de la température – Equivalences temps-température 49 II.C.5. Effet de la quantité d’interstitiels sur le vieillissement 50 II.C.6. Effet de la déformation 52 II.C.6.a) Taux de déformation 52 II.C.6.b) Mode de déformation 52 II.C.6.c) Effet d’un vieillissement entre 2 déformations 54 II.C.7. II.D. Influence de la taille de grains Discussion III. TECHNIQUES EXPERIMENTALES 54 55 58 III.A. Le frottement interne (FI): mesure du pic de Snoek et dosage du carbone et de l’azote en solution dans des aciers extra-doux 58 III.A.1. Généralités 58 III.A.2. Aspects théoriques 59 III.A.2.a) Relaxation de Snoek 59 III.A.2.b) Cinétique de la relaxation: 60 III.A.2.c) Intensité de la relaxation 61 III.A.2.d) Forme du spectre de FI 62 III.A.3. Cas des systèmes Fe-C, Fe-N et Fe-M-C-N 63 III.A.3.a) ∆H et Tm du carbone et de l’azote dans le fer alpha 63 III.A.3.b) Dosage par mesure du frottement interne 64 III.A.3.c) Influence de la composition chimique 64 III.A.4. Mesure du frottement interne III.A.4.a) Appareil de mesure : pendule de torsion, mesure du décrément logarithmique 71 71 III.A.5. Préparation des échantillons 73 III.A.6. Correction en fréquence des spectres 73 III.B. Le Pouvoir ThermoElectrique (PTE) 73 III.B.1. Effets thermoélectriques 73 III.B.1.a) L’effet Peltier 74 III.B.1.b) L’effet Thomson 74 III.B.1.c) L’effet Seebeck 75 III.B.1.d) Le PTE absolu des métaux purs 76 III.B.2. La mesure du PTE 77 III.B.3. Le PTE du fer pur et des aciers peu alliés 78 III.B.3.a) Le PTE du fer pur 78 III.B.3.b) Influence des solutés : règle de Gorter et Nordheim 79 III.B.3.c) Effet des dislocations 82 III.B.3.d) Effet des précipités 82 III.B.3.e) Effets d’autres défauts 83 III.B.3.f) Conclusion et nomenclature 83 III.C. La microscopie électronique à transmission et l’analyse chimique III.C.1. 85 préparation des échantillons 85 III.C.1.a) lames minces 85 III.C.1.b) répliques directes 86 III.C.2. Microscopie 86 III.C.3. Microanalyse (EDS) 87 III.D. Les traitements thermiques 87 III.D.1. préparation des échantillons 87 III.D.2. traitements isothermes 87 III.D.2.a) en bains 87 III.D.2.b) fours 88 III.E. Les essais mécaniques 89 III.E.1. dureté Vickers (Hv) 89 III.E.2. essais de traction 89 III.F. Aciers étudiés 90 III.F.1. Détails de fabrication et de préparation 90 III.F.2. Compositions chimiques et coefficients PTE 93 IV. MISE AU POINT D’UNE METHODE DE DOSAGE DES ATOMES INTERSTITIELS ACTIFS VIS A VIS DU VIEILLISSEMENT 94 IV.A. Dosage par frottement interne IV.A.1. Introduction IV.A.2. Influence de la texture et de la composition sur la relation [C] = KC. 94 94 max 94 IV.A.2.a) Aciers étudiés et traitements thermiques 94 IV.A.2.b) Effet de la texture sur KC 95 IV.A.2.c) Effet du manganèse sur le coefficient KC 97 IV.A.2.d) Discussion 101 IV.A.2.e) Conclusion 102 IV.A.3. Cas du système Fe-Mn-C-N 102 IV.A.3.a) Procédure expérimentale 102 IV.A.3.b) Résultats et discussion - déconvolution métallurgique 103 IV.A.3.c) Déconvolution "mathématique" 105 IV.A.3.d) Conclusion 106 IV.B. Etude préliminaire du vieillissement après écrouissage par mesure du PTE : Proposition d'une méthode de dosage de C et N libres 107 IV.B.1. Introduction 107 IV.B.2. Etude préliminaire du vieillissement après écrouissage d’un acier ULC brut de recuit 108 IV.B.2.a) Variation du PTE d'un acier ULC avec la déformation - corrélation avec la dureté 108 IV.B.2.b) Evolution du PTE pendant le vieillissement après écrouissage d'un acier ULC et sa signification 110 IV.B.2.c) Discussion en vue du dosage IV.B.3. 112 Validation des critères pour le dosage des atomes interstitiels libres par PTE IV.B.3.a) Effet de l’écrouissage sur la cinétique de vieillissement IV.B.3.b) Relation entre la quantité d’interstitiel qui ségrègent et 113 113 Sa,max IV.B.3.c) Conclusion IV.C. Dosage du carbone et/ou de l’azote libre par PTE après écrouissage 115 117 118 IV.C.1. protocole expérimental 118 IV.C.2. Capacité du dosage 119 IV.C.3. Séparation du carbone et de l’azote 121 IV.C.4. Comparaison avec le dosage par frottement interne 122 IV.C.4.a) Cas du carbone 122 IV.C.4.b) Cas de l’azote 124 IV.C.5. Discussion 125 IV.C.6. Origine des atomes de carbone libre « invisibles » 126 IV.C.6.a) Dissolution d’amas ou de précipités cohérents du fait de l’écrouissage 126 IV.C.6.b) Remise en solution d’atomes de carbone initialement piégés sur des dislocations ou aux joints de grains 126 IV.C.6.c) Interaction avec des éléments substitutionnels 130 IV.C.6.d) Conclusion 132 IV.C.7. Discussion sur l’apport de l ‘utilisation de la mesure du PTE et du dosage par PTE pour l’étude du vieillissement IV.C.8. Conclusion 132 133 V.PRECIPITATION DANS LES ACIERS ULC - DESCRIPTION DE L’ETAT BRUT DE RECUIT : BILAN DES INTERSTITIELS ACTIFS VIS A VIS DU VIEILLISSEMENT APRES ECROUISSAGE 136 V.A. Introduction 136 V.B. L'état brut de recuit 137 V.B.1. Prélèvements et conservation 137 V.B.2. Effet d’un traitement de remise en solution suivi d’une hypertrempe 137 V.B.3. Conclusion 138 V.C. Précipitation après hypertrempe dans les aciers ULC au cours d’un revenu isotherme effectué entre 20 et 270 °C 138 V.C.1. Introduction 138 V.C.2. Effet des carbures de fer sur le PTE de l’acier 139 V.C.3. Protocole expérimental 139 V.C.4. Résultats expérimentaux 140 V.C.5. Ségrégation aux joints de grains 143 V.C.5.a) Modèle 143 V.C.5.b) Quantité de carbone ségrégé aux joints de grains 143 V.C.5.c) Effet de la taille de grains 145 V.C.5.d) Effet de la ségrégation du carbone aux joints de grains sur les caractéristiques mécaniques en traction V.C.5.e) Analyse d’un joint de grains en sonde atomique tomographique (SAT) 146 148 V.C.6. Précipitation du carbone dans les aciers ULC 150 V.C.7. Ebauche d’un diagramme TTP après remise en solution totale du carbone 153 V.D. Dosage par PTE du carbone et de l’azote libres dans les aciers ULC 155 V.D.1. Introduction 155 V.D.2. Détermination de l’état [C]* 155 V.D.2.a) Rappel 155 V.D.2.b) Carbone libre en équilibre à 270 °C, quantité [C]* 156 V.D.2.c) Conséquences pour le dosage et l’étude du vieillissement 159 V.D.3. V.E. Application au dosage du carbone et de l’azote dans nos nuances d'aciers ULC 160 Bilan des interstitiels actifs vis à vis du vieillissement dans un acier ULC : Etat de l’acier ULC brut de recuit VI. VIEILLISSEMENT APRES ECROUISSAGE D’ACIERS ULC 162 166 VI.A. Introduction 166 VI.B. Cinétiques de ségrégation des interstitiels libres sur les dislocations 167 VI.B.1. Introduction 167 VI.B.2. Effet de la quantité initiale d’interstitiels libres 167 VI.B.3. Cinétiques de vieillissement du carbone et de l’azote 168 VI.B.4. Effet du taux de déformation sur la cinétique de ségrégation des interstitiels 171 VI.C. Quantité d’interstitiels ségrégés 174 VI.C.1. Densité des atmosphères de Cottrell 174 VI.C.2. Détermination directe par PTE des quantités de C et N ségrégés 175 VI.C.3. Modèle énergétique 178 VI.C.4. Conclusion 182 VI.D. Effet du vieillissement sur les propriétés mécaniques 183 VI.D.1. Remarques préliminaires concernant la mesure de dureté 183 VI.D.2. Evolution de la dureté au cours de l’écrouissage 184 VI.D.3. Evolution de la dureté au cours du vieillissement 185 VI.D.4. Effet de la quantité d’interstitiels libres sur la variation de dureté observée au terme du vieillissement 187 VI.D.4.a) Résultats bruts 187 VI.D.4.b) Hva,max au regard de [C + N]ségrégé 188 VI.D.4.c) Influence de la déformation sur l’efficacité des interstitiels 190 VI.D.5. Conclusion VI.E. Effet de l’ancrage des dislocations par les interstitiels 191 192 VI.E.1. Introduction 192 VI.E.2. Durcissement par solution solide du carbone et de l’azote 193 VI.E.2.a) Eléments bibliographiques 193 VI.E.2.b) Effets du carbone en solution solide sur la dureté Vickers 193 VI.E.2.c) Effet de l’azote sur la résistance mécanique 195 VI.E.3. Durcissement lié à l’ancrage des dislocations VI.F. Comportement à la déformation d’aciers vieillis 195 198 VI.F.1. Introduction 198 VI.F.2. Déformation d’un état vieilli après écrouissage 199 VI.F.2.a) Préparation des échantillons 199 VI.F.2.b) Comportement à la redéformation 200 VI.F.3. Diagramme PTE-dureté 202 VI.F.3.a) Schéma en 1 passe 202 VI.F.3.b) Schéma en 2 passes 203 VI.F.4. Interprétation du diagramme PTE-dureté 205 VI.F.4.a) définitions 205 VI.F.4.b) Schéma en 1 passe 206 VI.F.4.c) Schéma en 2 passes 207 VI.F.4.d) Consolidation déduite de l’analyse PTE-Hv 211 VI.F.4.e) Désancrage des dislocations – Remise en solution des interstitiels 212 VI.F.5. Conditions de dissolutions de précipités lors de la déformation 213 VI.F.6. Aspect pratique de la double réduction en 2 passes 215 VI.G. Conséquences du vieillissement d’aciers ULC sur les caractéristiques de traction218 VI.G.1. Comparaison Hv – Rm 219 VI.G.2. Evolution des caractéristiques de traction au cours du vieillissement 219 CONCUSION GENERALE Références bibliographiques ANNEXES 220 Abréviations utilisées BH Bake Hardening AI Aging Index IF Interstitial Free Steel ULC Ultra Low Carbon (acier Ultra Bas Carbone) FI Frottement Interne PTE Pouvoir ThermoElectrique DR Double Réduction SP Skin Pass δ décrément logarithmique, mesure du frottement interne ρ résistivité électrique Ki coefficient d’influence de l’élément i sur le pic de Snoek (i = C ou N) Pi coefficient d’influence du soluté i sur le PTE (i = C ou N) p paramètre de maille du fer Λ densité de dislocations εeq déformation équivalente φ taille de grain Di coefficient de diffusion de l’élément i dans le fer alpha k constante de Boltzmann R constante des gaz parfaits b vecteur de Bürgers S* pouvoir thermoélectrique absolu S pouvoir thermoélectrique par rapport au fer pur ∆S pouvoir thermoélectrique par rapport à une référence donnée S{X} pouvoir thermoélectrique par rapport au fer pur d’un acier à l’état X ∆SX variation de PTE de l’acier entre un état initial et un état X Hv dureté Vickers Hv{X} dureté Vickers d’un acier à l’état X ∆HvX variation de dureté de l’acier entre un état initial et un état X X= a état vieilli a, max état vieilli totalement (fin de ségrégation des interstitiels) p état précipité ε état écroui bRC état brut de recuit continu Rm charge à rupture ReL limite d’élasticité basse ReH limite d’élasticité haute (crochet de traction) Ag% allongement réparti A% allongement à rupture [C]libre fraction massique de carbone libre (idem pour N ou C+N) [C]total fraction massique de carbone total (idem pour N ou C+N) [C]ségrégé fraction massique de carbone ségrégé (idem pour N ou C+N) INTRODUCTION Les aciers pour emballage (APE) représentent pour les aciéristes une part importante du marché des produits plats. Les exigences spécifiques des fabricants et utilisateurs d’emballages (faibles épaisseurs, résistance mécanique, fortes cadences de production, formes de plus en plus complexes...) conduisent les aciéristes à développer de nouvelles nuances d'aciers aux caractéristiques optimisées et garanties afin de répondre aux impératifs industriels et commerciaux. Traditionnellement les nuances utilisées dans le domaine de l'emballage étaient des aciers calmés à l'aluminium contenant de l'ordre de 50.10-3 % de carbone. Parmi les nouvelles nuances développées au cours de ces dernières années, notamment pour les applications boites boissons et boites alimentaires en 2 pièces, les aciers "ultra bas carbone" dégazés sous vide (ULC pour Ultra Low Carbon) occupent une place importante. Les particularités des ULC résultent du contrôle strict de leur composition chimique et de leurs teneurs en carbone inférieures à 6.10-3 %. Cela permet d'optimiser et de garantir leurs propriétés mécaniques pour leur mise en forme par emboutissage, et en outre leur passage par la filière de recuit continu est facilité puisque le traitement de "survieillissement", indispensable pour limiter les phénomènes de vieillissement avec et sans écrouissage des nuances traditionnelles, n'est plus nécessaire. En effet un comportement commun à la plupart des nuances d'aciers pour emboutissage tient dans les phénomènes de vieillissement susceptibles de se produire durant le stockage avant mise en forme des produits, phénomènes se traduisant essentiellement par une augmentation de la résistance mécanique associée à une perte de ductilité et par la réapparition de déformations hétérogènes lors de la mise en forme ultérieure conduisant à des défauts d’aspect voir à une rupture par striction. En l'absence de déformation préalable il peut se développer un vieillissement associé essentiellement à des phénomènes de précipitation impliquant des éléments mobiles à la température ambiante et donc ne pouvant concerner que la formation de carbures et/ou de nitrures de fer dans des nuances contenant des teneurs en interstitiels libres relativement élevées (> à 5 10-3 %). Par contre après un écrouissage, ce qui est le cas de la plupart des tôles qui sont relaminées à froid pour éliminer les déformations inhomogènes (Skin-Pass, SP) ou augmenter les propriétés mécaniques (Double Réduction, DR), il peut aussi se produire un vieillissement lié à l’ancrage des dislocations par les éléments interstitiels (carbone et/ou azote) susceptibles de diffuser vers celles-ci. Ce dernier phénomène très général occupe une grande place dans le développement et le choix d’une métallurgie pour une application donnée. Il peut être préjudiciable à la mise en forme finale (déformation inhomogène conduisant à des défauts de surface, aciers plus difficiles à emboutir...), mais aussi se révéler utile afin d’améliorer la résistance de l’acier après mise en forme (aciers à Bake Hardening dans l’industrie automobile par exemple) Si les phénomènes de vieillissement ont beaucoup été étudiés dans les années 50-60 sur des aciers bas carbone (« effervescents » ou « calmés aluminium »), les nouvelles métallurgies utilisées ne permettent pas systématiquement d’extrapoler les résultats d’alors au cas des aciers ULC. Ceci est vrai notamment en ce qui concerne la précipitation après trempe des carbures et des nitrures étant données les faibles sursaturations dans les ULC, ainsi que pour l’estimation de la quantité d’interstitiels (carbone et/ou azote) en solution solide après recuit, paramètre important quant à l’amplitude de l’évolution des propriétés mécaniques liée au vieillissement. En ce qui concerne les données de la littérature, il apparaît des résultats très divergents en ce qui concerne l'amplitude des effets observés et la quantité de carbone estimée en solution solide, ce dosage étant réalisé principalement par des mesures de frottement interne. Dans les aciers ULC, la présence simultanée de carbone et d’azote en solution solide ne rend que plus délicate le dosage de ces deux éléments ainsi que l’étude du vieillissement car on ignore l’existence d’éventuels effets de compétition ou de synergie sur les mécanismes du vieillissement. Enfin, le comportement lors d'une déformation ultérieure d’un acier déjà écroui et vieilli n’a été que très peu étudié, alors que c’est le chemin thermomécanique habituel des aciers pour emballage qui peuvent être relaminés à froid de quelques dizaines de % après recuit ("double réduction") avant d'être revêtus d'un verni devant subir un traitement de cuisson avant la mise en forme du produit. L’objectif de ce travail est de tenter d'apporter une réponse à ces questions à partir de l’étude du vieillissement et de ces conséquences sur des aciers ULC industriels brut de recuit continu. Pour ce faire, nous avons choisi de mener notre travail autour de deux principales thématiques : • Définir quel est l’état métallurgique d’un acier ULC après recuit continu ; plus particulièrement en ce qui concerne les états du carbone et de l’azote, afin de déterminer quelles fractions de ces atomes sont susceptibles de participer au vieillissement lors d’étapes ultérieures. Les cycles de recuit continu étant difficiles à simuler et variant d’une installation à une autre, nous avons choisi d’étudier la précipitation isotherme (T < 300°C) à partir d’un état trempé. Par extrapolation, nous décrirons l’état microstructural après recuit et serons capables de prévoir une éventuelle précipitation lors des traitements thermiques ultérieurs. • Le deuxième thème autour duquel s’articulent nos travaux concerne le vieillissement après écrouissage à proprement parler. Il s’agira de définir les paramètres pertinents permettant de prévoir et de contrôler le vieillissement afin d’en tirer le maximum de gain en terme de propriétés mécaniques sur les aciers ULC avant mise en forme. Nous nous intéresserons aux paramètres cinétiques (temps et température de vieillissement) ainsi que métallurgiques (quantité d’interstitiels « libres », taux d’écrouissage...). L’effet d’une déformation ultérieure au vieillissement initial sera également étudié. Si diverses techniques expérimentales ont été utilisées pour ce travail (frottement interne, examen micrographique, essais mécaniques...), la technique majeure est la mesure du Pouvoir Thermoélectrique (PTE). Nous verrons dans quelle mesure cette technique s’est révélée avantageuse par rapport au frottement interne pour la détermination de la quantité d’interstitiels en solution solide, mais également pour décrire l’état d’écrouissage et/ou de vieillissement des aciers étudiés. Le mémoire se décompose en six chapitres. Dans le chapitre 1, il s’agit de faire une revue bibliographique générale sur les aciers plats bas carbone et sur les états du carbone et de l’azote dans ces aciers. Le chapitre 2 est lui consacré à un résumé de la bibliographie existante sur le vieillissement d’aciers bas carbone après trempe et après écrouissage. Le chapitre 3 décrit les techniques expérimentales de traitements thermomécaniques et de caractérisation. La mesure du frottement interne et celle du pouvoir thermoélectrique font l’objet d’une revue bibliographique. Dans le chapitre 4 sont montrées les limites du dosage des interstitiels en solution solide par la mesure du frottement interne et la pertinence de l’utilisation du PTE pour ce dosage. Une nouvelle méthode est proposée ce qui amène à reconsidérer la relation de proportionnalité entre la quantité de carbone susceptible de ségréger sur les dislocations (admise comme étant le carbone présent en solution solide) et le maximum du pic de Snoek. Le chapitre 5 répond à la première thématique et est conclu par la description précise des populations de carbone et d’azote rencontrées dans un acier ULC, de leur occurrence à l’état recuit et de leur caractère actif ou non vis à vis du vieillissement après écrouissage. Le chapitre 6 fait état des résultats acquis sur le vieillissement après écrouissage et propose des interprétations. Ces résultats se distinguent nettement de ce qui est généralement admis et font la démonstration de la pertinence de la mesure du Pouvoir ThermoElectrique qui, associée à la caractérisation mécanique, permet d’appréhender de manière originale les mécanismes du vieillissement et leurs conséquences lors de déformations ultérieures. Enfin, une conclusion générale est consacrée au bilan des résultats de la thèse et de leurs interprétations. Des perspectives sont avancées pour la suite à donner à ces travaux. 18 I. Généralités I.A. Les aciers plats au carbone pour emboutissage I.A.1. Introduction Les aciers plats se divisent en plusieurs catégories définies principalement par leurs caractéristiques dimensionnelles (essentiellement l’épaisseur) conditionnées par l’utilisation finale du produit. Ainsi, on peut distinguer les plaques (e > 10 mm) des tôles (e < 3 mm). Cette dernière catégorie est amenée à être mis en forme par des procédés tels que l’emboutissage (même si ce procédé n’est quelquefois qu’une étape intermédiaire dans le processus de fabrication), procédé extrêmement répandu dans des secteurs d’activités comme l’automobile, les biens électroménagers et l’emballage. L’emboutissage exige du matériau une capacité à subir des déformations telles que les aciers concernés appartiennent à la famille des aciers extra-doux (C < 0,1 %). Dans cette famille, on distingue encore des sous familles identifiées par leur teneur en carbone : • Aciers bas carbone (Low Carbon, LC) avec 0,02 % < C < 0,08 % • Aciers très bas carbone (Extra Low Carbon, ELC) avec 0,006 %< C < 0,02 % • Aciers ultra bas carbone (Ultra Low Carbon, ULC) avec 0,002 % < C < 0,006 % • Aciers super ultra bas carbone (Super Ultra Low carbon, SULC) avec C < 0,002 % Les métallurgistes ont l’habitude de désigner leurs produits par des qualités correspondant à leurs propriétés (mécaniques, résistance à la corrosion...) qui permettent à leurs clients de les identifier. Ces qualités sont obtenues à partir de métallurgies différentes et en adaptant les conditions de fabrication. Ces métallurgies s’identifient souvent à partir d’une des caractéristiques de leur composition chimique. On trouve par exemple : • les aciers calmés à l’aluminium (Al killed), bas carbone, ULC … • les aciers sans interstitiels au titane (IF-Ti) 19 • les aciers bas aluminium renitrurés • … Finalement, la qualité visée conditionne le type de métallurgie et la filière de fabrication (recuit base ou continu …). Malgré tout, la fabrication d’aciers plats passe par différentes étapes qui sont données dans la partie suivante. I.A.2. La fabrication des aciers plats au carbone Le process d’élaboration des aciers plats est schématisé sur la Figure I-1. On y retrouve les différentes étapes principales : Usine à chaud • Métallurgie primaire : obtention de la fonte puis de l’acier • Métallurgie secondaire : mise à nuance (décarburation, ajouts d’éléments métalliques...) • Coulée continue : solidification du métal en brames (épaisseur d’environ 200 mm) • Laminage à chaud : diminution de l’épaisseur (200 mm à quelques mm), contrôle de la taille des grains et de la texture • Bobinage à température + ou - élevée : contrôle de la précipitation du carbone (Fe3C), de l’azote (AlN) ou autres (TiC …). Usine à froid • Laminage à froid : mise à l’épaisseur (quelques 10èmes de mm) • Recuit base (en bobine) ou continu (au défilé) : recristallisation totale avec contrôle de la taille, de la morphologie du grain et de la texture. Contrôle de la quantité d’interstitiel en solution (précipitation du carbone par “ survieillissement ” en recuit continu) • Skin Pass (SP) ou Double Réduction (DR) : laminage à froid de 1 à 2 % pour effacer le palier de traction dans le cas du SP, ou de 5 à 50 % pour augmenter la résistance mécanique dans le cas de la DR. • Revêtement : dépôt d’une couche superficielle de protection contre la corrosion (Sn, Cr, Zn…) 20 Figure I-1 : schéma d’une usine intégrée. Process d’élaboration de l’acier. usine à chaud usine à froid (Sollac Atlantique – Mardyck) 21 I.B. Les aciers pour emballages I.B.1. Généralités La catégorie des Aciers Pour Emballages (APE) est celle des aciers utilisés pour le conditionnement de produits alimentaires ou non. Elle comporte trois types de produits : • le fer noir (acier non revétu) • le fer blanc électrolytique (étamé) • le fer chromé (Tin Free Steel, TFS) Ces produits se déclinent en différentes qualités mais le sigle APE met l’accent sur l’utilisation finale du matériau : l’emballage. Ce qui distingue les APE des « tôles » utilisées dans l’industrie automobile sont leurs caractéristiques dimensionnelles (épaisseurs inférieures à 0,3 mm), leurs propriétés mécaniques et leur aptitude à répondre aux impératifs industriels et commerciaux (forte cadence de production, formes complexes). Une application répandue des APE est la réalisation de boites en 2 parties (le corps et le couvercle) dont les applications sont essentiellement les boites boissons et certaines boites alimentaires. Si les procédés de mise en forme sont complexes (boites embouties-réembouties, Draw and ReDraw: DRD, et embouties-repassées, Drawing and Wall-Ironing: DWI) l’emboutissage est toujours utilisé. La qualité de l’acier utilisé est différente qu’il s’agisse du corps ou du couvercle de la boite et les aciers ULC constituent une famille qui satisfait bien au exigence de ce type d'emballage. I.B.2. Recuit et relaminage des APE ULC Parce que la diminution de la quantité de carbone dans l'acier conduit à conférer une bonne aptitude à l'emboutissabilité [HUT84a,b][USH94], les aciers ULC recuit en continu sont utilisés pour des application APE. La faible concentration en carbone total conduit à rendre inutile l'étape de survieillissement destinée à réduire la quantité de carbone en solution dans les bas carbone pour les rendre moins susceptibles au vieillissement. L'acier est donc recuit en continu à des températures d'environ 700 °C et refroidi rapidement (quelques dizaines de degrés par seconde) avant d'être bobiné à une température inférieure à 100 °C. L'acier recuit est ensuite relaminé à froid, on parle de simple ou de double réduction (SR ou DR). L'objectif de ce relaminage est de supprimer l'effet du vieillissement (SR déformation 22 d'environ 1 % semblable au skin pass) ou conférer à l'acier l'épaisseur visée et accroître ses caractéristiques mécaniques (DR, relaminage jusqu'à des taux d'allongement de 5 à 40 %). Après double réduction, les caractéristiques de traction sont une résistance mécanique importante (de 400 à 700 MPa) et une ductilité faible (allongement à rupture de quelques % voir moins). Malgré cela, l'acier présente encore une aptitude à l'emboutissage. Ce sont effectivement d'autres propriétés rhéologiques qui conditionnent aussi cette aptitude. I.B.3. propriétés mécaniques et rhéologiques des APE Les propriétés mécaniques exigées pour des aciers emboutis sont parfois contradictoires. Il faut en effet que la mise en forme soit la plus aisée possible, donc que le matériaux soit ductile (limite élastique faible et allongement à la rupture élevé), et que la tenue mécanique de l’objet final soit la plus élevée possible. Cette dernière exigence est en partie réalisée par un traitement de vieillissement (lors de la cuisson des peintures, des vernis ou pendant l’appertisation) détaillé dans le chapitre II. Mais il existe d’autres caractéristiques qui définissent l’aptitude à l’emboutissage. Même s’il existe des essais dédiés à la mesure de cette aptitude (essai Jovignot pour l’aptitude à la déformation par expansion, et essai Swift pour l’aptitude à la déformation par rétreint), elle peut être déduite à partir d’essais de traction. On en tire les caractéristiques suivantes : L’allongement uniformément répartie εs ou Ag% qui caractérise la capacité d’allongement du métal avant striction et par conséquent la capacité à l’expansion du métal. La striction apparaît quand une augmentation de la déformation ne produit plus d’augmentation de la charge supportée par l’éprouvette. En considérant que la déformation se fait à volume constant, on peut écrire qu’à l’apparition de la striction1 : dσ = σ et qu’en ce point la déformation s’écrit εs dε ( I-1) Comme on décrit souvent la courbe de traction d’un acier extra-doux par une relation d’Hollomon, σ = k.εn où n est le coefficient d’écrouissage, l’équation (I-1) donne alors : n = εs Dans la littérature, on retrouve souvent une confusion entre ces deux termes. εs ou n sont des indicateurs de la ductilité de l’acier et l’aptitude à la déformation par expansion est d’autant meilleure que n est élevé. Le coefficient d’anisotropie de déformation r ou coefficient de Lankford représente l’aptitude du matériau à résister à l’amincissement. Plus r est élevé, meilleure est l’aptitude 1 La contrainte et la déformation évoquées ici sont les valeurs vraies qui se déduisent des valeurs conventionnelles σC et εC par les relations σ = σC.(1+εC) et ε = ln(1+εC) 23 au rétreint. Il se calcule en faisant le rapport entre la déformation en largeur et en épaisseur pour une déformation en traction donnée. r= εw εe où εw est la déformation en largeur et εe la déformation en épaisseur. En pratique, la mesure précise de εe est difficile sur des tôles minces. On utilise alors la loi de conservation de volume qui donne εe = -εL - εw où εL est la déformation en longueur de l’éprouvette. Du fait de la texture, le coefficient r, comme les autres caractéristiques, varie dans le plan de la tôle. On détermine couramment 3 coefficients r pour des éprouvettes prélevées à 0°, 45° et 90° de la direction de laminage et on calcule le coefficient d’anisotropie moyen dit “ normal ” r= r0 + 2.r45 + r90 4 et un coefficient dit “ d’anisotropie plane ” défini par ∆r = r0 + r90 − 2.r45 2 qui mesure en principe la tendance d’une tôle à donner un embouti sans former de cornes. Le process de fabrication des aciers pour emboutissage doit optimiser ces caractéristiques car c’est toute la « route métallurgique » qui définit les propriétés finales de l’acier. 24 I.C. Etats du carbone et de l’azote dans les aciers extra-doux I.C.1. Systèmes Fe-C et Fe-N I.C.1.a) diagrammes d’équilibre Les diagrammes d’équilibre de ces deux systèmes sont donnés sur la Figure I-2 et la Figure I-3. Figure I-2 : Diagramme de phase du système Fe-C Figure I-3 : Diagramme de phase du système Fe-N 25 Etant données les concentrations en carbone et en azote dans les APE (C < 0,1 % et N < 0,05 %), nous ne nous intéressons qu’aux parties extrêmes gauches de ces diagrammes. La phase alpha (ferrite) correspond à la structure cubique centrée du fer dans laquelle le carbone et l’azote en solution solide occupent les sites interstitiels octaédriques de la maille. Ces deux éléments occupent donc les mêmes sites mais très peu d’études ont été réalisées sur des systèmes Fe-C-N et aucune ne met en évidence l’influence d’un élément sur la solubilité de l’autre. Lorsque la solution solide est sursaturée (après trempe par exemple), elle tend à se décomposer en une ferrite moins riche en carbone et/ou azote et en carbures et/ou nitrures de fer. température en °C 0,00 [C] en at. % 0,05 0,09 0,00 900 900 800 800 700 700 600 600 500 500 400 400 [BEN87] [CHI72] [DIJ49] [STA49] [DIC29] 300 200 100 0,00 0,01 [C] en poids % (a) 0,02 [N] en at. % 0,20 [BOR85] [THO55a] [DIJ49] [BOR50] [AST54] [PAR50] 300 200 100 0,00 0,40 0,05 [N] en poids % 0,10 (b) Figure I-4 : Solubilité du carbone (a) et de l’azote (b) dans la ferrite tirée des mesures de la littérature Des études expérimentales ont été entreprises depuis de nombreuses années afin de connaître la solubilité du carbone, et de l’azote, aux températures basses et modérées. Il s’agissait en général d’étudier la diminution de la quantité de carbone ou d’azote, en solution solide, pendant la décomposition de la ferrite sursaturée en carbone ou en azote. Les techniques de mesure les plus utilisées ont été le frottement interne [DIJ49][WER49], l’analyse chimique [STA49], la résistivité électrique [DIC29] et le pouvoir thermoélectrique 26 [BEN85] [BOR93]. Les valeurs de solubilité sont assez dispersées d’un auteur à l’autre (Figure I-4). Les études concernants la précipitation à des températures inférieures à 400°C dans des aciers extra-doux montrent que les solutions solides Fe-C et Fe-N se décomposent en plusieurs stades. Ces stades correspondent à la précipitation de carbures ou nitrures de fer de différentes natures et dont certains sont métastables. Ils sont répertoriés dans les parties suivantes. I.C.1.b) Les carbures de fer En fonction de la température de revenu, 4 différents types de carbures seraient susceptibles de se développer dans la ferrite sursaturée en carbone. La cémentite d’équilibre Fe3C C’est la cémentite grossière qui se développe à haute température (T > 450°C) dans des aciers suffisamment chargés en carbone. Elle se développe préférentiellement aux joints de grains de ferrite (Figure I-5). Sa structure est orthorhombique et elle est incohérente. La cémentite intragranulaire θ, Fe3C’ dite encore cémentite « dendritique » De même composition que la précédente, elle s’en distingue par sa morphologie, son caractère semi-cohérent et le domaine de température à laquelle elle peut apparaître (100 °C < T < 400°C). Elle se forme directement dans un domaine de température supérieure à 200°C mais on constate sont apparition même aux basses températures, T = 150°C [WEL66], T = 125°C [RAY82], T = 43°C [WER49] au bout d’un temps de traitement long et après ou simultanément à l’apparition de carbures ε [BUT66][BRA93]. Sa structure est orthorhombique. La croissance de Fe3C’ se fait dans le plan {110} suivant la direction <111> [LES61b][BUT66], sous la forme de dendrites (Figure I-6). Les sites de germination de Fe3C’ sont fonction de la température. A haute température, Fe3C’ croît sur les dislocations (ou plutôt dans le champ de déformation de ces dernières) et on retrouve des dendrites de Fe3C’ dans la matrice pour des températures de précipitation inférieures à 350 °C. Le carbure ε Le carbures ε est cohérent et métastable. Il apparaît pour des températures allant de l’ambiante à 250°C. Ce carbure se développe pendant le recuit et le vieillissement des aciers et n’est pas un stade intermédiaire nécessaire à la formation de la cémentite Fe3C’ [LAN68][GAW85] [ZHU96a]. La structure du carbure ε n’est pas décrite précisément. Il serait isomorphe de Fe8N car comme ce dernier, il se développe sous la forme de disques 27 croissant dans les plans {100}α [LEI61] [BUT66][JAC73][BEN85,88] (Figure I-7). Hale et McLean [HAL63] montrent que ces disques sont formés de lamelles parallèles à <100> dans le plan {100}α. Le carbure basse température (Low Temperature Carbide: LTC [ABE81]) Il se développe pour T < 80°C [ABE84a]. Ce carbure apparaît dans les aciers trempés. Reprenant les travaux de Vyhnal et al. [VYN72], Abe fait l’hypothèse que les sites de germination des LTC sont des paires lacune-carbone, les lacunes étant en sursaturation dans un acier trempé. Il apparaît malgré tout que la densité mesurée de carbures ne soit pas en accord avec celle de lacunes déduite de la température de trempe. Le durcissement important des aciers dans lesquels se développe le LTC (chapitre II) semble indiquer que les contraintes de cohérence avec la matrice sont beaucoup plus importantes que dans le cas de carbures ε ou Fe3C. Brahmi [BRA93] propose que les LTC sont en réalité de fins précipités de ε qui développent de fortes contraintes de cohérence avec la matrice qui tendent à s’estomper avec la croissance des précipités. En fait, Zhu et al. [ZHU96a] sembleraient montrer que les cinétiques de précipitation et de redissolution des carbures basses températures confirment l’existence de trois types de carbures indépendants dans le domaines 40-350°C. I.C.1.c) les nitrures de fer Comme le montre le diagramme de phase (Figure I-3) la solubilité de l’azote dans la ferrite est plus importante que celle du carbone. De la même manière que pour Fe-C, on connaît assez mal la solubilité de N dans le domaine des basses températures dans les alliages très dilués. Il semble que dans le fer α, l’azote en solution solide peut être en équilibre avec deux nitrures. Le nitrure γ’ Fe4N Il est incohérent et présente la structure de l’austénite où les atomes d’azote occupent un quart des sites octaédriques et seraient disposés de manière ordonnée de façon à minimiser l’énergie de déformation et de répulsion mutuelle entre atomes d’azote. Ce nitrure n’apparaît que pour les teneurs en azote relativement élevées. Le nitrure métastable α’’ Fe8N Il est métastable et cohérent. Il apparaît dans des solutions Fe-N sursaturées pour des températures inférieures à 250°C [DIJ49][WER49] ou lors de la décomposition de la martensite [JAC50][JAC73][TAN97]. Sa structure se présente sous la forme d’une supermaille composée de 8 (2x2x2) mailles élémentaires cubiques centrées distordues. La croissance de α’’ se fait sous la forme de disques parallèles aux plans {100}α [JAC73]. 28 Les atomes de fer ont le même arrangement que dans le fer-α, aussi l’énergie d’activation de germination de α’’ est moins importante que dans le cas du nitrure Fe4N. Figure I-5 : Cémentite intergranulaire aux joints de grains (MEB). Figure I-6 :Morphologie de la cémentite intra-granulaire θ Figure I-7 : Carbure ε dans un acier bas carbone vieilli 28 heures à 100°C [BEN88] (MET). 29 I.C.2. Aciers extra-doux Dans les aciers extra-doux, la présence d’éléments d’alliage et de défauts amène à considérer d’autres situations pour les atomes de carbone et d’azote que celles vues plus haut dans le cas du fer pur. I.C.2.a) Nitrure d’aluminium: AlN L’aluminium est un élément que l’on retrouve dans toute les métallurgies et dont la teneur varie en fonction de son rôle dans l’acier (calmage de l’acier, contrôle de la texture en recuit base). Par exemple, dans les aciers bas carbone, on élimine le vieillissement du à l’azote en ajoutant suffisamment l’aluminium afin de précipiter l’azote sous la forme de nitrure d’aluminium AlN. Sous sa forme stable, l’AlN est hexagonal de structure wurtzite [JAC73]. A condition d’avoir de l’aluminium en excès, la solubilité de l’azote en équilibre avec le nitrure d’aluminium est très faible dans les aciers extra-doux [LES54]. La cinétique de précipitation d’AlN dans la ferrite dépend bien entendu de la vitesse de diffusion de l’aluminium et c’est pourquoi cette précipitation ne se manifeste qu’à des températures supérieures à 500 °C. I.C.2.b) Interactions substitutionnel-interstitiel Des atomes en position de substitutionnels (Mn, Al, Ti, P …) sont toujours présents dans un acier même faiblement allié. Qu’ils s’agissent d’éléments résiduels ou d’éléments d’alliage (déterminant les propriétés et le comportement de l’acier), ils peuvent être considérés comme des défauts, qui sont susceptibles d’interagir avec les atomes interstitiels. Cette interaction est de nature chimique, électronique ou élastique et pourra conduire à la modification du comportement des interstitiels impliqués. C’est le cas notamment en ce qui concerne la précipitation de l’azote en présence de manganèse. Dans des systèmes Fe-MnN, il a été montré expérimentalement que la présence de Mn retarde la précipitation des nitrures de fer [DAH75][LAN68]. Cet effet est interprété comme étant la conséquence d’une forte interaction entre les atomes d’azote et les atomes de manganèse. Les atomes d’azote concernés sont mobiles mais restent piégés autour des atomes ou des paires d’atomes de manganèse. Cette interprétation est déduite de l’analyse du spectre de frottement interne de l’azote en présence de manganèse (voir chapitre III). De la même manière, l’existence de dipôles Mn-C à haute température est avancée par de nombreux auteurs [ABE81, 84a][HUT84][SON89] et semble avoir une influence sur la recristallisation de la ferrite. L’existence de ces dipôles est également envisagée pour interpréter l’effet du manganèse sur l’amplitude du pic de frottement interne du carbone [SON89]. La partie III.A fait état de certaines observations expérimentales dans des systèmes Fe-Mn-C. 30 I.C.2.c) Les atmosphères de Cottrell Cottrell et Bilby [COT49] sont les premiers à proposer une explication sur le retour du crochet élastique sur les courbes de traction des aciers. Ils établissent un modèle suivant lequel les atomes interstitiels, pris comme étant des centres de dilatation et mobiles à basse température, sont attirés vers les dislocations coin par une force motrice qui se déduit du gain d’énergie élastique du système lorsqu’un atome interstitiel se place dans la zone distordue d’une dislocation. Les atomes interstitiels ainsi piégés par le champ de déformation des dislocations forment les atmosphères de Cottrell. Si dans leur modèle initial, Cottrell et Bilby décrivent l’atmosphère de Cottrell comme un filet d’atomes interstitiels sous la dislocation (dans le demi-espace dilaté autour de la dislocation avec une densité d’un atome par plan traversé par la dislocation) des modèles théoriques ainsi que des observations expérimentales ont permis de mieux connaître la distribution des atomes autour d’une dislocation. En fait, Cottrell et Bilby ne prennent pas en considération le caractère non hydrostatique de la déformation induite par un interstitiel en position octaédrique. Le défaut créé par la présence d’un atome dans un site octaédrique est de symétrie tétragonale avec son axe principal qui est parallèle à une direction de type [001] (voir § III.A). Cochardt et al développent le calcul dans cette hypothèse [COC55]. La symétrie de la distribution des atomes interstitiels autour d’une dislocation vis qu’ils déduisent de ce calcul (Figure I-8) est la même que celle mise en évidence expérimentalement par Wilde à l’aide d’une sonde atomique tridimensionnelle (OPOSAP) [WIL00]. Cochardt et al calculent l’énergie d’interaction maximale entre un interstitiel et une dislocation. Ils trouvent 0,75 eV quel que soit le type de la dislocation (coin ou vis) [COC55]. De Hosson [HOS75] élabore un modèle atomistique pour calculer l’interaction entre atomes de carbone et des dislocations coins ½<111>{110}. Il calcule une énergie d’interaction maximale de 0,7 eV. Des déterminations expérimentales de cette énergie de liaison donnent des valeurs moins importantes, de l’ordre de 0,5 eV ([DIJ49] =>0,45 eV ; [THO55a] => 0,42 eV ; [KAM61] => 0,5 eV) et c’est souvent cette valeur qui est prise dans l’étude du vieillissement. L'aspect cinétique de la formation des atmosphères de Cottrell est abordé dans la partie II.C. 31 Figure I-8 :Energie d'interaction entre un atome de carbone, repéré par la cellule unité en (a), et une dislocation vis pour les trois type de sites octaédriques (b) [COC55]. Figure I-9 : Energie d'interaction entre un atome de carbone, repéré par la cellule unité en (a), et une dislocation coin pour les trois type de sites octaédriques (b) [COC55]. I.C.2.d) Ordre ou atmosphères de Snoek Schoeck et Seeger [SCH59], partant de l’observation expérimentale que le niveau de la contrainte du palier de déformation ReL est indépendant de la température dans un domaine compris entre Tamb et 200°C, introduisent une notion de mise en ordre rapide des interstitiels dans le champ de déformation d’une dislocation. Comme sous l’effet d’une contrainte uniaxiale qui distord le réseau, les atomes interstitiels viendraient se loger préférentiellement dans certains sites devenus plus favorables dans la zone déformée autour d’une dislocation. Schoeck et Seeger calculent la dimension dans laquelle l’ordre de Snoek apparaît, elle s’étendrait sur 20.b autour de la ligne de dislocation. Cette mise en ordre des interstitiels se déroule sur un temps très court car elle ne fait pas intervenir la diffusion longue distance mais un saut unique des atomes interstitiels dans un 32 site favorable proche voisin. Pendant ce phénomène, la concentration en interstitiel autour de la dislocation reste constante. Lorsqu’une dislocation se déplace dans le cristal, les atomes interstitiels présents dans la zone déformée autour de la dislocation vont se mettre en ordre et diminuer l’énergie du système. La conséquence en est l’existence d’une force de freinage (force de frottement) qui s’oppose au mouvement de la dislocation [ROS75]. Aux températures d’usage, la formation des atmosphères de Snoek est très rapide (de l’ordre de la seconde) et peu durcissante. C’est surtout la formation des atmosphères de Cottrell où la précipitation en fines particules dispersées qui provoque le vieillissement. I.C.2.e) Ségrégation aux joints de grains Il s’agit en réalité d’un phénomène d’adsorption de soluté par une interface (ici les joints de grains) mais les métallurgistes utilisent le terme de ségrégation. La ségrégation du carbone dans les joints de grains a été montrée par de nombreux auteurs [BAI71][AVI83][SUZ83]. Il semble que la quantité de carbone pouvant ségréger aux joints de grains est fonction de leur nature (orientation, composition...) mais on peut néanmoins dégager un comportement moyen : • La quantité de carbone qui ségrége aux joints de grains augmente avec la quantité de carbone en solution, toutes choses étant égales par ailleurs [SUZ83][AVI83]. • L’énergie d’interaction entre un atome de carbone et un joint de grains est de l’ordre de 0,5 eV [BAI71]. • D’après certains auteurs, la ségrégation du carbone aux joints de grains est responsable de l’apparition du crochet de traction et du palier de Lüders liés au blocage des sources de dislocations aux joints de grains [RUS61] [BAI71][SAK94]. • La ségrégation du carbone provoque la “ déségrégation ” du phosphore sans qu’il y ait un phénomène de compétition entre ces deux éléments [SUZ83]. L’augmentation de la température de transition fragile-ductile pour les aciers bas carbone trempés à des température inférieures à 500°C est une preuve indirecte de la ségrégation du carbone. Il s’agit effectivement d’un domaine de température à partir duquel le phosphore (éléments fragilisant) “ déségrége ” des joints de grains à cause de la ségrégation du carbone. Cependant, le mécanisme de déségrégation n’est pas clairement établi, mais un phénomène de compétition ne semble pas convenir à justifier les observations expérimentales. En ce qui concerne l’azote, aucune étude ne montre la ségrégation de cet élément aux joints de grains dans le fer alpha lorsqu’il est en faible concentration dans l’acier ( < 0,010 %). Les aciers étudiés par certains auteurs cités plus haut contiennent de l’azote et malgré tout, ces auteurs ne détectent pas trace de cet élément dans les joints de grains. 33 I.D. Déformation dans un acier bas carbone La déformation dans un polycristal de fer se manifeste différemment que dans le cas d’un monocristal et cela en terme d’évolution de la microstructure et du caractère parabolique de la courbe de traction quelle que soit la température de l’essai. La présence d’obstacles aux mouvements des dislocations (joints de grains, précipités, solutés) va influencer le comportement plastique ainsi que la microstructure de déformation. Nous nous contentons ici de décrire l’évolution de cette dernière pendant la déformation et ses conséquences sur les propriétés mécaniques. I.D.1. Génération de nouvelles dislocations : Sources de dislocations Dans les métaux cubiques centrés, les sources de dislocations qui sont activées à température ambiante sont principalement des sources de Frank et Read [FRA50]. Une forme modifiée de ce mécanisme s’applique aux parties vis, c’est le mécanisme de Koelher [KOE52]. Il se manifeste quand une dislocation vis passe dans un plan parallèle au plan de glissement initial par un mécanisme de cross slip. Les 2 segments coins de la dislocation deviennent alors des points d’ancrage à partir desquels un mécanisme de type Franck et Read peut se manifester. I.D.2. Sous-structure de dislocations D’une manière générale, et à mesure que la déformation augmente, l’organisation des dislocations dans les grains passe d’une répartition homogène avec l’apparition de quelques enchevêtrements (jusqu'à 3-5% de déformation à température ambiante), à une répartition inhomogène sous la forme de cellules de dislocations délimitées par des parois constituées d’enchevêtrements denses de dislocations (sous joints). Le cœur des cellules de dislocations sont des zones ou la densité de dislocations est faible (Figure I-10). Une diminution de la température de déformation ou une augmentation de la vitesse de déformation conduisent à une répartition plus homogène des dislocations [LES61a,b][RAU97]. La sous-structure de dislocations est également très dépendante du mode de sollicitation. En traction uniaxiale, les cellules de dislocations se développent sous une forme allongée avec des parois parallèles à la direction de traction. Cette microstructure est caractéristique de l’activation d’un seul système de glissement et c’est une structure similaire que l’on retrouve en laminage. En expansion uniaxiale (emboutissage d’un flan circulaire par un poinçon à fond plat), la structure est constituée de cellules quasi-équiaxes, conséquence de glissements multiples [SCH86]. 34 Dans des conditions industrielles, l’acier est soumis à une succession de modes de déformation différents. Dans des conditions similaires, il a été montré que le changement de mode de déformation donne lieu au développement de la microstructure de dislocations caractéristique du dernier chargement au détriment de la microstructure formée lors des déformations ultérieures [SCH86][RAU97]. I.D.3. Densité de dislocations En fait, quelle que soit la sous-structure développée, il semble que ce soit principalement la densité de dislocations qui détermine les caractéristiques mécaniques telle que la contrainte d’écoulement [KEH64][LAN92a,b][RAU97]. La densité de dislocations augmente plus ou moins avec la déformation et dépend de la composition chimique, de la présence ou non de précipités, de l’orientation cristallographique [KEH63] et de la taille des grains [CON61]. On distingue en général les dislocations à l’intérieur des cellules et celles dans les parois des cellules. On note respectivement leur densité ρi et ρw. Ces deux quantités ne varient pas proportionnellement (Figure I-10 et Figure I-11). ρi tend vers une valeur limite pour ε > 0,1 alors que ρw ne cesse d’augmenter à mesure que la taille des cellules diminue (apparition de nouvelles parois dans les cellules) et que les parois se densifient. Enfin, la taille des cellules se stabilise et les nouvelles dislocations générées n’interagissent plus avec d’autres dislocations de l’intérieur des cellules mais viennent directement s’enchevêtrer dans les parois. 35 Figure I-10 : Variation relative des densités de dislocations à l’intérieur des cellules, ρi, et dans les parois, ρw, en fonction du taux de déformation du fer pur [LAN92b]. Figure I-11 : Variation relative des densités de dislocations à l’intérieur des cellules, ρi, et dans les parois, ρw, en fonction de la densité totale de dislocations dans le fer pur [LAN92b]. 36 II. Le vieillissement dans les aciers bas carbone II.A. Introduction Le vieillissement des aciers extra-doux (bas carbone, ULC …) se traduit par la modification des propriétés mécaniques au cours du temps, à des températures où la microstructure devrait être stable et par conséquent ne pas intervenir dans l’évolution de ces propriétés. Le vieillissement est en fait associé à la diffusion des atomes interstitiels comme le carbone et l’azote qui sont encore très mobiles aux basses températures et qui peuvent donc migrer vers les dislocations ou se regrouper pour former des petits précipités. On distingue deux types de vieillissement dans les aciers à matrice ferritique, le vieillissement après trempe (quench ageing) et le vieillissement après écrouissage (strain ageing). Le premier est attribué principalement au blocage des sources de dislocations par les interstitiels et à la précipitation des atomes d’interstitiels sous la forme de particules, alors que le second est considéré résulter de l’ancrage des dislocations introduites à l’écrouissage par les atomes interstitiels qui ségrègent autour d’elles (formation des atmosphères de Cottrell), et éventuellement d’une deuxième étape plus hypothétique consistant à la formation de particules qui germeraient sur les dislocations, si la quantité d’interstitiels en solution est suffisante. Les modifications des propriétés mécaniques au cours du vieillissement sont principalement un durcissement de l’acier, le développement du palier de traction dit palier de Lüders, une diminution de sa ductilité ainsi que l’augmentation de la température de transition fragile/ductile. Les conséquences de ces évolutions peuvent être préjudiciables car elles dégradent son aptitude à la mise en forme (emboutissage …). Ainsi la réapparition du crochet de traction et du palier de déformation inhomogène conduit à la formation de vermiculures (striction localisée), voire à une rupture lors d’emboutissage profond. C’est pourquoi par exemple on pratique une légère déformation par laminage (le skin pass) après 37 le recuit d’aciers pour tôles automobiles afin d’effacer le palier de traction et éviter ce type de défaut. Par contre dans certain cas, le durcissement dû au vieillissement peut être souhaité. On cherchera alors à le contrôler en le faisant apparaître après mise en forme de l’acier pour augmenter les performances de la pièce à l’usage. C’est par exemple le cas des aciers dit à Bake Hardening (BH), qui présentent un gain de limité d’élasticité d’environ 40-50 MPa lors de la cuisson des peintures après mise en forme. Ce durcissement secondaire conduit à une amélioration de la résistance à l’indentation des pièces de carrosserie automobile (Figure Figure II-1 : profondeur de la marque résiduelle suite à l’indentation d’une tôle emboutie en fonction de la déformation plane de l’embouti. L’acier est testé juste après l’emboutissage, après 3 ou 7 jours à une température comprise entre 30 et 40 °C et après la simulation d’un traitement de cuisson des peintures de 20 minutes à 170 °C [KUR88]. Figure II-2 : relation entre la pression de non retour (Non Reversal Pressure, pression interne audelà de laquelle l’emballage présente une déformation irréversible) et le gain de limite d'élasticité après vieillissement (mesuré par un test du type BH) d’acier pour emballage [BRA96]. II-1). La dualité entre les 2 exigences, aciers non vieillissants à l’ambiante, avant mise en forme, et vieillissants à la cuisson des peintures a conduit les sidérurgistes à développer des 38 métallurgies et des procédés de fabrications spécifiques qui ont fait l’objet de nombreux travaux. Les performances des aciers pour emballage peuvent aussi bénéficier du vieillissement lors de la cuisson des vernis après mise en forme. Après vieillissement on constate ainsi une augmentation de la résistance à la pression interne (Figure II-2) ainsi qu’au convoyage des boites chez les conserveurs (utilisateurs de l’emballage en vue de conditionner les produits alimentaires). Dans cette partie, nous allons passer en revue les connaissances issues de la littérature en tentant de dégager les principaux paramètres qui conditionnent le vieillissement des aciers. Le vieillissement après trempe n’ayant pas d’application industrielle, nous n’en feront qu’une brève description. De plus, la problématique qui nous est posée diffère des études concernant le BH des aciers pour automobile (faible quantité d’interstitiels, pas d’azote en solution, faible prédéformation …). Par conséquent cette revue bibliographique sera plutôt orientée vers des travaux plus généraux sur le thème du vieillissement après écrouissage, mais plus proches de nos préoccupations. II.B. Le vieillissement après trempe Le vieillissement après trempe est à rapprocher de la partie du chapitre I qui concernait la précipitation. Il consiste en effet à un durcissement par formation de particules cohérentes de faibles dimensions. Ce type de vieillissement se retrouve surtout dans les aciers contenants une forte sursaturation en interstitiels. Sur la courbe de traction, on peut identifier deux caractéristiques du vieillissement après trempe : - l’apparition d’un crochet de traction suivi d’une déformation inhomogène de l’éprouvette appelée palier de traction ou palier de Lüders. - le changement de la loi de comportement qui peut se traduire par une augmentation de la consolidation (augmentation de la dureté et de la charge à rupture avec diminution de l’allongement à rupture, voir Figure II-3) mais aussi éventuellement par un adoucissement en cas de survieillissement. 