ADAPTATIONS NEUROMUSCULAIRES DES MUSCLES FLECHISSEURS PLANTAIRE SUITE A UN ENTRAINEMENT EXCENTRIQUE. Manuela Pensini, Alain Martin, Nicola A. Maffiuletti Groupe Analyse du Mouvement, UFR STAPS, Faculté des Sciences du Sport - Dijon. Introduction Les adaptations physiologiques induites par un entraînement de force peuvent être attribuées à des facteurs périphériques et/ou centraux (Duchateau and Hainaut 1984). Les adaptations périphériques peuvent être liées à une hypertrophie musculaire; les adaptations centrales peuvent se traduire par une augmentation de l’activité électrique des muscles agonistes et/ou une diminution de la coactivation des muscles antagonistes (Carolan and Cafarelli 1992). L’objectif de la présente étude a été de déterminer les effets d’un entraînement excentrique d’une durée de 4 semaines, sur les propriétés nerveuses et musculaires des muscles fléchisseurs plantaires. Pour différencier les adaptations nerveuses des modifications contractiles, les réponses électriques et mécaniques obtenues dans des conditions volontaires et évoquées ont été analysées. Méthode L’étude a été réalisée sur 14 sujets de sexe masculin divisés en 2 groupes (groupe contrôle et groupe excentrique). Le groupe excentrique (n=8; age moyen 23.1±5.2 ans; taille 175.6±3.8 cm; poids 73.5±10.0 kg) réalisait un entraînement 4 fois par semaine pendant 4 semaines. Cet entraînement était réalisé sur une machine à mollets et il était composé de 6 séries de 6 contractions excentriques, réalisées à 120% d’une répétition maximale concentrique. Avant et après la période d’entraînement, deux sessions de test ont était organisées. Pendant la première session, le moment maximal isométrique (MVC) des muscles fléchisseurs plantaires et le moment maximal concentrique et excentrique a été mesuré sur ergomètre isocinétique. Pour le test isométrique, le sujet était positionné avec un angle articulaire de 90° au genou et à la cheville. Pour le test concentrique et excentrique, la vitesse angulaire était de 60°·s-1 et l’amplitude du mouvement de 50°, 20° en flexion dorsale et 30° en flexion plantaire. Pendant la deuxième session, le nerf tibial a été stimulé au niveau du creux poplité et les réponses mécanique (Ptmax) et électrophysiologique maximales (réponse Mmax), correspondant au recrutement de toutes les unités motrices du muscle ont été enregistrées. Au cours de la même session, un train de stimuli (tetanos) d’une fréquence de 100 Hz et d’une durée de 250 ms a été induit à l’intensité de stimulation utilisée pour évoquer Mmax. Pendant les deux sessions de tests, l’activité électrique (EMG) du muscle soleus (SOL), gastrocnemius medialis (GM), gastrocnemius lateralis (GL) et tibialis anterior (TA) a été enregistrée. Résultats Après les 4 semaines d’entraînement excentrique, le moment maximal isométrique et excentrique augmente de façon significative (p≤0.01) (respectivement de 89.7 ± 9.5 N·m à 115.7 ± 13.5 N·m et de 147.8 ± 9.7 N·m à 175.7 ± 14.4 N·m) (Fig.1). Ce résultat s’accompagne d’une augmentation de l’EMG des muscles SOL et GM en mode d’action isométrique et excentrique. Aucune modification significative du moment et de l’activité électrique a été relevée en concentrique. Le niveau de coactivation diminue de manière significative. Ptmax augmente significativement de 14.6±4.5 N·m à 17.4±4.7 N·m, sans modification de l’amplitude de Mmax sur le SOL et GL et avec une diminution significative de l’amplitude électrophysiologique sur le GM (Fig.2). Les autres paramètres liés à la secousse (vitesse de contraction VC et vitesse de demi-relaxation ½VR) augmentent significativement. La force tétanique ne change pas, mais le rapport MVC/tetanos augmente significativement. ** A (m V) Torque (N.m ) ** 180 150 120 90 60 30 0 -60 0 60 Angular Velocity (°.s -1) 12 10 8 6 4 2 0 Fig.1 : Relation M/V pour le groupe excentrique, EG avant ( ) et après () l’entraînement. Valeurs moyens ± ES. Moment maximal significativement différent des valeurs avant entraînement: ∗ p<0.05. * SOL GM GL Fig. 2 : Amplitude de Mmax enregistrée avant ( ) et après () l’entraînement pour le groupe excentrique. Discussion Dans notre étude, l’augmentation de force la plus importante a été enregistrée en conditions isométriques. Ce résultat pourrait être expliqué par la vitesse lente adoptée pendant l’entraînement. En effet, les sujets réalisaient les répétitions excentriques à une vitesse compris entre 15 et 20°·s-1. Les augmentations de force suite à un entraînement, peuvent être liées à des adaptations centrales de la commande nerveuse (modifications de l’activité des agonistes ou/et antagonistes) (Häkkinen and Komi 1983) et/ou périphériques (modifications agissant sur la structure musculaire ou sur les processus intramusculaire). Dans la présente étude, l’augmentation du niveau d’activité des muscles agonistes (principalement SOL et GM), et la diminution de coactivation peuvent expliquer les variations de force observées. Les modifications des paramètres liés à la secousse (Pt, VC et ½VR) indiquent des adaptations périphériques qui pourraient toucher les mécanismes intramusculaires liés au Ca2+. Ces adaptations périphériques n’influencent pas la force tétanique et les autres paramètres liés au tétanos. Conclusion La présente étude montre qu’un entraînement excentrique de 4 semaines représente un stimulus efficace pour augmenter la force isométrique et excentrique des muscles fléchisseurs plantaires. Les modifications périphériques ne permettent pas d’expliquer les gains en force qui semblent plutôt liés à des modifications nerveuses intéressant les muscles agonistes et antagonistes. Références • DUCHATEAU J and HAINAUT K (1984) Isometric or dynamic training: differential effects on mechanical properties of a human muscle. J Appl Physiol 56: 296-301. • CAROLAN B and CAFARELLI E (1992) Adaptations in coactivation after isometric resistance training. J Appl Physiol 73: 911-917. • HÄKKINEN K and KOMI PV (1983) Electromyographic changes during strength training and detraining. Med Sci Sports Exerc 15: 455460.