Éditorial Sang Thrombose Vaisseaux 2016 ; 28, no 1 : 4-6 Médecine vasculaire : spécialité ! Vascular medicine: a medical specialty! Jean-Pierre Laroche Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Président du CNPMV (Collège National Professionnel de Médecine Vasculaire) ; Département de Médecine Vasculaire, Hôpital Saint Eloi, CHRU Montpellier, 80 avenue Augustin Fliche, 34295 Montpellier Cedex 5, MEDIPOLE, 1139 Chemin du Lavarin, 84000 Avignon, France <[email protected]> L e 4 décembre 2015 a été publié au Journal Officiel l’acte de naissance d’une médecine vasculaire spécialité sous la forme d’un co-DES Cardio-vasculaire/Médecine Vasculaire. Il aura fallu 35 ans pour construire la spécialité. On dit d’un bon site web qu’il est toujours en construction, ce fut le cas de la médecine vasculaire, qui est passée de l’angiologie à la médecine vasculaire en 2000 par l’arrêté du 4 février 2000 : une sous-section Médecine vasculaire commune avec la sous-section Chirurgie vasculaire a été créée au sein du Conseil National des Universités (sous-section 51-04 : Chirurgie Vasculaire). La médecine vasculaire est la seule parmi les sous-sections médicales à inclure des médecins et chirurgiens. De 2000 à 2015, les actions en faveur de la spécialité se sont intensifiées, pour aboutir le 4 décembre dernier. Il aura fallu des femmes et des hommes qui depuis 35 ans se sont impliqués dans cette quête de la spécialité. Pendant longtemps, les déceptions ont été le lot quotidien, mais c’est à partir de 2009, et la création de la CNIPI I puis II (Commission Nationale de l’Internat et du Post-Internat), que tout s’est accéléré grâce au travail de Michel Vayssairat au sein de la CNIPI. Il a donné la voie à suivre avec force et conviction. Tout s’est enchaîné ensuite avec ces trois dernières années l’implication étroite du Collège des Enseignants de Médecine Vasculaire (CEMV), car la CNIPI a été enfin le bon endroit pour parler de médecine vasculaire et expliquer ce qu’elle contenait. Il aura fallu rencontrer des bons interlocuteurs qui connaissaient la médecine vasculaire pour être écouté et non plus entendu, qui connaissaient notre métier, un vrai métier, que nulle autre spécialité n’exerçait réellement. Il aura fallu que sur le terrain, 2 000 médecins vasculaires, par leur exercice quotidien, fassent de leur discipline une spécialité à part entière. Leur expertise est reconnue des médecins qui leur confient leurs patients et des patients. 4 Pour citer cet article : Laroche JP. Médecine vasculaire : spécialité ! Sang Thrombose Vaisseaux 2016 ; 28 (1) : 4-6 doi:10.1684/stv.2016.0920 doi:10.1684/stv.2016.0920 Tirés à part : Jean-Pierre. Laroche Qu’est-ce qu’un co-DES Cardio-Vasculaire/Médecine Vasculaire ? Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Les premiers semestres de formation sont communs mais donnent lieu à la délivrance d’un diplôme distinct. Le CEMV sera le référent pour le DES Médecine Vasculaire, comme c’était le cas aujourd’hui avec la capacité d’angiologie et les DESC type 1 de médecine vasculaire. sont absents des parcours de soins HAS, ils ne sont pas ciblés. Or, aujourd’hui, les parcours de soins vont prendre de plus en plus d’importance dans notre système de santé : « Un parcours se définit comme la trajectoire globale des patients et usagers dans leur territoire de santé, avec une attention particulière portée à l’individu et à ses choix. Il nécessite l’action coordonnée des acteurs de la prévention, du sanitaire, du médico-social et du social. Il intègre les facteurs déterminants de la santé que sont l’hygiène, le mode de vie, l’éducation, le milieu professionnel et l’environnement. Si le parcours d’une personne donnée est unique, à l’échelle d’une population on peut repérer et organiser des typologies de parcours a priori et calibrer et anticiper les ressources nécessaires » (D’après une définition de l’ARS Île-deFrance1 ). Quel