LA CONNAISANCE N’EST PAS CONNAÎTRE L’EXISTENCE DE… MAIS COMPRENDRE LES MECANISMES DE… LES ASPECTS CACHÉS DE LA COULEUR On porte à tort un intérêt démesuré à l’enseignement du savoir global au détriment de la compréhension. En effet, la culture scientifique, liée à des expressions mathématiques, repose souvent sur des idées qui sont en rapport avec une réalité dont on ignore l’origine fondamentale réelle. Prenons le cas de la couleur, caractéristique physique saisissable de tout ce qui nous entoure, saisissable au point d’être l’objet dominant que nous considérons dans nos observations. Nous verrons que si la couleur constitue une caractéristique qui nous paraît essentielle dans un objet, elle n’en est pas moins un simple accident. Profitons de cette opportunité pour glisser dans notre propos, de façon totalement simple et ludique, deux notions philosophiques essentielles, la notion de substance et d’accident. C’est ce que nous allons développer ici. Une question fondamentale de la philosophie et de la physique concerne la nature de la substance dont tout est issue. De quelle nature, de quel système nous vient l’existant, qu’il soit inerte ou vivant ? Quelles sont les forces mises en jeu pour que d’une substance unique, il soit généré une multitude de mondes sensibles. Nous ne traiterons pas ce sujet ici. Mais on peut penser d’ores et déjà, comme je l’ai exposé dans « La Théorie du Tout » que cette substance est composée d’une énergie hypostasiée chargée de la totalité de l’information, attribuant à cette énergie une autonomie totale, capable d’auto générer tout l’existant. Pour donner une image simple du concept de substance, prenons un objet courant de notre univers, par exemple une bouteille. Cet objet peut être fabriqué en divers matériaux, en verre, en terre, en métal, en matière synthétique etc…, et quelle qu’en soit sa couleur, cet objet reste toujours une bouteille. L’attribut le plus élevé de cet objet est donc sa forme qui fait que l’objet est ce qu’il est, une bouteille. Tous les autres attributs tels que la matière et sa couleur sont des accidents de sa forme. La couleur et la matière ne font pas la bouteille. Ainsi, on dit que la forme est substantielle, c’est l’attribut le plus élevé de l’objet en question. Nous ne nous étendrons pas non plus sur l’énergie primordiale mais, avec l’avènement de la physique quantique, il apparaît que le concept d’énergie est si net qu’on doit le mettre au rang des concepts fondamentaux en lui donnant un entier statut scientifique. L’être est énergie, la matière est énergie. L’énergie est le support de tout, derrière laquelle il n’y a plus rien. L’énergie primordiale et substantielle. Quelle est la couleur d’un atome ? Comment la couleur se crée-t-elle ? Dans les années 1950, P. Cotton et P. Rouard ont publié des articles sur les propriétés des lames minces transparentes, dans des épaisseurs de l’ordre du diamètre atomique ou moléculaire jusqu’à quelques microns. Ils ont montré que les propriétés des corps en lames minces sont différentes des propriétés du même corps pris à l’état massif. Les lames minces n’ont pas une couleur bien définie. Leurs travaux montrent que la couleur est liée à l’épaisseur de la matière, c’est un phénomène associé à l’étendue matérielle. La couleur résulte de phénomènes d’absorption et de réflexion de la lumière avec laquelle on éclaire l’objet. Nous venons de le voir, la forme est substantielle, la couleur en est un accident. Il existe une rupture entre la connaissance commune et la connaissance scientifique. Pour s’en convaincre, prenons l’exemple bien connu de l’or qui présente la couleur jaune. Sous la forme d’une feuille suffisamment mince, ce matériau ne présente plus son aspect opaque à la lumière, il laisse passer une lumière verte tout en présentant une couleur jaune par réflexion. La couleur observée par transparence à travers une lame de ce métal est liée à son épaisseur. Plus précisément, par transparence, avec une lame d’or d’épaisseur 4 mμ, on obtient la couleur jaune, avec 2.7 mμ, on obtient du bleu, avec 1.5 mμ, on obtient le rose. Si on l’éclaire avec une lumière ne contenant pas de jaune, un lingot d’or n’a pas de couleur ! On aurait pu prendre l’exemple d’un autre matériau, le cuivre par exemple, d’aspect rouge. La couleur est un résultat de construction, c’est un fait de structure. Le chimiste qui construirait pièce par pièce une lame de cuivre, construirait simultanément le phénomène de la couleur rouge. Il pourrait suivre ainsi le déplacement du problème de la substantialité d’un accident et l’extraire de son irrationalisme. La couleur que présente un morceau de matière éclairée par une lumière polychromatique résulte d’un phénomène d’absorptions et de réflexions sélectives. Aucun atome, de quelque nature que ce soit, ne présente la couleur du matériau constitué par cet atome, la couleur n’apparait qu’à partir d’un certain volume de matière. C’est le résultat d’un assemblage structural. La couleur n’appartient pas à un atome isolé. Le philosophe dit qu’un matériau a la couleur qu’il refuse, la seule qui n’appartient pas à son spectre d’absorption, la seule observable. Quant à l’ordination des couleurs, elle varie selon le moyen d’observation comme il est précisé ci-dessous : ORDINATION DES COULEURS Vers grandes λ Lumière Rouge Prisme Violet Vers courtes λ L’ordination des couleurs en physique est linéaire. Le prisme décompose la lumière selon une déviation spatiale liée à la longueur d’onde, du rouge au violet. Il n’existe aucun raccourci spectral entre les extrêmes, du rouge au violet. De part et d’autre du spectre visible, se succèdent les longueurs d’onde de l’infiniment grand (basses fréquences) aux longueurs d’onde infiniment courtes (rayonnement cosmique). Malgré la distance fréquentielle qui existe entre les extrêmes, ces rayonnements sont de même nature électromagnétique, toutes nos ondes hertziennes appartiennent à ce spectre, même si elles ne nous sont pas visibles. Tandis qu’en biologie…. Ordination linéaire Violet Rouge Bleu Jaune Vert Ordination circulaire …. l’ordination des couleurs est circulaire car l’étude des sensations rétiniennes nous conduit à prendre un schéma circulaire donc selon une échelle refermée sur elle-même. Cette représentation amène le rouge au voisinage du violet. Les trois couleurs fondamentales étant le rouge, le jaune et le bleu. Sur cette représentation, on voit que la combinaison progressive du bleu et du jaune donne toute les nuances de vert, les combinaisons du jaune et du rouge donnent les nuances d’orange. Entre le bleu et le rouge on trouve les nuances indigo et violet qui referment le cercle. Par rapport aux sensations perçues, on ne peut pas ouvrir le cercle. Dans cette ordre circulaire, il est impossible d’introduire les ultraviolets, porte d’accès aux rayons X et Ɣ ainsi que les infra rouge, porte d’accès au spectre hertzien tant utilisé par nos technologies actuelles. L’exemple de rationalisation de la couleur exposé ici n’est pas un cas unique. Par rapport à notre connaissance associée à notre perception sensorielle, la physique joue un rôle important entre la connaissance commune et la connaissance scientifique. Ces remarques doivent interpeller suffisamment la curiosité de l’étudiant pour y consacrer quelques instants et le conduire à envisager la philosophie comme une science à part entière. De plus, après lecture de ce court document, familiarisé avec la notion de substance et d’accident, l’étudiant est invité à rechercher des situations où sont associés substance et accident. Posons-nous par exemple, la question de savoir si l’être est un accident de l’énergie. Il y a matière à réflexion. La discussion est toujours ouverte. Ph.D. Pierre-Alain BERNARD