DOSSIER T2A Prévision externe d’activité : le PMSI un outil stratégique dans le cadre de la T2A d’après la communication de Catherine DUPILET, consultante en stratégie au Centre national de l'expertise hospitalière (CNEH), lors du 8e séminaire du SNPHAR – octobre 2005. ontrairement à la dotation globale, le point de départ du calcul de la T2A est l’activité, avec ses conséquences en termes de recettes et de dépenses. Dans cette logique, les budgets des hôpitaux sont désormais liés au niveau de leur activité, activité qui génère les recettes. Ainsi, toute dépense est autorisée dès lors qu’elle ne remet pas en cause les équilibres fondamentaux de l’évaluation prévisionnelle des recettes et des dépenses (EPRD). C La vocation du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information) est de fournir des informations quantifiées et standardisées en vue « d’améliorer la connaissance et l’évaluation de l’activité et des coûts et de favoriser l’optimisation de l’offre de soins ». Sa mise en place répond à une obligation réglementaire, à la suite de la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière (Loi n° 91-748 Art. L. 710-5 du Code de la Santé publique). La tarification à l’activité (TAA ou T2A) répond à une logique budgétaire qui nécessite que les établissements adaptent leur réflexion stratégique en analysant son activité et en se positionnant dans son environnement. L’ANALYSE D’ACTIVITÉ : NÉCESSAIREMENT DYNAMIQUE ET PROSPECTIVE 12 Dans le cadre de l’EPRD, les établissements doivent évaluer leurs recettes prévisionnelles. Dans chacune des disciplines développées par un établissement de santé, l’activité liée aux séjours hospitaliers est soumise à de multiples facteurs expliquant son évolutivité : taille et démographie de la population de la zone concernée, évolution des comportements de consommation hospitalière dans cette zone (part de marché de l’établissement, offre proposée), modifications des pratiques de prise en charge (hospitalisation classique ou ambulatoire, soins externes). C’est dire l’importance d’une analyse de l’activité dynamique, prospective et comparative, ce qui implique de disposer d’outils valides et de référentiels fiables. Q U ’ EST « CE QUE LA PERFORMANCE » À L’ HÔPITAL ? Outre une meilleure allocation des ressources entre les établissements, l’un des objectifs de la T2A est de rendre les hôpitaux « performants ». La performance à l’hôpital consiste à répondre aux besoins de santé en assurant la qualité des soins dans un souci d’efficience économique et organisationnelle. Dans cet objectif de performance, les établissements ont, en théorie, à leur disposition deux axes stratégiques : d’une part, la maximisation des ressources et, d’autre part, la minimisation des coûts. En réalité, le premier axe se heurte en pratique à une très faible marge de manœuvre car les tarifs des groupes homogènes de séjour (GHS) sont fixés et l’adaptation de la gamme d’activités est limitée : un établissement ne peut pas arrêter une activité de son propre chef et l’augmentation d’activité passe uniquement par une augmentation de la part de marché de l’établissement. La minimisation des coûts offre, en revanche, des leviers plus importants : réduction du coût des facteurs de production (bien que les hôpitaux publics n’aient que peu de prise sur la masse salariale) et, surtout, optimisation des procédures, de l’organisation interne et du degré d’utilisation de ces facteurs de production (affectation des personnels paramédicaux au niveau de plusieurs services, mise en commun de matériel, etc.). U TILISATION PMSI DANS DE LA T2A DU CADRE LE Dans ce contexte, le PSMI offre aux établissements des informations permettant de connaître leur propre activité DOSSIER T2A (ce qu’ils font, mais aussi ce qu’ils ne font pas), de se positionner dans leur environnement (concurrence, partenariats éventuels, parts de marché à