RESEAU HYDROBIOLOGIQUE ET PISCICOLE Bassin Seine-Normandie Synthèse des données 1995-2004 Rédacteur : JM. Ditche, C. Blanchard avec l’aimable collaboration de : V. DE BILLY, O. GALLET, S. MANNE, S. RICHARD et C. RIVIERE Le personnel technique des Délégations inter-régionales de Compiègne, de Dijon, de Metz, d’Orléans et de Rennes de l’ONEMA Avril 2009 Introduction.......................................................................................................... 1 1. Présentation du réseau .................................................................................. 2 1.1. Le Réseau Hydrobiologique et Piscicole : présentation générale ................................. 2 1.2. Le RHP en Seine Normandie : répartition ″géographique″ des stations....................... 2 1.3. Typologie des stations ................................................................................................... 7 1.4. Nature et degré de perturbation des stations ................................................................. 9 2. Principales caractéristiques des peuplements de poissons du bassin ..... 11 2.1. Méthode d’échantillonnage des peuplements de poissons .Erreur ! Signet non défini. 2.2. Richesse spécifique ............................................................Erreur ! Signet non défini. 2.3. Composition spécifique......................................................Erreur ! Signet non défini. 2.4. Espèces de poissons menacées .................................................................................... 16 2.5. Espèces de poissons introduites .................................................................................. 18 3. Etat des peuplements ................................................................................... 20 3.1. Présentation de l'Indice Poisson Rivière (IPR) ........................................................... 20 3.2. Etat des peuplements piscicoles en 2004 .................................................................... 22 3.2.1. 3.2.3 Qualité des peuplements piscicoles à l’échelle du bassin Seine Normandie..................................22 Etat des peuplements piscicoles : évolution sur la période 1995-2004..........................................27 Conclusion .......................................................................................................... 31 1 Introduction En application de la Directive Cadre Européenne sur l’Eau (2000/60/CE), les objectifs de qualité d’eau actuellement utilisés sur les cours d’eau vont être remplacés par des objectifs environnementaux. Le principal de ces objectifs est d’atteindre le bon état écologique et chimique en 2015. Pour l’état chimique, il s’agira de vérifier que les normes de qualité environnementales fixées par les directives européennes sont respectées. L’évaluation de la qualité écologique des cours d’eau reposera entre-autres sur le suivi des composantes biologiques telles que les algues (diatomées), les macrophytes, les macro-invertébrés benthiques et les poissons. Bien qu’ils aient été élaborés avant la Directive Cadre Européenne sur l'Eau (DCE), le Réseau Hydrobiologique et Piscicole (RHP) et l’Indice Poisson (IPR) sont des outils qui répondent aux exigences de caractérisation de l’état écologique tels qu’énoncés dans la DCE : 9 les stations du RHP ont été choisies pour être représentatives, à l’échelle du district, de la variété naturelle des cours d’eau et de tous les types de perturbations (qualité des eaux, intégrité physique). Toutefois, le RHP, qui vise des objectifs parfois plus complets (suivis sur le long terme) devra être mis en cohérence avec les réseaux DCE des différents intervenants pour optimiser les moyens et compléter les informations recueillies ; 9 l’évaluation du degré de perturbation des communautés pisciaires au travers de l’IPR s’effectue (1) en mesurant l’écart entre un peuplement de référence et un peuplement observé et (2) en analysant la composition des peuplements ; 9 enfin, ces stations sont prospectées selon des protocoles normalisés (matériels, efforts d’échantillonnage, etc.), en conformité notamment avec les principes de normalisation européenne, ce qui autorise une comparaison entre stations très éloignées à large échelle telle que celle du district hydrographique ou celle de la France.. Ce rapport présente les principaux résultats du Réseau Hydrobiologique et Piscicole obtenus en 2004 et depuis 10 ans pour le bassin Seine Normandie : 9 le premier chapitre rappelle l’évolution du réseau, vérifie sa représentativité à l’échelle du bassin et présente les méthodes d’échantillonnage ; 9 le deuxième chapitre constitue un bilan des espèces de poisson capturées sur le bassin et analyse la composition et la structure des peuplements ; 9 enfin, le troisième chapitre présente l’état des peuplements de poissons en 2004, évalué par l’indice poisson (IPR), ainsi que son évolution depuis 1995. 1 1. Présentation du réseau 1.1. Le Réseau Hydrobiologique et Piscicole : présentation générale A l’échelle nationale, le RHP est constitué depuis 1995 d’un ensemble d’environ 650 stations prospectées annuellement par pêche électrique. Les objectifs généraux du RHP sont de : 9 disposer chaque année d'un état des peuplements de poissons ; 9 caractériser les variations inter annuelles des peuplements et rechercher les tendances à long terme ; 9 évaluer les conséquences d’événements naturels exceptionnels (sécheresses, crues...) ; 9 mettre en place un réseau de veille écologique assurant le suivi d'espèces particulièrement intéressantes sur le plan écologique ou halieutique. 1.2. Le RHP en Seine Normandie : répartition ″géographique″ des stations Depuis 1995, au total 167 stations ont été prospectées sur l’ensemble du bassin Seine Normandie (Fig.1 et Annexe 1), mais ce nombre varie selon les années (de 133 à 149). Des difficultés d’échantillonnage (essentiellement les conditions hydrauliques), l’arrêt de l’autorisation des propriétaires riverains et un rééquilibrage de la répartition des stations entre les différentes régions du bassin avec notamment un renforcement du réseau en région Bourgogne en 2001 expliquent ces variations. Finalement, 109 stations ont été suivies toutes les années depuis 1995 et 151 au moins 4 années consécutives (qui ont été retenues pour l’analyse globale). Le choix des stations de pêche repose sur des critères de sélection définis sur l’ensemble du réseau national. Ainsi, trois critères majeurs ont été pris en compte pour le choix de stations : (1) quadriller le domaine hydrographique ; (2) couvrir l’éventail des différents niveaux typologiques régionaux ; (3) représenter les différents degrés de perturbations des hydroécosystèmes. A l’échelle du cours d’eau, la station doit être représentative du tronçon de cours d’eau sur lequel elle se trouve du point de vue de sa géologie et de son profil morphologique (largeur, pente). Elle doit donc inclure les différents types de faciès et d’habitats que l’on peut relever dans ce tronçon. 2 3 Répartition des stations par ensemble hydrographique Suite aux l’analyses faites par Belliard (1994, 2002) sur les variations de richesse spécifique et de présence/absence des différentes espèces, 11 ensembles hydrographiques (Fig.2 et Tab.1) ont été retenus pour régionaliser le bassin. Figure 2 : Limites des 11 ensembles hydrographiques retenus pour la régionalisation du bassin. Le découpage retenu montre l’influence de la géologie sur l’hydrographie (Tab.1). Ainsi, le réseau hydrographique, très dense sur les sols cristallins du Morvan, des Ardennes et du massif Armoricain (0,5 km de cours d’eau par km2 pour les côtiers Sud), se raréfie sur substrat calcaire (0,3 km de cours d’eau par km2 dans la partie centrale du bassin). La répartition des stations du RHP est relativement homogène entre les différents ensembles hydrographiques et proportionnelle aux surfaces relatives. En revanche, lorsque l’on compare la densité de stations par rapport au linéaire de cours d’eau, certaines régions (Oise amont, Côtiers Sud et Aisne) apparaissent sous échantillonnées avec seulement 0,3 station pour 100 km de rivières, contrairement au centre et à l’aval du bassin (Oise et Seine aval, Seine moyenne avec plus de 0,6 station pour 100 km de cours d’eau). 