18 www.lessor.org L’ESSOR DE LA GENDARMERIE NATIONALE INDRE-ET-LOIRE C’est le seul centre de soins en France dédié aux professions de la sécurité intérieure. L’établissement de santé Le Courbat, au Liège (Indre-et-Loire), fondé par des CRS, s’est progressivement ouvert aux gendarmes. Il aide à surmonter dépression, burn-out ou alcoolisme, et mise sur une « ré-athlétisation » pour un retour en service. Reportage. D ans la fraîcheur matinale, une quarantaine d’hommes et de femmes se rassemblent à l’entrée du bâtiment principal pour le deuxième appel de la journée. D’un ton dynamique, Billy Titus, ancien CRS devenu policier assistant médico-social (PAMS), égrène les noms des patients, en grande majorité gendarmes et policiers, de tout grade et tout horizon. Dans ce château de la Loire transformé en centre de soins, un écrin de verdure de 80 hectares, ils vont vivre ensemble pendant deux semaines à deux mois, le temps de se reconstruire. Historique L’Anas Le Courbat L’histoire du Courbat est étroitement liée à celle de l’Anas. L’Association nationale d’action sociale est née en 1949, de la volonté d’une poignée de CRS du Syndicat ND Le Courbat, l’établissement qui remet les gendarmes d’aplomb L’établissement, volontairement isolé, assure une prise en charge principalement tournée vers le retour en service dans les meilleures conditions sociales, physiques et psychiques. « Ici, les valeurs de solidarité et de fraternité, la devise de l’Association nationale d’action sociale pour les personnels de la Police nationale et du ministère de l’Intérieur (Anas), ne sont pas de vains mots », insiste Frédérique Yonnet, directrice de l’établissement depuis cinq ans. Gendarmes et policiers arrivent ici sur les conseils de collègues qui ont décelé chez eux des signes de détresse. Des patients « toujours plus précarisés », mais aussi plus jeunes, remarque Frédérique Yonnet : « Ça me frappe toujours beaucoup d’apprendre que des policiers dorment dans leur voiture, à proximité de leur lieu de travail. » Ainsi ce jeune gendarme mobile a connu l’errance avant d’être orienté vers le centre de soins du Courbat par un médecin de l’hôpital militaire Percy (Hauts-de-Seine). Il y a cinq ans, suite à un problème d’endettement familial, il consacre sa solde à régler un lourd emprunt. Une situation intenable pour ce sous-officier cité à l’ordre de la division pour une action au Kosovo. Il trouvera réconfort dans l’alcool. Considéré par la Gendarmerie en congé maladie longue durée (CMLD) après 180 jours d’arrêt, il lui est demandé de quitter la caserne ou de régler un loyer mensuel de 1 300 euros. >>> national indépendant de la Police (SnipCRS) qui ont consacré une partie de leur solde pour venir en aide à leurs collègues malades ou en difficultés. En 1952, l’Anas achète le château du Courbat, qui devient son établissement de santé. Un établissement qui, peu à peu, s’est ou- vert aux gendarmes, aux pompiers, aux personnels pénitentiaires et aux patients de la région Centre-Val-de-Loire. L’Anas et Le Courbat sont reconnus d’utilité publique depuis 1977. Juillet-Août-Septembre 2016. Supplément au n° 496 ›› Région CENTRE www.lessor.org 19 ND L’ESSOR DE LA GENDARMERIE NATIONALE ND Billy, ancien CRS devenu Policier assistant médico-social (PAMS), procède à l’appel quatre fois par jour, afin d’instaurer rigueur et repères. Les 80 hectares du parc du Courbat, un havre de paix pour la reconstruction des policiers et des gendarmes. >>> Il ND devient SDF, subit une hospitalisation pour alcoolisme et vit du RSA, avant d’arriver au Courbat. « Une chance » reconnaît ce gendarme qui envisage désormais de réintégrer l’Arme. Un moral retrouvé grâce à une approche thérapeutique individualisée, où les activités sportives ont une place importante. Piscine, tennis, volley, course à pied, marche, musculation… les patients s’engagent à suivre, chaque semaine, au moins trois séances de sport. « La douleur psychique est sou- L’accompagnement passe également par des ateliers de création, comme, ici, la sculpture sur pierre de tuffeau. vent associée à la douleur physique. Nous travaillons notamment sur les lombalgies chroniques des gendarmes, liées au port des charges et au stress inhérent aux missions », explique Frédérique Yonnet. Il faut dire qu’addiction et dépression vont très souvent de pair avec sédentarité et manque « d’élan social ». Le programme de prise en charge est donc orienté sur la « ré-athlétisation » des patients, avec un travail sur l’endurance, « capacité la plus représentative de la condition physique générale », affirme Stéphane Rolland, enseignant en activités physiques adaptées. Pour mesurer l’endurance, des tests d’effort sont réalisés au début, au milieu et en fin de séjour, et des résultats positifs sont observés. « Sur les tests de vélo, on remarque une baisse du rythme cardiaque de quatre à cinq pulsations en l’espace de six à sept semaines, soit une diminution de l’ordre de 7 à 8 % », relève l’enseignant. Dans cet établissement, reconstruire l’estime de soi passe aussi par des groupes de parole, des séances d’information sur les addictions, ou des ateliers artistiques où chacun laisse libre cours à sa créativité. RETOUR EN SERVICE Une quarantaine de personnes forment l’équipe du Courbat, où la prise en charge des patients est assurée à 100 % par l’assurance maladie et les mutuelles. Une équipe également soucieuse du suivi de chacun, en amont comme en aval du séjour effectué dans l’établissement, selon sa directrice : « Nous avons mis en place une fiche de liaison avec les médecins de la Police. Quand un patient rentre par l’intermédiaire d’un médecin de prévention, son suivi est assuré. » Frédérique Yonnet affirme d’ailleurs être à la disposition de la Gendarmerie pour la mise en place d’un dispositif similaire. Le taux de rechute est ici de 30 %, un chiffre en deçà de la moyenne nationale. L’établissement, qui compte 56 lits, ne désemplit pourtant pas. Du fait des attentats, Le Courbat a accueilli jusqu’à 70 patients en permanence de mars à octobre 2015, et on s’attend à de nombreuses demandes liées à l’état d’urgence. ■ Région CENTRE ›› Juillet-Août-Septembre 2016. Supplément au n° 496