Claude HENRY Réserves naturelles et évolution de la conservation Maître de conférences honoraire, zoologie et biologie des populations, Université d‟Orléans. Membre du conseil scientifique de la réserve naturelle nationale des vallées de la Grand-Pierre et de Vitain Depuis la création de la Réserve naturelle nationale des Vallées de la Grand-Pierre et de Vitain (1979), les connaissances scientifiques concernant la biologie des petites populations d‟animaux et de plantes ont connu un développement considérable ; les avancées conceptuelles, théoriques et pratiques se sont multipliées dans les domaines écologique, démographique et génétique, et se sont constituées en une discipline nouvelle, la biologie de la conservation, qui dispose aujourd‟hui de revues scientifiques particulières consacrées uniquement à ces questions, comme “Biological Conservation”, “Conservation Biology” ou “Conservation Genetics”. Quant aux grandes revues internationales, généralistes comme “Nature” ou “Sciences”, ou consacrées depuis fort longtemps à l‟écologie, elles proposent régulièrement des rubriques dédiées à la conservation. Je vais donner quelques indications sur des idées et des observations qui ont apporté depuis trente ans des nouveautés directement utiles aux responsables des réserves naturelles. 1- La protection des milieux n’empêche pas l’extinction des petites populations Dans les années 1910, l‟île de Barro Colorado fut formée par la création du lac Gatun lors de la mise en eau du canal de Panama. Cette colline d‟un peu plus de 15 km2, couverte de forêt tropicale, devint une réserve naturelle en 1923 ; elle fut ainsi soustraite aux pressions systématiques, telles que l‟exploitation du bois, la mise en culture, la construction d‟infrastructures lourdes, la chasse etc. qui conduisent généralement ailleurs au déclin ou à l‟extinction locale de nombreuses espèces. Depuis 1923, des études scientifiques permettent d‟y observer l‟évolution spontanée de la faune et de la flore. En ce qui concerne les passereaux forestiers, elles montrent que l‟île a perdu presque la moitié de ses espèces en une soixantaine d‟années (78 espèces présentes sur l‟île, contre 149 dans le même milieu, sur les rives du lac Gatun distantes seulement d‟une dizaine de km). 35 D‟après: http://ctfs.si.edu/datasets/bci/ Barro Colorado (1500 ha) “Grand-Pierre et Vitain” (300 ha) Dans les forêts tropicales, la biodiversité est très élevée, mais les populations de nombreuses espèces sont peu denses, et leurs effectifs sont naturellement faibles dans la surface réduite de l‟île. Ces petites populations ne bénéficient plus d‟apports extérieurs susceptibles de les renforcer ou de les renouveler en cas de crise démographique accidentelle, parce que l‟étendue d‟eau du lac constitue une barrière infranchissable pour beaucoup d‟espèces (1). Dans les milieux protégés, l‟érosion de la biodiversité parait donc inéluctable : leur surface réduite explique la faiblesse des effectifs de certaines espèces, et leur isolement limite les échanges avec les milieux semblables. A cet égard, il n‟y a pas de différence majeure entre les réserves de Barro Colorado et des Vallées de GrandPierre et Vitain : la seconde est seulement beaucoup plus petite et moins confinée, la vallée de la Cisse constituant un corridor favorable aux échanges avec des milieux semblables du voisinage. 