4 Tableau 1 : Répartition des 151 stations du RHP Seine Normandie dans les 11 ensembles hydrographiques. Nombre stations Densité stations (km ) Linéaire* (km) (/1 000 km ) (/100 km) 1. Seine amont 10 400 3 200 13 1,2 0,41 2. Yonne 10 800 3 970 20 1,9 0,50 3. Marne amont 5 400 2 020 9 1,7 0,45 4. Aisne 7 900 2 840 10 1,3 0,35 5. Oise amont 4 900 1 900 5 1,0 0,26 6. Seine moyenne 11 900 3 580 22 1,8 0,61 7. Marne aval 7 300 2 620 12 1,6 0,46 8. Oise aval 4 100 1 020 9 2,2 0,89 9. Seine aval 13 800 3 060 18 1,3 0,59 10. Côtiers nord 3 900 570 7 1,8 1,23 11. Côtiers sud 14 200 7 600 26 1,8 0,34 Bassin Seine Normandie 94 600 32 400 151 1,6 0,47 Surface 2 2 Densité stations * Il s’agit du linéaire codé dans la BdCarthage et non du linéaire réel. Répartition des stations par hydro-écorégions Pour répondre aux besoins de la DCE, la typologie des cours d’eau proposée au niveau national repose sur un croisement entre : (1) un découpage du territoire en ″hydro-écorégions″ qui tient compte des différences géologiques, géomorphologiques et climatiques entre régions (Wasson et al., 2002) ; (2) l’ordination selon la méthode de Strahler du réseau hydrographique. 5 Figure 3 : ″Hydro-écorégions″ du bassin Seine Normandie (Wasson et al.,2002). Comme cela a déjà été souligné, les 151 stations du RHP sont réparties de façon homogène sur l’ensemble du bassin Seine Normandie. Ainsi, l’ ″hydro-écorégion″ la plus vaste (″Tables calcaires″) regroupe logiquement le plus grand nombre de stations, tandis que les 2 ″hydro-écorégions″ (″Dépôts Argilo-Sableux″ et ″Ardennes″), de taille réduite (moins de 1000 km²) et situées en périphérie du bassin, ne comptent aucune stations d’échantillonnage. Tableau 2 : Répartition des 151 stations du RHP Seine Normandie dans les 6 ″hydro-écorégions″ du bassin. Nombre de stations RHP Surface HER (km²) 9. Tables calcaires 108 69 310 10. Côtes calcaires Est 21 14 430 12. Armoricain 17 8 066 20. Dépôts argilo-sableux - 687 21. Massif Central Nord 5 1 543 22. Ardennes - 164 6 1.3. Typologie des stations Dans ses grands traits, la succession longitudinale des espèces piscicoles est connue, de manière empirique, depuis longtemps. Ces successions sont liées au gradient de conditions physiques qui caractérise l’évolution longitudinale des cours d’eau (Amoros et Petts, 1993). Ainsi, de nombreux paramètres physiques reliés à la ″taille″ du cours d’eau sont employés pour étudier l’organisation des peuplements piscicoles (Huet, 1949 ; Verneaux, 1973 ; etc…). Ordre du cours d’eau L’ordination des cours d’eau est un système de classement qui consiste à attribuer à chaque portion de cours d’eau située entre 2 confluences, un code numérique indiquant sa position au sein du réseau hydrographique : attribution du rang 1 aux cours d’eau en tête de bassin, puis en progressant vers l’aval, chaque cours d’eau recevant un cours d’eau de même rang voit son propre rang augmenter d’une unité. Tableau 3 : Ordination (Strahler corrigé) des 151 stations du RHP Seine Normandie. Ordre Principaux cours d’eau 1234 Avre, Cure, Essonne, Ource, Ourcq, Risles, Touques, etc… 5 Aisne, Armançon, Aube, Eure, Loing, Marne 6 Oise, Orne, Yonne 7 Seine Nbre de Linéaire (km) stations RHP 17 800 13 6 620 30 3 870 41 1 810 34 1 530 21 330 6 440 6 Taux Echantillonage 9% 20% 27% 23% 14% 4% 4% Plus de la moitié (55%) du linéaire du bassin Seine Normandie est constituée de têtes de bassin (rang 1), alors qu’à l’opposé les cours d’eau de rang supérieur ou égal à 4 représentent seulement 4100 km (12%). On retiendra également que 25% de ce chevelu est concentré sur le massif armoricain bas normand, alors que ce dernier représente moins de 10% de la superficie totale du bassin. Le taux d’échantillonnage des très petits cours d’eau (Tab.3) peut sembler largement insuffisant (env. 9 % en rang 1), alors que 40% des stations concernent des cours d’eau de rang supérieur ou égal à 4. Ce constat est général sur tous les réseaux de suivi (cf. RNB). En effet, la constitution d’un réseau représentatif conduirait, compte tenu du linéaire très important des très petits cours d’eau, à placer la plupart (70 à 90 %) des stations sur des cours d’eau de largeur inférieure à 3 m. Ceci obligerait pour conserver un taux d’échantillonnage correct sur les grands cours d’eau à augmenter exagérément le nombre global de stations De plus, il est important de préciser que ces très petits cours d’eau sont souvent dépourvus de faune piscicole permanente et un taux d’échantillonnage correct des ordres 2 peut permettre leur évaluation compte tenu des liens fonctionnels très forts existants entre les ordres 1, 2 et 3. En effet, les ordres 1 sont souvent le siège de la reproduction des salmonidés qui vont ensuite grossir dans les cours d’eau plus larges. En évaluant les cours d’eau d’ordre 2 et 3, on évalue ainsi la fonctionnalité et l’état de ces très petits chevelus. ″Taille″ du cours d’eau Il est important de considérer également d’autres paramètres indicateurs de la taille du cours d’eau, comme la largeur du cours d’eau et la surface du bassin versant. En effet, cet examen met en évidence une forte variabilité de ces paramètres pour un même rang, même si leurs valeurs moyennes sont significativement différentes selon le rang (Fig.4). Pour la largeur, il existe une forte variabilité pour les cours d’eau de rang 1 et de rangs 5, 6 et 7. Pour les premiers, les stations se situent dans des régions (bassins côtiers et bassin Seine) aux caractéristiques environnementales naturellement très différentes, telle que la géologie qui, outre la densité du réseau hydrographique, conditionne la morphologie des vallées. En revanche pour les plus ″grands″ cours d’eau, à la diversité naturelle, s’ajoute une variabilité anthropique liée aux aménagements de ces cours d’eau (canalisation, recalibrage, curage) qui modifient profondément leurs profils en long et en travers (augmentation des largeurs). 7 Figure 4 : Evolution de la largeur du cours d’eau (à gauche) et de la superficie du bassin versant amont (à droite) en fonction de l’ordre du cours d’eau (rang de Strahler) pour les 151 stations du RHP. Zonation de Huet A partir des valeurs de pente et de largeur moyenne de la station, le niveau typologique théorique selon la zonation de Huet (1949) a été calculé pour chaque station (Tab.4). Même si des populations se sont implantées suite à des empoissonnements, l’ombre est normalement absent du bassin Seine Normandie. C’est pourquoi, par la suite nous parlerons de zone « intermédiaire » plutôt que de zone à ombre. Tableau 4 : Répartition des 151 stations du RHP Seine Normandie selon la typologie de Huet. Nb. stations ″Truite″ ″Ombre″ ″Barbeau″ ″Brème″ 15 27 70 39 Comme nous l’avons déjà souligné, les stations RHP concernent majoritairement les secteurs avals avec 46 % des stations dans la zone à barbeau et 26% dans la zone à brème. Toutefois, cette classification automatique se base sur la pente IGN observée et intègre donc les modifications du milieu (canalisation, curage), ce qui peut expliquer un « décalage » des types naturels ″Truite″ et ″Ombre″ vers la zone à ″Barbeau″. Ainsi si l’on compare le type des contextes du ROM1 dans lesquels se situe une station RHP avec la zonation de Huet, on constate une bonne adéquation pour la truite avec les contextes salmonicoles et pour la brème avec les contextes cyprinicoles (Fig.5). Par contre, l’adéquation pour le barbeau et la zone « intermédiaire » est moins bonne. 1 Le ROM (Réseau d’Observation des Milieux) vise à évaluer le fonctionnement biologique de l’écosystème en se basant sur un recueil de données normalisé permettant d’utiliser objectivement l’expérience et la connaissance des agents de terrain du CSP. L’évaluation de l’état fonctionnel se fait à l’échelle du contexte, qui correspond à l’aire dans laquelle évolue la population entière de l’espèce indicatrice. Ces espèces indicatrices sont la truite fario pour les contextes salmonicoles, les cyprinidés d’eau vive ou l’ombre pour les contextes intermédiaires et le brochet pour les contextes cyprinicoles. 8 100% Cyprinicole Intermédiaire Salmonicole 80% 60% 40% 20% 0% Brème Barbeau Ombre Truite Zonation Huet Figure 5 : Comparaison de la répartition des stations RHP entre la zonation de Huet et l’espèce repère des contextes piscicoles. Ces désaccords proviennent d’une part d’un problème d’homogénéité des contextes, en particulier de la différence de statut entre le cours principal et les petits affluents, mais également souvent de la modification des milieux. En effet, contrairement à Huet, pour le ROM, le choix de l’espèce indicatrice prend en compte la situation potentielle de référence de chaque contexte. 