La cinétique de la réplication virale chez les enfants a-t

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La cinétique de la réplication virale chez les enfants a-t-elle une valeur prédictive de l'évolution clinique ?
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°48 - septembre 96
transmission verticale
La cinétique de la réplication virale chez les
enfants a-t-elle une valeur prédictive de
l'évolution clinique ?
Christian Courpotin
Hôpital Armand-Trousseau (Paris)
Dynamics of viral
replication in
infants with
vertically
acquired human
immunodeficiency
virus type 1
infection
De Rossi A.,
Masiero S.,
Giaquinto C., Ruga
E., Comar M.,
Giacca M., ChiecoBlanchi L.
The Journal of
Clinical
Investigation,
1996, 97, 2, 323330
La mesure de la réplication virale initiale apparaît, malgré le
petit nombre de cas observés chez des enfants contaminés par
transmission materno-fœtale, comme un élément majeur de la
pathogénie du sida et comme un indicateur pronostic fiable de
l'évolutivité clinique. La détermination de la charge virale chez
l'enfant peut guider la thérapeutique antirétrovirale.
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La transmission materno-fœtale est le mode de contamination
dominant et, dans certaines régions, quasi exclusif des
enfants.
10 à 15 % des enfants développent une forme grave
caractérisée par l'apparition précoce de symptômes sévères et
une évolution souvent fatale en quelques mois ; la plupart de
ces enfants décèdent avant l'âge de 5 ans. Chez les autres,
l'évolution est très lentement progressive et certains enfants
peuvent rester asymptomatiques plusieurs années.
Pour comprendre la pathogénie du sida pédiatrique et définir
des stratégies pour tenter de modifier le cours de l'infection, il
est important de mieux connaître les facteurs qui contribuent
à influencer les différents modes d'expression de la maladie et
en particulier l'évolution de la réplication virale dans les
premiers mois de vie, facteurs sur lesquels on ne possède
encore que peu de données. C'est l'objectif du travail de A. de
Rossi et coll. rapporté ci-après :
Chez de nombreux enfants infectés, il n'est pas possible de
mettre en évidence le virus (coculture ou PCR) durant la
première semaine de vie alors qu'on peut le retrouver chez
plus de 95% d'entre eux après 4 ou 8 semaines de vie.
On a proposé que la présence ou l'absence de virus à la
naissance pouvait être le reflet du moment de la transmission
(in utero ou intra partum), mais d'autres facteurs peuvent
intervenir comme l'existence d'une infection latente ou
seulement centrée sur les organes lymphoïdes. Dans tous les
cas, le virus semble se répliquer rapidement durant les
premières semaines de vie.
Ces dernières années, plusieurs techniques fondées sur
l'amplification des acides nucléiques ont été développées pour
évaluer d'une façon précise la charge virale. La PCR
compétitive (c PCR) et la PCR après transcription inverse (c
RT PCR) permettent de quantifier respectivement le nombre
de copies de VIH-1-ADN et de VIH-1-ARN.
Dans ce travail, 11 enfants contaminés par transmission
materno-fœtale ont été évalués. Le diagnostic de
contamination a été posé sur les données de la mise en
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évidence du virus par PCR et par co-culture virale. Les
enfants étaient répartis selon la classification établie par le
CDC d'Atlanta en 1994 en asymptomatiques (catégorie N),
pauci-symptomatiques (catégorie A), symptomatiques
(catégorie B), ou sévèrement symptomatiques (catégorie C).
L'importance du déficit immunitaire était évaluée en: classe 1
(pas de déficit immunitaire), classe 2 (déficit immunitaire
modéré) et classe 3 (déficit immunitaire sévère) en fonction
du taux de CD4 modifié en fonction de l'âge selon les chiffres
donnés par le CDC. Pendant la durée de l'étude, 4 enfants ont
été mis sous une thérapeutique antirétrovirale et 1 a été inclus
dans l'essai thérapeutique PENTA 1. Trois des enfants ont
développé des symptômes sévères avant l'âge de 6 mois et
furent classifiés C; un autre enfant, d'abord de classe B, a
présenté un déficit immunitaire très sévère à 6 mois; ces 4
enfants furent considérés comme des "progresseurs rapides"
selon les critères définis par le troisième atelier de consensus
sur le sida pédiatrique. Les 7 autres enfants ont eu un suivi
moyen de 4,2 ans ; aucun n'a développé de déficit
immunitaire sévère mais 2 ont progressé en classe C à l'âge de
3 et 4 ans.