est le domaine d’expertise de la médecine vasculaire ? La médecine vasculaire est la discipline médicale qui intervient dans la prévention, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients atteints d’affections vasculaires périphériques, artérielles, veineuses, lymphatiques et de la microcirculation. Grâce à sa formation initiale, le médecin vasculaire a la maîtrise des explorations fonctionnelles vasculaires parmi lesquelles l’ultrasonographie tient une place dominante mais non exclusive. Le médecin vasculaire est donc le médecin des maladies vasculaires périphériques. La médecine vasculaire regroupe : l’étude des artères, l’étude des veines (maladie thromboembolique veineuse et insuffisance veineuse), la lymphologie et les affections de la microcirculation. Pourquoi la médecine vasculaire avait-elle besoin d’une spécialité ? Pour mille et une raisons qu’il convient de rappeler : l’exercice de la médecine est aujourd’hui un exercice de spécialité sanctionné par un DES, jusqu’à présent nous n’étions ni généraliste, ni spécialiste, donc mal identifiée dans le système de santé qui est le nôtre. Les affections vasculaires, de par leur prévalence, représentent un véritable enjeu de santé publique. Elles justifient une prévention et une prise en charge diagnostique et thérapeutique précoces et efficaces par des praticiens entièrement dédiés à ces affections. La population française est vieillissante, la prévalence des atteintes vasculaires augmentent avec l’âge. Il était donc indispensable à la fois de renforcer par un DES (4 ans) la formation des praticiens mais aussi d’assurer un « turn-over » des effectifs sur le terrain par la spécialité qui est plus attractive. Sur le plan des autorités de tutelle, seules les spécialités sont « considérées ». Un exemple simple : la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) nous était interdite. Or, les ROSP complètent le paiement à l’acte qui lui stagne. Les non-spécialistes Les affections vasculaires évoluent sous une forme chronique : la maladie thromboembolique veineuse, l’insuffisance veineuse superficielle, l’athérothrombose et ses localisations périphériques, les acrosyndromes, le lymphœdème. Pour toutes ces pathologies, un parcours de soin sera à définir, il devra associer indépendance, efficience, être coût-efficace, être accessible au plus grand nombre. Travailler sur ces parcours en étant hors spécialité est pratiquement impossible. La Société Française de Médecine Vasculaire (SFMV) aura pour mission dans le cadre de la spécialité d’écrire et d’actualiser « les recommandations vasculaires », le CNPMV aura pour mission de travailler sur le métier de médecin vasculaire, ce sont des actions complémentaires et synergiques. La médecine vasculaire est transversale, certaines de ces recommandations devront être inter-spécialités. Qui dit spécialité dit aussi une recherche fondamentale renforcée. Les chantiers à venir de la médecine vasculaire spécialité Le premier est le plus important sera universitaire : préparer la rentrée du DES qui aura lieu en octobre 2017, en 2021 les premiers DES sortiront, délimiter les services qualifiants les postes d’internat, leur nombre et l’enseignement. Le deuxième celui de la qualification des médecins vasculaires qui exercent aujourd’hui : la qualification des médecins dans une spécialité donnée est prévue par la loi : un décret publié en mars 2004 (décret n◦ 2004-252 du 19 1 http://www.ars.sante.fr/Parcours-de-soins-parcoursde.148927.0.html STV, vol. 28, no 1, janvier-février 2016 5 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. mars 2004) et un arrêté du 30 juin 2004 fixent les règles du jeu. Mise en place par le CNOM d’une commission de qualification de 5 membres dont la ou le président est un PUPH de médecine vasculaire nommé par le ministère de la Santé de la commission. Les quatre autres membres seront quatre médecins qualifiés dans