récupérer) et d’envisager des scénarios sur l’évolution de l’activité. Les indicateurs issus du PMSI peuvent également révéler de possibles problèmes d’organisation. E XEMPLE DES DURÉES DE SÉJOUR Le calcul de la durée moyenne de séjour permet à l’établissement de se situer par rapport aux moyennes nationales, mais aussi de repérer les unités médicales (UM) ou les groupes homogènes de malades (GHM) dont les durées de séjour paraissent trop importantes, mettant ainsi en évidence les files d’attente vers les structures d’aval. Dans la pratique, cette analyse peut être un bon point de départ pour favoriser la mise en place de leviers d’action dans le but d’améliorer la gestion du parcours du patient au sein de l’établissement. ADÉQUATION ENTRE STRUCTURES ET MALADES Outre le souci de qualité des soins, l’adéquation entre structures et malades est importante dans le cadre de la T2A. En 2004, les tarifs publics fixaient les suppléments journaliers en services de soins à : • 833 € pour la réanimation, dès lors que le patient est admis dans une UM de réanimation, que le résumé d’unité médicale inclut au moins un acte de réanimation et que l’index de gravité simplifié est supérieur ou égal à 15 ; • 417 € pour les soins intensifs, dès lors que le patient est admis dans une UM de réanimation sans remplir les autres conditions cités ci-dessus, ou qu’il est admis dans une UM de soins intensifs ; • 278 € pour la surveillance continue, dès lors que le patient est admis dans une UM de surveillance continue. Prenons l’exemple d’un établissement X disposant de 10 lits de réanimation autorisés et de 6 lits de surveillance continue, autorisés mais non installés. Le service de réanimation réalise 3 072 jours d’hospitalisation ; cependant, seules 60 % de ces journées sont le fait de patients relevant de réanimation, 40 % correspondant à des malades relevant d’une surveillance continue. De plus, des patients relevant de réanimation doivent être refusés faute de place. Afin de comparer les hypothèses, les recettes totales de la réanimation de cet établissement dans son organisation actuelle peuvent être estimées à : 1,4 million de forfaits des GHS (patients dont le séjour a comporté au moins deux jours en réanimation) + 1,5 million (833 x 3 072 x 0,6) de suppléments réanimation + 0,5 million (417 x 3 072 x 0,4) de suppléments soins intensifs = 3,4 millions d’euros. Si les 6 lits de surveillance continue autorisés étaient installés, le service de réanimation pourrait alors, d’une part, prendre en charge une plus grande proportion de séjours relevant réellement de la réanimation (par exemple, 80 %) et, d’autre part, assurer l’admission de séjours supplémentaires. Dans cette hypothèse, les recettes totales de la réanimation deviendraient : 1,9 million (1,4 + 0,5) de forfaits des GHS + 2 millions (833 x 3 072 x 0,8) de suppléments réanimation + 0,3 million (417 x 3 072 x 0,2) de suppléments soins intensifs + 0,5 million (278 x 1 861) de suppléments surveillance continue = 4,7 millions d’euros. La différence entre ces deux résultats d’estimation de recettes est, bien sûr, à comparer au coût de la mise en place des lits de surveillance continue. INTÉRÊT DES DONNÉES DESCRIPTIVES L’ÉVENTAIL DES CAS TRAITÉS Le recueil de ces données est assez simple puisqu’il consiste à recueillir, par ordre de fréquence dans l’établissement ou le service considéré, les différents GHM, diagnostics et actes. Le niveau de spécialisation de l’établissement peut ainsi être approché : il est d’autant plus élevé que le nombre de GHM est faible. Peuvent aussi être identifiées des activités non réalisées dans l’établissement et qui pourraient être développées. LES FLUX DE PATIENTS DANS L’ÉTABLISSEMENT Un certain nombre de données chiffrées permettent de décrire ce flux : • entrées en provenance du domicile (programmées ou en urgence) ; • séjours originaires d’un autre établissement