2- Pourquoi les petites populations sont-elles vulnérables? Les petites populations sont soumises à des événements fortuits, accidentels, aléatoires qui précipitent leur extinction locale. Quatre types d‟aléas ont été identifiés : démographiques, écologiques, génétiques et catastrophes naturelles (cyclones, inondations, éruptions volcaniques etc.). Les aléas n‟agissent pas indépendamment : plus une population est affaiblie par l‟un d‟eux, plus elle devient sensible aux autres et, en dessous d‟un certain effectif, elle est inexorablement conduite à l‟extinction, comme entraînée dans un vortex (2). Les exemples suivants illustrent certaines manifestations des aléas dans les conditions naturelles. Une population de Pinsons de Darwin (Geospiza fortis) habite l‟île Daphne Major de l‟Archipel des Galapagos ; presque tous les individus qui la composent ont été marqués, et leur comportement démographique a été suivi pendant plusieurs dizaines d‟années. 36 Les aléas climatiques induits par les caprices des courants marins entraînent des variations de la fructification des végétaux dont les pinsons se nourrissent. En 1976-77, une sécheresse exceptionnelle a provoqué une forte diminution de la production de graines (aléa écologique) et un effondrement des effectifs de la population de pinsons (mortalité accrue et absence de reproduction : aléas démographiques). D‟après: http://terrytao.wordpress.com/ Au minimum démographique, les survivants montraient un énorme excédent de mâles (6 mâles pour 1 femelle, les premiers ayant mieux survécu à la famine), et la reproduction du printemps 1978 fut pénalisée par le déficit de femelles (nouveaux aléas démographiques), alors que les conditions écologiques étaient redevenues ordinaires. Ultérieurement, deux autres épisodes secs rapprochés (aléas climatiques) ont encore aggravé le déclin de la (3) population . La population de lions (Panthera leo) du Ngorongoro, en 2 Tanzanie, est presque insulaire : les 250 km du cratère de cet ancien volcan sont entourés de forêts et d‟un semi-désert défavorables à l‟espèce. La population, composée de 60 à 75 individus fut décimée par des attaques massives et incessantes de la Mouche des étables Stomoxys calcitrans (aléa écologique) ; après leur passage, il ne restait plus que 9 femelles et un seul mâle (aléa démographique). La population mit une douzaine d‟années à se reconstituer à partir des 10 survivants et de (4) quelques mâles immigrants arrivés ultérieurement . 37 Le Grand Panda (Ailuropoda melanoleuca), aujourd’hui relégué dans 24 forêts de montagne aux marges du plateau du Tibet, n’est plus représenté dans le milieu naturel que par environ 1100 individus. Entre les massifs habités par les dernières populations de l’espèce, les plaines et les vallées investies par l’homme sont devenues impropres à la vie de l’animal. On sait que ce carnivore s’alimente essentiellement de feuilles de bambous, et que ces plantes connaissent une période d’immaturité atteignant souvent plusieurs dizaines d’années avant leur unique reproduction et leur mort. Dans le courant des années 1970, au moins trois espèces de bambous ont fleuri simultanément (aléa écologique), provoquant une famine et la mort de 138 pandas dans les montagnes Min. En 1983, le bambou Bashania fangiana, espèce très consommée par les pandas dans la réserve naturelle Wolong, a fleuri massivement sur de vastes surfaces (aléa écologique ; les autres floraisons massives de l’espèce au même endroit ont eu lieu en 1893 et 1935 ; la durée d’immaturité de cette plante est donc d’environ 45 ans) ; la famine qui suivit est responsable de la perte d’un tiers des effectifs (5). Le rôle des aléas génétiques, et particulièrement l‟effet démographique délétère de la consanguinité, est souvent soupçonné par les généticiens, mais exceptionnellement documenté dans la nature. La première observation d‟extinction de populations naturelles attribuable à ces aléas date de 1998 ; elle concerne le papillon finlandais (6) Melitaea cinxia . 