39 contrainte Ap% ∆Rm ReH acier vieilli ReL acier trempé ∆σ Rp0,2 déformation ∆Ag ∆A Figure II-3 : Courbes de traction d’un acier trempé puis vieilli. Ap% palier de traction (ou palier de Lüders), ∆σ variation de la limite d'élasticité, ∆Rm augmentation de la charge à rupture, ∆Ag diminution de l’allongement réparti, ∆A diminution de l’allongement à rupture Si l'observation de ces deux manifestations du vieillissement après trempe est souvent indissociable dans un acier trempé, elles ne proviennent pas pour autant des mêmes mécanismes. Le modèle le plus couramment admis pour expliquer l'apparition du crochet de traction est le blocage des sources de dislocations par les atomes interstitiels au cours du vieillissement. La réactivation des sources exige alors d’atteindre un niveau de contrainte supérieur à celui nécessaire à leur activation en l’absence de vieillissement. Lorsque que la contrainte de déblocage est atteinte localement (dans une zone de concentration de contrainte : défauts, congés de raccordement), les sources sont activées et émettent des dislocations. La déformation se propage ensuite dans le fût de l’éprouvette par l'intermédiaire des bandes de Lüders (allongement inhomogène de l’éprouvette). Lorsque tout le corps de l’éprouvette à été traversé par les bandes, la déformation est à nouveau répartie dans le fût. La vérification expérimentale de ce modèle est délicate du fait de la difficulté à identifier et décrire la nature des sources de dislocations. Russel et al ainsi que Bailon et al associent le blocage des sources (l’apparition du crochet de traction) à la ségrégation du carbone aux joints de grains et en déduisent que ces dernières sont localisées aux joints [RUS61][BAI71a]. En fait, il n’existe pas de résultats expérimentaux qui donnent une interprétation claire du phénomène d’apparition du crochet de traction dans les aciers trempés. L'autre manifestation du vieillissement après trempe, à savoir le durcissement ou l’adoucissement de l’acier, est le plus souvent associée à la précipitation des atomes 40 interstitiels. Ainsi dans une ferrite sursaturée en carbone, suivant la nature des précipités formés on observera soit un durcissement (carbures « basse température » ou carbures ε formés pour T < 100 °C, voir Figure II-4) soit un adoucissement (carbures ε grossiers et cémentite intragranulaire) de la matrice [KEH63][ABE84]. Ces évolutions sont liées au caractère cohérent ou non du précipité (qui détermine le comportement du mouvement des dislocations vis à vis des précipités : cisaillement ou contournement), ainsi qu'à la fraction volumique et aux dimensions des particules. On peut faire le même type d’analyse pour des aciers contenant de l’azote en sursaturation [KEH63]. (a) (b) Figure II-4 : Vieillissement après trempe d’un acier bas carbone ([C] = 0,046 %, [Mn] = 0,35 %), traité 20 minutes à 700 °C puis trempé dans l’eau [ABE84] (a) diagramme temps température précipitation (TTP) (b) cinétiques d’évolution de la dureté Vickers pour différentes températures de vieillissement. D’une manière générale la température de vieillissement détermine non seulement la cinétique de précipitation mais également l’amplitude du durcissement en sélectionnant le type et la dispersion des précipités. Plus la température est faible, plus les précipités sont cohérents (métastables), petits et finement dispersés, et plus l’amplitude du durcissement est importante [LES61b][CHO64a][BEN85][ABE84]. Un parallèle avec le système AlCu (zones GP, θ’, θ’’) semble tout à fait pertinent. Dans tous les cas, on assiste à un adoucissement par survieillissement qui peut être le résultat de la coalescence de précipités cohérents dont la taille dépasse la taille critique de maximum de durcissement, ou éventuellement du passage d’un type de précipité à un autre plus stable et grossier (ex : Développement de cémentite intragranulaire succédant au développement des carbures ε [WEL66][ASK67][ABE84][BRA93]). 41 II.C. Le vieillissement après écrouissage II.C.1. Généralités et définition II.C.1.a) Signature du vieillissement après écrouissage Le terme vieillissement après écrouissage (strain ageing) est utilisé ici pour désigner l’évolution des propriétés mécaniques d’un acier extra-doux (bas carbone, ULC …) à basse température (de l’ambiante à 300 °C) après que celui ci ait été préalablement déformé. Il s’agit d’un vieillissement statique. Les évolutions de la loi de comportement caractéristiques du vieillissement d’un acier doux sont schématisées sur la Figure II-5. Pour un échantillon déformé jusqu’au point P puis déchargé et aussitôt rechargé, la courbe de traction suit le chemin (1). Si l’échantillon est vieilli (maintient à une température moyenne pendant un temps suffisant) entre la décharge et la recharge, la courbe de traction suit alors le comportement (2). contrainte A p% (2) ReH ∆Rm ReL Rpx% P ∆σ ≡ BH ou AI (1) WH Rp0,2 ~ limite élastique déformation prédéformation x% ∆Ag ∆A Figure II-5 : Courbes de traction d’un acier déformé jusqu’au point P, déchargé, puis rechargé immédiatement (courbe (1)) ou après vieillissement (courbe (2)). Ap% palier de traction (ou palier de Lüders), ∆σ variation de la limite élastique (équivalent au BH ou AI), WH Work Hardening, écrouissage, ∆Rm augmentation de la charge à rupture, ∆Ag diminution de l’allongement réparti, ∆A diminution de l’allongement à rupture On observe alors la réapparition du crochet de traction et du palier de Lüders. La contrainte nécessaire à la plastification de l’éprouvette est la limite élastique haute, ReH, qui est très sensible aux conditions de l’essai (défauts de l’éprouvette, vitesse de déformation 42 …). La limite élastique basse, ReL, qui peut avoir diverses définitions, est approximativement la moyenne des contraintes dans le palier. C’est ReL qui est généralement prise pour estimer le gain de la limite d’élasticité ∆σ dû au vieillissement. La loi de comportement est également modifiée : l’acier vieilli présente une consolidation plus importante et une diminution des allongements réparti et à rupture (∆Ag et ∆A) L’augmentation de la limite d’élasticité et de la courbe de consolidation constitue la signature universelle du vieillissement après écrouissage. II.C.1.b) Le Bake Hardening L’essai standard de BH a été mis au point2 pour évaluer l’aptitude d’une tôle de carrosserie automobile à durcir lors de la cuisson des peintures et à présenter ainsi une meilleure résistance à l’indentation. Il consiste à mesurer l’augmentation de la limite d’élasticité du métal entre un état de référence, souvent après 2 % de prédéformation en traction pour simuler l’emboutissage de la tôle, et un état vieilli après un traitement de 20 minutes à 170 °C pour simuler le traitement industriel de cuisson des peintures. Sur la Figure II-5, le BH est l’équivalent de ∆σ après correction de la variation de section résultant de la prédéformation : BH = ReL – (1 + 0,02).Rp2% Eventuellement cette correction peut ne pas être effectuée: BH = ReL – Rp2% mais on intègre alors l’écrouissage de l’acier (Work Hardening) jusqu’à 2 % de déformation. Le terme BH est également utilisé dans des études plus générales sur les mécanismes du vieillissement. Dans ce cas, on appelle BH l’augmentation de la limite d’élasticité (∆σ) au cours du temps à des températures quelconques. La prédéformation peut être différente de 2 % mais dans ce cas elle est souvent précisée par un indice. On écrira par exemple BH5 pour signifier une prédéformation de 5 %. Cette mesure est à la base de nombreuses études sur le vieillissement des aciers (notamment ceux destinés aux carrosseries automobiles) mais qui concernent presque exclusivement des aciers contenant uniquement du carbone en solution et souvent en faible quantité ( < 30 ppm). II.C.1.c) L’Aging Index Dans certains cas, les chercheurs préfèrent utiliser la mesure de l’Aging Index (AI) pour évaluer la susceptibilité d’un acier au vieillissement. Cet essai est réalisé avec la même 2 Norme européenne EN 10002-1, matériaux métalliques, essais de traction, comité européen de normalisation, 30 p, 1990. 43 philosophie que le BH si ce n’est que la prédéformation est plus importante (de 7 à 10 %) et le traitement de vieillissement adapté pour atteindre un état de vieillissement concernant uniquement la ségrégation des interstitiels sur les dislocations (de l’ordre de l’heure à 100 °C). II.C.2. Théorie du vieillissement après écrouissage Pour expliquer le retour du crochet de traction dans des aciers déformés, Cottrell et Bilby sont les premiers à formuler une théorie du vieillissement après écrouissage basée sur la ségrégation des atomes interstitiels autour des dislocations [COT49]. Ils postulent que la distorsion élastique du réseau, importante dans le cas d’atomes interstitiels, doit conduire à une forte interaction avec le champ de contrainte des dislocations. Le mécanisme donné pour responsable du durcissement des aciers doux, et qui rend compte du comportement de la limite élastique après vieillissement, est l’ancrage des dislocations par les atomes interstitiels ségrégés dans le champ de contrainte des dislocations et qui forment alors des atmosphères de Cottrell (§ I.C.2.c). Dans le cas d’une dislocation coin, un atome interstitiel doit diminuer la contrainte hydrostatique induite dans le réseau s’il est dans la région en expansion sous la ligne de dislocation. En ce qui concerne l’interaction des atomes interstitiels avec des dislocations vis qui ne produisent pas de contrainte hydrostatique, c’est alors le caractère asymétrique (tétragonal) de la déformation lié à la présence de l’atome interstitiel dans le réseau du fer qui doit être à l’origine de l’interaction (voir § III.A.2.a). Cottrell et Bilby n’ont développé théoriquement que le cas de l’interaction entre des atomes interstitiels (en particulier le carbone) avec des dislocations coins, ne considérant que l’interaction hydrostatique. Ils calculent l’énergie d’interaction entre une dislocation coin et un atome de carbone Eint E int = ∆v. G.b 1 + υ sin α sin α . . = A. 3.π 1 − υ r r r ≥ r0 Eint = 0 ( II-1) r < r0 avec ∆v, changement volume dû à la présence de l’atome interstitiel (= 0,78.10-23cm3) ; G et ν respectivement le module de cisaillement et le coefficient de Poisson ; b le vecteur de Burgers ; r et α les coordonnées cylindriques de l’atome par rapport à la ligne de dislocation, r0 la distance à partir de laquelle le modèle élastique utilisé n’est plus valable (r0 = 2.b). Dans ces conditions, A est une constante liée aux constantes élastiques du système et vaut dans le cas du [COT49][THO55a][SCH59]. système fer carbone entre 1,5 et 3.10-29 N.mm2 44 L’équation (II-1) indique qu’un atome interstitiel au voisinage de la dislocation coin est soumis à un gradient de potentiel ∇V suivant r. Sous l’effet de l’agitation thermique et de ce gradient de potentiel, les atomes de soluté acquièrent une vitesse relative par rapport à la dislocation qui s’écrit : ⎛ D ⎞ v = −⎜ ⎟ . ∇V ⎝ k. T ⎠ ( II-2) où D est le coefficient de diffusion, k la constante de Boltzmann et T la température absolue. En faisant les changements de variables adéquats [COT49], l’équation (II-2) nous amène à écrire l’expression du nombre d’atomes de carbone qui arrivent au temps t par unité de longueur de dislocation comme : 1 ⎛ π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞ n( t ) = 3.n0 .⎜ ⎟ .⎜ ⎟ ⎝ 2 ⎠ ⎝ k.T ⎠ 2 3 avec n0 la concentration moyenne d’interstitiels en volume. On peut alors exprimer le nombre d’atomes ségrégés sur les dislocations par unité de volume : 1 ⎛ π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞ N( t ) = 3.n 0 .Λ.⎜ ⎟ .⎜ ⎟ ⎝ 2 ⎠ ⎝ k.T ⎠ 2 3 où Λ est la densité de dislocations. Ce qui conduit à écrire la fraction q d’atomes de carbone ayant ségrégé sur les dislocations au temps t comme : 1 ⎛ π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞ q = 3.Λ.⎜ ⎟ .⎜ ⎟ ⎝ 2 ⎠ ⎝ k.T ⎠ 2 3 ( II-3) où q est proportionnelle à t2/3 si on considère D indépendant de la concentration. Toutes ces expressions ne sont valables qu’aux premiers instants du vieillissement dans la mesure où elles ne tiennent pas compte de l’appauvrissement en soluté au voisinage des dislocations lorsque les atmosphères se forment. Expérimentalement, l’expression (II-3) est vérifiées par plusieurs auteurs jusqu’à q < 0,5 pour des systèmes FeC et FeN [COT49][THO55b][HAR51]. Reprenant les résultats de Cottrell et Bilby, Harper a modifié l’équation (II-3) en y introduisant l’effet de l’appauvrissement en soluté au voisinage de la dislocation [HAR51]. Il fait l’hypothèse que la vitesse de ségrégation diminue proportionnellement à la fraction de soluté déjà précipitée (hypothèse de Jonhson Melh) ce qui conduit à écrire : ∂q = (1 − q).f ( t ) ∂t qui si on la résout avec les conditions aux limites à t = 0 définies par l’équation (II-3) devient : 45 1 2 ⎡ ⎛ π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞ 3 ⎤⎥ ⎢ q = 1 − exp − 2.Λ.⎜ ⎟ .⎜ ⎟ 2 ⎠ ⎝ k.T ⎠ ⎥ ⎢ ⎝ ⎣ ⎦ ( II-4) Harper montre expérimentalement que cette équation permet une bonne approximation des résultats expérimentaux pour q < 0,6. Cette expression permet de calculer à posteriori la densité de dislocations Λ à partir des cinétiques de vieillissement (voir § VI.B.4). Depuis ces développements théoriques concernant la description des mécanismes de vieillissement, ce sont surtout des travaux expérimentaux qui ont été réalisés sur ce sujet. Ces travaux ont conduit à différencier plusieurs stades lors du vieillissement après écrouissage. II.C.3. Mécanismes du vieillissement après écrouissage Si Cottrell et Bilby sont les premiers à proposer une théorie pour rendre compte du rôle des interstitiels sur le vieillissement après écrouissage, d’autres chercheurs ont réalisé des études expérimentales afin d’établir les cinétiques et les mécanismes du vieillissement en fonction des paramètres microstructuraux de l’acier (taille de grain, quantité d’interstitiels libres, taux d’écrouissage …). Ainsi, Wilson et Russel, inspirés par des études de Hundy et de Tardiff et al. [HUN56][TAR56], sont à la base de travaux qui servent depuis de référence pour l’interprétation des manifestations du vieillissement [WIL60a, b]. Leurs travaux sont résumés ici. Wilson et Russel ont étudié l’évolution à 60°C des caractéristiques de traction d’aciers ayant une teneur en interstitiels en solution d’environ 20 ppm, avec des tailles de grains variables et prédéformés de 4 % en traction (voir Figure II-6). 46 Figure II-6 : Effet du vieillissement à 60 °C sur les caractéristiques de traction d’aciers trempés depuis 200 °C et prédéformés en traction de 4 % ([C+N] en solution de l’ordre de 20 ppm) ayant différentes tailles de grains [WIL60a]. (1) 50 grs/mm2, (2) 195 grs/mm2 ,(5) 1850 grs/mm2. A partir de ces évolutions et en prenant en compte une relation de type Hall et Petch3, ils sont conduits à distinguer 4 stades qu’ils interprètent comme la manifestation de 2 mécanismes différents : 3 La limite basse d’élasticité de l’acier est décrit par une relation empirique qui s’écrit : σy = σi + ky.d-1/2 avec ky = σd.l-1/2 où σi est la contrainte s’opposant au mouvement des dislocations libres, d est le diamètre des grains et la constante ky est reliée à la contrainte nécessaire pour transmettre la déformation plastique d’un grain à un autre. Ici elle dépend de : • σd, la contrainte de déblocage des dislocations de leur atmosphère • l la distance entre les empilements aux joints (concentrations de contraintes) et la prochaine source de dislocations dans le grain suivant. 47 1. Durant les 30 premières minutes de vieillissement, on observe le développement du palier et de la limite d’élasticité sans qu’aucune autre propriété ne soit affectée. Ce stade est associé à la formation des atmosphères de Cottrell. La taille des grains n’a pas d’effet significatif et seuls 5 à 10 ppm d’interstitiels semblent suffisant pour saturer les sites concernés. A ce stade, une redéformation entraîne le désancrage des dislocations. 2. Le palier se stabilise alors que la limite élastique continue à augmenter. 3. A partir de 150 minutes de vieillissement, la consolidation de l’acier se modifie (augmentation du coefficient d’écrouissage, de la charge à rupture et diminution de la ductilité). Les stades 2 et 3 sont associés à la densification des atmosphères suivie du développement de précipités ou d'amas le long des dislocations, aux points d’intersection entre les dislocations. 4. Après 20000 minutes de traitement (14 jours) l'observation d'une légère augmentation de la ductilité ainsi que d’une diminution du coefficient d’écrouissage est interprétée comme étant le résultat d’un survieillissement (coalescence des précipités formés). Ces interprétations conduisant à identifier 2 mécanismes, formation d’atmosphère et précipitation de fines particules, ont été largement reprises dans la littérature pour expliquer les observations expérimentales faites pour des aciers similaires et notamment sur les évolutions en 2 stades du BH [ELS93][VAN98][SOL98][DE01] (voir Figure II-7). Le premier stade est associé à la formation et à la saturation des atmosphères de Cottrell (gain de 20 MPa sur la Figure II-7) et le second à la formation d’amas ou de fins précipités sur les dislocations. Notons toutefois que la fin du 1er stade de BH (~ 10000 mn à 50 °C) correspond à un état bien avancé du 3ème stade de Wilson et Russel où ces chercheurs évoquent déjà la précipitation. Elsen et al. [ELS93] semblent ainsi se contredire en attribuant l’évolution du coefficient d’écrouissage lors du 2nd stade au développement de petits précipités cohérents, alors que c’est durant le 1er stade qu’ils mesurent l’accroissement de la charge à rupture lui même causé, d’après les même considérations, par la formation de ces précipités (Figure II-7). De plus, ∆Rm augmente avec la prédéformation alors que l’amplitude de ∆σ pour le 2nd stade diminue. Par ailleurs les tentatives pour mettre en évidence l’existence de particules ou précipités en microscopie électronique à transmission (conventionnelle et haute résolution) ont toutes conduit à un échec [LES62][KEH63][RUB96][SOL98][DE01] si ce n’est dans des aciers ou la sursaturation est très importante. Notons qu’aux températures usuelles du BH (~ 170 °C), aucun précipité durcissant n’est censé se développer (Figure II-4). Même si elle est très répandue, l’hypothèse de la formation de précipités en tant que mécanisme à part entière du vieillissement après écrouissage semble donc être en contradiction avec de nombreux résultats expérimentaux. 48 Figure II-7 : Augmentation de la limite d’élasticité ∆σ (BH) après une prédéformation de 1, 2 ou 5 % et un vieillissement à différentes températures. La figure en bas à droite représente l’évolution de la charge à rupture (Rm) dans le même temps [ELS93]. Keh et Leslie ont proposé une autre interprétation des stades associés à la formation de précipités [LES62][KEH63]. Ils ont formulé l’hypothèse qu’après saturation des atmosphères, les interstitiels en excès migrent vers les surfaces internes (joints de grains, interfaces matrices précipités …) qui constituent également des sources de dislocations (concentrations de contraintes). La contrainte nécessaire à la réactivation de ces sources augmenterait à mesure que les interstitiels les bloquent, on mesurerait alors l’augmentation de la contrainte de déblocage (crochet de traction). Les dislocations saturées en interstitiels dans la matrice (dislocations introduites lors de la prédéformation) constitueraient alors des obstacles aux mouvements des nouvelles dislocations générées lors du déblocage de ces sources, ce qui expliquerait l’augmentation de la consolidation dès l’étape de saturation des atmosphères (1er stade). Cette interprétation est assez proche de celle de Wilson et Ogram [WIL68] concernant la sensibilité du retour du palier au changement de chemin de déformation entre la prédéformation et la sollicitation après vieillissement (voir § II.C.6.b). Wilson ne fait alors plus du tout référence à la précipitation au cours du vieillissement. Notons que Bergström a aussi montré théoriquement, à partir d’un modèle basé sur les cinétiques de création / annihilation de dislocations, que des dislocations ancrées dans la matrice peuvent effectivement conduire à une modification de la consolidation similaire à celle observée expérimentalement [BER71]. 49 Enfin, dans un acier bas carbone trempé depuis 700 °C (contenant environ 120 à 150 ppm de carbone en solution, voir Figure I.4) et déformé de 6 et 10 %, Abe et al montrent qu’aux temps et températures de vieillissement correspondants au second stade est plutôt associé un adoucissement de l’acier (diminution de dureté) [ABE82]. Ce qui conduit à penser qu’une précipitation devrait entraîner une modification de la courbe de consolidation de l’acier vieilli, ce qui n’est pas observé expérimentalement lors du 2nd stade d’évolution du BH, mais est observé durant le 1er stade [ESL93][SOL98]. Pour conclure, disons qu’au cours du vieillissement, les mécanismes attribués à l’évolution des différentes caractéristiques mécaniques ne sont pas clairement établis. Toutefois ; il est admis par tous que l’origine du vieillissement est bien liée à la ségrégation d’atomes interstitiels sur les dislocations introduites à l’écrouissage, dans la matrice et concentrées aux interfaces, pour former des atmosphères de Cottrell et éventuellement des amas, même si l’existence de ces derniers n’a jamais été mise en évidence et semble pouvoir être discutée. II.C.4. Effet de la température – Equivalences temps-température Dans une revue assez complète (200 références), Baird relate que l’augmentation de la température de vieillissement (jusqu’à 250 °C) accélère la cinétique de vieillissement sans pour autant affecter les niveaux de caractéristiques mécaniques atteints au terme du vieillissement[BAI71b]. L’énergie d’activation du processus de vieillissement est sensiblement égale à l’énergie de diffusion des interstitiels dans la ferrite comme le laisse prévoir la théorie de Cottrell et Bilby. Afin de simuler le vieillissement à température ambiante dans des temps raisonnables, Hundy a développé l’expression de Cottrell (II-3) et établi une relation qui permet de calculer un temps t à une température de vieillissement T équivalent au vieillissement d’une durée tr à la température ambiante Tr [HUN54] : E ⎛ 1 1⎞ ⎛T ⎞ ⎛t ⎞ .⎜⎜ − ⎟⎟ log⎜ r ⎟ = log⎜ r ⎟ + ⎝ T ⎠ 2,3.R ⎝ Tr T ⎠ ⎝ t ⎠ où E est l’énergie d’activation de la diffusion des interstitiels dans la ferrite et R la constante des gaz parfaits. Il a ainsi montré qu'au cours du vieillissement, après des prédéformations en traction ou en laminage, les évolutions des différentes caractéristiques mécaniques ainsi que celles de la résistivité (associées au départ des interstitiels de la solution solide vers les dislocations), satisfont effectivement à cette expression, autant dans le cas du carbone que de l'azote et cela pour des températures de vieillissement comprises entre l’ambiante et au moins 150 °C. 50 II.C.5. Effet de la quantité d’interstitiels sur le vieillissement La quantité d’interstitiels susceptible de participer au vieillissement est a priori égale à la quantité d’atomes en solution. Cette quantité est souvent estimée avant la prédéformation, à l’état recuit, par la mesure du frottement interne (voir chapitre III). Wilson et Russel [WIL60a,b] ont montré que pour des teneurs en interstitiels en solution inférieures à 5 ppm, seules l’augmentation de la limite élastique et l’apparition du palier de traction sont susceptibles d’intervenir (stade de « ségrégation », formation d’atmosphères, voir Figure II-8). Aux teneurs plus importantes, la charge à rupture augmente à son tour (stade « précipitation »). Hundy a constaté le même comportement quand la quantité d’interstitiels dépasse 18 ppm de carbone ou 8 ppm d’azote [HUN56]. Ce constat expérimental n’est pas en contradiction avec l’hypothèse excluant la précipitation (§ II.C.3). Par mesure du BH des chercheurs trouvent des résultats similaires en ce sens qu’il faut une quantité faible de carbone en solution (< 5 ppm) pour provoquer une augmentation importante de la limite élastique [BUT62][OKA81,89][HAN84] (Figure II-9). Notons que dans ces travaux, la quantité de carbone libre est toujours estimée à partir de la mesure du frottement interne dont le signal est sensiblement affecté par la teneur en éléments substitutionnels dans la matrice ainsi que par la texture de l’acier (voir chapitre III) ce qui peut expliquer en partie la dispersion des résultats (Figure II-9 (a)). Enfin, on observe une saturation de l’augmentation du BH (ou de l’AI) avec la quantité d’interstitiels en solution. La cinétique de vieillissement (augmentation de la limite élastique et développement du palier de Lüders) est accélérée par la présence de plus d’interstitiels en solution (Figure II-8) alors que la cinétique de ségrégation des interstitiels (mesurée par FI [HAR51][THO55b], par résistivité [DAH54][WIL60a] et par PTE [BER96][CRE97] + chapitre VI) ne semble pas particulièrement affectée. Les cinétiques d’augmentation de la charge à rupture et de la dureté ne sont pas sensiblement affectées par la quantité d’interstitiels libres si ce n’est que ces caractéristiques n’évoluent pas pour les faibles teneurs en interstitiels (< 10 ppm) ou pour les faibles taux de prédéformation (< 2 %, Figure II-7). Ceci doit conduire à différencier la cinétique du mécanisme du vieillissement (diffusion des interstitiels vers les dislocations, formation des atmosphères voire de précipités) de ces conséquences macroscopiques (évolutions des différentes caractéristiques mécaniques) qui sont également sensibles aux paramètres microstructuraux et aux conditions de caractérisation (ex : sensibilité de la limite d’élasticité ou de la longueur du palier à la vitesse de traction …) 51 Figure II-8 : Effet de la quantité d’interstitiels en solution sur l’évolution des caractéristiques de traction au cours d’un vieillissement à 60 °C après une prédéformation de 4 % [WIL60a]. La quantité d’éléments en solution est estimée pour chaque cas à : (1) 0,014%, (2) 0,0022 %, (3) environ 0,0005 % et (4) moins de 0,0002 %. (a) (b) Figure II-9 : BH ou ∆σ (∆YS) en fonction de la quantité d’interstitiel estimée par frottement interne pour des aciers de compositions différentes (a) ou de taille de grains différents (b) d’après [OKA81] et [HAN84]. Enfin, même si l’effet de l’azote seul sur le vieillissement a très peu été étudié, il semble qu’on ne puisse pas faire de distinction franche entre les effets respectifs du carbone et de l’azote. 52 II.C.6. Effet de la déformation II.C.6.a) Taux de déformation L’amplitude de la prédéformation avant vieillissement n’a pas un effet très marqué sur les cinétiques de vieillissement [HUN56][WIL60b][ESL93]. Par contre, l’amplitude des variations de résistance est très affectée. Hundy a montré que les accroissements de limite d’élasticité et de longueur du palier diminuent avec l’augmentation de la prédéformation (par laminage) jusqu’à environ 6-8 % puis se stabilisent pour les taux plus élevés [HUN56]. Ce constat a été largement confirmé par les études sur le BH [OKA81][ELS93][RUB96][VAN98][SOL98]. En ce qui concerne le gain de charge à rupture (ou de dureté), ce dernier augmente avec la prédéformation jusqu’à des taux compris entre 10 et 15 % puis se stabilise [HUN56][BAI71b]. L’origine des comportements distincts entre les différentes caractéristiques mécaniques n’est pas clairement expliquée si ce n’est par des considérations hypothétiques sur les 2 stades de vieillissement, formation d’atmosphère puis précipitation [HUN56]. Le passage d’une microstructure homogène de dislocations (pour les faibles taux de déformation) à une microstructure en cellules (voir § I.D) ou l’accumulation de dislocations aux joints de grains à mesure que l’écrouissage augmente ne sont jamais cités comme pouvant être à l’origine des comportements observés. Pourtant, ces évolutions microstructurales doivent certainement influencer le comportement au vieillissement. II.C.6.b) Mode de déformation Même dans un acier recuit présentant un fort palier (jusqu’à 10 % d’allongement), un faible taux de déformation (< 3 %) par laminage élimine complètement le palier de traction. C’est cette propriété qui est utilisée pour effacer le palier des aciers pour tôles automobiles lors de l’opération de skin pass. Ce comportement est attribué à une répartition inhomogène des déformations pour les faibles taux de laminage qui peut être schématisée par une alternance de zones déformées et non déformées dans le cœur et en surface de l’acier [HUN56][BUT63]. C’est le nombre important de sites de nucléation pour de nouvelles dislocations qui serait responsable du retard à la reprise de palier au cours du vieillissement. Le changement de direction de sollicitation a également un impact sur la cinétique de retour du palier. Wilson et Ogram ont étudiés l’effet d’un changement de direction de sollicitation dans le cas d’un acier prédéformé en torsion, vieilli puis redéformé dans le même sens ou dans le sens opposé [WIL68]. L’apparition du palier de traction est largement retardée pour une sollicitation dans le sens opposé à la prédéformation (Figure II-10) alors que les cinétiques de vieillissement de la charge à rupture et de la ductilité ne sont pas 53 affectées. Leur interprétation repose sur la nature des sources de dislocations activées lors de la redéformation. En fait ils ont été amenés à distinguer 2 stades : Lors du premier stade, les dislocations libres seraient progressivement ancrées par les interstitiels ce qui provoquerait l’apparition du palier (accroissement de la contrainte de déblocage) dans l’acier sollicité dans le même sens que celui de la prédéformation. Pour l’acier sollicité dans le sens opposé, et dans lequel ce ne sont pas les mêmes systèmes de glissement qui sont activés, les sources de dislocations seraient des amas denses de dislocations aux joints, autour des quels les atmosphères se développeraient plus difficilement (forte densité de dislocations et distance de diffusion des interstitiels plus importante). Leur activation ne serait donc pas affectée au début du vieillissement et on n'observerait donc pas le retour du palier. Au deuxième stade, les dislocations ancrées dans la matrice ne seraient plus à l’origine de la plastification (contrainte de déblocage trop importante) mais quel que soit le sens de sollicitation, les sources actives seraient celles aux joints de grains. Ces dernières seraient elles même de plus en plus bloquées. Le palier se développerait alors pour l’acier sollicité dans le sens opposé et resterait constant pour l’autre jusqu’à ce que les 2 paliers aient le même comportement. La transition entre ces 2 stades est très sensible à la quantité d’interstitiels en solution comme le confirme la Figure II-10. Des chercheurs ont fait le même type d’observation sur des tôles prédéformées par laminage ou traction dans une direction, et testées après vieillissement dans une direction parallèle ou perpendiculaire à la direction de prédéformation [OKA89] Leurs résultats vont plutôt dans le sens de l’hypothèse de Keh et Leslie [LES62][KEH63] pour justifier le second stade d’augmentation de ∆σ au cours du vieillissement, à savoir une relaxation des microcontraintes aux interfaces (dislocations aux joints de grains) par les interstitiels (§ II.3.C). En ce qui concerne l’effet du vieillissement sur les autres caractéristiques mécaniques, et notamment la charge à rupture et la dureté, le mode et la direction de déformation n’ont pas d’effet marqué sur la cinétique et l’amplitude de leurs évolutions au cours et au terme du vieillissement [HUN56][WIL60a][WIL68]. 54 Figure II-10 : Effet de la quantité d’interstitiels en solution (ajustée par la température de trempe) sur le retour du palier de Lüders d’un acier prédéformé de 5 % en torsion, vieilli à 89 °C et rechargé en torsion dans le même sens et dans le sens opposé [WIL68]. II.C.6.c) Effet d’un vieillissement entre 2 déformations Hundy et Boxall ont montré qu'en appliquant une déformation par incréments, avec un traitement de vieillissement entre chaque incrément, la résistance finale de l’acier est plus importante que s'il avait été déformé en une seule étape [HUN57]. Leur interprétation est que l’augmentation de la consolidation de l’acier au terme du vieillissement conduit à ce que lors d’une déformation ultérieure, la quantité de dislocations introduites est supérieure à ce qu’elle serait en l’absence du vieillissement intermédiaire. Nous verrons dans le chapitre VI que nous arrivons à la même conclusion et que ce comportement peut être utilisé pour augmenter les caractéristiques mécaniques de l’acier tout en limitant le taux de déformation total. II.C.7. Influence de la taille de grains La taille de grains est connue pour influencer sensiblement l’amplitude du vieillissement et particulièrement celle de la limite d'élasticité (BH, Figure II-9 (b)) et du palier de traction [OKA81][HAN84][VAN98][ZHA00a,b][DE01]. Cet effet n’est pas encore clairement compris car la taille de grains joue également sur beaucoup de paramètres qui conditionnent le BH 55 (quantité de carbone en solution après recuit, écrouissage de l’acier, ségrégation et précipitation aux joints de grains …). Récemment De a avancé que dans des aciers ULC à BH, il existerait une taille de grains critique en deçà de laquelle le carbone ségrégé aux joints de grains participerait au BH en migrant des joints vers les dislocations existant en forte densité à proximité des joints [DE01]. Par ailleurs l’augmentation de la charge à rupture ou de la dureté au cours du vieillissement n’est pas affectée par la taille des grains (ex : Figure II-6). En conclusion nous pouvons dire qu’aucune interprétation de la littérature ne semble susceptible de décrire l'ensemble des observations expérimentales en ce qui concerne l'influence de la taille des grains. II.D. Discussion Dans cette revue bibliographique rapide, on sent bien que les mécanismes à l’origine des évolutions des caractéristiques mécaniques ne sont pas tous clairement établis. Si tous les chercheurs s’accordent à dire que la formation d’atmosphère autour des dislocations conduit à augmenter la contrainte nécessaire à leur remise en mouvement (ancrage des dislocations). Le mécanisme à l’origine de la plastification d’un acier vieilli résiderait pour certains dans le désancrage de ces dislocations et pour d’autres dans l’activation d’autres sources de dislocations, les 2 mécanismes pourraient se succéder aux différentes étapes du vieillissement. La précipitation de fines particules (amas ou précipités constitués) a été avancée pour justifier des évolutions de la limite d’élasticité pour les temps de vieillissement longs. Cependant, même si cette hypothèse est la plus admise, ces précipités n’ont jamais été mis en évidence expérimentalement. Une autre hypothèse avancée par certains chercheurs est la relaxation des microcontraintes aux interfaces (précipités, joints de grains, sous joints …) par la migration à longue distance des interstitiels vers ces zones de microcontraintes. Cette hypothèse et celle voulant que l’évolution de l’écrouissage de l’acier soit responsable de l’augmentation de la charge à rupture semblent les plus à même de décrire les observations expérimentales. Nous verrons au chapitre VI qu’en ce qui nous concerne, nos résultats ne sont pas compatibles avec la formation de précipités aux dislocations dans les états complètement vieillis. En fait, c’est surtout le manque de connaissance quant à la quantité réelle d’interstitiels participant effectivement au vieillissement et à leur cinétique de ségrégation et/ou précipitation au cours du vieillissement qui ne permet pas d’aller plus loin sur la détermination des différents mécanismes. Dans la présente étude, nous essaierons de 56 mettre en évidence que la mesure du pouvoir thermoélectrique devrait certainement constituer une technique permettant d’accéder à ces informations. L’accroissement de la limite d'élasticité durant le vieillissement semble être la caractéristique la plus sensible aux paramètres microstructuraux et aux conditions de l’essai alors que la charge à rupture (ou la dureté) ne semble sensible qu’au taux d’écrouissage et à la quantité d’interstitiels en solution, à condition toutefois qu’ils soient suffisamment élevés. Dans les cas qui nous intéressent, ε > 5 % et [C+N] > 30 ppm, cette condition est largement dépassée et nous pouvons donc penser que la mesure de dureté peut constituer un bon indicateur de l’état d’avancement et de l’amplitude du vieillissement. Enfin d'après les travaux de la littérature, il semble que les effets du carbone et de l’azote sur le vieillissement ne soient pas différentiables. 57 58 III. Techniques expérimentales III.A. Le frottement interne (FI): mesure du pic de Snoek et dosage du carbone et de l’azote en solution dans des aciers extra-doux III.A.1. Généralités La relaxation de Snoek fait référence au saut thermiquement activé d’un atome interstitiel, sous l’effet d’une contrainte dans les métaux cubiques centrés. l’étude de la relaxation de Snoek débute par la découverte par Richter en 1938 d’un traînage élastique dans le fer contenant du carbone. La nature de ce traînage est identifiée par Snoek [SNO41] qui montre que des matériaux similaires présentent un pic de frottement interne vers la température ambiante lorsqu’ils sont sollicités à une fréquence d’environ 1Hz. Snoek montre que c’est bien la présence d’atomes interstitiels, carbone et/ou azote, en solution solide qui est responsable de ce pic, résultante du comportement anélastique de ces systèmes. Le pic de frottement interne lié à la présence d’un type d’interstitiel en solution solide est appelé pic de Snoek. La théorie ainsi que l’expérimentation montrent que dans une matrice pure et sans défaut, l’intensité de la relaxation est proportionnelle à la quantité d’atomes interstitiels présent en solution solide. C’est pourquoi la mesure de la hauteur du maximum du pic de Snoek est utilisée pour la détermination de la quantité de carbone et d’azote en solution solide dans le fer et par extension, dans les aciers. Cette partie du chapitre III est particulièrement développée du fait que le frottement interne est la technique de référence en ce qui concerne la détermination de la quantité d’atomes interstitiels (C et N) en solution dans les aciers. Naturellement, cette technique a été utilisée dans la thèse. 59 III.A.2. Aspects théoriques III.A.2.a) Relaxation de Snoek Lorsque les atomes de carbone et d’azote sont en solution solide dans la ferrite, ils occupent les sites interstitiels octaédriques de la maille cubique centrée. Ces sites sont de symétrie tétragonale et la distorsion locale du réseau due à la présence de l’atome interstitiel possède la même symétrie. Le défaut ainsi créé est un dipôle élastique. On définit alors trois orientations pour le dipôle suivant que l’atome interstitiel occupe des sites X, Y ou Z (Figure III-1). Lorsque le système est au repos, les trois positions sont énergétiquement équivalentes et les atomes interstitiels se répartissent entre ces sites de manière équiprobable. Si maintenant on applique une contrainte extérieure suivant une direction cristallographique donnée, le réseau se déforme et on est susceptible de favoriser certains sites. Cette situation est illustrée sur la Figure III-1 où les sites Z sont favorisés par l’application d’une contrainte extérieure suivant la direction Z. Sous l’action de l’agitation thermique, les atomes interstitiels vont alors se distribuer préférentiellement dans ces sites par des sauts vers les sites Z proches voisins, c’est le saut de Snoek. A la déformation instantanée liée à l’application de la contrainte extérieure, vient s’ajouter au cours du temps une déformation additionnelle liée au peuplement des sites Z par les atomes interstitiels (Figure III-1). Si maintenant on annule la contrainte extérieure, les atomes interstitiels vont alors se redistribuer de manière équiprobable dans les sites X, Y, Z et la déformation additionnelle va disparaître. Ce comportement anélastique est donc lié la réorganisation des atomes interstitiels sous l’effet d’une contrainte extérieure et de l’agitation thermique, c’est la relaxation de Snoek. Si on applique une contrainte extérieure cyclique à ce type de système, il apparaît sous certaines conditions de fréquence et de température un déphasage entre la contrainte et la déformation caractérisé par un angle de perte Φ. On a alors une dissipation d’énergie ∆W/W conduisant au frottement interne : ∆W W = 2.π. tan Φ = 2.π.Q −1 où Q-1 est l’inverse du « facteur de qualité » des systèmes mécaniques. d’après le modèle anélastique standard, le frottement interne s’exprime par Q −1 = ∆. w.τ 1 + ( w.τ) 2 ( III-1) −1 qui est l’équation d’un pic de Debye et présente un maximum pour w.τ = 1 où Qmax = ∆ /2. τ est le temps de relaxation du phénomène physique mis en jeu et ∆ l’intensité de la relaxation. 60 III.A.2.b) Cinétique de la relaxation: La relaxation de Snoek est caractérisée par un temps de relaxation τ qui correspond au temps moyen de séjour d’un atome dans un site interstitiel. Ce temps de relaxation est relié σ σ Y Y Z X Z z [001] Z Site interstitiel Atome de carbone Y σ temps ε Y temps Atome de Fer y [010] x [100] Figure III-1 : Schéma du saut de Snoek dans une maille distordue sous l’action d’une contrainte. Seuls les sites premiers voisins de l’atome de carbone sont représentés. Les deux sauts atomiques schématisés par une flèche pleine et en pointillé sont équiprobables. à la fréquence de saut atomique ν qui s’écrit: ν = ν D . exp( ∆S ∆H ) ). exp( − k.T k ( III-2) où νD est la fréquence de Debye, ∆S le gain d’entropie et ∆H l’enthalpie d’activation d’un saut. On montre que dans le cas du saut d’un atome interstitiel d’un site octaédrique à un autre dans un cristal cubique centré, on a τ-1 = 3.ν [NOV72] soit : τ = τ 0 . exp( ∆H ) k.T ( III-3) Le temps de relaxation est donc relié à la fréquence de saut atomique, qui se retrouve également dans l’expression du coefficient de diffusion d’un interstitiel i dans une matrice cubique centrée. On peut effectivement montrer que : Di = p2 36.τ ( III-4) avec p le paramètre de maille du réseau cubique. Le paramètre d’activation qui gouverne τ est le même que celui de la migration atomique. Pour cette raison, la technique de frottement interne a été utilisée en vue de la détermination du coefficient de diffusion du carbone et de l’azote dans le fer aux basses températures. Les résultats sont complémentaires des données issues d’autres techniques expérimentales 61 (traction à hautes températures, profil de concentration dans un barreau...) et sont en bon accord entre eux. III.A.2.c) Intensité de la relaxation Les résultats exposés ici sont issus de calculs détaillés donnés par Nowik [NOV72]. L’intensité de la relaxation correspondant au saut de Snoek dans le cas de l’application d’une contrainte uniaxiale est donnée comme le rapport entre la relaxation du module sur le module. Soit dans le cas d’une sollicitation en flexion : ∆E 2 1 C. v 0 .(1 − 3Γ ).( λ 1 − λ 2 ) 2 = . . E 9 E k. T ( III-5) et dans le cas d’une sollicitation en torsion : ∆G −1 4 1 C. v 0 . Γ.( λ 1 − λ 2 ) 2 = . −1 . 3 G k. T G −1 ( III-6) où E est le module d’Young et G-1 l’inverse du module de cisaillement qui s’écrivent dans le cas d’un cristal cubique : E = S1111 − [2.(S1111 − S1122 ) − S1212 ].Γ G −1 = S1212 − 2.[2.(S1111 − S1122 ) − S1212 ]. Γ Γ est le facteur d’orientation. Γ = α2β2 + β2π2 + π2α2 et α, β et π sont les cosinus directeurs de la contrainte appliquée par rapport aux axes cristallographiques de la maille, v0 est le volume atomique moyen, C est la concentration en défaut, λ1 et λ2 sont les déformations principales du dipôle élastique créé par l’atome interstitiel, k la constante de Boltzmann et T la température absolue. L’intensité de la relaxation est donc proportionnelle : • à (λ1 - λ2)2, carré de la différence entre les axes principaux du dipôle élastique et qui est fonction du type de défaut considéré ; • à C la concentration en défaut ; • au facteur d’orientation Γ qui laisse présumer que dans le cas de la mesure de frottement interne dans un polycristal, la texture de l’échantillon aura un effet sur l’intensité de la relaxation. L’effet de l’orientation d’un monocristal sur l’intensité de relaxation a été démontré expérimentalement par Dijkstra [DIJ49] ; • à l’inverse de la température absolue. Les équations (III-5) et (III-6) indiquent donc que pour un échantillon donné, l’intensité de la relaxation est proportionnelle à la concentration de défauts présents. C’est cette 62 propriété qui est retenue pour l’utilisation du frottement interne comme technique de dosage des atomes interstitiels en solution solide. III.A.2.d) Forme du spectre de FI D’après les équations (III-1) et (III-3), on peut définir une température Tm pour laquelle on vérifie l’égalité w.τ = 1, on a alors le maximum de frottement interne : ⎡R ⎛ 1 . ln⎜⎜ Tm = ⎢ ⎣⎢ ∆H ⎝ w.τ 0 ⎞⎤ ⎟⎟⎥ ⎠⎦⎥ −1 ( III-7) Tm n’est fonction que de la fréquence de sollicitation w car les autres paramètres sont constants pour un processus donné. D’après l’équation (III-1), on peut écrire : Q −1 = ∆. 1 1 + wτ wτ = ∆. ∆ 1 ∆ 1 = . = . sec h( x ) −x 2 ch( x ) 2 e +e x ( III-8) ∆H 1 1 .( − ) R T Tm soit encore : avec x = ⎡ ∆H ⎛ 1 1 ⎞⎤ −1 .sec h⎢ .⎜ − Q −1 ( T) = Q max ⎟⎥ ⎣ R ⎝ T Tm ⎠ ⎦ ( III-9) −1 D’après (III-5) et (III-6) on sait que l’intensité de la relaxation (ici Q max ) est proportionnelle à l’inverse de la température. En pratique, les pendules de torsion utilisés fréquemment pour la mesure du pic Snoek sont souvent conçus pour fonctionner à des fréquences de l’ordre de l’Hertz. Or pour des fréquences variant de 0,5 à 2 Hz, la variation relative du maximum du pic par rapport à celui mesuré pour une fréquence de 1 Hz est de ± 2 %. C’est pourquoi, dans de nombreuses publications, les auteurs ne retiennent que l’équation (III-9). C’est ce que nous ferons dans la suite de la thèse. Un spectre de relaxation permet donc d’apporter une information qualitative sur la nature du défaut (position de Tm, fonction de la nature de l’interstitiel ou du processus du saut induit par déformation dans le cas de spectres complexes) ainsi qu’une information quantitative par la mesure du maximum du pic de frottement interne, proportionnel à la concentration d’interstitiels en solution, toute chose étant égale par ailleurs. Dans la pratique, et quand l’alliage comporte plusieurs types d’interstitiels (exemple des systèmes Fe-C-N et Fe-Mn-C-N), le spectre de relaxation est composé des diverses contributions élémentaires et s’écrit alors : ⎡ ∆Hi ⎛ 1 1 ⎞⎤ −1 ⎜ ⎟⎥ .sec Q −1 ( T) = Q 0−1 ( T) + ∑ Q max, h − ⎢ i i ⎣ R ⎝ T Tm i ⎠ ⎦ (III-10) 63 Q 0−1 (T ) est le bruit de fond, qui représente le frottement interne résiduel (appareil de mesure, défauts dans l’échantillon, déplacement des parois de Weiss) et qui peut être fonction de la température. −1 Q max, i est l’amplitude maximale du pic de frottement interne, qui est proportionnelle à la concentration du défaut de type i (espèce chimique et type de site occupé dans les alliages de type Fe-M-C ou N) à la température Tmi. ∆Hi est l’enthalpie d’activation du saut du défaut i. On retrouve ce type de spectre dans le système Fe-N-C où dans des ternaires Fe-M-C et Fe-M-N où un élément en substitution M peut entraîner l’apparition de plusieurs pics élémentaires du fait de l’existence de sites non équivalents autours des atomes M. C’est le cas du système Fe-Mn-N ou la présence de Mn en solution fait apparaître des pics “ anormaux ” sur le spectre de frottement interne qui sont la manifestation de sauts d’atomes d’azote localisés autours d’atomes de manganèse isolés ou de paires d’atomes de manganèse. La première difficulté lorsque l’on rencontre un spectre complexe est de connaître ses composantes élémentaires afin de le décomposer analytiquement. III.A.3. Cas des systèmes Fe-C, Fe-N et Fe-M-C-N III.A.3.a) ∆H et Tm du carbone et de l’azote dans le fer alpha Les valeurs données ici correspondent à la moyenne des différentes valeurs tirées de la littérature [WER53b][ENR62b][AOK63c][COU67][RIT67][DEN68] et sont retenues dans ce travail : ∆HC = 20100 cal/mol = 84000 kJ/mol = 0.87 eV TmC = 40°C = 313K ∆HN = 18500 cal/mol = 77300 kJ/mol = 0.78 eV TmN = 24°C = 297K La température du maximum d’amortissement est donné à 1Hz. Il a été montré que lorsque les deux interstitiels sont présents simultanément en solution solide, les paramètres thermodynamiques restent les mêmes, le spectre de frottement interne obtenu étant la résultante de la somme des deux contributions [WER54]. Cela signifie que la présence d’un interstitiel ne joue pas sur la diffusion de l’autre et vice et versa. 64 III.A.3.b) Dosage par mesure du frottement interne Nous avons vu que la relaxation de Snoek se manifeste par un pic sur le spectre de frottement interne dont la hauteur est proportionnelle à la quantité d’atomes interstitiels en solution. On peut donc écrire la concentration [i] de soluté i comme : −1 [i] = K i . Q max, i ( III-11) avec Ki un coefficient de proportionnalité qui s’écrit dans le cas d’une sollicitation en torsion (d’après (III-6)) : ⎡4 1 v0 ⎤ K i = ⎢ . −1 . . Γ.( λ 1 − λ 2 ) 2 ⎥ ⎣ 3 G k. T ⎦ −1 ( III-12) Depuis la découverte du pic de Snoek dans l’acier, on a cherché à déterminer les coefficients KC et KN. Des chercheurs ont étudié l’influence de divers paramètres comme la taille de grain, la composition chimique et la texture. Swartz a montré que l’effet de taille de grain supposé par Aoki et al était en fait lié à la texture [AOK61][AOK63a,b,c][SWA69]. L’effet de la texture sur KC et KN a longtemps été ignoré ou négligé malgré qu’il soit implicite dans les expressions (III-5) et (III-6). Récemment, Eloot et al ont calculé théoriquement les coefficients KC et KN pour des orientations cristallographiques types et ont fait apparaître des variations allant du simple au double entre les fibres α et φ (voir Tableau III-1)[ELO97a,b]. Néanmoins, il n’existe pas d’étude ou cet effet est calculé puis vérifié expérimentalement. Le calcul de l’effet de la texture est utilisé dans la thèse (chapitre IV) et détaillé dans l’annexe 2. Texture En torsion KC du carbone KN de l'azote fibre α fibre γ fibre φ fibre ζ aléatoire 0,94 0,94 1,68 1,11 1,14 1,14 1,14 2,04 1,35 1,38 Tableau III-1 : Valeurs de KC et KN pour les composants de texture et les fibres les plus représentés dans le cas d’aciers à bas carbone laminés puis recristallisés pour des échantillons prélevés dans le sens de laminage [ELO97a]. III.A.3.c) Influence de la composition chimique L’influence de la composition chimique se manifeste de deux manières : • Apparition de pics “ extraordinaires ” • Diminution de l’amplitude du pic de Snoek “ ordinaire ” 65 Dans des systèmes Fe-Mn-N, la présence de manganèse conduit à un élargissement et un étalement du pic de frottement interne de l’azote [FAS51][MEI61]. On a rapidement voulu décomposer ce spectre en pics élémentaires répondant à l’équation (III-10), chaque pic correspondant aux sauts d’atomes d’azote depuis ou vers des sites particuliers. Les variations relatives de la hauteur de ces pics en fonction de la teneur en manganèse ont amené Nacken et al. à faire l’hypothèse de l’existence de 3 types de sites pour les atomes d’azote [NAC66]. Des sites normaux où l’atome d’azote se retrouve dans une maille “ pure ” de fer alpha, les sites Fe-Fe. Des sites “ anormaux ” où l’atome d’azote à un atome de manganèse proche voisin, les sites Fe-Mn, ou deux atomes de manganèse proches voisins, les sites Mn-Mn (Figure III-3). D’après Nacken et al., un atome d’azote n’a pas la même énergie selon le type de site occupé. L’existence de ces 3 types de site doit conduire à 7 types de saut soit 7 pics de frottement interne (Figure III-2). Ces chercheurs montrent que pour des concentrations en azote assez faibles ([N] < 100ppm), seuls les pics des sauts 1, 2 et 3 sont prédominants. Ils correspondent à des atomes d’azote en position normal, qui conduisent au pic de Snoek ordinaire, et à des atomes d’azote qui sautent autour d’un atome ou d’une paire d’atomes de manganèse et conduisent à l’apparition des pics “ extraordinaires ” dont le maximum est respectivement à plus haute et plus basse température que celui du pic normal. Cette analyse ainsi que cette décomposition ont été faites par plusieurs équipes, les paramètres thermodynamiques qui définissent chaque pic sont donnés dans le Tableau III-2. Considérant que la distribution des atomes d’azote dans la solution suit une statistique de Boltzmann, Kruk et al ont calculé l’énergie de liaison entre un atome d’azote et un atome de manganèse, et entre un atome d’azote et une paire d’atome de manganèse [KRU94]. Ils trouvent respectivement 0,033 eV et 0,168 eV. Certains atomes d’azote sont donc piégés dans des sites particuliers, et c’est ce piégeage qui est évoqué pour expliquer le retard à la précipitation des nitrures de fer en présence de manganèse [FAS54][ENR62a][GLA65]. 