Buletinul Ştiinţific

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Buletinul Ştiinţific
al
Universităţii “Politehnica” din Timişoara
Tom 1 (1) Seria Limbi moderne 2002
Modalités illocutoires réalisées par les énoncés au
conditionnel
Daciana VLAD *
Abstract
This paper aims analyse the illocutionary modalities contained in the utterances whose
predicates are in the conditional mood. This verbal form may indicate the type of illocutionary
act the utterances which may express a system of illocutionary modal values, i.e.: wishes, the
imperative modality, and the exclamatory modality.
Rezumat
În articolul nostru ne propunem să facem o analiză a modalităţilor ilocuţionare conţinute în
enunţurile ale căror predicate sunt la modul condiţional. Această formă verbală poate indica
tipul actului ilocuţionar pe care locutorul îl realizează prin intermediul enunţului său, putând
exprima astfel un ansamblu de valori modale ilocuţionare, şi anume: modalitatea optativă,
modalitatea injonctivă şi modalitatea exclamativă.
Introduction
Tout locuteur, quand il énonce une phrase dans une situation donnée, accomplit un acte
illocutoire qui vise à modifier un état de choses. À travers l’acte d’énonciation il fournit à
l’interlocuteur des repères pragmatiques qui permettent à celui-ci de décoder le sens de
l’énoncé. Ces repères pragmatiques sont les modalités d’énoncé (certitude, doute, etc.), et les
modalités d’énonciation (assertion, demande d’information, etc.), ayant pour fonction de
dévoiler l’attitude du locuteur vis-à-vis du propos affirmé, ainsi que l’intention communicative
contenue dans son énoncé.
À chaque type de phrase est associée une certaine intention illocutoire, c’est-à-dire que
chaque type de phrase se caractérise par un certain «potentiel de force illocutoire» (Récanati
*
Maître assistant à la Faculté des Lettres de l’Université d’Oradea
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1981). F. Jacques observe que cette force illocutoire est de nature interactionnelle, et la définit
en tant que «produit d’un type d’interaction entre deux énonciateurs à un moment précis de
leur relation intrelocutive et à l’intérieur d’une stratégie discursive déterminée».
La phrase interrogative correspond à un acte particulier: la question ou demande
d'information. À la différence de celle-ci, la phrase injonctive est associée à un ensemble
d'actes, notamment des actes directifs tels que: conseil, suggestion, prière, ordre, interdiction.
La phrase déclarative accomplit divers types d'actes sans rapport entre eux (assertion,
promesse), et de ce fait F. Récanati considère la modalité déclarative comme «neutre du point
de vue illocutoire».
La phrase optative, vue par Cohen comme une «forme faible de l'injonction» (apud
Florea 1999: 185), sert à exprimer un désir ou un souhait.
Les modalités déclarative, injonctive et interrogative sont associées à des «actes
essentiellement représentatifs» (Récanati 1981), actes qui comportent un contenu. Ces
modalités s'opposent à la modalité exclamative qui est liée, selon Récanati, à des «actes non
essentiellement représentatifs».
Consistant à exprimer un sentiment, ces derniers sont dépourvus de contenu
propositionnel, ou, s'ils font référence à un état de choses, celui-ci n'est pas un véritable
contenu, mais plutôt l'occasion de l'acte de parole. Dans le cas de la phrase optative, selon
qu’elle sert à formuler une prière ou un souhait, on a affaire respectivement à des actes
essentiellement représentatifs et non essentiellement représentatifs.
Le conditionnel représente l’une des marques pragmatiques dont la fonction est de
rendre explicites les types d’intentions illocutoires encodées dans les énoncés. On le considère
donc comme étant un marqueur illocutoire générique que le locuteur choisit en fonction du
contenu qu'il veut communiquer. Il est associé à un ensemble de valeurs modales illocutoires,
plus précisément la modalité optative, la modalité injonctive et la modalité exclamative.
La modalité optative
Le plus souvent, le conditionnel sert à exprimer la modalité optative, à côté des marques
prosodiques (l'intonation optative), et de certains morphèmes spécifiques (l'adverbe
modalisateur bien):
Je mangerais bien un morceau.