la discipline, dont deux proposés par le CNOM et deux proposés par le ou les syndicats nationaux les plus représentatifs (le SNMV en ce qui nous concerne), le CNOM s’appuiera sur le CNPMV pour le choix de cette commission qui aura aussi 5 suppléants. Les critères de qualification vont être mis en place par le CNPMV. L’exercice exclusif de la médecine vasculaire sera un préalable indispensable, le profil d’exercice aussi. Le CV du demandeur (il s’agit d’une démarche volontaire) devra être rétrospectif de ses activités sur 5 ans. Cette commission sera mise en place courant 2016. Le troisième sera celui de l’évolution de notre métier : le référentiel métier rédigé dans le cadre du CNPMV2 devra évoluer du fait des nouvelles acquisitions scientifiques. Le chantier est grand, mais c’est la maladie thromboembolique veineuse et notamment la thrombose veineuse profonde (TVP) qui devrait inaugurer ce travail. Il est important aujourd’hui de répondre aux questions suivantes : si le diagnostic de TVP ne pose pas de véritable problème, les choix thérapeutiques avec l’apparition des anticoagulants oraux directs (AOD) devront être précisés, la durée de l’anticoagulation, les AOD « à vie » ne sont pas a priori la bonne réponse. La durée du traitement, les bilans étiologiques à faire et à ne pas faire, les contrôles écho-Doppler utiles et inutiles, la prévention de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) à renforcer. La MTEV au cours du cancer sera abordée afin de mieux la traiter, de délimiter la place des héparines de bas poids moléculaires et des AOD. Le parcours de soin TVP en libéral et à l’hôpital devra être individualisé et mieux précisé. Ce chantier TVP est urgent, il mobilisera tous les experts de la spécialité mais aussi des autres spécialités, tant la TVP est transversale dans sa prise en charge. Notre métier devra globaliser l’acte intellectuel 2 6 et l’acte technique comme étant une et une seule réflexion, l’image de l’écho-Dopplériste a vécu et bien vécu. Par contre, le médecin vasculaire thérapeute pour le traitement des varices va s’affirmer (traitements thermiques endovasculaires). On peut imaginer demain des centres experts vasculaires associant médecine vasculaire, chirurgie vasculaire, radiologie vasculaire et la biologie vasculaire. La quatrième, la communication grand-public : les opérations grand-public réalisées par la SFMV (Des Pas Pour la Vie, Vésale et le dépistage au cours des congrès) ont été un succès mais il faudra passer à la vitesse supérieure. Le moment est opportun dans ce contexte de réfléchir sur ce co-DES Cardio-Vasculaire/Médecine Vasculaire avec in fine deux spécialités individualisées. Nous devons renforcer la synergie cardio-vasculaire qui existe sur le terrain, une réalité qui ne pose aucun problème. Nos amis cardiologues disposent à travers la Fédération Française de Cardiologie d’un outil grand-public d’envergure, reconnu et efficace. Nous n’allons pas réécrire l’histoire, réinventer ce qui existe mais pourquoi pas une Fédération Française de Cardiologie et des Vaisseaux ? Un futur passionnant à envisager, pourquoi pas ? Nos deux spécialités sont liées de fait, nos deux exercices sont différents mais complémentaires, cela peut être vrai aussi un jour pour les opérations grand-public de prévention et de dépistage. Là encore beaucoup de travail en perspectif mais qui sera passionnant. Il va falloir maintenant affirmer cette spécialité tant attendue et qui existe maintenant. Nous disposons d’un socle solide, il ne s’agira pas d’une aventure mais au contraire d’une démarche d’évolution éclairée, attentive, efficiente, avec une préoccupation constante : le patient. « L’efficacité c’est faire les choses bien, l’efficience c’est faire les bonnes choses » Peter Drucker. Liens d’intérêts : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article. http://cnpmv.fr STV, vol. 28, no 1, janvier-février 2016