Ni cette inutilité ni cet eχcès de grandeur

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Ni cette inutilité
ni cet excès
de grandeur
le dossierni cette inutilité ni cet excès de grandeur
En raison des caractéristiques propres de la Wallonie — absence d’instrument monétaire,
autonomie budgétaire et fiscale limitée, étroitesse du territoire —, le plan Marshall ne
pouvait qu’être modeste dans sa visée de stimulation de l’activité économique. Son bilan
consiste donc davantage en la mobilisation des différents opérateurs économiques et politiques qu’en résultats tangibles.
Anne-Marie Pirlot
Le plan Marshall pour la Wallonie est mal nommé, mais il est né à point
nommé. Le gouvernement wallon avait besoin de se découvrir une légitimité,
secoué qu’il était par une critique envahissante dénonçant le retour en force
des maux wallons : trop de politique sociale et pas assez de vitalité économique,
comparaison frustrante avec la Flandre, irresponsabilité généralisée, balkanisation sous-régionale, inflation institutionnelle, mal-gouvernance.
Le présent gouvernement wallon, étant un attelage renouvelé par rapport à l’arc-en-ciel, se devait de mettre en place une stratégie en vue de marquer astucieusement un changement de cap tout en préservant l’image d’une
Wallonie « qui se redresse ». C’est ainsi qu’est née l’idée de construire un
« Contrat d’avenir renouvelé pour la Wallonie », faisant suite au « Contrat d’avenir » (CAW) tout court. En place durant une année, il a été suivi par « Les
actions prioritaires pour l’avenir wallon », mieux connues sous le sobriquet de
« plan Marshall ».
Marshall, général d’armée sous Roosevelt, devenu diplomate après la
Deuxième Guerre mondiale sous Truman avait opté pour l’ERP (European
recovery program), en injectant des milliards de dollars dans l’économie européenne. Il est revenu à la Belgique 550 millions de dollars de l’époque, constitués à 90 % de dons de l’Oncle Sam, le reste venant des efforts propres des pays
d’Europe.
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Comme l’ERP, le CAW a été affublé du titre de « plan Marshall ». On ne
sait toujours pas qui a baptisé ce plan, car son nom s’est imposé progressivement dans les médias après que l’un ou l’autre politique ait prononcé : « Il
faudrait pour la Wallonie un équivalent du Plan Marshall. » (Voir l’article de
Paul Piret dans ce numéro.)
le dossier
larevuenouvelle - mai-juin 2009
Ici s’arrête la comparaison : il s’agit de deux formes très opposées de mobilisation socioéconomique. Une relance à la Keynes repose sur une maîtrise étatique de nombreuses variables macroéconomiques parmi lesquelles la politique
monétaire et la politique budgétaire. Or, il n’est pas adéquat d’employer le mot
« macroéconomique », d’ailleurs démonétisé (!) depuis les années quatre-vingt,
même s’il est de nouveau à l’ordre du jour puisque les États occidentaux se sont
mis à injecter des sommes considérables dans leurs économies pour limiter les
dégâts de la crise financière.
La Wallonie ne dispose pas d’instruments monétaires — la planche à billets
et la définition des taux directeurs ne sont pas à Namur, mais à Francfort —,
elle ne dispose pas non plus de grandes marges de manœuvre budgétaires étant
donné les orientations que le traité de Maastricht impose aux États membres.
Son autonomie fiscale reste limitée — on est encore en Belgique —, elle n’a pas la
taille adéquate — une population entre le tiers et le quart de Londres ou de l’Île
de France. Le plan Marshall pour la Wallonie devait et doit être moins grandiloquent (ou moins macroéconomique) que son nom ne l’indique. Il en fut et
il en est ainsi. Il s’agit plutôt d’une tentative de ressourcement ou de remobilisation interne. On opère tant sur des facteurs endogènes que sur l’ouverture
internationale.
Pour faire quoi ?
Le plan devait donc être l’occasion de repenser la gouvernance gouvernementale et administrative, et le rapport entre le pouvoir politique et les opérateurs économiques, qu’ils soient privés, publics ou parapublics. Il doit s’agir de
trouver une manière efficace de gérer les interactions entre tous, interactions
qui sont rendues toujours plus complexes par l’inflation réglementaire européenne, fédérale, régionale et communale, et par des administrations qui ont
des rythmes non économiques et des approches procédurales non tournées
vers les projets.
Globalement, le plan vise à stimuler l’activité, par l’injection de moyens
plus importants dans l’économie régionale, par des baisses fiscales, par la structuration de partenariats et par le soutien à la recherche et à l’innovation.
