ARTICLE ORIGINAL ORIGINAL ARTICLE J Pharm Clin 2005 ; 24 (2) : 70-6 Utilisation d’antithrombine humaine (Aclotine®) dans les déficits acquis en antithrombine après une chirurgie cardiovasculaire : étude rétrospective Antithrombin concentrate (Aclotine®) for the treatment of antithrombin deficiency after cardiac surgery: a retrospective study S. PELTIER1, C. DOMRAULT1, J.-C. MAUPETIT1*, I. FURIC1, Y. BLANLOEIL2 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. 1 2 Service pharmacie, CHU Nantes Laënnec, Nantes <[email protected]> Service réanimation de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Nantes Laënnec, Nantes Résumé. Les déficits acquis en antithrombine peuvent être responsables d’une diminution de l’efficacité de l’héparine après une chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle. La résistance à l’héparine a déjà été évaluée pendant la circulation extracorporelle mais pas pendant la période postopératoire. Notre travail a consisté à réaliser une étude rétrospective d’une année portant sur les patients traités par antithrombine humaine pour un déficit acquis en antithrombine dans un contexte d’héparinothérapie curative, en effectuant un recueil des données cliniques et biologiques. Parmi les 20 patients traités au cours d’une héparinothérapie curative, tous présentaient un déficit en antithrombine (taux d’antithrombine inférieur à 70 %), et 84 % de ces patients avaient un taux d’antithrombine inférieur à 60 %. Aucun patient ne présentait une héparinémie thérapeutique malgré une posologie quotidienne moyenne d’héparine de 312 ± 135 UI/kg. Après administration d’antithrombine humaine (Aclotine®) à la posologie moyenne de 11,6 ± 7,0 UI/kg, l’augmentation du taux d’antithrombine est significative (p < 0,01) et pour 56 % des patients une normalisation de leur taux d’antithrombine est obtenue. De plus, on observe une augmentation significative des taux d’héparinémie suite à l’administration d’antithrombine humaine. Ces résultats montrent que l’administration d’antithrombine humaine peut permettre de corriger le déficit acquis en antithrombine et de restaurer l’efficacité de l’héparine. Cependant, les doses utilisées dans cette étude sont faibles. Ces résultats ont permis la mise en place d’un nouveau protocole de prise en charge des défauts d’activité de l’héparine lors des déficits acquis en antithrombine au sein du service. Mots clés : antithrombine, déficit acquis, héparine, résistance à l’héparine, circulation extracorporelle, utilisation thérapeutique Abstract. Acquired antithrombin deficiency may decrease heparin’s efficiency after cardiac surgery with cardiopulmonary bypass. Heparin resistance has been evaluated during cardiopulmonary bypass but not during the postoperative period. The aim of this retrospective study was to evaluate during one year the practice of antithrombin supplementation after cardiopulmonary bypass in the department of cardiac surgery. Clinical and biological data were collected from patient records. Twenty patients which were treated with heparin at therapeutic doses have received antithrombin concentrate. For all of these patients, antithrombin level was below 70 % and 84 % of them had an antithrombin rate under 60 %. No patient had a therapeutic level of anti-Xa activity despite a mean dose of heparin of 312 ± 135 UI/kg. After administration of 11.6 ± 7.0 UI/kg of antithrombin concentrate (Aclotine®), antithrombin concentration is increased significantly (p < 0,01) and 56 % of treated patients have had a normalization of antithrombin concentration (antithrombin rate above 60 %). Anti-Xa activity is increased significantly after treatment with antithrombin concentrate. In conclusion, antithrombin supplementation may correct acquired antithrombin deficiency and may increase anti-Xa activity. However, low doses of antithrombin concentrate have been used. After these results, a new protocol of antithrombin supplementation in case of reduction of heparin’s efficiency after cardiopulmonary bypass has been established in the department. Key words: antithrombin, acquired deficiency, heparin, heparin resistance, cardiopulmonary bypass, therapeutic use * Correspondance et tirés à part : J.