66 Auteurs Nacken et al. [NAC66] Pics 1 2 Ea (kcal/mol) 14,0 16,2 Ea (kJ/mol) 58,5 67,7 Ea (eV) 0,61 0,70 Tm (°C) 7 26 Tm (K) 280 299 0.5Hz corrigé à 1 Hz 3 4 17,0 19,0 71,1 79,4 0,74 0,82 37 54 310 327 5 6 20,1 23,2 84,0 97,0 0,87 1,01 72 92 345 365 Den Ouden 7 1 25,0 16,0 104,5 66,9 1,08 0,69 116 7 389 280 [DEN66] 1 Hz 2 3 18,6 19,5 77,7 81,5 0,81 0,85 22 34 295 307 4 5 20,0 21,0 83,6 87,8 0,87 0,91 82 132 355 405 Couper et al. [COU67] 1 2 16,5 18,5 69,0 77,3 0,72 0,80 7 23 280 296 1 Hz Salzbrenner et al. 3 0 19,5 15,5 81,5 64,8 0,85 0,67 34,5 -0,6 307,5 272,4 [SAL76] 0.5Hz corrigé à 1 Hz 1 2 17,2 18,1 71,9 75,7 0,75 0,79 6,1 20,4 279,1 293,4 Ritchie et al. [RIT67] 3 1 2 19,5 15,8 16,7 81,5 66,0 69,8 0,85 0,69 0,72 33,4 -8,6 3,3 306,4 264,4 276,3 1.5Hz corrigé à 1 Hz 3 17,5 73,2 0,76 10 283 4 5 18,6 19,3 77,7 80,7 0,81 0,84 24 30,6 297 303,6 Enrietto 1 15,0 62,7 0,65 7 280 [ENR62a] 1 Hz Moyenne 2 3 1 18,0 21,0 16,0 75,2 87,8 66,9 0,78 0,91 0,69 24 34,5 7 297 307,5 280 1Hz 2 3 18,0 19,3 75,2 80,7 0,78 0,84 24 34 297 307 Tableau III-2 : Paramètres thermodynamiques des pics du système Fe-Mn-N tirés de la littérature. Les cases grisées marquent les pics prédominants dans les alliages contenant peu d’azote en solution. Fe-Fe 2 4 Fe-Mn 5 3 7 6 1 Mn-Mn Figure III-2 : Schéma des niveaux d’énergie des sites octaédriques ainsi que des sauts possibles d’un interstitiel entre ces niveaux d’après Nacken et al. [NAC66] . Les numéros des sauts correspondent à un ordre croissant des températures des maxima des pics. 2 1 2 2 2 Fe Fe 2 1 1 2 1 1 2 Mn 2 i 2 1 2 Sites octaédriques ième voisin de Mn Mn Sites octaédriques Mn-Mn 2 2 Figure III-3 : Sites octaédriques proches voisins d’un Mn et Mn-Mn dans le fer-α. 67 Si l’existence de sites non équivalents est admise, le dosage implique de connaître le poids de chaque pic vis à vis de la quantité d’azote qu’il représente. A partir de l’étude d’alliages Fe-Mn-N à différentes teneurs en manganèse, Nacken et al. ainsi que Stephenson donnent des expressions empiriques à cette fin : [N]%pds = 4,5.pMn-Fe + 1,27.pFe-Fe + 1,0.pMn-Mn [NAC66] [N]%pds = k.(2.33.pMn-Fe + 0.83.pFe-Fe + 0.75.pMn-Mn) [STE74] où px est la hauteur du pic représentatif des sites x et k un facteur d’orientation cristallographique. Le poids relatif de chaque pic n’est pas le même dans les deux expressions. Toutefois, la tendance voulant que le poids du pic basse température (sites Mn-Mn) soit nettement supérieur aux deux autres est retrouvée. Cela signifie que pour une même quantité d’interstitiels, l’intensité de la relaxation dans le cas d’atomes en site Mn-Mn est plus faible que dans d’autres sites. L’effet d’autres substitutionnels sur le spectre de frottement interne de l’azote a peu été étudié. Notons simplement une étude de Soeno et al qui montrent que le comportement vu plus haut se retrouve en présence de molybdène (0,5-1% atomique) ou de vanadium (0,25% atomique) alors que le cobalt et le nickel présent jusqu'à des teneurs de 5% atomique ne semblent pas avoir d’effet important sur le pic de Snoek de l’azote [SOE67]. En ce qui concerne le carbone, des phénomènes équivalents à ce qui est décrit pour FeMn-N se manifestent dans Fe-Cr-C, Fe-Ni-C et Fe-Al-C [KLE76][LAX61][JAN66a,b]. Mais les concentrations en substitutionnels sont telles que leur effet semble pouvoir être négligé dans le cas des aciers très faiblement alliés comme ceux qui nous intéressent dans le contexte de la thèse. Pour les faibles concentrations en éléments substitutionnels (< 1-2%), de nombreuses équipes ont constaté la diminution de la hauteur du maximum du pic de Snoek du carbone en présence de manganèse, silicium, nickel, chrome, cobalt, phosphore, molybdène ... [GLA65][DEN68][KLE76][SAI89,93][USH93]. Si dans un premier temps, cette diminution était toujours interprétée comme étant la résultante de la diminution de la solubilité du carbone [GLA65][DEN68][KLE76], Saitoh et al et Ushioda et al ont montré qu’il n’en était rien. Leur procédure expérimentale permet de montrer que sans diminuer la solubilité du carbone (voir Tableau III-3 et Figure III-4) certains éléments en solution solide ont une influence plus ou moins prononcée sur la hauteur du pic de Snoek du carbone (voir Figure III-5), toute chose étant égale par ailleurs [SAI89,93][USH93]. Pour expliquer la diminution du maximum de pic de Snoek en présence d’éléments en solution, ces chercheurs proposent l’existence de “ zones fortement déformées ” autour des atomes en substitution dues à la différence des rayons atomiques avec celui des atomes de fer. Les atomes de carbone, distribués au hasard dans la matrice, deviennent “ invisibles ” au frottement interne s’ils sont situés dans ces zones (Figure III-6). D’après leur hypothèse, l’effet de masquage des atomes de carbone au frottement interne devrait être d’autant plus 68 important que les rayons atomiques de l’espèce en substitution et du fer sont éloignés. C’est effectivement ce qu’ils observent expérimentalement [SAI93]. Figure III-4 : Influence du manganèse sur la solubilité du carbone Elément Solubilité de C à 700°C Mn (0~1%) 0,019% P (0,08%) 0,028% Si (0,08%) 0,030% Co (0~1%) 0,019% Tableau III-3 : Solubilité du carbone dans le fer à 700°C en présence d’un élément en substitution tirée des mesures de frottement interne corrélées à des analyses chimiques [USH93]. Ushioda et al. [USH93] font le même type d’observations et d’hypothèse (Figure III-5). Dans le système Fe-Mn-C, le pic de frottement interne est légèrement élargi vers les hautes et basses températures alors qu’il est fortement élargi vers les hautes températures dans les systèmes Fe-P-C et Fe-Si-C. L’élargissement serait alors le résultat de l’addition du pic normal avec d’autres pics ayant des énergies d’activation différentes, conséquence de l’existence de sites non équivalents autour des atomes substitutionnels. Dans le modèle que présentent ces auteurs, une éventuelle interaction entre les atomes substitutionnels et les atomes de carbone n’est pas considérée. Or, le champ de déformation que crée l’atome en substitution dans la maille est susceptible d’interagir avec le dipôle élastique que forme l’atome de carbone en position octaédrique, comme c’est le cas avec le champ de déformation autour d’une dislocation. De plus, il peut exister des affinités chimiques entre le substitutionnel et le carbone (ex : Affinité de Mn pour la cémentite, éléments carburigènes). Dans ces conditions, la proportion d’atomes de carbone “ masqués ” par l’effet vu plus haut ne serait pas déterminée par le hasard mais par une statistique de type Maxwell-Boltzmann. Song et al. [SON89], qui étudient la précipitation du carbone dans un système Fe-Mn-C par mesure de résistivité électrique et frottement interne, montrent une diminution du pic de frottement interne avec la teneur en manganèse similaire à celle de Saitoh et al. [SON89]. Ils 69 l’interprètent comme étant le résultat de la formation, pendant la trempe, de dipôles Mn-C qui se décomposent lors du traitement de vieillissement [ABE84,86]. Selon eux, les atomes de carbone formant des dipôles ne participent pas au pic de frottement interne. Ils concluent que si l’on considère que les atomes de carbone en solution solide sont l’addition de ceux formant les dipôles Mn-C et les atomes isolés (qui participent au frottement interne), la solubilité du carbone ne varie pas pour une concentration en manganèse allant jusque 1,2%. Ils l’établissent à 0,017% à 700 °C. Ces résultats sont en accord avec ceux décrits plus haut. La conséquence pratique des observations expérimentales des études citées plus haut sur l’utilisation du frottement interne pour le dosage du carbone est de considérer l’effet de la composition chimique sur le coefficient de proportionnalité KC. D’après leurs résultats, Saitoh et al donnent KC en fonction de la teneur en manganèse ou en phosphore (Figure III-7). 70 Figure III-5 : Spectre de frottement interne d’échantillons d’aciers bas carbone contenant différents éléments d’alliage et trempés depuis 700°C. (a) Mn (b) P (c) Si (d)Co [USH93] Fe Atome substitutionnel C Figure III-6 : Schéma du modèle des zones fortement déformé proposé par Saitoh et al et Ushioda et al [SAI89, 93][USH93]. Figure III-7 : Variation de la constante de proportionnalité KC en fonction de la quantité de manganèse en solution [SAI89]. 71 III.A.4. Mesure du frottement interne III.A.4.a) Appareil de mesure : pendule de torsion, mesure du décrément logarithmique Pour balayer le spectre de frottement interne Q-1(w.τ), on a le choix entre faire varier la fréquence de sollicitation ou τ par l'intermédiaire de la température. Pour des considérations essentiellement expérimentales, le choix de nombreuses équipes s'est porté sur des appareils de torsion (pendule de torsion) dont la fréquence de fonctionnement est d'environ 1Hz avec un balayage en température. Ceci conduit à des maxima d'amortissement aux environs de la température ambiante, limitant ainsi une précipitation éventuelle des interstitiels durant l'expérience. Pour des raisons de sensibilité, les pendules de torsion généralement adoptés sont en oscillations "libres", c'est à dire que la fréquence d'oscillation du pendule n'est pas imposée mais correspond à la fréquence propre du système constitué par le pendule et l’échantillon. C’est le cas de l’installation utilisé à l’INSA de Lyon (Figure III-8). La rigidité du pendule, le frottement interne du fil de torsion et la géométrie des éprouvettes (5x50 mm) imposent de travailler avec des épaisseurs d’échantillons comprises entre 0,15 et 0,7 mm ce qui est toujours le cas pour les aciers étudiés dans le cadre de la thèse (voir annexe 2). L’échantillon constitue l’élément de torsion du pendule. Il est fixé entre deux mors dont l’un (mors inférieur) est solidaire du bâti du pendule. L’ensemble du pendule est placé sous une faible pression d’hélium afin d’éviter un trop grand frottement de l’air et d’assurer un échange de la chaleur par convection. L’atmosphère d’hélium permet également d’éliminer la condensation d’eau (à basse température) ou l’oxydation (à haute température) de la surface de l’échantillon pendant la mesure. La température de l’échantillon est contrôlée par un four entouré d’un cryostat rempli d’azote liquide. L’ensemble du pendule est équilibré par un contrepoids de masse suffisamment faible pour ne pas soumettre l’échantillon à un effort de traction notable. La déformation en torsion est mesurée à l’aide d’un faisceau lumineux qui se réfléchit sur un miroir solidaire de la tige mobile. Il est ensuite récupéré par deux cellules photorésistantes dont on extrait le signal différentiel qui est proportionnel au déplacement du spot lumineux sur les cellules. Dans l’hypothèse de faibles déformations, la déformation dans l’échantillon est donnée par : ε= θ.e 2.L où θ est l’angle de torsion, e l’épaisseur de l’échantillon dans le cas de plaquette et L la longueur de l’échantillon. Notons que cette relation n’est valable que dans le cas où e < l 5 avec l, la largeur de l’échantillon. 72 Pour rester dans des conditions strictes de déformation élastique, la déformation ne dépasse pas quelques 10-4. Atmosphère He Contrepoids Fil de torsion Tige du pendule Volant d'inertie Miroir Eléctroaimant Aimant Mors supérieur Four Echantillon Mors inférieur + thermocouple Azote liquide Cryostat Figure III-8 : schéma du pendule de torsion inverse de l’INSA de Lyon. L’acquisition du spectre consiste en une succession de cycle de mesure. Un cycle de mesure est composé d’une première partie consacrée au contrôle de l’amplitude de l’oscillation par un asservissement électromagnétique, la deuxième partie est la mise en oscillation libre du pendule. On mesure alors le décrément logarithmique de l'amplitude de l'oscillation qui s'exprime par : δ= A 1 .ln( i ) A i+N N où Ai est l’amplitude de la ième oscillation. On peut montrer [NOV72] pour Q-1 petit et par approximation au premier ordre que : δ ≅ π.Q −1 ( III-13) La température de l’échantillon est mesurée par l’intermédiaire d’un thermocouple logé dans le mors inférieur du pendule. Une correction entre cette température mesurée et la température réelle de l’échantillon a été préalablement déterminée expérimentalement et est systématiquement appliquée pendant les mesures. La reproductibilité de la mesure a été vérifiée expérimentalement et est inférieure à 0,5 °C sur toute la gamme de température. La température absolue est considérée connue à +/- 1 °C (voir annexe 1). 73 III.A.5. Préparation des échantillons Une attention toute particulière est retenue en ce qui concerne l’état de surface des échantillons. Effectivement, le frottement interne mesuré est surtout représentatif de la surface de l’échantillon ce qui peut devenir critique lorsqu’on caractérise des tôles fines (voir annexe 1). On doit donc s’assurer de l’homogénéité de l’échantillon ainsi que de la propreté de la surface (pas d’oxydes ni de corps gras). Les échantillons, éventuellement polis à l’acide chlorhydrique (si couche d’oxyde en surface), sont polis chimiquement dans un solution H2O2-4%HF, rincés à l’acétone et séchés avec précaution. III.A.6. Correction en fréquence des spectres Pour comparer différents spectres et effectuer des opérations élémentaires entre eux (addition, soustraction...), les spectres doivent être ramenés à une fréquence commune. Dans le logiciel de déconvolution que nous avons développé, une fonction permet de corriger les spectres en fréquence en utilisant une température de référence et une énergie d’activation moyenne (voir annexe 1). Cette méthode est très satisfaisante et permet de réaliser la déconvolution « métallurgique » détaillée dans le chapitre suivant. III.B. Le Pouvoir ThermoElectrique (PTE) Les travaux exposés dans la thèse repose en grande partie sur la mesure du pouvoir thermoélectrique (PTE). Pour cette raison, cette partie du chapitre IV est particulièrement détaillée. III.B.1. Effets thermoélectriques Dans les métaux, il existe trois effets thermoélectriques liés à la variation du potentiel électrochimique des électrons de conduction, µ , avec la température, la nature des métaux et l’existence d’un gradient thermique. Il s’agit des effets Peltier, Thomson et Seebeck. µ = µ − e .V où µ est le potentiel chimique des électrons de conduction, V le potentiel électrostatique auquel est porté le métal et e la charge élémentaire de l’électron. 74 III.B.1.a) L’effet Peltier Il se manifeste par l’apparition d’une différence de potentiel (ddp) électrostatique Π AB = V A − VB lorsque 2 métaux A et B de nature différente sont mis en contact à une température T. C’est la mise en équilibre des potentiels électrochimiques des électrons qui est responsable de cette différence de potentiel. Il s’établit ainsi : µ AT = µBT qui peut s’écrire : µ AT − e .V A = µ BT − e .V B VA VB T A µA µBT B Figure III-9 : Effet Peltier La ddp est fonction de la température et sa mesure est à la base du principe de mesure de la température avec les thermocouples. Π AB est le coefficient de Peltier. III.B.1.b) L’effet Thomson Il se manifeste dans un conducteur soumis à un gradient thermique (Figure III-10). Les électrons sont alors soumis à 2 forces ; l’une liée au gradient thermique et l’autre au gradient de potentiel électrochimique des électrons de conduction qui s’écrit : dµ = µ T + dT − µ T = µ M ' − µ M Entre les 2 points M et M’ apparaît alors une ddp proportionnelle à dT : M M’ T1 T2 T T+dT Figure III-10 : Effet Thomson dV = σ T . dT où σ T est le coefficient de Thomson. On définit un deuxième coefficient relatif aux variations de µ avec la température. C’est le pouvoir thermoélectrique S : S= 1 dµ . e dT qui donne ∫ µ = e . S.dT 75 Il existe des relations liant les coefficients thermoélectriques entre eux. Elles ont été démontrées par Thomson et s’écrivent : Π AB = T.(S A − S B ) T. s(S A − S B ) = σ TA − σ TB dT T 1 ∫ T .(σ S A − SB = TA −σ TB ).dT = S AB 0 On définit alors le PTE absolu S et le coefficient de Peltier absolu par T S = ⎛⎜ σ T ⎞⎟.dT ⎝ T⎠ 0 ∫ et Π = T.S En pratique, le PTE absolu est déterminé en mesurant le coefficient de Thomson en fonction de T. III.B.1.c) L’effet Seebeck L’effet Seebeck est une résultante des effets Peltier et Thomson et se manifeste par exemple dans un circuit tel que celui de la Figure III-11. Le circuit est composé de deux métaux A et B et présente différents gradients de température. Aux jonctions entre les conducteurs, on écrit l’effet Peltier sous la forme : µ AT = µ BT µ AT + ∆T = µ BT + ∆T et et l’effet Thomson par les expressions : µ A0 − µ AT = e . ∫ S A . dT T T T0 T + ∆T µ B − µ BT + ∆T = e . ∫ SB . dT T T µ AT + ∆T − µ AT0 = e . ∫ T0 T + ∆T S A . dT Ces relations conduisent à prévoir l’existence d’une différence de potentiel aux extrémités A à T0 qui s ‘écrit : T + ∆T V2 − V1 = ∫ (S B − S A ). dT T soit SB − S A = V2 − V1 ∆T 76 On peut directement mesurer cette différence de potentiel qui est indépendante de la forme et de la taille des conducteurs. L’effet Seebeck est utilisé pour déterminer le PTE relatif ou absolu d’un matériau (B) lorsque l’on connaît le PTE d’un matériau de référence (A). T+∆T T B A V1 T0 V2 T0 Figure III-11 : Schéma de mesure de l’effet Seebeck. III.B.1.d) Le PTE absolu des métaux purs Le PTE absolu S d’un métal est généralement composé en 2 termes Sd et Sg. S = Sd + Sg où Sd est la composante diffusionnelle qui résulte de l’effet de la température sur les électrons de conduction. Sd est une fonction linéaire de la température (Mott et Jones) Sg est la composante de réseau ou “phonon-drag ” qui est maximale vers T ~ 1/5.θD (θD est la température de Debye) et devient négligeable pour T > θD. Sg est la manifestation de l’interaction entre les phonons et les électrons qui se manifeste aux basses températures. Cette composante apparaît sous la forme d’un pic positif ou négatif selon le métal considéré. Le PTE d’un métal pur présente donc un pic positif ou négatif à basse température et une partie linéaire à plus haute température tant qu’il n’y a pas de transformation de phase ou de transition magnétique. C’est le cas des métaux nobles. Le comportement du PTE des métaux de transition comme le fer peut être plus ou moins différent du fait de l’existence des deux bandes de conduction s et d. Dans le cas d’un alliage, les défauts présents dans la matrice ont une influence sur le PTE que ce soit en modifiant la composante de réseau ou la composante diffusionnelle. Dans les parties suivantes, nous ne nous intéressons qu’au cas du fer et des aciers extradoux. 77 III.B.2. La mesure du PTE Au laboratoire GEMPPM de l’INSA de Lyon ont été développés différents appareils de mesure du PTE. Dans cette étude, un seul type d’appareil est utilisé qui repose sur le principe vu dans le paragraphe IV.A.1.c ( Figure III-12). Figure III-12 : Schéma de l’appareil de mesure du PTE développé à l’INSA de Lyon. En pratique, l’échantillon est pressé entre 2 blocs d’un matériau de référence (ici un acier extra-doux stabilisé); l’un étant à la température de T = 15 °C et l’autre T+∆T = 25 °C soit ∆T = 10 °C. La température de mesure étant la température ambiante soit environ 20°C. Après mise en équilibre thermique de l’échantillon, la valeur du PTE est directement affichée avec une résolution de 0,001 µV/K et une incertitude relative de 0,2 %. En pratique, les mesures sont reproductibles et on assure une dispersion de ± 0,002 µV/K. Pour s’affranchir des effets de dérive de la mesure et prendre en compte une éventuelle variation de la température T0 (Figure III-11), un zéro est effectué sur un échantillon témoin. Le PTE des échantillons étudiés est mesuré par rapport à cet échantillon témoin. Enfin, un calibrage des amplificateurs est régulièrement effectué en utilisant des échantillons de référence de PTE relatifs connus. La valeur du PTE d’échantillons ‘’stabilisés’’ est la même depuis plusieurs années. 78 III.B.3. Le PTE du fer pur et des aciers peu alliés III.B.3.a) Le PTE du fer pur La variation de PTE du fer pur en fonction de la température a été déterminé par Blatt et al ainsi que par Benkirat [BLA67][BEN85] (Figure III-13). Figure III-13: Variation du PTE absolu du fer pur en fonction de la température de mesure [BEN85]. Par rapport à d’autres métaux, le PTE du fer présente des particularités : • Un maximum élevé à basse température et dont la position est au-delà de 1/5.θD. Blatt et al ainsi que Barnard attribuent celle-ci à un important effet magnon-drag qui s’ajoute au phonon-drag [BLA67][BAR74]. Il serait lié à l’interaction des électrons avec les ondes de spin. • Non linéarité à haute température. Le PTE change brusquement à la transition ferroparamagnétique ainsi qu’à la transformation austénitique. L’introduction de défauts tels que des solutés ou des dislocations dans la matrice de fer pur va modifier son PTE et notamment à température ambiante. C’est le cas pour le carbone et l’azote en solution solide interstitiel ainsi que pour les dislocations introduites par écrouissage [BEN85][BRA93]. La description théorique de l’effet des défauts précités sur le PTE du fer pur n’est pas élaborée au point de décrire les comportements observés. Pour cette raison et étant donné la température de mesure dans notre étude pour laquelle la variation de PTE du fer pur est linéaire avec la température, il nous paraît raisonnable de considérer que l’effet des défauts sur le PTE à température ambiante est d’origine diffusionnelle. Cette hypothèse nous permet 79 alors d’utiliser la règle de Gorter et Nordheim qui donne la composante diffusionnelle du PTE dans le cas d’une solution solide à n éléments d’alliage [NOR35]. III.B.3.b) Influence des solutés : règle de Gorter et Nordheim L’influence d’éléments i en solution sur la composante diffusionnelle s’exprime par la relation de Gorter et Nordheim qui s’écrit : ρ.∆S = ∑ ρ .s i ( III-14) i où ∆S = Salliage - Smétal pur = S - S0 ρ = ρ0 + ∑ρ (règle de Mathiessen) i ρi = αi . ci pour les faibles concentrations ρ0 la résistivité du métal pur ρ la résistivité de l’alliage ρi la contribution de l’élément i à ρ si le pouvoir thermoélectrique spécifique de l’élément i αi résistivité spécifique de l'élément i ci concentration de l'élément i L’équation (III-14) peut s’écrire sous la forme : S − S0 = ∑ ρ .s ρ + ∑ρ i i 0 ( III-15) i Considérons le cas d’un soluté A unique. L’équation (III-15) s’écrit alors : S A − S0 = ρA .s A ρ0 + ρ A ( III-16) SA est ici le PTE du métal pur en présence de A seul, soit ∆S A = S A − S 0 = a. c A α A .s A .c A = ρ 0 + α A . c A b + d. c A ( III-17) qui peut s’écrire 1 D = +B ∆S A c A ( III-18) L’influence d’un élément A en solution solide sur le PTE de l’alliage n’est pas proportionnelle à sa concentration et présente une saturation pour les fortes concentrations. Cette prévision théorique est vérifiée par Brami dans le cas de manganèse en solution solide dans des aciers extra-doux (Figure III-14). Ce résultat expérimental nous encourage à 80 Figure III-14: Vérification expérimentale de la loi de Gorter et Nordheim dans des aciers extra-doux à différentes teneurs de manganèse [BRA93]. considérer que les évolutions de PTE observés à 20°C correspondent bien à la composante diffusionnelle. Si maintenant on se retrouve avec plusieurs éléments i en solution solide sans interaction entre eux, on peut tirer des équations (III-15) et (III-17) que : S A = S 0 + ∑ ∆S i i Le PTE SA de l’alliage est donc la somme des différentes contributions des éléments et du PTE de la matrice pure. Maintenant on considère le même alliage, dans lequel un élément j est présent en faible concentration (cj << ci). On peut alors écrire que ρj << Σρi < ρ0 soit que ρ ~ ρ0 + Σρi. L’équation (III-15) permet alors s’écrire : S − SA = ρ j .s j ρ + ρj ≅ ρ j .s j ρ = α j .s j .c j ρ = Pj .c j ( III-19) avec S le PTE de l’alliage avec l’élément j en solution, et Pj = α j .s j ρ ( III-20) D’où l’on extrait que l’influence d’un élément j en faible concentration dans la solution solide peut être caractérisée par un coefficient d’influence Pj qui varie inversement proportionnellement à la résistivité globale de l’alliage. La faible solubilité du carbone et de l’azote dans le fer alpha (voir chapitre I) permet de faire l’approximation de l’équation (III-20) et on obtient ainsi un coefficient d’influence qui exprime la variation de PTE liée à la présence d’une quantité donnée de carbone ou/et d’azote en solution. On écrit alors : 81 ∆S j = Pj .[j] ( III-21) où ∆Sj est la contribution de l’élément j (j = C ou N) en concentration [j] au PTE de l’alliage et Pj le coefficient de proportionnalité que l’on exprimera en µV/(K.10-3%). Le coefficient de proportionnalité Pj dépend donc de la résistivité globale de l’alliage. Expérimentalement, les coefficients du carbone et de l’azote ont été déterminés par Benkirat et Brami pour des aciers extra-doux peu alliés (Tableau III-4). Brami montre par ailleurs la pertinence de l’utilisation de la règle de Gorter et Nordheim pour corriger le coefficient d’influence PC dans le cas d’aciers à différentes teneurs de manganèse, cet élément étant dans son étude le principal responsable de la variation de résistivité par rapport au fer pur [BRA93]. En fait, on ne peut déterminer le coefficient PC dans un alliage que par l’expérience. Afin de connaître le coefficient pour un alliage de résistivité différente, on utilise les conséquences de la relation de Gorter et Nordheim qui s’écrivent : PC1 = PC2 ρ2 ρ1 ( III-22) avec PC1 , PC2 les coefficients de proportionnalité et ρ1, ρ2 les résistivités respectives des alliages 1 et 2. En connaissant PC1 , ρ1 et ρ2, on peut remonter à PC2 . Dans notre étude, la résistivité des différents alliages n’a pas été déterminée expérimentalement mais calculée à partir de la relation empirique donnée par Meyzaud et al qui donne la résistivité d’un acier à 300K en fonction de sa composition chimique et qui s’écrit4 [MEY74]: ρ(µΩ/K) = 9,9 + 30.(C+N) + 6.Mn + 12.Si + 14.P - 10.S + 1.Co + 2,9.Ni + 5,5.Cr + 2,8.Mo + 1,3.W + 3,3.V + 6,4.Ti + 3,9.Cu + 13.Al ( III-23) où les concentrations s’expriment en % massique. Les coefficients d’influences que l’on utilise sont calculés en utilisant les relations (III-22) et (III-23) et en prenant comme référence les données expérimentales de Brami et Benkirat (Tableau III-4). Les résultats de ces calculs sont donnés dans la partie III.F. L’écart qui existe entre les deux valeurs de PN calculés par Benkirat peuvent avoir pour origine soit une résistivité significativement différente entre les 2 alliages étudiés soit une imprécision ou une erreur relative sur les mesures de la quantité d’azote effectivement en solution par la technique d’étalonnage qui est dans ce cas le frottement interne (voir paragraphe précédent). 4 avec comme limite de validité C, N <0,03% - P, S <0,04% - Ni, Cu <1% - Ti <1,5% Mn, Si, Co, Cr, V, Al <3% - W <4% - Mo <6% 82 Réf. [BEN85] [BRA93] pour le calcul (*) PC µV/(K.10-3%poids) -0,045 -0,040 -0,045 PN µV/(K.10-3%poids) -0,025 et -0,029 -0,020 -0,025 ρ (µΩ.cm) 11,7 11,5 (11,4) 11,5 Tableau III-4 : coefficients d’influence expérimentaux du carbone et de l’azote sur le PTE d’aciers peu alliés et leurs résistivités calculées à partir de la relation (III-23). La valeur entre parenthèse correspond à la résistivité mesurée par Brami. (*) ce sont ces valeurs que nous utilisons dans nos calculs. III.B.3.c) Effet des dislocations Lors de l’écrouissage, l’introduction de dislocations dans la matrice conduit à une diminution du PTE du fer à la température ambiante. Le PTE est également sensible à l’annihilation des dislocations pendant la restauration et la recristallisation. Notons que lorsque l’on a complètement recristallisé le fer écroui, son PTE redevient égal à ce qu’il était avant écrouissage [BEN85]. Si on exprime l’effet des dislocations de la même manière que celle des éléments en solution solide, c’est à dire uniquement avec la composante diffusionnelle, il faut alors ajouter ρd.sd à la relation (III-14). On écrit alors : ρ.∆S = ∑ρi.si + ρd.sd L’effet des dislocations sur la résistivité à température ambiante d’un acier extra-doux est faible. Cet effet est estimé théoriquement [KAR93] et expérimentalement [MEY74][BRO77] à environ 1.10-12µΩ.cm-2. En général, on admet que la densité de dislocation dans un acier fortement déformé (de plusieurs dizaines de %) est de l’ordre de 1010 à 1011 cm-2 soit un effet relatif sur la résistivité totale du fer de l’ordre du % à température ambiante. Si on se reporte à ce qui est dit dans le paragraphe précédent, on peut en conclure que l’effet des atomes en solution sur le PTE est très peu affecté par l’introduction de dislocations. Cela signifie que les coefficients d’influence Pj restent constants dans le cadre strict de la loi de Gorter et Nordheim. III.B.3.d) Effet des précipités La présence de précipités peut avoir un effet sur le PTE d’un alliage en rapport avec leur propre PTE, leur résistivité et leur nature cohérente ou incohérente. On détecte par exemple leur effet sur le PTE dans des alliages dans lesquels se développent des précipités cohérents perturbants fortement la matrice comme dans les alliages Al-Cu [PEL84]. Par extrapolation et d’après les résultats expérimentaux de la littérature [IDN73][ABE81,84a][BEN85][BRA93], les précipités susceptibles de se former dans des aciers extra-doux n’ont pas ou peu d’effet sur le PTE sauf peut être dans le cas d’une 83 précipitation cohérente qui se développent à des températures inférieures à 70°C (carbures basse température, voir chapitre I) et dans des états assez fortement sursaturés. Dans les alliages et les états microstructuraux que nous étudions, l’effet des précipités pourra être considéré comme négligeable. La variation de PTE observée lors d’un phénomène de précipitation sera donc directement reliée a la diminution de la teneur en soluté dans la matrice. III.B.3.e) Effets d’autres défauts L’orientation cristallographique a un effet important sur le PTE d’un cristal pour des systèmes très anisotropes comme les cristaux hexagonaux (Ti, Zr, Zn). Concernant le fer et les aciers extra-doux, on détecte un léger effet de la direction de prélèvement dans des tôles laminées et bobinées. Rien ne permet de dire que cet effet est lié à la texture anisotrope de la tôle où à l’existence de contraintes internes liées à l’élaboration. Néanmoins, cet effet est faible et n’affecte pas l’amplitude des variations de PTE dues à la précipitation de carbures [BER96][CRE97]. Enfin, la littérature ne mentionne pas d’effet détectable des lacunes et des joints de grains. III.B.3.f) Conclusion et nomenclature En première approximation, le PTE à température ambiante du fer et de ces alliages dilués, semble pouvoir se décrire comme l’addition des différentes contributions des éléments en solution solide et des dislocations suivant la règle de Gorter et Nordheim. Dans le cas d’un système très dilué ou la variation de résistivité relative à chaque défaut est faible et que les défauts n’interagissent pas entre eux, on peut écrire : S* = S*0 + ∑∆Si + ∆Sd = S*0 + ∆SSS + ∆Sd Effet des Effet des solutés dislocations ( III-24) où S*0 est le PTE du fer pur, ∆SSS la contribution des éléments en solution solide (somme de la contribution de chaque élément, ∆Si) et ∆Sd la contribution des dislocations. Ainsi, l’interprétation des variations de PTE liées aux changements d’états microstructuraux sera plus aisée à condition que ces changements ne soient le fait que d’un seul type de défaut. Dans les travaux exposés ici, on a au maximum cherché à se mettre dans cette condition. 84 PTE échelle absolue PTE échelle relative = fer pur PTE échelle relative Référence = acier étudié dans un état donné ∆S S S*0 0 fer pur à 20°C ∆Sss + ∆Sd S* S S{X} acier étudié 0 dans un état donné ∆SX état {X} Déformation plastique Traitement thermique restauration précipitation déformation dissolution ∆S{X} effet des dislocations 0 effet des éléments en soluté Figure III-15 : Schéma des échelles absolue et relatives de PTE Dans notre travail, ce sont surtout les variations relatives entre le PTE de l’acier dans un état initial donné et son PTE dans un état atteint à la suite d’un traitement thermomécanique donné qui nous intéresse. Pour qu’il y ait plus de clarté dans nos propos, la nomenclature illustrée dans la figure suivante a été adoptée. On y voit 3 échelles de PTE, la première étant l’échelle absolue du PTE auquel nous n’avons pas accès directement et les deux suivantes sont des échelles relatives. La référence de ces échelles relatives est au choix de l’expérimentateur. Il s’agit au départ de l’échelle relative à l’échantillon qui nous sert de référence pendant la mesure (le fer pur par exemple), mais on peut choisir comme référence le PTE de l’acier que l’on étudie dans un état initial donné. C’est cette dernière échelle qui est souvent choisie pour quantifier une variation de PTE relatif à une évolution microstructurale donnée, l’état initial étant rappelé si nécessaire. On distingue le PTE de l’acier dans un état X, S*{X} dans l'échelle absolue, ou S{X} par rapport au fer pur ou encore ∆S{X} par rapport à un état donné de l'acier et la variation ∆SX du PTE entre un état initial et un état X (Figure III-15). 85 III.C. La microscopie électronique à transmission et l’analyse chimique III.C.1. préparation des échantillons Durant la thèse, nous nous sommes intéressés à la nature des précipités formés dans un acier ULC. Que l’on veuille observer les précipités dans la matrice ou déterminer leur composition chimique nous impose la manière dont les échantillons (objets) sont préparés. III.C.1.a) lames minces On réalise une lame mince lorsque l’on veut observer des précipités dans la matrice et déterminer d’éventuelle relation d’orientation entre le précipité et cette dernière. Il s’agit d’amincir, jusqu’à des épaisseurs de quelques dizaines de micromètres, un disque de 3 mm de diamètre de l’acier à observer. Dans notre cas, les échantillons ont été préparés de la manière suivante : • préamincissement de la tôle (épaisseur initiale d’environ 200 µm) dans une solution H2O2 - HF 5% jusqu’à une épaisseur d’environ 50 - 80 µm. • Protection d’une face de la feuille de métal obtenu par une résine durcissante soluble à l’acétone. L’autre face est recouverte périodiquement de pastille de sparadrap de diamètre 3 mm collées avec la même résine (Figure III-16). • L’ensemble est plongé dans un mélange H2O2 - HF 5% afin de dissoudre la partie de l’acier au contact de la solution. • La résine est dissoute dans de l’acétone. On récupère des disques d’acier de 3 mm. • Les pastilles sont encore amincies à l’aide d’un amincisseur électrolytique (“ TENUPOL ” de Struers) et d’un électrolyte composé de 10 % d’acide perchlorique et de 90 % d’éther monobutylique. Les conditions d’amincissement sont une température comprise entre - 20 et - 30 °C et une tension de l’ordre de 40 V conduisant à une intensité de quelques dixièmes d’ampère. 86 acier résine H2O2 - HF 5% acétone Figure III-16 : Mode opératoire pour la préparation des lames minces. III.C.1.b) répliques directes La réplique permet l’observation des précipités après dissolution de la matrice. Dans notre cas, les analyses chimiques sont réalisées en microanalyse (EDX) sur des répliques qui sont préparées de la manière suivante : • Polissage mécanique fin (jusqu’à pâte diamantée de 1 µm) suivi d’une attaque chimique de quelques secondes dans du nital (5% de HNO3 dans l’alcool méthylique). • Evaporation sous vide et condensation d’un film de carbone à la surface de l’échantillon. • Découpage du dépôt de carbone en petits carrés. • Attaque chimique au nital jusqu’au décollement de la réplique. • Récupération de la réplique qui consiste en une fine pellicule de carbone dans laquelle sont emprisonnés les précipités initialement à la surface de l’acier après l’attaque chimique au nital. III.C.2. Microscopie Deux microscopes ont été utilisés, un JEOL - 200 CX et un JEOL 2010. La différence majeure entre ces deux microscopes est le canon à électron qui est un canon thermoélectronique (électrons extrait d’un filament sous l’effet de la température et du champ électrique) pour le premier et un canon à effet de champ (électrons extrait d’une pointe très fine sous l’effet du champ électrique) pour le second. Le canon à effet de champ conduit à une taille de sonde plus fine qui permet de faire diffracter et de réaliser l’analyse chimique de précipités nanométriques. 87 III.C.3. Microanalyse (EDS) Le microscope électronique JEOL 2010 est équipé d’un spectromètre X à dispersion d’énergie (Energy Dispersive Spectrometer, EDS) à fenêtre étroite et d’un système d’analyse Link Isis. Les microanalyses sont réalisées sur les répliques directes de carbone placées sur une grille de cuivre ce qui explique que ces deux éléments sont toujours présents sur le spectre et qu’il est impossible d’en faire une analyse quantitative. III.D. Les traitements thermiques III.D.1. préparation des échantillons La plupart des tôles fournies par SOLLAC sont recouverte d’une graisse issue du process de fabrication et qui protège la tôle de l’oxydation pendant son stockage. Cette graisse est une source potentielle de pollution (matière organique) et doit être éliminée préalablement à tous traitements de l’acier. On utilise de l’acétone et éventuellement quelques minutes dans un bac à ultrasons. Certaines tôles présentent malgré tout des traces d’oxydations. Avant tout traitement thermique, ces traces sont préalablement éliminées soit par polissage mécanique (au papier abrasif fin) ou par un passage de quelques secondes dans une solution d’acide chlorhydrique suivi d’un rinçage abondant à l’eau. III.D.2. traitements isothermes Les traitements thermiques réalisés dans la thèse sont des traitements isothermes qui ont pour objectif de conduire l’acier dans un état donné. Ils sont quasi systématiquement suivis d’une trempe à l’eau qui, au regard des dimensions de nos tôles, correspond à une vitesse moyenne de refroidissement de l’ordre de 1000 °C/s si la température de trempe est de l’ordre de 600 °C et conduit à figer la microstructure, nous parlerons alors d’hypertrempe. Le mode de traitements (bain d’huile, de sel, four sous vide, sous atmosphère) est choisi en fonction de la température et du temps de traitement mais aussi pour éviter une éventuelle pollution ou décarburation des échantillons. III.D.2.a) en bains Les traitements en bain permettent la mise en température rapide de l’échantillon et autorisent la trempe à l’eau. Nous avons réalisé des outils permettant de fixer et manipuler 88 simplement des échantillons de taille standard à l’horizontal pour éviter un gradient thermique le long de l’échantillon dans le bain et connaître précisément la température de traitement (thermocouple de mesure au niveau de l'échantillon). A l’usage, le temps de passage d’un bain de sel à un bac d’eau proche est de quelque dixièmes de secondes (mesures réalisées à l’aide d’un enregistreur en mode transitoire). La nature des bains utilisés dépend de la température de traitement. Jusqu’à une température de traitement de 120°C, nous avons utilisé des bains d’huile, au-delà, des bains de sel. Les traitements à des températures comprises entre 170 et 520°C sont réalisés dans des bains à base de nitrates et pour les températures supérieures, dans des bains à base de chlorures. Nous avons observé une nitruration rapide des aciers dans les bains à base de nitrates et pour des températures comprises entre 425 et 550 °C. A ces températures, les traitements réalisés doivent être de durées faibles ( < 2 heures) et on doit considérer une légère pollution à l’azote dans les résultats tirés de ces aciers. En ce qui concerne le bain de sel de chlorures, nous avons noté la décarburation d’échantillons d’aciers bas carbone traités pendant plusieurs dizaines d’heures. III.D.2.b) fours Le four dont nous disposons est un four horizontal dont l’enceinte, un tube de quartz, est divisée en une partie froide et une partie chaude. L’échantillon à traiter passe d’une zone à l’autre par l’intermédiaire d’une canne. La partie chauffante est une résistance et ne permet pas la mise en température rapide de l’échantillon. Ce four est utilisé pour des traitements thermiques de durées supérieures ou égales à l’heure. L’enceinte peut être mise sous vide primaire ( ~ 10-2 mbar), sous atmosphère d’argon ou d’un mélange azote - hydrogène 2% semblable à ceux utilisés dans les fours de recuit continu industriels. Nous avons constaté que quel que soit l’atmosphère utilisée, la décarburation des aciers est inévitable dans ce four. Le mélange azote - hydrogène accélère même le processus. Des traitements thermiques en ampoule de quartz sous vide ont également été réalisés afin de disposer d’aciers avec uniquement le carbone libre, l’azote ayant été précipité sous la forme d’AlN. Mais dans le cas des aciers ULC, on a toujours affaire à une légère décarburation des échantillons. Ces préparations n’ont que très peu été utilisées dans la thèse. Certains aciers ont été traités au LEDEPP. Il s’agit de traitements effectués sous vide secondaire (évitant ainsi la décarburation) ou sous atmosphère d’argon pendant des temps courts (four à lampes permettant une mise en température rapide). 89 III.E. Les essais mécaniques III.E.1. dureté Vickers (Hv) L’appareil utilisé est un micro-duromètre dont la charge appliquée est fonction de l’épaisseur de l’échantillon (la profondeur de l’empreinte ne doit pas dépasser le dixième de l’épaisseur de l’échantillon à tester). Elle est couramment de 500 g. Plusieurs mesures sont effectuées sur un même échantillon afin d’obtenir une valeur moyenne représentative de la dureté de l’échantillon. Elles sont typiquement au nombre de 10. Si besoins, les échantillons sont préalablement dégraissés et/ou polis chimiquement. III.E.2. essais de traction La machine de traction (MTS 1/ME) utilisé est équipée d’une cellule de 5 kN. Elle est pilotée par un logiciel Testworks 3 qui permet l’acquisition, le dépouillement et la présentation des résultats. Les éprouvettes de tractions ont les dimensions de la Figure III-17 et l’épaisseur de la tôle dont elles sont issues (0,1 à 0,34 mm). Il s’agit aussi bien de tôles brutes de recuit continu ou de tôles issues de la double réduction usine ou encore de tôles laminées au LEDEPP à des taux de réductions variables. Les éprouvettes ont été découpées par électroérosion, procédé qui permet une grande précision dimensionnelle ainsi qu’un état de surface exceptionnelle. 140 mm 60 mm 16 mm 8 mm R = 12 mm Figure III-17 : Dimensions des éprouvettes de traction d’aciers ULC Les essais de traction sont réalisés à température ambiante et à vitesse de traverse constante, 10 mm/mn soit une vitesse de déformation de l’ordre de 2.10-3 s-1. 90 III.F. Aciers étudiés Même si le sujet de la thèse porte sur l’étude du vieillissement d’aciers ULC, d’autres catégories d’aciers ont été utilisées dans la thèse. Ici, on donne des informations non exhaustives concernants ces aciers. III.F.1. Détails de fabrication et de préparation l-Mn et h-Mn Il s’agit de 2 tôles laminées à chaud d’épaisseur d’environ 2 mm. Chacune de ces tôles est rectifiée à une épaisseur d’environ 0,7 mm en prenant soins d’éviter le cœur de la tôle (Figure III-18), zone inhomogène en composition due à la ségrégation lors de la solidification de la brame. Les repères 'zone 1' et 'zone 2' sont arbitraires mais on a pris soin de garder cette différentiation. La zone de prélèvement se situe à environ 0,2 mm de la surface et 0,1 mm du cœur de la tôle. Les tôles rectifiées sont traitées 5 heures à 750 °C sous une atmosphère d’argon. Ce traitement a pour objectif de précipiter tout l’azote sous la forme d’AlN. La mesure du frottement interne nous permet de constater l’absence totale de trace d’azote en solution. Le Tableau III-5 donne le résultat des analyses chimiques effectuées sur chaque tôle après traitement. Dans la suite de l’étude, la teneur en manganèse prise en compte est Mn* qui est la teneur en manganèse effectivement en solution solide, déduction faite du manganèse qui forme les particules de MnS (Mn* = Mn - 55/32*S). 91 acier zone C Mn S Mn* l-Mn 1 2 5,9 4,8 125 127 11 11 110 110 h-Mn 1 2 6,7 5,8 250 249 10 10 225 225 Tableau III-5 : Analyses chimiques réalisées sur les tôles traitées. Mn* = Mn - 55/32*S en manganèse en solution. donne la teneur Epaisseur de la tôle Zone 1 Cœur de la tôle Zone 2 Figure III-18 : Schéma des zones de rectification des tôles LC C’est une tôle brute de recuit continu d’un acier bas carbone utilisé dans l’industrie automobile. Son épaisseur initiale est d’environ 0,8 mm. bAl+N C’est un acier dit “ bas aluminium renitruré ” utilisé pour l’emballage. Nous disposons de cet acier sous la forme de tôle à chaud rectifiée (0,8 mm) et de tôle brut de recuit (0,2 mm). La différence majeure entre ces deux états étant l’épaisseur de la tôle, sa texture et la taille des grains. UCLstd, ULC+N et ULCDWI Ces aciers sont ceux dédiés à l’étude. Il s’agit d’aciers ULC classiquement produit par SOLLAC pour l’industrie de l’emballage. Les deux premiers pour des applications de boites embouties-réembouties (DRD) et le troisième pour des applications de boite boisson embouties-repassées (DWI). Ils ont été prélevés directement sur site afin de contrôler au mieux leur état. Nous disposons de ces aciers à l’état tôle à chaud, brut de laminage à froid, brut de recuit continu et à l’état skin-passé (après double réduction). ULCbRC 92 Il s’agit d’un acier ULC brut de recuit continu. Cet acier a été étudié au laboratoire postérieurement au début de la thèse. C’est ce qui explique que certains résultats y sont relatifs puisque obtenu avant le prélèvement des 3 aciers ULC vus au-dessus. ULC++N C’est un acier ULC renitruré brut de recuit continu. IF-Ti C’est un acier dit sans interstitiel (Interstitial Free) qui contient une addition de titane ayant pour objectif de former des précipités avec le carbone, l’azote et le soufre présents en solution. Ces aciers sont non vieillissants et ont de bonnes propriétés d’emboutissage. Fer pur Il s’agit d’un fer pur préparé au laboratoire S M S - M H P de l'écoles des mines de St Etienne. Il est fourni sous la forme d’éprouvettes de dimensions d’environ 150x20x1 mm. Des opérations de laminage (laminoir manuel), recristallisation (1 mn à 600°C en bain de sel de chlorures, pas de pollution détectée) successifs nous permettent d’amener le fer dans un état recristallisé avec une épaisseur d’environ 0,35 mm plus favorable à la mesure du PTE et du frottement interne. 93 III.F.2. Compositions chimiques et coefficients PTE Les résultats des analyses chimiques réalisées au LEDEPP sont donnés dans le tableau suivant. Les incertitudes sur les teneurs en éléments interstitiels sont de l’ordre de 0,5.10-3 % en poids. Tous les aciers sont des produits industriels usuels fournis par SOLLAC sauf pour le fer pur. Pour ce dernier, les teneurs en éléments autres que le carbone et l’azote sont inférieures à 1 ppm. Les coefficients d’influence du carbone et de l’azote en solution sur le PTE sont calculés à partir de la règle de Gorter et Nordheim et des relations du paragraphe III.B.3.b. Coef. PTE en µV/(K.10-3%) composition chimique en % en masse C N Mn Si P S Ni Cr Ti Cu Al PC PN l-Mn 1 0.0059 0.0040 0.125 0.004 0.010 0.011 0.024 0.014 0.013 0.015 0.045 0.025 l-Mn 2 0.0048 0.0040 0.125 0.004 0.010 0.011 0.024 0.014 0.013 0.015 0.045 0.025 h-Mn 1 0.0067 0.0050 0.250 0.004 0.006 0.010 0.024 0.014 0.012 0.016 0.042 0.023 h-Mn 2 0.0058 0.0050 0.250 0.004 0.006 0.010 0.024 0.014 0.012 0.016 0.042 0.023 ULCstd 0.0041 0.0050 0.205 0.003 0.013 0.009 0.022 0.023 0.006 0.021 0.043 0.024 ULC+N 0.0033 0.0063 0.199 0.004 0.010 0.009 0.020 0.022 0.006 0.017 0.043 0.024 ULCDWI 0.0025 0.0023 0.189 0.004 0.012 0.011 0.021 0.021 0.010 0.024 0.043 0.024 ULCbRC 0.0035 0.0067 0.225 0.003 0.011 0.009 0.014 0.015 0.005 0.022 0.042 0.024 ULC++N 0.0026 0.0123 0.213 0.008 0.011 0.011 0.017 0.024 0.019 0.040 0.041 0.023 LC 0.0050 0.0053 0.200 0.009 0.009 0.010 0.019 0.039 0.015 0.058 0.041 0.023 bAl +N 0.0050 0.0120 0.346 0.002 0.009 0.012 0.016 0.016 0.007 0.015 0.040 0.022 0.0030 0.115 0.007 0.011 0.009 0.017 0.025 0.013 0.040 0.042 0.023 0.052 0.029 IF-Ti fer pur 0.0005 0.0002 0.1 Tableau III-6 : Compositions des différents aciers étudiés déterminées par analyse chimique. Pour les aciers chargés en carbone, le calcul des coefficients PC et PN se fait en calculant la résistivité de l’alliage avec une quantité de carbone en solution de 0,005 % (teneur moyenne en carbone en solution). 94 IV. Mise au point d’une méthode de dosage des atomes interstitiels actifs vis à vis du vieillissement IV.A. Dosage par frottement interne IV.A.1. Introduction La mesure du frottement interne et plus particulièrement du maximum du pic de Snoek est depuis les années 50, la technique expérimentale de référence pour la détermination de la teneur en carbone et azote en solution solide dans le fer alpha et les aciers extra-doux. Dans le chapitre III sont exposés les bases théoriques du pic de Snoek ainsi que des résultats tirés de la littérature. Dans cette partie, nous voulons simplement valider ou non les observations et hypothèses de la littérature pour des systèmes équivalents aux aciers que nous étudions. Nous nous intéresserons donc plus particulièrement à l’effet de la texture sur la relation liant la hauteur du pic de Snoek à la teneur en carbone et à l’effet du manganèse sur la modification des spectres de frottement interne du carbone et de l’azote. IV.A.2. Influence de la texture et de la composition sur la relation [C] = KC.δmax IV.A.2.a) Aciers étudiés et traitements thermiques Les aciers étudiés ici sont les ELC l-Mn et ELC h-Mn 'zone 1' et 'zone 2' dont les compositions sont données dans le chapitre III. D’après les études de Song et al et Saitoh et al [SON89][SAI89,93], les valeurs attendues des coefficients KC peuvent être calculées pour nos deux aciers l-Mn et h-Mn. Elles sont 95 données dans le Tableau IV-1. Si les KC ne sont pas égaux d’une étude à l’autre pour un taux de manganèse donné, on peut néanmoins souligner que le rapport des KC pour des teneurs de 0,110 et 0,225 % sont identiques. Cela signifie que l’effet du manganèse dans cette gamme de composition est le même dans ces 2 études. La différence sur les valeurs absolues de KC peut être imputée à l’effet de la texture ou à la méthode de dosage de la quantité de carbone en solution. KC Mn* (%) Song et al. [SON89] Saitoh et al. [SAI89,93] 0,110 0,44 0,59 0,225 0,49 0,66 KC(0,110)/KC(0,225) 0,89 0,89 Tableau IV-1 : Coefficients de proportionnalité KC tirés de la littérature dans le cas des aciers l-Mn et h-Mn. IV.A.2.b) Effet de la texture sur KC Afin de qualifier et quantifier l’effet de la teneur en manganèse sur la relation [C] = KC.δmax ([C] en 10-3 %), nous devons nous affranchir de l’effet de la texture sur KC. Pour ce faire, Eloot et al. [ELO97a] proposent de calculer KC à partir de l’expression vue au chapitre III (éq. III-12) et de la Figure de Distribution d’Orientations (FDO). La FDO est calculée à partir de figures de pôles mesurées par diffraction X, toutefois ces chercheurs ne démontrent pas la pertinence de ce calcul par l’expérience. Ici, nous allons tenter de valider ou non cette méthode sur un cas concret, en comparant KC, FDO issu du calcul à partir des FDO, avec KC, FI déterminé en divisant la hauteur du maximum du pic de Snoek du carbone par la teneur en carbone total donnée par l’analyse chimique. Les mesures de frottement interne sont réalisées sur des échantillons traités à 700°C dans un bain de sel et trempés à l’eau. D’après la teneur en carbone totale des aciers retenus ([C] < 0,01 %) et la limite de solubilité à 700 °C du carbone dans le fer (voir chapitre I), il est admis que tout le carbone est remis en solution après ce traitement. Pour ne pas s’attacher aux seules valeurs absolues des KC qui risqueraient d’être faussées par les incertitudes sur les paramètres du calcul, ces coefficients sont déterminés dans 3 directions de la tôles : 0 ; 45° et 90° par rapport à la direction de laminage. Nous 96 aurons ainsi accès aux variations relatives de KC en fonction de la direction de prélèvement. Le détail du calcul des KC, FDO est donné en annexe 2. Les mesures en diffraction X sont réalisées sur chaque face de la tôle et un coefficient KC est calculé pour chacune de ces faces, le coefficient KC, FDO de la tôle étant la moyenne de ces deux valeurs. Les résultats sont rassemblés Figure IV-1. Les résultats concernant les deux zones de prélèvement de chacune des deux nuances y sont distingués. En premier lieu, on peut constater que les KC, FDO calculés restent proches de 0,5 et sont bien du même ordre de grandeur que ceux mesurés (KC, FI). En particulier, si l’on excepte l'échantillon l-Mn ‘zone 2’, les prélèvements dans la direction de laminage conduisent à des valeurs absolues de KC, FDO assez proches de celles de KC, FI. Néanmoins les variations relatives des coefficients KC, FDO et KC, FI en fonction de la direction de prélèvement peuvent être en totale contradiction (par exemple à 45 ° maximum pour KC, FDO et minimum KC, FI). Le calcul à partir des données de diffraction X ne semble donc pas permettre l’évaluation d’un effet de la texture sur KC comme Eloot et al le prévoyaient. 0,60 Kc tirés des FDO l-Mn zone 1 l-Mn zone 2 h-Mn zone 1 h-Mn zone 2 -3 (10 %) 0,55 0,50 Kc Kc tirés du FI l-Mn zone 1 l-Mn zone 2 h-Mn zone 1 h-Mn zone 2 0,45 0,40 0 45 90 direction de prélèvement par rapport à la direction de laminage Figure IV-1 : Résultats du calcul des KC tirés des données de FDO et des mesures de frottement interne pour les nuances l-Mn et h-Mn Les raisons de cet échec peuvent être multiples: • La zone analysée en diffraction X n'est pas représentative de l'ensemble de l'échantillon. On peut remarquer sur la Figure IV-1 que d’une zone à l’autre, les valeurs de KC, FDO différent. De plus, on a observé que les figures de pôle des deux faces opposées d’une tôle peuvent aussi être différentes (gradient de texture dans l’épaisseur de la tôle ?). 97 • Le calcul détaillé en annexe 2 ne prend en compte qu’une approximation de la déformation en torsion d’une lame mince. Par ailleurs, le calcul de l'annexe 2 est équivalent au calcul du module de cisaillement à partir de données de diffraction X, or on sait que ce type de calcul ne donne pas vraiment satisfaction jusqu'à maintenant. • Nos mesures de FI pourraient aussi souffrir d'incertitudes et de non reproductibilité liées à des variations de la composition en carbone. Or les valeurs de δmax sont, pour certains échantillons, une moyenne de plusieurs mesures qui ont permis de constater que ces mesures étaient reproductibles à 5-10% près. L’inhomogénéité des tôles en composition n’est donc pas en mesure d’expliquer les différences sur les KC. La détermination du KC à partir des FDO se révélant assez lourde (mesures de diffraction X) et ne donnant finalement pas satisfaction, nous avons décidé de pondérer l’influence de la texture sur la hauteur du pic de Snoek mesurée en calculant une hauteur moyenne à partir de mesures de frottement interne dans les 3 directions 0°, 45° et 90° : δ max = δ max (0°) + 2.