Le dispositif est complété au plan social par une volonté d’amélioration
qualitative de la main-d’œuvre, vu la hauteur du chômage dans la population
la moins qualifiée.
En outre, une annexe portant sur une nouvelle gouvernance vient compléter l’ensemble, mais on ne s’y attardera pas trop car la montée furieuse des
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affaires de Charleroi était quasi concomitante. Il a fallu changer deux fois de
présidence à l’exécutif et redonner progressivement consistance au concept
confus de « bonne gouvernance ». Pendant ce temps-là, Yves Leterme, à la tête
de la Flandre, planait sur son tapis volant baptisé « goed bestuur ».
Une forme de consensus s’est dégagée autour du concept général de plan
Marshall, au moment de sa présentation. Ce n’est que plus tard que deux
grands manques sont apparus aux yeux de ses auteurs : sous la pression écologiste, un axe de développement durable et de développement des énergies
renouvelables a été ajouté ; on a dû relier les actions wallonnes et bruxelloises,
au vu des interactions entre les deux Régions. Rappelons que la Flandre reste
du domaine de la politique extérieure, en économie du moins, puisque les investissements flamands relèvent de l’Office of Foreign Investors, regroupé avec
l’Agence à l’exportation.
Les pôles de compétitivité
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La mesure emblématique du plan a consisté en la création de pôles de
compétitivité. D’inspiration globalement française, la mesure revient à associer, pour des projets arrivant à la taille critique, de grandes entreprises tractrices, des PME, des centres de recherche privés et/ou universitaires, dans le but
d’arriver à des investissements dits structurants. On y accole une dimension de
formation visant à obtenir des ressources humaines adéquates. Ces pôles sont
vérifiés au départ et en cours de route par des comités de haute volée, comprenant des références internationales. L’attention est également portée vers le
commerce international.
En exportant la responsabilité de la sélection des projets vers des comités
d’experts dits de haute volée, le gouvernement wallon entendait se dédouaner
de toute accusation de favoritisme. Mais peut-être s’est-il dès lors privé de la
possibilité d’assumer complètement certains choix ne requérant pas des niveaux scientifiques complexes.
Les pôles retenus sont la santé, l’aéronautique, l’agroalimentaire, la mécanique et le transport-logistique. Cette sélection de domaines n’a été sérieusement critiquée que de deux points de vue : le secteur de la construction s’est
dit injustement mis de côté en regard de ses apports innovants ; les thèmes du
développement durable et des énergies renouvelables ont été, dans l’ensemble,
jugés faiblards.
Même si ces regroupements sont partis sur des bases volontaristes, voire
enthousiastes, force est de les voir dans leur fonctionnement « en régime »,
comme des reflets sectoriels plutôt que comme des projections dans une économie du futur. Les forces et faiblesses de l’économie wallonne réapparaissent
dans la vie des pôles. Biowin, dans le secteur de la santé, a été rapidement
structuré autour d’opérateurs solides, comme GSK et UCB (!) et les grands
centres de recherche médicale, pour proposer des opérations ambitieuses en
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imagerie médicale et en lutte contre le cancer, notamment. Par contre, dans les
secteurs de l’alimentaire (Walagrim) et de la mécanique (Meca-Tech), composés d’opérateurs plus éclectiques, il était inévitable que les programmes retenus
se voient plus dispersés, voire plus évasifs.
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En aéronautique (Skywin) et en logistique et transports (Logistics in
Wallonia), les entrepreneurs ont trouvé l’occasion d’approfondir ou d’accélérer
leur travail de mise au point de produits, procédés et mises en marché de dispositifs particulièrement complexes. Le pôle de compétitivité n’est pas un dispositif d’aide et n’empêchera pas une grande société comme Sonaca d’afficher
de lourdes pertes, pas plus qu’il ne rencontrera les gros problèmes de volume
de travail connus depuis la fin de 2008.
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L’ensemble ne manque malgré tout pas d’allure et il serait malvenu de
négliger certains effets structurants des pôles de compétitivité. Mais bien entendu, ils n’ont pas échappé aux comportements lobbyistes, aux équilibrages
sous-régionaux, aux positionnements quémandeurs des labos universitaires, et
parfois, à la loi du plus fort. Après tout, les politiques régionales sont des mises
à disposition de moyens financiers (primes et aides diverses à la recherche et
à l’investissement, aides aux fédérations et stimulateurs divers, contrats variés
d’études, de prospections et d’introspections), le tout remplissant des étals où
les meilleurs connaisseurs vont faire leur marché aux subsides.