1.4. Nature et degré de perturbation des stations Occupation du sol Pour évaluer le degré d’anthropisation des cours d’eau de façon cohérente et homogène à l’échelle du territoire national, la seule possibilité au vu des données existantes est d’analyser l’occupation du sol. La couche d’information géographique utilisée est Corine Land Cover (CLC) 2000. Le bassin est marqué par une anthropisation forte avec (1) une forte urbanisation autour de la région parisienne et des grands cours d’eau et (2) une exploitation soutenue des terres par l’agriculture dans le bassin parisien (Fig.6). Spécialisation vers les grandes cultures industrielles à haute valeur ajoutée (betterave, colza, pomme de terre…) concentrées au sud-ouest et en Picardie, tandis que l’activité d’élevage se limite en bordure de bassin (Basse-Normandie, amont des bassins Seine, Marne et Oise). L’activité viticole se concentre en Bourgogne et en Champagne, accroissant les risques d’érosion et de ruissellement et posant le problème de rejets concentrés et saisonniers. 9 Figure 6 : Occupation du sol sur le bassin Seine et les côtiers normands. Pour chacune des stations RHP, il est possible de calculer le pourcentage de surface des différentes catégories d’occupation du sol CLC de la zone hydrographique dans laquelle se situe la station. Ce traitement permet d’approcher l’occupation dominante du fond de vallée. Toutefois, ce type d’analyse ne tient pas compte de la densité de population des zones urbanisées et représente assez mal les sources ponctuelles de rejets toxiques. De plus, des pressions hydromorphologiques importantes comme les barrages, les prélèvements, la navigation, l’endiguement, ne sont pas du tout prises en compte par les variables d’occupation du sol. Tableau 5 : Répartition des 151 stations du RHP Seine Normandie selon l’occupation du sol. ″Artificialisés″ Nb. stations ″Agricole″ 7 93 ″Prairie″ 28 ″Forêt″ 23 Le RHP couvre effectivement les différents types de perturbations anthropiques du bassin hydrographique depuis les secteurs aval navigués jusqu’aux têtes de bassin perturbées par l’érosion des sols (Tab.5). Ainsi, la répartition des stations RHP est assez bien représentative de la proportion des différents types d’occupations observés sur le bassin avec majoritairement des stations en zones agricoles (″Agricole″ et ″Prairie″). Niveau de dégradation des milieux « ROM » Nous avons recueilli les classes d’état fonctionnel des contextes du ROM dans lesquels se situe une station RHP et confronté cette distribution à la distribution globale de l’ensemble des contextes ROM à l’échelle du bassin. On constate que l’échantillon de stations RHP est parfaitement conforme à la distribution de l’état des milieux du bassin Seine Normandie (Fig.7). 10 50% Total bassin RHP 40% 30% 20% 10% 0% 1 2 3 4 5 Figure 7 : Comparaison de l’état des stations avec l’état global des contextes du bassin. Les secteurs de bonne qualité hydromorphologique sont rares et se retrouvent sur le pan est du territoire à l’amont des bassins de l’Oise, de l’Aisne et de l’Aire, de la Marne ; sur l’Armançon et le Serein au sud ; sur les rivières côtières de Haute-Normandie au nord et à l’ouest sur quelques bassins bien préservés tels que celui de la Douve, de la Touques ou de la Vire amont. Navigation Le réseau navigable couvre 2 450 km, soit seulement 4,4% du linéaire hydraulique du bassin, mais il concerne la totalité des parties aval des grands axes (Seine, Marne, Oise, Aisne, Yonne et Orne). Par les aménagements qu’elle implique et ses effets directs, cette activité présente un impact considérable sur les peuplements de poissons. 15 stations du RHP Seine Normandie (soit 10% des stations) sont situées sur des secteurs utilisés pour la navigation commerciale. 2. Principales caractéristiques des peuplements de poissons du bassin 2.1. Richesse spécifique Richesse du bassin Seine Normandie En 2004, un total de 43 taxons de poissons a été capturé sur l’ensemble du bassin (Tab.6). La richesse cumulée depuis 1995 s’élève à 49 espèces de poissons, 2 variétés (carpes miroir et cuir) et 1 forme écologique (la truite de mer). Ce nombre total de taxons capturés est stabilisé depuis 1998, l’augmentation de l’effort de pêche (multiplication du nombre d’échantillons dans le temps et/ou dans l’espace) permettant d’augmenter la probabilité de capture des espèces ‘rares’. Ceci confirme (1) la représentativité du réseau et (2) l’importance de réaliser des suivis sur plusieurs années pour obtenir une image la plus représentative possible de la réalité. Ainsi à l’exception de quelques espèces très localisées, notamment en zone estuarienne, le RHP fournit un échantillon quasi-exhaustif de la faune piscicole du bassin Seine Normandie. A l’exception de quelques espèces aux aires de répartition méridionale (barbeau méridional, apron, etc.) ou septentrionale (aspe, huchon, etc.), le bassin réunit près de 50% des espèces de la faune piscicole française sur 17% du territoire. 11 Tableau 6: Liste des espèces des poissons et effectifs totaux capturés dans le cadre du RHP depuis 1995. Les espèces inscrites dans la Liste Rouge des espèces menacées en France (Keith et al, 2002) sont indiquées : EN (menacée d’extinction), LR (faible risque), VU (vulnérable), LR/lc (préoccupation mineure). Figurent également les espèces citées dans la Directive Européenne Habitats (Annexe II ou V), la Convention de Berne (Annexe III). Famille Nom français Nom latin Code Statut Biologique Effectif Effectif Occurence Statut 95-04 Protection 2004 Total Mulet porc Liza ramada (Risso) MUP Mar 62 Perca fluviatilis (Linneaus) Sander lucioperca (Linneaus) Gymnocephalus cernuus (Linneaus) PER Dul SAN Dul GRE Dul 1 271 127 174 Lepomis gibbosus (Linneaus) Micropterus salmoides (Lacépède) PES Dul BBG Dul 237 - Dicentrarchus labrax (Linneaus) LOU Mar Potamoschistus minutus (Pallas) GOB Est Cottus gobio (Linneaus) CHA Dul Platichthys flesus (Linneaus) FLE Petromizon marinus (Linneaus) Lampetra fluviatilis (Linneaus) Lampetra planeri (Bloch) LPM Mig LPR Mig LPP Dul Salmo trutta (Linneaus) Salmo trutta trutta (Linneaus) Salmo salar (Linneaus) Salvelinus fontinalis (Mitchill) Oncorhynchus mykiis (Walbaum) TRF TRM SAT SDF TAC Thymallus thymallus (Linneaus) OBR Dul Vu, III, V Esox lucius (Linneaus) BRO Dul Vu Alburnus alburnus (Linneaus) Albunoides bipunctatus (Bloch) Barbus barbus (Linneaus) Abramis brama (Linneaus) Blicca bjoerkna (Linneaus) Carassius carassius (Linneaus) Carassius auratus (Linneaus) Cyprinus carpio (Linneaus) Cyprinus carpio (Linneaus) Cyprinus carpio (Linneaus) Chondrostoma nasus (Linneaus) Chondrostoma toxostoma (Vallot) Gobio gobio (Linneaus) Leucaspius delineatus (Heckel) Leuciscus cephalus (Linneaus) Leuciscus idus (Linneaus) Leuciscus leuciscus (Linneaus) Telestes soufia (Risso) Phoxinus phoxinus (Linneaus) Scardinius erythrophthalmus (Linneaus) Rutilus rutilus (Linneaus) Rhodeus amarus (Pallas) Tinca tinca (Linneaus) Pseudorasbora parva (Temminck & Schlegel) ABL SPI BAF BRE BRB CAS CAA CCO CCU CMI HOT TOX GOU ABH CHE IDE VAN BLN VAI ROT GAR BOU TAN PSR Cobitis taenia (Linneaus) Barbatula barbatula (Linneaus) LOR Dul LOF Dul Silurus glanis (Linneaus) SIL Ameiurus melas (Rafinesque) PCH Dul Anguilla anguilla (Linneaus) ANG Mig Lota lota (Linneaus) LOT Dul Gasterosteus aculeatus (Linneaus) Pungitius pungitius (Linneaus) EPI EPT Mugilidae 254 0.004 18 827 890 1270 0.571 0.086 0.135 1994 11 0.184 0.004 - 2 0.001 46 64 0.003 16 540 130 915 0.728 Percidae Perche Sandre Grémille Centrarchidae Perche soleil Black-bass à grande bouche Serranidae Bar commun Gobiidae Gobie Cottidae Chabot Pleuronectidae Flet Petromyzonidae Lamproie marine Lamproie de rivière Lamproie de planer Salmonidae Truite commune Truite de mer Saumon atlantique Saumon de fontaine Truite arc-en-ciel Thymallidae Ombre commun Esocidae Brochet Cyprinidae Ablette Spirlin Barbeau fluviatile Brème commune Brème bordelière Carassin Carassin doré Carpe commune Carpe cuir Carpe miroir Hotu Toxostome Goujon Able de Heckel Chevaine Ide Vandoise Blageon Vairon