de santé (courts, moyens ou longs séjours, psychiatrie) ; • sorties vers le domicile ; • séjours transférés vers un autre établissement de santé (courts, moyens ou longs séjours, psychiatrie) ; • transferts entre UM. 13 DOSSIER T2A DÉVELOPPEMENT OU ABANDON D’ACTIVITÉ À partir de ces données, l’analyse de la filière de soins peut porter sur les structures d’aval, les flux entre les différentes unités de l’établissement et la part des hospitalisations non programmées. COMMENT La décision de développer ou, au contraire, d’abandonner une activité ne doit pas reposer sur la seule notion de rentabilité. Elle doit prendre en compte le potentiel de l’activité considérée, en se basant sur la différence entre le nombre total de séjours de la zone d’influence et le nombre de séjours pris en charge par l’établissement (fuites récupérables). De plus, aucune activité ne peut être considérée isolément, toute cessation ayant des répercussions sur l’ensemble de l’établissement. Un arrêt d’activité est soumis à l’accord de l’Agence régionale de l’hospitalisation. SITUER UN ÉTABLISSEMENT DANS SON ENVIRONNEMENT ? La réponse à cette question passe en premier lieu par la constitution d’une échelle géographique opérationnelle. Les établissements peuvent définir leur zone d’influence à partir du PMSI, qu’il s’agisse de leur zone de recrutement ou de leur bassin de santé hospitalier. ÉVALUATION PRÉVISION D ’ ACTIVITÉ LA ZONE DE RECRUTEMENT Bien préciser les zones de recrutement (en renseignant la provenance des patients) permet aux établissements de connaître le poids des communes dans leur activité. Il faut cependant souligner que les zones de recrutement ne prennent pas en compte la taille des communes ; ainsi, un établissement proche d’une grosse agglomération peut compter celle-ci dans sa zone de recrutement, alors que les patients en provenance de cette agglomération ne sont, en fait, que marginalement admis dans l’établissement. Le PMSI permet à l’établissement de connaître son activité à un moment donné et de situer cette activité dans son environnement, mais aussi de se projeter dans l’avenir. L ES PROJECTIONS OMPHALE LES PARTS DE MARCHÉ 14 Une fois la zone d’influence définie, l’établissement peut calculer ses parts de marché : nombre d’hospitalisés de la zone d’influence pris en charge par l’établissement X/nombre total d’hospitalisés de la zone d’influence. Outre permettre le calcul de sa part de marché, le PMSI renseigne l’établissement sur les fuites, tant par nature - selon les GHM -, que par destination (vers les autres établissements) (tableaux 1 et 2). DÉMOGRAPHIQUES DE L’ OUTIL L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a développé l’outil OMPHALE (Outil méthodologique de projections d’habitants, d’actifs, de logements et d’élèves) qui fournit des projections de population à l’horizon 2030, par sexe et par tranches d’âge de 5 ans. Plusieurs scénarios existent, parmi ceuxci, le scénario central (« U ») est basé sur les observations LE BASSIN DE SANTÉ HOSPITALIER Construit directement à partir des flux domicile-hôpital recensés par le PMSI, le bassin de santé hospitalier d’un établissement est constitué de l’ensemble des cantons, communes ou codes postaux dans lesquels les patients s’orientent majoritairement vers ce pôle hospitalier. Au contraire de la zone de recrutement, la notion de bassin de santé hospitalier met le patient au cœur du dispositif puisqu’on part de son lieu de résidence et de l’endroit où il va se faire soigner, avec donc une analyse des flux réels domicile-hôpital. Plusieurs niveaux de construction des bassins de santé hospitaliers peuvent être envisagés concernant la totalité de l’activité de l’établissement, les spécialités, les disciplines, les GHM ou les groupes de GHM (figure 1). PROSPECTIVE ET Tableau 1. Part de marché d’un établissement X en orthopédie. Établissements Nombre de séjours Parts