38 L‟examen attentif de nombreuses situations récentes d‟extinctions d‟espèces dans la nature a permis de proposer un schéma général du mode d‟action des aléas. La durée de vie d‟une population augmente à peu près exponentiellement avec son effectif face aux aléas démographiques ; une petite population dont on parvient à augmenter l‟effectif échappe donc très vite à ce type d‟aléa ; la durée de vie d‟une population augmente à peu près linéairement avec l‟effectif face aux aléas écologiques ; ceux-ci sont donc beaucoup plus difficiles à maîtriser, parce qu‟il n‟existe pas d‟effectif au delà duquel l‟avenir de la population pourrait être assuré à long terme. Enfin, la durée de survie d‟une population varie à peu près comme le logarithme de l‟effectif face aux catastrophes naturelles, rappelant qu‟à très long terme, c‟est-à-dire à l‟échelle de l‟évolution, les extinctions sont inévitables : elles sont même une de ses manifestation. L‟état actuel des connaissances ne permet pas d‟intégrer les aléas génétiques au modèle précédent. Dans l‟urgence où se trouvent ceux qui cherchent à empêcher la disparition des populations de nombreuses espèces, une action visant à augmenter l‟effectif est évidemment prioritaire : son effet direct vis-à-vis des aléas démographiques a aussi pour corollaire de les rendre moins sensibles aux autres aléas. 3- Quelques situations de gestion démographique La gestion démographique des petites populations est largement pratiquée dans de nombreux pays ; elle prend des formes variées, adaptées à chaque situation particulière : simple surveillance des effectifs, de la reproduction etc. ; aide à la reproduction ; gestion du milieu destinée à le rendre plus propice à l‟espèce concernée ; renforcement des effectifs avec des individus pris ailleurs dans le milieu naturel ou produits dans des jardins botaniques, des zoos etc. Les exemples de réussite sont nombreux et donnent des résultats conformes aux espérances ; les publications en français en relatent certains. J‟ai choisi de privilégier des exemples qui ont conduit à des résultats plus imprévus : il est probable qu‟un jour ou l‟autre les responsables des réserves seront confrontés à des situations pour lesquelles les protocoles bien éprouvés sont inadéquats. 39 3.1- Gestion du milieu par éradication d’espèces envahissantes Beaucoup d‟espèces sont conduites au bord de l‟extinction par des espèces étrangères envahissantes, mais la seule éradication des secondes n‟est pas toujours suffisante. Plusieurs plantes endémiques de l‟Archipel des Kerguelen, dans le sud de l‟Océan Indien, sont menacées en raison du broutage effectué par des animaux introduits à e partir du XIX siècle (lapins, ovins vivant aujourd‟hui en toute liberté, etc.). L‟éradication de ces animaux est relativement facile sur les îlots ; elle permet d‟espérer une certaine restauration du milieu (accroissement des espèces autochtones menacées par le broutage ; déclin des espèces qui en bénéficiaient). Les expériences déjà réalisées sur deux îlots conduisent pour le moment à un résultat assez différent : les espèces qui bénéficient de l‟arrêt du broutage ne sont pas celles qu‟on espérait (Chou des Kerguelen Pringlea antiscorbutica et Azorella selago,autre espèce native), mais des plantes introduites, comme le (7) pissenlit Taraxacum officinale . Azorella selago et Pringlea antiscorbutica (d‟après: http://www.flickr.com) Les îles du Chenal Californien abritent chacune une sous-espèce endémique particulière du renard américain Urocyon littoralis ; l‟introduction dans ces îles de sangliers (Sus scrofa), a été suivie d‟une colonisation par l‟aigle royal (Aquila chrysaetos) qui trouve dans ces animaux une part de sa nourriture (les sangliers se reproduisent presque toute l‟année ; les aigles capturent les jeunes). Aujourd‟hui, le renard est éteint ou en voie d‟extinction dans plusieurs îles en raison de la prédation que les aigles exercent également sur lui. Pour sauvegarder les renards endémiques, il est envisagé d‟éradiquer les sangliers. Mais la modélisation de ce système simple (il y a peu de protagonistes et leur démographie est assez bien connue) montre qu‟un contrôle sévère des sangliers, en présence de l‟aigle, conduirait à l‟extinction rapide des renards protégés ; la conservation du renard ne peut être efficace que par le contrôle simultané des aigles et des sangliers. Or l‟aigle (8) est aussi une espèce protégée! 