En évaluant la dynamique de la réplication virale par
détermination du nombre de copies d'ADN du VIH-1 dans les
cellules d'une culture des cellules monucléées du sang de
l'enfant et d'ARN du VIH-1 dans le plasma, il est apparu que
tous les enfants ont montré une intense réplication virale
accrue dans les premières semaines de vie, que le VIH-1 ait
été ou non isolé à la naissance.
A côté d'une variabilité individuelle certaine dans les
résultats, il a été possible d'individualiser, dans les premiers
mois de vie, 3 différentes cinétiques de réplication.
- la première cinétique : il existe une élévation rapide,
simultanée durant le premier mois, de l'ARN viral
plasmatique et de l'ADN viral cellulaire; cette élévation se
poursuit durant le deuxième et le troisième mois pour
atteindre un plateau qui se situe à des niveaux élevés de 1000
à 3000 copies d'ADN proviral/105 cellules mononucléées du
sang périphérique et 1.000.000 à 4.000.000 de molécules
d'ARN viral par ml de plasma. Le taux de CD4 s'est effondré
rapidement chez deux enfants simultanément à l'élévation
rapide de la charge virale puis a continué de baisser
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progressivement. Il a baissé chez tous les enfants de ce
groupe.
- La deuxième cinétique : élévation rapide des indices de
réplication, identique à celle observée dans la première
cinétique accompagnée par une baisse du taux de CD4 dans
les premières semaines de vie. Après cette phase précoce, la
charge virale diminue d'un facteur variant de 2,5 à 50 et alors
fluctue à des niveaux 10 à 100 fois plus bas que ceux mesurés
dans le premier mode. Une restauration partielle du taux de
CD4 est observée parallèlement à la diminution de la charge
virale.
- La troisième cinétique : la réplication virale observée dans
les premières semaines est inférieure à celle observée dans les
deux premières cinétiques. Après une élévation initiale durant
les 4 à 6 premières semaines de vie, l'ARN viral plasmatique
atteint des niveaux 10 à 100 fois plus bas que ceux observés
dans le premier mode puis reste stable ou n'augmente que très
peu durant la première année de vie.
Tous les enfants classés comme "progresseurs rapides" ont le
premier type de cinétique de réplication virale alors que les
"progresseurs lents" se situent dans le deuxième ou le
troisième type de réplication.
Chez les 3 enfants qui ont reçu de l'AZT, 1 seul a présenté
une diminution transitoire de la virémie associée à une
élévation parallèle et transitoire des CD4.
L'augmentation rapide à la fois de l'ADN proviral cellulaire et
de l'ARN viral plasmatique observée durant le premier mois
est très en faveur d'une primo-infection et donc d'une
contamination tardive en fin de grossesse ou plus
vraisemblablement en intra partum.
Les facteurs qui déterminent les différents modes évolutifs au
cours des premiers mois continuent de poser problème. Des
anticorps se liant à plusieurs épitopes gag et env du VIH-1 ont
été retrouvés chez 3 des 4 enfants "progresseurs rapides" et
chez 4 des "progresseurs lents", ce qui est en accord avec
certains travaux antérieurs sur le rôle aléatoire de ces
anticorps. Chez l'adulte, la baisse rapide de l'activité virale
durant la primo-infection semble surtout en rapport avec la
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réponse immune cellulaire (Lymphocytes T cytotoxiques
spécifiques) ; la mauvaise qualité de cette réponse immune
chez l'enfant peut rendre compte de la mauvaise qualité de la
clairance virale au décours de la réplication virale initiale. Le
phénotype viral semble également intervenir : dans ce travail,
la totalité des "progresseurs rapides" et seulement 1 des
"progresseurs lents" ont objectivé un phénotype de réplication
"rapide/élevé". Il apparaît donc que tout à la fois la capacité
de réplication du virus et la qualité de la maturation du
système immunitaire chez le nouveau-né déterminent le mode
évolutif.