Rotengle Gardon Bouvière Tanche Pseudorasbora Cobitidae Loche de rivière Loche franche Siluridae Silure Ictaluridae Poisson-chat Anguillidae Anguille Gadidae Lote de rivière Gasterosteidae Epinoche Epinochette 12 III Mar Dul Mig Mig Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul Dul, Est Dul 14 Vu, II, III Vu, II, III, II, III Vu En, II, III, V III V III LR, II, III Vu, II, III Vu, II, III Vu, II, III 255 0.02 1 2 1 346 93 39 7 214 0.009 0.005 0.322 3 006 8 248 4 33 227 91 8 393 16 182 0.526 0.013 0.045 0.004 0.053 47 785 0.057 193 4 497 0.437 5 646 52 795 1 288 8 280 743 11 026 325 5 742 244 4 087 39 261 149 14 191 14 7 95 320 4 106 2 6 137 54 126 14 392 5 880 62 955 2 1 714 22 405 349 4 011 27 495 315 210 96 3 618 10 478 119 617 2 333 20 926 116 1 846 28 274 0.377 0.158 0.308 0.215 0.181 0.058 0.006 0.006 0.007 0.035 0.222 0.001 0.696 0.028 0.747 0.001 0.459 0.02 0.589 0.256 0.696 0.184 0.276 0.02 70 1 066 14 177 140 120 0.093 0.683 47 251 0.028 30 1 011 0.053 Vu 2 909 27 338 0.617 Vu 37 1 200 0.122 628 619 7 549 7 357 0.177 0.227 III Diversité régionale L’analyse de la richesse spécifique par Belliard (2001) en fonction des 11 ensembles hydrographiques définis pour le bassin Seine Normandie (cf. §1.2) permet de dégager des tendances régionales (Tab.7) : 1. les ensembles côtiers présentent des diversités locales et régionales plus faibles que les ensembles appartenant au bassin de la Seine, notamment les côtiers Nord avec une richesse régionale de 20 espèces contre 30 et plus pour tous les autres ; 2. à l’inverse les systèmes dépendant directement de l’axe Seine, y compris Seine amont, présentent une diversité spécifique importante (RS∞entre 37 et 38) ; 3. le bassin de l’Oise (et de l’Aisne) présentent une diversité spécifique intermédiaire (RS∞ entre 32 et 34). Tableau 7 : Valeurs des paramètres RS1 (diversité locale), RS∞ (diversité régionale), et k (variabilité inter-station) pour les 11 ensembles hydrographiques (Belliard, 2001). Les valeurs indiquées entre parenthèses correspondent à l’intervalle de confiance au seuil de 95%. Le détail des méthodes de calculs est présenté dans la synthèse 2001. RS1 RS∞ k* 1 Seine amont 17,45 (14,35 - 20,55) 37,69 (36,89 - 38,49) 0,446 (0,394 - 0,498) 2 Yonne 15,27 (11,03 - 19,51) 35,46 (34,43 - 36,50) 0,430 (0,373 - 0,487) 3 Marne amont 19,08 (16,29 - 21,86) 36,18 (34,93 - 37,43) 0,609 (0,499 - 0,718) 4 Aisne 17,54 (13,96 - 21,12) 34,51 (34,08 - 34,93) 0,613 (0,574 - 0,652) 5 Oise amont 20,40 (16,42 - 24,38) 32,11 (29,76 - 34,45) 0,922 (0,662 - 1,182) 6 Seine moyenne 18,06 (15,75 - 20,36) 37,82 (37,15 - 38,50) 0,577 (0,515 - 0,639) 7 Marne aval 18,77 (14,50 - 23,04) 36,92 (36,19 - 37,64) 0,642 (0,574 - 0,710) 8 Oise aval 18,89 (15,69 - 22,01) 34,85 (33,93 - 35,78) 0,719 (0,630 - 0,808) 9 Seine aval 15,80 (18,30 - 13,30) 38,00 (36,59 - 39,41) 0,393 (0,330 - 0,455) 10 Côtiers nord 8,71 (6,73 - 10,69) 19,71 (17,74 - 21,68) 0,476 (0,335 - 0,617) 11 Côtiers sud 10,89 (8,37 - 13,41) 30,67 (29,18 - 32,16) 0,291 (0,244 - 0,341) * ses valeurs sont faibles quand la diversité spécifique varie fortement entre stations. 2.2. Composition spécifique Organisation des peuplements à l’échelle du bassin Seine Normandie Afin de tirer un bilan à l’échelle du bassin Seine Normandie, les occurrences globales (1995 -2004) de chaque espèce ont été calculées (Tab.6) et comparées à celles de l’année 2004 (Fig.8). Les occurrences globales sont relativement semblables aux occurrences récentes, à part pour la lamproie de planer (LPP) et le silure (SIL). Pour ce dernier, cela confirme l’extension rapide ces dernières années de l’espèce sur l’ensemble du réseau hydrographique. Pour la lamproie de planer, les conditions hydrauliques particulières de 2004 (étiage sévère) ont probablement favorisées la capture de cette espèce enfouie dans les sédiments. 13 Occurence Occ. 95-05 0.9 Occ. 04 0.8 0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0 CHE CHA GAR GOU LOF ANG VAI PER TRF VAN BRO ABL LPP BAF TAN ROT EPT HOT BRE BOU PES BRB EPI SPI GRE LOT LOR SAN CCO OBR PCH TAC CAS SAT CMI ABH SIL BLN PSR FLE TRM LPM CCU CAA LPR SDF BBG MUP GOB IDE LOU TOX 0.1 Figure 8 : Comparaison des occurrences globales et des occurrences de 2004 pour chacune des espèces capturées dans le cadre du RHP Seine Normandie. Les espèces fréquemment rencontrées (occurrence ≥ 60 % au moins une année entre 1995 et 2004) sont au nombre de 8 (Tab.6). On peut distinguer : 9 des espèces ″sensibles″ normalement caractéristiques des zones amonts (chabot et vairon) mais dont l’amplitude typologique est en fait assez large puisqu’elles se rencontrent des ruisseaux du Morvan jusqu’aux cours d’eau de plaine d’Ile de France ; 9 une prédominance des espèces tolérantes (gardon, goujon, loche franche et chevaine), peu exigeantes en matière de qualité d’eau, et généralement omnivores. Ceci montre clairement que globalement les milieux aquatiques du bassin Seine Normandie sont soumis à de fortes pressions qui tendent à banaliser les milieux et la faune piscicole ; 9 la perche, normalement espèce de milieux lentiques et des zones plus aval, introduite dans de nombreux étangs, se retrouve finalement dans la plupart des cours d’eau perturbés car la modification du milieu lui permet alors de se maintenir (disparition des zones de courant, réchauffement des eaux, etc.) ; 9 l’anguille, migrateur amphihalin thalassotoque, pénètre largement à l’intérieur du réseau hydrographique et colonise tous les types de cours d’eau accessibles, y compris les têtes de bassin du bassin de la Marne. 14 Parmi les 49 espèces de poissons échantillonnées entre 1995 et 2004, 9 espèces ont été recensées dans moins de 1 % des échantillonnages (Tab.6). Il s’agit : 9 des espèces à répartition localisée (mulet porc, gobie et bar) qui pénètrent plus ou moins profondément dans les eaux douce ; 9 des espèces introduites volontairement ou accidentellement (black bass, carassin doré et saumon de fontaine) dont la présence est surtout liée aux empoissonnements qui peuvent être réalisés ; 9 des espèces rares (ide mélanote, lamproie fluviatile et toxostome) qui peuvent être confondues avec d’autres espèces, notamment pour les jeunes stades, et qui peuvent ne pas être repérées de façon systématique. Organisation régionale des peuplements piscicoles du bassin Seine Normandie L’analyse de la composition spécifique en fonction des 11 ensembles hydrographiques définis pour le bassin Seine Normandie (cf. §1.2) permet de dégager des tendances régionales. Les différences les plus fortes s’observent entre les côtiers, caractérisés par la fréquence des espèces ″apicales″ (chabot, lamproie et truite) et migratrices (anguille), et les autres bassins (Fig.9). VAI VAN VAI TRF TRF VAN SPI TAN TAN SAN SAN SPI PES ROT PER PER ROT PCH PCH PES LPP OBR LPP OBR LOT LOT LOF LOR LOR GRE GOU HOT LOF HOT GRE GOU GAR EPT EPI CHE CHA CCO BRO BRE BRB BAF ABL VAI TRF VAN TAN SPI SAN ROT PES PER PCH LPP OBR LOT LOF LOR HOT GRE GOU GAR EPT EPI CHE 0 CHA 0 CCO 0.25 BRO 0.25 BRE 0.5 BRB 0.5 BAF 0.75 BOU 0.75 ABL 1 ANG 1 BOU Côtiers Sud ANG Côtiers Nord GAR EPI EPT CHE CHA CCO BRE BRO BRB BAF ABL VAI TRF VAN SPI TAN SAN PES ROT PER LPP PCH OBR LOT LOF LOR GRE HOT GOU GAR EPI EPT CHE 0 CHA 0 CCO 0.25 BRE 0.25 BRO 0.5 BRB 0.5 BAF 0.75 BOU 0.75 ABL 1 ANG 1 BOU Yonne ANG Oise amont Figure 9 : Variation régionale des fréquences de captures des espèces les plus fréquemment rencontrées Les côtiers Nord et Sud se distinguent essentiellement par une forte présence au Sud du vairon, ainsi que du saumon. L’absence de nombreuses espèces dans ces côtiers de la Manche n’est pas uniquement liée à la ″taille″ des cours d’eau, qui peut effectivement limiter la présence des espèces des milieux lentiques, mais surtout à l’impossibilité de recolonisation postglaciaire de ces secteurs depuis les bassins du Danube et du Rhin. C’est notamment le cas du barbeau, de la lote, du spirlin et de la loche de rivière, fréquemment capturés dans les zones intermédiaires des cours d’eau appartenant au bassin de la Seine, mais qui sont totalement absents des côtiers. En revanche, ponctuellement, la présence humaine (plans d’eau et empoissonnements) est 15 probablement à l’origine de l’implantation sur ces côtiers d’espèces typiques des cours d’eau de type à brème ou barbeau, mais ubiquistes, telles que la carpe, le