40 3.2- Gestion d’espèces mutualistes Certaines espèces menacées entretiennent avec d‟autres espèces des relations de mutualisme qu‟on ne soupçonne pas toujours, et la disparition des unes entraîne celle des autres. Le Tambalacoque (Calvaria major) est un arbre endémique de l‟île Maurice dont les derniers individus dans la nature étaient tous âgés d‟au moins 300 ans dans les années 1970 ; les arbres fructifiaient normalement, mais aucune germination n‟était observée. Dessin XVIIe D‟après: http://arbres-reunion.cirad.fr/ et http://www.flickr.com) Photo NHM London e La coïncidence entre l‟âge estimé de ces arbres et l‟extinction du Dodo (Raphus cucullatus) à la fin du XVII siècle, laisse supposer que l‟oiseau contribuait à la germination en affaiblissant l‟enveloppe des graines lorsqu‟il (9) consommait les fruits . Sous cette hypothèse, la conservation de l‟arbre ne pouvait plus être tentée dans la nature, mais en pépinière. L‟Argus bleu à bandes brunes (Maculinea arion) s‟est raréfié en Grande-Bretagne au e cours du XX siècle ; les mesures de protection, prises dès 1930, n‟ont pas permis d‟enrayer son déclin, et l‟espèce disparut à la fin des années 1970 d‟une façon inexplicable. Ultérieurement on comprit que cette espèce ne peut se maintenir qu‟en présence de deux autres espèces : un thym (Thymus drucei), dans les boutons floraux duquel vivent les jeunes chenilles, et une fourmi (Myrmica sabuletti) qui emporte les chenilles dans sa fourmilière où elles terminent (10) leur développement . Dessin d‟après: http://www.macman.ufz.de/ 41 3.3- Amélioration de la reproduction Le Kakapo (Strigops habroptilus) est un oiseau endémique de Nouvelle-Zélande parmi les plus menacés au monde (il ne reste plus qu‟une soixantaine d‟individus) ; sa quasi-extinction est due à deux espèces introduites (rat et hermine). D‟après: http://cityparrots.org , http://ladygarfunkel.wordpress.com et http://www.massey.ac.nz L‟oiseau est un gros perroquet terrestre, incapable de voler, qui vit longtemps et se reproduit épisodiquement, les années ou certains arbres produisent massivement leurs semences. Les mâles, plus gros que les femelles, se rassemblent au moment de la reproduction dans des endroits particuliers (les leks), se disputent et font leur cour ; ils ne s‟occupent pas de leur progéniture. Le programme de distribution de nourriture mis en place pour augmenter la production de jeunes a conduit à un résultat troublant : les femelles (11) supplémentées produisent essentiellement des mâles . (La manipulation du sexe de la progéniture par les femelles est connue chez d‟autres espèces à fort dimorphisme sexuel et possédant des traits de comportement amoureux identiques ; on comprend son existence, mais on ignore son mécanisme.) 3.4- Renforcement des effectifs Le Tamarin lion doré (Leontopithecus rosalia) est un petit primate très menacé au Brésil, après la destruction massive de son habitat forestier ; l‟espèce est élevée avec succès dans de nombreux zoos, ce qui permet de disposer d‟individus destinés à être relâchés dans des réserves naturelles forestières. Les premières expériences de relâchage ont montré que les animaux acquièrent en captivité un comportement domestique qui les rend incapables de survivre dans leur milieu naturel (inaptitude à l‟orientation, maladresse dans les déplacements, incapacité de trouver la nourriture appropriée, méconnaissance