-C. Maupetit 70 J Pharm Clin, vol. 24, n° 2, juin 2005 Utilisation de l’antithrombine après une chirurgie cardiaque Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Action physiologique de l'antithrombine L’antithrombine III ou antithrombine (AT) est une glycoprotéine plasmatique constituée de 432 acides aminés dont le poids moléculaire est de 58 200 Da [1]. Elle est essentiellement synthétisée par les hépatocytes ainsi que par les cellules endothéliales [2]. Sa demi-vie biologique est de 60 à 70 heures et sa concentration plasmatique chez le sujet sain est de l’ordre de 2,5 lmol/L (soit 150 mg/L) [2, 3]. En clinique, on évalue plutôt l’activité plasmatique de l’antithrombine III (en pourcentage par rapport à celle d’un pool de donneurs sains : 100 % équivalent à une unité d’antithrombine dans 1 mL du plasma de référence), les taux normaux variant de 80 % à 120 % [4]. Il s’agit de la principale enzyme inhibitrice des sérines-protéases générées lors des différentes phases du processus de coagulation. En effet, elle inhibe principalement la thrombine (facteur IIa) et le facteur Xa, mais également les facteurs IXa, XIa, XIIa, la trypsine, la plasmine et la kallikréine, mais pas le facteur VIIa ni la protéine C activée [1, 2]. Cette inhibition s’effectue par la formation d’un complexe stœchiométrique 1:1 inactif entre la protéase et l’antithrombine [1, 2]. L’antithrombine joue donc un rôle essentiel dans le maintien de l’équilibre de l’hémostase. Interaction avec l'héparine La formation du complexe antithrombine/sérine-protéase est fortement accélérée en présence d’héparine (de 1 000 à 2 000 fois pour la neutralisation du facteur IIa) [5, 6]. L’héparine, en se liant à l’antithrombine, entraîne une modification conformationnelle du site actif de l’antithrombine ce qui produit une accélération de l’activité inhibitrice de l’antithrombine [6, 7]. L’antithrombine est liée de façon covalente à la sérine-protéase mais l’héparine, après action, se dissocie du complexe ternaire et peut être réutilisée [7, 8]. Déficits acquis en antithrombine Il existe des situations de déficits en antithrombine qui sont de deux types : les déficits congénitaux et les déficits acquis. Leurs manifestations cliniques sont celles des thromboses et embolies du système veineux. Les vaisseaux habituellement atteints sont les veines superficielles ou profondes : veines iléo-fémorales, veine cave, veines rénales, veines axillaires et veines de la rétine [9]. Cependant, l’estimation du risque thromboembolique est mal connue [10]. Les déficits acquis en antithrombine (DAAT) sont considérés comme sévères lorsque le taux d’antithrombine est inférieur à 60 % [4]. Ils peuvent résulter de quatre principaux mécanismes [10] : – diminution de la synthèse hépatique, notamment dans la cirrhose [11] ; – augmentation des pertes, notamment au cours des syndromes néphrotiques, des pertes protéiques digestives majeures [9] ; – taux plasmatique diminué par certains médicaments (L-asparaginase, œstrogènes) [9] ; – augmentation de la consommation d’antithrombine, notamment au cours des coagulations intravasculaires disséJ Pharm Clin, vol. 24, n° 2, juin 2005 minés (CIVD), en période péri-opératoire, au cours des traitements par héparine, dans la prééclampsie, au cours de la circulation extracorporelle (CEC) [9]. Ce mécanisme de consommation est le mécanisme le plus commun et fréquemment le plus sévère [9]. Au cours de la CEC, les troubles de la coagulation observés se traduisent par une génération importante de thrombine et une diminution des taux circulants de l’antithrombine [12, 13]. Cette diminution est la conséquence de l’hémodilution ainsi que de la consommation d’antithrombine accrue par la production de thrombine et accélérée en présence d’héparine, administrée pour prévenir l’apparition de thromboses pendant la CEC. La synthèse d’antithrombine semble également perturbée par la CEC. L’activité de l’antithrombine ne revient à la normale qu’après 24 heures [14]. Résistance à l'héparine L’héparinothérapie augmente le turn over de l’antithrombine entraînant une diminution de 17 à 33 % des taux plasmatiques d’antithrombine dans les 12 à 24 premières heures de traitement [15, 16]. Le pic de cette diminution survient après deux à quatre jours et le taux d’antithrombine se normalise à l’arrêt du traitement par héparine [15]. Le taux d’antithrombine en-dessous duquel il n’y a plus d’interaction possible avec l’héparine est estimé de façon variable selon les