Il ressort de ce travail que le mode de réplication de l'ARN et
de l'ADN viral et leur clairance sont strictement corrélés à
l'évolution clinique de la maladie ; l'importance de la
réplication virale initiale apparaît donc comme un élément
majeur de la pathogénie du sida et comme un indicateur
pronostic fiable de l'évolutivité clinique.
La critique essentielle qu'il est possible de faire à ce travail
réside dans le petit nombre de cas observés qui impose
certainement des travaux ultérieurs avant de conclure d'une
façon formelle sur la corrélation entre la charge virale initiale
et le mode clinique évolutif.
La principale publication sur l'évolution de la charge virale
chez l'enfant avait été faite en 1995 par P.E. Palumbo et coll.
(1) qui retrouvaient des niveaux très élevés d'ARN viral
plasmatique et d'ADN proviral durant la première année de
vie et une corrélation clinique entre les enfants considérés
comme "positifs précoces" (charge virale positive dans les 12
premiers jours de vie) et une évolution clinique rapidement
défavorable vers le sida. La plupart des enfants inclus dans ce
travail avaient des taux normaux de CD4 en dépit de charges
virales élevées.
Les autres travaux importants effectués sur la charge virale
chez l'enfant ont été rapporté à la XIe conférence
internationale sur le sida de Vancouver (7-12 juillet 1996). Le
travail de E. Abrams (2) (New York) a porté sur 49 enfants
suivis depuis leur naissance. 78 % des enfants avaient une
charge virale indétectable durant la première semaine de vie.
Ensuite, la charge virale augmentait rapidement d'une façon
importante jusqu'à 3 semaines de vie puis restait élevée
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jusqu'à l'âge de 1 an (1x106 copies/ml en moyenne entre 2 et
3 mois). Il n'a pas été retrouvé de valeur prédictive de la
charge virale sur la progression clinique lorsqu'elle était
mesurée à 1 semaine ou 1 mois ; en revanche, les taux
mesurés à 2 et 3 mois étaient bien corrélés à l'évolution
clinique (50 % de progression rapide vers le sida pour une
charge virale supérieure à 1x106/ml à 2 ou 3 mois). Ces
auteurs concluaient au fait que ces résultats devaient inciter à
un début précoce de la thérapeutique antirétrovirale de façon
à diminuer la charge virale.
L. Mofenson (3) (Bethesda, Etats-Unis) a rapporté un travail
concernant l'évaluation de la relation entre charge virale et
mortalité. 184 enfants ont été suivis sur une durée moyenne
de 14,3 mois. Les auteurs ont démontré qu'il existait une
corrélation entre la charge virale à l'entrée dans l'étude et la
mortalité ; ainsi, les enfants qui avaient une charge virale
supérieure à 100.000 copies/ml avaient 6,2 fois plus de risque
de décéder que ceux dont cette charge était inférieure à
100.000 copies/ml.
Ces différents travaux montrent l'intérêt de la détermination
de la charge virale chez l'enfant pour comprendre les
particularités de l'évolution après une contamination verticale
(qu'il est possible de rapprocher d'une primo-infection sur un
terrain à l'immunité immature) et pour poser des éléments
pronostiques qui peuvent aider à guider la thérapeutique
antirétrovirale. - Christian Courpotin
1 - Palumbo PE, Kwok S, Waters S et al.
«Viral measurment by polymerase chain reaction-based assays in
human Immunodeficiency virus-infected infants»
J Pediatr, 1995, 126, 592-595
2 - Abrams E, Weedon JC, Lambert G, Steketee R
«HIV viral load early in life as a predictor of disease progression in HIVinfected infants»
XI international conference on AIDS, Vancouver July 7-12, 1996;
Abstract WeB311 volume Two p 25
3 - Mofenson L, Korelitz J, Meyer J et al.
«Relationship between serum HIV1 RNA copy number and mortality in
HIV infected children followed in the NICHD IVIG Clinical trial»
XI International conference in AIDS, Vancouver July 7-12, 1996;
Abstract WeB315 volume Two p 26
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