δ max ( 45°) + δ max (90°) 4 ( IV-1) et en déterminant un coefficient de correction de texture : ξ= δ max δ max (0°) ( IV-2) Sur une nuance donnée, une fois ce coefficient connu, il est alors possible de calculer une hauteur de pic moyen à partir d'une seule mesure de frottement interne effectuée dans la direction de laminage. Les coefficients ξ de nos 2 aciers sont donnés dans Tableau IV-2. _ désignation zone δmax (0°) l-Mn 1 13,6 12,0 13,1 12,7 0,93 2 12,7 13,3 11,8 12,7 1,01 1 12,4 14,0 14,6 13,8 1,11 2 11,3 11,0 11,6 11,2 0,99 h-Mn δmax (45°) δmax (90°) δmax ξ Tableau IV-2 : Récapitulatif des mesures de frottement interne (δ en 10−3) après trempe à l’eau depuis 700 °C et coefficient de correction de texture ξ.. IV.A.2.c) Effet du manganèse sur le coefficient KC Il s’agit ici de confirmer ou non l’effet du manganèse sur l’amplitude du pic de Snoek du carbone afin de le prendre en compte dans l’établissement d’une relation de proportionnalité entre le maximum de frottement interne et la quantité de carbone en solution. Les deux 98 aciers l-Mn et h-Mn sont traités et trempés à l’eau à partir de différentes températures afin d’obtenir des teneurs en carbone libre variables (Figure IV-2 et Figure IV-3). 270 °C 3 hrs 385 °C 3 hrs 470 °C 2 hrs 520 °C 30 min 600 et 550 °C 30 sec 700 °C 30 sec Tamb Etats => {RSS} {600} {550} {520} {470} {385} {270} Figure IV-2 : Traitements thermiques effectués en bain de sel. 0,014 0,012 0,010 0,008 δ 0,006 {RSS} {600} {550} {520} {475} {385} {270} 0,004 0,002 0,000 280 300 320 340 température en K Figure IV-3 : Spectres de frottement interne de l’acier l-Mn zone 2. La correction à 1 Hz et l’élimination -3 du bruit de fond (δ0 < 10 ) sont réalisées sur chaque spectre. Le traitement initial de 30 secondes à 700 °C suivi d’une trempe à l’eau conduit à la remise en solution totale du carbone. L’acier est alors dans l’état {RSS} et son spectre de frottement interne (δmax{RSS}) ainsi que son PTE (S{RSS}) sont mesurés préalablement à tous traitements ultérieurs (Figure IV-2). Ces traitements sont de durées suffisantes pour que l’état de précipitation du carbone avant trempe puisse être considéré en quasi-équilibre. Après chacun de ces traitements thermiques, l’acier est dans un état {X} et le frottement interne ainsi que le PTE sont mesurés sur un échantillon prélevé dans la direction de laminage. Les différences entre les mesures effectuées dans les états {X} et dans l’état 99 {RSS} sont proportionnelles à la quantité de carbone ayant précipité ∆[C] (en ce qui concerne le PTE, on se place dans l’approximation du soluté en faible concentration, voir chapitre III). Soit : δmax{RSS} – δmax{X} = ∆( δmax) S{X} - S{RSS} = ∆S C précipité = ∆[C] ( IV-3) Remarque : Nous ne voulons faire aucune hypothèse sur la solubilité du carbone à une température donnée. C’est pourquoi nous ne nous intéressons uniquement aux variations du maximum de frottement interne et de PTE entre un état et un autre. Les résultats de ces mesures sont donnés dans le Tableau IV-3. Etant donné qu'il est possible de tenir compte de l’effet du manganèse sur le coefficient d'influence du carbone en solution sur le PTE (Règle de Nordheim et Gorter mis en évidence par Brahmi [BRA93], § III.F.2), nous sommes capable de remonter à la quantité de carbone ayant précipité pour la comparer aux variations du maximum de frottement interne (Figure IV-4). Nous pouvons également corriger l’effet de texture en Frottement Interne pour les 2 nuances d’acier. Une fois les différentes corrections réalisées il apparaît, aux incertitudes de mesures près, que quel que soit l’acier ces deux variations sont proportionnelles avec le même coefficient de proportionnalité (Figure IV-4). Ce résultat n’est pas compatible avec ceux de Saitoh et al qui trouvent que Kc diminue lorsque le taux de manganèse augmente [SAI89]. Par rapport à leurs travaux, l’apport de notre méthodologie est de pondérer l’effet de la texture sur le maximum de frottement interne (équation IV-2). Si nous ne le faisions pas, nous observerions une légère diminution de l’amplitude du pic Snoek du carbone lorsque la teneur en Mn croît (Figure IV-4, marques vides “ non corrigé ”) et pourrions tirer les mêmes conclusions que ces auteurs. 100 Dans l’état, nous ne pouvons pas justifier les résultats de Saitoh et al par le seul effet de la non prise en compte de la texture de leur échantillon, néanmoins, nous venons de montrer que cette dernière pourrait conduire à de fausses interprétations en ce qui nous concerne. acier l-Mn zone 2 (Mn = 0,110 %) ∆(δmax) δmax x δmax 1000 x 1000 x 1000 états {RSS} {600} {550} {520} {475} {385} {270} 12.7 13.2 11.9 8.6 4.8 2.0 0.6 12.8 13.3 12.0 8.7 4.9 2.0 0.6 0.0 -0.6 0.7 4.1 7.9 10.8 12.1 ∆S (µV/K) ∆[C] -3 (10 %) 0 0* 0* 0.060 0.125 0.170 0.200 0 0 0 1.3 2.8 3.8 4.4 acier h-Mn zone 1 (Mn = 0,225 %) δmax x δmax ∆(δmax) 1000 x 1000 x 1000 états {RSS} {600} {550} {520} {475} {270} 12.4 12.6 13.1 8.8 5.4 0.6 13.8 14.0 14.5 9.7 6.0 0.7 0.0 -0.2 -0.7 4.1 7.8 13.1 ∆S (µV/K) ∆[C] -3 (10 %) 0 0* 0* 0.050 0.135 0.210 0 0 0 1.2 3.1 4.9 Tableau IV-3 :Récapitulatif des mesures de FI et PTE entre l'état {RSS} et les différents états {X} pour 2 aciers ELC à teneur en manganèse variable. Les teneurs en carbone précipité sont calculées à partir des variations de PTE et des coefficients PC. (* les variations de PTE sont négligeables (< ± 0,01 µV/K)) ∆(δmax) ou ∆(δmax) x 1000 14 12 10 8 6 corrigé l-Mn h-Mn 4 2 non corrigé l-Mn h-Mn 0 -2 0 1 2 3 4 5 -3 ∆[C] en 10 % Figure IV-4 : Variations relatives de frottement interne en fonction des variations relatives de carbone en solution (tirées du PTE).Pour les marques pleines, le maximum de frottement interne est corrigé de l’effet de texture. Pour les marques vides, le maximum de frottement interne n’est pas corrigé de l’effet de texture. 101 IV.A.2.d) Discussion De par nos investigations, nous ne répondons pas à la question posée initialement à savoir la détermination d’un coefficient de proportionnalité KC entre le maximum du pic de Snoek du carbone et la quantité de carbone en solution solide. Pour ce faire, il faut non seulement connaître l’influence de la texture (nous avons vu qu’il était difficile à établir mais que l’on pouvait néanmoins le pondérer), mais également se fixer une référence commune aux deux aciers afin de donner, à partir des variations de PTE mesurées, la teneur totale de carbone en solution dans chaque état. Le plus simple est de considérer le carbone total donné par l’analyse chimique [C]chimie (§ III.F) comme étant la référence et de calculer la teneur résiduelle après précipitation, [C], comme la différence entre la référence et la quantité de carbone précipité, proportionnelle à la variation de PTE ∆Sp liée à la précipitation : [C] = [C]chimie – PC.∆Sp ( IV-4) Les résultats de ce calcul sont donnés dans la Figure IV-5. 16 14 _ δmax x 1000 12 10 8 6 4 l-Mn h-Mn 2 0 0 1 2 3 4 5 6 7 -3 [C] en 10 % Figure IV-5 : Comparaison entre le maximum du pic de Snoek du carbone et la quantité de carbone en solution solide calculée à partir de l’équation (IV-4) et de la composition des aciers l-Mn et h-Mn données dans le tableau III-6. Les lignes pointillées sont des droites de tendance et les zones grisées les incertitudes autour des droites. On ne considère que l’incertitude sur [C] qui est la somme de l’incertitude sur la composition chimique (± 5 ppm) et sur les mesures de PTE (2 x 0,002 => ± 1 ppm) soit ± 6 ppm. Il ressort de cette analyse que la relation qui lie le frottement interne à la quantité de carbone en solution ne serait pas strictement proportionnelle mais qu’une certaine quantité 102 de carbone ne participerait pas au frottement interne. Cette quantité augmenterait avec la concentration en Mn. Ces résultats sont toutefois à prendre avec une certaine réserve étant donné que l’analyse chimique réalisée sur ces tôles souffre d’une incertitude de l’ordre de 5 ppm qui additionnée aux incertitudes sur la mesure du PTE (+ 0,002 µV/K) conduit à une incertitude totale sur [C] d’au moins 6 ppm. La constatation que l'on vient de faire demande donc d'être étayée par d'autres observations. C'est ce que nous nous efforcerons de faire dans la suite de l'étude. IV.A.2.e) Conclusion Il n'a donc pas été possible d'établir dans cette partie une relation du type [C] = KC.δmax, que ce soit par le calcul (à partir des données de diffraction X) ou à partir de mesures expérimentales. La difficulté principale réside dans l’étalonnage des mesures de frottement interne avec une technique donnant en absolu la quantité de carbone en solution. Les résultats sont d'autant plus déroutants qu'ils semblent montrer que la relation qui lie la teneur de carbone en solution solide et le maximum de frottement interne n’est pas une simple relation de proportionnalité, mais qu'il existerait une quantité de carbone ne participant pas au frottement interne et qui serait d’autant plus importante que la quantité de manganèse est élevée. Cette observation est à mettre en relation avec les hypothèses de Song et al. qui fait l’hypothèse de l’existence de dipôles Mn-C pour expliquer la diminution du pic de Snoek du carbone lorsque la teneur en manganèse croît [SON89]. Toutefois, nous avons montré que la variation de FI liée au départ du carbone de la solution solide reste proportionnelle à la variation de PTE associée. Les aciers qui nous intéressent particulièrement dans notre étude contiennent simultanément du carbone et de l’azote en solution solide, nous allons dans la partie suivante tester les hypothèses proposées dans la littérature afin d’isoler les contributions élémentaires du carbone et de l’azote sur le spectre de frottement interne. IV.A.3. Cas du système Fe-Mn-C-N IV.A.3.a) Procédure expérimentale Partant des hypothèses présentées dans le chapitre III, notre objectif est ici de décomposer le spectre de frottement interne d’un système Fe-Mn-C-N en pics élémentaires. L’acier retenu est le bAl+N, sa composition chimique est donnée dans le tableau III-6. 103 600°C, 1 mn, 1 hr, 6 hr, 32hr, 230 hr 270°C, 2 hr {T} {R} Figure IV-6 : Traitements thermiques de précipitation de l'azote et du carbone. Les teneurs en carbone et azote libres sont ajustées par l’application de traitements thermiques (Figure IV-6). Les éprouvettes sont tout d'abord traitées à 600°C en bain de sel pendant des durées variables afin de précipiter une fraction plus ou moins importante de l’azote libre sous forme d’AlN (les éprouvettes traitées plusieurs dizaines d'heures à 600 °C l'ont été en ampoules scellées sous vide afin d’éviter des pollutions, et en particulier une décarburation). Ce traitement est toujours achevé par une hypertrempe à l’eau; l’acier est alors dans l’état {T}. Ensuite un revenu en bain de sel de 2 heures à 270 °C suivi d'une trempe à l’eau est réalisé. L'objectif de ce traitement est de précipiter l'essentiel (voire la totalité du carbone) tout en conservant l'azote en solution. L’acier est alors dans l’état {R}. IV.A.3.b) Résultats et discussion - déconvolution métallurgique Des mesures de frottement interne ont été effectuées après les différentes durées de traitements dans les états {T} et {R}. Les spectres obtenus sont présentés respectivement Figure IV-7 (a) et (b). Le traitement de 230 heures à 600°C suivi 2 heures à 270°C, conduit à un spectre "plat" (voir Figure IV-7 (b)) , en conséquence ces 230 heures à 600°C permettent d'éliminer complètement l’azote en solution5, et le revenu à 270°C est suffisant pour précipiter tout le carbone sous la forme de cémentite intra-granulaire (ou du moins il n'est plus possible de détecter du carbone en solution par frottement interne). Si l'on admet que la solubilité et la cinétique de précipitation du carbone ne sont pas affectées par la présence d’azote ou d’AlN, cela implique qu'il n’y ait plus de trace du pic de Snoek du carbone dans les différents spectres de la Figure IV-7 (b) (après le traitement 2 h à 270 °C). 5 D’après les teneurs relatives en azote et en aluminium et dans l’hypothèse de la formation d’AlN stœchiométrique, ce résultat est surprenant. Néanmoins, des analyses chimiques complémentaires ont confirmé que tout l’azote présent est effectivement précipité sous la forme de nitrures stables. 104 δ 0,030 (a) 0,030 0,025 (b) δ 0,025 temps à 600°C 1 min 1 hr 6 hr 32 hr 230 hr 0,010 0,010 0,005 0,005 0,000 Fe-N 0,015 Mn-N Fe-C 0,015 0,020 Mn-N-Mn 0,020 0,000 220 240 260 280 300 320 340 220 240 260 280 300 320 340 température en K température en K Figure IV-7 : Spectres de frottement interne des éprouvettes d’acier bAl+N ayant subi les traitements thermiques de la Figure IV-6. Les spectres sont corrigés en fréquence à 1 Hz et le bruit de fond est soustrait. Les lignes verticales indiquent la position attendue des différents pics élémentaires dans un système Fe-Mn-C-N. (a) éprouvettes trempées depuis 600 °C, état {T} (b) idem (a) + 2 heures à 270°C, état {R} 0,015 0.030 δ{T} δ{V} δ{T} - δ{V} 0.025 1 min 1 hr 6 hr 32 hr 230 hr 0.020 δ 0.015 0,010 0.010 0.005 0.000 δ 220 240 260 280 300 320 340 Température en K 0,005 0,000 220 240 260 280 300 température en K 320 340 Figure IV-8 : Résultats des opérations de déconvolution métallurgique (différence entre l’état {T} et {R}) pour les différents temps de traitement à 600°C. En médaillon un exemple de déconvolution métallurgique. Cette hypothèse est confirmée par l’opération de soustraction effectuée entre les spectres correspondant aux états {T} et {R} (Figure IV-8). On voit clairement que le résultat des soustractions donne systématiquement un pic de Snoek unique d'amplitude constante avec une température de maximum correspondant à celle du carbone. L’opération de soustraction entre deux spectres de frottement interne d’un acier dans deux états métallurgiques 105 différents est rendue possible grâce à la correction en fréquence des spectres et à la précision sur la mesure de température (annexe 1). Dans la suite de la thèse, nous appellerons cette opération la déconvolution métallurgique. A ce niveau, nous devons faire deux observations : • Les spectres de la Figure IV-7 (b) sont uniquement liés à la présence d’azote en solution solide, aucun signe de carbone en solution solide étant détectable après le revenu à 270°C. Ces spectres sont homothétiques ce qui signifie qu’en relatif, la contribution du pic ordinaire et des 2 pics extraordinaires (voir chapitre III), est la même quelle que soit la quantité d’azote en solution, ce qui est en accord avec la littérature. • Les spectres de la Figure IV-7 (a) sont ceux de la Figure IV-7 (b) auxquels s’ajoute la contribution du carbone en sursaturation après une trempe depuis 600°C. Ces 2 points tirés de l’expérience sont des résultats élémentaires que l’on doit s’attendre à retrouver en appliquant une déconvolution "mathématique" du type de celles proposées dans la littérature. IV.A.3.c) Déconvolution "mathématique" Au Ledepp, Jose Rubianes a développé un logiciel qui a pour objectif de déconvoluer, par une méthode numérique, le spectre de frottement interne en une somme de pics de Snoek élémentaires avec un bruit de fond variant linéairement avec la température (expression (III10) avec δ en place de Q-1). Dans les paramètres du logiciel est introduit un degré de liberté sur la température, ce qui permet éventuellement de prendre en compte un décalage systématique entre la température mesurée et la température réelle de l’échantillon. Les caractéristiques des pics élémentaires sont celles extraites de la littérature qui sont données dans la partie III.A.3.a en ce qui concerne le pic du carbone et dans le Tableau III-2 (valeurs moyennes) en ce qui concerne les pics d’azote en présence de manganèse. Les résultats de la déconvolution mathématique sont donnés dans le Tableau IV-4. Sans faire une analyse exhaustive, il apparaît immédiatement que les hauteurs relatives des pics élémentaires ne traduisent pas les deux observations faites dans le paragraphe précédent (contribution du carbone constante dans les états {T} et nulle dans les états {R} et spectre homothétique de l’azote). De plus, la déconvolution mathématique amène dans certains cas à considérer des pics négatifs ce qui est bien entendu une aberration. 106 δmax {T} C Mn-N Fe-N Mn-N-Mn 1 min 1 hr 15 17,5 7,9 5 7 7,1 5,4 4,8 6 hr 32 hr 230 hr 16,7 14,2 9,3 1,5 0,2 4,1 5,7 2 0,8 3 1,8 0,1 1 min 1 hr 4,7 13,2 6,2 -3,7 5,1 6,6 5,7 3,4 6 hr 32 hr 230 hr 7,8 1 0,6 -2,4 0,2 -0,1 4,1 0,6 0 2,9 1 0,2 {R} Tableau IV-4 : Hauteurs des maxima des pics de Snoek élémentaires issues de la déconvolution mathématique. Nous avons réalisé d’autres séries de déconvolutions mathématiques en introduisant un degré de liberté sur chaque température de maximum de pic de Snoek, ou encore en introduisant un paramètre β traduisant un élargissement du spectre de frottement interne dû à une distribution log-normale des temps de relaxation autour de la valeur moyenne [NOW72]. Les résultats issus de ces calculs ne permettent toujours pas de rendre compte des observations expérimentales. IV.A.3.d) Conclusion Le dosage en absolu du carbone et de l’azote en solution solide par déconvolution "mathématique" des spectres de frottement interne semble donc plus difficile que ce qu’il est généralement admis. On a par contre montré que la réalisation de plusieurs spectres expérimentaux sur des états judicieusement choisis permet de réaliser une déconvolution "métallurgique" discriminant les contributions du carbone et de l’azote dans le spectre de frottement interne initial. Nous n’avons toutefois pas pu pour autant établir de relation claire entre les hauteurs de pics et la quantité d’éléments en solution qu’elles représentent. Ces constats expérimentaux nous ont amenés à envisager un autre protocole pour doser le carbone et l’azote libres. 107 IV.B. Etude préliminaire du vieillissement après écrouissage par mesure du PTE : Proposition d'une méthode de dosage de C et N libres IV.B.1. Introduction La densité de dislocations ainsi que la quantité d’atomes interstitiels libres dans la matrice sont les paramètres fondamentaux du vieillissement après écrouissage. Leurs estimations ont toujours été à la base des études expérimentales sur le sujet. En ce qui concerne les dislocations, des chercheurs ont estimé leur densité à partir de méthodes directes, telle que la microscopie électronique à transmission [KEH63][LAN97a], ou indirectes, comme l’accroissement de la limite élastique ou de la dureté et des cinétiques de vieillissement après écrouissage. La quantité d’atomes interstitiels libres susceptible de participer au vieillissement a souvent été estimée avant l’écrouissage, dans l’état recuit. Les techniques de caractérisation étant essentiellement le frottement interne, les analyses chimiques et plus accessoirement le pouvoir thermoélectrique et la résistivité. Toutefois dans certaines études, cette quantité est estimée après déformation, pendant la formation des atmosphères de Cottrell. On suit alors l’évolutions de propriétés physiques telles que la résistivité [WIL60b] ou mécanique comme l’évolution de la limite élastique (indice de vieillissement ou aging index) [KUR88]. Nous avons vu dans le chapitre III que le pouvoir thermoélectrique d’un acier est sensible à la présence de dislocations et d’atomes en solution solide. De plus, des études ont déjà mis en évidence l’évolution du PTE durant le vieillissement après écrouissage dans des aciers extra-doux [BEN85][BOR85][BRA93]. Tous ces faits expérimentaux nous ont amenés à considérer que la mesure du PTE devait être une technique très intéressante pour caractériser l’état microstructural d’un acier au cours des traitements thermomécaniques à étudier. Nous allons voir dans cette partie que la mesure du PTE est rapidement apparue comme étant une technique extrêmement pertinente au point de l’utiliser pour le dosage en absolu des interstitiels libres. 108 IV.B.2. Etude préliminaire du vieillissement après écrouissage d’un acier ULC brut de recuit IV.B.2.a) Variation du PTE d'un acier ULC avec la déformation - corrélation avec la dureté L’acier étudié ici est l’acier ULCbRC6. Il s’agit d’un acier ULC brut de recuit continu dans lequel, a priori, quasiment tout le carbone et l’azote sont en solution solide (bobinage froid et refroidissement rapide après recuit). Dans un premier temps, on a cherché à quantifier l’effet de l’écrouissage sur le PTE de l’acier. On mesure le PTE d’éprouvettes à l’état recuit, S{bRC}, puis les éprouvettes sont déformées à l’aide d’un laminoir manuel. La déformation est appliquée plus ou moins brutalement. Nous définissons 3 modes de laminage : laminage en 1 passe, 2/3 passes ou avec de nombreuses passes (> 10 passes). Dans le cas de passes multiples, le temps entre chaque passe est réduit à son strict minimum (5-10 secondes ; au toucher, le métal n’est pas sensiblement échauffé par la déformation) afin d’éviter le vieillissement de l’acier. On mesure le PTE, S{ε}, juste après la dernière passe. La différence entre les 2 valeurs du PTE d’une éprouvette donne ∆Sε = S{ε} – S{bRC} qui est la variation de PTE due à l'écrouissage ε (taux de réduction ∆e/e0). Les résultats expérimentaux sont rassemblés Figure IV-9. 0n peut faire deux observations : 1. La variation de PTE n'est pas linéaire avec le taux de réduction. Il apparaît un phénomène de saturation pour les fortes déformations. 2. La variation de PTE ∆Sε n'est pas fonction uniquement du taux de déformation mais dépend également du mode de déformation et notamment ici de la "brutalité" de la déformation. Plus celle-ci est brutale, ce qui équivaut à une vitesse de déformation plus élevée, plus ∆Sε est importante. Ce dernier point nous a amené à comparer ∆Sε à une propriété de l’acier sensible à la densité de dislocations, sa dureté. Dans la Figure IV-10 est représenté ∆Sε en fonction de la variation de dureté Vickers, ∆Hvε, due à l’écrouissage. La relation liant ∆Sε et ∆Hvε est sensiblement linéaire et la distribution autour de la droite moyenne est du même ordre de grandeur que celle des incertitudes de mesure : + 0,004 µV/K pour le PTE et + 6 pour ∆Hvε. On considère souvent que la variation de dureté due à l'écrouissage est proportionnelle à la racine carré de la densité de dislocation, 6 Λ , ce qui signifierait que ∆Sε est également caractéristiques et composition chimique données dans le § III.F. 109 proportionnelle à cette quantité. Nous verrons dans la suite de la thèse que ce résultat expérimental est largement confirmé. 0,0 passe(s) de laminage 1 passe 2-3 passes >10 passes ∆Sε ( µ V/K ) -0,1 -0,2 -0,3 -0,4 -0,5 0 10 20 30 40 taux de réduction ( % ) 50 Figure IV-9 : Variation de PTE due à l’écrouissage en fonction du taux de réduction par laminage et pour un nombre de passes variable 0,0 Passe(s) de laminage 1 passe 2-3 passes >10 passes ∆Sε (µV/K) -0,1 -0,2 -0,3 -0,4 0 20 40 60 80 100 ∆Hvε Figure IV-10 : Variation de PTE due à l’écrouissage en fonction de l’augmentation de dureté par laminage et pour un nombre de passes variable Les variations de PTE du métal entre l’état déformé et non déformé sont donc susceptibles de nous donner une information pertinente sur la consolidation de l’acier et sa dureté. 110 IV.B.2.b) Evolution du PTE pendant le vieillissement après écrouissage d'un acier ULC et sa signification Le métal étant écroui, l’étape suivante est le vieillissement. Ici nous avons suivi par PTE la cinétique de vieillissement d’éprouvettes d’acier ULCbRC préalablement laminées à un taux de réduction d’environ 50 % donnant lieu à une variation de PTE ∆Sε ~ - 0,320 µV/K. Les échantillons sont ensuite vieillis en condition isotherme entre 20 et 270 °C, soit dans un bain d'huile (T ≤ 170 °C), soit dans un bain de sel (T > 170 °C). Les traitements étant cumulatifs, le même échantillon permet de tracer toute une cinétique. La variation de PTE entre l’état de départ, après laminage, et l’état vieilli est noté ∆Sa. Pour les températures de vieillissement inférieures à 170 °C, on observe une évolution initiale des cinétiques ∆Sa = f(log(t)) de forme sigmoïdale (Figure IV-11). Corrélativement à cette évolution, on mesure une augmentation progressive de la dureté qui atteint environ 20 Vickers. Pour des temps plus longs ou des températures de vieillissement plus importantes, le PTE de l’acier continu à augmenter mais cette fois linéairement avec le logarithme du temps. Durant ce stade, on ne mesure pas de variation significative de la dureté si ce n’est une légère diminution pour les temps de vieillissement les plus longs aux températures supérieures ou égales à 170°C. Ces observations nous amènent à séparer l’évolution du régime linéaire ∆Hv ~ 0 0.25 0.15 régime sigmoïdal ∆Hv > 0 ∆Sa (µV/K) 0.20 20°C 40°C 70°C 120°C 170°C 220°C 270°C 0.10 0.05 0.00 10 1 10 2 10 3 10 4 10 5 10 6 10 7 10 8 t (s) Figure IV-11 :Cinétiques de vieillissement de l’acier ULCbRC laminé à 50% de réduction (∆Sε ˜ 0,320 µV/K) suivies par PTE. ∆Sa exprime la variation de PTE entre l’état déformé et l’état vieilli. PTE durant le vieillissement en 2 régimes distincts : l’évolution sigmoïdale, durcissante que 111 l’on attribue pour le moment à la ségrégation des interstitiels sur les dislocations, et l’évolution linéaire, attribuée à un autre mécanisme. Pour renforcer l’hypothèse de l’existence des 2 régimes, nous avons étudié les cinétiques de vieillissement de l’acier ULCstd dont on ajuste la teneur de carbone libre. Deux lots sont préparés, l’un avec tout le carbone remis en solution solide (hyper-trempe depuis 600 °C), l’acier est alors dans l’état {RSS}, et l’autre avec l’essentiel du carbone précipité (24 hr à 270 °C après la trempe), c’est l’état {R} (Figure IV-12). Les éprouvettes sont laminées à 60 % de réduction (conduisant à une variation de PTE due à l’écrouissage d’environ - 0,400 µV/K) puis vieilli à 70 °C en bain d’huile. La différence de PTE entre l’état initial déformé et l’état vieilli est toujours notée ∆Sa. Les cinétiques de la Figure IV-13 sont représentatives des résultats obtenus. 600°C, 30 s {RSS} {R} {RSS} - {R} 0,30 ∆Sa (µV/K) 0,25 270°C, 24 hr 0,20 0,15 0,10 0,05 {RSS} {R} 0,00 10 Figure IV-12 : Traitements thermiques : états {RSS} et {R}. 1 10 2 10 3 10 t (s) 4 10 5 10 6 Figure IV-13 : Cinétiques du vieillissement à 70 °C suivi par PTE de l’acier ULCstd laminé à 60% de réduction (∆Sε ~ 0,400 µV/K) dans l’état {RSS} et {R}. Les triangles représentent la différence entre les deux cinétiques. D’après les états initiaux de l’acier avant déformation, la différence majeure entre les deux cinétiques de vieillissement doit être liée aux teneurs en carbone différentes. La différence point par point entre les deux cinétiques de vieillissement doit donc donner l’allure de la cinétique de la ségrégation du carbone. C’est effectivement ce que l’on observe, cette différence a l’allure de l’évolution sigmoïdale du premier régime sans l’apparition du second régime (linéaire en log(t)) présent dans les cinétiques de vieillissement mesurées. Cette observation confirme l’hypothèse faite auparavant sur la différence de nature des phénomènes métallurgiques à l’origine des deux régimes d’évolution du PTE. Le premier régime est associé à la ségrégation des interstitiels libres sur les dislocations au cours du vieillissement. C’est celui qui conduit au durcissement 112 de l’acier. Les temps de vieillissement correspondant au terme de ce régime (délimité par une ligne en pointillé dans la Figure IV-11) sont équivalent à ceux donnés dans la littérature en tant que fin du processus de formation des atmosphères de Cottrell [HUN54, BAI63a] soit d’après nos résultats environ 24 heures à 70 °C et 30 mn à 120 °C. Si on considère que le vieillissement après écrouissage est décrit en fonction du temps par une loi de type JonhsonMelh (voir chapitre II), on peut écrire : ∆Sa ( t) = A. (1 − exp( −k. t)) ⎛ Eact ⎞ ⎟ ⎝ R. T ⎠ avec k = k 0 . exp⎜ Eact est l’énergie d’activation du processus du vieillissement. On peut alors estimer cette énergie en traçant 1/RT en fonction de ln(t) pour une valeur donnée de ∆Sa (à la moitié de la variation de PTE totale attribuée au premier régime par exemple). On trouve ici : Eact ~ 80 500 J/mol Cette valeur est comprise entre l’énergie d’activation de diffusion du carbone (84000 J/mol) et de l’azote (76 100 J/mol) dans le fer. En ce qui concerne le second régime, nous ferons pour le moment l’hypothèse qu’il s’agit d’un effet lié à la restauration des dislocations dans l’acier. La réorganisation et l’annihilation des dislocations devant avoir comme conséquence l’augmentation du PTE (étant donné que l’introduction de dislocations diminue le PTE) et éventuellement un léger adoucissement du métal [BEN85][BOR85]. IV.B.2.c) Discussion en vue du dosage Nous venons de montrer que la mesure du PTE était un bon indicateur de la consolidation due à l’écrouissage et qu’il était également sensible au départ des atomes interstitiels de la solution vers les dislocations pour former les atmosphères. A la vue de ces résultats, nous pouvons nous interroger sur la possibilité d’utiliser ces propriétés en vue du dosage des interstitiels libres, en appliquant une méthodologie qui consisterait à déformer fortement l’acier à doser et à mesurer la quantité d’atomes qui ségrègent sur les dislocations après un vieillissement total (méthode similaire dans le principe à l’ageing index). Pour que cette méthode soit pertinente, il faut : 1. Une densité de dislocations introduite par l’écrouissage suffisante pour que tous les interstitiels libres puissent être piégés autour des dislocations. 2. Une relation simple entre la quantité d’atomes interstitiels ayant effectivement ségrégé et la variation de PTE associée. Dans la partie suivante, nous allons tester la méthodologie proposée. 113 IV.B.3. Validation des critères pour le dosage des atomes interstitiels libres par PTE IV.B.3.a) Effet de l’écrouissage sur la cinétique de vieillissement On se propose dans un premier temps d’étudier l’effet de l’écrouissage sur la cinétique de vieillissement. L’acier étudié est toujours l’acier ULCbRC dans son brut état recuit {bRC}. En modifiant la vitesse de déformation (passes de laminage plus ou moins nombreuses voir IV.B.2.a), on cherche à obtenir des variations de PTE différentes pour des taux de réduction identiques, ou au contraire des variations de PTE identiques avec des taux de réduction différents. Les cinétiques de vieillissement à 70 °C sont ensuite suivies par PTE. ∆Sa (µV/K) 0,25 0,25 (a) 0,20 0,20 0,15 0,15 0,10 0,10 0,05 (b) Taux de réduction 52 % 59 % 82 % ∆Sε ~ -0,300 µV/K 0,05 Taux de réduction = 50% ∆Sε = -0,350 µV/K ∆Sε = -0,260 µV/K 0,00 0,00 1 10 2 10 10 3 10 4 t (s) 10 5 6 10 7 10 1 10 2 10 3 10 4 10 5 10 6 10 7 10 t (s) Figure IV-14 : Cinétiques de vieillissement à 70 °C des éprouvettes ULCbRC {RC} laminées à froid. (a) taux de réduction identique mais variation de PTE due à un nombre de passes de laminage variable. (b) variation de PTE due à l’écrouissage identique mais taux de réduction variable. L’analyse des résultats présentés Figure IV-14 (a) et (b) conduit à conclure que la cinétique de vieillissement ne dépend pas significativement de l’écrouissage et donc de la densité de dislocations. Par contre l’amplitude de la variation de PTE due à la ségrégation des atomes interstitiels sur les dislocations est très dépendante de l’amplitude de la variation ∆Sε de PTE due à l’écrouissage initial. Cette dernière observation est tout à fait en accord avec les résultats de la partie IV.B.2.a qui montraient la relation linéaire entre ∆Sε et la consolidation mesurée en dureté. Bien entendu la quantité d’atomes interstitiels piégés sur 114 les dislocations doit être intimement liée à la densité de dislocations dans l’acier, cela est confirmé par les cinétiques mesurées. Il reste maintenant à savoir si la densité de dislocations introduite par écrouissage est suffisante pour piéger tous les interstitiels libres. Pour cela des éprouvettes de l’acier ULCbRC dans l’état {bRC} et de l’acier ULCstd dans l’état {RSS} ont été laminées à des taux de réduction progressifs. Après avoir mesuré les variations de PTE ∆Sε, les éprouvettes sont totalement vieillies par un traitement de 30 minutes à 120 °C (état a, max) ce qui permet de remonter à la variation ∆Sa, max de PTE de l’acier due au vieillissement total (couple tempstempérature conduisant à la fin du régime de ségrégation vu au § IV.B.2.b). Le protocole de mesure et les résultats obtenus sont présentés sur la Figure IV-15. vieillissement total (120 °C, 30 min) écrouissage (laminage) Tamb état PTE {X} S{X} {ε} S{ε} {a, max} S{a, max} ∆Sε = S{ε} - S{X} ∆Sa, max = S{a, max} - S{ε} ∆Sa, max # [C+N] qui ségrége 0.30 pas assez de dislocations assez de dislocations 0.25 0.20 0.15 0.10 0.05 -3 ULCbRC dans l'état {bRC}, [C+N]libre ~ 7.10 % -3 ULCstd dans l'état {RSS}, [C+N]libre ~ 9.10 % 0.00 0.00 -0.05 -0.10 -0.15 -0.20 -0.25 -0.30 -0.35 -0.40 -0.45 ∆Sε (µV/K) ~ Λ 1/2 Figure IV-15 : Schéma du protocole expérimental et variation de PTE due au vieillissement total (30 min à 120 °C) après déformation, ∆Sa, max, en fonction de la variation de PTE due à l’écrouissage initial ∆Sε. Comme on pouvait le supposer, la quantité d’atomes libres piégés par les dislocations, ici représentée par ∆Sa,max, dépend de la quantité de dislocations introduites par écrouissage, exprimée ici par l’amplitude de ∆Sε. En première approximation on peut penser que si la densité de dislocations n’est pas assez importante, tous les atomes interstitiels libres ne pourront pas ségréger sur les dislocations du fait de la saturation des atmosphères. Par contre, si la densité de dislocation est suffisante, tous les interstitiels susceptibles de l’être vont ségréger sur les dislocations ce qui se traduit par un plateau sur la Figure IV-15. Ce résultat confirme la pertinence de la mesure de ∆Sε en tant qu’indicateur de la densité de dislocations introduites par l’écrouissage. Pour les deux aciers étudiés, un écrouissage qui conduit en valeur absolue à une variation ∆Sε > 0,350 µV/K introduit suffisamment de dislocations pour qu’a priori tous les interstitiels libres puissent être piégés par les dislocations. 115 IV.B.3.b) Relation entre la quantité d’interstitiel qui ségrègent et ∆Sa,max Afin de préciser la relation entre la variation de PTE et la quantité d’atomes qui ségrège, nous proposons le protocole expérimental schématisé sur la Figure IV-16. L’acier étudié est l’acier ULCstd. Un traitement supplémentaire de 24 heures à 650°C en ampoule sous vide permet de précipiter tout l’azote libre en AlN. Le frottement interne confirme l’absence d’azote en solution. L’acier est alors conduit dans l’état {RSS} (30 s à 600 °C + hypertrempe) qui est l’état initial pour la suite de ce paragraphe. Pour synthétiser, l’acier ne contient plus d’azote libre et la trempe depuis 600 °C à figé du carbone libre. L’acier est ensuite revenu à 270 °C en bain de sel pendant des durées variables (états {p}) afin de faire précipiter plus ou moins de carbone sous la forme de cémentite. Pour un état {p} donné, la quantité de carbone précipité est estimée par la variation de PTE ∆Sp liée au départ des atomes de carbone de la solution solide et par la diminution du maximum de frottement interne. Pour certains temps de revenu, une éprouvette est laminée jusqu'à conduire à une variation de PTE ∆Sε = - 0,400 µV/K , puis totalement vieillie 30 minutes à 120 °C ce qui permet de déterminer ∆Sa,max due à la ségrégation de tout le carbone libre (paragraphe précédent). Les résultats tirés des mesures de PTE et de frottement interne sont tous présentés Figure IV-17. Les évolutions de ∆Sp(t) et des spectres de frottement interne confirment l’appauvrissement de la matrice en carbone libre au cours du revenu à 270 °C. Sur la Figure IV-17 (a) sont représentés ∆Sp et ∆Sa,max en fonction du temps de traitement à 270 °C ainsi que la somme de ces deux valeurs. Cette somme est constante quel que soit l'instant considéré et est égale à ∆Sa,max(0), variation de PTE associée au vieillissement total de l’acier dans l’état initial {RSS}. Or on sait que ∆Sp(t) = PC.∆[C]précipité(t) où ∆[C]précipité(t) est la quantité de carbone précipité au temps t. On a donc : ∆Sp(t) + ∆Sa, max(t) = ∆Sa, max(0) soit ∆Sa, max(0) - ∆Sa, max(t) = ∆Sp(t) = PC. ∆ [C]précipité(t) = PC.([C]total - [C]libre(t)) où [C]total est la teneur en carbone libre dans l’état {RSS} et [C]libre(t) la teneur en carbone libre à l'instant t. Par identification, on tire que : ∆Sa, max(0) = PC.[C]total et ∆Sa, max(t) = PC.[C]libre(t) 116 précipitation 270 °C, t T {p} S vieillissement 120 °C, 30 mn {a, max} ∆Sp ∆Sε ∆Sa, max {RSS} laminage {ε} {RSS} {p} {ε} {a, max} Figure IV-16 : Traitements thermo-mécaniques effectués sur l’acier ULCstd préalablement traité 24 heures à 650°C (précipitation de l’azote en AlN) puis trempé à l’eau depuis 600°C (remise en solution du carbone, état {RSS}). Schéma des variations relatives du PTE de l’acier. 0,25 ∆Sp ou ∆Sa, max (µV/K) 0,20 0,15 ∆ Sp ∆Sa, max ∆Sp + ∆Sa, max 0,10 0,010 0,008 ∆Sa, max(0) {RSS} {p} 1 mn {p} 30 mn {p} 3 hr 0,006 δ 0,004 ∆Sa, max(t) 0,05 0,002 ∆Sp(t) 0,000 260 0,00 280 300 320 340 température (K) 10 1 10 2 10 3 4 10 5 10 10 6 10 7 t (s) (a) (b) Figure IV-17 : Mesures de PTE (a) et de frottement interne (b) de l’acier ULCstd (avec [C] ~ 5.10-3 %) traité comme illustré sur la Figure IV-16. ∆Sa,max(0) est la variation de PTE due au vieillissement total de l’acier dans l’état {RSS}, c’est à dire à un temps de traitement à 270°C nul. La variation de PTE due au vieillissement total est proportionnelle à la teneur en carbone libre dans l’acier avant déformation (Figure IV-18). Le coefficient de proportionnalité est identique à celui qui exprime l’influence du carbone en solution solide. Cela signifie qu’un atome de carbone piégé par une dislocation devient “ invisible ” au PTE ou encore que la mesure du PTE d’un acier dans lequel tous les atomes de carbone sont ségrégés autour des dislocations n’est sensible qu’à la présence des dislocations, toutes choses étant égales par ailleurs (Figure IV-19). Ces résultats sont a priori surprenants et doivent certainement éclairer le physicien sur l’origine des effets des dislocations et des interstitiels sur le PTE de l’acier. Néanmoins, pour le métallurgiste, ce résultat présente un intérêt certain que nous allons discuter plus loin dans le texte. Nous faisons l’hypothèse raisonnable que ces observations s’étendent également au cas de l’azote. Des résultats exposés plus loin le confirmeront. 117 {RSS} {p}, t1 {p}, t2 > t1 carbone précipité, [C]précipité(t) = PC.∆Sp(t) carbone libre, [C]libre(t) = [C]total - [C]précipité(t) déduit de ∆Sa, max(t) Figure IV-18 : Evolution de la microstructure au cours du revenu à 270°C . état écroui {ε} état vieilli {a, max} acier réel acier « vu » par le PTE Figure IV-19 : Comparatif entre l’état réel de l’acier et l’état vu par le PTE. état {a, max} : acier complètement vieilli Etat {ε} : acier écroui ; IV.B.3.c) Conclusion Nous venons de montrer qu’à la suite de traitements thermomécaniques précis, la mesure du PTE peut conduire au dosage en absolu des atomes de carbone et d’azote libres dans un acier ULC. Dans la suite du chapitre, nous allons définir précisément le protocole à suivre ainsi que le domaine de validité et la pertinence de la méthode. 118 IV.C. Dosage du carbone et/ou de l’azote libre par PTE après écrouissage IV.C.1. protocole expérimental D’après les résultats des parties précédentes, nous sommes capables de définir un protocole expérimental en vue de doser la quantité d’interstitiels libres dans un acier. Il est schématisé sur la Figure IV-20. PTE échelle absolue S* PTE échelle relative Référence = fer pur S 0 S*{0} S{0} S*{a, max} S{a, max} état initial {0} ∆Sε état {a, max} : après vieillissement total ~ -0.4 µV/ K 120 °C, 30 mn 70 °C, 24 hr S*{ε} ∆Sa, max S{ε} état {ε} : PTE après écrouissage Figure IV-20 : Protocole de dosage des interstitiels, carbone et/ou azote, libres par PTE après écrouissage. Les échelles et nomenclature concernant la mesure du PTE sont celles données dans le chapitre III. • L’acier à doser est dans un état initial recuit {0}. • Il est fortement écroui afin d’introduire suffisamment de dislocations pour piéger tous les interstitiels présents initialement en solution solide, l’acier est alors dans l’état {ε}. La densité de dislocations est estimée par ∆Sε. Pour un acier ULC, il semble que ∆Sε doit être supérieure ou égale à 0,350 µV/K en valeur absolue pour que tous les interstitiels libres soient piégés au terme du vieillissement (Figure IV-15). • L’acier écroui est vieilli totalement (état {a,max}) ce qui permet d'accéder à ∆Sa,max qui est proportionnelle à la quantité d’interstitiels initialement libres qui a ségrégé sur les dislocations. La température et le temps de vieillissement sont choisis afin que les effets de 119 restauration ne viennent pas perturber la mesure du PTE et que le vieillissement soit total (IV.B.2.b). En pratique on choisi 30 minutes à 120°C ou 24 heures à 70 °C. Ce protocole donne satisfaction au moins dans le cas d’un acier ELC en présence de carbone libre seul ([C]total < 9.10-3 %). Les cas rencontrés en pratique peuvent être plus complexes : quantité d’éléments à doser plus importante, présence simultanée de carbone et d’azote en solution solide. Les deux prochaines parties sont consacrées à définir les limites du protocole proposé. IV.C.2. Capacité du dosage L’objectif est ici d’estimer la quantité maximale d’atomes interstitiels que l’on peut doser par le protocole exposé plus haut, c’est ce que l’on désigne par "capacité" du dosage. Nous avons vu qu’il est nécessaire d’introduire suffisamment de dislocations afin que tous les interstitiels libres initialement présents soient piégés. La densité de dislocations est estimée par la variation de PTE due à l’écrouissage ∆Sε. Nous avons appliqué le mode opératoire de la Figure IV-15 sur des aciers de natures différentes. Les résultats obtenus sont rassemblés Figure IV-21. Pour un acier donné, ∆Sa,max atteint une valeur limite lorsque la densité de dislocations introduite est suffisante pour piéger tous les interstitiels. C’est ce qui est schématisé par les lignes en pointillé sur le graphe. Les parties où ∆Sa,max et ∆Sε sont à peu près proportionnelles correspondent aux situations où la saturation des atmosphères intervient avant que tous les interstitiels libres ne soient piégés. Les plateaux correspondent aux cas où tous les interstitiels libres sont piégés par les dislocations. Ce sont les conditions favorables pour le dosage. Dans chacun de ces aciers, les fractions relatives de carbone et d’azote libre sont variables. Ces deux éléments ayant un coefficient d’influence sur le PTE différent, la quantité relative de carbone et d’azote représentée par un ∆Sa, max donné est différente d’un acier à l’autre. C’est ce qui permet probablement d’expliquer que les lignes en pointillés n’ont pas toutes la même pente et ne représentent qu’une tendance et non une frontière absolue entre les états insuffisamment et suffisamment écrouis. 14 0.4 11 0.3 9 0.2 6 0.1 3 -3 0.5 concentration équivalente 10 % ∆Sa, max (µV/K) ~ C et N piégés sur les dislocations 120 ε 0.0 0.0 -3 acier ELC (C ~ 8.10 %) trempé depuis 700 °C acier ULCbRC état recuit acier ULCstd (N précipité) trempé depuis 600 °C acier ULCstd trempé depuis 600 °C acier basAl+N trempé depuis 600 °C 0 -0.1 -0.2 -0.3 -0.4 -0.5 1/2 ∆Sε (µV/K) ~ ρ Figure IV-21 : Variation de PTE due à un vieillissement total (30 mn à 120 °C) en fonction de la variation de PTE due à l’écrouissage. L’ordonnée à droite traduit ∆Sa,max en concentration équivalente d’interstitiels à l’aide d’un coefficient d’influence moyen Pi = 0,035. µV/K/10-3 % pds. Nous devons faire une remarque en ce qui concerne les résultats de l’acier ELC. Dans les domaines des déformations faibles (|∆Sε| < 0,2 µV/K), les valeurs de ∆Sa, max sont assez importantes. Ce comportement est attribué à la précipitation du carbone sous forme de carbure epsilon étant donné qu'une telle précipitation se développe assez rapidement à 120 °C pour une telle sursaturation en carbone [BEN85]. C’est ce qui est schématisé par le croquis à gauche de la figure (amas d’atomes formant un précipité). Cette situation ne se rencontre plus lorsque la teneur en carbone est faible (sursaturation insuffisante pour former des précipités en 30 minutes à 120 °C, ce fait sera confirmé dans le chapitre V) ou lorsque la densité de dislocations est suffisante pour piéger les interstitiels avant que des précipités n’aient eu le temps de se former. En ordonnée et à droite du graphe, ∆Sa, max a été convertie en pourcentage massique d’interstitiels piégés par les dislocations en appliquant un coefficient d’influence moyen entre celui du carbone et de l’azote dans le fer. Bien entendu cette graduation ne présente qu'une indication qui permet d'estimer que l’on peut doser jusqu'à ~ 15.10-3 % d’interstitiels à condition que ∆Sε soit de l’ordre de - 0,500 µV/K, niveau qui peut être atteint pour un acier très fortement déformé (taux de réduction > 70 %) contenant une concentration importante d’interstitiels en solution (l’écrouissage d’un acier augmente avec la teneur en solutés). Plus couramment, un ∆Sε de l’ordre de - 0,400 µV/K permet a priori de doser au moins 10.10-3 % d’interstitiels en solution solide ce qui permet d’étendre le protocole de dosage aux aciers 121 ultra bas carbone (ULC) et bas carbone dans les états usuellement rencontrés au cours du process (tôle à chaud, brut de recuit …). IV.C.3. Séparation du carbone et de l’azote Lorsque du carbone et de l’azote sont présents simultanément en solution solide, la variation de PTE due au vieillissement est liée au piégeage de l’un et de l’autre élément sur les dislocations. Si tous les interstitiels libres sont piégés par les dislocations, on peut écrire l’égalité : ∆S a,max = PC .[C] libre + PN .[N] libre Soit une équation à 2 inconnues, [C]libre et [N]libre, qui ne peut être résolue. Pour contourner cette difficulté nous proposons de conduire l’acier dans un état où au moins une des quantités est connue. Si l'on considère qu’après un traitement thermique donné, on connaît la quantité [C]* de carbone en solution (le reste du carbone ayant précipité), tout en s’assurant que la teneur en azote n’a pas évolué depuis l’état initial, on peut alors écrire : ∆S a* ,max = PC .[C] * +PN .[N] libre Nous sommes alors capables de retrouver [C]libre et [N]libre. Ce mode opératoire est similaire à celui réalisé pour la déconvolution métallurgique effectuée avec les mesures de frottement interne (partie IV.A.3). Les teneurs en azote des aciers pour emballage ou pour la tôle automobile sont suffisamment faibles pour pouvoir considérer que des traitements de précipitation du carbone ne modifient pas la distribution de l’azote dans l’acier (limite de solubilité plus importante que dans le cas du carbone, précipitation lente des nitrures stables qui se forment à hautes températures...). En conséquence, en pratique, c’est effectivement la teneur en carbone libre que nous ajusterons par un traitement thermique de remise en solution et précipitation. Il nous reste à définir quel sera le traitement thermique permettant d’ajuster la teneur en carbone libre à une valeur connue. Il est nécessaire que ce dernier se réalise dans une durée raisonnable et qu’il soit reproductible. C’est l’étude de la précipitation après trempe dans les aciers ultra bas carbone et bas carbone qui nous a permis d'optimiser ce traitement. Cette étude plus particulièrement détaillée dans le chapitre V, nous ne ferons donc ici qu’utiliser ces résultats. 122 IV.C.4. Comparaison avec le dosage par frottement interne Jusqu'à présent, les données issues du dosage PTE après écrouissage ont été comparées aux évolutions de la quantité d’interstitiels libres déduite des mesures de PTE classiques (en suivant la précipitation du carbone par PTE, partie IV.B.3.b). Nous allons maintenant comparer ces données aux résultats issus de mesure du frottement interne, cette technique étant généralement considérée comme la technique de référence, même si le dosage en absolu par frottement interne parait délicat. IV.C.4.a) Cas du carbone Les aciers étudiés ici sont les aciers l-Mn et h-Mn dans les mêmes états que ceux décrits dans la partie IV.A.2.c.. Les mesures complémentaires consistent à appliquer le protocole de dosage par PTE de la Figure IV-20. On en tire la variation de PTE ∆Sa, max, pouvant être convertie en teneur en carbone libre en utilisant les coefficients d’influence du tableau III-6 (§ III.F). Les résultats obtenus sont comparés aux évolutions du maximum de frottement interne (Figure IV-22). 16 l-Mn h-Mn 14 δmax x10 _ 3 12 10 8 6 4 2 0 1 2 3 4 5 6 7 3 [C]libre x10 % Figure IV-22 : Maximum de pic de Snoek corrigé par le coefficient de texture en fonction de la teneur en carbone libre [C]libre dosée par PTE. Les incertitudes sont calculées en considérant que le coefficient PC est connu à 5 % prés et les variations de PTE ∆Sa,max à + 0,006 µV/K (=> + 2 ppm). Il s’avère que les deux grandeurs ne sont pas proportionnelles. Il existe toutefois une relation linéaire en admettant qu’entre 11 et 16 ppm (en tenant compte des incertitudes) de 123 carbone libre ne sont pas détectés par le frottement interne ou que le dosage par PTE surestime la teneur en carbone libre. La première hypothèse avancée pour expliquer la non proportionnalité observée est de considérer que ∆Sa, ne serait pas uniquement lié au carbone qui ségrège sur les max dislocations mais qu'au cours du vieillissement de l’acier, une évolution “ parasite ” de la microstructure conduirait à une augmentation additionnelle du PTE de l’ordre de 0,05-0,06 µV/K, qui entraînerait donc une surestimation d'environ 11-16 ppm de la concentration en carbone libre. Cette évolution pourrait par exemple être due à un phénomène de restauration déjà évoqué pour expliquer le second régime d’évolution du PTE lors du vieillissement après écrouissage (§ IV.B.2.b). Si tel était le cas, les cinétiques des deux phénomènes ne seraient pas identiques : l’une serait pilotée par la diffusion du carbone dans la matrice alors que l’autre le serait par l’autodiffusion du fer et la diffusion des crans. (a) (b) {700} {550} {520} {475} {270} 0,30 0,8 variation normée du PTE 0,25 1,0 ∆Sa (µV/K) 0,20 0,15 0,10 0,6 0,4 0,2 0,05 0,00 0,0 2 10 3 10 4 10 t (mn) 5 10 6 10 2 10 3 10 4 10 t (mn) 5 10 6 10 Figure IV-23 : Variation de PTE pendant le vieillissement après écrouissage (∆Sε ~ -0,4 µV/K) à température ambiante de l’acier l-Mn dans les états décris dans la partie IV.A.2.c (Figure IV-2). (b) Cinétiques (a) normées (a) Cinétiques exprimées par ∆Sa Un vieillissement à basse température devrait limiter une telle évolution “ parasite ”. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons étudié les cinétiques de vieillissement après écrouissage (∆Sε ~ - 0,4 µV/K) et à température ambiante de l’acier h-Mn dans différents états de précipitation (voir § IV.A.2.c). Les cinétiques suivies par PTE (Figure IV-23 (a)) montrent des évolutions sigmoïdales en fonction du logarithme du temps. La valeur de PTE se stabilise pour un temps indépendant de l’état initial de l’acier. Les cinétiques normées 124 sont indiscernables (Figure IV-23 (b)) et cela même pour l’acier dans l’état {270} où, d’après le frottement interne, il n’y a quasiment plus de carbone en solution solide (spectres de frottement de la Figure IV-3). Il apparaît donc que l’hypothèse faites plus haut peut être rejetée et qu'il existerait bien ~ 13 ppm de carbone libre susceptible de ségréger sur les dislocations et détectable par le dosage PTE bien qu'invisible au frottement interne. Il semble donc pour le moment que l’on puisse distinguer deux populations de carbone libre : l’une détectable par le frottement interne et le dosage PTE et l'autre uniquement par le dosage PTE. Il reste bien entendu à préciser la situation des atomes de carbone « invisibles » au FI. Les différentes hypothèses envisageables ainsi que leurs vérifications expérimentales seront abordées dans la suite du chapitre. Dans un premier temps nous allons considérer comme acquis l’existence de ce carbone libre « invisible » au frottement interne. IV.C.4.b) Cas de l’azote De la même manière que précédemment, nous voulons comparer le dosage PTE au dosage par frottement interne en s’intéressant cette fois uniquement à l’azote libre. Les aciers étudiés sont le basC et le basAl+N dont les compositions chimiques sont données dans le tableau III-6. 16 14 12 LC -3 -3 (N=5.3 10 %; Al=58 10 %) basAl+N -3 (1) -3 (N=11.7 10 %; Al=15 10 %) δmax x10 3 10 (2) 8 0,020 0,015 6 4 carbone libre invisible (1) azote libre δ 0,010 (2) 0,005 (3) 2 0,000 (3) 240 260 280 300 320 température (K) 0 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35 ∆Sa, max (µV/K) 0 [N]libre Figure IV-24 : Maximum de frottement interne due à l’azote en fonction de ∆Sa, max issue du protocole de dosage par PTE. En médaillon sont donnés 3 spectres expérimentaux de frottement interne. Sur des éprouvettes de ces aciers, on réalise des séquences de traitements thermiques similaires à celles présentées Figure IV-6 (§ IV.A.3.a et b). Le maintien à 600 °C pendant 125 des durées variables a pour objectif de précipiter une fraction croissante d’azote libre sous la forme d’AlN, tandis que le rôle de la dernière étape du traitement (2 heures à 270 °C) est de précipiter le carbone de manière à ce qu’il n’y en ait plus de trace sur le spectre de frottement interne (spectre (3) du médaillon de la Figure IV-24). Notons que dans cet état, du carbone libre « invisible » au frottement interne participe néanmoins à hauteur de 0,060 µV/K à la valeur finale de ∆Sa, max obtenue en appliquant le protocole de dosage par PTE. On compare alors les évolutions des maxima apparents7 de frottement interne représentatifs de l'azote libre avec ∆Sa, max (voir Figure IV-24). Contrairement au cas du carbone, la quantité d’azote libre déterminée par le PTE est proportionnelle au maximum apparent de frottement interne. Les deux aciers semblent toutefois présenter des relations de proportionnalité différentes, mais il peut s’agir soit d’un effet de texture, soit de la teneur en manganèse ou des deux à la fois. IV.C.5. Discussion Nous venons de voir que la méthode de dosage par PTE après écrouissage permet d'accéder aux valeurs absolues des quantités de carbone et d’azote libre, à condition toutefois d’admettre que cette méthode détecte une population d’atomes de carbone libres « invisibles » au frottement interne. Pour valider une bonne fois pour toute cette méthode, il est donc nécessaire de préciser la nature des atomes constituant cette population. La première question est de savoir si les atomes de carbone libres « invisibles », sont devenus libres du fait de l’écrouissage introduit au cours du protocole, auquel cas ils ne sont pas initialement libres et le FI ne permet effectivement pas de les détecter, où s'ils sont dans des situations particulières dans la matrice à l’état recuit (au moment de la mesure du frottement interne). Ci-dessous, nous recensons différentes hypothèses possibles que l’on soumettra à l’expérience dans la partie qui suit. Atomes initialement piégés, susceptibles d'être remis en solution par l’écrouissage : 1. Atomes en amas ou dans des précipités cohérents, "dissous" par l’écrouissage. 