auteurs de 60 à 25-30 % [11]. Ce mécanisme pourrait expliquer le phénomène d’héparinorésistance. Au cours d’une chirurgie cardiaque avec CEC, la résistance à l’héparine a été définie, de façon uniquement biologique, comme un allongement insuffisant de l’ACT (activated clotting time ou temps de coagulation activée) après l’injection d’une dose donnée d’héparine non fractionnée. Les valeurs d’ACT et les doses d’héparine sont variables suivant les auteurs [17]. Les causes possibles sont le déficit relatif en antithrombine, l’hyperfibrinémie, les variations individuelles, la sécrétion de PF4... [17]. L’héparinorésistance est également évoquée dans un contexte de thrombose veineuse et est alors définie par un accroissement progressif des doses d’héparine, supérieures à 35 000 UI/24 h, pour le maintien d’une efficacité [18]. Traitement des déficits en antithrombine par antithrombine humaine En cas de déficit en antithrombine, de l’antithrombine peut être apportée par l’intermédiaire du plasma frais congelé (PFC) ou sous forme d’antithrombine humaine purifiée (Aclotine® 100 UI/mL injectable – Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies). La demi-vie de 55 ± 14 heures peut être diminuée lors d’un traitement concomitant par l’héparine. L’antithrombine humaine a obtenu l’AMM dans les indications thérapeutiques suivantes : déficits constitutionnels (en curatif et préventif) et déficits acquis sévères (< 60 %) en antithrombine dans les CIVD et les états septiques graves [4]. L’antithrombine humaine est également parfois utilisée hors AMM dans les déficits acquis en AT au cours d’héparinothérapie curative, dans le but de lutter contre le phénomène d’héparinorésistance. 71 S. Peltier, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. La pharmacie de l’hôpital Laënnec du CHU de Nantes a réalisé une enquête rétrospective de l’utilisation de l’antithrombine (Aclotine®) afin d’identifier les indications, les critères de prescription, ainsi que les posologies utilisées. La forte proportion de prescriptions du service de réanimation de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (CTCV) – 81 % des patients traités par l’antithrombine humaine à l’hôpital Laënnec sont en CTCV – ainsi que les particularités des déficits acquis d’antithrombine dans un contexte d’héparinothérapie curative nous ont conduits à mener notre étude dans ce service. Ce bilan permettra d’évaluer l’homogénéité des pratiques, d’étudier l’intérêt de l’AT dans le cadre d’une héparinothérapie curative post-CEC avec héparinorésistance et d’envisager la mise en place de recommandations internes afin d’harmoniser les modalités de l’utilisation de l’antithrombine humaine (Aclotine®) et de favoriser son bon usage. Matériels et méthodes Population étudiée La pharmacie a réalisé un suivi rétrospectif des prescriptions d’antithrombine humaine 100 UI/mL (Aclotine®, Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, courtabœuf, France) au cours de l’année 2002 dans le service de réanimation CTCV. Durant cette période, 31 patients ont été traités par antithrombine (Aclotine®) à l’hôpital Laënnec du CHU de Nantes dont 25 patients en réanimation CTCV, soit 81 % des patients traités. Parmi ces 25 patients, nous avons pu recueillir les données nécessaires pour 24 d’entre eux. Tous ces patients sont admis de manière programmée ou en urgence afin de subir une intervention chirurgicale sous circulation extracorporelle (CEC). Quelques heures après la fin de la CEC, une héparinothérapie est instaurée avec des objectifs d’héparinémie différents en fonction du contexte clinique motivant la prescription d’héparine. Un seul patient n’a pas subi d’intervention sous CEC : il a été admis en urgence pour un infarctus du myocarde qui a été suivi par un choc cardiogénique ; ce patient a été dialysé. Tous les patients traités par antithrombine humaine présentent une chute du taux d’antithrombine, avec un taux d’antithrombine inférieur à 70 %, mais dans des contextes cliniques différents. Trois patients reçoivent de l’antithrombine au cours d’une hémorragie thrombotique et un patient lors d’une coagulation intravasculaire disséminée. La majorité des patients, soit 20 patients sur les 24 étudiés, sont traités dans le cadre d’une héparinothérapie curative. Les paramètres biologiques explorés pour chacune de ces indications étant différents, l’étude s’est ensuite limitée aux 20 patients présentant une diminution du taux d’antithrombine dans le cadre d’une héparinothérapie curative, qui représente l’indication la plus fréquemment retrouvée. Méthodes d'analyse Recueil des données Le recueil des données a été effectué à partir des dossiers médicaux des patients par une interne en pharmacie. Les paramètres étudiés ont été relevés à partir de la fin de la CEC (retour du bloc et entrée en service de réanimation CTCV) et jusqu’à 24 heures après la dernière administration d’antithrombine humaine (Aclotine®). 