des prédateurs). Les protocoles ultérieurs ont donc inclus une préparation à la remise en liberté : long séjour dans de grandes cages sur le lieu du relâchage, apprentissage au déplacement dans un milieu complexe, connaissance de la (12) nourriture locale etc. qui améliore le bilan de l'opération . Mais une autre difficulté alourdit la méthode de renforcement à partir d‟individus élevés dans les zoos. Dans ces lieux, la promiscuité d‟espèces venant de toutes les parties du monde favorise la dissémination de virus, et chaque animal peut être le porteur sain d‟un cocktail 42 viral. Les virus émergents (ceux qui pénètrent dans une région où ils n‟ont jamais existé) constituent un réel danger qui oblige à garder les animaux en quarantaine pendant plusieurs mois pour effectuer les contrôles (13) sanitaires indispensables, à l‟issue desquels de nombreux candidats à la liberté peuvent être disqualifiés . D‟après: http://www.earthshots.org et http://asterling.typepad.com carte d‟après: http://tropicalconservationscience.mongabay.com 4- Quelques espèces concernées dans la réserve “Grand-Pierre et Vitain” Le Genévrier commun (Juniperus communis) semble immuable dans la réserve : les vieux individus croissent lentement et perdurent. Cependant, plusieurs publications parues entre 1982 et 2005 ont alerté sur l‟extrême faiblesse du recrutement (apparition de nouveaux individus par la reproduction sexuée) dans les populations naturelles de l‟espèce en Espagne, Belgique et au Royaume-Uni. 43 Photos C. Le Doussal - CDPNE Les tests montrent que le taux de germination est très faible ; les expériences de traitement du terrain en vue d‟améliorer le recrutement (14) (passage au motoculteur, bêchage, fauchage) ont toutes échoué . Le plan de gestion actuel a prévu une enquête démographique pour cet arbre. Le petit criquet Omocestus petraeus est peu abondant dans la réserve et peu fréquent en France. Le plan actuel de gestion a prévu de recenser les endroits où il se trouve et de gérer quelques parties de la réserve de manière à accroître la surface du milieu qu‟il habite (pelouse sèche, rase et clairsemée sur affleurements calcaires). D‟après: http://loukoum-cie.over-blog.com/ L‟ascalaphe Libelloides longicornis n‟est pas très abondant, et la surveillance de ses effectifs prévue par l‟actuel plan de gestion est justifiée. Deux autres espèces, le Campagnol amphibie (Arvicola sapidus) et la Musaraigne aquatique (Neomys fodiens), fréquentent les bordures de la Cisse et posent un problème plus difficile parce que la rivière montre depuis une vingtaine d‟années des périodes d‟assèchement estival qui rendent le milieu impropre à leur survie à moyen terme. Si ces épisodes de sécheresse répétés sont une manifestation du réchauffement climatique en cours, les actions à l‟échelle de la réserve seront inefficaces. D‟après: http://www.naturamediterraneo.com et http://www.hlasek.com 44 Références 1 Ecological Monographs 44 : 153-169 (1974) ; American Naturalist 119 : 220-239 (1982) 2 Bioscience 31 : 131-134 (1981) ; Viable Populations for Conservation, M. Soulé Ed. : 69-86 (1987) Cambridge University Press 3 Sciences 214 : 82-85 (1981) 4 Conservation Biology 5 : 219-230 (1991) 5 Biological Conservation 49 : 85-104 (1989) ; Science 294 : 1465 (2001) 6 Nature 392 : 491-494 (1998) 7 Biological Conservation 117 : 167-179 (2004) 8 PNAS 99 : 791-796 (2002) ; Sciences 302 : 1532 (2003) 9 Sciences 197 : 885-886 (1977) 10 La Recherche 241 : 370-380 (1992) 11 Biological conservation 107 : 13-18 (2002) ; Nature 419 : 265-266 (2002) 12 Nature 326 : 245-246 (1987) ; Nature 326 : 642-643 (1987) 13 Nature 351 : 89-90 (1991) 14 Biological Conservation 79 : 67-77 (1996) ; Biological Conservation 87 : 215-220 (1999) ; Biological Conservation 124 : 113-121 (2005) 45