2. Atomes initialement piégés sur des dislocations déjà existantes à l’état recuit, remis en solution lors du déblocage de ces dernières. 3. Atomes ségrégés aux joints de grains et remis en solution lors de la déformation. Atomes “ libres ” en situation particulière dans la matrice : 7 Bien que "complexes" les spectres dus à l’azote restent homothétiques ce qui entraîne que la hauteur du maximum apparent de frottement interne est proportionnelle à la surface intégrée du spectre donc à la quantité totale d'azote libre quel que soit l'environnement de ces atomes d'azote. 126 4. Atomes en interaction avec un autre défaut dans la matrice (atomes substitutionnels, lacunes …). IV.C.6. Origine des atomes de carbone libre « invisibles » IV.C.6.a) Dissolution d’amas ou de précipités cohérents du fait de l’écrouissage Nous formulons ici l’hypothèse que les atomes de carbone « invisibles » vis à vis du frottement interne pourraient être issus de la dissolution d’amas d’atomes de carbone ou de fins précipités cohérents, cisaillés par les dislocations lors de l’écrouissage. Dans cette hypothèse la quantité de carbone « invisible » devrait être fonction de la quantité d’atomes de carbone formant les amas ou les précipités. Dans un acier trempé puis revenu à 270°C, température à laquelle le carbone précipite sous la forme de cémentite intragranulaire, la quantité de carbone pouvant participer à la formation de ces amas (ou précipités) devient très faible, d’où une population d’atomes de carbone « invisibles » qui doit diminuer en nombre. Or la relation linéaire qui existe entre le maximum de frottement interne et ∆Sa, max implique que cette population est constante quelle que soit la quantité totale d’atomes de carbone libres. Cette hypothèse n’est donc pas cohérente avec les résultats expérimentaux. IV.C.6.b) Remise en solution d’atomes de carbone initialement piégés sur des dislocations ou aux joints de grains Dans l’acier à l’état recuit, la densité de dislocations est déjà importante, Λ ~ 108 cm-2. Après trempe, cette densité peut augmenter du fait de l’introduction de nouvelles dislocations dues aux contraintes de trempe et atteindre 109 cm-2. Si l'on considère que la densité de sites piégeant sur les dislocations est de 1 site par plan atomique traversé par la dislocation, la densité en volume de sites est de l’ordre de 1,6.1017 cm-3. Or une teneur en carbone de 1,3.10-3 % en masse donne une densité d’atome de carbone dans la matrice de l’ordre de 5.1018 cm-3, soit entre 1 et 2 ordres de grandeur au-dessus du nombre de sites disponibles. Ce calcul simple permet d’écarter l’hypothèse formulée. Pour se convaincre que les atomes « invisibles » au frottement interne ne sont pas remis en solution lors de l’écrouissage, nous avons étudié l’effet de l’écrouissage sur des aciers dans lesquels, soit des atomes interstitiels sont bel et bien piégés sur des dislocations, soit seule la population d’atomes de carbone “ invisibles ” est présente. La mesure du frottement interne sur ces aciers à différentes étapes du traitement thermo-mécanique Figure IV-25 permet de suivre l’évolution de la population d’atomes en solution solide. 127 Les résultats de ces expériences démontrent que l’écrouissage d’un acier contenant des atomes interstitiels préalablement piégés sur des dislocations conduit à une remise en solution d’une fraction des interstitiels initialement piégés qui peuvent être détectés par frottement interne. Pour cela après un premier écrouissage d'environ 10 % (état {ε}), suivi d'un premier vieillissement de 30 mn à 120 °C (état {a}) on trace les spectres de frottement interne (voir Figure IV-25 (a)). On observe alors la diminution de l’amplitude du spectre qui est liée à la ségrégation des interstitiels sur les dislocations lors du traitement de vieillissement. On note toutefois que d’après le spectre {a}, il reste encore des interstitiels en solution puisque le spectre n’est pas constitué seulement d’un fond continu. Ensuite on déforme à nouveau l'éprouvette d’environ 5 % par laminage (état {a,ε}) et on trace le nouveau spectre de frottement interne (Figure IV-25 (b)). On observe alors incontestablement une augmentation de la hauteur du maximum qui peut être attribuée à l’augmentation du pic de Snoek et non à un phénomène parasite comme le démontre la persistance de ce spectre lors d'un second balayage en température (Figure IV-25 (c) spectres 1 et 2). En effet des évolutions possibles du fond continu, liées à un phénomène de restauration des dislocations ou de diminution de leur mobilité par ancrage des nouvelles dislocations, pourraient conduire au premier balayage à un spectre du type {a,ε} mais au second balayage le « recuit » commencerait à plus haute température et conduirait donc à un spectre totalement différent identifié par la courbe 2’ en pointillés sur la Figure IV-25 (c). Remarque : On met ici en évidence que des interstitiels initialement ségrégé sur des dislocations sont susceptibles d’être à nouveau libres à la suite d’un écrouissage même relativement léger (En fait, il s’agit du désancrage des dislocations conduisant à laisser sur place les atomes interstitiels formant l’atmosphère de Cottrell). Ce résultat sera largement confirmé dans le chapitre VI. 128 vieillissement total (120 °C, 30 min) vieillissement total (120 °C, 30 min) écrouissage (laminage) Tamb état 12 {ε} {bRC} 12 (a) 10 {ε} δ x 10 3 (b) 8 6 {a, ε} 6 4 4 {a} 2 2 0 0 240 12 {a, ε, a} 10 8 260 280 300 320 340 360 10 10 8 8 {a, ε} 6 {a} 240 12 (c) δ x 10 3 {a, ε} {a} 260 4 300 320 340 360 {a, ε} 6 1 280 (d) 4 2 2 2’ 0 {a, ε, a} 2 0 240 260 280 300 320 340 360 240 température (K) 260 280 300 320 340 360 température (K) Figure IV-25 : Spectres de frottement interne réalisés sur l’acier ULCstd brut de recuit continu aux différents stades du traitement thermo-mécanique schématisé en haut. (a) {ε} après 1ère déformation (ε ~ 10 %) {a} après vieillissement total. (b) {a,ε} après 2ème déformation (ε ~ 5 %) : remise en solution d’une fraction des interstitiels piégés dans l’état {a}. (c) idem (b), montre la reproductibilité du spectre {a, ε}. (d) {a,ε,a} après 2ème vieillissement total. Enfin un nouveau vieillissement de 30 mn à 120 °C (état {a,ε,a}) conduit bien à la disparition totale du pic de Snoek (Figure IV-25 (d)). Le frottement interne permet donc de détecter la remise en solution d’atomes interstitiels initialement piégés sur des dislocations. A contrario, les résultats présentés sur la Figure IV-26 montrent que les atomes « invisibles » en frottement interne (dans l’état {R} le dosage par PTE en détecte environ 1,5.10-3 % alors que le spectre de frottement interne est quasiment plat) ne sont toujours pas détectés après l’écrouissage de l’acier (environ 10 % d’allongement par laminage). Effectivement, le spectre de l’état {ε} n’indique pas de remise en solution de carbone après un écrouissage comme c’est le cas lorsque ce dernier est piégé sur des dislocations. Cette observation permet d’écarter l'hypothèse voulant que les atomes de carbones « invisibles » 129 en frottement interne seraient remis en solution solide au cours de l’écrouissage et donc rejette également l’hypothèse d’atomes de carbone ségrégés aux joints de grains et remis en solution par écrouissage. 650 °C, 24 hr précipitation d ’AlN 270 °C, 24 hr précipitation de Fe 3C 10 % d ’allongement par laminage T amb état {RSS} {RSS} {R} {ε} {R} 10 8 8 6 6 {R} {ε} pas de remise en solution de carbone après déformation δ x 10 3 10 {bRC} 4 4 2 2 0 0 240 260 280 300 320 340 360 température (K) 240 260 280 300 320 340 360 température (K) Figure IV-26 : Spectres de frottement interne réalisés sur l’acier ULCstd brut de recuit continu aux différents stades du traitement thermo-mécanique schématisé au dessus ε ~ 10 %). Ceci nous amène à distinguer 2 populations d'atomes de carbone libres : - une première population détectée par le frottement interne et conduisant à un pic ayant toutes les caractéristiques du pic de Snoek du carbone. Cette population doit donc correspondre aux atomes de carbone en solution solide idéale dans la matrice de fer, c’est à dire uniquement entourés par des atomes de fer et sans interaction avec d’autres défauts de la matrice. - Une deuxième population « invisible » au frottement interne. Son caractère d’invisibilité vis à vis du frottement interne indique que les atomes ne sont pas dans la même configuration que les premiers mais sont probablement en interaction avec des défauts de la matrice qui, comme on l'a vu, ne sont pas des dislocations ni les joints de grains. 130 L’hypothèse qui vient alors est de considérer des interactions avec des défauts ponctuels en particuliers des atomes étrangers en substitution dans la matrice8. IV.C.6.c) Interaction avec des éléments substitutionnels Il est difficile de mettre expérimentalement en évidence des interactions entre atomes en solution solide et c’est souvent de manière indirecte que cela est possible. En, ce qui nous concerne, nous ferons l’hypothèse qu’une quantité donnée d’atomes de carbone peut se trouver en interaction avec un type de défauts de la matrice les empêchant de participer à la relaxation de Snoek. Le type de défauts envisagé ici étant constitué par un ou plusieurs éléments en substitution dans la matrice de fer. On peut considérer 2 situations pour qu’un atome interstitiel devienne invisible au frottement interne. Soit il est fortement bloqué et ne se déplace plus du tout dans la maille. Soit il est extrêmement mobile autour d’un défaut ponctuel, tout en étant attiré par ce défaut. Cette hypothèse est similaire au modèle énergétique proposé pour interpréter le spectre de frottement interne de l’azote en présence de manganèse si ce n’est que dans le cas du carbone, les atomes en interaction avec les défauts ne participeraient pas au frottement interne. Pour valider cette hypothèse nous avons retenu un certain nombre de nuances ayant des compositions chimiques différentes en atomes substitutionnels. Le choix de ces nuances est conditionné par leurs compositions chimiques ainsi que leurs disponibilités. Il s’agit de fer pur contenant quelques ppm de carbone, d’aciers calmés à l’aluminium contenant environ 0,2 % de Mn (acier ULCbRC et l-Mn), et d’un acier ULC dit IF (Interstitial Free) contenant du titane (dont le but est de fixer l’azote et le carbone sous la forme de précipités stables) pour lequel on peut penser qu’il existe une forte affinité entre le titane et le carbone. Ces aciers subissent différents traitements thermiques dont le détail n’est pas donné ici et dont l’objectif est d’ajuster la teneur en carbone libre. La relation existant entre la hauteur du pic de frottement interne du carbone et le dosage du carbone libre par PTE a été déterminée dans ces nuances, les résultats obtenus sont présentés en Figure IV-27. 8 Nous écartons l’hypothèse d’une interaction avec des lacunes dont la densité est faible dans le domaine de température exploré et dont le nombre serait variable avec la température de traitement ce qui ne serait pas compatible avec les résultats expérimentaux présentés ici 131 14 ULCbRC l-Mn IF-Ti fer pur 12 frottement interne δmax * 1000 10 8 6 4 2 ? 0 0 1 2 3 4 5 6 [C]libre* 1000 dosé par PTE (%) Figure IV-27 : Relation entre le maximum de frottement interne et la quantité de carbone libre mesurée par le dosage PTE. Les maxima de frottement interne sont corrigés par un coefficient de texture vu au paragraphe IV.A.2.b sauf pour l’acier IF-Ti et le fer pur. Pour les différentes nuances, il existe une relation distincte entre le maximum de frottement interne et la quantité de carbone libre dosée par PTE. Pour les aciers calmés à l’aluminium avec des teneurs en manganèse comprises entre 0,125 et 0,225 %, on retrouve la relation déjà mise en évidence précédemment et qui indique qu’environ 13 ppm de carbone libre est invisible au frottement interne. Cette relation est amplement confirmée par d’autres résultats dont certains ont déjà été vus dans ce chapitre. Dans le cas de l’acier ULC IF-Ti, il semble que la relation soit différente. Toutefois le nombre de points expérimentaux ne permet pas de l’établir clairement. Néanmoins, la population de carbone libre invisible au frottement interne semble plus importante que 13 ppm. Enfin pour le fer pur, δmax est proportionnel à la quantité de carbone libre ce qui signifie qu’il n’existe pas dans ce cas d’atome de carbone libre invisible au frottement interne. Ces différentes relations confortent l’hypothèse que nous formulons sur la situation des atomes de carbone libres invisibles au frottement interne, en interaction avec des atomes en substitution dans la matrice ferritique. Toutefois, ces résultats ne constituent pas une preuve qui demanderait une étude plus approfondie (ex : influence de la quantité et la nature des substitutionels sur la relation entre δmax et Clibre …) ne pouvant être réalisée dans le contexte de la thèse. Nous verrons dans le chapitre VI que nous serons également amenés à envisager une interaction du carbone avec le manganèse pour interpréter des résultats concernant le vieillissement d’aciers ULC contenant environ 0,2 % de manganèse. 132 IV.C.6.d) Conclusion Dans cette partie nous avons cherché à identifier l’origine des atomes de carbone « invisibles » au frottement interne mais néanmoins détectés par le dosage PTE. Il apparaît que ces atomes ne sont pas remis en solution lors de la déformation et que leur caractère d’invisibilité au frottement interne persiste après un léger laminage. L'étude sur des nuances ayant des compositions différentes en atomes substitutionnels nous amène à considérer que les atomes de carbone tiennent leur caractère d’invisibilité au frottement interne du fait de leur interaction avec des atomes de soluté en substitution dans la matrice. Dans les aciers que nous étudions dans la suite de la thèse (aciers calmés à l’aluminium et dont le principal élément d’alliage est le Mn avec des teneurs d’environ 0,2 %), ces atomes en interaction (les atomes invisibles au frottement interne) ne présentent pas une cinétique de ségrégation sur les dislocations particulière. Ils ne sont donc pas à distinguer des atomes visibles au frottement interne (en solution solide) vis à vis du vieillissement après écrouissage. En conséquence, dans la suite de la thèse, nous ne parlerons plus d’atomes de carbone en solution solide mais utiliserons le terme de carbone libre, c’est à dire des atomes dont la situation et la mobilité leur permettent de participer au vieillissement après écrouissage. Ces atomes sont la somme des 2 populations identifiées plus haut. IV.C.7. Discussion sur l’apport de l ‘utilisation de la mesure du PTE et du dosage par PTE pour l’étude du vieillissement Dans un grand nombre d’études concernant le vieillissement après écrouissage et notamment le Bake Hardening, l’estimation de la quantité de carbone est réalisée à partir de la mesure du frottement interne [OKA81,89][HAN84][ELS93][SOL98][DE01]. La relation BH en fonction de la quantité de carbone en solution montre souvent que les premiers ppm de carbone sont responsables d’un BH important voir même que l’on mesure du BH sans détecter pour autant de carbone en solution solide par frottement interne [OKA81] (Figure II9 (a)). Les résultats de la partie IV.C et l’existence de carbone invisible au frottement interne nous permet de réviser cette vision. Lors du déroulement de la thèse, la méthode de dosage des interstitiels libres a été proposée et adoptée par les chercheurs du Ledepp et l’étude du BH d’aciers bas carbone (similaire à l’acier LC du tableau III.6) a donné les résultats de la Figure IV-28 (Source : M. Soler, Ledepp). 133 100 BH2% (MPa) 80 60 40 ? 20 [C]libre dosé par FI [C]libre dosé par PTE 0 0 20 40 60 80 100 120 [C]libre (ppm) Figure IV-28 : Relation BH en fonction de la quantité de carbone libre, dosé soit par FI soit par le PTE, d’un acier bas carbone ([C] = 0,023 %, [Mn] = 0,2 %, [Al] = 0,05 %). Source : M. Soler, Ledepp. Sur cette figure, nous retrouvons bien la tendance de la littérature pour les données issues du frottement interne alors que celles issues du dosage par PTE indiquent une progression du BH plutôt linéaire avec le carbone libre jusqu’à 30-40 ppm de carbone. Ces résultats modifient sensiblement les interprétations et extrapolations faites à partir des données expérimentales et de la théorie du vieillissement après écrouissage. Notamment en ce qui concerne la densité à saturation des atmosphères autours des dislocations ainsi que la pondération de l’effet d’une quantité donnée de carbone libre sur l’accroissement de limite élastique. Nous verrons dans le chapitre VI que le concept même de saturation des atmosphères est certainement à revoir. Sans en dire plus sur ce sujet, la mesure du PTE semble être une technique qui doit permettre une meilleure compréhension des mécanismes et paramètres du BH et du vieillissement en général. Des études sont en cours sur le sujet au Ledepp (USINOR R&D) sous la direction de Michel Soler et de l’auteur ainsi qu’à l’INSA de Lyon (GEMPPM) sous la direction de Jacques Merlin. IV.C.8. Conclusion Dans ce chapitre, nous montrons les difficultés à doser les interstitiels libres par la mesure du frottement interne. Nous montrons qu’il est possible de séparer les contributions respectives du carbone et de l’azote en pratiquant une « déconvolution métallurgique » qui 134 consiste à faire des opérations mathématiques entre des spectres FI expérimentaux de l’acier dans des états judicieux. La difficulté réside principalement dans la détermination de coefficients de proportionnalité entre les maxima de frottement interne et les teneurs en interstitiels libres. Cet état de fait nous a amené à nous intéresser à une méthode originale s’appuyant sur le suivi du PTE de l’acier au cours d’un traitement thermomécanique déterminé. Celui ci consiste à écrouir suffisamment l’acier à doser de manière à y introduire une densité de dislocations suffisante pour piéger tous les interstitiels libres (carbone et azote) après un traitement de vieillissement optimisé. La variation du PTE de l’acier entre son état très déformé et complètement vieilli est proportionnelle à la quantité d’interstitiels ségrégée sur les dislocations et donc à la quantité d’interstitiels libres initialement. La pertinence ainsi que le domaine de validité de la méthode sont démontrés. En pratique, il semble que l’on puisse doser une quantité d’interstitiels, carbone et azote, inférieure ou égale à 0,01 % (voir plus en pratiquant en plusieurs stades : précipitation, vieillissement) et que d’autre part on puisse doser séparément le carbone et l’azote libre au moins dans les aciers étudiés (aciers ULC et bas carbone, avec environ 0,2 % de Mn). L’application de la méthode de dosage sur des aciers bas carbone et ULC conduit à identifier une population d’atomes de carbone libres, ~ 13 ppm, qui participent au vieillissement après écrouissage mais qui ne sont pas détectés par le frottement interne. Ce résultat nous amène à considérer l’existence d’interaction entre ces atomes et des défauts de la matrice que constitue un ou des éléments en substitution dans la matrice de fer et en particulier le manganèse. La prise en compte de ces atomes de carbone invisible amène à réviser les conclusions de la littérature concernant la pondération du BH en fonction de la quantité de carbone libre mesurée par FI. 135 136 V. Précipitation dans les aciers ULC - Description de l’état brut de recuit : bilan des interstitiels actifs vis à vis du vieillissement après écrouissage V.A. Introduction Les aciers ULC ont une teneur en carbone total qui conduit à ce que ce dernier soit complètement remis en solution solide lors du recuit de recristallisation qui s’effectue vers 680 °C. Le refroidissement étant rapide (~ 30 °C/s), les sidérurgistes s’attendent à ce que quasiment tout ce carbone se retrouve en solution solide après recuit. Ils considèrent donc que tout le carbone est susceptible de participer au vieillissement après écrouissage. Par ailleurs, pour ces nuances, les conditions de réchauffage des brames ainsi que la conduite du laminage à chaud et du bobinage devraient conduire à ce que la totalité de l’azote contenu dans l’acier se trouve aussi en solution solide. Pour résumer, on considère généralement que dans un acier ULC recuit en continu, tout le carbone et l’azote sont en solution solide après recuit et qu’ils sont donc “ actifs ” vis à vis du vieillissement. En fait, il n’existe pas d’étude expérimentale qui montre clairement la validité de cette hypothèse. Dans cette partie, l’objectif est donc de valider ou non cette hypothèse en caractérisant finement les états du carbone et de l’azote dans un acier ULC. 137 V.B. L'état brut de recuit V.B.1. Prélèvements et conservation On dispose de feuilles d’aciers ULC brut de recuit continu (aciers ULCstd, ULCDWI et ULC+N) prélevées sur les sites de production (Usines de Basse-Indre et Florange), des petites éprouvettes témoins ayant été directement mises à la température de l’azote liquide pour constituer des références de l’état brut de recuit continu {bRC} pour ces aciers. Le PTE et le frottement interne (FI) de ces témoins ont été mesurés et le reste des tôles, après 3 jours passés à la température ambiante durant le transport, a été conservé à - 30 °C. On a pu vérifier que leurs FI et PTE ne variaient pas par rapport à ceux des témoins et cela même après plusieurs mois à - 30 °C. V.B.2. Effet d’un traitement de remise en solution suivi d’une hypertrempe Afin d'être sûr d'avoir les 3 aciers ULC dans un état possédant le maximum d'interstitiels en solution solide, un traitement de remise en solution de 30 s à 600 °C suivi d’une trempe à l’eau (hypertrempe) a été réalisé. Les mesures de FI et de PTE effectuées sur cet état "remis en solution solide" {RSS}, diffèrent de celles des mêmes aciers dans l’état brut de recuit continu {bRC}. Par conséquent l'hypothèse de la présence après recuit continu de la totalité du carbone et de l'azote en solution dans ces aciers est d'ores et déjà remise en question. D’après les spectres de frottement interne, le traitement à 600 °C n'a pour effet que de remettre une quantité ∆C de carbone du carbone en solution et la variation de PTE entre les états {bRC} et {RSS} doit permettre d'évaluer cette quantité (Tableau V-1). Il apparaît que pour chacune des nuances environ 10 ppm de carbone est remis en solution par un maintien à 600 °C. ULCstd ULCDWI ULC+N S en µV/K {bRC} {RSS} -1.790 -1.830 -1.780 -1.825 -1.670 -1.710 S{bRC} - S{RSS} en µV/K 0.040 0.045 0.040 ∆C en ppm 9 10 9 Tableau V-1 : Tableau récapitulatif des mesures de PTE dans l’état {bRC} et {RSS}. Calcul de la quantité de carbone remis en solution par un maintien à 600 °C par la formule ∆C = (S{bRC}-S{RSS})/PC. 138 Néanmoins, l’observation au MET de lames minces ainsi que de répliques directes de l’acier ULCstd dans l’état {bRC} ne permet pas de déceler la présence de carbures. Par contre on retrouve les précipités systématiquement observés dans les aciers calmés à l’aluminium : fins précipités de nitrure d’aluminium situés préférentiellement à proximité des joints de grains, ainsi que des sulfures de manganèse. Remarque : Nous avons vérifié expérimentalement que le prolongement du traitement de remise en solution à 600 °C (jusqu’à 5 mn) ou l’augmentation de la température de traitement (jusqu’à 700 °C) ne conduisaient pas à une modification de la quantité de carbone remis en solution. Pour des raisons pratiques, nous avons choisi de réaliser les traitements de remise en solution des aciers ULC par un maintien de 30 s à 600 °C suivi d’une hypertrempe à l’eau. Les aciers sont alors dans l’état {RSS}. V.B.3. Conclusion Il semble qu’environ 10 ppm de carbone puissent être remis en solution solide dans un acier ULC brut de recuit continu. Toutefois, nous n’avons pas pu mettre en évidence de carbures dans cet état; il reste donc à préciser où ce carbone se trouve engagé. L’analyse de répliques en microscopie électronique à transmission nous indique en outre, contrairement à ce qu'il est habituellement admis, qu’une partie de l’azote total est précipitée sous la forme de nitrure d’aluminium. Il nous reste à évaluer la quantité d’azote engagée dans les nitrures. Ce point devra aussi être abordé ultérieurement. V.C. Précipitation après hypertrempe dans les aciers ULC au cours d’un revenu isotherme effectué entre 20 et 270 °C V.C.1. Introduction Nous voulons préciser dans quelle situation se trouve engagé le carbone dans les aciers ULC à l'état brut de recuit. Le cycle de refroidissement au recuit continu sur les lignes USINOR pour APE peut être schématisé par un refroidissement rapide de quelques dizaines de degrés par seconde. L’étude expérimentale des évolutions microstructurales lors de ce type de cycle n’est pas aisée et nous avons choisi de les déduire de l’étude de revenus isothermes à partir d’un état proche de celui dans lequel est l’acier lors du maintien au recuit (T ~ 680 °C), c’est à dire après hypertrempe de 600 °C (état {RSS}). 139 V.C.2. Effet des carbures de fer sur le PTE de l’acier Nous avons vu au chapitre IV que la variation de PTE d’un acier ULC pendant un traitement isotherme à 270 °C correspond à la diminution de la quantité de carbone en solution déterminée par dosage PTE (Figure IV-17). Ce résultat nous indique que dans ces conditions, l’effet des précipités Fe3C’ (cémentite intragranulaire) sur le PTE est négligeable en tout point de la cinétique de précipitation. Nous avons réalisé une expérience similaire sur l’acier l-Mn ( [C]total ~ 8.10-3 %) hypertrempé depuis 700 °C puis revenu à 120 °C. A cette température, on s’attend à développer des carbures ε. En appliquant le même raisonnement qu’au paragraphe IV.B.3.b, les résultats de la Figure V-1 nous indiquent que les carbures ε n’ont pas d’effet significatif sur le PTE de l’acier et que la variation de PTE mesurée peut être attribuée au départ du carbone libre de la matrice. Dans la suite de la thèse, nous allons donc considérer une contribution nulle des différents carbures sur le PTE de l’acier. D’autre part, le fait que le dosage PTE permet bien à chaque instant du revenu à 120 °C de retrouver la quantité de carbone libre restant dans la matrice, nous permet d’affirmer que lors de l’écrouissage intense pratiqué dans le protocole de dosage ( plus de 50 % de réduction par laminage), les carbures ε, semi-cohérents, ne sont pas dissous par le cisaillement des dislocations (ce résultat sera confirmé dans le § VI.F.5) 0.35 ∆Sp ou ∆Sa,max (µV/K) 0.30 0.25 0.20 ∆Sp ∆Sa,max ∆Sp + ∆Sa,max ∆Sa, max(0) = ∆Sa, max{RSS} 0.15 ∆Sp(t) 0.10 ∆Sa, max(t) 0.05 0.00 1 10 10 2 10 3 10 4 10 5 6 10 10 7 10 8 t (s) Figure V-1 : Cinétique de variations du PTE pendant le revenu isotherme à 120 °C de l’acier h-Mn ([C]total ~ 8.10-3 %) initialement trempé à l’eau depuis 700 °C (état {RSS}). V.C.3. Protocole expérimental Nous avons entrepris l’étude des évolutions microstructurales au cours de traitements isothermes entre l'ambiante et 270 °C, c'est à dire dans le domaine correspondant à la fin de 140 zone de refroidissement en recuit continu. Cette gamme de température correspond également aux traitements thermiques éventuels que subit l’acier après recuit (revêtement, cuisson des vernis …). Cette étude permettra également d'ébaucher le tracé d’un diagramme de type TempsTempérature-Précipitation (TTP) pour des aciers ULC. Le départ du carbone en solution est suivi par mesure du PTE. La quantité de carbone quittant la solution solide étant considérée proportionnelle à ∆SP, variation de PTE entre l’état précipité {P} et l’état remis en solution {RSS} (Figure V-2). Pour certains points remarquables, des mesures de frottement interne sont également réalisées et confirment que la quantité d’azote en solution solide ne varie pas dans les conditions étudiées. 600 °C, 30 s hypertrempe 270 - 20 °C, t Tamb état PTE {bRC} {RSS} {P} S{RSS} S{P} carbone précipité ∆[C]p = (S{P} - S{RSS})/PC = ∆SP/PC Figure V-2 : Traitements de remise en solution (hypertrempe) et de précipitation du carbone dans des aciers ULC. V.C.4. Résultats expérimentaux Les variations de PTE observées au cours des traitements de revenu sont similaires pour nos différentes nuances d'aciers ULC. Celles correspondant à l'acier ULCstd sont présentées Figure V-3. On doit immédiatement noter que l'allure générale des cinétiques correspondant à des revenus > 120 °C diffère de celles précédemment observées sur des aciers bas carbone [BEN85][BRA93]. Dans le cas d'un revenu à 270 °C, la cinétique de variation de PTE diffère également de celle pouvant être observée dans le cas de l’acier bas carbone LC hypertrempé depuis 505 °C de manière à obtenir une sursaturation initiale en carbone équivalente à celle d’un acier ULC (Figure V-4). 141 0,150 270 °C 220 °C 170 °C 120 °C 70 °C 20 °C 0,125 ∆Sp (µV/K) 0,100 0,075 0,050 0,025 0,000 1 10 2 10 3 10 4 5 10 10 temps (s) 6 10 7 10 Figure V-3 : Cinétiques de variation du PTE de l’acier ULCstd dans l’état initial {RSS} (hypertrempé depuis 600 °C) pendant des revenus isothermes entre 20 et 270 °C. ∆Sp = S{P} – S{RSS}. 0,125 ∆Sp en µV/K 0,100 0,075 0,050 0,025 LC 505°C / 5mn ULCstd {RSS} 0,000 1 10 2 10 3 10 4 5 10 10 temps (s) 6 10 7 10 Figure V-4 :Cinétiques de variation du PTE de l’acier bas carbone LC hypertrempé depuis 505 °C et de l’acier ULCstd dans l’état {RSS} pendant un revenu isotherme à 270 °C. Le PTE de l’acier ULCstd varie dès les premières dizaines de secondes (et cela reste vrai pour des températures de revenu supérieures ou égales à 120 °C) ce qui n’est pas le cas pour l’acier bas carbone. Par ailleurs, si les différents stades de précipitation apparaissent clairement pour les aciers bas carbone présentant des sursaturations en carbone élevées (> 0,01%) [BEN88][BRA93], avec des stades bien identifiés correspondant à la précipitation des 142 carbures ε et de la cémentite Fe3C’, cette distinction est nettement plus difficile dans le cas des aciers ULC. Afin de préciser la nature des évolutions microstructurales, les cinétiques à 270 °C ont été isolées et le comportement du PTE de l’acier ULCstd {RSS} plus particulièrement analysé. Le PTE révèle qu’à cette température, environ 10 ppm de carbone (∆SP ~ 0,040 µV/K) disparaissent de la solution solide dès les 30 premières secondes de traitement et qu'ensuite n'y a pratiquement plus d'évolution durant 60 minutes suivantes (Figure V-4). Ce résultat surprenant nous a conduit à vérifier par mesure du frottement interne que cette variation de PTE était bien liée au départ du carbone et non à un phénomène parasite (restauration de dislocations introduites lors de la trempe élimination des lacunes, précipitation ou ségrégation d’une autre espèce chimique). Les spectres de frottement interne de l’acier ULCstd {RSS} après des traitements de durées variables à 270 °C montrent clairement qu’à chaque instant, à une diminution du maximum de frottement interne à 313 K (température du maximum du pic de Snoek du carbone), est associée une variation proportionnelle de PTE (Figure V-5). Comme cette variation de frottement interne correspond indiscutablement à une diminution de l’amplitude du pic de Snoek du carbone , les variations de PTE correspondent donc bien à chaque instant à un départ de carbone de la solution. 0.14 0.014 0.010 1Hz 0.12 0.10 ∆Sp (µV/K) 0.012 [RSS] [270] 1 mn [270] 30 mn [270] 3 hr [270] 3 jr 0.008 δ 0.006 0.08 0.06 0.004 0.04 0.002 0.02 0.000 220 0.00 240 260 280 300 320 340 360 0 1 2 3 température (K) 4 5 6 7 8 9 10 ∆δ*1000 à 313 K Figure V-5 : Spectres de frottement interne (corrigés à 1 Hz) de l’acier ULCstd traité à 270 °C et relation entre la variation de PTE et la variation de frottement interne à 313 K (maximum du pic de Snoek du carbone). La différence de comportement du carbone entre des aciers ULC et bas carbone nous conduit à considérer que le carbone qui disparaît de l’acier ULC dans les tous premiers instants n’est pas lié à un phénomène de précipitation. L’hypothèse d’une ségrégation aux joints de grains semble la plus pertinente. La différence de comportement pourrait alors être imputée au fait que l’équilibre entre le carbone en solution dans la matrice et celui ségrégé aux joints de grains est fonction de la concentration en carbone total. 143 Dans les paragraphes qui suivent, nous allons tenter de montrer la pertinence de l’hypothèse de la manifestation d’une telle ségrégation de carbone aux joints de grains à 270°C dans un acier ULC hypertrempé. V.C.5. Ségrégation aux joints de grains V.C.5.a) Modèle Dans un premier temps, nous calculerons la quantité de carbone pouvant être concernée par la ségrégation intergranulaire puis nous développerons un modèle simple pour vérifier si l’hypothèse de la ségrégation de carbone aux joints de grains est compatible avec les observations expérimentales faites dans le paragraphe précédent. Le modèle s’appuie sur des calculs analytiques de diffusion tirés du « Carslaw et Jaeger » [CAR59] et sont détaillés en annexe 3. Pour résumer, le grain est assimilé à une sphère dans lequel le carbone est initialement distribué de manière homogène et la surface du grain est considérée comme un puits pour le carbone. V.C.5.b) Quantité de carbone ségrégé aux joints de grains Nous chercherons seulement ici à déterminer quelle quantité de carbone total est nécessaire pour saturer les sites intergranulaires, situation qui est généralement considérée comme correspondant à la formation d’une monocouche. Le calcul est détaillé en annexe 3. Ainsi, pour un acier ayant des grains d’un diamètre de 8 µm (taille moyenne des grains des ULC), la quantité de carbone nécessaire pour former une monocouche en faisant l’hypothèse d’une densité de site surfacique de 1/p2 est d’environ 10 ppm en masse (ce qui équivaut à ~ 0,043 µV/K en variation de PTE) soit la quantité mesurée par PTE. Le Tableau V-2 rassemble les concentrations d’équilibre en carbone aux joints de grains exprimées en fraction de monocouche Xb pour différentes températures et teneurs en carbone dans la matrice Xc. Elles sont calculées d’après l’expression de Mc Lean (annexe 3) en prenant une énergie d’interaction carbone - joints de grains de 50 kJ/mol (~ 0,5 eV) [BAI71]. 144 Xc en % massique 0.008* 0.004 0.003 0.002 Xb en fraction de monocouche T (°C) 600 0.27 0.15 0.12 0.08 400 0.74 0.59 0.51 0.41 270 0.96 0.92 0.90 0.86 220 0.99 0.97 0.96 0.95 170 1.00 0.99 0.99 0.99 120 1.00 1.00 1.00 1.00 * quantité de carbone en solution à 600 °C dans un acier bas carbone Tableau V-2 : Concentrations d’équilibre en carbone aux joints de grains de ferrite en fonction de la quantité de carbone dans la matrice d’après l’expression de McLean. Concentrations exprimées en fraction massique de soluté: Xc et en fraction de monocouche: Xb. Le Tableau V-2 nous apporte 2 informations : Premièrement, la ségrégation d’équilibre du carbone à 600 °C dépend de la teneur en solution dans la matrice et donc de la teneur en carbone total dans le cas des aciers ULC. D’environ 0,3 monocouche pour un acier bas carbone, elle passerait à environ 0,1 monocouche pour un acier ULC. D’après ce calcul, dès 400 °C les joints de grains d’un acier bas carbone seraient quasiment saturés. Dans la réalité, on observe de la cémentite intergranulaire qui se développe le long des joints et aux joints triples. La présence de la cémentite modifie certainement l’équilibre entre le joint et la matrice et on peut penser que le joint est alors totalement saturé. Cela expliquerait que dans un acier bas carbone hypertrempé depuis 505 °C, on n'observe pas de ségrégation complémentaire à plus basse température (Figure V-4). Deuxièmement, même pour des concentrations très faibles en carbone (cas des ULC), la ségrégation d’équilibre serait voisine de la monocouche pour des températures inférieures ou égales à 270 °C. Par conséquent, dans le cas de l’acier ULC, l'équivalent d'une monocouche de carbone serait susceptible de se former entre 600 °C et 270 °C. Pour une taille de grain de 8 µm cela correspondrait donc à la ségrégation d'environ 10 ppm de carbone en considérant une densité de site de 1/p2. On néglige et négligera par la suite le ppm de carbone ségrégé aux joints à 600 °C (~ 0,1 monocouche d’après le Tableau V-2). Expérimentalement, L’amplitude des variations de PTE que l’on pourrait attribuer à la ségrégation diminue avec la température (Figure V-3), ce qui signifierait que la quantité totale de carbone qui ségrège diminue avec la température. Cela n'est pas logique mais pourrait s’expliquer par le fait qu’aux températures inférieures à 270 °C, la ségrégation du carbone aux joints n’aurait pas le temps de se terminer avant que la germination de 145 précipités intragranulaires commence et appauvrisse à son tour la matrice en carbone. Afin de conforter cette hypothèse, les temps de formation d’une fraction Xb de monocouche en fonction de la température de traitement ont été calculés et sont donnés dans le Tableau V-3 (calcul détaillé dans l’annexe 3). Les durées ainsi estimées pour la formation d’une monocouches paraissent tout fait compatibles avec l’hypothèse formulée plus haut. Effectivement, la calcul nous indique qu’après environ 8 secondes on ai pu former une monocouche à 270 °C, alors qu’à 170 °C, cette dernière n’est constituée qu’après 500 secondes (environ 10 minutes), soit un temps supérieur à celui nécessaire au début de précipitation à cette température (Figure V-3 et Figure V-10). fraction de monocouche Xb temp. (°C) 270 220 170 120 0.25 1 10 100 1000 0.5 2 20 200 2000 0.75 5 30 300 5000 1 8 50 500 9000 Tableau V-3 : Durées, en secondes, de formation d’une fraction Xb de monocouche en fonction de la température (détails du calcul en annexe 3, paramètres de la simulation : C0 = 0,004 %, Φg = 8 µm) V.C.5.c) Effet de la taille de grains Si lors du traitement isotherme d’un acier ULC hypertrempé, le carbone ségrège aux joints de grains, la cinétique de ségrégation doit être très sensible à la taille des grains de ferrite. Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, sur la Figure V-6 sont représentées les cinétiques de variation du PTE de l’acier ULCstd de taille de grains standard (8 µm) et celles correspondant à une taille de grains plus importante obtenue après un traitement de quelques minutes sous vide secondaire à 850 °C dans le domaine ferritique. La microstructure se présente alors sous la forme de grains dont certains traversent l’épaisseur de l’échantillon, leur taille moyenne doit donc être supérieure à 100 µm. Dans le cas des gros grains, la cinétique de variation du PTE à 270 °C ne présente plus l’augmentation rapide du PTE durant les premiers instants comme c’est le cas pour l’acier à taille de grains standard (~ 8 µm). On observe simplement au bout de 1000 secondes de traitement l’augmentation du PTE traduisant le départ du carbone de la solution pour former la cémentite intragranulaire. Il semble donc que l’on ne détecte pas de ségrégation du carbone aux joints dans l’acier ULC à gros grains. La simulation conduit à un résultat tout à fait compatible avec cette observation (lignes en pointillées sur la Figure V-6). Pour une taille de grains standard (8 µm), la simulation donne une cinétique plus rapide que celle observée expérimentalement. On peut en partie attribuer cette différence au fait 146 qu’expérimentalement, la mise en température de l’échantillon en bain de sel n’est pas immédiate et qu’aux temps courts, on surestime le temps de maintien à 270 °C. 0.12 ULCstd {RSS} φ = 8 µm φ > 100 µm 0.10 ∆SP (µV/K) 0.08 0.06 φ = 8 µm 0.04 φ = 100 et 200 µm 0.02 0.00 1 10 2 10 3 10 4 10 5 10 6 10 7 10 temps (s) Figure V-6 : Cinétiques de variation de PTE à 270 °C de l’ULCstd dans l’état hypertrempé depuis 600 °C (état {RSS}) pour 2 tailles de grains différentes (φ égale à 8 µm et supérieure à 100µm). Les courbes en traits continu et pointillés correspondent aux résultats de la simulation (C0 = 0,004 %, T = 270 °C) V.C.5.d) Effet de la ségrégation du carbone aux joints de grains sur les caractéristiques mécaniques en traction Dans un acier bas carbone recristallisé (non écroui), on considère que les sources de dislocations se situent à proximité des joints de grains [HAL51, PET53] voir dans le joint [BAI71]. Si le carbone ségrège aux joints de grains, on peut s’attendre à ce que cette ségrégation conduise à une modification du comportement des sources de dislocations du fait de leur blocage par les interstitiels. L’acier ULCstd a donc été testé en traction dans 3 états bien distincts de la cinétique d’évolution du PTE à 270 °C : l’état {RSS} et 2 états {P} après 1 minutes et 3 jours à 270 °C (Figure V-7). 147 400 0,12 0,10 350 {P} 3 jr contrainte (MPa) ∆SP (µV/K) 0,08 0,06 0,04 300 250 {RSS} {P} 1 mn {P} 3 jr 200 0,02 {P} 1 mn 150 0,00 1 2 3 4 5 6 7 8 10 10 10 10 10 10 10 10 temps (s) 0 2 4 6 8 10 12 14 déformation (%) Figure V-7 : Cinétique de variation de PTE à 270 °C de l’acier ULCstd et courbes de traction de cet acier dans les 3 états {RSS}, {P} 1 mn et 3 jr. On constate que le palier de traction, caractéristique du vieillissement après trempe, est déjà présent dans l’état {RSS}, ce qui est compatible avec le fait qu’il y a déjà dans ces conditions du carbone ségrégé aux joints (environ 1 ppm voir Tableau V-2). Ensuite le palier se développe nettement lors de l’étape où nous considérons qu'il y a ségrégation du carbone aux joints de grains et n’évolue plus de manière appréciable ultérieurement. Enfin la précipitation intragranulaire du carbone se traduit par une diminution de la consolidation, cela pouvant s'expliquer par une diminution du durcissement par solution solide (départ du carbone) non compensée par l’effet de durcissement par précipitation. La dureté de l’acier ne varie pas sensiblement pendant toute la durée du traitement. Remarque Un acier ULC hypertrempé depuis 750 °C a également été caractérisé en traction. La courbe de traction ne permet plus de détecter la moindre manifestation d’un crochet ce qui indiquerait qu’à cette température il n’y aurait plus de carbone aux joints de grains (ligne pointillée sur la Figure V-7). On doit s’attendre également à ce que dans un acier à gros grains on ne puisse constater l’apparition du palier. C’est effectivement ce que constate Bailon et al dans du fer ARMCO trempé [BAI71]. 148 Ces faits expérimentaux confortent l’hypothèse de la ségrégation du carbone aux joints de grains et nous indiquent que cette dernière semble être à l’origine de l’apparition du palier de traction dans un acier ULC recuit. De plus, les caractéristiques mécaniques en traction, le frottement interne ainsi que le PTE des aciers ULC brut de recuit continu sont identiques aux caractéristiques de ces aciers après le traitement de remise en solution suivi d’un traitement d’une minute à 270 °C ; traitement qui permet a priori la ségrégation de tout le carbone susceptible de l’être aux joints mais qui n’est pas suffisant pour former des précipités. V.C.5.e) Analyse d’un joint de grains en sonde atomique tomographique (SAT) Pour apporter une preuve directe à l’hypothèse de cette ségrégation du carbone aux joints, une analyse par sonde atomique tomographique d’un joint de grains d’un acier ULC brut de recuit continu a été réalisée au Groupe de Physique des Matériaux de Rouen (GPM - UMR 6634). La difficulté essentielle de l’expérience réside dans la réalisation d’une pointe (voir annexe 5) présentant un joint de grains approximativement perpendiculaire à son axe. Après analyse, les résultats sont traités par informatique afin de reconstruire le volume analysé en 3 dimensions (Figure V-8). Cette étude demandée par le Ledepp a été réalisée sur un acier ULC brut de recuit ayant une composition chimique et une taille de grains très proches de celle de l’acier ULCstd. C P Figure V-8 : Reconstruction tridimensionnelle du volume analysé par sonde atomique (16x16x85 nm3) d’un acier ULC brut de recuit ([C] = 4, [Mn] = 214, [P] = 11, [Al] = 26, [N] = 2,2 en millième de % en masse). Répartition des atomes de carbone et de phosphore (Les autres éléments n’apparaissent pas). Le résultat de la reconstruction tridimensionnelle du volume analysé est donné dans la Figure V-8. L’analyse en sonde atomique tomographique montre clairement un enrichissement du joint de grains en carbone. On mesure également un enrichissement en phosphore connu pour son affinité avec les joints de grains [AVI83, SUZ83, CON98]. La zone enrichie semble être assez diffuse autour du plan du joint. A partir de cette reconstruction, l’outil informatique permet l’analyse bidimensionnelle par l’intermédiaire d’une « boite » qui translate dans une direction choisie et permet le comptage 149 des atomes de la boite pendant sa translation. On peut alors tracer l’évolution de la composition chimique lors du passage d’un grain à l’autre en faisant se déplacer la boite sur un axe normal au plan du joint. Par cette méthode, la variation de composition le long d’un axe normal au joint a été tracé (boite de dimension 13*13*0,2 nm se déplaçant par pas de 0,2 nm). Les évolutions de composition en carbone et en phosphore sont tracées sur la Figure V-9. La zone enrichie s’étend sur environ 8 nm soit 30 distances inter-atomiques de part et d'autre du plan de joint. L’évolution de composition en phosphore (dont la fraction atomique est multipliée par 10 sur la Figure V-9) présente exactement la même répartition que celle du carbone. La concentration atomique en carbone ségrégé reste relativement faible (inférieure ou égale à 3 % atomique soit environ 0,7 % en poids) et est donc très en deçà de ce qu’elle serait dans un carbure (20 à 25 % atomique dans les carbures ε et Fe3C). Le concept de monocouche perd ici de son sens mais cette constatation permettrait par contre de mieux comprendre l’effet du carbone sur le blocage des sources de dislocations au voisinage et/ou dans les joints de grains. Remarque : La résolution spatiale de SAT (~ 0,2 nm en latéral) ainsi que des phénomènes du type évaporation préférentielle ou changement de la morphologie de la pointe analysée (voir annexe 5), peuvent entraîner un étalement de la trace du joint ainsi qu’un biais dans les fractions atomiques mesurées dans le volume reconstruit. Cependant, aucun de ces phénomènes ne permettrait de passer d’une situation de monocouche dans le métal réel, au profil mesuré à partir du volume reconstruit de la Figure V-8. Nous considérerons donc que cette description est une image fidèle du volume analysé. A partir du profil de ségrégation du carbone et de son aire, on peut remonter à la fraction massique équivalente de carbone aux joints de grains. Pour une taille moyenne de 8 µm, la quantité de carbone ségrégé aux joints serait de l’ordre de 3 ppm en masse, donc 3 fois moins que la quantité estimée indirectement par le mesure de PTE (environ 10 ppm pour un acier ULC à l’état recuit continu). Cependant, ces deux quantités sont du même ordre de grandeur d'autant que la zone analysée ne peut être considérée comme complètement représentative de l’ensemble des grains de l’acier. On peut s’attendre par exemple à ce que la quantité de carbone ségrégée soit fonction du type de joint, ou plutôt de sa désorientation, et que la ségrégation en carbone soit plus importante aux joints triples. 150 C P [C] et [P]x10 (%at) 3 2 1 0 5 10 15 20 25 nm Figure V-9 : Evolutions de la concentration en carbone et en phosphore le long d’un axe perpendiculaire aux joints de grains analysé en SAT de la Figure V-8. Même si nous ne disposons pas de l’analyse d’un joint de grains dans un acier ULC hypertrempé depuis 600 °C dans lequel il devrait y avoir moins de carbone ségrégé (Tableau V-2), nous estimons que ce résultat valide raisonnablement l’hypothèse d’une ségrégation du carbone aux joints de grains dans un acier ULC brut de recuit continu (refroidissement de l’ordre de quelques dizaines de degrés par seconde après maintien à 680 °C). La distribution d’autres espèces chimiques (Mn, Cr, Si, O, Al, N) ont également pu être extraite de l’analyse en SAT. Nous n’en donnons pas ici le détail mais à l’exception de l’oxygène et dans une moindre mesure du chrome, ces éléments ne se retrouvent pas préférentiellement au voisinage du joint analysé. V.C.6. Précipitation du carbone dans les aciers ULC Pour déterminer la cinétique de précipitation du carbone dans un acier ULC on doit donc s’affranchir de l’étape de ségrégation aux joints et ne considérer que les variations de PTE qui lui succèdent et qui peuvent être attribuables à la précipitation. Avec ces considérations, l’analyse des cinétiques conduit à identifier 2 stades de précipitation dont les conditions d’apparition sont fonctions de la température et du temps de traitement (Figure V-10). D’après ces conditions et ce que l’on sait par ailleurs de la précipitation du carbone dans la ferrite (§ I.C.1.b), le premier stade de précipitation pourrait être attribué à la formation de carbures ε et le second à la formation de cémentite intragranulaire (Fe3C’). Des observations en MET de lames minces ont permis de détecter 2 types de carbures distincts au terme de chacun des 2 stades P1 et P2 (Figure V-11). Le 151 stade P1 correspond à la formation d’un précipité se présentant sous la forme de plaquettes de quelques dizaines de nm de diamètre se développant parallèlement aux plans (100) de la maille cubique centrée de la ferrite. Ces caractéristiques sont bien celles attendues dans le cas du carbure ε [JAC73][ABE84a][BEN85][BOR85][BRA93]. Par contre, on peut noter que la morphologie des précipités que l’on considère comme étant de la cémentite intragranulaire (Figure V-11 (b)) diffère de la morphologie dendritique habituellement rencontrée dans des aciers bas carbone trempés (§ I.C.1.b). L’observation au MET d’une réplique directe de cet acier dans le même état a permis de retrouver le même type de précipité qui à l’analyse ne contient que du fer (le carbone ne peut pas être dosé, la réplique étant faite sur un film de carbone). Des clichés de diffraction n’ont pas permis de calculer les paramètres structuraux des précipités mais nous maintenons l’hypothèse qu’il s’agit de cémentite car ces précipités ne sont pas présents dans l’état brut de recuit. L’hypothèse formulée pour expliquer la différence de morphologie est que la sursaturation plus faible dans l’acier ULC gêne le développement des dendrites. La densité de précipités observée (2-3 dans un grain de 8 µm d’acier ULC) est proche de celle détectée pour les centres de croissance dendritique dans un acier bas carbone mesurés par Brahmi [BRA93]. 0.12 P1 270 °C 170 °C 120 °C 0.10 P2 ∆SP (µV/K) 0.08 0.06 P2 0.04 P1 0.02 ségrégation de C aux joints de grains 0.00 1 10 2 10 3 10 4 5 10 10 temps (s) 6 10 7 10 Figure V-10 : Cinétiques de variation de PTE de l’acier ULC+N hypertrempé et traité en isotherme à 120, 170 et 270 °C. La cinétique à 170 °C fait apparaître 2 paliers (P1 et P2) qui marquent le terme de 2 stades de précipitation. 152 [001] [010] 200 nm (a) 100 nm (b) Figure V-11 : Caractérisation au MET de lames minces de l’acier ULCstd initialement dans l’état {RSS} puis traité en isotherme à 120 °C ou 270 °C : (a) acier ULCstd {RSS} traité 6 jours à 120 °C. Les 2 flèches repèrent des carbures ε dans 2 plans d’habitat de type (001) perpendiculaires. (b) acier ULCstd {RSS} traité 3 jours à 270 °C 153 V.C.7. Ebauche d’un diagramme TTP après remise en solution totale du carbone Les différentes formes de disparition du carbone de la solution solide ayant été séparées dans les cinétiques de PTE, il est maintenant possible d’ébaucher le tracé d’un diagramme TTP des aciers ULC à l'état solution solide. Le diagramme présenté Figure IV-11 correspond à celui de l’acier ULC+N qui présente la teneur en carbone moyenne des aciers ULC étudiés ici. Si l’on compare ce diagramme à celui tracé à partir de cinétiques PTE d’un acier bas carbone hypertrempé, de manière à avoir environ 0,01 % de carbone en solution [BEN85], les courbes de précipitation sont décalées vers les temps longs et le nez d’apparition du carbure ε vers des températures plus basses. Ce résultat est tout à fait compatible avec la sursaturation en carbone plus faible des aciers ULC. Remarque : Le faible niveau de variation de PTE (peu de carbone en sursaturation) et le recouvrement des différents processus (ségrégation aux joints de grains, précipitation du carbure ε et de Fe3C’) ne permet pas de connaître avec précision la cinétique individuelle de chaque phénomène. Le temps à 50% de « transformation » est donc à prendre à titre indicatif. Sur la Figure V-12, la flèche schématise le trajet thermique que subit un acier ULC dans la zone de refroidissement en sortie du four de recuit continu. Il apparaît que lors de ce refroidissement, la précipitation du carbone n’a pas le temps de se manifester. L’acier dans l’état brut de recuit {bRC} ne doit donc pas contenir de carbure ce qui a effectivement été constaté en microscopie électronique à transmission (V.B.2). Par contre, la ségrégation du carbone aux joints de grains devrait avoir le temps de se produire. Effectivement, le spectre de frottement interne, le PTE et les caractéristiques en traction d’un acier ULC brut de recuit continu sont semblables à celles du même acier hypertrempé depuis 600 °C et traité 1 minute à 270 °C, état dans lequel on a vu que les joints de grains étaient saturés en carbone. Il est possible d’estimer l’énergie d’activation apparente du processus de précipitation en admettant que la cinétique de précipitation suit une loi de Johnson-Melh-Avrami (JMA) : ( Y = 1 − exp − (K.t ) n ) avec Y la fraction transformée et K un coefficient défini par une loi d’Arrhenius. ( K = K 0 . exp Ea R.T ) où KO est une constante, Ea l’énergie d’activation apparente du phénomène observé, R la constante des gaz parfaits et T la température absolue. 