72 Paramètres étudiés Afin de comprendre les critères conduisant à la prescription d’antithrombine humaine, nous avons étudié différents paramètres. Une fiche de recueil a été élaborée afin de rassembler les informations suivantes : – l’identification, le sexe, l’âge et le poids du patient ; – le type d’héparine administrée et les doses quotidiennes, afin de suivre l’évolution dans le temps des doses d’héparine ; – le taux d’UI anti-Xa : celui-ci reflète l’héparinémie. En fonction du contexte clinique, le clinicien fixe des objectifs d’héparinémie. En fonction du résultat de l’héparinémie, il pourra procéder à l’ajustement de la posologie d’héparine afin de maintenir un taux dans la fourchette thérapeutique fixée. Afin de pouvoir effectuer des calculs, une héparinémie rendue par le laboratoire < 0,1 UI anti-Xa a été considérée arbitrairement comme égale à zéro ; – le contexte clinique motivant la prescription d’héparine car il conditionne les objectifs d’héparinémie ; – le taux d’antithrombine afin d’objectiver un éventuel déficit et de suivre l’évolution du taux d’antithrombine après administration d’antithrombine humaine ; – la posologie d’antithrombine humaine (Aclotine®) afin de voir s’il existe une homogénéité de pratique ; – le délai entre la fin de la CEC et la première administration d’antithrombine ; – le nombre d’administrations d’antithrombine. Analyse des résultats L’analyse statistique des résultats est réalisée avec un test t de Student pour séries appariées, sauf lors de la comparaison du taux moyen d’antithrombine initial chez les patients corrigés et non corrigés (test t de Student de comparaison de moyenne). Résultats Description de la population étudiée La moyenne d’âge de la population étudiée est de 59 ± 15 ans (de 23 à 79 ans) et il y a 80 % d’hommes. Le poids moyen des patients est de 72 ± 16 kg. Les différents contextes cliniques motivant la prescription d’héparine à dose curative sont présentés dans le tableau 1. Suivi du traitement par héparine Tous les patients sont traités par une héparine non fractionnée. Tableau 1. Situations cliniques des patients recevant de l’héparine à doses curatives. Situation clinique Assistance circulatoire Valve aortique (2 valves mécaniques, 3 bioprothèses) Valve mitrale (2 valves mécaniques, 1 bioprothèse, 1 annuloplastie) Triple pontage Prothèse aortique Dialyse et infarctus du myocarde suivi d’un choc cardiogénique Total Nombre de patients 7 5 4 2 1 1 20 J Pharm Clin, vol. 24, n° 2, juin 2005 Utilisation de l’antithrombine après une chirurgie cardiaque Taux d'antithrombine plasmatique Le taux d’antithrombine précédant la première administration d’antithrombine humaine (Aclotine®) est de 48,6 ± 11,2 % (n = 19). Pour trois patients (soit 16 % des patients), le taux d’antithrombine est supérieur à 60 % mais inférieur à 70 %. Le taux d’antithrombine suivant la première injection d’antithrombine humaine (Aclotine®) est de 59,1 ± 12,3 % (n = 18). La figure 4 permet de comparer pour chaque patient le taux d’antithrombine plasmatique avant et après adminisJ Pharm Clin, vol. 24, n° 2, juin 2005 500 400 300 200 100 0 J0 J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 Temps post-CEC (jours) Figure 1. Doses moyennes d’héparine administrées par jour post-CEC jusqu’au lendemain de la 1re administration d’antithrombine. (j8 et j9 non représentés car n = 1). Nombre de patients 6 2 19 321 8 16 919 4 14 516 12 114 6 -1 20 97 73 -9 2 7 6 5 4 3 2 1 0 8 Le délai s’écoulant entre la fin de la CEC et la première administration d’antithrombine humaine est présenté dans la figure 2. Le traitement par antithrombine intervient au cours des troisième et quatrième jours post-CEC pour la majorité des patients (58 % des patients). Un seul patient, parmi les 20 traités