gardon ou la perche. Concernant le bassin de la Seine proprement dit, bien que de nombreux facteurs (canaux trans-bassins, modifications physiques des milieux, etc.) favorisent l’homogénéisation des peuplements, quelques particularismes persistent (Fig.12). SPI TAN TRF VAI VAN TRF VAI VAN SAN SPI SAN TAN PES ROT PER PER ROT PCH PCH PES LPP LOT OBR LPP LOT OBR LOF LOR LOR HOT GRE GOU EPI EPT LOF HOT GRE GOU EPT GAR EPI CHE CHA CCO BRE BRB BRO BAF ABL VAN VAI TRF SPI TAN SAN PES ROT PER PCH OBR LPP LOT LOF LOR HOT GRE GOU GAR EPI EPT CHE 0 CHA 0 CCO 0.25 BRE 0.25 BRO 0.5 BAF 0.5 BRB 0.75 BOU 0.75 ABL 1 ANG 1 BOU Seine moyenne ANG Oise aval GAR CHE CHA BRE CCO BRB BRO BAF ABL VAI VAN TRF SPI TAN PES SAN PER ROT PCH LPP OBR LOT LOF HOT LOR GRE GOU EPI EPT GAR CHE 0 CHA 0 CCO 0.25 BRE 0.25 BRO 0.5 BAF 0.5 BRB 0.75 BOU 0.75 ABL 1 ANG 1 BOU Yonne ANG Marne aval Figure 10 : Variation régionale des fréquences de captures des ″principales″ espèces. Ainsi selon l’importance des modifications des écoulements, la fréquence de captures des espèces rhéophiles est assez variable selon les bassins. Barbeau, hotu, spirlin, vairon et vandoise sont nettement plus présents sur l’Yonne et la Marne, que sur l’Oise et la Seine où la navigation est nettement plus développée. Malgré les aménagements, la lote reste bien implantée au niveau du bassin de l’Oise (et de l’Aisne) puisqu’elle y est capturée dans près de la moitié des échantillons. Pour les carnassiers, le brochet continue à être régulièrement capturé mais probablement grâce aux importants repeuplements en alevins qui sont réalisés chaque année. L’implantation du sandre, également suite à des introductions, reste encore assez limité (moins de 10% des échantillons) et se retrouve essentiellement sur les bassins de l’Oise et de la Seine. En effet, ce dernier est le principal compétiteur du brochet et comme il n’est pas tributaire des inondations pour sa reproduction, il a tendance à le supplanter dans les milieux fortement aménagés. 2.3. Espèces de poissons menacées Plusieurs espèces présentes en France sont aujourd’hui en danger, à des degrés différents, et font l’objet d’une attention particulière. Suivant le degré de menace subi, un statut est attribué à chaque espèce et le livre rouge des espèces de poissons menacés d’eau douce de France (Keith et Allardi, 1992) récapitule ces statuts par grands bassins hydrographiques tout en mentionnant, lorsque c’est le cas, les mesures de protection prises en 16 vue de la conservation des espèces. Les statuts de ces espèces menacées ont fait récemment l’objet d’une réactualisation sous la forme d’une Liste Rouge (Keith et Marion, 2002). Afin de protéger les milieux particuliers où se rencontrent les espèces menacées, un certain nombre de mesures législatives ont été mises en place depuis quelques années. Les plus importantes sont celles prises dans le cadre général de la convention de Berne ou encore dans celle de la directive « Habitat » (1992). Cette dernière définit un cadre commun pour la conservation des plantes, des animaux et des habitats en tant que milieux naturels. Elle prévoit la mise en place de zones spéciales de conservation destinées à assurer un état de conservation favorable aux espèces d’intérêt communautaire. L’annexe II de cette directive dresse une liste d’espèces dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales à protéger et l’annexe IV dresse une liste d’espèces d’intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte. Les niveaux de protection associée aux espèces capturées dans le cadre du RHP sont mentionnés dans le tableau 6. La plupart des espèces migratrices présentes sur le bassin sont classées comme vulnérables dans la Liste Rouge établie par Keith et Marion (2002). La lamproie marine, largement étendue en France au début du siècle, a vu son aire se réduire et se fragmenter. Elle fréquentait autrefois largement le bassin Seine Normandie, sa présence étant attestée jusque dans le département de l’Aube. Même si sa présence est avérée sur le secteur aval de la Seine, dans l’Andelle et l’Epte ainsi que sur de nombreux cours d’eau côtiers (Touques, Orne, Sélune, etc.), cette espèce n’a été observée que sur 4 stations (Sélune, Soulles, Orne et Vie) et 7 échantillons entre 1995 et 2004. Comme la lamproie marine, la lamproie fluviatile, dont les capacités de franchissement sont toutefois plus limitées, est également présente dans l’aval du bassin de la Seine et sur les côtiers normands. Les captures ponctuelles signalées dans le cadre du RHP concernent exclusivement des larves qui peuvent être confondues avec celles de lamproies de planer, sédentaires. La truite de mer, forme migratrice de la truite de rivière, est considérée comme vulnérable en raison des obstacles à sa migration empêchant l’accès aux zones de reproduction. Bien qu’elle colonise tous les bassins de l’ouest de la basse Normandie (Touques, Dives, Orne et Seulles) et que l’espèce soit bien représentée dans les bassins de la Bresle et de l’Arques, seulement 87 individus ont été capturés entre 1995 et 2004 dans le cadre du RHP. Les captures se limitent à 9 stations côtières, 3 au Nord de la Seine et 6 au Sud. Ceci confirme l’impossibilité d’établir des cartes de répartition des migrateurs à partir du seul RHP, principalement du fait des difficultés de l’échantillonnage à l’électricité des adultes (capturabilité et période d’échantillonnage) et l'impossibilité de différencier les juvéniles de truite de mer et de truite fario. Grâce aux efforts entrepris depuis 25 ans environ, le saumon est aujourd’hui présent dans la majorité des cours d’eau bas normands, depuis la Sélune jusqu’à la Touques. En revanche en Haute Normandie, il n’est actuellement réellement présent qu’en aval de deux bassins côtiers (l’Arques et la Bresle) même si quelques individus sont de nouveau capturés occasionnellement en basse Seine. Dans le cadre du RHP, le saumon a été capturé dans 14 stations sur la période 1995-2004, uniquement sur les fleuves côtiers. L’espèce semble bien implantée sur la moitié de ces stations puisque l’occurence des captures est supérieure à 2/3. Ces captures (en moyenne 700 individus chaque année) concernent quasi exclusivement des juvéniles de l’année. Alors que tous les spécialistes européens s’accordent pour constater une régression marquée des stocks d’anguilles à large échelle, cette espèce, considérée comme vulnérable dans la Liste Rouge de Keith et Marion (2002), ne bénéficie que récemment de mesures de protection. Une étude spécifique a été réalisée en 2005 a partir des données du RHP pour le COmité de GEstion des POissons MIgrateurs (COGEPOMI) du bassin Seine Normandie. Il ressort de ce travail que l’anguille est assez bien répandue sur le bassin (absente de seulement 20% des stations) jusqu’à 750 km de l’estuaire. La colonisation des cours d’eau (y compris celle des fleuves côtiers) reste souvent limitée par des aménagements hydrauliques et les densités observées sur les 17 stations sont très faibles (inférieure à 2 individus pour 100 m2 en moyenne). Elle est naturellement plus fréquente à proximité de la mer. Parmi les bassins côtiers, seul le bassin amont de l’Orne n’est pas colonisé par l’anguille (blocage par le barrage de Rabodanges). Les autres zones dont l’anguille est absente correspondent aux zones les plus éloignées de la mer et/ou isolées par de grands barrages. Sur la période 1995-2004, les abondances diminuent assez fortement pour les côtiers (densité divisée par 4 entre 1999 et 2001 pour le Nord), alors que pour le bassin de la Seine, les densités restent stables ou tendent à augmenter (en moyenne 0,05 ind./100 m2), l’amélioration de la qualité des eaux pouvant être un facteur explicatif. Le Brochet Il s’agit d’une espèce carnassière indigène des eaux douces françaises excepté dans le Sud-Est où il a été introduit. Bien qu’il soit présent sur l’ensemble du territoire, la disparition de ses zones de reproduction (zones inondables, prairies humides…) pourrait mettre l’espèce en danger d’extinction. Comme pour tous les carnassiers et les espèces de grand fond, la capture difficile du brochet à l’électricité et avec le mode de pêche généralement mis en œuvre dans les grands milieux (en bateau), explique en partie les variations de pourcentage d’occurrence observées. La Bouvière La particularité de cette espèce est essentiellement liée à son mode de reproduction puisque la femelle pond ses œufs dans une moule d’eau douce des genres Unio et Anodonta. Son aire de répartition est par conséquent largement conditionnée par la présence de ces mollusques, relativement sensibles à la pollution des eaux et des sédiments. 