154 400 350 Fe3C ’ 250 200 150 de C tion grains réga Ség ints de jo aux température (°C) 300 carbures ε 100 50 0 1 10 10 2 10 3 10 4 10 5 10 6 10 7 temps (s) Figure V-12 : Diagramme TTP à 50 % de transformation tirés du suivi de la précipitation dans : …… fer ARMCO trempé avec [C] = 9.10-3 % [BEN85] --- acier ULC+N avec [C] ~ 3.10-3% Les zones grisées indiquent le domaine de développement des carbures dans l’acier ULC. Le domaine hachuré délimite la zone de ségrégation du carbone aux joints de grains. Enfin, la flèche schématise le trajet thermique du refroidissement de la tôle en sortie de recuit continu. A partir d’un temps de réaction fractionnaire donné à différentes températures (par exemple 50% de fraction transformée), on est en principe susceptible d’évaluer Ea pour un processus donné. Dans le domaine de température compris entre 70 et 170 °C correspondant au développement de carbures ε on obtient Ea ~ 70 kJ/mol soit une énergie d’activation voisine de l’énergie d’activation de la diffusion du carbone dans le fer alpha. L’évaluation de Ea relatif au développement de Fe3C’ (T > 170 °C) n’est par contre pas pertinente du fait du manque de données expérimentales et du recouvrement des différents processus (précipitation du carbure ε et ségrégation aux joints simultanées à l’apparition des Fe3C’). 155 V.D. Dosage par PTE du carbone et de l’azote libres dans les aciers ULC V.D.1. Introduction Dans le chapitre IV, nous avons vu qu’il était possible de doser le carbone et l’azote libres par mesure du PTE en appliquant une méthodologie originale décrite dans le paragraphe IV.C.3. Pour le dosage de l’azote, cette méthodologie implique d’être capable de conduire l’acier dans un état pour lequel la quantité de carbone en solution solide est connue, nous l’identifierons par [C]*. Dans un premier temps nous allons préciser à quoi correspond cet état et définir un chemin thermique permettant d'appliquer cette méthodologie aux nuances ULC. V.D.2. Détermination de l’état [C]* V.D.2.a) Rappel Dans ce chapitre (Figure V-4) et le chapitre précédent (Figure IV-17), nous avons vu qu’un traitement isotherme à 270 °C d’un acier ULC trempé conduit cet acier dans un état de précipitation stable, on ne détecte effectivement plus de variation sensible du PTE ni de frottement interne au-delà de 24 heures de traitement. La Figure V-13 confirme cette observation pour 3 aciers ULC de teneurs en carbone total différentes. Ce traitement semble un bon candidat pour conduire l’acier dans un état où la quantité de carbone libre en équilibre serait connue, reste à déterminer cette quantité [C]*. Suivant les références bibliographiques synthétisées dans la Figure I-4, la solubilité du carbone à 270 °C est inférieure à 10 ppm, voire quasiment nulle pour certains auteurs. Nous avons voulu savoir ce qu’il en était en appliquant le dosage PTE. Remarque : La Figure V-13 indique que dans un acier ULC dont la teneur en carbone est de 2,5.10-3 % (ou inférieure), on ne détecte pas de précipitation de carbure à 270 °C mais uniquement la ségrégation aux joints de grains. 156 0,15 -3 24 h ULC+N (C = 3,3.10 %) -3 ULCstd (C = 4,1.10 %) -3 ULCDWI (C = 2,5.10 %) ∆Sp (µV/K) 0,10 0,05 0,00 1 10 2 10 3 10 4 5 10 10 temps (s) 6 10 7 10 Figure V-13 : Variation du PTE au cours d’un traitement isotherme à 270 °C des aciers ULC+N, ULCstd et ULCDWI dans l’état initial {RSS} (30 s à 600 °C puis hypertrempe à l’eau). V.D.2.b) Carbone libre en équilibre à 270 °C, quantité [C]* Les aciers ULC étudiés contiennent tous de l’azote en solution. Nous n’avons pas trouvé les conditions optimales de traitement pour faire précipiter tout l’azote libre sous forme d’AlN sans modifier la quantité de carbone en solution (toujours une légère décarburation ou recarburation suivant le traitement réalisé). Néanmoins, ces légères variations de la quantité de carbone total ne doivent pas modifier considérablement la valeur de la quantité de carbone libre à l’équilibre avec la cémentite formée à 270 °C. Le dosage par PTE d’aciers ULC revenus 24 heures à 270 °C, après que l’azote ait été préalablement éliminé de la solution solide (vérifié par frottement interne), conduit dans tous les cas à un ∆Sa, max ~ 0,055 à 0,065 µV/K qui se traduit par une quantité de carbone libre de 13 ± 2 ppm en masse. Cette valeur est similaire à celle déterminée pour les aciers l-Mn et h-Mn après un traitement de 3 heures à 270 °C (Figure IV-22). Afin de consolider les résultats obtenus et la valeur de [C]*, notamment vis à vis de la présence ou non d’azote libre, nous avons choisi d’étudier plus en détail l’acier LC. Pour cela des échantillons d’acier LC ont été traités 1 heure à 700 °C afin de précipiter tout l’azote libre en AlN. La mesure du frottement interne confirme qu’il n’existe plus d’azote libre ; cet acier est alors nommé LCssN (acier LC sans azote). Remarque : L’intérêt de l’acier LC réside dans sa teneur en carbone élevée (> 0,02 %) conduisant à ce qu’une légère décarburation ou recarburation lors du traitement de précipitation de l’azote, n’affecte pas la quantité de carbone libre susceptible d’être remise en solution avec 157 des traitements inférieurs à 700 °C (la limite de solubilité du carbone à 700 °C est d’environ 0,015 %). Des traitements à 600 et 505 °C suivi d’une hypertrempe permettent d’ajuster la teneur en carbone libre respectivement à environ 0,008 % et 0,003 % (états {600} et {505} de la Figure V-14). 600 °C, 60 s PTE hypertrempe hypertrempe Tamb état 505 °C, 5 mn {600} {505} S{600} S{505} 270 °C, t Tamb état PTE {600} ou {505} {P} S{600} ou S{505} S{P} Figure V-14 : Traitements thermiques permettant d’ajuster la teneur en carbone libre dans l’acier bas carbone LC respectivement à environ 8.10-3 % dans l’état {600} et 3.10-3 % dans l’état {505}. La variation de PTE en fonction du temps de traitement à 270 °C s’écrit : ∆SP= S{P} – S{600}. Les variations de PTE observées au cours d’un revenu isotherme à 270 °C sont présentées Figure V-15. Les évolutions sont attribuées exclusivement à la précipitation du carbone en sursaturation sous la forme de cémentite intragranulaire Fe3C’. Les valeurs de PTE se stabilisent au bout d’environ 3 h pour l’acier initialement dans l’état {600} et 24 h pour l’état {505}. Cela traduit une précipitation plus rapide lorsque la sursaturation initiale en carbone est plus importante. Les cinétiques après hypertrempe depuis 505 °C sont très voisines de celle obtenue pour un acier ULC (Figure V-15) une fois retranché à cette dernière l’effet attribué à la ségrégation initiale du carbone aux joints de grains. Le début de cinétique plus rapide pour l’acier LC peut être attribué à la préexistence de carbures qui réduit voir élimine la durée de l’étape de germination. Les niveaux "absolus" de PTE atteints en fin de précipitation sont indépendants de la sursaturation en carbone (Figure V-16); la différence de niveaux entre les aciers LC et 158 LCssN correspond quant à elle à la disparition de tout l'azote et d'une partie de l'aluminium de la solution solide. 0.25 3 hr 0.20 ∆SP (µV/K) LC {600} LC {505} 0.15 LCssN {600} LCssN {505} ULCstd {600} - 0,04 µV/K (ULC moins ségrégation aux joints) 24 hr 0.10 0.05 0.00 1 10 2 10 3 10 4 5 10 6 10 10 temps (s) Figure V-15 : Variation de PTE des aciers LC et LCssN initialement dans les états {600} et {505} pendant un traitement isotherme à 270 °C. -1.65 départ de N et Al de la solution solide -1.70 -1.75 (µV/K) -1.80 -1.85 S{P} -1.90 -1.95 LC {600} LC {505} LCssN {600} LCssN {505} -2.00 -2.05 -2.10 1 10 10 2 10 3 10 4 10 5 6 10 temps (s) Figure V-16 : Evolution du PTE des aciers LC et LCssN initialement dans les états {505} et {600} pendant un traitement isotherme à 270 °C. Les fléches indiquent la variation de PTE induite par le traitement de précipitation de l’AlN dans l’acier LCssN (l’azote et une fraction de l’aluminium ne sont plus en solution solide dans l’acier). 159 Si on applique le dosage PTE (écrouissage + ½ h à 120 °C) à l’acier LCssN dans cet état stable, on trouve ∆Sa,max = 0,055 µV/K, ce qui se traduit par la présence d’environ 13 ppm de carbone libre, comme trouvé précédemment dans les aciers ULC, h-Mn et l-Mn. Ces résultats nous conduisent à considérer que : 1. La présence ou non d’azote en solution solide ne modifie pas la solubilité du carbone entre 600 et 270 °C, ni la cinétique de précipitation du carbone à cette température (seule la sursaturation initiale en carbone affecte cette cinétique). 2. La sursaturation initiale en carbone (tant qu’elle reste supérieure à 0,0025 %) ne modifie pas la quantité de carbone à l’équilibre dans la matrice à 270 °C. Pour conclure, un traitement isotherme à 270 °C suffisamment long (t > 24 h) conduit des aciers bas carbone et ULC dans un état d’équilibre pour lequel on détermine par dosage PTE une quantité de carbone libre de 13 ± 2 ppm. Cette quantité de carbone sera désignée ultérieurement par carbone résiduel. Ce carbone résiduel n’est a priori pas sensible à la quantité initiale de carbone en sursaturation ni à la présence d’azote en solution solide et est actif vis à vis du vieillissement. Dans la pratique, sur des métallurgies équivalentes (aciers calmés à l’aluminium avec une composition équivalente en éléments substitutionnels, notamment une teneur en manganèse d’environ 0,2 %) et avec des tailles de grains variant de 6 à environ 200 µm (pour un acier ULC), ce résultat a toujours été confirmé. V.D.2.c) Conséquences pour le dosage et l’étude du vieillissement Dans la suite de la thèse, tous les dosages d’interstitiels par PTE seront réalisés en suivant le protocole décrit dans le paragraphe IV.C.3 et en considérant qu’il y a une quantité de carbone résiduel [C]* = 13 ± 2 ppm après un traitement isotherme à 270 °C suffisamment long (24 heures pour des aciers ULC et 3 heures pour des aciers LC hypertrempés depuis des températures supérieures à 600 °C). Il faut toutefois faire 2 remarques à ce niveau : 1. Le niveau seuil de 13 ppm de carbone résiduel ne semble pas évoluer sensiblement en dessous de 270 °C et cela même à 120°C en présence de précipités ε (Figure V-3) 2. Le pic de Snoek du carbone pour des aciers bas carbone et ULC dans l’état d’équilibre à 270 °C est quasiment nul (voir chapitre IV). Le frottement interne ne détecte donc pas le carbone libre en dessous de ce niveau seuil du moins dans les aciers calmés à l’aluminium avec environ 0,2 % de manganèse. 160 Cela peut être fortuit mais si l’on fait le parallèle entre les systèmes Fe-Mn-C et Fe-Mn-N pour expliquer l’existence d’une population de carbone libre invisible au frottement interne (en interaction avec des atomes de Mn), on peut prolonger le raisonnement pour expliquer l’effet seuil sur la quantité de carbone résiduel. En effet, lors de la précipitation du nitrure de fer Fe16N2 à températures modérées [FA54][ENR62a][GLA65], la mesure du frottement interne nous indique que le pic associé aux triplets Mn-N-Mn (§ III.A.3.c.) persiste plus longtemps que les autres. Cela signifie que les atomes d’azote en interaction avec les paires de Mn ont une mobilité diminuée et auront moins tendance à participer à la précipitation ou, dit autrement, que les atomes d’azote restant les derniers en solution auront une plus grande probabilité de se retrouver dans ces sites particuliers. Si l’on étend ce raisonnement au système Fe-Mn-C, on peut effectivement faire l’hypothèse que le niveau seuil de carbone, désigné ici carbone résiduel, et le carbone invisible au frottement interne correspondent à une seule et même population. Cependant, pour valider ou non cette hypothèse, il faudrait étudier plus en détails l’influence de teneurs en manganèse variables sur le carbone résiduel ce qui n’a pas été fait dans le contexte de ce travail. Il faut enfin noter que vis à vis du vieillissement après écrouissage, les résultats de la Figure IV-23 semblent nous indiquer que les atomes de carbone résiduel n’ont pas une cinétique de ségrégation sur les dislocations sensiblement différente de celles des autres atomes. V.D.3. Application au dosage du carbone et de l’azote dans nos nuances d'aciers ULC Nous avons commencé par utiliser le dosage PTE pour doser les quantités totales de carbone et d’azote susceptibles d’être en solution après une trempe depuis 600 °C. Les 3 aciers ULC ont donc été conduits dans les deux états {RSS} et {270} décrits dans la Figure V-17. Après traitement de 24 heures à 270 °C les 13 ppm carbone résiduel entraînent une variation de PTE ∆Sa, max de 0,060 µV/K et cela quel que soit l’acier considéré. Le Tableau V-4 rassemble les mesures de PTE : • PTE de l’acier par rapport au fer pur dans les états {RSS} et {270} • variations de PTE entre ces états • variations de PTE ∆Sa,max après application de la méthode de dosage par PTE (après écrouissage et vieillissement) • et enfin dosages de C et N à partir de ces différentes mesures de PTE. Pour remonter aux quantités de carbone et d’azote libres on suit la démarche suivante: La variation de PTE lors du dosage PTE de l’état {RSS} correspond à la somme des effets de la ségrégation de tout le carbone et de tout l’azote libres dans l’acier; on peut donc écrire: 161 ∆Sa,max {RSS} = [C]libre x PC + [N]libre x PN La variation de PTE lors du dosage PTE de l’état {270} correspond à la somme de l’effet des 13 ppm de carbone résiduel plus celui de tout l’azote libre, par conséquent: ∆Sa,max {270} = 0,060 + [N]libre x PN D'où: [N]libre = ∆S a,max {270} − 0,060 PN Le carbone libre dans l’état RSS s'obtient en sommant le carbone résiduel (13 ppm 0,060 mV/K) au carbone qui précipite au cours du traitement à 270 °C, ou encore à la variation de quantité de carbone qui ségrége sur les dislocations entre l’état {RSS} et {270}, étant donné que l'on a: ∆Sa,max {RSS} - ∆Sa,max {270} = |S{RSS} - S{270}| Par conséquent : [C]libre = 0,060 + ∆S a,max {RSS} − ∆S a,max {270} PC = 0,060 + S{RSS} − S{270} PC 600 °C, 30 s 270°C, 24 hr {bRC} {RSS} {270} Figure V-17 : Traitements thermiques conduisant les aciers ULC dans les états {RSS} et {270}. PTE par rapport au fer pur S{RSS} S{270} en µV/K en µV/K variations de PTE après application de la méthode de dosage par PTE calcul de C et N libres S{270} - S{RSS} ∆Sa, max {RSS} ∆Sa, max {270} [C]libre en µV/K en µV/K en µV/K différence [N]libre (10-3 %) (10-3 %) ULCstd -1.830 -1.710 0.120 0.290 0.170 4.2 4.4 ULCDWI -1.825 -1.790 0.035 0.150 0.120 2.2 2.4 ULC+N -1.710 -1.615 0.095 0.300 0.200 3.6 5.6 Tableau V-4 : Valeurs de PTE décomposition du dosage par PTE du carbone et de l'azote libres des aciers ULC dans l’ état {RSS}. Dans le Tableau V-5, les dosages par PTE sont comparés aux dosages chimiques (méthode LECO) donnant la quantité de carbone et d’azote total. 162 ULCstd ULCDWI ULC+N analyses chimiques [C] total [N] total en ppm en ppm 41 ± 5 50 ± 5 31 ± 5 23 ± 5 33 ± 5 63 ± 5 dosage PTE [C] libre [N] libre en ppm en ppm 42 ± 3 44 ± 6 22 ± 4 24 ± 4 36 ± 3 56 ± 8 Tableau V-5 : Comparaison des dosages chimiques et PTE des 3 aciers ULC (en ppm masse). Le dosage PTE donne la quantité d’interstitiels libres dans l’état {RSS} c’est à dire après hypertrempe depuis 600 °C. Aux incertitudes de mesures près, il y a une bonne concordance entre les deux méthodes de dosage. Le dosage PTE de l’azote libre donne assez systématiquement une teneur inférieure de quelques ppm à celle de l’analyse chimique ce qui est conforme à la présence de nitrures d’aluminium dans l’état recuit. Les incertitudes liés aux 2 méthodes de mesure ne permettent pas de statuer sur la quantité de carbone qui serait encore ségrégée aux joints de grains après hypertrempe depuis 600 °C (de l’ordre du ppm, § V.C.4.b). Ces résultats confirment ici dans des cas concrets la pertinence du dosage PTE vis à vis du dosage chimique. Toutefois l’apport fondamental du PTE est de pouvoir doser les interstitiels libres et susceptibles d’être actifs vis à vis du vieillissement après écrouissage et cela dans un état quelconque de l’acier, information qui n’est pas simplement accessible par le dosage chimique ni a priori par le frottement interne. V.E. Bilan des interstitiels actifs vis à vis du vieillissement dans un acier ULC : Etat de l’acier ULC brut de recuit Nous avons vu dans ce chapitre que le carbone et l’azote dans un acier ULC peuvent se retrouver dans différents états. Suivant leurs situations, ces atomes seront susceptibles ou non de ségréger sur des dislocations. En d’autre terme, ils seront « actifs » (ce sont les atomes libres) ou non vis à vis du vieillissement après écrouissage. Le Tableau V-6 fait la synthèse de ces états et de leur caractère vis à vis du vieillissement après écrouissage et distingue les situations rencontrées dans un acier ULC brut de recuit continu. Les résultats remarquables de ce chapitre et du précédent concernent le carbone : 1. De 10 à 15 ppm de carbone ne sont pas détectés par frottement interne mais le sont par PTE. Nous formulons l’hypothèse que ces atomes sont en interaction avec des défauts de la matrice et ne participent pas à la relaxation de Snoek. Par élimination, nous 163 proposons que les défauts incriminés sont des atomes en substitution dans la maille du fer alpha (atomes de Mn en particulier). 2. Environ 10 ppm de carbone sont susceptibles de ségréger aux joints de grains (avec une taille de grains d’environ 8 µm), en particulier durant un refroidissement du type de celui suivant un recuit continu. Nous montrons que cette ségrégation est diffuse et correspond à un enrichissement en carbone au voisinage du joint (environ 4 nm de part et d'autre du plan du joint). La concentration maximale en carbone dans cette zone est d’environ 3 % atomique. 3. La ségrégation du carbone aux joints de grains semble responsable de l’apparition du palier de traction dans un acier ULC recristallisé. La précipitation ultérieure de carbures conduit simplement à un adoucissement de la matrice par appauvrissement de cette dernière en soluté, sans qu'il y ait d'incidence sur le palier de traction. 4. Une quantité de 13 ± 2 ppm de carbone reste en solution solide (carbone résiduel correspondant peut-être au carbone invisible en frottement interne) et cela quel que soit le traitement de précipitation dans les aciers calmés Al avec 0,2 % de manganèse ce qui entraîne pour ces nuances la capacité de vieillir après écrouissage (ou de présenter un phénomène de Bake Hardening). 5. Vues les cinétiques de précipitation du carbone, aucun carbures de fer n’est attendu dans un acier ULC brut de recuit continu. 164 Tableau V-6 : Bilan des états dans lesquels on peut retrouver le carbone et l’azote dans un acier ULC. La première ligne donne leur caractère « actif » vis à vis du vieillissement après écrouissage. Les deux dernières lignes donnent l’occurrence et les quantités approximatives engagées dans les différents états du carbone et de l’azote dans un acier ULC brut de recuit. 165 166 VI. Vieillissement après écrouissage d’aciers ULC VI.A. Introduction Les études sur le vieillissement après écrouissage (strain ageing) d’aciers bas carbone et ULC s'appuient généralement sur le suivi de l’évolution des propriétés mécaniques de l’acier au cours du vieillissement (mesure du Bake Hardening ou de l’Ageing Index par exemple). Si cette approche est suffisante pour estimer l’influence des paramètres process (cycle de recuit, skin pass …) et de certaines caractéristiques microstructurales (taille de grains, composition chimique …) sur le vieillissement, elle ne permet pas d’accéder directement au phénomène fondamental de ce dernier : la ségrégation des atomes interstitiels sur les dislocations. La quantité d’interstitiels « actifs » est généralement estimée avant déformation (frottement interne, analyse chimique) et la fraction d’interstitiels qui participent effectivement au vieillissement n’est pas connue. Cette lacune conduit à différentes interprétations sur les mécanismes du vieillissement (ségrégation, formation d’amas, précipitation) et la pondération de l’effet d’une quantité donnée d’interstitiels sur le vieillissement est variable suivant les auteurs. Dans les chapitres IV et V, nous avons vu que la mesure du Pouvoir ThermoElectrique donnait non seulement accès à la cinétique de ségrégation des interstitiels sur les dislocations, mais permettait également de connaître la quantité de carbone et d’azote qui ségrègent à chaque instant sur celles-ci. Dans ce chapitre, nous explorerons donc les potentialités de cette technique pour l’étude du vieillissement après écrouissage et tenterons de quantifier l’effet des atomes interstitiels sur l’ancrage des dislocations. Afin de se rattacher aux données habituellement rencontrées, ce vieillissement sera également caractérisé par le suivi des caractéristiques mécaniques. Les aciers étudiés étant destinés à la fabrication d’emballage (boites alimentaires, boites boissons) l'augmentation de leurs performances à l’usage (tenue à la pression interne, aux chocs …), donc de leur résistance mécanique, est généralement obtenue par laminage à froid en simple ou double réduction (taux d’allongement compris entre 2 et 40 %) après 167 recuit. Noter que l'on distingue ce laminage de l'opération de skinpass sur tôles automobiles qui n’a pour objectif que d’effacer le palier de traction conduisant à l’apparition de défauts d'aspect lors de l’emboutissage de pièces de carrosserie. Enfin, les aciers pour emballage devant être recouverts d'un vernis, (couche de protection contre la corrosion due au contenu), lors du traitement de recuit de ces vernis un vieillissement après écrouissage du type "Bake Hardening" permet une augmentation supplémentaire des caractéristiques mécaniques de l’acier et donc des performances de l’emballage. Vue les fort taux de laminage pratiqués ces aciers sont souvent caractérisés par leur résistance à la rupture et non par leur limite d’élasticité (les allongements à la rupture sont très faibles et ces deux grandeurs sont pratiquement confondues), contrairement aux aciers à Bake Hardening utilisés pour les tôles automobiles. C’est une des raisons pour laquelle dans ce chapitre, pour caractériser l'évolution du comportement mécanique, nous avons principalement utilisé la mesure de dureté Vickers qui peut être corrélée à la résistance à rupture comme nous le confirmerons plus loin. De plus, des travaux concernant l’étude d’emballages en acier (résistance à la pression interne) montrent que l’on peut corréler la dureté à des propriétés d'usage comme la résistance à la pression interne [BRA96][TSU96]. VI.B. Cinétiques de ségrégation des interstitiels libres sur les dislocations VI.B.1. Introduction Il s’agit ici d’isoler et de pondérer les paramètres susceptibles d’influencer la cinétique de vieillissement, à savoir la quantité d’interstitiels, leur nature (carbone ou azote) et le taux de déformation (qui sera ici souvent donné par le taux d’allongement ∆L/L0). VI.B.2. Effet de la quantité initiale d’interstitiels libres Dans la Figure IV-23 du chapitre IV, il a été montré que la cinétique de ségrégation du carbone pendant un vieillissement à l’ambiante n’est pas modifiée significativement par la quantité de carbone libre initiale. Ce résultat a été retrouvé sur différentes nuances d'aciers (aciers ULC et h-Mn) et pour des températures de vieillissement variant de 20 à 120 °C. Il semble donc que la quantité initiale d’interstitiels libres n’ait pas d’impact sur la cinétique de ségrégation toutes choses étant égales par ailleurs (composition chimique, écrouissage, température). 168 VI.B.3. Cinétiques de vieillissement du carbone et de l’azote Il existe peu de travaux publiés où sont étudiés les vieillissements en présence d’azote seul en solution ou avec présence simultanée de carbone et d’azote. Cependant on admet généralement que la cinétique de vieillissement due à l’azote est plus rapide que celle due au carbone et cela en s’appuyant sur le fait que l’énergie d’activation de la diffusion de l’azote est légèrement plus faible que celle du carbone. Dans un premier temps il est intéressant de voir ce que prévoit un modèle théorique s'appuyant sur l'expression de Harper décrivant les cinétiques de vieillissement et avec les coefficients de diffusion du carbone et de l’azote (voir chapitre II et annexe 4). Les cinétiques sont calculées dans une gamme de température comprise entre 20 et 170 °C (Figure VI-1). fraction ségrégée q 1.0 0.8 170 °C 70 °C 120 °C 20 °C 0.6 0.4 0.2 0.0 0 10 carbone azote 1 10 2 10 3 4 10 10 temps (s) 5 10 6 10 Figure VI-1 : Cinétiques théoriques de vieillissement après écrouissage calculées à partir de l’expression de Harper (annexe 4) et pour une densité de dislocations de 3.1011 cm-2 (pour 0,2 < εeq < 1 voir Figure VI-5). Les calculs conduisent à des cinétiques de vieillissement distinctes de l’azote et du carbone mais cette distinction tend à s’estomper lorsque la température augmente. Ce calcul montre que lorsque du carbone et de l’azote sont présents simultanément en solution. Leurs cinétiques respectives de ségrégation sur les dislocations doivent pouvoir être considérées comme indiscernables dés que T ≥ 70 °C. Les résultats expérimentaux de la Figure VI-2 confirment cette prévision théorique. Ils présentent les cinétiques de ségrégation dans un acier ULC réalisées dans deux états distincts pour lesquels les rapports carbone sur azote libres sont différents, toutes choses étant égales par ailleurs (taille de grain, texture, composition chimique, taux de déformation). 169 Il s’agit de l’acier ULCstd initialement dans l’état {RSS} (trempé depuis 600 °C) et dans l’état {R} après avoir été traité 24 heures à 270 °C . On a vu dans le chapitre précédent que ce traitement a pour effet de précipiter une fraction du carbone libre après trempe (jusqu’à la teneur [C]* = 13 ppm) sans affecter la quantité d’azote libre (voir Figure IV-12). Les états {RSS} et {R} ont alors des rapports en carbone et azote libres respectifs de 0,95 et 0,30 en fraction massique (1,1 et 0,34 en fraction atomique). Ces deux modalités ont ensuite été déformées par laminage jusqu’à un taux de réduction d’environ 60 % (∆L/L0 ~ 150 %) conduisant à ∆Sε ~ - 0,4 µV/K. On suit alors la variation du PTE des échantillons, ∆Sa, au cours du temps pendant un traitement de vieillissement à 70°C. Une fois normées ces deux cinétiques sont confondues. Ce résultat correspond bien à ce que prévoient les cinétiques de ségrégation calculées à partir de l’équation de Cottrell-Harper et présentées dans la Figure VI-3. Dans les conditions habituelles de vieillissement après écrouissage (> 70 °C), on ne peut donc pas distinguer de différence significative entre les vitesses de ségrégation des atomes de carbone et d’azote sur les dislocations dans nos aciers. Ce résultat conduit à ne pas se préoccuper d'une ségrégation préférentielle de l’un ou de l’autre élément sur les dislocations. Cela entraîne également qu’à partir de la variation de PTE ∆Sa mesurée après une température et un temps de vieillissement donnés, on est capable d'estimer la fraction d’interstitiels libres ayant ségrégé sur les dislocations indépendamment de leur nature. Pour ce faire, on calculera un coefficient d’influence moyen, Pmoy, correspondant à la moyenne des coefficients PC et PN, pondérée des fractions massiques [C] et de [N] initialement en solution solide : Pmoy = [C].PC + [N].PN [C] + [N] (VI-1) On a alors [C + N] ségrégé = ∆S a Pmoy (VI-2) Ce coefficient Pmoy sera utilisé dans la suite de ce chapitre dans l’étude quantitative du vieillissement après écrouissage. 170 état {RSS} [C]/[N] = 1,05 état {R} [C]/[N] = 0.35 1.2 0.3 cinétiques normées ∆Sa (µV/K) 1.0 0.2 0.1 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 1 10 10 2 3 4 10 10 temps (s) 10 5 10 6 0.0 1 10 10 (a) 2 3 10 10 temps (s) 4 10 5 10 6 (b) évolution normée et théorique du PTE Figure VI-2 : Cinétiques du vieillissement à 70 °C de l’acier ULCstd dans l’état {RSS} et {R} après réduction de 60 % par laminage (∆L/L0 = 150 %, ∆Sε ~ - 0,4 µV/K). (a) cinétiques vraies (b) cinétiques normées à 1 pour t = 86400 s = 24 h 1.0 0.8 0.6 composition chimique carbone seul [C]/[N] = 3 [C]/[N] = 1 [C]/[N] = 0.3 azote seul 0.4 0.2 0.0 1 10 2 10 10 3 4 10 temps (s) 5 10 6 10 Figure VI-3 : Cinétiques théoriques du PTE calculées à partir de l’expression Q(C/N, t) de l’annexe 4 avec les paramètres donnés sur la figure, une densité de dislocations de 3.1011 cm-2 et à une température de 70 °C. 171 VI.B.4. Effet du taux de déformation sur la cinétique de ségrégation des interstitiels La densité de dislocations ainsi que leur arrangement (homogène ou en cellule) influent sur la distance de diffusion que doivent parcourir les atomes interstitiels pour venir ségréger sur les dislocations. En conséquence, la cinétique de ségrégation des interstitiels doit être modifiée par la densité de dislocations introduites par écrouissage. Dans l’expression théorique de Harper (voir chapitre II) qui décrit la cinétique de ségrégation des interstitiels, la densité de dislocation (Λ) apparaît et c’est pour cette raison que les cinétiques expérimentales de vieillissement ont souvent été utilisées pour évaluer Λ [LEN65][WIL60] En effet de l’expression (II-4) on tire que : 1/ 3 ⎛π⎞ ln(1 − q) = −2.Λ.⎜ ⎟ ⎝2⎠ ⎛ A.D ⎞ .⎜ ⎟ ⎝ k.T ⎠ 2/3 .t 2 / 3 (VI-3) et donc la pente de la droite ln(1-q) = f(t2/3) est proportionnelle à Λ (Figure VI-4). En pratique cette relation linéaire est valable pour q < 0,5/0,6 (c’est à dire ln(1-q) > - 0,7). 0.0 acier ULCstd {600} εeq = 0,18 εeq = 0,80 ∆L/L0 = 17 % ∆L/L0 = 88 % ln(1-q) -0.2 -0.4 -0.6 -0.8 0 20 40 60 2/3 t 80 100 2/3 (s ) Figure VI-4 : ln(1-q) en fonction de t2/3 pour le vieillissement à 70°C de l’acier ULCstd dans l’état {600} (trempé depuis 600 °C) et pour 2 taux l’allongement, 17 % et 88 %. Nous avons évalué Λ par cette méthode pour 3 aciers ULC. Les résultats sont présentés Figure VI-5. En abscisse la déformation est représentée en déformation équivalente définie à partir du critère de Von Mises et qui s’écrit dans le cas d’une déformation par laminage : ε eq = ⎛ ∆L ⎞ ⎟ . ln⎜⎜1 + 3 ⎝ L 0 ⎟⎠ 2 172 La densité de dislocations Λ est de l’ordre de quelques 1011 cm/cm3 ce qui est conforme aux données de la littérature qui s’appuient sur cette méthodologie [HAR51] [THO55][WIL60b], mais elle est 1 voir 2 ordre(s) de grandeur supérieure aux densités de dislocations déterminées par méthodes directes (MET) dans le fer pur [KEH61][KEH65][LAN92b]. Cette différence pourrait s'expliquer par la présence d’éléments 3 densité de dislocations (cm/cm ) ? 11 4x10 11 3x10 11 2x10 ULCbRC {bRC} ULCstd {600} ULC++N {270} Ta = 120 °C Ta = 70 °C Ta = 70°C 11 1x10 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6 1.8 εeq Figure VI-5 : Densité de dislocations Λ en fonction de la déformation équivalente due au laminage à froid. Λ est calculée à partir des cinétiques de ségrégation des interstitiels sur les dislocations (à la température de vieillissement Ta) et de l’expression (VI-3). Les aciers étudiés sont : ULCbRC {bRC} avec [C]libre = 2.10-3%, [N]libre = 4.10-3% -3 -3 ULCstd {600} avec [C]libre = 4,2.10 %, [N]libre = 4,4.10 % -3 -3 ULC++N {270} avec [C]libre = 1,3.10 %, [N]libre = 8.10 % en substitution dans le réseau du fer et par une taille de grain beaucoup plus petite (de l’ordre de 10 µm pour les aciers ULC, contre >100 µm pour le fer pur), facteurs qui augmentent l’écrouissage de l’acier (modification des cinétiques de création et d’annihilation de dislocations). D’ailleurs, pour un taux de déformation donné, la densité de dislocations augmente avec la quantité d’interstitiels libres ce qui est conforme aux résultats de la littérature qui la détermine par cette méthode [THO55][WIL60b]. La densité de dislocations ne varie que d’un facteur 4 sur tout le domaine exploré. Dès que εeq ~ 0,2 l’augmentation de la densité de dislocations tend à se stabiliser. En relatif, ce résultat est conforme à ce qui est observé par mesure directe (cas des dislocations libres pour Lan et al. [LAN92b], Figure I-10). 173 Enfin bien que Λ augmente avec l’écrouissage, il faut noter que les cinétiques de ségrégation ne sont globalement pas très différentes (si ce n’est par l’amplitude comme cela apparaît Figure VI-6) et on peut aisément faire l’approximation qu’elles sont identiques. 9 ∆Sa (µV/K) ULCstd {600} vieilli à 70 °C ∆L/L0 ~ 17 %, ∆Hε = 41 ∆L/L0 ~ 88 %, ∆Hε = 88 0.2 6 0.1 3 0.0 1 10 [C + N]ségrégé x1000 (%) 0.3 0 2 3 10 4 10 5 10 10 temps (s) Figure VI-6 : Suivi en PTE du vieillissement à 70 °C de l’acier ULCstd {600} prédéformé par laminage à 2 taux d’allongement. ∆Hvε désigne la variation de dureté due à l’écrouissage. Sur l’ordonnée de droite, les variations de PTE sont converties en quantité d’interstitiels ségrégés. 250 10 sec 200 200 °C 20 min (vernis) 170 °C 20 min (BH) T (°C) 150 10 0% 100 135 °C 35 mn (appertisation) 30 min 100 °C 4 hr (AI) 50 % 1 jour 50 3 mois 1 10 2 10 3 10 4 10 5 10 6 10 7 10 temps (s) Figure VI-7 : Diagramme des équivalences temps-température sur le critère de 100 et 50 % de ségrégation des interstitiels et positions de quelques traitements de simulation du vieillissement (BH : Bake Hardening, AI : Aging Index) Par voie de conséquence, indépendamment du taux d'écrouissage, pour un temps et une température de vieillissement donnés, on est capable de remonter à l’état d’avancement du processus de ségrégation par le seul jeu de l’équivalence temps-température du phénomène de ségrégation. Pour cela il faut disposer d’une cinétique expérimentale de référence et 174 calculer comme l’a fait Hundy [HUN54] des équivalences temps-température à partir de l’expression théorique du vieillissement et des données thermodynamiques de la diffusion des interstitiels dans le fer. Un tel calcul est détaillé en annexe 4. Ainsi, en prenant comme référence une des cinétiques expérimentales à T = 70 °C qui donne q = 0,5 pour t = 1000 s et q = 1 pour t = 100000 s, les équivalences tempstempérature peuvent être présentées sous la forme de courbes « iso-vieillissement » (Figure VI-7). Cette présentation met en évidence que pour des applications "emballage", l’acier subit différents traitements thermiques (fusion de l’étain: quelques secondes à 230 °C, recuits des vernis: 20 mn à 200 °C, appertisation: 15 mn à 135 °C) qui le conduiront toujours dans des états complètement vieillis du strict point de vue de la ségrégation des interstitiels. Cette remarque est importante puisque dans la suite de l’étude, on ne s’intéressera qu’à cet état. VI.C. Quantité d’interstitiels ségrégés Notre but est ici l'évaluation de la quantité totale d’interstitiels ségrégés autour des dislocations au terme du vieillissement. Dans un premier temps nous pratiquerons de manière conventionnelle puis verrons qu’encore une fois, la mesure du PTE est susceptible de conduire à une révision des idées admises sur le sujet. VI.C.1. Densité des atmosphères de Cottrell Partant des densités de dislocations calculées dans la partie VI.B.4 on cherche maintenant à évaluer le nombre de plans atomiques traversés par ces dislocations dans lesquels sont susceptibles de se trouver des interstitiels. En considérant que ces plans sont de type {222} avec une distance inter réticulaire de 0,083 nm et à partir de la variation ∆Sa, max avec un coefficient d’influence moyen Pm (voir VI.B.3), on peut remonter à la quantité d’interstitiels ayant ségrégé ainsi qu'à la densité d'atomes par plan ce qui correspond à une estimation de la densité des atmosphères de Cottrell. Les résultats obtenus sont rassemblés dans le tableau VI-1. 175 ULCbRC ∆L/L0 (%) εeq Λ x10 3 (cm/cm ) [C + N].1000 ségrégé en % massique densité d'atome par plan 7 0.08 1.3 4.1 0.9 26 0.27 2.3 4.6 0.6 43 0.42 2.5 4.9 0.5 169 1.14 3.0 5.2 0.5 258 1.47 3.3 5.2 0.4 17 0.18 2.3 5.9 0.7 88 0.73 3.6 8.1 0.6 19 0.20 3.1 6.3 0.6 85 0.71 4.4 9.6 0.6 -11 ULCstd ULC++N Tableau VI-1 : Tableau récapitulatif pour le calcul de la densité d’atomes interstitiels par plan atomique traversé par les dislocations. Les densités calculées sont de l’ordre de 0,5 à 1 atome par plan, ordre de grandeur correspondant à celui prévu par Cottrell et à ceux calculés par différents auteurs pratiquant une analyse similaire [COT49][WIL60b]. On peut souligner que la densité d’atome par plan est constante et cela pour des compositions chimiques et des taux d’écrouissage variables. Ces résultats conduisent à penser que la ségrégation des interstitiels arrivent à son terme lorsque les atmosphères de Cottrell sont saturées avec environ 1 atome par plan {222} traversé par les dislocations. Si cette idée de la saturation des atmosphères semble pouvoir justifier les résultats des calculs faits ici, elle est sérieusement remis en cause dans le paragraphe suivant. VI.C.2. Détermination directe par PTE des quantités de C et N ségrégés Nous avons préparé 7 modalités d’aciers ULC qui se différencient essentiellement par leurs teneurs en carbone et azote libres (Tableau VI-2). Des échantillons de chacune de ces modalités sont laminés à froid (état {ε}) puis complètement vieilli par un traitement de 30 mn à 120 °C (état {a,max}). On détermine alors la quantité d’interstitiels ayant ségrégé au cours du vieillissement, [C+N]ségrégé, à partir de la variation de PTE ∆Sa,max et du coefficient d’influence moyen Pmoy.(Figure VI-8). 176 -3 Pmoy interstitiels libres en 10 % en masse acier ULCDWI ULCstd ULC+N ULC++N -3 état [C]libre [N]libre [C+N]libre µV/(K.10 %) {600} 2.2 2.4 4.6 0.034 {270} 1.3 2.4 3.7 0.031 {600} 4.2 4.4 8.6 0.034 {270} 1.3 4.4 5.7 0.029 {600} 3.6 5.6 9.2 0.032 {270} 1.3 5.6 6.9 0.028 {270} 1.3 8.0 9.3 0.028 Tableau VI-2 : Teneurs en interstitiels libres et coefficients Pmoy (calculé à partir de (VI-1) et (VI-2)). {600} : état 600 °C 30 s + hypertrempe {270} : état {600} + 270 °C 24 h + hypertrempe vieillissement total (120 °C, 30 min) Écrouissage variable (laminage à froid => ∆L/L0) état PTE dureté {X} ∆S{X} Hv{X} {ε} ∆S{ε} Hv{ε} écrouissage ∆Sε = ∆S{ε} - ∆S{X} vieillissement ∆Sa,max = ∆S{a,max} - ∆S{ε} {a, max} ∆S{a, max} Hv{a, max} ∆Hvε = ∆Hv{ε} - ∆Hv{X} ∆Hva,max = ∆Hv{a,max} - ∆Hv{ε} = ∆Hv [C+N]ségrégé = ∆Sa,max / Pmoy Figure VI-8 : Schéma du traitement thermomécanique et des différents états obtenus. Définitions et calculs des paramètres mesurés. Les résultats (Figure VI-9) nous indiquent que pour un écrouissage donné, la quantité maximale d’interstitiels qui peut ségréger est intimement liée à la quantité initiale des interstitiels libres et non pas seulement à la densité de dislocations (dont on peut avoir une indication à partir de la consolidation ∆Hvε). On aurait pu s'attendre à ce que [C+N]ségrégé soit constant pour un écrouissage donné, et cela quel que soit l’acier, alors que les résultats montrent que c’est plutôt une fraction donnée d'interstitiels libres qui ségrège pour un taux d’écrouissage donné (Figure VI-9 c et d). 177 (a) (b) 10 8 8 6 6 4 4 2 2 -3 [C + N]ségrégé (10 %) 10 0 0 30 45 60 75 ∆L/L0 (%) (c) 1.0 [C + N]ségrégé / [C + N ]libre 15 90 0 1.0 0.8 0.8 0.6 0.6 0.4 -3 [C + N]libre (10 %) ULCDWI {270} ULCDWI {600} ULCstd {270} ULC+N {270} ULCstd {600} ULC+N {600} ULC++N {270} 0.2 0.0 0 0 15 30 45 3,7 4,6 5,7 6,9 8,6 9,2 9,3 60 ∆L/L0 (%) 20 40 60 80 100 20 40 60 80 100 ∆Hvε (d) 0.4 0.2 75 0.0 90 0 ∆Hvε Figure VI-9 :Synthèse des résultats des mesures de quantité d’interstitiels ségrégés pour différents taux d’écrouissage (déformation par laminage) (a) ou (b) : quantité d’interstitiels ségrégés en fonction du taux d’allongement et de la variation de dureté liée à l’écrouissage ∆Hvε. (c) ou (d) : fraction de la quantité d’interstitiels libres qui a ségrégé pour un taux d’allongement et une variation de dureté ∆Hvε donnée. C’est à notre connaissance la première fois que ce fait est clairement mis en évidence expérimentalement. Par conséquent au terme du vieillissement, à l’image de la saturation des sites autour des dislocations, on doit préférer l’instauration d’un équilibre thermodynamique entre les atomes interstitiels en position normale (libre dans la matrice) et ceux piégés autour des dislocations. Dans le paragraphe suivant, on montre que cette description permet effectivement de décrire le comportement observé. La description usuelle du vieillissement après écrouissage (§ II.C) semble donc sérieusement 178 remis en cause et ne peut plus être utilisée pour rendre compte de l’évolution des propriétés mécaniques au cours du vieillissement. Dans la suite du rapport de thèse, nous verrons ce que nous apporte la mesure par PTE de la quantité d’interstitiels effectivement ségrégée sur la description et la pondération des paramètres qui influencent le vieillissement de nos aciers. VI.C.3. Modèle énergétique Nous allons décrire quelle pourrait être la situation énergétique des interstitiels vis à vis des positions qu’ils peuvent occuper dans la matrice. Tout d’abord, nous considérons 2 types de sites. Les sites « normaux » qui sont les sites octaédriques de la maille cubique centrée, nous les appelleront sites o, et les sites autours des dislocations, les sites d. La quantité de sites d est proportionnelle à la densité de dislocations. Si l’on considère qu’il existe 1 site par plan atomique que traverse une dislocation, le nombre de sites d, hd, peut s’écrire : hd = Λ MFe . dhkl dFe (mol-1) où Λ est la densité de dislocations, dhkl la distance inter réticulaire des plans traversés par les dislocations (ici plans {222}), MFe la masse atomique du fer, dFe la densité du fer. La densité de site o, ho, en considérant une matrice parfaite est égale à 3.N, ou N est le nombre d’Avogadro (on néglige ici les sites d). L’équilibre thermodynamique des interstitiels dans une matrice contenant des sites de différents niveaux énergétiques peut se décrire par une statistique de Maxwell-Boltzmann et s’écrire : ⎛ E ⎞ h i . exp⎜ − i ⎟ ⎝ k.T ⎠ ni = n T . ⎛ Ej ⎞ ∑j h j . exp⎜⎜ − k.T ⎟⎟ ⎝ ⎠ (VI-4) où nT est le nombre total d’atomes interstitiels, ni est le nombre d’interstitiels dans un site i, hi est la quantité (ou densité) de site i et Ei est l’énergie des atomes dans le site i. A partir de l’expression ci-dessus et en considérant que les positions possibles pour un interstitiel sont les sites octaédriques normaux, les sites o, ou les sites autour des dislocations, les sites d, on peut écrire : nd hd ⎛ E − Ed ⎞ = . exp⎜ o ⎟ no ho ⎝ k.T ⎠ (VI-5) où (Eo – Ed) serait l’énergie d’interaction entre un atome interstitiel et une dislocation (gain énergétique lié au passage d’un interstitiel d’un site o à un site d. Le nombre de sites o est de plusieurs ordres de grandeur supérieur au nombre de sites d, on le considère comme 179 constant. De ce fait et d’après l’expression (IV-5), on peut exprimer la fraction d’atome interstitiels ayant ségrégé par : hd ⎛ E − Ed ⎞ . exp⎜ o ⎟ k.T ⎠ ho nd ⎝ = h nT ⎛ E − Ed ⎞ 1 + d . exp⎜ o ⎟ ho ⎝ k.T ⎠ où (VI-6) nd correspond à la fraction d’interstitiels ségrégés pouvant aussi s'exprimer à partir nT des données expérimentales par [C+N]ségrégé/[C+N]libre (voir Figure VI-9) et hd est le ho rapport entre la densité de sites autour des dislocations et la densité de sites octaédriques normaux. Les variations de nd en fonction de la fraction de sites hd (qui correspondrait à une nT densité de dislocations conforme aux fortes déformations appliquées ici) sont illustrées sur la Figure VI-10. On voit nettement que pour des énergies d’interaction avec les dislocations supérieures ou égales à 0,5 eV (ce qui est admis généralement) et à une température de 120 °C, tous les interstitiels susceptibles d’être piégés le seront. Dans ce cas, le terme de la ségrégation correspondra à la saturation des sites d où à l’appauvrissement total de la solution solide en interstitiels libres. Or expérimentalement on observe que la fraction d’atomes ségrégés est fonction de la densité de dislocations et que cette dernière peut être suffisante pour que tous les interstitiels ségrègent. Cela correspond donc plutôt aux situations où Eo – Ed = 0,3/0,4 eV, 180 -2 Λ/2 (cm ) 10 10 11 12 10 10 13 10 nd/nT ( # [C+N]ségrégé/ [C+N]libre ) 1.0 0.8 0.6 Eo - Ed (eV) 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 T = 120 °C 0.4 0.2 0.0 -5 10 -4 10 -3 hd/ho 10 -2 10 Figure VI-10 : Répartition des interstitiels, à l’équilibre thermodynamique à T = 120 °C, entre les sites autour des dislocations (sites d) et les sites octaédriques (sites o), en fonction de la fraction molaire de sites d et pour différentes énergies d’interaction. En fait, on sait que la matrice de fer contient d’autres défauts que les dislocations avec lesquels les atomes interstitiels sont susceptibles d’interagir. C’est le cas par exemple des atomes substitutionnels autour desquels le niveau énergétique des sites octaédriques peut être modifié. On sait par exemple que les atomes d’azote se retrouvent préférentiellement à proximité d’atomes ou de paires d’atomes de Mn (pics « extraordinaires » en frottement interne) et qu’a priori il en est de même pour le carbone (formation de dipôles Mn-C, effet sur le frottement interne …). D’autres éléments de la matrice sont également connus pour interagir avec les interstitiels (P [SAI93][USH93], Cr [ABE86][KLE76], Al [JAN66a,b]….). D’après les différentes sources bibliographiques, ces énergies d’interaction sont comprises entre 0,15 et 0,3 eV. La présence de ces défauts doit modifier la distribution des atomes interstitiels en présence de dislocations. Si on considère maintenant une matrice contenant 0,2 % atomique de manganèse en solution on est en présence d'un système dans lequel on trouve cette fois 3 types de sites pour les interstitiels. Les sites o et d vus plus haut, ainsi que des sites M en position de premiers voisins autours des atomes de manganèse. Le niveau énergétique des sites M se situe entre celui des sites o et d. L’expression (VI-4) peut alors s’écrire : nd = nT 1 h ⎛ E − EM ⎞ ⎛ E − E o ⎞ hM 1 + o . exp⎜ d . exp⎜ d ⎟ ⎟+ hd ⎝ k.T ⎠ ⎝ k.T ⎠ h d avec hT = 3.N = ho + hd + hM (VI-7) 181 En considérant que les atomes de manganèse sont répartis de manière aléatoire dans la matrice et qu’ils se retrouvent uniquement sous la forme d’atomes isolés (on néglige l’existence de paires d’atomes), on a hM = 6.[Mn]. -2 Λ/2 (cm ) 10 10 11 12 10 10 10 13 nd / nT (# [C+N]ségrégé / [C+N]libre) 1.0 0.8 0.6 Eo - EM (eV) 0,15 0,2 0,25 0,3 T = 120 °C 0,35 Eo - Ed = 0,5 eV 0.4 0.2 0.0 -5 10 10 -4 -3 10 -2 10 hd / hT Figure VI-11 : Fraction d’interstitiels ségrégés à l’équilibre thermodynamique (T = 120 °C) en fonction de la densité de dislocations et pour différents niveaux énergétiques des sites proches des substitutionnels avec [M] = 0,2 % (Eo – Ed = 0,5 eV). La fraction d’interstitiels ségrégés autours des dislocations en fonction de la densité de dislocations est donnée sur la Figure VI-11. Elle varie dans la gamme observée expérimentalement dès que les sites M présentent un gain énergétique compris entre 0,25 et 0,35 eV, en accord avec la gamme des énergies d’interaction calculées dans la littérature (Pour [Mn] = 0,2 %, Abe trouve une énergie de 0,27 eV pour énergie de formation des dipôles Mn-C [ABE86]). La répartitions des interstitiels est également sensible à la température or les résultats expérimentaux de la Figure IV-11 montrent que dans un acier ULC fortement déformé (50 % de réduction par laminage) la quantité d’interstitiels qui ségrègent (proportionnelle à la variation de PTE pendant le vieillissement) est sensiblement égale dans un domaine de température compris entre 20 et 120 °C. La Figure VI-12 nous indique que lorsque la densité de dislocations est importante (Λ > 1011 cm-2), la fraction ségrégée, calculée à partir de l’expression (VI-7), n’est pas très sensible à la température jusqu’à 120 °C. 182 nd / nT (# [C+N]ségrégé / [C+N]libre) 1.0 0.8 cm -2 11 cm -2 10 cm -2 Λ = 10 Λ = 10 0.4 0.2 12 Λ = 10 0.6 Eo - Ed = 0,5 eV Eo - EM = 0,27 eV 0.0 20 70 120 170 220 270 température (°C) Figure VI-12 : Fraction d’interstitiels ségrégés à l’équilibre thermodynamique en fonction de la température et pour différentes densités de dislocations en présence de 0,2 % de manganèse. L’énergie d’interaction des interstitiels avec les dislocations est de 0,5 eV et avec le manganèse de 0,27 eV. D’après ces calculs, la répartition des atomes interstitiels entre la matrice et les dislocations est donc très sensible à la présence d’atomes en substitution dans la matrice. La distribution en énergie des sites possibles pour les atomes interstitiels n’est certainement pas aussi simple dans la réalité. Premièrement la population d'interstitiels est composée d’atomes de carbone et d’azote qui ont vraisemblablement des affinités spécifiques avec les atomes en substitution, et deuxièmement, plutôt que des niveaux énergétiques discrets pour les interstitiels, il faut imaginer des distributions en énergie qu’il est très difficile de modéliser dans l’état actuel des connaissances. Toutefois, retenons que les observations expérimentales qui donnent la fraction ségrégée pour un écrouissage donné (Figure VI-9) semble indiquer que les atomes interstitiels ne sont pas répartis simplement entre des sites octaédriques de la maille de fer et des sites autours des dislocations mais qu’ils doivent être également se trouver dans des positions énergétiquement favorables dans la matrice tout en pouvant être considérés comme libre puisque susceptibles de participer au vieillissement après écrouissage. Ces considérations sont complètement compatibles avec ce qui a été montré au chapitre IV sur les spectre de frottement interne (spectre complexe de l’azote libre lié à la présence de manganèse et atomes de carbone libre, invisibles au frottement interne). VI.C.4. Conclusion Les résultats de la Figure VI-9 permettent de mettre en évidence que la quantité d’atomes interstitiels ségrégés est une fonction de l’écrouissage (la densité de dislocations) et de la quantité totale d’interstitiels libres. En fait, pour un écrouissage donné, ce n’est qu'une fraction de la quantité totale d’interstitiels qui est susceptible de ségréger sur les dislocations. Ce résultat ne correspond pas à ce qui est le plus souvent admis dans la 183 littérature où on considère souvent que le terme de la ségrégation équivaut à la saturation des sites autours des dislocations ou à l’appauvrissement total de la matrice en interstitiels libres. De plus, on a vu que cette situation correspondant à un équilibre thermodynamique ne paraît pas pouvoir se réduire à une simple distribution d'atomes interstitiels entre des sites « normaux » et des sites énergétiquement plus favorables au voisinage des dislocations mais qu'il faut probablement prendre en compte la présence d'atomes substitutionnels perturbant la matrice et la répartition des interstitiels. Cette dernière remarque est à mettre en parallèle de l’hypothèse émise pour expliquer la situation des atomes de carbone libres invisibles au frottement interne. Toutefois, pour démontrer plus formellement notre interprétation, il serait nécessaire d’étudier l’influence de la quantité et de la nature des atomes substitutionnels sur la distribution des interstitiels au cours du vieillissement. Quoiqu’il en soit, il semble qu’il serait nécessaire de prendre en considération les résultats et les interprétations développés ici pour comprendre l’effet de la composition chimique des aciers sur le vieillissement (BH, AI …). VI.D. Effet du vieillissement sur les propriétés mécaniques Les aciers étudiés dans cette partie correspondent à ceux dont les caractéristiques sont données dans le Tableau VI-2. VI.D.1. Remarques préliminaires concernant la mesure de dureté Le choix de la mesure de dureté Vickers pour la caractérisation des aciers étudiés est motivé par plusieurs facteurs. Premièrement, il est admis que la dureté Vickers, Hv, est égale à environ 3 fois la résistance à la rupture, Rm, exprimée en daN/mm2 (ce qui conduit à ce que Rm exprimée en MPa soit environ égale à 3 fois Hv). La dureté nous permet donc d’avoir accès à une caractéristique de résistance mécanique à la traction. Deuxièmement, l’état microstructural des aciers étudiés (laminés à froid jusqu’à plusieurs dizaines de % d’allongement et vieillis …), conduit assez souvent à une très faible ductilité. La résistance à la rupture est alors la seule information que l’on puisse tirer d’un essai de traction. Enfin la mesure des caractéristiques de traction doit être réalisée sur des éprouvettes calibrées et découpées avec précaution. En conséquence, la caractérisation d’un acier à l’état « frais », c’est à dire dans un état prédéformé et non vieilli, n’est pas aisé (le métal vieilli à l’ambiante) alors que la mesure de dureté peut être réalisée dans la minute qui suit la prédéformation. 184 Dans la présente étude les variations de résistance mécanique, dues à l’écrouissage (on parlera alors de Work Hardening : WH) ou au vieillissement, seront estimées à partir de la mesure de dureté. Dans ce cas, on utilisera la relation : Rm (MPa) ~ 3 x Hv. Nous verrons que cette approximation est satisfaisante en ce qui concerne cette étude. VI.D.2. Evolution de la dureté au cours de l’écrouissage Nous avons suivi la variation de dureté au cours de l’écrouissage pour les 7 modalités décrites dans le Tableau VI-2. La variation de dureté augmente rapidement jusqu’à environ 50 % d’allongement puis semble tendre vers une valeur limite au delà (Figure VI-13). Remarque : Dans le paragraphe IV.B.2.a, nous avons montré que la « brutalité » de la déformation (équivalente à la vitesse de déformation) influençait la variation de dureté associée. Ici, l’écrouissage a été appliqué de manière à conserver constante cette vitesse de déformation. La relation de proportionnalité entre la variation de dureté et celle de PTE (Figure VI-14) est encore valable et est identique à celle de la Figure IV-10. La variation de dureté Vickers peut s’exprimer en fonction de la variation de PTE par la relation : ∆Hε = - 225.∆Sε avec ∆Sε en µV (VI-8) Dans les conditions opératoires utilisées, ces faits expérimentaux nous conduisent à considérer qu’à un taux d’écrouissage donné correspond une microstructure de déformation (densité de dislocations, taille des cellules …), et cela quel que soit l’acier étudié. 185 100 80 ∆Hvε 60 40 20 0 0 15 30 45 60 75 90 ∆L/L0 (%) Figure VI-13 : Variation de dureté due à l’écrouissage en fonction du taux d’allongement (laminage à froid) pour des aciers ULC. 100 80 ∆Hvε 60 40 20 0 0.0 -0.1 -0.2 -0.3 -0.4 -0.5 ∆Sε (µV/K) Figure VI-14 : Variation de dureté due à l’écrouissage (laminage à froid) en fonction de la variation de PTE associée. La droite moyenne correspond à ∆Hvε = - 225.