dans un contexte d’héparinothérapie curative, n’a pas eu de CEC et n’apparaît donc pas sur la figure 2. Les doses d’antithrombine humaine (Aclotine®) administrées lors du premier traitement sont présentées dans la figure 3. La dose moyenne utilisée est de 11,6 ± 7,0 UI/kg. La dose totale moyenne d’antithrombine administrée est de 823 ± 546 UI. Lorsque l’on relie la dose d’antithrombine humaine utilisée à l’augmentation du taux plasmatique d’antithrombine, on constate qu’une unité d’antithrombine humaine par kilogramme administrée augmente en moyenne le taux d’antithrombine de 0,92 ± 0,80 %. C’est-à-dire que pour augmenter le taux d’antithrombine de 1 %, on a administré en moyenne 1,2 ± 1,0 UI/kg. On peut noter que 60 % des patients sont traités par une administration unique d’antithrombine humaine (n = 12) ; 30 % des patients en reçoivent deux injections (n = 6) et 10 % des patients reçoivent plus de deux administrations (n = 2). 600 49 -7 Traitement par antithrombine humaine (Aclotine®) Dose quotidienne d'héparine (UI/kg) 25 -4 Suivi du taux d'UI anti-Xa plasmatique Avant la première administration d’antithrombine (Aclotine®), l’héparinémie est de 0,072 ± 0,096 UI anti-Xa (n = 19) et aucun patient ne présente un taux thérapeutique. Après la première administration d’antithrombine (Aclotine®), l’héparinémie est de 0,18 ± 0,12 UI anti-Xa (n = 19). La différence par patient entre le taux d’UI anti-Xa avant injection et celui obtenu après injection d’antithrombine humaine est statistiquement significative (p < 0,01 – test de Student pour séries appariées). Parmi les neuf patients porteurs de valve, 33 % obtiennent une anti-Xa thérapeutique après la première administration d’antithrombine humaine (Aclotine®). tration d’antithrombine humaine. On constate que pour 13 patients, le taux d’antithrombine après administration d’antithrombine humaine (Aclotine®) est supérieur à celui précédant l’injection. Cette différence du taux d’antithrombine avant et après administration d’antithrombine humaine est significative (p < 0,01 – test de Student pour séries appariées). Exception faite des trois patients présentant un taux d’antithrombine initial supérieur à 60 %, le taux d’antithrombine devient supérieur à 60 % pour dix patients sur 18, soit 56 % des patients déficitaires. Cependant, seulement trois patients atteignent un taux d’antithrombine d’au moins 70 %. Les 18 patients corrigés présentaient, en moyenne, un taux d’antithrombine initial plus élevé (AT = 49,6 ± 11,0 % en moyenne) que les patients non corrigés (AT = 41,3 ± 8,2 % en moyenne) mais la 024 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Suivi des doses d'héparine administrées Les doses par kilogramme d’héparine administrées augmentent au cours du temps (figure 1). Avant la première administration d’antithrombine humaine (Aclotine®), la dose quotidienne d’héparine est de 312 ± 135 UI/kg. Après la première administration d’antithrombine (Aclotine®), la dose quotidienne d’héparine est de 333 ± 133 UI/kg. La différence par patient entre la dose quotidienne d’héparine avant et après administration d’antithrombine n’est pas significative (test de Student pour séries appariées). Délai avant la 1re administration d'antithrombine (heures post-CEC) Figure 2. Délai entre la fin de la CEC et la 1re administration d’antithrombine. Nombre de patients 12 10 8 6 4 2 0 0-5 5-10 10-15 15-20 20-25 25-30 30-35 Dose d'Aclotine® administrée (UI/kg) Figure 3. Dose d’antithrombine humaine administrée lors de la 1re injection. 73 S. Peltier, et al. tré d’antithrombine humaine (Aclotine®). Ainsi, l’ajout d’antithrombine chez des patients en situation d’héparinorésistance au cours d’une CEC a effectivement permis d’augmenter l’ACT à un niveau thérapeutique [19]. Par contre, il n’y avait aucune différence observée sur le devenir clinique des patients complémentés ou non en antithrombine [19]. Dans leur étude, Bastien et al. ont effectué une recherche systématique pendant un an en post-opératoire de chirurgie cardiaque et ont complémenté en antithrombine les 25 patients de leur étude présentant un déficit acquis en antithrombine contrôlé à deux reprises [20]. Ils n’ont pas précisé les doses d’héparine qui étaient utilisées chez ces patients avant administration d’antithrombine, mais ont décrit une restauration d’efficacité de l’héparine