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Je ferais volontiers un tour avec vous.
(in Florea 1999: 191)
Ça m'irait une voiture comme celle-ci.
Ça me dirait d'avoir une voiture comme celle-ci.
(in Gancz et al. 1999: 136)
Il y a des énoncés où la modalité OPT a comme support et le conditionnel et un
auxiliaire modal tel que vouloir, désirer, souhaiter, avoir envie. Dans ce cas le rôle du
conditionnel est d’atténuer l’expression du désir:
Je voudrais qu’il vienne. (in Gancz et al. 1999: 140)
J’aurais envie d’une promenade. (in Gancz et al. 1999: 135)
Le conditionnel passé indique un désir non satisfait dans le passé:
… j'aurais aimé voyager comme cela, en voiture, par la pluie battante,
abrité sous un grand parapluie. (Fournier)
LE VIEUX: Hélas, non… non… nous n'avons pas eu d'enfant… J'aurais
bien voulu avoir un fils… (Ionesco)
Des fois, la phrase optative est accompagnée d'une conditionnelle qu'on appelle
argumentative et qui exprime une demande de permission (si vous permettez, si vous voulez
bien, si c'est possible, si cela ne vous fait rien):
LE PROFESSEUR
Alors, si vous voulez bien me permettre, mes excuses, je vous dirais qu'il
faut se mettre au travail. [= je voudrais/j'aimerais vous dire] (Ionesco)
Dans cet exemple on a affaire à une ellipse de l'auxiliaire modal dans la phrase optative.
Dans le contexte d'une phrase exclamative ayant le verbe au conditionnel, le trait
[+intensité] vient s'ajouter au contenu modal de l'énoncé, qui consistera donc en l'expression
d'un désir très intense:
Comme il aurait voulu connaître une femme, une vraie femme!
(Maupassant, in Grevisse 1993: 615)
Toujours dans des phrases exclamatives le locuteur peut formuler un désir implicite, très
fort, en réalisant ainsi un acte de langage indirect:
Je ferais n'importe quoi pour une voiture comme celle-ci!
Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour qu'il vienne! (in Gancz et al. 1999: 136)
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Le désir peut être également exprimé dans des phrases négatives. Le verbe au
conditionnel est un verbe à contenu négatif et à la forme négative:
Un gâteau ne me déplairait pas. [= me plairait beaucoup]
(in Gancz et al. 1999: 136)
On a affaire ici à une litote, car, dans son propos, le locuteur donne une expression
volontairement affaiblie de sa pensée: il asserte tout simplement qu'un gâteau ne lui déplairait
pas, mais son assertion cache le désir d'y goûter.
La modalité injonctive
Associé à une phrase déclarative ou interrogative, le conditionnel est capable d'atténuer
une requête en la transformant en suggestion ou prière et réalisant ainsi la modalité injonctive.
Si dans le cas du conditionnel journalistique le verbe, agissant en distanciateur modal, marque
la distance qui sépare le locuteur de son énoncé, ici le conditionnel appelé de politesse marque
la distance qui sépare les deux énonciateurs. Vu cette distance que le locuteur doit prendre par
rapport à son interlocuteur, en essayant de préserver la face de celui-ci (cf. Kerbrat-Orecchioni
1996), on peut dire, avec Vion, que l'ordre passe généralement par des formes indirectes (Vion
1992: 45). Le conditionnel ne pourra donc exprimer que des actes directifs indirects, masqués.
a) conditionnel + DECL
Dans une phrase déclarative le conditionnel désigne une suggestion:
Tu pourrais nettoyer ta chambre. (in Florea 1999: 187)
Tu ferais mieux de m'écouter. (Beckett)
b) conditionnel + INTER
Dans une interrogation le conditionnel exprime une demande déguisée. La valeur
littérale directe de la phrase est remplacée par la valeur dérivée indirecte. La phrase perd sa
valeur interrogative pour exprimer indirectement une requête. On dit parfois qu’un tel énoncé
fonctionne comme un «trope illocutoire»:
Tu serais d'accord pour lui parler? [= Parle-lui!]
