Les enfants grandissent plus vite que leurs médicaments…

publicité
PÉDIATRIE
Les enfants grandissent plus vite
que leurs médicaments…
Professeur Cadranel, quelles
quatre sous la forme d’allergies articulations de la hanche et du
sont les «nouvelles maladies» alimentaires, de rhumes des foins, genou, une tension artérielle et un
de l’enfant?
d’eczéma, d’asthme.
taux de cholestérol élevés, des es-
Nous ne parlons pas de nouvelles
maladies, mais bien de maladies
en forte croissance. Je voudrais citer
l’obésité, l’allergie et les cancers. Si
le cancer demeure rare avant 20
ans, les enfants et les adolescents
sont de plus en fréquemment touchés par cette maladie, les garçons
plus encore que les filles. Tous les
types de cancer sont en augmentation chez les plus jeunes. Les leucémies et les tumeurs cérébrales sont
les cancers les plus fréquents chez
les enfants en Europe, tandis que
les carcinomes et les lymphomes
surviennent le plus souvent chez
les adolescents. Seule bonne nouvelle, la survie de ces enfants a progressé de façon spectaculaire en 30
ans. Les progrès thérapeutiques en
oncologie pédiatrique ont permis
de porter la survie à cinq ans à
80% pour tous les cancers pédiatriques, permettant à un nombre
croissant d’enfants d’être guéris
et d’atteindre l’âge adulte. Néanmoins, ces enfants survivant à un
cancer sont à risque de développer
des complications secondaires aux
traitements par chimiothérapie et
radiothérapie. Les études récentes
démontrent un risque accru de
complications cardiaques par rapport à la population normale.
Maladie en plein boom,
les allergies touchent
énormément les plus jeunes…
Oui, les allergies sont de plus en
plus fréquentes dans nos pays,
autant chez les enfants que chez les
adultes. Elles ont presque doublé en
vingt ans, au point qu’elles affectent
aujourd’hui près d’un enfant sur
Les facteurs qui jouent un rôle dans
le développement de l’allergie sont
multiples: l’âge maternel supérieur
à 30 ans à la naissance (surtout s’il
s’agit d’un premier enfant), la pollution atmosphérique extérieure mais
également domestique, les changements alimentaires, en particulier
la diversification précoce chez les
enfants, la sédentarité, la théorie
hygiéniste (trop de propreté dans
nos milieu de vie favoriserait les allergies). La colonisation bactérienne
du nouveau-né est capitale dans la
prévention des allergies. Plusieurs
constatations ont été faites: il faut
privilégier les accouchements par
voie naturelle, car c’est le meilleur
moyen d’avoir une colonisation microbienne plus adéquate (via la flore
vaginale et fécale de la maman); il
faut également encourager un allaitement maternel prolongé, qui va
permettre le développement d’une
flore intestinale riche en bifidobactéries et en lactobacilles.
De plus en plus d’enfants
souffrent de surpoids.
Loin de n’être qu’un problème esthétique, les quelques kilos en trop
peuvent représenter des risques importants pour la santé des enfants.
Les conséquences du surpoids sur
les plans social et économique ne
doivent pas non plus être sous-estimées. Le surpoids est une affection
qui nécessite un traitement et un
suivi minutieux. Les conséquences
physiques du surpoids et de l’obésité sont la sensibilité réduite à
l’insuline, un risque accru de diabète de type 2, une surcharge des
soufflements, des ronflements et des
troubles du sommeil. Un conseil à
tous les parents: surveillez l’alimentation de votre enfant!
La vaccination doit être
encouragée par tous…
La vaccination est l’un des plus
grands succès de la médecine. Elle
constitue un des moyens essentiels
de prévention des maladies infectieuses et virales. Rappelons-nous
les succès de la vaccination: élimination de la variole, quasi-élimination de la polyomyélite (en Europe),
réduction drastique de la mortalité
due à la rougeole, contrôle d’autres
maladies (diphtérie, tétanos, coqueluche, oreillons…). L’intérêt de certains vaccins est individuel alors
que pour d’autres il est collectif,
créant une immunité de groupe,
avantage moins bien compris par
la population. En se vaccinant,
on se protège soi, mais aussi les
autres. Lorsqu’une maladie a disparu grâce à la vaccination, bien
souvent, de nombreuses personnes
oublient le bénéfice réel de la vaccination et ne retiennent que les
possibles effets indésirables des
vaccins, qui soulignons-le, sont très
rares.
La pédiatrie s’intéresse
à l’enfant comme être
singulier dans les différentes
phases de sa croissance. Elle
va du conseil génétique,
avant ou dès la conception,
jusqu’à l’accompagnement
psychologique à
l’adolescence et à la fin de
la puberté, en passant par le
dépistage, le traitement et
la surveillance des maladies
courantes ou rares de
l’enfant. Le pédiatre rassure
les parents de l’enfant,
leur donne des conseils sur
l’hygiène, l’alimentation,
les risques domestiques,
l’éducation à apporter.