∆Sε. VI.D.3. Evolution de la dureté au cours du vieillissement Les évolutions de dureté et de PTE d’aciers ULC ont été suivies pendant le vieillissement à 70 °C. La mesure du PTE permet l'évaluation de la quantité d’interstitiels qui ségrège au cours du temps. Sur la Figure VI-15 sont présentées 2 de ces cinétiques. La dureté de l’acier augmente au cours du temps en suivant la ségrégation des interstitiels. La variation de dureté au terme du 186 vieillissement (environ 30 Vickers après 24 h à 70 °C) est voisine dans les 2 cas malgré des taux de prédéformation très différents, 17 et 88 % d’allongement en laminage à froid, qui conduisent à des quantités d’interstitiels ségrégés respectivement de 4,6 et 6,3.10-3 %. [C + N]ségrégé ∆L/L0 = 17%, ∆Hvε = 41 ∆L/L0 = 88%, ∆Hvε = 88 30 6 -3 [C+N]ségrégé (10 %) 8 ∆Hv 20 4 10 2 0 1 10 variation de dureté ∆Hv ∆L/L0 = 17%, ∆Hvε = 41 ∆L/L0 = 88%, ∆Hvε = 88 10 2 10 3 10 4 10 0 5 temps (s) Figure VI-15 : Cinétiques de vieillissement à 70 °C de l’acier ULCstd {600} prédéformé par laminage à froid de 17 et 88% d’allongement. [C+ N]ségrégé est calculé à partir des variations de PTE ∆Sa et du coefficient Pmoy. ∆Hv / ∆Hvmax 1.0 ∆L/L0 ~ 15 % ULC++N {270} ULCstd {600} 0.8 ∆L/L0 ~ 80 % ULC++N {270} ULCstd {600} gain de dureté normée 0.6 0.4 0.2 0.0 0.0 0.2 0.4 fraction d'interstitiels ségrégés 0.6 0.8 1.0 [C + N]ségrégé / [C + N]libre Figure VI-16 : Variation relative de dureté en fonction de la variation relative d’interstitiels ségrégés au cours du vieillissement de 2 aciers ULC dans deux états de prédéformation. ULCstd {600} avec [C]libre ~ 4.10-3 % et [N]libre ~ 4.10-3 % ULC++N {270} avec [C]libre ~ 1,5.10-3 % et [N]libre ~ 7.10-3 % Cela signifie que dans ces 2 situations, le durcissement au cours du vieillissement est proportionnel à la fraction d’interstitiels ségrégés et non pas à la quantité absolue de ces interstitiels. Ce résultat est confirmé pour 2 aciers ULC sur la Figure VI-16 où est exprimée la 187 variation relative de dureté en fonction de la fraction relative d’interstitiels ségrégés au cours du vieillissement à 70 °C. VI.D.4. Effet de la quantité d’interstitiels libres sur la variation de dureté observée au terme du vieillissement VI.D.4.a) Résultats bruts Toujours sur les 7 modalités d'aciers retenues on ne s’intéressera maintenant qu’aux variations de propriétés de l’acier entre l’état « frais », juste après la prédéformation (état {ε}), et l’état complètement vieillis (état {a,max}), c’est à dire après un traitement de vieillissement de 30 minutes à 120 °C (équivalent à 24 heures à 70 °C)9. Sur la Figure VI-17 sont représentées les variations de dureté ∆Hva,max en fonction du taux 30 90 25 75 20 60 15 45 ULCstd {600} ULCstd {270} ULCDWI {600} ULCDWI {270} ULC+N {600} ULC+N {270} ULC++N {270} 10 5 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 30 ∆Rm (MPa) gain de dureté due au vieillissement, ∆Hva,max d’allongement par laminage pour les 7 modalités. 15 0 90 ∆L/L0 (%) Figure VI-17 : Variation de dureté Vickers due au vieillissement total (30 minutes à 120°C) d’aciers ULC préalablement laminés à froid. Aux incertitudes de mesure près (∆Hv à + 6), on voit que lorsque ∆L/LO est supérieur ou égal à 10 %, la variation de dureté reste sensiblement constante pour une composition donnée. Ce résultat confirme ce qui a été vu dans le paragraphe précédent (Figure VI-15) et ce qui est mesuré par Hundy concernant l’effet du vieillissement sur l’augmentation de la 9 Nous avons vu dans la partie VI-B que les traitements thermiques industriels réalisés sur les aciers au cours du process (recuit du vernis, appertisation …) conduisent toujours en final à un état complètement vieilli, au moins du point de vue de la ségrégation des interstitiels. 188 charge à rupture [HUN56]. Pour ∆L/L0 inférieur à 10 %, le manque de données expérimentales ne permet de mettre en évidence qu'une tendance à la croissance du gain de dureté avec la prédéformation. Il est tentant à ce niveau d'attribuer les 2 comportements à une modification de la microstructure des dislocations : passage d'une répartition homogène à une répartition cellulaire. D’après Lan et al., lors de la déformation en traction du fer pur à température ambiante, les cellules de dislocations apparaissent pour une déformation de 6 % puis leur taille diminue sensiblement pour se stabiliser à environ 1 µm lorsque la déformation atteint 11 % [LAN92a]. Bailey a observé un mécanisme similaire dans un acier ULC après déformation par laminage, les cellules étant plus larges et plus isotropes que dans le cas de la traction [BAI94]. On pourrait donc considérer que lorsque la taille des cellules est stabilisée, le système est alors composé de sous-joints qui délimitent des zones, les cellules, assimilables à de nouveaux grains plus petits. Or on sait que pour une quantité de carbone donnée, l’amplitude du BH est d'autant plus important que les grains sont fins [WIL60][VAN98a]. Par analogie, on peut imaginer que la formation de cellules conduit à une microstructure équivalente plus fine qui augmenterait l’amplitude du vieillissement, amplitude qui se stabiliserait en même temps que la taille des cellules. Le comportement observé pourrait également être interprété en considérant que l’augmentation de dureté est surtout le résultat de l’ancrage des dislocations libres par les interstitiels. Or d’après Lan et al, la densité de dislocations libres croit puis se stabilise pour e ~ 0,1-0,2 (Figure I-10). La ségrégation des interstitiels sur les dislocations enchevêtrées dans les parois de cellules n’aurait que peut d’effet sur leur mobilité. Bien que nous n’ayons pas réalisé d’étude sur la microstructure de déformation dans nos aciers, les hypothèses formulées nous semblent les plus à mêmes d'interpréter convenablement les résultats expérimentaux. VI.D.4.b) ∆Hva,max au regard de [C + N]ségrégé Le gain en dureté associé au vieillissement atteint un maximum lorsque la déformation est supérieure ou égale à 10 % en allongement. Or nous avons vu sur la Figure VI-9 que la quantité d’interstitiels qui ségrège croît avec la déformation au-delà de 10 % d’allongement ce qui signifie que les deux grandeurs, accroissement de dureté et quantité d’interstitiels ségrégés, ne sont pas nécessairement corrélées. Sur la Figure VI-18 sont représentées les ∆Hva,max en fonction de la quantité d’interstitiels ségrégés pour les 7 modalités du Tableau VI-2. Outre le fait de révéler que le durcissement par vieillissement passe par un maximum pour une composition donnée lorsque la quantité d’interstitiels ségrégée augmente, l’intérêt de cette représentation réside dans la mise en évidence d’une courbe limite de maximum de durcissement (courbe à allure parabolique tracée en pointillés Figure VI-18). Cette courbe correspond à l’optimum d’efficacité d’une quantité donnée d’interstitiels ségrégés et cela en 189 faisant varier la composition chimique et la microstructure (intensité de la prédéformation). Elle permet d'accéder à la capacité maximale du gain de résistance lors du vieillissement après ségrégation d’une quantité donnée de [C+N]ségrégé. Même si les 7 modalités ont un comportement semblable, il semble que l’on puisse distinguer 2 modalités, ULC+N {270} et ULC++N {270}, qui correspondent aux teneurs en azote les plus élevées. D’après ces données, l’azote paraîtrait légèrement moins durcissant que le carbone. Nous verrons dans la partie VI.E ce qui pourrait expliquer ce moindre durcissement. courbe limite de durcissement 30 90 25 75 20 60 15 45 UCLstd {600} UCLstd {270} UCLDWI {600} UCLDWI {270} UCL+N {600} UCL+N {270} UCL++N {270} 10 5 0 ∆Rm (MPa) ∆Hva, max fort azote 30 15 0 0 2 4 6 -3 [C+N]ségrégé (10 %) 8 10 Figure VI-18 : Variation de dureté Vickers due au vieillissement total (30 minutes à 120°C) en fonction de la quantité total d’interstitiel ségrégée mesurée par PTE. On peut également analyser ces résultats (Figure VI-17 et 18) d’une manière différente. Nous avons vu que pour les 7 modalités étudiées, le durcissement par écrouissage, et donc la densité de dislocations, est une fonction de la déformation (Figure VI-13). On s’intéresse maintenant à l’évolution du durcissement après vieillissement total, ∆Hva,max, pour un taux d’allongement donné, en fonction de la quantité d’interstitiels ségrégés mesurée par PTE (Figure VI-19). Le gain de dureté ainsi mesuré est assimilable à une mesure de la sensibilité au vieillissement de type Aging Index. Ce durcissement est une fonction croissante de [C+N]ségrégé dont la pente décroît pour les déformations plus importantes. Cela signifie qu’une quantité donnée d’interstitiels qui ségrège est d’autant moins durcissante que la déformation augmente. En d’autre terme, l’efficacité des interstitiels sur le durcissement au vieillissement est fonction du taux de déformation. Dans la partie suivante, nous évaluons le coefficient d’influence des interstitiels sur le durcissement par vieillissement. 190 30 25 ∆Hva,max 20 15 10 5 ∆L/L0 = 10 % ∆L/L0 = 30 % 0 0 2 4 6 8 10 -3 [C+N]ségrégé (10 %) Figure VI-19 : accroissement de dureté du au vieillissement total (30 mn à 120 °C) en fonction de la quantité d’interstitiels ségrégés pour 2 taux d’allongement par laminage, 10 et 30 %. VI.D.4.c) Influence de la déformation sur l’efficacité des interstitiels L’efficacité des interstitiels sur le vieillissement est calculée comme étant le rapport de la quantité d’interstitiels ségrégés sur le gain en dureté. La Figure VI-20 (a) confirme que dans une gamme de taux d’allongement compris entre 0 et 30 %, l’efficacité des interstitiels est une fonction décroissante de la déformation (de l’écrouissage). Pour un taux d’écrouissage donné (exprimé en allongement ou en variation de dureté), elle est quasiment identique quel que soit l’acier considéré ce qui démontre le caractère « universel » de ce paramètre dans la gamme de composition des aciers étudiés. A noter toutefois que les points de l’ULC++N se détachent sensiblement de la tendance moyenne. Cette singularité pourrait être attribuée à la microstructure de cet acier qui présente des grains légèrement plus gros et anisotropes (grains allongés dans la direction de laminage) ou encore à la fraction importante d’azote qui est a priori moins durcissant que le carbone. L’intérêt du graphe (b) de la Figure VI-20 est de montrer que cette perte d’efficacité des interstitiels est monotone sur toute la gamme d’écrouissage explorée et ne présente pas de plateau comme le laisse supposer le graphe (a); ce plateau n’étant que la manifestation de la tendance asymptotique de la courbe de consolidation en fonction de l’allongement présentée Figure VI-13. 191 6 24 18 4 12 2 6 -3 8 -3 ∆Hv / [C+N]ségrégé (/10 %) ULCstd {600} ULCstd {270} ULCDWI {600} ULCDWI {270} ULC+N {600} ULC+N {270} ULC++N {270} ∆Rm / [C+N]ségrégé (MPa/10 %) 30 10 0 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 240 270 ∆L/L0 (%) (a) ∆R ~ WH par écrouissage (MPa) 30 60 90 120 150 180 210 30 -3 0 ∆Rm / [C+N]ségrégé (MPa/10 %) -3 ∆Hv / [C+N]ségrégé (/10 %) 10 8 24 6 18 4 12 2 6 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 ∆Hvε par écrouissage (b) Figure VI-20 : Efficacité des interstitiels pour le durcissement par vieillissement en fonction du taux d’allongement par laminage à froid (a) et du durcissement (b) par laminage à froid VI.D.5. Conclusion L'objectif de cette partie était de quantifier les effets de la prédéformation et de la teneur en interstitiels sur le gain de résistance mécanique lors du vieillissement d’aciers ULC. Il a pu être montré : 1. La nécessité de distinguer 2 types de comportement selon le taux de déformation : 192 - pour des taux < 0,1 le gain de résistance est fonction du taux de déformation et de la teneur initiale en interstitiels libres. - pour des taux > 0,1 le gain de résistance n'est fonction que de la teneur initiale en interstitiels libres. Il en résulte que l'efficacité des interstitiels ségrégés sur le gain de résistance diminue à mesure que l’écrouissage augmente. Les 2 régimes pourraient être liés au passage d’une microstructure de dislocations homogène à une répartition en cellules. 2. Vis à vis du durcissement par vieillissement, l’azote semblerait légèrement moins efficace que le carbone. La variation de résistance mécanique au cours du vieillissement est une manifestation macroscopique d’une évolution microstructurale complexe qu’il est difficile d’appréhender à partir des résultats expérimentaux sous leur forme brut et les mécanismes évoqués dans la littérature. Néanmoins nous pouvons d’ores et déjà convenir de l’apport fondamental de la mesure du PTE à la mise en évidence de faits qui seraient transparents avec d’autres moyens de caractérisation (efficacité des interstitiels …). Dans la partie suivante, nous allons tenter d’analyser les résultats présentés avec pour objectif la séparation des différentes contributions (interstitiels en solution, interstitiels ségrégés, écrouissage, ancrage des dislocations …) en faisant les hypothèses les plus simples possibles. VI.E. Effet de l’ancrage des dislocations par les interstitiels VI.E.1. Introduction Le durcissement mesuré est la résultante d'au moins 2 effets: - un effet d'adoucissement dû au départ des interstitiels de la solution solide qui ségrégent sur les dislocations. - Un effet de durcissement dû à l'ancrage des dislocations par les atomes qui y ont ségrégé. Nous proposons maintenant d'essayer d'isoler l’effet d'ancrage des dislocations. 193 VI.E.2. Durcissement par solution solide du carbone et de l’azote VI.E.2.a) Eléments bibliographiques Il est connu que le carbone et l’azote en position d’interstitiel dans le fer alpha ont un effet durcissant important par rapport aux éléments substitutionnels. La bibliographie donne des valeurs de l’effet du carbone ou de l’azote en solution solide sur des propriétés comme la limite élastique, la résistance à la rupture ou la dureté (Tableau VI-3). ∆Rm/∆[i] -3 (MPa/10 %) ∆Hv/∆[i] -3 (/10 %) [HAN84] (5,1) 1.7 [STE62] 6.8 (2,3) ∆Re/∆[i] -3 (MPa/10 %) références carbone azote [FER85] 2.4 (0,8) [NAK68] 21 (7,0) [CON61] 2 (0,7) Tableau VI-3 : récapitulatifs de l’effet durcissant en solution solide du carbone et de l’azote interstitiels. Les chiffres entre parenthèses sont calculés à partir des valeurs issues des références avec ∆Re ou ∆Rm ~ ∆Hv/3. Les résultats de la littérature sont tous convertis en dureté Vickers en considérant que 9 MPa de variation sur les caractéristiques mécaniques en traction (que ce soit Re ou Rm) sont équivalents à 3 points de dureté Vickers. En ce qui concerne l’effet du carbone, les 2 références donnent des valeurs semblables d’environ 2 Vickers par millième de pour cent de carbone en solution. Pour l’azote, les coefficients s’étendent sur 1 ordre de grandeur, de 0,7 à 7 Hv / 10-3 %. Le problème vient ici du fait qu’il s’agit de mesures de Re très dépendantes de l’état de l’acier et des conditions de l’essai de traction. Nous avons cherché à vérifier la validité de ces données sur nos propres nuances d'aciers. VI.E.2.b) Effets du carbone en solution solide sur la dureté Vickers Pour faire cette étude l’acier retenu est l’acier bas carbone LC dans un état recuit sur base, traitement qui permet de précipiter tout l’azote sous la forme d’AlN; ce point a été confirmé par mesure de frottement interne. La séquence de traitements schématisée Figure VI-21 permet d’ajuster la teneur en carbone libre dans une gamme de concentration allant de ~ 12,5 10-3 % (après hyper trempe depuis 700 °C) à ~ 1,5 10-3 % (après précipitation la plus complète possible du carbone sous forme de Fe3C). 194 La dureté et le PTE des échantillons sont mesurés à chaque étape de la séquence de traitement. Avec l’hypothèse que les carbures de fer ainsi formés ont un effet négligeable sur la dureté et le PTE de l’acier, on considère donc que les variations de dureté et de PTE détectées sont uniquement dues aux teneurs variables en carbone libre. La synthèse des résultats est présentée Figure VI-22. Il existe une relation linéaire entre l’augmentation de dureté et de celle du carbone libre déduite des variations de PTE. L’effet du carbone libre sur la dureté est d’environ 2 Hv / 103 % de carbone libre en masse. Cette valeur correspond tout à fait aux données de la littérature (Tableau VI-3). 700 °C, 30 s 650 °C, 1 min 600 °C, 1 min 510 °C, 5 min 270 °C, 24 h Tamb Figure VI-21 : Traitement thermique pour ajuster la teneur de carbone libre dans l’acier LC. 120 Dureté Vickers 115 110 105 -3 2 Hv/10 % 100 95 90 0 2 4 6 8 10 12 14 -3 [C]libre dosé par PTE (10 %) Figure VI-22 : Dureté Vickers en fonction du carbone libre dosé par PTE aux différentes étapes de la Figure VI-21. 195 VI.E.2.c) Effet de l’azote sur la résistance mécanique Les aciers ULC dont nous disposons (voir chapitre 3) ont des compositions chimiques ainsi que des microstructures semblables (taille de grain et texture, excepté pour l’acier ULC++N {270} qui présente une microstructure légèrement plus grossière) avec des teneurs d’azote en solution différentes. Les caractéristiques mécaniques de ces aciers doivent traduire cette différence. Sur la Figure VI-23 est présentée la variation de la résistance mécanique en traction en fonction de la quantité d’azote en solution déterminée par PTE pour 4 aciers ULC dont la teneur en carbone libre a été ajustée à environ 1,3 10-3 % par un traitement thermique de 24 heures à 270 °C. La relation est linéaire avec une pente d’environ 9 MPa / 10-3 % d’azote libre en masse, soit 3 Hv /10-3 % d’azote en masse. Cette valeur, supérieure de 50 % à celle du carbone, entre dans le domaine défini dans la littérature (Tableau VI-3). 380 Rm (MPa) 370 360 350 -3 9,3 MPa/10 % 340 330 320 2 3 4 5 6 7 8 -3 [N]libre dosé par PTE (10 %) Figure VI-23 : Charge à rupture en fonction de l’azote en solution (dosé par PTE) pour les aciers ULCDWI, ULCstd, ULC+N, ULC++N (respectivement à 2,4 ; 4,4 ; 5,6 et 8.10-3 % d’azote en solution) conduit dans l’état à 1,3.10-3 % de carbone libre après 24 heures à 270 °C (quantité [C]* du chapitre précédent). VI.E.3. Durcissement lié à l’ancrage des dislocations En première approximation, comme on le pratique assez généralement pour la limite d'élasticité, on peut admettre que la dureté de l’acier correspond à une dureté intrinsèque de la matrice Hv0 (qui intègre les effets de texture, de taille de grains, et des perturbations du 196 réseau du fer pur par les éléments substitutionnels et d'éventuels précipités …)10, à laquelle vont s'ajouter des composantes susceptibles d’évoluer lors de la déformation et du vieillissement. Ainsi on écrit : Hv{i} = Hv0 + Hvd{i} + HvC{i} + HvN{i} avec Hv{i} 0 dureté du métal à l’état {i} Hv dureté intrinsèque de la matrice Hvd{i} accroissement de dureté lié à l'introduction de dislocations à l’état i HvC{i} accroissement de dureté lié au carbone libre à l’état i ( = 2 x [C]libre) N Hv {i} accroissement de dureté lié à l’azote libre à l’état i ( = 3 x [N]libre) La variation de dureté entre un état 1 et 2 s’exprime par ∆Hv(1=>2) = Hvd{2} + HvC{2} + HvN{2} – (Hvd{1} + HvC{1} + HvN{1}) ∆Hd(1=>2) + ∆HvC(1=>2) + ∆HvN(1=>2) Entre un état brut de recuit {bRC} et écroui {ε} on peut écrire : ∆Hv(bRC=>ε) = ∆Hvd(bRC=>ε) = ∆Hvε (consolidation mesurée) et entre un état écroui {ε} et vieilli {a} on a : ∆Hv(ε=>a) = ∆HvC(ε=>a) + ∆HvN(ε=>a) + ∆Hvanc = ∆Hva (gain de dureté mesuré) où ∆HvC(ε=>a) et ∆HvN(ε=>a) sont les variations de dureté liées au départ des interstitiels libres (respectivement carbone et azote) de la solution et ∆Hvanc est la variation de dureté due à l’ancrage des dislocations par les interstitiels. ∆HvC(ε=>a) = HvC{a} - HvC{ε} = 2 x ([C]a - [C]ε) = - 2 x [C]ségrégé ∆HvN(ε=>a) = HvN{a} – HvN{ε} = 3 x ([N]a - [N]ε) = - 3 x [N]ségrégé A partir des mesures de PTE lors du vieillissement (∆Sa), on est capable de remonter à la quantité de carbone et d’azote ayant ségrégé sur les dislocations en faisant l’hypothèse que la proportion relative de carbone et d’azote ségrégée sur les dislocations à chaque instant est la même que la proportion de carbone et d’azote libres présente initialement dans l’acier à l’état {bRC} (ou {ε}) et déterminée par le dosage PTE (hypothèse validée dans le paragraphe VI.B.3). 10 On considère donc que cette dureté intrinsèque n’est pas modifiée par les traitements thermomécaniques d’écrouissage et de vieillissement 197 On a alors : [C]ségrégé = [C+N]ségrégé x [C] total [C] total ∆S a = x [C] total + [N] total Pmoy [C] total + [N] total et [N]ségrégé = [C+N]ségrégé x [N] total [N] total ∆S a x = [C] total + [N] total Pmoy [C] total + [N] total La composante de variation de la dureté liée à l’ancrage des dislocations peut alors s’écrire : ∆Hvanc = ∆Hv(ε=>a) – (∆HvC(ε=>a) + ∆HvN(ε=>a)) soit ∆Hvanc = ∆Hva - (- 2 x [C]ségrégé - 3 x [N]ségrégé) où ∆Hv(ε=>a) est la variation de dureté mesurée expérimentalement, on la nomme par ∆Hva (ou ∆Hva,max pour signifier que le vieillissement est total). Les résultats présentés Figure VI-18 ont donc tous été traités de cette manière afin d’en extraire ∆Hvanc. Les résultats obtenus en fonction de la quantité d’interstitiels ségrégés (∆Hvanc et [C+N]ségrégé) sont présentés Figure VI-24. Cette figure révèle une tendance à croissance monotone commune aux différentes modalités, en particulier on ne distingue plus les modalités riches en azote de celles riches en carbone comme c'était le cas avec ∆Hva,max. Par ailleurs, ∆Hvanc croît avec [C+N]ségrégé alors que ∆Hva,max atteint rapidement une valeur à saturation, voire passe par un maximum. Les hypothèses faites ici, et les résultats qu’elles induisent, conduisent à des conclusions bien différentes de celles que l’on peut tirer au regard des mesures brutes de variations de dureté. Effectivement, si au regard de ∆Hva,max l’azote semblait moins durcissant que le carbone lors du vieillissement, ∆Hvanc nous indique qu’en fait, le durcissement lié à l’ancrage des dislocations par les interstitiels ne serait sensible qu’à leur quantité et pas à leur nature. Les hypothèses faites ici entraînent donc que ce serait l’effet de durcissement de l’azote en solution solide, plus important que celui du carbone, qui conduirait à ce que globalement, une quantité donnée d’azote ségrègeant sur les dislocations conduise à un durcissement plus faible que celui provoqué par la même quantité de carbone, par un adoucissement accru de la solution solide. Les hypothèses faites ici peuvent sans doute être considérées comme un peu simplistes, toutefois la cohérence des conclusions qu'elles permettent de tirer paraissent les justifier a posteriori. 198 UCLstd {600} UCLstd {270} UCLDWI {600} UCLDWI {270} UCL+N {600} UCL+N {270} UCL++N {270} 50 (et ∆Hva,max) 20 ∆Hv 30 anc 40 10 0 0 2 4 6 8 10 -3 [C+N]ségrégé (10 %) Figure VI-24 : Composante de l’évolution de la dureté au terme du vieillissement lié à l’ancrage des anc dislocations, ∆Hv , en fonction de la quantité d’interstitiels ayant ségrégé sur les dislocations. Les symboles pleins avec les lignes pointillées correspondent aux variations de dureté mesurées (∆Hva,max) de la Figure VI-18. VI.F. Comportement à la déformation d’aciers vieillis VI.F.1.Introduction A la différence des aciers à Bake Hardening (aciers à BH) pour tôle automobile qui subissent un traitement de vieillissement après mise en forme finale (lors de la cuisson des peintures), les APE sont la plupart du temps vieillis à plat, lors des traitements de cuisson des vernis. L’acier est ensuite mise en forme (emboutissage, repassage) et une fois à sa forme définitive, on lui applique souvent un nouveau traitement thermique qui peut être un traitement d’appertisation, de polymérisation des joints d’étanchéité (entre le corps de la boite et son couvercle) ou de recuit des vernis appliqués après mise en forme (boite boisson par exemple). En tout état de cause, l’histoire thermomécanique des APE est souvent plus complexe que celle des aciers à BH. D’autre part, des réalisations industrielles11 ont montré qu’une tôle qui subissait un allongement donné au skin pass, avait des caractéristiques mécaniques plus élevées si l’allongement global était réalisé en 2 passages, et que l’acier 11 source SOLLAC 199 avait eu le temps de vieillir entre ces 2 passages. Des études ont alors été lancées pour confirmer ce résultat et l’étude de la « double réduction en 2 passes » (DR en 2 passes) constituait un des objectifs de la thèse. Nous avons donc cherché à connaître quelle pouvait être l’évolution de la microstructure lors de la déformation d’un acier déjà préalablement déformé et vieilli. VI.F.2.Déformation d’un état vieilli après écrouissage VI.F.2.a) Préparation des échantillons L’acier plus particulièrement étudié ici est l’acier ULCstd dans l’état brut de recuit continu (état {bRC}). Par dosage PTE, les quantités totales d’interstitiels libres se répartissent de la manière suivante : [C]libre = 3,4.10-3 % [N]libre = 4,4.10-3 % Nous distinguerons deux schémas thermomécaniques : • Schéma en 1 passe pour lequel l’acier est laminé à froid (état {ε1}) puis totalement vieilli 30 mn à 120 °C (état {a1}). • Schéma en 2 passes pour lequel l’acier a été préalablement conduit dans un état {a1}, relaminé à froid (état {ε2}) et à nouveau vieilli totalement 30 mn à 120 °C (état {a2}). Ces deux schémas sont la simulation de l’opération industrielle dite de double réduction en 1 ou 2 passes (DR en 1 ou 2 passes) ou encore la simulation de la déformation lors de la mise en œuvre d’un acier DR 1 passe. Pour le schéma en 2 passes, des plaques de l’acier ULCstd brut de recuit ont été préalablement laminées à froid sur un outil de simulation puis vieilli 30 minutes à 120 °C pour s’assurer d’avoir une bonne homogénéité entre différents échantillons d’un état {a1} donné (Figure VI-25). Des échantillons (éprouvettes type PTE ou éprouvettes de traction) sont ensuite découpées pour caractérisation et/ou traitements ultérieurs. L’allongement total, AllgtT, de l’échantillon depuis sont état recuit jusqu’à l’état final se calcul comme : AllgtT = Allgt1 + Allgt2 + Allgt1.Allgt2 où Allgt1 et Allgt2 sont respectivement les allongements du laminage initial et du relaminage (Figure VI-25). 200 Laminoir de simulation état {bRC} état {ε1} L0 L Hv, PTE 120 °C 30 mn état {a1} Laminoir manuel état {ε2} l0 Hv, PTE l état {a2} 120 °C 30 mn Hv, PTE allongements Allgt1 = (L-L0)/L0 = ∆L/L0 Allgt2 = (l-l0)/l0 = ∆l/l0 AllgtT = Allgt1 + Allgt2 + Allgt1.Allgt2 Figure VI-25 : Protocole expérimental de l’étude sur la déformation d’un acier ULC préalablement vieilli après une prédéformation (schéma en 2 passes) VI.F.2.b) Comportement à la redéformation Le PTE de l’acier ULCstd est suivi pendant des séquences de type laminage, vieillissement total (30 mn à 120 °C) puis relaminage (Figure VI-25). Sur les Figure VI-26, la courbe {ε1} représente l’évolution du PTE de l’acier lors de la déformation initiale et la courbe {a1} l’évolution du PTE après différents taux de déformation et vieillissement total par un traitement de 30 mn à 120 °C (Schéma en 1 passe). L’évolution du PTE de l’acier lors de la 2nd déformation est semblable quelle que soit la prédéformation initiale (10, 20 ou 30 % sur la Figure VI-26 (a)). Elle montre que très rapidement, le PTE de l’acier rejoint les valeurs de la courbe {ε1}. Ce résultat conduit à penser que si l’amplitude de la seconde déformation est suffisante, l’acier « oublierait » son histoire thermomécanique ultérieure, au moins du point de vue du PTE. Cependant, le vieillissement de l’état {ε2} contredit cette interprétation. En effet, à la suite d’un vieillissement de l’état {ε2} pour conduire l’acier dans l’état {a2}, le PTE de l’acier ne se trouve plus confondu avec les points {a1} (Figure VI-27). Autrement dit, à une déformation totale donnée, le PTE de l’acier vieilli après une réduction en 2 passes est inférieur à celui de l’acier pour un schéma en 1 passe. -1.80 Allgt1 = 30 % -1.75 Allgt1 = 20 % Allgt1 = 10 % 201 1 déformation (Allgt1) de l ’état recuit 2 vieillissement 30 mn à 120 °C 3 déformation (Allgt2) de l ’état vieilli -1.75 {a1} -1.80 -1.85 -1.85 -1.90 -1.90 {a1} 1 S (µV/K) S (µV/K) 2 -1.95 -2.00 3 -1.95 -2.00 {ε1} -2.05 -2.05 -2.10 {ε2} -2.10 {ε1} -2.15 -2.15 0 20 40 60 80 100 allongement total AllgtT (%) 0 20 40 60 80 100 allongement total AllgtT (%) (a) (b) -1.75 {a1} {a1} -1.85 -1.90 -1.90 -1.95 -2.00 1 3 -1.95 4 -2.00 -2.10 -2.10 -2.15 -2.15 20 40 60 80 allongement total AllgtT (%) (a) {a2} 2 {ε1} -2.05 {ε1} 0 déformation (Allgt1) de l ’état recuit vieillissement 30 mn à 120 °C déformation (Allgt2) de l ’état vieilli vieillissement 30 mn à 120 °C -1.80 -1.85 -2.05 1 2 3 4 -1.75 S (µV/K) S (µV/K) -1.80 Allgt1 = 30 % Allgt1 = 10 % Figure VI-26 : (a) PTE de l’acier en fonction de l’allongement total (laminage) et du traitement de vieillissement pour des tôles prédéformées de 0, 10, 20 et 30 %. (b) Détail des variations de PTE lors du traitement thermomécanique sur la tôle prédéformée de 30 %. {ε2} 0 20 40 60 80 allongement total AllgtT (%) (b) Figure VI-27 : (a) PTE de l’acier en fonction de l’allongement total (laminage) et du traitement de vieillissement pour des tôles prédéformées de 10 et 30 %, vieillies, redéformées et revieillies à nouveau. (b) Détails pour la tôle prédéformée de 30 %. 202 Au vue de la sensibilité du PTE aux interstitiels libres et aux dislocations (le PTE diminue lorsque on introduit des interstitiels et/ou des dislocations dans la matrice), un PTE inférieur indique la présence de plus d’interstitiels et/ou de dislocations dans la matrice. En tout état de cause, l’acier ne semble pas dans le même état microstructural. La mesure de dureté confirme que les états vieilli totalement après un schéma en 1 passe ou en 2 passes ne sont pas équivalents (Figure VI-28). La dureté de l’acier est plus importante en finale dans un schéma en 2 passes et elle est plus importante encore lorsque l’allongement initial Allgt1 est de 30 %. Pour un taux d’allongement final donné, le PTE et la dureté montrent que l’acier est dans un état différent entre un schéma en 1 passe et un schéma en 2 passes. Dans la partie suivante, on se propose d’analyser plus finement les résultats afin de préciser l’évolution microstructurale de l’acier qui permettrait d’expliquer ce comportement. 220 200 Hv 180 160 Schéma 1 passe état {a1} Schéma 2 passes état {a2} Allgt1 = 10 % état {a2} Allgt1 = 30 % 140 120 100 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 AllgtT (%) Figure VI-28 : Dureté Vickers finale de l’acier ULCstd conduit dans l’état vieilli totalement après des schémas en 1 ou 2 passe(s). VI.F.3.Diagramme PTE-dureté VI.F.3.a) Schéma en 1 passe La dureté et le PTE de l’acier ont été suivis pendant des traitements de déformation par laminage suivi d’un vieillissement total (30 mn à 120 °C). Les mesures obtenues ont été placées dans un diagramme PTE-dureté (Figure VI-29) où l’on peut retrouver toutes les informations recueillies jusqu’à présent : 203 • La relation linéaire entre les variations de PTE et de dureté de l’acier lors du laminage de l’état recuit {bRC} (paragraphe VI.C.2). • Après vieillissement, le PTE et la dureté de l’acier augmentent. Ces variations sont indiquées par les vecteurs sur la Figure VI-29. La norme et la direction de ces vecteurs dépendent de l’état {ε1} et plus précisément de l’amplitude de la déformation initiale (Allgt1). Elles traduisent les constats faits précédemment qui montraient que pour un taux de prédéformation supérieur ou égal à 10 %, l’amplitude du gain de dureté lié au vieillissement atteint un maximum (paragraphe VI.D.4.a) et que d’autre part, l’efficacité des interstitiels vis à vis du durcissement par vieillissement de l’acier diminue lorsque le taux de déformation augmente (§ VI.D.4.c). Le diagramme PTE-dureté et les informations que l’on en tire sont assez universels, nous retrouvons le même type de diagramme pour toutes les modalités d’aciers étudiées dans ce travail. Dans le schéma plus complexe en 2 passes, nous allons voir que cette représentation permet également l’interprétation des résultats présentés dans le paragraphe précédent (VI.F.2). états {a1} états {ε1} {bRC} 30 mn 12 0° C -1.8 t1 lg Al -2.0 états {ε1} perte d'efficacité des interstitiels 30 mn 12 0° C te en gm au S (µV/K) -1.9 états {a1} -2.1 -2.2 100 150 200 250 Hv Figure VI-29 : Diagramme PTE-dureté de l’acier ULCstd dans son état initial brut de recuit {bRC}, laminé et vieilli totalement 30 mn à 120 °C. Les états {e1} et {a1} sont décrits dans la Figure VI-25. VI.F.3.b) Schéma en 2 passes Les mesures de PTE et de dureté de l’acier ULCstd traité suivant le protocole de la Figure VI-25 sont présentées dans le diagramme PTE-dureté (Figure VI-30). On y retrouve les 204 points de la Figure VI-29 complétés par les points des états {ε2} et {a2} représentatifs de la deuxième passe de laminage et du traitement de vieillissement final. Lorsque l’acier est laminé à partir d’un état {a1} (il a déjà été laminé puis vieilli), la relation qui lie ∆S et ∆Hv est modifiée. Elle reste à peu prés linéaire mais la dureté augmente moins pour une variation de PTE donnée. Ce phénomène s’accentue pour les états {a1} correspondant à une déformation initiale (Allgt1) plus importante. En revanche, la position des points PTE-dureté des états vieillis finaux se trouvent tous sur la même courbe (en pointillés sur la figure) que l’on soit en schéma en 1 passe ou 2 passes. = gt1 All {bRC} % 10 -1.8 30 mn 12 0° C = gt1 All -2.1 même épaisseur finale (AllgtT ~ 70 %) 120 °C {ε2} {ε1} -2.0 {a1} ~ {a2} états {ε1} états {a1} Allgt1 = 10 % + vieillissement total états {ε2} états {a2} Allgt1 = 30 % + vieillissement total états {ε2} états {a2} 30 m n S (µV/K) -1.9 % 30 -2.2 100 150 200 250 Hv Figure VI-30 : Diagramme PTE-dureté de l’acier ULCstd dans son état initial brut de recuit {bRC}, dans des schémas en 2 passes. Les états {ε1}, {a1}, {ε2} et {a2} sont décrits dans la Figure VI-25. Si on se focalise sur le schéma en 2 passes pour Allgt1 = 10 %, la position du point {a1} indique que la consolidation du métal a atteint un niveau suffisant pour piéger environ 60 % des interstitiels libres disponibles (voir Figure VI-9). Or après déformation de cet état jusqu’à 70 % d’allongement total puis vieillissement total, la variation de PTE de l’acier lors du vieillissement révèle la ségrégation d’une quantité importante d’interstitiels (∆Sa ~ 0,185 µV/K ≡ 5,5.10-3 %) qui correspond à plus de 70 % de la quantité initiale d’interstitiels libres dans l’état {bRC} de départ (~ 7,8.10-3 %). On peut donc aisément supposer qu’il se produit une « remise en solution » de tout ou partie des interstitiels lors de la redéformation d’un état préalablement déformé et vieilli. En fait lors de la redéformation il faut probablement plutôt envisager un désancrage des dislocations conduisant à laisser « sur place » le nuage de Cottrell qui s’était formé autour d’elles durant le vieillissement préalable. Les interstitiels 205 concentrés dans le nuage seraient à nouveau libres dans la matrice ainsi que le laisse supposer leur réapparition vis à vis du PTE. Notons que nous avions déjà fait cette observation dans le paragraphe IV.C.6.b en mesurant le frottement interne. Que les points {a1} et {a2} soient confondus sur le diagramme PTE-dureté peut s’interpréter simplement comme correspondant au fait que l’on se trouve en présence de microstructures équivalentes quel que soit le chemin thermomécanique suivi. Ayant fait l’hypothèse (paragraphe VI.E.3) que le PTE ainsi que la dureté de l’acier pouvaient être considérés comme la somme élémentaire des contributions de la matrice et des défauts (solutés, dislocations …), il semble assez normal que l’on retrouve des points équivalents dans des états stables (après vieillissement total). Suivant le chemin thermomécanique suivi, la dureté finale de l’acier diffère. Sur la Figure VI-30, on peut voir que pour un taux d’allongement total d’environ 70 %, la dureté de l’acier varie d’environ 20 unités Vickers suivant que l’on soit en schéma en 1 passe ou 2 passes avec Allgt1 = 30 %. La quantité d’interstitiels libres devant être nulle à ce taux d’allongement et en vertu du principe de sommation des contributions, le schéma en 2 passes doit conduire à une consolidation supplémentaire par le fait qu’il y a plus de dislocations dans l’acier et/ou que leur organisation diffère. Dans le paragraphe qui suit, une interprétation graphique du diagramme PTE-dureté va permettre de clarifier ce que l’on vient de décrire. VI.F.4.Interprétation du diagramme PTE-dureté VI.F.4.a) définitions On reprend ici l’hypothèse développée dans les paragraphes III.B.3.f et VI.D.3 qui veut que la dureté et le PTE de l’acier soient la somme des contributions de la matrice et de composantes élémentaires associées à chaque défauts. Ici nous allons décomposer le trajet de variations des couples PTE-Hv de l’acier dans le diagramme PTE-dureté. Les composantes élémentaires de la variation du PTE et de la dureté pour les schémas thermomécaniques qui nous intéressent sont : ∆Sd, ∆Hvd variations de PTE et de dureté dues à l’introduction de dislocations lors de l’écrouissage. On a établi la relation ∆Hvd = -225. ∆Sd (µV/K) (§ VI.D.2). ∆SC+N, ∆HvC+N variations de PTE et de dureté dues à l’introduction ou à la disparition de C et N libres ∆Hvanc variation de dureté lié à l’ancrage (ou au désancrage) des dislocations par les interstitiels (∆Hvanc n’est pas accessible directement par la mesure, § VI.E.3). Les variations attendues de ces paramètres aux différentes étapes du traitement sont données dans le Tableau VI-4. 206 étape C+N ∆S d ∆Hv ∆Hv - <0 - >0 - introduction de dislocations précipitation d'interstitiels >0 - <0 - - disparition de C et N libres remise en solution d'interstitiels libres <0 - >0 - - réapparition de C et N libres >0 - <0 - >0 disparition de C et N libres ancrage des dislocations <0 <0 >0 >0 <0 introduction de dislocations désancrage de dislocations réapparition de C et N libres traitement {bRC} > {ε1} écrouissage état recuit {ε1} > {a1} ou {ε2} > {a2} {ε1} > {a1} ségrégation d'interstitiels ou libres {ε2} > {a2} {a1} > {ε2} écrouissage état vieilli (schéma en 2 passes) ∆S C+N d anc ∆Hv mécanisme(s) Tableau VI-4 : Bilan des variations élémentaires de PTE et dureté attendues lors des schémas en 1 passe ou 2 passes VI.F.4.b) Schéma en 1 passe Ecrouissage de l’état {bRC} On retrouve la relation linéaire déjà citée entre les variations de PTE et de dureté. Cette relation est identique pour tous les aciers ULC étudiés ainsi que pour l’acier bas carbone LC. Elle est simplement la somme des deux vecteurs « introduction de dislocations » ∆Sd et ∆Hvd avec ∆Hvd = -225. ∆Sd (µV/K). Vieillissement de l’état {ε1} Pendant le traitement de vieillissement, les interstitiels migrent sur les dislocations pour former les nuages de Cottrell. Nous avons vu que les interstitiels piégés autour des dislocations ne sont plus détectés par le PTE. On a donc une variation de PTE ∆SC+N qui est proportionnelle à la quantité d’interstitiels piégés. En parallèle, la disparition des interstitiels en solution solide conduit à une diminution du durcissement par solution solide ∆HvC+N elle même proportionnelle à la quantité d’interstitiels piégés (partie VI.E). En rapport avec les teneurs respectives de C et N, on peut écrire : ∆HvC+N = 2,6 / (10-3 % de [C+N]libre) La formation des atmosphères de Cottrell conduit à l’ancrage des dislocations et provoque une augmentation de dureté de l’acier, ∆Hvanc, supérieure en valeur absolue à la diminution ∆HvC+N. Il en découle l’accroissement de dureté mesuré expérimentalement. 207 {bRC} -1.8 anc C+N ∆Hv d ∆S ∆S 30 mn 12 0° C S (µV/K) -1.9 {a1} ∆Hv C+N éc ro ui ss ag e d ∆Hv -2.0 {ε1} états {ε1} états {a1} -2.1 -2.2 100 150 200 Hv Figure VI-31 : Interprétation graphique des contributions élémentaires en PTE et dureté aux variations mesurées expérimentalement. VI.F.4.c) Schéma en 2 passes Nous allons ici décomposer l’analyse graphique sur un schéma en 2 passes donné, cette décomposition peut se généraliser à tous les cas présentés jusqu’alors. Cas du schéma en 2 passes avec Allgt1 = 10 % et AllgtT = 70 % Etat {a1} D’après ce que l'on sait concernant le schéma en 1 passe (Figure VI-9), on peut considérer que la fraction d’interstitiels ségrégés dans cet état est d'environ 60 % de la quantité d’interstitiels initialement libres dans l’acier, soit 4,7.10-3 %. Passage à l’état {ε2} Lors du relaminage de l’acier à l’état {a1}, on a les variations de PTE et de dureté qui sont la somme des composantes élémentaires ∆Sd’, ∆SC+N’, ∆Hd’, ∆HC+N’, ∆Hvanc’ (Tableau VI-4). La variation totale de PTE est donc uniquement la somme de la composante liée à l’introduction de dislocations, ∆Sd’, et de celle liée à la « remise en solution » d’interstitiels, ∆SC+N’. Cette dernière peut être estimée en considérant l’hypothèse de l’existence de microstructures équivalentes dans les états stables complètement vieillis (voir § VI.F.3.b). Cette estimation peut s’illustrer par la Figure VI-32. 208 {a2} [C+N]ségrégé mesuré schéma en 2 passe 7 6 {a1} 5 4 [C+N]ségrégé mesuré schéma en 1 passe quantité d'interstitiels ségrégée dans un état {a1} ou {a2} 8 3 2 1 {bRC} 0 100 120 140 160 180 200 [C+N] "remis en solution" 220 dureté Hv finale de l'acier dans un état {a1} ou {a2} Figure VI-32 : Courbe donnant la quantité d’interstitiels ségrégés dans un état complètement vieilli ({a1} ou {a2}) en fonction de la dureté finale de l’acier. La courbe représente la quantité d’interstitiels ségrégés pour une dureté final donnée (état complètement vieilli) et donc une microstructure équivalente donnée. Cette courbe doit être valable que l’on soit en schéma en 1 passe ou 2 passes. Dans l’hypothèse d’une non remise en solution des interstitiels lors du relaminage, la quantité d’interstitiels qui ségrège lors du second vieillissement (proportionnelle à la variation de PTE mesurée lors de ce vieillissement) devrait être la différence entre la quantité déjà ségrégée à l’état {a1} et celle qui devrait être ségrégée à l’état équivalent {a2}. Or la variation de PTE mesurée induit qu’une quantité plus importante d’interstitiels ségrège lors du second vieillissement. D’après les hypothèses formulées, cette différence est égale à la quantité d’interstitiels remis en solution et elle est proportionnelle à ∆SC+N’ (Figure VI-33 (a)) et qui induit un retour d’éléments durcissant dans la matrice qui se traduit par une augmentation de dureté ∆HC+N’. L’introduction de nouvelles dislocations se traduit par la diminution du PTE, ∆Sd’, et l’augmentation de dureté ∆Hvd’ (Figure VI-33 (b)). Le désancrage des dislocations conduit à une diminution de la composante de dureté lié à l’ancrage ∆Hvanc’ qui se déduit graphiquement (Figure VI-33 (c)). Passage à l’état {a2} Ici c’est beaucoup plus simple puisque le trajet est équivalent au passage à l’état {a1} pour un schéma en 1 passe (voir § VI.A.1.b et Figure VI-33 (d)) 209 états {ε1} états {a1} états {ε2} Allgt1 = 10 % états {a2} Allgt1 = 10 % C+N ∆Hv ' (b) -1.8 -1.9 -2.0 -2.0 d ∆S ' -2.1 -2.2 140 -2.1 160 180 200 220 240 -2.2 140 e ag ss ui ro éc S (µV/K) -1.9 ' (a) s nt le va ui éq 2} {a et 1} {a C+N ∆S n lutio n so s ise e rem erstitiel d'int -1.8 d ∆Hv ' 160 180 Hv 200 220 240 Hv (c) -1.8 (d) -1.8 -1.9 -1.9 anc -2.0 -2.0 -2.1 -2.1 anc ∆Hv -2.2 140 160 180 200 220 ' 240 -2.2 140 Hv 160 180 '' C+N ∆Hv itiels erst d'int ion égat ségr S (µV/K) ∆Hv 200 '' C+N ∆S '' 220 240 Hv Figure VI-33 : Interprétation graphique des contributions élémentaires en PTE et dureté aux variations mesurées expérimentalement dans un schéma 2 passes avec Allgt1 = 10 %. Toute la décomposition que nous venons de faire peut être formulée de manière analytique, un exemple en est donné ci dessous. Décomposition analytique des variations de PTE et de dureté mesurées expérimentalement Etat {bRC} 210 Le dosage par PTE donne ∆Sa,max qui est la variation de PTE lorsque tous les interstitiels libres ont ségrégé sur les dislocations. La quantité d’interstitiels libres à l’état {bRC} est égale à: [C+N]libre = ∆Sa,max / Pm où Pm est le coefficient d’influence moyen des interstitiels libres sur le PTE de l’acier. {a1} => {e2} Les variations de PTE et de dureté mesurées peuvent s’écrire : ∆S’ = ∆Sd’ + ∆SC+N’ ∆Hv’ = ∆Hvd’ + ∆HvC+N’ + ∆Hvanc’ {e2} => {a2} Les variations de PTE et de dureté mesurées peuvent s’écrire : ∆S’’ = ∆SC+N’’ ∆Hv’’ = ∆HvC+N’’ + ∆Hvanc’’ (les valeurs en gras sont des mesures expérimentales) il vient : ∆SC+N’’ = ∆S’’ = ∆SC+N’ + 0,4.∆Sa,max en {a1} il reste 40 % de {C+N]libre et 0 en {a2} ∆SC+N’ = ∆S’’ - 0,4.∆Sa,max (cf. Figure VI-9) ∆Hv effet pondéré C et N libres sur Hv (= 2,6.103/%) ’ = ∆S C+N C+N ’.2,6 / Pm ∆Sd’ = ∆S’ - ∆SC+N’ ∆Hvd’ = - 225.∆Sd’ relation Hv-PTE lors de l’écrouissage ∆Hv ’ = ∆Hv’ - ∆Hv ’ - ∆Hv ∆Hv ’’ = (∆S anc d C+N C+N C+N ’’ / Pm).2,6 ’ (§ VI.F.4.b) effet pondéré C et N libres sur Hv (= 2,6.103/%) ∆Hvanc’’ = ∆Hv’’ - ∆HvC+N’’ La généralisation de ce calcul à tous les cas expérimentaux conduit aux résultats synthétisés dans le Tableau VI-5. 211 {a1} => {ε2} interstitiels remis consolidation à la nd en solution 2 passe 30 {ε2} => {a2} {a2} interstitiels restant piégés consolidation totale sur les 2 passes interstitiels qui ségrègent intertitiels ségrégés total [C+N]piégé consolidation d totale (∆Hv ) ∆[C+N]piégé [C+N]ségrégé ∆[C+N]libre ∆Hv '' 10 - - - 4.7 32 - - 12 1.0 8 -3 3.7 40 1.8 5.5 20 1.3 26 -11 3.4 58 3.2 6.6 35 2.3 44 -19 2.4 76 4.8 7.2 70 2.5 61 -25 2.2 93 5.6 7.8 30 - - - 6.6 60 - - 31 0.8 7 -3 5.8 67 1.2 7 34 1.2 19 -15 5.4 79 2.0 7.4 41 2.7 30 -29 3.9 90 3.8 7.8 71 4.0 44 -39 2.6 104 5.2 7.8 Allgt1 (%) AllgtT (%) 10 {ε2} chute de dureté due au désancrage des dislocations d anc ∆Hv Tableau VI-5 : Récapitulatif des évolutions microstructurales lors du passage de l’état {a1} à l’état {ε2} et de la situation microstructurale à l’état {ε2} pour les différentes modalités laminées dans un schéma en 2 passes. Les teneurs en interstitiels sont données en millièmes de %. Cette analyse va nous permettre de retrouver des résultats déjà mis en évidence expérimentalement dans les parties précédentes. VI.F.4.d) Consolidation déduite de l’analyse PTE-Hv Nous avons dit qu’en schéma en 1 ou 2 passe(s), les états finaux (totalement vieillis) correspondaient à des états microstructuraux équivalents et que le gain de dureté mesuré du schéma en 2 passes était la conséquence d’une consolidation plus importante par rapport au schéma en 1 passe (§ VI.F.3.b et Figure VI-28). C’est ce que l’on retrouve sur la Figure VI-34 en représentant la composante ∆Hvd du Tableau VI-5, qui est la contribution de la consolidation liée à l’introduction de dislocations dans la matrice, en fonction du taux l’allongement total. La hiérarchisation entre les schémas 2 passes avec Allgt1 = 10 % et 30 % est elle aussi respectée. Ce résultat nous indique que malgré le caractère très simplificateur de l’analyse du paragraphe précédent, cette dernière permet de retrouver des tendances déduites de l’expérience (Figure VI-28). 212 100 60 d ∆Hv (µV/K) 80 40 Schéma en 1 passe état {ε1} Schéma en 2 passes état {ε2} Allgt1 = 10 % état {ε2} Allgt1 = 30 % 20 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 AllgtT (%) Figure VI-34 : Consolidation liée à l’introduction de dislocations dans la matrice, ∆Hvd, en fonction du taux l’allongement total pour des schémas 1 et 2 passe(s) tirées du Tableau VI-5. VI.F.4.e) Désancrage des dislocations – Remise en solution des interstitiels Le relaminage d’un acier déjà déformé et vieilli (état {a1}) fait réapparaître dans la solution des interstitiels qui était initialement piégés (§ IV.C.6.b et VI.F.4.c). Le mécanisme évoqué est le désancrage des dislocations initialement ancrées par ces interstitiels, qui laisserait sur place le nuage d’interstitiels. L’analyse du schéma en 2 passes nous permet de calculer la quantité d’interstitiels remis en solution par ce mécanisme et de finalement estimer la cinétique de désancrage des dislocations initialement piégées. La Figure VI-35 indique la quantité d’interstitiels qui reste encore ségrégés autour des dislocations après relaminage de 2 états {ε1}. La majorité des interstitiels remis en solutions le sont dès les premiers pour cent d’allongement. Cela signifie que rapidement, lors du relaminage, un nombre important de dislocations sont désancrées et deviennent à nouveau mobiles. Néanmoins, leur libre parcours moyen doit être limité du fait de la présence de dislocations encore ancrées ce qui permettrait d’expliquer le gain de consolidation constaté dans le schéma en 2 passes. Ce gain de consolidation est d’ailleurs acquis dans le domaine correspondant au désancrage important des dislocations (Figure VI-28). 213 Allgt1 = 10 % Allgt1 = 30 % 6 -3 [C+N]ségrégé à l'état [ε2] (10 %) 7 5 4 3 2 1 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 AllgtT (%) Figure VI-35 : Quantité d’interstitiels encore ségrégé après relaminage d’un état déjà laminé et vieilli (état {a1}) La loi de remise en solution des interstitiels semble atteindre une asymptote commune aux 2 états {ε1} vers 70 % d’allongement total. Il est tentant de penser à ce niveau que la quantité d’interstitiels restant ségrégée ( environ 2.10-3 %) est en fait précipitée sous la forme de particules ou d’amas qui se seraient développés autours des dislocations. A cette hypothèse on peut opposer 3 remarques : • D’après les cinétiques de précipitation du carbone dans cet acier à l’état hypertrempé, un traitement de 30 minutes à 120 °C n’est pas suffisant pour précipiter une quantité appréciable de carbone (Figure V-8, l’azote reste en solution quel que soit le traitement pratiqué pour T < 270 °C). De plus, les carbures qui se forment à cette température sont les carbures ε dont on a vu qu’ils ne se dissolvaient pas après un écrouissage important (§ V.C.2). La partie suivante confirme ce résultat et précise dans quelles conditions peuvent être dissous des carbures par l’action de l’écrouissage. • La formation d’amas de carbone autour des dislocations dans des aciers ayant de telles teneurs en interstitiels libres n’a jamais été observée en microscopie électronique [SOL98]. • Si on poursuit le laminage de l’acier jusqu’à des taux d’allongement d’environ 300 % (70 % de réduction), on finit par remettre tous les interstitiels en solution. VI.F.5.Conditions de dissolutions de précipités lors de la déformation Nous voulons ici vérifier dans quelles conditions des carbures de fer peuvent être dissous par l’action de l’écrouissage. l’acier étudié est l’acier LCssN (acier LC dans lequel tout l’azote 214 est précipité sous la forme d’AlN, cf. § V.E.2.b) sur lequel on applique les traitements thermomécaniques détaillés dans le Tableau VI-6. états traitements microstructures {CSS} 700 °C 15 minutes + hypertrempe remise en solution du carbone ~ 12.10 % {Cε} {700} + 4 heures à 120 °C précipitation des carbures ε {CBT} {700} + 1 mois à l'ambiante précipitation des carbures basse température -3 Tableau VI-6 : Détail des traitements thermiques conduisant l’acier LCssN dans les états {CSS}, {Cε} et {CBT} ainsi que des microstructures attendues. Des éprouvettes sont ensuite laminées à froid sur le laminoir manuel et les évolutions du PTE et de la dureté ont été suivies au cours du laminage. Les résultats obtenus ont été placés dans un diagramme PTE-Hv (Figure VI-36). {Cε} intr odu ctio n 4 hr 120 °C -1.8 -2.2 -2.4 apr ès 3 0 °C s 20 i o 1m {CSS} -2.6 -2.8 120 état {CSS} état {Cε} état {CBT} 140 160 mn à 120 °C s de ion lut s BT so e dis rbur ca S (µV/K) -2.0 de d islo cati ons {CBT} 180 200 220 240 260 280 Hv Figure VI-36 : Diagramme PTE dureté relatif au laminage à froid de l’acier LCssN initialement dans les états {CSS}, {Cε} et {CBT} (Source INSA Lyon, J. MERLIN) Cette représentation permet de mettre en évidence les conséquences de 2 évolutions microstructurales : • L’effet de la précipitation du carbone à 120 °C et 20 °C. A 120 °C la précipitation de carbures ε conduit à un léger durcissement de l’acier lié au caractère semi-cohérent de ces carbures ainsi qu’à leur forte densité (durcissement non observé dans des aciers ULC avec C < 5.10-3 %). A 20 °C la précipitation des carbures "basse température" conduit à un durcissement très important d’environ 70 Vickers, 215 proche de celui observé par ABE pour un acier similaire trempé depuis 700 °C et vieilli à 35 °C [ABE84]. • Le comportement à l'écrouissage selon les différents états de précipitation du carbone {CSS}, {Cε} et {CBT}. Pour l'état {Cε} le vecteur décrivant l'évolution au cours de l'écrouissage a la même direction que celui relatif à l’introduction de dislocations dans une matrice contenant du carbone en solution (état{CSS}). Il en est tout autrement pour l’acier dans l’état {CBT} pour lequel on observe une diminution accrue du PTE; la trajectoire correspondant à cet état finissant par rejoindre celle correspondant à {CSS}. On peut attribuer ce comportement à la dissolution progressive par cisaillement des carbures "basse température", le carbone remis en solution diminuant le PTE. Cela se trouve confirmé par le fait qu'après des taux de réduction élevés, un vieillissement de 30mn à 120 °C sur des états {CSS}et {CBT} conduit à des variations de PTE et de dureté similaires. Ces résultats confirment encore une fois l’inertie des carbures ε, et à plus forte raison de la cémentite intragranulaire Fe3C’, vis à vis de l’écrouissage et montrent la possibilité de dissolution des carbures basse température ce qui laisse supposer que ces "carbures" sont plus des amas que des précipités réellement constitués. Ces résultats doivent alimenter notre réflexion en ce qui concerne la possible présence de précipités formés au cours d’un vieillissement après écrouissage. Dans ces conditions, si on peut admettre que la présence de dislocations puisse servir de sites de germination et/ou accélérer la diffusion des interstitiels vers des précipités (dislocations vues comme un canal de diffusion), il est difficile d’envisager que la présence de dislocations conduise au développement de précipités instables à la température de vieillissement (ex : développement de carbures basse température à 120 °C). Or c’est a priori ce qu’il faudrait admettre pour justifier la formation de précipités au cours du vieillissement après écrouissage d’aciers ULC chez lesquels une nouvelle déformation conduit à la remise en solution totale des interstitiels initialement piégés au cours du premier vieillissement. Par ailleurs, la "cinétique" de remise en solution au cours de la redéformation paraît sensiblement accélérée par rapport à ce qui peut être observé pour les carbures "basse température" (voir Figure VI-30 et Figure VI-36) ce qui induit à considérer que si précipités il y a, ils sont encore moins stables que les "amas" développés à basse température. Tout milite donc en faveur de la formation "d'atmosphères" sans formation de précipités constitués. VI.F.6.Aspect pratique de la double réduction en 2 passes Les paragraphes précédents montrent que pratiquer une double réduction en 2 passes avec vieillissement inter passe permet d’atteindre une résistance mécanique plus élevée 216 qu’avec un schéma en 1 passe pour un taux de réduction total constant (donc à une épaisseur finale donnée). Nous avons voulu ici simplement cherché à déterminer le schéma en 2 passes optimal pour bénéficier du meilleur gain en résistance. Les traitements thermomécaniques réalisés sont semblables à ceux de la Figure VI-25 à ceci prés que la deuxième passe est effectuée sur une plaque d’acier à l’état {a1} et non sur de petites éprouvettes. L’allongement total est de 40 % (~ 28,5 % de réduction). Le vieillissement interpasse ainsi que le vieillissement final sont de 30 mn à 120 °C. Le résumé synthétique de la suite des opérations est donné ci-dessous : • Acier ULCstd à l’état brut de recuit continu {bRC}. • 1er laminage à froid à un taux d’allongement Allgt1 (Allgt1 = 2, 5, 10, 20, 30, 35 ou 38 %) : état {ε1}. • Vieillissement inter passe de la tôle 30 mn à 120 °C : état {a1}. • Mesures de PTE, Hv et traction à l’état {a1}. • 2ème passe de laminage pour atteindre un taux d’allongement total AllgT d’environ 40 % (en pratique 40,5 ± 1 %) : état {ε2}. • Vieillissement final de 30 mn à 120 °C : état {a2}. • Mesures de PTE, Hv et traction à l’état {a2}. Les mesures de PTE et dureté dans les différents états vieillis ({a1} et {a2}) confirment le concept de microstructures équivalentes dans des états stables (complètements vieillis) déduit du diagramme PTE-Hv. Pour les états finaux {a2}, la Figure VI-37 donne la résistance mécanique de l’acier en fonction du taux de déformation Allgt1 du 1er laminage à froid. On voit nettement qu’il existe des schémas 2 passes qui conduisent effectivement à un gain important de résistance mécanique (> 50 MPa) et que d’autres non. Dans notre cas, il faut que le 1er laminage à froid soit compris entre 5 et 35 % d’allongement avec une préférence pour les forts taux (30 et 35 %). La résistance mécanique atteinte est alors d’environ 670 MPa, soit la résistance mécanique qui nécessiterait pour cet acier un laminage à froid en 1 passe de plus de 60 % d’allongement (Figure VI-38). Les avantages que présente la double réduction en 2 passes pour un industriel sont : • Rationalisation de la production en amont. Les produits APE sont identifiés par leur qualité (métallurgie, temper, résistance, ductilité) et leur épaisseur. L’industriel cherche à différencier ses produits le plus en aval possible pour optimiser son circuit amont (nuance, laminage à chaud, laminage à froid …) et la double réduction en 2 passes permet cette différenciation au niveau du relaminage à froid (skinpass). • Les propriétés d’emboutissage (coefficient de Lankford et niveau de corne, voir § I.B) sont d'autant plus dégradées que le taux de relaminage à froid au skinpass est élevé. 