Il existe toutefois une vie entrepreneuriale dynamique en dehors des pôles, des gens qui structurent, vaille que vaille, des projets d’investissement, et
ont encore besoin de dispositifs non compris dans la logique des pôles de compétitivité. Le plan ne couvre pas l’ensemble du champ économique régional,
loin s’en faut. Si certains opérateurs ont compris, voire structuré eux-mêmes,
les canaux de décision du plan, il n’en reste pas moins que toutes les entreprises actives et entreprenantes ont besoin d’un appareil régional en état de
marche. À savoir des administrations qui ont du répondant, réagissent clairement aux problèmes posés, sont prévisibles quant à leurs délais de réaction et
offrent une image professionnelle de la Région. Il faut être fort, persévérant,
courageux, pour faire avancer des projets d’implantations nouvelles, notamment quand ils sont dans les dédales des administrations de l’Aménagement ou
de l’Environnement qui s’autocomplexifient davantage qu’elles ne travaillent
pour des objectifs réels.
Mais en quelque sorte, les pôles peuvent sublimer le fonctionnement normal des administrations. Il reste beaucoup d’entrepreneurs qui sont sensibles
au climat positif provoqué par le plan, mais qui ne savent toujours pas en quoi
il consiste, tant il a imposé des procédures adaptées aux seuls connaisseurs des
canaux de l’aide régionale.
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La stimulation de l’activité
Le ministre de l’Économie régionale avait dénombré une septantaine d’organismes chargés de faire de la stimulation économique. Dans sa propre région
liégeoise, on se montre particulièrement ardent quand il s’agit de mettre en
place des « outils de développement économique ». Les guichets, qu’ils soient
uniques ou autres, sont nombreux et servent tous à aller chercher de l’argent à
la Région et à l’Europe, avec l’espoir d’attirer l’investisseur. Si tout le monde le
fait dans son coin, la Région elle-même n’est plus là pour le faire sérieusement
Les esprits économiques wallons n’ont jamais été dans le sens du regroupement des forces administratives et des distributions de budgets. On s’est donc
résolu à choisir la coordination des acteurs décentralisés en créant une nouvelle entité, l’Agence de stimulation économique (dont les besoins budgétaires deviennent proliférants), elle-même affublée de six agences décentralisées
réparties sur les différents bassins. On a été bien inspiré de ne pas créer six
nouvelles entités sous-régionales, mais de confier la mission à des institutions
leaders sous-régionales.
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La stimulation est un exercice parfois étonnant qui consiste à faire faire à
l’appareil public ce qu’il est censé faire depuis toujours et normalement. L’aide
à l’investissement, par exemple, si elle n’est pas un facteur décisif pour la décision de réaliser un projet, est malgré tout un incitant assez consistant. Cela
fait des lunes que l’on tente d’y voir clair dans les évolutions des dossiers qui
évoluent tant bien que mal dans les arcanes de l’administration, avec des vaet-vient entre les inspections économiques, sociales, environnementales. Dès
le départ du gouvernement, l’accélération du traitement des dossiers figurait en
bonne place dans les priorités. Il en fut encore question au lancement du plan
Marshall. Il en est une fois encore question dans les plans anticrise voulus par
la situation dépressive actuelle.
Si l’on se place du point de vue normalement correct d’une relation à établir entre les entreprises et l’administration qui soit faite de visibilité, de clarté,
de prévisibilité, il faut admettre que le plan n’a rien apporté. Il reste difficile
d’investir en Wallonie, pour des raisons de contexte (une position concurrentielle incertaine), mais aussi pour des raisons endogènes, qui tiennent aux
difficultés et complexités que la Région s’invente pour elle-même.
Les allégements fiscaux
Ils vont de la suppression du précompte immobilier pour les investissements nouveaux à la suppression des droits de navigation, en se prolongeant
vers les provinces et les communes qui doivent cesser de taxer la force motrice
sur les nouveaux équipements. Des zones franches, urbaines et rurales, sont
créées pour y favoriser des activités nouvelles.