2.4. Espèces de poissons introduites Si l’on se réfère à la liste des espèces introduites du livre rouge, le bassin de la Seine au vu des résultats du RHP héberge 11 espèces introduites. La plupart de ces espèces sont classées dans le livre rouge comme acclimatées et en extension (carassins, carpe, pseudorasbora, silure, sandre, perche soleil et black bass). A l’examen des résultats d’abondance et surtout d’occurrence, il apparaît que ces espèces sont pour la plupart stables d’un point de vue temporel. Seules deux espèces, le pseudorasbora et le silure présentent des évolutions significatives et croissantes en termes d’effectif et de fréquence spatiale (nombre de stations où l’espèce est capturée). Il semble que ce constat soit similaire à l’échelle nationale où l’augmentation significative des effectifs et de l’aire de répartition du silure et du pseudorasbora a été montrée lors d’une synthèse nationale des données RHP (Belliard, 2005) L’espèce introduite qui présente la plus forte fréquence d’occurrence est la perche soleil. Elle est capturée sur (41%) des stations. Ce constat peut apparaître surprenant compte tenu de son preferendum écologique qui la place sur les zones méso-potamiques, assez peu représentées sur l’échantillon RHP. Cette forte représentation est vraisemblablement le signe, non pas du caractère envahissant de l’espèce comme l’ont cru pendant longtemps les acteurs de la pêche associative, mais d’une forte perturbation des milieux aquatiques (réchauffement des cours d’eau et introduction d’espèces thermophiles due à la présence d’étangs). Les trois espèces poisson-chat, carpe et sandre présentent des occurrences non négligeables comprises entre 12 et 18 % des sites échantillonnés avec une certaine stabilité. Cependant en termes d’abondance les effectifs capturés représentent moins de 1 % des effectifs totaux. Ces trois espèces peuvent donc être qualifiées d’acclimatées voire naturalisées pour la Carpe et stables (présence stable depuis plus de dix ans). 18 Le poisson chat Largement introduit au début du 20ème siècle, il fréquente préférentiellement les eaux calmes et relativement chaudes. Sur les petits cours d’eau la présence de l’espèce est généralement associée à l’existence de plans d’eau sur le bassin versant. Le carassin, Introduit en France au XVIIIème siècle, vit de préférence dans les eaux calmes des plans d’eau et bras mort des cours d’eau. La perche soleil, Introduite en France à la fin du 19ème siècle, est actuellement présente dans la plupart des réseaux hydrographiques. Comme pour le poisson chat, la présence de l’espèce sur les petits cours d’eau est généralement associée à l’existence de plans d’eau sur le bassin versant. Les autres espèces introduites présentent des fréquences et des effectifs très faibles (Carassin doré, Truite arc en ciel, Ide mélanote). Leur statut national d’espèces introduites non-acclimatées apparaît donc cohérent avec nos résultats. Cependant, le statut de la Truite arc-en-ciel qualifiée de non-acclimatée en extension est assez peu cohérent avec les résultats du réseau RHP qui montre une certaine stabilité de cette espèce. Elle n’est présente que suite aux déversements effectués dans le cadre d’une gestion halieutique des cours d’eau (repeuplements surdensitaires avec objectif de pêche à la ligne). Une espèce introduite en pleine expansion, le Silure glane Le silure a été introduit dans la faune française en 1857 dans le bassin du Doubs à partir de sujets issus de la pisciculture de Huningue (Keith, Allardi 1992). Au XXème siècle, à partir d’une introduction dans un affluent de la Seille, il s’est progressivement étendu au bassin de la Saône, du Doubs, et du Rhône. Il est vraisemblable que cette espèce faisait partie intégrante de l’ichtyofaune française avant les épisodes glaciaires du quaternaire qui ont contribués à réduire considérablement le nombre d’espèces de poissons. Des données paléontologiques (fossiles) attestent de sa présence sur le bassin du Rhône avant l’époque glaciaire (Schlumberger, 2001). Cette espèce classée actuellement comme « acclimatée en expansion » a connu dans les dix dernières années un très fort développement de son aire de répartition. C’est une des seules espèces introduites avec le Pseudorasbora qui présente une augmentation de sa fréquence d’occurrence (augmentation des sites, et donc de son aire de répartition) ainsi qu’une augmentation de ses effectifs sur le bassin Seine Normandie (annexe 2). Cette colonisation apparaît trop rapide pour résulter d’une expansion spontanée de l’espèce sur le bassin. La cause la plus vraisemblable est une dissémination de l’espèce par des repeuplements pour des objectifs halieutiques. 19 3. Etat des peuplements 3.1. Présentation de l'Indice Poisson Rivière (IPR) Parallèlement à la mise en place du Réseau Hydrobiologique et Piscicole, l’ONEMA a développé des outils d’évaluation de la qualité des peuplements piscicoles fondés sur la mesure de l’écart entre un peuplement de référence (en l’absence de toute perturbation) et un peuplement observé. La dernière version de l’indice publiée en 2002 a été normalisée dans le cadre de l’AFNOR en mai 2004 (NF T90-344). L’indice utilisé est également de forme multiparamétrique (Oberdorff et al. 2002). L’écart entre le peuplement de référence, prédit par un modèle statistique, et le peuplement de la station étudiée est mesuré par sept ″métriques″, descriptives des peuplements piscicoles (Tab.8). Parmi ces dernières, 5 métriques prennent en compte la présence et/ou l’abondance des espèces appartenant à certains types écologiques (régime alimentaire, préférence d’habitat, polluo-sensibilité). Les 2 autres métriques, richesse spécifique et l'abondance totale, compare le peuplement dans sa globalité. Tableau 8 : Les 7 métriques ″fonctionnelles″d’évaluation utilisées par l’indice poisson rivière (IPR). Catégories Caractéristiques bio/écologiques espèces Guildes d’habitat Métriques Caractérisation de la perturbation suivante : 1. Nombre d’espèces rhéophiles Altération de l’habitat lotique et des zones reproduction 2. Nombre d’espèces lithophiles Guildes de sensibilité pollutions 3. Densité d’individus tolérants Altération de la qualité globale de l’habitat Guildes trophiques 4. Densité d’individus invertivore Altération des ressources alimenta disponibles et plus particulièrement, peuplement de macroinvertébrés benthiques et de l’eau 5. Densité d’individus omnivores Enrichissement organique du milieu Biodiversité productivité cours d’eau Richesse spécifique 6. Nombre total d’espèces Altération de la biodiversité du milieu Abondance 7. Densité totale du peuplement Altération de la productivité du peuplement Les peuplements de référence ont été modélisés sur la base de 650 sites ″témoins″ répartis sur l’ensemble du réseau hydrographique national. Ce peuplement est estimé à partir de modèles statistiques qui prennent en compte 9 paramètres mésologiques responsables des variations spatiales des peuplements de poissons dans les milieux naturelles (position dans le bassin, altitude, vitesse moyenne du courant, conditions thermiques, appartenance à une unité hydrologique). La comparaison entre le peuplement échantillonné et le peuplement de référence s'effectue en comparant les valeurs théoriques et observées pour chacune des 7 métriques (fig. 11). 20 9 caractéristiques mésologiques du cours d'eau modèles : calcul de la probabilité théorique de présence et d'abondance de 34 espèces de poissons 7 métriques caractérisant le peuplement de référence calcul de l'écart entre ces valeurs Station étudiée résultats de l'échantillonnage somme des écarts = score de l'IPR 7 métriques caractérisant le peuplement échantillonné pêche complète : données du premier passage uniquement pêche partielle : totalité des données Figure 11 : Méthode de fonctionnement de l'IPR Le score de l’indice correspond à la somme des écarts calculés entre les 7 métriques. Ce score varie ainsi de "0" pour les stations proches de l’état de référence, à "l'infini" pour les stations dont le peuplement échantillonné ne correspond en rien à celui prédit par le modèle Dans la pratique l’IPR dépasse rarement une valeur de 150 dans les situations les plus altérées. Cinq classes de qualité en fonction des notes d’IPR ont été définies. La définition des seuils de classes repose sur un travail ayant consisté à optimiser le classement d’un jeu de données test comportant à la fois des stations de référence et des stations perturbées (Tab.9). Tableau 9 : Limites des 5 classes de qualité de l’indice poisson. 