par l’antithrombine sans complication chez 68 % des patients [20]. Dans les autres situations de déficit acquis en antithrombine, telles qu’en chirurgie orthopédique, en obstétrique ou les CIVD, les critères d’instauration d’un traitement par antithrombine sont différents [2, 10, 21]. De plus, dans ces autres situations de déficits, une restauration d’efficacité d’une héparinothérapie curative comme en post-CEC n’est pas recherchée. Au cours de notre étude, nous constatons que l’administration d’antithrombine est réalisée au cours des troisième et quatrième jours post-CEC pour plus de la moitié des patients (58 %), c’est-à-dire au cours de la période durant laquelle on augmente les doses d’héparine pour obtenir des taux thérapeutiques. On peut noter que trois patients ont reçu de l’antithrombine au cours des premières 24 heures suivant la CEC. Or, la synthèse d’antithrombine est perturbée au cours de la CEC et l’activité de l’antithrombine ne revient à la normale qu’après 24 heures [14]. On peut donc supposer que les déficits constatés pour ces trois patients auraient pu être transitoires et ne pas se prolonger au-delà de 24 heures. En effet, dans la période du début de l’instauration du traitement par héparine, il semble normal que les objectifs thérapeutiques ne soient pas encore atteints et il conviendrait donc de différer le recours à l’antithrombine. différence n’est pas statistiquement significative du fait des écarts importants entre les taux des patients (test de Student de comparaison de moyennes). Discussion Critères de mise sous traitement Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Les patients étudiés présentent tous un déficit acquis en antithrombine dans le cadre d’une héparinothérapie curative postopératoire de chirurgie cardiaque. Le déficit en antithrombine est objectivé par un taux d’antithrombine inférieur à 70 % et 84 % des patients présentent un déficit acquis sévère (AT < 60 %). Ce déficit peut s’expliquer par une consommation accrue de l’antithrombine circulante due à la présence de doses curatives d’héparine [9]. De plus, l’héparine ne disposant plus de quantité suffisante en cofacteur est moins efficace. En effet, le taux d’UI anti-Xa moyen avant administration d’antithrombine humaine (Aclotine®) est inférieur à 0,10 UI anti-Xa et n’est donc pas dans la fourchette thérapeutique à atteindre, en dépit d’une dose quotidienne moyenne d’héparine de 312 ± 135 UI/kg. Aucun patient ne présente un taux d’héparinémie thérapeutique avant traitement par antithrombine. Ces patients sont donc en situation d’héparinorésistance. En effet, l’héparinorésistance est définie de façon générale comme l’absence de réponse adéquate à une héparinothérapie menée à des doses standards thérapeutiques [16]. Par ailleurs, dans le traitement des thromboses veineuses, les doses rapportées dans la littérature pour définir l’héparinorésistance sont de 500 UI/kg (pour un patient de 70 kg) et sont supérieures à celles de cette étude (312 UI/kg) [18]. Pour combattre l’héparinorésistance, la pratique la plus courante est l’augmentation des doses d’héparine afin d’obtenir une anticoagulation thérapeutique. Néanmoins, ce résultat n’est pas toujours atteint [16]. De plus, un phénomène de rebond peut survenir et entraîner une hémorragie. C’est pourquoi, en pratique, l’augmentation des doses au-delà de 300 UI/kg doit être conduite avec précaution et est à éviter lorsque le risque hémorragique est important. Une autre alternative peut consister en l’apport exogène d’antithrombine, par l’intermédiaire de plasma frais congelé ou par un concen- Modalités de mise en œuvre du traitement Les doses d’antithrombine humaine (Aclotine®) administrées sont assez hétérogènes. Ces doses sont nettement Taux d'AT plasmatique (%) 100 90 80 70 avant administration d'antithrombine 60 50 après administration d'antithrombine 40 30 20 10 0 A B C D E F G H I J K L M O P Q R S T U Patients Figure 4. Taux d’antithrombine plasmatique par patient avant et après administration d’antithrombine. 