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La recherche et l’innovation
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La Communauté française est en manque de moyens pour financer globalement ses universités. Il y a donc belle lurette que ces universités, globalement
ou par labos et professeurs chercheurs interposés, tentent de diversifier leurs
sources de financement et qu’elles approchent la Région wallonne pour pousser nombre de programmes. C’est parfois un peu la bousculade. Ce qui interpelle dans ces démarches, c’est le fait qu’elles se présentent généralement avec
des espoirs d’application rapide au plan industriel, ce qui appâte évidemment,
dans l’esprit du plan, mais aussi le fait qu’elles ne trouvent pas à s’appliquer sur
le terrain avec l’intensité annoncée. N’arrive-t-on pas, dans ces conditions, à
une structuration universitaire qui surdimensionne l’appliqué par rapport au
fondamental (évolution non récente), mais aussi fait valoir des applicabilités
qui n’en sont pas ?
Il s’établit un rapport marchand intensif, mais parfois peu réfléchi, entre
les subsidiants et les subsidiés. Il est indéniable que les universités, dont les
choix de cohérence industrielle ne sont pas la vertu, ont réussi à se placer en
position décisive dans la plupart des programmes du plan Marshall. Les inventaires de toutes sortes des programmes de recherche sont là pour afficher un
éclectisme qui n’a rien à voir avec une quelconque programmation industrielle
cohérente.
Dans ce mécanisme de subsidiation croisée Région wallonne vers
Communauté française, que constituent les appels à projets aux objectifs multiples, ce sont les labos les plus activistes qui l’emportent, et ce d’autant mieux
qu’ils se placent derrière ou aux côtés des entreprises les plus influentes.
Les compétences pour l’emploi
Le problème chronique de l’emploi, vu du côté des entreprises, tient
aux qualifications et aux motivations des gens pour entrer dans des métiers
d’aujourd’hui, qui ne sont pas toujours intéressants d’un point de vue humain.
Comment inciter un jeune, par exemple, à devenir un électro-mécanicien motivé ? Des écoles de renommée technique se dépeuplent quand d’autres sont
surpeuplées de jeunes qui ne savent où ils iront sur le marché de l’emploi.
La question est lancinante et le plan n’y apporte pas de réponse décisive, si
ce n’est que le Forem voit ses moyens amplifiés (on n’évoquera pas ici les problèmes liés à la gestion de l’institution), étant parvenu à se glisser dans chaque
programme du plan, avec acquisition de gros moyens qui n’arrivent pas à se
déployer. L’apprentissage des langues a également été au centre du plan, chose
qui devait ou devrait être abordée de toute façon dans la politique éducative.
C’est un nouvel exemple de chassé-croisé Région-Communauté.
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Le développement durable
Les écologistes avaient pointé l’absence d’une optique globale de développement durable et notamment l’inscription des pôles de compétitivité dans
une optique de relance traditionnelle plutôt que de réorientation vers l’économie dite durable. À quoi le gouvernement a répondu dans un premier temps
qu’il y avait en chaque projet une dynamique « durable ».
Sur la période couverte par le plan, la notion de développement durable a
pris une extension phénoménale, médiatique, symbolique et artificielle. Plus
personne ne s’y retrouve devant la prolifération de ce concept et il s’avère
qu’aucune définition ne convient. Si bien que le gouvernement s’est décidé à
consacrer une quarantaine de millions d’euros pour soutenir des dossiers à
sélectionner à la suite d’un « appel à projets » pour le développement durable.
À quoi l’on ajoutera quelques millions pour divers programmes de recherche
en énergie solaire.
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Cette approche présente évidemment une faiblesse, elle ne peut déboucher
sur la structuration de projets industriels cohérents. Elle part d’office en dispersion, voire en saupoudrage. D’autre part, un développement durable global
ne peut s’appliquer qu’à des gammes de problèmes qui ne sont pas gérables au
niveau microéconomique. Prenons le cas du trafic automobile, normalement
appelé à diminuer. Ce défi ne sera pas rencontré par une entreprise spin off qui
mettra au point un nouveau moteur, fût-il excellent.
Le plan a donc rejoint le développement durable, avec une mesure additionnelle, un peu pour s’excuser de n’avoir pas été participatif dans la course
médiatique vers l’économie verte ou dans l’effet de mode écologique.
Plus coercitif est et sera le protocole de Kyoto, qui sera durci lors de l’important sommet de Copenhague où vont être décidés des systèmes d’allocations de CO2 relativement plus stricts par rapport à la situation actuelle. C’est
un autre « plan » que le plan Marshall qui est chargé de cette tâche redoutable et certainement pesante pour le futur d’une Région globalement grosse
émettrice de CO2, sauf cas désespéré de fermetures dans les industries les plus
concernées (sidérurgie, verrerie, cimenterie, etc.). N’eût-il pas été plus sain
d’intégrer sérieusement cette problématique dès la confection et le départ du
plan Marshall ?