Rencontre avec le professeur
Samy Cadranel, Chef de
Clinique honoraire, Hôpital
Universitaire Des Enfants
Reine Fabiola (HUDERF), qui
a consacré toute sa carrière
à la santé de l’enfant.
Quelle place accorder à la
génétique en pédiatrie?
Les progrès de la génétique moderne ont bouleversé la pratique de
la médecine. Grâce à l’essor de la génétique moléculaire, il devient possible de reconnaître les personnes
susceptibles de développer une maladie génétique et de répondre à la
demande des personnes confrontées
Suivez toute l’actualité santé
grâce au blog
du Journal du Patient
Le Journal du Patient se veut d’être un pont entre
votre médecin et vous et favoriser ainsi le dialogue
sur certains thèmes.
Pour ne rien manquer de l’actualité santé
et des dernières nouvelles, suivez-nous sur
le blog du Journal du Patient:
b lo g. lejo ur nald u p a t i e n t . be
Chaque semaine, vous y découvrirez des news santé,
de l’actualité, des témoignages, des avis d’experts.
Avec comme seul objectif de vous aider à mieux prendre
en mains VOTRE santé et celle de vos PROCHES.
à une maladie génétique, qui souhaitent connaître leur statut génétique personnel ou celui de leurs
enfants nés ou à naître. Utiliser des
tests génétiques de prédisposition
en recherche pédiatrique pourrait
aider à une meilleure compréhension des maladies ou désordres
affectant les adultes. Cela pourrait
aussi aider à la détection précoce et
au développement de soins préventifs ou cliniques pour les personnes
héréditairement plus à risque.
Qu’en est-il des nouveaux
médicaments?
De nombreuses solutions thérapeutiques nouvelles ont été apportées
pour les enfants et les adolescents,
avec des avancées à la fois dans le
traitement de maladies spécifiques de
l’enfant et dans l’adaptation à la population pédiatrique de traitements
auparavant réservés aux adultes.
Longtemps délaissé, le développement des médicaments pédia-
triques est encore à la peine. Mais
une initiative européenne témoigne
aujourd’hui d’un certain regain
d’intérêt pour les galéniques adaptées aux tout-petits. Lentement mais
sûrement, la situation évolue. De
très nombreux médicaments administrés aux enfants n’ont pas été
développés à leur intention, et donc
sans que des essais cliniques spécifiques aient été réalisés chez l’enfant.
On estime d’ailleurs qu’en moyenne
65% des spécialités leur sont prescrites en dehors du cadre de leur
autorisation de mise sur le marché.
Cela pour plusieurs raisons, parmi
lesquelles les problèmes éthiques et
pratiques liés à la réalisation des
essais cliniques chez l’enfant, la spécificité et/ou la rareté de certaines
pathologies dans une tranche d’âge
bien définie et le faible engagement
des laboratoires pharmaceutiques
à investir dans des recherches pour
cette population de patients. Néanmoins, et contrairement à ce que l’on
entend trop souvent, le «marché» des
médicaments pédiatriques est loin
d’être limité. En effet, la population
pédiatrique européenne, autrement
dit les enfants de moins de 18 ans,
représente en moyenne 20% de la population totale , ce qui correspond à
environ 100 millions de nourrissons,
d’enfants et d’adolescents. Pourtant,
il est bien connu que l’enfant ayant
des caractéristiques propres (ce n’est
pas un adulte en réduction), on ne
saurait se contenter de faire une
simple règle de trois par rapport
à l’adulte, au risque de s’exposer à
la possible survenue d’effets indésirables, notamment spécifiques à
l’enfance, comme un retentissement
sur la croissance. Sans compter les
erreurs de posologie, d’autant plus
à craindre que la dilution doit être
plus élevée.
INTERVIEW DU PR SAMY CADRANEL
CHEF DE CLINIQUE HONORAIRE, HUDERF
Quel beau métier!
«Oui… c’est un métier tellement passionnant. Mon expérience quotidienne et mon souci de formation
continue m’ont permis de gérer les différents aspects du développement des enfants. En effet, le
caractère très spécifique de la médecine infantile (très différente de la médecine d’adultes (puisque
s’adressant à un organisme en développement et en transformation permanente), nécessite une
approche adaptée. Le pédiatre, par sa connaissance du fonctionnement de l’organisme de l’enfant, peut
très souvent dédramatiser des situations bénignes mais angoissantes pour les parents et proposer des
moyens de traitement simples, peu onéreux pour la collectivité, en évitant l’escalade médicamenteuse.
Par ailleurs, sa connaissance des pathologies rares lui permet de ne pas “passer à côté” de celles-ci et
de proposer la prise en charge la plus adaptée. Enfin, son souci de globalité dans l’approche de la santé
lui permet de s’intéresser aux aspects les plus larges de ce domaine, qu’il s’agisse des problèmes d’ordre
psychologique, scolaire, du dépistage des troubles sensoriels (audition, vision), etc.»
Téléchargement