(in Gancz et al. 1999: 93)
LE PROFESSEUR
Cela ne vous ennuierait pas de me dire… [= Dites-moi!]
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L'ELEVE
Du tout, Monsieur, allez-y.
LE PROFESSEUR
Combien font un et un? (Ionesco)
Vous feriez pas un petit café, là? [=Faites du café!]
(ex. oral, TV5, 31.07.2001)
Dans ce dernier exemple, afin de réduire la menace que la demande du locuteur peut constituer
pour son interlocuteur, à part le désactualisateur modal (le conditionnel) et la formulation
indirecte de l'acte de langage, on recourt à un minimisateur, notamment l'adjectif petit.
La modalité exclamative
La modalité exclamative est réalisée par le conditionnel dit d'indignation. Il peut
apparaître dans des phrases à statut énonciatif exclamatif ou interrogatif-exclamatif pour
exprimer une hypothèse que le locuteur avance dans son propos et qu'il rejette, tout en
éprouvant un sentiment d'indignation ou de réprobation.
Les phrases interrogatives à statut exclamatif sont de fausses interrogations où le
conditionnel marque une réaction émotionnelle d'étonnement qui peut aller jusqu'à
l'indignation ou à la réprobation, et permet au locuteur de mettre en question un état de choses
présenté dans son énoncé:
J’aurais menti à la police? (ex. oral, TV5, 29.01.2002)
Qu'entends-je dire? Serait-il possible? Vous feriez vôtre l'amendement
Landry-Honnorat-Bouffandeau? (Barrès, in Grevisse 1993: 610)
/quoi! je n’aurais pas la conscience sereine?/ (in Weinrich 1989: 156)
Dans une phrase exclamative la réaction émotionnelle qui accompagne le rejet de
l'hypothèse contenue dans l'énoncé est encore plus forte:
Quoi! Je pourrais un jour ne plus aimer mon père!
(in Baylon&Fabre 1995: 143)
Conclusion
Le conditionnel est donc apte à fonctionner en tant que marqueur de la modalité
illocutoire. Il peut réaliser la modalité optative, exprimant un désir neutre ou atténué dans des
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phrases déclaratives, et un désir intense dans des phrases exclamatives. Associé à des énoncés
déclaratifs ou interrogatifs, le conditonnel peut indiquer la modalité injonctive, toujours à
travers des actes directifs indirects. Le conditionnel d’indignation marque la modalité
exclamative, désignant une hypothèse que le locuteur rejette avec indignation.
Bibliographie
1. BAYLON, Ch., FABRE, C., Grammaire systématique de la langue française, Paris :
Nathan, 1995.
2. FLOREA, L.-S., Temporalité, modalité et cohésion du discours, Bucureşti, Editura Babel,
1999.
3. GANCZ, A., FRANCHON, M.-C., GANCZ, M., Ghid român-francez al actelor de vorbire,
Bucureşti : Editura Corint, 1999.
4. GREVISSE, M., Le bon usage, 13e éd. refondue par André Goose, Paris-Gembloux :
Duculot, 1993.
5. HAILLET, P.P., Le conditionnel en français: une approche polyphonique, Paris : Ophrys,
2002.
6. JACQUES, F., “L’interrogation force illocutoire et interaction verbale”, in Langue
française, 52/1981, pp.70-79.
7. KERBRAT-ORECCHIONI, C., La conversation, coll. «Mémo», Paris : Éditions du Seuil,
1996.
8. RECANATI, F., Les énoncés performatifs, Paris: Editions de Minuit, 1981.
9. RIEGEL, M., PELLAT, J.-CH., RIOUL, R., Grammaire méthodique du français, Paris :
P.U.F., 1994.
10. ŢENCHEA, M., “Le subjonctif indépendant dans les échanges impliquant l’acte
REPETER”, in Linguistique et alentours. Hommage à T. Cristea, Editura Universităţii
din Bucureşti, 2001, pp. 390-401.
11. VION, R., La communication verbale. Analyse des interactions, Paris : Hachette, 1992.
12. WEINRICH, W., Grammaire textuelle du français, Paris : Editions Didier, 1989.
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