21 3.2. Etat des peuplements piscicoles en 2004 3.2.1. Qualité des peuplements piscicoles à l’échelle du bassin Seine Normandie La situation des peuplements piscicoles en 2004 a été analysée à partir des notes obtenues avec l’indice national (IPR). Les scores de chaque métrique sont précisés pour toutes les stations prospectées en 2004 en annexe 3. La distribution des scores d’indices (Fig. 12) montre : 1. une forte variabilité des notes, ces dernières allant de 3.32 pour la meilleure station [La retourne à Roizy (08)] à 50.6 pour la plus mauvaise [L'Armancon à Pont-et-Massène (21)] ; 2. un maximum de fréquence des scores pour des gammes de valeurs intermédiaires, avec près de 50% des stations ayant une note comprise entre 10 et 20 ; Fréquence cumulée 100% 75% 50% 25% 0% 0 10 20 30 40 50 Note IPR Figure 12 : Distribution en fréquence des scores de l’indice poisson national (IPR) en 2004 Si seules les stations, dont le score est inférieur à 7, peuvent être considérées comme “non perturbées″ (Oberdorff et al., 2002), alors les peuplements piscicoles du bassin Seine Normandie montrent des signes de dégradation pour 86% des 143 stations prospectées en 2004. Cependant, le niveau de perturbation des peuplements piscicoles varie fortement entre les différentes stations étudiées : 1. les stations les moins perturbées (notes proches de 7) présentent principalement une réduction de l’abondance des espèces les plus sensibles ; 2. les stations moyennement perturbées (notes inférieures à 25) présentent une disparition et un remplacement des espèces caractéristiques des milieux considérés ; 3. les stations les plus perturbées (notes supérieures à 36) montrent une réduction importante du nombre d’espèces, ainsi que de l’abondance globale. Afin de préciser la nature des altérations des peuplements piscicoles (disparition d’espèces, modification de la structure trophique, etc.), chacune des métriques composant l’indice poisson a été considéré séparément. L’analyse de la distribution des scores de chaque métrique en fonction de la note globale IPR (Fig.13) montre qu’il existe globalement une corrélation positive entre chaque métrique et la note globale. Ainsi, les stations 22 dont l’indice est élevé, se caractérisent par des peuplements piscicoles dont à la fois la structure et la composition sont fortement perturbées puisque toutes les métriques s’éloignent de la situation ″témoin″. Espèces lithophiles métrique métrique Espèce rhéophiles 12 10 8 6 4 2 0 0 10 20 30 Note IPR 40 14 12 10 8 6 4 2 0 50 0 10 40 50 40 50 40 50 Espèces tolérantes 20 10 15 8 métrique métrique 30 Note IPR Espèces résistantes 10 5 6 4 2 0 0 0 10 20 30 Note IPR 40 50 0 10 20 30 Note IPR Espèces omnivores Espèces invertivores 20 10 15 8 métrique métrique 20 10 5 6 4 2 0 0 0 10 20 30 Note IPR 40 50 0 10 20 30 Note IPR Densité métrique 15 10 5 0 0 10 20 30 Note IPR 40 50 Figure 13 : Distribution des scores de chacune des métriques composant l’indice poisson en fonction de la note globale. Ce lien entre la note globale et chacune des métriques reste cependant faible (coefficient de régression r2 compris entre, au minimum, 0.03 pour la métrique ″Occurrence Invertivore″ et, au maximum, 0.52 pour la métrique ″Occurrence Omnivore″). Cette absence de relation significative est sans doute liée à la variabilité des réponses des populations de poissons selon la nature et/ou la force des perturbations du milieu. Une Analyse en Composante Principale (ACP) réalisée sur le tableau des valeurs de chaque métrique, ainsi que sur la note globale de l’indice poisson (FBI) confirme l’existence d’évolutions synchrones du score de certaines métriques. Le plan F1/F2 de l’ACP (Fig.14) montre l’existence de deux grands ensembles de métriques : (1) le premier, corrélé positivement à l’axe 2, regroupe des métriques concernant des groupes d’espèces spécialisées et sensibles aux perturbations du milieu ; (2) le second, corrélé négativement à l’axe 2, est composé de métriques traduisant à la fois une simplification de la structure des peuplements piscicoles (abondance omnivore et tolérant) et une modification de leur composition (richesse et densité). 23 Figure 14 : Cercle de corrélation de l’ACP réalisée sur les scores de chaque métrique composant l’indice poisson et sur la note globale du FBI pour les 140 stations prospectées en 2001. Ces résultats confirment (cf. §2.2) que l’altération des peuplements piscicoles se réalisent selon deux schémas : 1. une modification de la composition du peuplement piscicole avec une réduction de l’abondance, voire une disparition, des espèces polluo-sensibles, essentiellement dans les zones hydrographiques amonts. En effet, ces espèces sont particulièrement sensibles aux aménagements des bassins versants qui amènent une modification de la mosaïque d’habitat (colmatage des fonds perturbant la reproduction des espèces lithophiles et réduisant l’abondance des invertébrés benthiques ; travaux hydrauliques réduisant la capacité d’accueil, voir la capacité de reproduction des espèces rhéophiles; réchauffement des eaux dû à la création de plans d’eau dans les lits mineurs et/ou majeurs, à la diminution des débits ou à l’élargissement de la lame d’eau…). 2. une simplification des peuplements piscicoles avec un remplacement des espèces sténoèce par des espèces euryèce, aux régimes alimentaires peu spécialisés, essentiellement dans les secteurs aval. Cette homogénéisation des peuplements piscicoles s’accompagne, pour des niveaux d’altération moyens, d’un enrichissement en espèces (maintien des espèces sensibles et apparition de nouvelles espèces), puis pour les stations les plus dégradées d’une réduction de la richesse spécifique et d’une baisse de la densité globale. Variation régionale et locale de la qualité des peuplements piscicoles La carte issue du regroupement des notes de l’indice poisson en 5 classes (Fig.15) confirme le constat réalisé les années précédentes. La qualité des peuplements piscicoles tend à diminuer de la périphérie vers le centre du bassin, en relation directe avec le gradient d’anthropisation (concentration des activités humaines en région parisienne). Plus en détail, on peut distinguer : 1. des peuplements relativement préservés dans les parties amonts de la Seine et de ses affluents (l’Aube, l’Yonne et la Marne), ainsi que sur les fleuves côtiers normands. Toutefois, seules les têtes de bassin abritent encore des peuplements sub-référentiels. En effet, l’aménagement des bassins versants se traduit rapidement par une diminution des populations de truite fario, espèce particulièrement sensible (surtout pour la reproduction). Pour les cours d’eau côtiers normands, le colmatage du substrat est identifié comme principal facteur limitant pour la truite fario, tandis que de nombreux obstacles limitent la présence des migrateurs. 2. une dégradation de la qualité des peuplements piscicoles, d’ampleur très variable, dans le centre du bassin (Picardie et surtout région parisienne). Pour les cours d’eau moyens, deux principaux facteurs contribuent à cette altération : (1) une réduction de la diversité de l’habitat suite à d’importants aménagements hydrauliques initiés dans les années 70-80 ; (2) une intensification des pratiques agricoles, qui engendre une augmentation des pollutions chimiques et de l’érosion des sols. 24 25 Fig. 15 – Qualité des peuplements piscicoles sur les stations RHP du bassin Seine-Normandie en 2004 Pour les grands cours d’eau, le fort degré d’aménagements (chenalisation, régulation hydraulique, etc.) provoque une homogénéisation des habitats et des faciès d’écoulements, ce qui entraîne, la disparition des espèces rhéophiles (barbeau, vandoise et spirlin notamment) et de celles dont le cycle de vie nécessite une connexion entre le lit mineur et le lit majeur. A cela s’ajoute pour les zones aval, de fortes concentrations urbaines, responsables de pollutions (domestiques ou industrielles) et d’une détérioration de la qualité physicochimique de l’eau. La variabilité des scores d’IPR sont importants entre les sous-bassins (Fig.16). Les bassins les plus dégradés sont l’Yonne, la Marne amont et la Seine moyenne. 