217 La DR en 2 passes permet donc d’atteindre des résistances mécaniques élevées sans trop dégrader ces propriétés. Un brevet a été déposé sur ce principe par Sollac. 218 Rm à AllgtT ~ 40 % (MPa) 680 670 660 650 640 référence AllgtT schéma en 1 passe 630 620 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Allgt1 (%) Figure VI-37 : Résistance mécanique Rm en final (totalement vieilli), de l’acier ULCstd {bRC} dans des schémas double réduction en 2 passes en fonction de l’allongement à la première passe (Allgt1) et pour un allongement total d’environ 40 %. 700 DR en 2 passes 650 Rm (MPa) 600 550 500 450 400 350 0 10 20 30 40 50 60 70 AllgtT (%) Figure VI-38 : Résistance mécanique Rm en final (totalement vieilli), de l’acier ULCstd {bRC} pour des schémas en 1 et 2 passes en fonction du taux d’allongement total. VI.G. Conséquences du vieillissement d’aciers ULC sur les caractéristiques de traction Pour des raisons pratiques, nous avons choisi de caractériser nos échantillons par des mesures de dureté Vickers (§ VI.D.1) en faisant l’hypothèse que cette dernière est représentative de la résistance mécanique, Rm, de l’acier. C’est ce que nous allons commencer par vérifier. 219 Par ailleurs la dureté n’apporte pas d’information en ce qui concerne d’autres caractéristiques de l’acier, entre autre sa ductilité qui conditionne son aptitude à la mise en œuvre. Nous verrons de manière très sommaire qu’elle est l’évolution de ce paramètre au cours du vieillissement. VI.G.1. Comparaison Hv – Rm Les résultats présentés ici sont issus des études concernant la double réduction en 2 passes vue dans la partie précédente (§ VI.F.6). Sur la Figure VI-39 sont représentées la dureté et la résistance mécanique de l’acier ULCstd laminé à froid à différents taux puis vieilli 30 mn à 120 °C. On confirme bien que ces 2 grandeurs répondent à une relation de proportionnalité qui peut s’écrire : Rm (MPa) = 3 x Hv Hv Rm 200 600 Hv 500 160 450 Rm (MPa) 550 180 140 400 120 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Allongement (%) Figure VI-39 : dureté Vickers et résistance mécanique de l’acier ULCstd laminé à froid et vieilli 30 mn à 120 °C. Le diagramme PTE – Hv permettant de comprendre les évolutions microstructurales de la double réduction en 2 passes aurait pu se faire à partir de diagramme PTE – Rm. VI.G.2. Evolution des caractéristiques de traction au cours du vieillissement Des éprouvettes de l’acier ULCstd dans l’état brut de recuit continu (état {bRC}) ont été prédéformées en traction à un taux d’allongement de 15 %, puis vieillies à 70 °C pendant des durées variables avant d'être caractérisées en traction (Figure VI-40). L’évolution de leur PTE au cours du vieillissement est également suivie 220 ReL et Rm et évoluent de manière similaire au cours du vieillissement (Figure 41). Elles sont confondues lorsque l’acier présente une faible ductilité et que la striction apparaît juste après le crochet de traction (Figure VI-40) La ductilité (A%) diminue pendant la première heure de vieillissement puis augmente jusqu’au terme du vieillissement (24 hr). Ce comportement est attribué aux cinétiques respectives du crochet de traction, ReH, et Rm. ReH augmente rapidement et atteint un maximum pour 1 hr de vieillissement (Figure VI-40). Pour les temps plus longs, Rm continu d’augmenter, la tenacité étant plus importante l’acier est alors capable de supporter une contrainte plus importante et la striction n’apparaît plus juste après le crochet de traction. Dans la littérature, l’augmentation du crochet de traction et le développement du palier sont attribués à la formation des atmosphères de Cottrell tandis que l’augmentation de Rm est attribuée à la précipitation de particules autours des dislocations [WIL60a, b][VAN98a][SOL98][ZHA00a,b][DE01] ce qui expliquerait aussi l’augmentation de la ductilité par adoucissement de la matrice par précipitation. Or la cinétique de PTE et tout ce que nous avons vu dans les parties précédentes nous conduit plutôt à penser que nous sommes toujours en présence d’un mécanisme de formation d’atmosphères. En ce qui nous concerne, nous attribuons ce comportement à 2 conséquences macroscopiques différentes d’un même mécanisme microscopique. Le blocage des sources de dislocations et des dislocations mobiles nécessiterait une densité d’interstitiels dans les atmosphères moins importante que celle conduisant au durcissement macroscopique maximal de l’acier, le mécanisme étant toujours la ségrégation des interstitiels autours des dislocations. Une étude spécifique serait nécessaire à la vérification de cette hypothèse et permettrait peut être de mieux comprendre les mécanismes du Bake Hardening. Il est important de souligner que pour la fin de vieillissement déterminé par PTE (24 hr à 70 °C, voir partie IV.B) correspond à la stabilisation des caractéristiques de traction (Figure VI-40) ce qui démontre s’il en était encore besoin, la pertinence de la mesure du PTE dans l’étude du vieillissement. De plus, la courbe de traction de l’acier vieilli 24 hr à 70 °C est identique à celle du même acier vieilli 30 mn à 120 °C (non représentée ici) ce qui démontre encore une fois l’équivalence de ces traitements qui sont le terme du vieillissement après écrouissage. 500 500 400 400 contrainte (MPa) contrainte (MPa) 221 300 200 état prédéformé 15 % vieillissement à 70 °C 1mn 4mn 30mn 1hr 100 300 200 état prédéformé 15 % vieillissement à 70 °C 1hr 24hr 12jr 100 0 0 0 5 10 15 20 25 0 5 allongement (%) 10 15 allongement (%) 20 25 Figure VI-40 : Courbes de traction de l’acier ULCstd prédéformé à 15 % en traction au cours d’un vieillissement à 70 °C. 460 Rm ReL A% 20 420 15 400 A% (%) Re ou Rm (MPa) 440 25 10 Fin de vieillissement tirée du PTE 380 2 10 10 3 4 10 temps (s) 5 10 10 5 6 Figure 41 : Evolution des caractéristiques de traction (ReL, Rm et Allongement à rupture) de l’acier ULCstd prédéformé en traction à 15 % d’allongement au cours d’un vieillissement à 70 °C. VI.H. Conclusion Dans ce chapitre nous avons tenté de dégager les paramètres pertinents du vieillissement après écrouissage des aciers ULC et de pondérer leurs effets. La sensibilité du PTE de 222 l’acier au départ des interstitiels de la matrice vers les atmosphères autour des dislocations nous a permis de dégager certains enseignements : • La cinétique de ségrégation des interstitiels sur les dislocations est relativement peu sensible à la nature des interstitiels (carbone ou azote) et à l’écrouissage initial (au moins pour des taux de déformation supérieures ou égales à 5 %). • L’effet du carbone et de l’azote sur le vieillissement est toutefois à distinguer en terme d’évolution de dureté. L’azote semble moins efficace que le carbone à durcir l’acier au terme du vieillissement. Une décomposition du PTE et de la dureté en somme de contributions élémentaires nous a permis de montrer que c’est en fait un adoucissement accru de la matrice liée au départ des atomes d’azote de la solution solide qui semble expliquer cette moindre efficacité de l’azote. L’effet d’ancrage des dislocations par le carbone ou l’azote semble identique. • La quantité d’interstitiels qui ségrège sur les dislocations pour un écrouissage donné est une fraction de la quantité initiale d’interstitiels libres et non une quantité fixée. Ce constat nous a amené à remettre en cause la notion de saturation des atmosphères, utilisée par certains chercheurs pour justifier de l’évolution en 2 stades de la limité d’élasticité au cours du vieillissement, et à proposer une description s’appuyant sur un équilibre thermodynamique qui conduit à une répartition des interstitiels entre la matrice, les atmosphères et des sites particuliers autours d’atomes substitutionnels dans la matrice. • Le taux d’écrouissage conditionne la manière dont la dureté évolue au terme du vieillissement et l’efficacité des interstitiels ségrégés sur le gain en dureté. Il semble que ce phénomène puisse être la cause du passage d’une microstructure de dislocations homogènes à une microstructure en cellules à mesure que l’écrouissage augmente. Dans la suite du chapitre, nous nous sommes intéressés aux évolutions de la microstructure et des propriétés mécaniques d’un acier ULC au cours de chemins thermomécaniques complexes conduisant à déformer l’acier déjà préalablement déformé et vieilli. L’analyse des évolutions du PTE et de la dureté de l’acier sous la forme d’un diagramme PTE – dureté nous a permis de proposer une description de l’évolution microstructurale en accord avec les constats expérimentaux. 223 CONCLUSION GENERALE La présente étude qui porte sur les aciers à Ultra Bas Carbone (ULC) destinés à la fabrication d’emballage (APE) avait 2 objectifs: • d'une part apporter des informations sur les mécanismes à l'origine des vieillissements avec et sans déformation de ces nuances, • d'autre part définir dans quelles mesures des modifications dans le schéma thermomécanique des opérations de parachèvements étaient susceptibles d'améliorer les propriétés d'usage des produits. Par rapport aux aciers pour tôles automobile, les APE se distinguent par la présence simultanée de carbone et d’azote en solution susceptibles de participer au vieillissement. Cette particularité nous a amené dans un premier temps à nous intéresser aux méthodes permettant le dosage de ces interstitiels en solution dans l’acier. Nous avons ainsi pu mettre en évidence que la mesure du frottement interne présentait des limites à cet usage, bien qu'elle constitue la technique de référence en la matière. • Il a ainsi été clairement montré que la séparation des contributions de l’azote et du carbone par des méthodes mathématiques et à partir de données thermodynamiques (comme cela est habituellement pratiqué) ne donnait pas satisfaction. Par contre, nous avons montré qu’il était possible de déconvoluer les contributions respectives du carbone et de l’azote par soustraction de spectres expérimentaux préalablement corrigés en fréquence et obtenus dans des états métallurgiques judicieusement choisis. Nous avons désigné cette méthode la « déconvolution métallurgique ». • Il est également apparu difficile de déterminer de manière précise un coefficient d’influence s'affranchissant des effets de texture et permettant de remonter à la quantité d’interstitiels à partir de l’intensité des pics de Snoek. Par ailleurs une tentative de prise en compte de la texture n’a pas donné de résultats probants. Devant cette situation nous avons essayé de développer une nouvelle technique de dosage des interstitiels susceptibles de participer au vieillissement. Le suivi du Pouvoir Thermo Electrique (PTE) donnant souvent des indications intéressantes vis à vis des phénomènes de précipitation et de remise en solution nous nous sommes particulièrement penchés sur cette technique et nous avons ainsi été amenés à développer un protocole permettant de doser précisément carbone et azote en solution solide. 224 Cette méthode utilise le phénomène de ségrégation des interstitiels après écrouissage et s'appuie sur la mise en évidence expérimentale de la disparition vis à vis du PTE de l'effet perturbateur des éléments interstitiels dès qu'ils rentrent dans le champ d'action d'une dislocation. Nous avons donc mis à profit cette constatation bien que toutes les implications théoriques qu'elle doit recouvrir soient loin d'être élucidées. D'un point de vue pratique cette méthode consiste, sur un acier dans un état métallurgique donné, à réaliser un laminage avec un taux de réduction dépassant si possible les 70 % de manière à ce que la quantité de dislocations introduite soit suffisante pour piéger tous les interstitiels susceptibles de l’être, puis de pratiquer un vieillissement à une température et d'une durée telles que tous les interstitiels soient piégés sans que le phénomène de restauration se développe de manière appréciable : 30 minutes à 120 °C est apparu comme le traitement optimal. Les conditions de validité de cette méthode ont été analysées et il en est ressorti qu’a priori, elle permettait le dosage jusqu’à 150 ppm d’interstitiels (carbone et azote confondus). De plus, en appliquant une méthodologie précise, nous avons montré qu’il était possible de doser séparément le carbone et l’azote libres dans un acier recuit, et cela quel que soit son état, à condition toutefois de ne pas être en présence de carbures "basse température" ou de nitrures de fer développés au voisinage de la température ambiante, situations qui ne peuvent de toute façon pas se rencontrer dans les aciers ULC. Cette nouvelle méthode de dosage a permis de mettre en évidence des résultats tout à fait nouveaux. Il a ainsi pu être montré que la solubilité du carbone à basse température dans les aciers étudiés (bas carbone et ULC avec environ 0,2 % de Mn) était bien supérieure à ce que l'on admet habituellement et par la même occasion, que l'intensité du pic de Snoek du carbone n'était pas proportionnelle à la quantité de carbone libre susceptible de participer au vieillissement après écrouissage. Effectivement, dans ces aciers, environ 10-15 ppm de carbone libre ne seraient ainsi pas détectés par le frottement interne. Nous avons alors été amenés à formuler l’hypothèse que ces atomes de carbone libre seraient en interaction avec des éléments en substitution dans la matrice, notamment le manganèse, hypothèse confortée par les travaux de "l'école japonaise" (Abe, Ushioda…). La prise en compte de l’existence d’atomes de carbone libre invisibles au frottement interne devrait aussi conduire à une modification des lois reliant la quantité de carbone en solution, mesurée par frottement interne, à l’intensité du Bake Hardening des tôles pour automobiles, et lever un certain nombre de contradictions existant actuellement dans la littérature. Une deuxième partie du travail de thèse a été consacrée à l’étude de la précipitation du carbone et de l’azote dans les aciers ULC, notamment pour prédire l’état de ces deux éléments dans ces aciers à l’état brut de recuit continu. Des traitements de précipitation ont 225 été effectués en condition isotherme à des températures comprises entre 20 et 270 °C et pour des durées s'étendant de 10 s à 3 mois (~ 107 s). Dans la gamme de compositions étudiées ([C] = 20 - 50 ppm et [N] = 20 – 60 ppm), il est apparu que l’azote restait en solution et que le carbone était susceptible de former les carbures de fer classiquement rencontrés : cémentite intragranulaire Fe3C’ et carbures ε. Seule la sursaturation en carbone semble conditionner leurs cinétiques de formation, indépendamment de la présence ou non d’azote en solution. Par ailleurs, quel que soit le traitement réalisé entre 70 et 270 °C, il est apparu que la quantité de carbone libre en « équilibre » était de l’ordre de 10-15 ppm , quantité correspondant approximativement à la quantité de carbone libre invisible au frottement interne. Il est enfin ressorti de cette étude, que dans les conditions industrielles standards (maintien à 680 °C suivi d’un refroidissement d’environ 30 °C/s), il ne pouvait y avoir de développement ni de carbures ni de nitrures de fer dans les ULC. Par contre, dans les aciers plus particulièrement étudiés, environ 10 ppm de carbone se retrouvaient ségrégés aux joints de grains. On a pu montrer qu'une telle ségrégation pouvait se développer pendant le refroidissement de l’acier et était très sensible à la taille des grains (~ 8 µm pour nos aciers). Grâce à une étude en sonde atomique tomographique elle a pu être matérialisée sous la forme d’une zone enrichie en carbone avec une concentration de l’ordre de 3 % atomique en carbone et s'étendant sur une distance de 4 nm de part et d’autre du joint. Cette ségrégation du carbone aux joints de grains nous est aussi apparue comme étant à l'origine de l’apparition du palier de traction dans les aciers ULC à l’état recuit (recristallisé). Finalement nous estimons, qu'un acier ULC à l’état brut de recuit continu peut être considéré comme contenant une quantité d’interstitiels libres susceptibles de participer au vieillissement après déformation, égale à la quantité de carbone et d’azote total, moins les 10 ppm de carbone ségrégés aux joints de grains et quelques ppm d’azote précipités sous la forme de nitrure d’aluminium (AlN) stable (cette dernière quantité pouvant dépendre des conditions d’élaboration de la bande d’acier en amont : laminage à chaud et bobinage). A partir de là nous avons entrepris l’étude du vieillissement après écrouissage des aciers ULC pour emballage. Ces derniers se distinguent encore des aciers pour automobile dans le sens ou les traitements en aval du recuit conduisent à des situations ou l’acier est laminé à froid avec parfois des taux d’allongement importants, et que les étapes de revêtement qui se font avant mise en forme de l’acier peuvent conduire a priori à du vieillissement (vernissage, étamage …). C’est dans ce contexte que nous avons travaillé. Les cinétiques de vieillissement ont été suivies, d'une part par PTE, ce qui nous a fourni des informations sur la quantité d’interstitiels qui ségrége sur les dislocations (atmosphères de Cottrell), et d'autre part par des mesures de dureté Vickers, qui nous indiquent l’effet du vieillissement sur l'évolution de la résistance mécanique de l’acier. 226 Dans un premier temps, nous avons cherché à savoir s’il fallait distinguer les cinétiques respectives de ségrégation du carbone et de l’azote sur les dislocations. Autant théoriquement qu’expérimentalement, il est apparu que ces 2 cinétiques pouvaient être considérées comme semblables dans les conditions de vieillissement rencontrées en pratique (température de vieillissement supérieure à 70 °C et taux d’allongement supérieur à 5 %). Nous avons alors établi un diagramme d’équivalence temps température en terme d’avancement du processus de ségrégation des interstitiels sur les dislocations. Il est apparu que pour les traitements usuellement rencontrés dans des conditions industrielles, l’acier se trouvait toujours dans un état complètement vieilli du point de vue de la ségrégation (au moins 30 mn à 120 °C ou 24 hr à 70 °C). Les mesures de dureté et des essais de traction effectués en complément ont montré que cet état correspondait également à un état stable du point de vue l’évolution des caractéristiques de résistance. L’effet du taux d’écrouissage sur l’évolution des caractéristiques mécaniques a également été étudié dans une gamme qui intéresse le sidérurgiste. Il en est ressorti que la cinétique de vieillissement (ségrégation et évolution de la résistance) n’était pas sensiblement affectée par le taux de prédéformation avant vieillissement. Par contre, la variation de dureté au terme du vieillissement est apparue fonction de la quantité d’interstitiels initialement libres et du taux de déformation tant que ce dernier était inférieur à environ 10 %, et uniquement de la quantité d’interstitiels initialement libres pour des taux de déformation supérieurs. Ce mécanisme pourrait être la conséquence du passage d’une microstructure de dislocations homogène, à une microstructure en cellules et non la conséquence de l’appauvrissement complet de la matrice en interstitiels libres, comme cela est admis jusqu’à maintenant. Par ailleurs il a pu être mis en évidence que l’efficacité sur le durcissement par vieillissement d’une quantité donnée d’interstitiels qui ségrége, décroissait lorsque les taux d’écrouissage augmentaient. Ce constat pourrait être également la conséquence de l’évolution de la microstructure de dislocations avec une répartition qui tendrait à augmenter nettement la quantité de dislocations enchevêtrées (déjà bloquées mais néanmoins certainement susceptibles d’accueillir une atmosphère) avec le taux d’écrouissage. Enfin, si les effets du carbone et l’azote ont été estimés similaires, il semblerait que l’azote soit légèrement moins efficace que le carbone. Cette moindre efficacité serait en fait due à un adoucissement plus important de la matrice lorsque l’azote la quitte pour former des atmosphères. Dans l’état des connaissances, ces résultats sont pour le moins surprenants et plus surprenants encore sont les résultats qui concernent la quantité d’interstitiels pouvant être ségrégée. En effet il est apparu que pour un taux d’écrouissage donné, et donc a priori pour une densité de dislocations donnée, c’est une fraction donnée des interstitiels initialement libres qui ségrège et non une quantité fixée. La densité d’interstitiels autours des dislocations au terme du vieillissement serait donc fonction de la quantité d’interstitiels initialement libres 227 et la notion de densité à saturation des atmosphères paraît être à rediscuter. A un mécanisme de saturation des atmosphères, ceci nous a amené à préférer l’installation d’un équilibre thermodynamique conduisant à une redistribution des interstitiels entre des sites "normaux" (sites octaédriques dans la matrice), des sites autours des dislocations (atmosphère) et des sites autours d’atomes en substitutions dans la matrice, ces derniers étant énergétiquement plus favorables que les sites normaux mais moins que les atmosphères. Ceci nous paraissant à rapprocher de l’hypothèse précédemment émise et concernant la population des atomes de carbone libre mais néanmoins invisible au frottement interne. La suite de nos travaux a consisté en l’étude des conséquences de la redéformation d’un acier ULC déjà préalablement déformé et vieilli. Cette situation se rencontre effectivement en pratique soit à la mise en forme (nous avons vu que l’acier livré au client est déjà déformé par laminage et vieilli lors des traitements de revêtement) soit dans un procédé de Double Réduction (DR) en 2 passes qui consiste à laminer l’acier en 2 fois avec un traitement intermédiaire de vieillissement. A l’aide de l’utilisation d’une représentation qui met en relation le PTE et la dureté (diagramme PTE-dureté), nous avons montré que lors de la nouvelle déformation, une importante quantité d’interstitiels initialement ségrégée autour des dislocations était rapidement remise en solution. Une analyse graphique et analytique faisant l'hypothèse que les variations de PTE et de dureté de l’acier peuvent être considérées comme résultant de la somme des contributions élémentaires de chaque défaut (interstitiels en solution, dislocations) nous a permis de proposer une interprétation simple des mécanismes microstructuraux en jeux et d’expliquer le gain de résistance mécanique constaté en DR en 2 passes par rapport à un procédé en 1 passe pour un taux de déformation final donné. Il s’agirait d’une consolidation supplémentaire de l’acier due à la présence de plus de dislocations après une DR en 2 passes. Dans cette étude, les faits expérimentaux qui ont été mis en évidence, notamment par la mesure du pouvoir thermoélectrique, ne semblent pas pouvoir être expliqués simplement avec les théories admises sur les mécanismes du vieillissement. Nous avons montré par exemple que l’idée de la saturation des atmosphères pour justifier de l'existence de stades durant l’évolution du vieillissement ne pouvait plus être envisagée si on acceptait que la densité des atmosphères était fonction de la quantité d’interstitiels initialement en solution. L’hypothèse qui a été avancée pour justifier une bonne partie des résultats expérimentaux tient essentiellement dans l’existence d’interactions entre les éléments interstitiels et des atomes en substitutions dans la matrice. Quelle que soit la nature de ces interactions (chimique, élastique …), elles devraient avoir un impact sur les propriétés de vieillissement 228 de l’acier et pourraient sans doute permettre de les optimiser. Des études tant théoriques qu'expérimentales sembleraient donc intéressantes d'être poursuivies dans ce domaine D’un point de vue pratique, cette étude a permis de mettre en évidence les potentialités de la mesure du PTE pour l’étude du vieillissement. Cette technique est apparue complémentaire aux techniques habituellement utilisées (mesures du BH et de l’Aging Index) voir plus avantageuse (mesures de frottement interne ou de résistivité électrique). Enfin la sensibilité du pouvoir thermoélectrique aux défauts de la matrice et la possibilité de les quantifier devrait aussi pouvoir être utilisée pour aborder les problèmes de vieillissement dans les aciers multiphasés mais aussi pour entreprendre des études sortant du contexte du vieillissement et de la précipitation comme par exemple l’étude de l’écrouissage et des phénomènes de restauration–recristallisation en fonction des états microstructuraux des aciers issus du laminage à chaud. 229 Références bibliographiques ABE81 H. ABE, T. SUZUKI et J.J. LAVIGNE, Dissociation and Dissolution of Cementite in Low-Carbon Steel by Rolling and Annealing, Trans. ISIJ, 1981, 21, pp. 332-337 ABE82 H. ABE, T. SUZUKI et T. 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Correction en fréquence des spectres de frottement interne. Dans la thèse, nous proposons d’isoler les contributions du carbone et de l’azote d’un spectre de frottement interne en réalisant ce que nous appelons une « déconvolution métallurgique ». Il s’agit en fait d’effectuer une opération de soustraction entre 2 spectres de frottement interne mesurés sur l’acier dans différents états choisis. Cette méthode est plus détaillée au chapitre IV. Néanmoins, pour parvenir à ce résultat, il est impératif que les maxima pics de Snoek soit tous à la même position pour les différents spectres. Or c’est la dimension des échantillons ou plutôt leur rigidité, qui conditionne la fréquence d’oscillation du pendule dont dépend la position des maxima. Pour parvenir à ramener les maxima à une position précise, par exemple celles qu’ils occuperaient à une fréquence de 1 Hz, nous proposons de transposer les spectres à cette fréquence de référence en utilisant une relation qui peut être tirée des expressions (III-2) et (III-8) 1 1 R = + . ln(ν ) T Tν ∆H où T est la température corrigée à 1 Hz du frottement interne mesuré à Tν pour une fréquence d’oscillation du pendule ν. Dans le cas d'un spectre composé de plusieurs pics, il n'est pas possible de corriger chaque composante avec ses paramètres thermodynamiques propres. Aussi, on choisi de corriger tout le spectre en prenant une énergie d'activation moyenne que l'on prend égale à 0.80 eV. En pratiquant ainsi, on introduit inexorablement une distorsion du spectre qui tout calcul fait est de l'ordre de l'incertitude de la mesure de température (inférieure à +/-1°C) si on se limite à des fréquences de mesure comprises entre 0,5 et 2 Hz ce qui est le cas en pratique. Dans Figure 42, sont illustrés les spectres de frottement interne obtenus à différentes fréquences pour un acier ne contenant que du carbone en solution (~ 70 ppm). Ils sont représentés avec la température mesurée brute, la température corrigée (Des campagnes d’étalonnage ont été effectuées afin de connaître la relation entre la température mesurée, 239 au niveau du mors inférieur et celle réelle de l’échantillon) et enfin sont transposés à 1 Hz. On voit que finalement, les 3 courbes transposées ont leurs maxima situés entre 312 et 313 K (39°C et 40°C), ce qui correspond aux valeurs données dans la littérature. δ 0.014 0.012 0.010 0.008 a 0.006 0.004 0.002 0,9 Hz 1,4 Hz 2,5 Hz 0.000 0.014 0.012 0.010 b 0.008 0.006 0.004 0.002 0.000 0.014 0.012 0.010 0.008 c 0.006 0.004 0.002 0.000 280 285 290 295 300 305 310 315 320 325 330 335 340 Température en °C Figure 42 : Spectres de frottement interne sur un acier à 6,7.10-3% de carbone, traité 1 mn à 545°C. (a) Température brute, (b) Température corrigée, (c) Spectres transposés à 1Hz. La méthode de transpositions des spectres à 1 Hz donne donc satisfaction sur un cas simple. Dans le chapitre IV, on montre qu’elle permet des opérations entre spectres. Echantillon en lame mince : conséquence d'une hétérogénéité 240 Dans le cas de tôles minces, les échantillons de frottement interne se présentent sous la forme de plaquettes. La déformation en torsion dans les plaquettes n’étant pas uniforme en épaisseur, il est intéressant d’étudier les conséquences sur la mesure de frottement interne. Considérons une lame mince dont la tranche est représentée sur Figure 43, de longueur L, de largeur l et d’épaisseur e. On y définit deux zones 1 et 2, la zone 1 représentant le volume superficiel de la lame, la zone 2, le reste du volume. L’amortissement dans la zone 1 est égal à β fois celui de la zone 2, δ. Notons que dans notre exemple, la capacité d’amortissement est homogène dans le volume de l’échantillon et qu’elle n’est pas fonction du niveau de déformation. Sur la Figure 43, n’est représentée qu’une moitié de la lame qui suffit à notre propos, le problème étant symétrique. x W1 δ1=β.δ e/2 W2 δ2=δ z/2 O Figure 43 : Tranche d’un échantillon sous la forme d’une lame mince où W1 et W2 sont respectivement les énergies emmagasinées dans la partie 1 et 2 de la lame Si on écrit le frottement interne de l’échantillon en terme d’énergie perdue dans chaque zone de la lame on obtient : 1 ∆W1 + ∆W2 2 W1 + W2 δ= . où ∆Wi est l’énergie perdue, égale à 2.δ.Wi et Wi l’énergie emmagasinée dans la zone i de volume Vi=L.l.ei et qui s’écrit : 1 Wi = ∫ .G. ε 2 .dVi 2 V G étant le module de cisaillement et ε la déformation qui peut s’écrire ε = l’angle de torsion par unité de longueur. On se retrouve avec : ⎛α⎞ W1 = 2. L. l. G.⎜ ⎟ ⎝ 2⎠ 2 e/2 ⎛α⎞ W2 = 2. L. l. G.⎜ ⎟ ⎝ 2⎠ 2 z/2 ∫ x dx = A.(e 2 3 z/2 ∫ x dx = A.z 2 3 0 et comme ∆W=2.δ.W, on obtient : − z3 ) α 2 . e où α est 241 ∆W1 β . W1 β .(e 3 − z 3 ) = = ∆W1 + ∆W2 β . W1 + ∆W2 β .( e 3 − z 3 ) + z 3 On introduit maintenant f = e−z qui peut être assimilée à la fraction volumique de la e zone en surface. L’équation précédente devient : [ ] β . 1 − (1 − f ) ∆W1 ∆W1 = = ∆W1 + ∆W2 ∆Wtotale (1 − f 3 ) + β . 1 − (1 − f ) 3 3 [ ] Sur la Figure 44, est représentée la fonction tirée de l'équation ci-dessus en fonction de f pour différentes valeurs de β. Il est clair qu’à fraction volumique équivalente, la zone de surface contribue plus au frottement interne total que la zone à cœur. Ainsi, lorsque la capacité d’amortissement est homogène dans tout le matériau, la moitié du volume total de l’éprouvette en surface contribue à environ 80% du frottement total mesuré. Cet effet est beaucoup plus marqué lorsque la capacité d’amortissement en surface est plus importante que celle à cœur. 1.0 ∆ W 1/∆ W totale 0.8 0.6 β =0.01 β =0.1 0.4 β =1 β =10 β =100 0.2 0.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 f, fraction volum ique en surface Figure 44 : Courbes représentant la contribution relative du frottement interne de la zone en surface sur le frottement interne total pour différentes valeur de β. β exprime le rapport entre la capacité d’amortissement de la zone de surface et de la zone à cœur. Il est maintenant intéressant de tirer les conséquences de cet effet sur le frottement interne totale. Ainsi on peut écrire : δmesuré = soit : 1 ∆W1 + ∆W2 β . δ *W1 + δ * . W2 3 . = = δ * . β + (1 − f ) . (1 − β ) W1 + W2 2 W1 + W2 [ ] 242 δ* δmesuré = 1 β + ( 1 − f ) .( 1 − β ) 3 où δ* est le frottement interne « vrai » si l’on considère que le frottement interne en surface est anormal. Sur la Figure 45, sont représentées deux courbes tirées de l'équation du dessus pour f = 0,1 et f = 0,2; soit pour une zone de surface représentant respectivement une fraction de 10 et 20% du volume total de l’échantillon. Il apparaît que l’on peut s’attendre à une erreur de 10 % sur la valeur de δ si la capacité d’amortissement des 10 premiers % de la surface de l’échantillon est seulement 5% plus importante ou 30% moins importante que la capacité d’amortissement du reste de l’échantillon. Notons que pour des lames de 0,6mm (échantillons tôle à chaud) ou 0,2mm (échantillons tôle à froid), 10% de l’épaisseur représentent respectivement 30 et 10µm. Tous ces effets seraient accentués dans le cas d’échantillons de formes cylindriques. δ /δ mesuré * 2.0 1.8 1.6 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 f=0,1 0.4 f=0,2 0.2 0.0 0.01 0.1 1 10 100 β Figure 45 : Rapport du frottement interne « vrai » sur le frottement interne mesuré pour différentes valeurs de β. Les droites en pointillés représentent une variation de ±10% entre la valeur de frottement interne « vrai » et mesuré. Il semble donc que pour prétendre mesurer le frottement interne d’une lame, on doit s’assurer de l’homogénéité de l’échantillon. Dans le cas d’une lame issue de la rectification d’une tôle à chaud, il est nécessaire de polir chimiquement la zone superficielle, écrouie, qui présente une microstructure différente. Un polissage chimique est également requis lorsque l’échantillon a été traité thermiquement, et qu’une couche d’oxyde s’est développée en surface. La propreté de l’échantillon est également importante. Il faut s’assurer de l’absence de graisse (traces de doigts) et d’eau qui se transformerait en glace aux basses 243 températures et entraînerait un frottement interne important. Le spectre de frottement interne d’un échantillon skin passé (0,5 à 2 % d’allongement par laminage) qui présente une hétérogénéité dans l’épaisseur (zone déformée par cisaillement en surface) est donc plus représentatif de la surface déformée (vu par Soler [SOL98]). De la même manière, un échantillon traité en four ou bain, et dénaturé en surface (décarburé, carburé, nitruré …), présentera également un spectre de frottement interne représentatif de sa surface. Pour toutes ces considérations, nous avons pris un soin particulier à la réalisation et aux traitements des éprouvettes de frottement interne. 244 ANNEXE 2 Descriptif du calcul du coefficient Kδ à partir de mesures en diffraction X. Tout le calcul et la syntaxe décris ici sont amplement inspirés des travaux de Eloot et al. [ELO97a] bien que complétés en ce qui concerne lé direction de prélèvement dans le plan de la tôle. Notons que si ces auteurs donnent le détail du calcul, ils ne calculent pas le facteur Kd à partir de données compètes de FDO mais seulement pour des orientations standards. Les mesures de diffraction X et le calcul des figures de pôles ont été réalisés au Ledepp. Les données sont ensuite traitées mathématiquement afin d'obtenir un fichier de fonction de distribution des orientations (FDO) qui se présente sous la forme d'intensité d'orientation dans l'espace d'Euler et donc en fonction des angles ϕ1, φ et ϕ2. Chaque intensité est relative à un poids de l'orientation moyenne de l'échantillon analysé, on l'écrit sous la forme FDO(ϕ1,φ,ϕ2). A chaque orientation on peut calculer une valeur de Kδ (mode d’oscillation en torsion) à partir de l'expression : Λ.v 0 Γ 2 . .( λ 1 − λ 2 ) 2 (1) K δ = π. . 1 k.T 3 (S1212 + 4.(S1111 − S1122 − .S1212 ).Γ ) 2 que l'on écrira Kδ(ϕ1,φ,ϕ2). On peut alors calculer un coefficient Kδ moyen qui s'exprime par Kδ = 1 . FDO(ϕ1, φ, ϕ 2 ).K δ (ϕ1, φ, ϕ 2 ).dΩ V Ω ∫ (2) où l'intégrale est calculée dans l'espace d'Euler Ω sur un volume V. Pour calculer Kδ(ϕ1,φ,ϕ2), on doit d'abord connaître la valeurs des différents paramètres compris dans l'équation (1) et notamment Γ. Le facteur d'orientation du coefficient Kδ s'exprime par Γ = γ 12 .γ 22 + γ 22 .γ 32 + γ 32 γ 12 avec γ1, γ2 et γ3 qui sont les cosinus directeurs de la contrainte appliquée par rapport aux axes cristallographiques de la maille. γ1, γ2 et γ3 peuvent s'exprimer par : ⎛ γ1 ⎞ ⎛ χ1 ⎞ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ γ 2 ⎟ = a i, j .⎜ χ 2 ⎟ ⎜γ ⎟ ⎜χ ⎟ ⎝ 3⎠ ⎝ 3⎠ 245 avec χ1, χ2 et χ3 les cosinus directeurs entre le vecteur de contrainte et l'axe de l'échantillon et : a i, j ⎛ cos ϕ 1 .cos ϕ 2 ⎜ ⎜ − sin ϕ 1 .sin ϕ 2 .cos φ ⎜ − cos ϕ 1 .sin ϕ 2 =⎜ − sin ϕ1 .cos ϕ 2 .cos φ ⎜ sin ϕ 1 sin φ ⎜ ⎜ ⎝ sin ϕ 1 .cos ϕ 2 ⎞ sin ϕ 2 sin φ ⎟ + cos ϕ 1 .sin ϕ 2 .cos φ ⎟ − sin ϕ1 .sin ϕ 2 ⎟ cos ϕ 2 sin φ ⎟ + cos ϕ 1 .cos ϕ 2 .cos φ ⎟ − cos ϕ 1 sin φ cos φ ⎟ ⎟ ⎠ la matrice de rotation dans l'espace d'Euler. Dans le cas où les échantillons de frottement interne se présentent sous la forme de lames minces prélevées dans le plan d'une tôle suivant une direction α avec la direction de laminage, on peut écrire que: ⎛ χ 1 ⎞ ⎛ cos α ⎞ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ χ 2 ⎟ = ⎜ sin α ⎟ ⎜ χ ⎟ ⎜0 ⎟ ⎝ 3⎠ ⎝ ⎠ Nous sommes maintenant capables de calculer le facteur Γ pour une orientation de l'espace d'Euler et une direction de prélèvement données. Nous avons développé une application informatique qui permet le calcul de K δ à partir des fichiers de FDO donnés par le Ledepp. Le logiciel calcule K δ pour différente direction de prélèvement faisant un angle α avec la direction de laminage. On les écrira K δ ( α ) . En fait, les FDO expérimentales sont sous la forme de valeurs discrètes, et l'intégrale de l'équation (2) devient une somme de valeurs discrètes. Les valeurs des paramètres de l'équation (1) utilisés pour le calcul du K δ (α ) sont données dans le tableau suivant, elles sont tirées de Eloot et al. [ELO97a]. Unité Pour le carbone -1 11 0.772 -1 11 -0.283 -1 11 0.871 S1111 Pa x10 S1122 Pa x10 S1212 Pa x10 λ1-λ2 - Λ - Tmax (1Hz) V0 0.87 -2 4.65.10 K 3 313 29 m x10 1.17 En pratique, on détermine la FDO de chacune des faces des échantillons. Le K δ (α ) final sera la moyenne de ceux de chaque face. 246 ANNEXE 3 Modélisation de la ségrégation du carbone aux joints de grains Cinétique de la ségrégation Le modèle développé ici s’appuie sur les équations analytiques de la loi de Fick résolues en coordonnées sphériques et dont le calcul est détaillé dans par Carslaw et Jaegger12. Le système est composé d’un grain sphérique de diamètre 2.d dont la concentration en carbone initiale, CO, est homogène. La surface de la sphère représente le joint dans lequel il n’y a pas de carbone à l’état initial. Au temps t et à une distance r du centre du grain, la concentration est C(r,t). L’intégration sur r de C(r,t) au temps t donne la concentration moyenne Cm(t) : r⎞ ⎛ sin⎜ π.n. ⎟ 2 ⎡ ⎤ d⎠ ⎛ n⎞ C(r, t ) = 2.C O . ( −1)n+1. exp⎢− ⎜ π. ⎟ .D.t ⎥. ⎝ ⎢⎣ ⎝ d ⎠ ⎥⎦ ⎛⎜ π.n. r ⎞⎟ n=1 d⎠ ⎝ ∞ ∑ Cm( t ) = ⎡ ⎛ n.π ⎞ 2 ⎤⎤ 6.C O ⎡ ∞ 1 ⎢ − . D . t . exp . ⎢ ⎥⎥ ⎟ ⎜ π 2 ⎢⎣ n=1 n 2 ⎢⎣ ⎝ d ⎠ ⎥⎦ ⎥⎦ ∑ avec D le coefficient de diffusion du carbone dans le fer alpha : ⎛ 84000 ⎞ 2 −1 D = 2.10 −6. exp⎜ ⎟(m .s ) ⎝ R.T ⎠ t=0 d t>0 ,t) C(r C0 r Figure 46 : Schéma du grain sphérique et des conditions initiales à t = 0. 12 CARSLAW H.S., JAEGER J. C.,Conduction of heat in solids, Oxford : Clarendon Press, 1959 , 510 p. 247 Temps de formation d’une fraction Xb de monocouche Pour prendre en compte la saturation du joint de grain, on considère que ce dernier sature pour une quantité de carbone ségrégé formant une fraction Xb de monocouche (cette fraction de monocouche peut être traduite en quantité de carbone ségrégé). La fraction de monocouche est le rapport entre la quantité d’atome de carbone effectivement ségrégé et le nombre de site de ségrégation pour former une monocouche. Le nombre de site est pris comme étant la surface du joint divisée par la surface apparente d’un site pris égale à la surface d’une face de la maille cubique centré du fer (densité de site aux joints = 1/a2 avec a = 0,286 nm). En calculant le flux de matière au travers de l’interface (le joint de grains) on remonte à la quantité de carbone ségrégé. Un processus itératif arrête le calcul lorsque la fraction Xb a atteint une valeur préalablement choisie. On a alors accès au temps nécessaire à la formation de la fraction Xb de monocouche à une température, une concentration de carbone initial et une taille de grain données (Tableau V-2). Ségrégation d’équilibre La ségrégation d’équilibre est calculée à partir d’une expression tirée des travaux de McLean qui considère la diminution de l’énergie libre d’une solution binaire idéal (sans interaction chimique avec entre les deux éléments) lorsque celle ci contient des sites perturbés (les sites intergranulaires) dans lesquels le soluté à une énergie moindre que dans un site normal (intragranulaire) [McL57]. Si on appelle Xc la fraction molaire de soluté, Xb la concentration aux joints de grains exprimée en fraction de monocouche et ∆G l’énergie libre de ségrégation, on obtient : Xb Xc ⎛ − ∆G ⎞ = . exp⎜ ⎟ 1 − Xb 1 − Xc ⎝ k.T ⎠ qui s’écrit quand Xc << 1 : ⎛ − ∆G ⎞ Xc. exp⎜ ⎟ k.T ⎠ ⎝ Xb = ⎛ ⎛ − ∆G ⎞ ⎞ ⎜⎜1 + Xc. exp⎜ ⎟ ⎟⎟ ⎝ k.T ⎠ ⎠ ⎝ Si l’énergie de ségrégation du carbone est constante, Xb ne dépend que de la concentration en soluté. Dans la littérature, on trouve ∆G ≈ - 0,5 eV ≈ - 50 kJ/mol. 248 ANNEXE 4 Calcul des cinétiques théoriques de ségrégation des interstitiels sur les dislocations Cinétique simulée Les cinétiques de vieillissement sont calculées à partir de l’expression de Cottrell-Harper vu au chapitre II : 1 2 ⎡ π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞ 3 ⎤ ⎛ q = 1 − exp⎢− 2.Λ.⎜ ⎟ .⎜ ⎟ ⎥ 2 ⎠ ⎝ k.T ⎠ ⎥ ⎢ ⎝ ⎣ ⎦ où q est la fraction d’atomes interstitiels (carbone ou azote) ayant ségrégés sur les dislocations à la température T et au temps t. Nous avons aménager cette expression afin d’obtenir des cinétiques théoriques de variation du PTE dans le cas ou du carbone et de l’azote sont présents simultanément en solution. Cette expression s’écrit : Q(C / N, t ) = C.PC .q C + N.PN .qN C.PC + N.PN où qC et qN sont les cinétiques théoriques de la ségrégation du carbone et de l’azote (coefficient de diffusion donnée dans le chapitre II, A = 1,5.10-29 N.mm2, Λ = 5.1015 m-2, T = 70 °C) ; C et N sont les fractions respectives de C et N en solution avec C + N = 1 et PC et PN sont les coefficients d’influence de chaque espèce sur le PTE. Des cinétiques ainsi calculées sont données dans le chapitre VI (ex : Figure VI-3). Pour le calcul, on prend : ⎛ 84000 ⎞ 2 −1 D C = 2.10 − 6 . exp⎜ ⎟(m .s ) ⎝ R.T ⎠ ⎛ 76100 ⎞ 2 −1 D N = 3.10 −7 . exp⎜ ⎟(m .s ) ⎝ R.T ⎠ [WER50] Equivalence temps température [HUN54] De l’expression de q on peut tirer que pour un degré de vieillissement donné (une valeur de q) à deux températures différentes, T1 et T2, il existe une relation permettant de retrouver les temps de vieillissement équivalents t1 et t2. En effet on peut écrire : 249 D1.t 1 D 2 .t 2 = T1 T2 avec ⎛ −E ⎞ ⎟⎟ D i = D 0 . exp⎜⎜ ⎝ k.Ti ⎠ ce qui conduit à : ⎛t ⎞ ⎛T ⎞ E ⎛ 1 1⎞ − ⎟⎟ log⎜⎜ 2 ⎟⎟ = log⎜⎜ 2 ⎟⎟ + .⎜⎜ ⎝ t1 ⎠ ⎝ T1 ⎠ 2,3.k ⎝ T2 T1 ⎠ soit encore : ⎛T ⎞ E ⎛ 1 1⎞ − ⎟⎟ log(t 2 ) = log( t 1 ) + log⎜⎜ 2 ⎟⎟ + .⎜⎜ ⎝ T1 ⎠ 2,3.k ⎝ T2 T1 ⎠ le temps t2 pour lequel l’avancement de la réaction est équivalent au temps t1 à la température T1. 250 ANNEXE 5 Description du principe de la sonde atomique tomographique du GMP de Rouen (extrait du rapport de DEA de N. Lavaire de 1997) VII. La microscopie ionique Inventée par E.W. Müller en 1951 [MUL51], la microscopie ionique permet d’observer les positions atomiques à la surface d’un matériau mis sous forme de pointe très fine. Elle repose sur l’ionisation et l’évaporation par effet de champ. VII.A. Principe L’échantillon est mis sous la forme d’une pointe ayant un faible rayon de courbure (R = 30-50 nm). Placé sous vide et porté à basse température (20 - 80K), il est porté à un potentiel positif en présence d’un gaz rare appelé gaz image. Le champ électrique à la surface de la pointe s’écrit sous la forme : E = V , où β est un βR facteur de forme lié à l’échantillon. Le gaz rare, introduit dans l’enceinte sous une pression de quelques 10-3 Pa, vient s’ioniser à la surface de la pointe. Les ions formés sont accélérés sous l’effet du champ électrique jusqu’à un système de visualisation. Une image ionique de la surface de l’échantillon est formée sur l’écran par l’impact des ions gazeux issus des différents sites atomiques de l’échantillon. 251 échantillon pinceaux d'ions P écran R +V - + atome de gaz polarisé Figure 47: Schéma de principe de la microscopie ionique. Pour un échantillon cristallin, l’intersection des plans réticulaires avec la surface hémisphérique de l’extrémité de la pointe crée des terrasses qui vont moduler localement le champ électrique. Sur ces sites particuliers, l’ionisation des atomes de gaz est plus importante. On observe alors sur l’image ionique, un contraste de pôle, en cercles concentriques, par l’empilement des plans selon les différentes directions cristallographiques. VII.B. Grandissement Le microscope ionique est un microscope à projection. Ses caractéristiques tel que le grandissement dépendent de la forme de l’échantillon. Le grandissement G est donné par la relation: G= T ( m + 1) R où T est la distance pointe-écran, m est un paramètre définissant la position du point de projection du microscope. La projection est de type stéréographique (un point commun de projection). 252 SA écran échantillon SD P (m+1)R T Figure 48: Microscope à projection. VIII. La sonde atomique VIII.A. Présentation La sonde atomique est née lorsque E.W. Müller eut l’idée d’associer un spectromètre de masse à temps vol à un microscope ionique [MUL68]. échantillon détecteur t3 t2 +V t=0 ns Figure 49: Schéma de principe de la sonde atomique. t1 253 La figure représente le schéma de principe de la sonde atomique. Les atomes de la pointe sont évaporés par effet de champ à un instant connu (impulsion du champ électrique) , volent jusqu’à un détecteur situé à une distance T de l’échantillon. L’énergie cinétique acquise par l’ion n fois chargé est égale à son énergie potentielle de départ. Dans l’hypothèse où l’ion acquiert son énergie pendant une durée négligeable devant celle de son temps vol tv, sa vitesse v est considérée constante, ce qui permet d’en déduire la nature de l’ion évaporé en calculant le rapport de la masse atomique sur son état de charge n par la relation : M t 2v = 2eV 2 n T avec M la masse atomique de l’ion évaporé V le potentiel de la pointe égal à V0+Vp où V0 est la tension continue et Vp la fraction d’impulsion nécessaire à l’évaporation des atomes. et e la charge élémentaire. Pour mesurer tv, il faut connaître précisément l’instant où l’atome quitte la pointe. Pour ce faire, on applique un potentiel continue V0 à la pointe ainsi que de brèves impulsions Vp=x%V0 (temps de montée < 1 ns, largeur mi-hauteur 8 ns). L’évaporation des atomes de la pointe et l’ouverture du compteur rapide est ainsi quasi simultanées sur chacun des pulses. VIII.B. Résolution spatiale et profondeur d’analyse La résolution latérale est définie par le diamètre de la surface d’analyse. La projection du détecteur sur l’échantillon détermine la surface d’analyse Sa. SA = (m + 1)2 R2 SD T2 où SD est la surface du détecteur. Dans un métal, le champ électrique est écranté sur 0,5 Å. Seuls les atomes de la surface peuvent s’évaporer. Si on se place sur un plan, on évapore les atomes plan par plan. La résolution en profondeur atteint ainsi une distance réticulaire. 254 IX. La sonde atomique tomographique IX.A. Présentation La sonde atomique tomographique, développée à l’Université de Rouen [DEC93][BLA93], permet la reconstruction en trois dimensions d’un élément de volume de matière analysée. C’est en fait une sonde classique dotée d’un détecteur spatiale permettant d’une part de l’identification et d’autre part la localisation d’un impact sur le détecteur. Les atomes évaporés de la pointe sont toujours identifiés par spectrométrie de masse à temps de vol. Leurs positions latérales (x,y) sont calculées à partir des coordonnées de leurs points d’impact sur le multidétecteur spatial. Le multidétecteur est constitué d’une série de galettes de microcanaux et d’une multianode (Damier de 10x10 anodes). Chaque ion évaporé et frappant les galettes de microcanaux crée une gerbe d’électrons qui irradie une surface équivalente à quelques anodes du détecteur. La position d’un impact est déduite du calcul par le barycentre des charges créées par la gerbe d’électrons. L’investigation en profondeur permet ainsi la reconstruction complète du volume évaporé après calcul des positions (x,y,z). 255 détecteur spatial t3 échantillon t2 t1 ns Figure 50: Schéma de principe de la sonde atomique tomographique. IX.B. Résolution des images tridimensionnelles IX.B.1. Résolution spatiale latérale Intrinsèquement, la résolution latérale du multidétecteur est inférieure à 0.5 mm ce qui conduit à une résolution voisine de 0.1 nm à la surface de la pointe [DEC93]. En fait, les aberrations de trajectoire ionique, dues au processus d’évaporation par effet de champ, limitent la résolution latérale de la sonde atomique tomographique. Ces aberrations sont estimées à quelques dixièmes de nanomètres. Malgré une résolution de l’ordre des dimensions de la maille cristalline, on ne peut reconstruire le cristal. En effet, il a été montré [DEC93] qu’une imprécision latérale de 0.2 nm suffisait à brouiller complètement l’image cristalline. De plus, de par son rendement de détection d’environ 50%, la sonde ne permet de visualiser qu’un atome sur deux. IX.B.2. Résolution en profondeur Elle est équivalente à celle de la sonde classique de sorte que si l’analyse a lieu prés d’un bord de plan, elle est égale à la distance réticulaire. 256 IX.C. Artefacts et limite de la sonde atomique et SAT Différents artefacts introduisent des erreurs systématiques dans la traduction quantitative des mesures. Ce sont le masquage isotopique, l’évaporation ou la rétention préférentielles, les recouvrements spatiaux. IX.C.1. Le masquage isotopique Lorsque deux ions de même rapport M/n quitte la pointe sur la même impulsion, ils peuvent être détectés comme un seul événement. Dans le cas d’un alliage où un élément est fortement majoritaire, cet élément sera plus sujet à ce type d’artefact. On aura alors un déficit de détection de cet élément et donc un déficit de concentration. La SAT, dotée un détecteur bi-dimensionnelle souffre moins de ce problème car deux atomes de même rapport masse sur charge sont discriminés par leurs positions relatives. Il subsiste toutefois des cas où les deux atomes arrivent sur le détecteur dans un environnement proche et peuvent être confondu, c’est le recouvrement spatial. IX.C.2. L’évaporation préférentielle Si deux éléments A et B présentent des champs d’évaporation significativement différents, l’élément présentant le champ d ’évaporation le plus faible peut s’évaporer hors d’une impulsion et arrivé sur le détecteur en dehors de la fenêtre d’ouverture des compteurs. L’atome n’est pas détecté. La fraction d’impulsion et la température de l’échantillon sont les deux principaux facteurs sur lesquels l’expérimentateur peut agir en vue de contrôler cet effet. IX.C.3. La rétention préférentielle Dans ce cas, toutes les espèces chimiques sont stables sous le champ continu, cependant la fraction d’impulsion n’est pas assez importante pour évaporer une espèce chimique donnée. Ce phénomène n’entraîne pas la non-détectabilité d’un élément considéré. Mais l’élément s’évaporera en retard, lorsque le rayon de courbure local aura augmenté. Ceci biaisera les mesures de concentrations des plans atomiques. 257 IX.C.4. Les recouvrements spatiaux (Uniquement SAT) Les ions arrivant sur le détecteur provoquent des gerbes d’électrons qui irradient la surface de la multianode sur plusieurs anodes. Le point d’impact est assimilé au barycentre de la distribution des charges. Si deux ions de même rapport masse sur charge quittent la pointe sur la même impulsion et arrivent sur le détecteur dans un environnement proche, les figures de charges associées à chaque ion se recouvrent. Dans ce cas, les deux impacts ne peuvent être différenciés et les deux ions sont comptés comme un seul événement. A B Figure 51: Cas A, la position de l’impact ne peut être déterminée. Cas B, recouvrement spatial, les deux ions, sont comptés comme un seul événement. Ce type de figure de charge, créée par deux ou plusieurs gerbes d’électrons qui se recouvrent, possède en général une taille plus grande que celle issue d’un impact seul. On peut alors les distinguer et ne pas les prendre en compte dans le processus de reconstruction 3D. Références [BLA86] D. BLAVETTE, Thèse de doctorat, Université de Rouen (1986) [BLA93] D. BLAVETTE et al. ; Rev. Sci.. Instr, p2911 (1993) [DEC93] B. DECONIHOUT, Thèse de doctorat, Université de Rouen (1993) [MUL51] E.W. MÜLLER ; Z. Physik ; 131, 136 [1951] [MUL68] E.W. MÜLLER ; J.A. PANITZ, S.B. Mc LANE ; Rev. Phys. Instr. ; 39, 83 (1968)