Le lien avec Bruxelles
Vaille que vaille, Bruxelles-Capitale a également mis en place des outils
variés pour améliorer son économie, sa relation avec les entreprises et son
niveau d’emploi. Inévitablement, le plan Marshall déborde sur Bruxelles, ne
fût-ce qu’en raison de la présence de l’université libre de Bruxelles dans les
programmes et en raison de la présence de nombreux quartiers généraux d’entreprises dans la capitale fédérale.
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Il y a également eu des contacts entre les gouvernements wallon et bruxellois, dans le but de coordonner, éviter les doublons, augmenter les synergies, etc.,
mais on ne peut pas dire que des liens programmatiques structurels ont pu être
mis en place. Si le ministre-président Demotte a tenté de faire œuvre pédagogique en allant en Flandre expliquer la dynamique du plan, il faut bien constater
qu’aucune politique commune n’a été engagée avec la Région flamande.
Transversalité
le dossier
Il s’agit ici d’un concept postmoderne et piégeant qui est censé indiquer
que toutes les composantes gouvernementales, administratives et concertatives vont se trouver impliquées dans les projets pour les structurer de la
meilleure manière qui soit, en tenant compte des effets des uns sur les autres.
À coup de groupes de travail, de task forces, de plans combinés et de visions
globales, l’appareil wallon tente de se mettre en ordre avec la complexité qu’il
crée lui-même.
La transversalité implique que plus personne n’est responsable de la bonne fin des mesures adoptées, mais que chacun trouve le droit d’y mettre son
grain de sel, soit pour obtenir une part d’intervention, soit pour bloquer ou
ralentir les mises en œuvre.
Il existe une vie économique et sociale wallonne
hors Plan Marshall
Dans l’océan de la crise financière et bancaire, qui finit par porter sur l’économie réelle et l’emploi, l’effet macroéconomique de la vague du plan ne pourra
jamais être distinguée, identifiée ou mesurée. La vie économique mondialisée a
évidemment pris le pas sur toute forme de politique économique endogène.
Des événements comme la reprise d’Arcelor par Mittal, comme la crise de
fond du logement social, comme les problèmes urbains (et politiques) de villes
à taux de chômage inacceptables (exemples de Charleroi et La Louvière), comme le manque de fonds de nombreuses communes, comme la réforme en demi-teinte de l’administration régionale… tout cela peut encore donner du plan
l’image « en contraste » d’une excroissance sur un visage régional globalement
imparfait. Fût-elle attirante, cette excroissance n’est pas encore la marque
d’une réconciliation positive de l’appareil wallon avec sa face économique.
Le Plan Keynésien après le plan Marshall
Le vrai plan Marshall « appellation contrôlée keynésienne » est en fait
venu en suite de la crise bancaire et financière qui a conduit fin 2008, début
2009, le gouvernement à injecter de l’argent ou émettre des garanties en faveur
de Dexia, Ethias et Holding communal. On peut sans doute reparler de key66
nésianisme puisque l’injection d’argent public se pratique dans la plupart des
pays occidentaux.
On a ensuite formulé un « plan de relance » établi sur les axes principaux
suivants : la création d’une Caisse d’investissement de Wallonie destinée à récolter et garantir l’épargne des Wallons tout en leur offrant un avantage fiscal ;
la mobilisation de 600 millions d’euros pour la remise en état du réseau routier ; la mise en place de financements spéciaux pour l’économie d’énergie et la
promotion des énergies renouvelables ; la facilitation du crédit aux entreprises
en offrant davantage de garanties ; la réinjection de capitaux dans les Invests
sous-régionaux ; l’accélération des payements de la Région vers les entreprises.
Cette panoplie est certainement plus marshallienne que le plan Marshall
lui-même. Elle marque la reprise d’une intervention publique forte et une
sollicitation budgétaire dont on ne sait pas encore très bien si elle est sous
contrôle.
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À une encablure des élections régionales, le gouvernement wallon doit
défendre son plan Marshall et sa force de résistance à la crise mondiale. Point
n’est besoin pour ce faire de multiplier les efforts de communication qui risquent de provoquer du rejet plutôt qu’une adhésion à une démarche qui aura
eu une valeur mobilisatrice plutôt que des résultats palpables. Car l’horizon est
plus qu’incertain, les effets destructeurs de la crise financière sont plus redoun
tés que ne sont applaudis les quelques effets dopants du Plan Marshall.
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