45 45 40 40 35 35 Note IPR 30 30 25 25 20 20 15 15 10 10 55 00 Seine amont Yonne Marne amont Marne aval Oise amont Aisne Oise aval Seine moyenne Seine aval Côtiers nord Côtiers sud Figure 16 : Scores de l’IPR en 2004 par sous-bassins (C10%-C25%-moyenne-C75%-C90%) 3.2.2. Gradient amont-aval de la qualité des peuplements Un gradient Amont-Aval de dégradation de la qualité des cours d’eau est classiquement observé en France (Belliard, 2000, Vigneron, 1999, Manné, 2002). Dans le cas du bassin Seine-Normandie, si une légère tendance peut être observée, les stations sur des rivières de rang 1 présentent encore une forte variabilité du score de l’IPR. Seuls les cours d’eau de rang 7 présentent une dégradation marquée de la qualité des peuplements piscicoles. La dégradation des cours d’eau est plus visible pour les rangs 2 à 5 (Fig.17), ceci peut indiquer que les rangs de Strahler de niveau 1 et 7 ne sont pas représentatifs du gradient amont-aval. Toutefois, le rang 7 ne concerne que la Seine après la confluence avec la Marne, soit au niveau de l’agglomération parisienne ce qui peut expliquer cette forte augmentation de l’IPR. 26 30 25 Note Note IPR 20 15 10 5 0 1 2 3 4 Rang de de Strahler Strahler Rang 5 6 7 Figure 17 : Scores de l’IPR en 2004 en fonction du rang de Strahler du cours d’eau (C10%-C25%moyenne-C75%-C90%) 3.2.3. Etat des peuplements piscicoles : évolution sur la période 1995-2004 Afin de déterminer sans ambiguïté les évolutions de l’état des peuplements piscicoles sur le bassin Seine Normandie, seules les stations ayant été échantillonnées chacune des 10 années depuis 1995 ont été retenues (soit 109 stations). Evolution de la qualité des peuplements piscicoles à l’échelle du bassin Seine Normandie L’examen graphique de l’évolution temporelle de la distribution en fréquence des scores de l’indice poisson (Fig.18) ne montre pas de différences importantes entre les 10 années. 100% 75% 50% 25% 0% 1995 1996 1997 Excellent 1998 Bon 1999 Médiocre 2000 2001 Mauvais 2002 2003 2004 Très mauvais Figure 18 : Evolution temporelle de la distribution en fréquence des scores de l’IPR. L’analyse de variance réalisée confirme que les scores de l’IPR ne sont pas significativement différents en fonction de l’année (p = 0,98). 27 Evolution régionale de la qualité des peuplements piscicoles Si l’IPR ne semble pas varier ces 10 dernières années pour l’ensemble du bassin Seine-Normandie, ce n’est pas le cas lorsqu’on observe l’évolution de l’IPR moyen par sous-bassins (Fig.19). Dans le bassin Seine Amont, nous observons une augmentation de la note moyenne de l’IPR. Ainsi, depuis 1995, la qualité des peuplements piscicoles se dégrade d’une manière générale. Cette augmentation de l’IPR se situe dans la même classe de qualité (de 10 à 12). Cette tendance reste difficile à interpréter en raison de problème sur l'IPR, ainsi qu'un changement de méthode d'échantillonnage en 1998 et 1999 (passage de la pêche en continu à la pêche par ambiance). En effet, une augmentation de la densité et du nombre d'espèce peut engendrer une baisse de la qualité affichée par l'IPR. A l’inverse dans les sous-bassins de la Marne aval et de l’Oise Amont, la qualité semble s’améliorer ces dix dernières années. Toutefois, dans ces cas, le coefficient de corrélation n’est pas significatif (respectivement R²=0,31 et 0,39), les R² sont inférieurs au R²critique (R²c= 0,70 pour alpha=5%). Ces tendances restent à confirmer sur du plus long terme. Seine amont 20 20 Note IPR Note IPR Note IPR 25 25 15 10 2001 2003 1995 1997 Marne aval 30 15 10 R2 = 0.39 15 10 5 5 0 0 Oise aval 25 Note IPR 30 15 10 1997 1999 2001 Seine moyenne 20 5 1997 1999 2001 20 15 10 Côtiers nord 2003 1995 1997 1999 2001 2003 1999 2001 Côtiers sud Note IPR 1995 1997 R2 = 0.00 14 12 10 8 6 4 2 0 8 6 4 1995 1997 2003 1999 2001 Seine aval R2 = 0.21 0 1995 10 2003 5 0 R2 = 0.05 0 R2 = 0.05 25 2003 2 1995 2003 2001 12 Note IPR 2001 1999 Aisne Note IPR 20 1999 1997 14 20 1997 1995 2003 25 Note IPR Note IPR 2001 R = 0.31 1995 Note IPR 1999 Oise amont 2 25 10 0 0 1999 15 5 5 1997 R2 = 0.60 R2 = 0.21 30 1995 Note IPR Marne amont Yonne R2 = 0.76 16 14 12 10 8 6 4 2 0 2003 R2 = 0.24 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1995 1997 1999 2001 2003 R2 = 0.26 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1995 1997 1999 2001 2003 Figure 19 : Evolution des moyennes des notes IPR par sous-bassins Pour les autres sous-bassins, aucune tendance nette ne se dégage. L’IPR ne varie pas de manière significative de 1995 à 2004. 28 Conclusion Ce travail s’inscrit au niveau national par l’élaboration d’une synthèse pour chacun des 6 bassins français. Ces rapports établis sur la base de 10 années consécutives de suivi permettent obtenir une image parlante de l’état piscicole des cours d’eau en 2004 et des évolutions depuis 1995. Cette synthèse basée sur l’ancien RHP, permet de faire un bilan préalable aux changements engendrés par la mise en place de réseau européen initié par la DCE, le Réseau de Contrôle de Surveillance. Le Réseau Hydrobiologique et Piscicole s'avère représentatif des différents contextes régionaux du bassin Seine-Normandie. Cependant, ce réseau présente quelques lacunes, le sous-bassin de l’Oise Amont est souséchantillonné par rapport au linéaire de cours d’eau, à l’inverse les Côtiers Nord sont surreprésentés. Toutes les tailles de cours d’eau, abordée par le rang de Strahler corrigé, sont échantillonnées, cependant les rivières d’ordre 1 sont peu suivies proportionnellement au linéaire important qu’elles représentent. Les pressions que subit le bassin dans sa globalité sont correctement représentées selon les pressions ROM identifiées au niveau des stations. En 2004, 43 espèces de poissons ont été capturées sur l’ensemble du bassin Seine-Normandie. Les espèces les plus fréquemment rencontré sont : la Perche, le Chabot, la Truite commune, Le Goujon, le Chevaine, le Vairon, le Gardon, la Loche Franche et l’Anguille, qui sont présentent dans plus de 50% des pêches réalisées. Parmi toutes ces espèces 17 ont un statut de protection et 11 sont des espèces introduites. L’analyse de l’IPR indique que 62% des stations sont en excellent ou bon état et 11% en mauvais ou très mauvais état. Toutefois, malgré ces bons objectifs apparents, l’interprétation de l’IPR reste délicate lors d’une analyse restreinte à la seule note globale. De plus, l’IPR permet d’observer la dégradation des milieux dans la zone centrale du bassin aux alentours de l’agglomération parisienne, mais certaines perturbations ne sont pas systématiquement sanctionnées par une augmentation de la note. Enfin, le choix des stations de calage de l'IPR entraine une amélioration de la qualité qui n'est qu'apparente en particulier sur les grands milieux. Sur ces 10 dernières années, l'IPR ne montre pas d'évolution particulière excepté dans les sous-bassins de la Seine Amont et de la Marne Amont où une dégradation est visible. L'IPR permet tout de même d'avoir une bonne vision d'ensemble de la qualité des peuplements piscicoles dans le bassin Seine-Normandie en attendant le développement d'un nouvelle indice prenant en compte un nouveau jeu de stations de référence, les grands migrateurs et la structure des populations. 29 Bibliographie AFNOR NT90-344, 2004. Qualité d’eau – Détermination de l’indice poissons rivières. (IPR) Amoros & Petts, 1993, Hydrosystèmes fluviaux. MASSON Ed. Paris, 300 p. Belliard J., 2001, Le peuplement ichtyologique du bassin de la Seine: rôle et signification des échelles temporelles et spatiales, thèse de doctorat de l'Université Paris VI, 197 p. Belliard J., 2002, Réseau Hydrobiologique et Piscicole (RHP), Synthèse des données 2000, Bassin SeineNormandie, Conseil Supérieur de la Pêche, D.R. de Compiègne, Agence de l'Eau Seine Normandie, 75 P. Belliard, J., 2000. Réseau Hydrobiologique et Piscicole (RHP). Bassin Seine-Normandie. Synthèse des données 1999. 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