74 J Pharm Clin, vol. 24, n° 2, juin 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Utilisation de l’antithrombine après une chirurgie cardiaque inférieures aux données de la littérature. En effet, les doses moyennes administrées sont de 11,6 ± 7,0 UI/kg, alors que dans l’étude réalisée par Bastien et al. portant sur 25 patients présentant un déficit acquis en antithrombine après une chirurgie cardiaque, les doses sont de 27 ± 12 UI/kg, soit environ le double [20]. De plus, les doses proposées dans les recommandations d’utilisation de l’antithrombine humaine (Aclotine®) sont de 40 à 50 UI/kg [4]. Les faibles doses utilisées peuvent être dues au manque de données actuelles sur les déficits en antithrombine au cours des héparinothérapies curatives et sur leur traitement, ainsi qu’au coût élevé du produit (0,47 5 TTC/UI). D’autre part, il est recommandé d’adapter les doses à la profondeur du déficit. D’après les données du fabricant, l’administration d’1 UI/kg d’antithrombine humaine augmente le taux circulant d’environ 2 % dans les déficits constitutionnels. Cette donnée ne semble pas transposable aux déficits acquis en antithrombine dans le cadre d’une héparinothérapie curative puisque, dans notre étude, l’administration d’1 UI/Kg d’antithrombine humaine augmente le taux circulant d’environ 1,2 ± 1,0 UI/kg seulement. Ces résultats concordent avec l’étude de Bastien et al. car le taux d’antithrombine circulant passe de 47 ± 10 à 75 % avec 27 ± 12 UI/kg, c’est-à-dire que 1 UI/kg a augmenté en moyenne le taux de 1,0 % [20]. Conséquences du traitement Suite à l’administration d’antithrombine, 56 % des patients ne sont plus en situation de déficit sévère en antithrombine. Cependant, seulement 16 % des patients sont complètement corrigés avec un taux supérieur ou égal à 70 %, alors que le taux d’antithrombine est restauré chez 60 % des patients dans une étude similaire [20]. Ces résultats confirment que les doses administrées sont probablement insuffisantes. Parmi les patients porteurs de valve, seulement 33 % d’entre eux obtiennent une héparinémie thérapeutique après la première administration d’antithrombine humaine. Dans l’étude de Bastien et al. une activité anti-Xa thérapeutique était obtenue chez 12 % avant et 80 % après correction par antithrombine [20]. Nos résultats sont à pondérer par le fait que le taux d’héparinémie pris en compte n’a pas été évalué au même temps postinjection pour tous les patients du fait qu’il s’agisse ici d’une étude rétrospective. Toutefois, ceci renforce l’hypothèse de l’insuffisance des doses d’antithrombine humaine administrées. Conclusion Les déficits acquis en antithrombine survenant au cours des traitements par héparine sont encore mal connus, aussi bien au niveau des conséquences cliniques que de leur prise en charge. Notre étude a permis d’objectiver l’existence d’un déficit en antithrombine au cours des héparinothérapies curatives après chirurgie cardiaque et la diminution d’efficacité de l’héparine qui peut en résulter. Nous avons pu évaluer l’utilisation qui était faite de l’antithrombine humaine ainsi que les conséquences de ce traitement. L’administration d’antithrombine humaine, si elle est adaptée, peut permettre de restaurer les taux d’antithrombine plasmatique afin d’obtenir des taux d’héparinémie efficaces permettant d’assurer une anticoagulaJ Pharm Clin, vol. 24, n° 2, juin 2005 tion de qualité. Cependant, cette efficacité n’a pas encore été démontrée au cours d’études randomisées dans le cadre de l’héparinothérapie curative. Ces résultats nous ont permis de mettre en place un protocole d’utilisation de l’antithrombine humaine au sein du service de réanimation cardiovasculaire. Celui-ci repose sur le suivi de l’héparinothérapie et le monitorage de l’héparinémie, et définit les critères de prescription d’antithrombine humaine afin de corriger les déficits acquis sévères diagnostiqués au cours des héparinothérapies curatives. Il permet l’adaptation des doses administrées à l’importance du déficit et définit un objectif d’antithrombine plasmatique cible. Cependant, cette pratique nécessite des évaluations complémentaires, notamment au niveau des doses à administrer. La mise en place de ce nouveau protocole et son évaluation ultérieure nous permettront d’améliorer cette prise en charge. ■ Références 1. Pratt CW, Church FC. Antithrombin : structure and function. Semin Hematol 1991 ; 28 : 3-9. 2. Menache D, Grossman BJ, Jackson CM. Antithrombin III : physiology, deficiency, and replacement therapy. Transfusion 1992 ; 32 : 580-8. 3. Collen D, Schetz J, De Cock F, Holmer E, Verstraete M. 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