de marché CH 794 54,5 % CHU 125 8,6 % Établissement A 67 4,6 % Établissement X 61 4,2 % Autres 410 28,1 % 1 457 100 % Total orthopédie Tableau 2. Exemple de potentiel d’activité par GHM. Exemple : GHM 830 (endoscopies sous anesthésie, en ambulatoire). Établissements Nombre de séjours Parts de marché CH 371 69,1 % CHU 83 15,5 % Établissement A 16 3,0 % Établissement X 12 2,2 % Autres 55 10,2 % Total bassin 537 100 % Figure 1. Construction d’un bassin de santé hospitalier. DOSSIER T2A • morbidité hospitalière constante ; • modes de prise en charge des pathologies identiques ; • évolution démographique de la patientèle de l’établissement, considérée identique à celle de la population départementale ; • comportement de consommation hospitalière de la population stable (les parts de marché sont supposées constantes). Il s’agit donc d’une évolution toutes choses étant égales par ailleurs, hormis les projections démographiques. Mais d’autres hypothèses peuvent être prises comme, par exemple, le développement de l’hospitalisation de jour ou le glissement de certaines prises en charge vers l’ambulatoire. Le modèle peut aussi être enrichi selon des hypothèses de développement des spécialités, d’évolution de l’environnement de l’offre, du taux de recours de la population, etc. La confrontation des différentes hypothèses fournit des éléments de comparaison pour hiérarchiser les priorités de l’établissement. Tous les séjours de la zone bleue sont orientés majoritairement vers le pôle A de la période 1990-1999 : hypothèses d’une fécondité constante (maintien de l’indicateur conjoncturel de fécondité de 1999), d’une baisse tendancielle de la mortalité et d’un solde migratoire entre les différentes régions constants par rapport à la période de référence. Les hypothèses de ce modèle –qui supposent que les tendances observées sur la période 1990-1999 se prolongent– en constituent une des limites. Par ailleurs, ces projections sont d’autant moins fiables qu’elles sont appliquées à une population peu nombreuse (< 50 000 habitants) et que l’horizon temporel est lointain (> 2010-2015). IMPLICATIONS PRATIQUES L’évaluation prospective permet d’éclairer les choix stratégiques de l’établissement en termes de prévision d’activité. Elle met d’emblée en lumière les implications de ces choix en termes de capacité, de plateau technique, de personnel, etc. Cependant, aucune conclusion ne peut être portée sur une activité sans avoir confronté l’analyse des données chiffrées à la connaissance de terrain et à l’expérience des médecins et des équipes soignantes. La consultation des praticiens est incontournable pour connaître leur ressenti quant à l’évolution de leurs activités, tout comme pour fixer des objectifs communs d’activité. APPLICATION À L’ÉVALUATION PROSPECTIVE DES RECOURS HOSPITALIERS Connaissant, d’une part, à partir du PMSI, les taux de recours hospitaliers (par GHM, par sexe et par classes d’âge de 5 ans) et, d’autre part, l’évolution de la population grâce à l’outil INSEE, il est possible d’estimer l’évolution des recours à l’horizon 2010 (figure 2). Une telle évaluation repose sur plusieurs hypothèses de stabilité : Propos recueillis par A. LE MASNE Figure 2. Application des taux d’évolution entre 2002 et 2010. (Sources : PMSI 2002, INSEE OMPHALE, CNEH 2004) Projections d'activité de l'établissement A 2 000 QUELQUES LIENS UTILES : - 5,5 % 1 800 2002 2010 1 600 + 11,6 % + 10,1 % 0 Disciplines TRAUMATOLOGIE 200 + 8,5 % UROLOGIE 400 + 6,2 % OBSTÉTRIQUE 600 NEUROLOGIE 800 CARDIOLOGIE + 10,9 % 1 000 CHIRURGIE DIGESTIVE + 8,8 % + 10,0 % ENDOCRINOLOGIE 1 200 ORTHOPÉDIE Nombre de RSA 1 400 • Legifrance : www.legifrance.gouv.fr • Agence technique de l'information sur l'hospitalisation : www.atih.sante.fr • Institut national de la statistique et des études économiques : www.insee.fr • Ministère de la santé et des solidarités : www.sante.gouv.fr 15