Egypte / Deux ans de révolution / Economie Egypte : L'économie en berne (MFI / 27.01.13) Au Caire, la place Tahrir était noire de monde, ce 25 janvier, pour le deuxième anniversaire de la révolution égyptienne. L'opposition aux Frères musulmans, le parti au pouvoir, était dans la rue pour protester contre une situation économique qui se dégrade. La révolution égyptienne de janvier 2011 s'est soldée par la chute de Hosni Moubarak, mais aussi par un coup d'arrêt pour l'économie du pays. Tensions politiques, manifestations, dégringolade de la fréquentation touristique… Les autorités du Caire estiment que le coût économique de ces événements a représenté un manque à gagner de 40 milliards de livres égyptiennes (4,5 milliards d’euros) entre 2010 et 2011. Et pas moins de 65 milliards de livres entre 2011 et 2012 (7,5 milliards d’euros). Pour l’économiste Pascal Devaux, expert du Proche et du Moyen-Orient chez la banque BNP Paribas, la situation est grave : « Les problèmes déjà existants en Egypte se sont aggravés après la révolution. Le déficit budgétaire s'élève à 10 % du Produit intérieur brut. Pour se refinancer, le pays fait appel à des bailleurs de fonds internationaux, faute de moyens sur le marché local. Pour l’année fiscale 2012-2013, le gouvernement a besoin de 15 milliards de dollars, en dehors du système bancaire local. » Inflation, chute des salaires et chômage… Une somme que le gouvernement de Mohammed Morsi a bien du mal à trouver, même si Le Caire est soutenu financièrement à bout de bras par des pays « frères » comme le Qatar, qui a octroyé un prêt de 5 milliards de dollars, le 8 janvier dernier. Mais cela ne suffit pas... Le Fond monétaire international (FMI) était sur le point d'accorder 5 autres milliards de dollars, moyennant des réformes et restrictions budgétaires de la part de l'Egypte... Mais tout a été figé à l'occasion du référendum constitutionnel de décembre dernier, à la demande du gouvernement égyptien. … les trois plaies d’Egypte Il faut dire que le contexte n’est pas particulièrement favorable aux mesures d’économie ou aux réformes que le FMI pourrait demander au Caire. L'Etat subventionne bon nombre de produits de consommations courantes comme le gaz, l’électricité ou le pain... Mais la dépréciation de la livre égyptienne, faute de devises, s'est soldée par la hausse des prix des produits composant le panier de la ménagère égyptienne. Selon l'Office central des statistiques, les prix ont augmenté de 4,5 % en moyenne en 2012, tandis que les salaires ont baissé de 11,4 % sur la même période. Pour bon nombre d'économistes, le gouvernement égyptien se trouve dans une impasse. Il doit à la fois donner des gages aux bailleurs de fonds internationaux qui accepteraient de prêter de l'argent, moyennant des réformes économiques, et de satisfaire les aspirations des 85 millions d'Egyptiens confrontés à la hausse du chômage et à l'inflation... « Le taux officiel du chômage est de 12 % dans le pays, et il monte jusqu’à 25 % chez les jeunes », indique Jan Rielander, économiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), soulignant que ces chiffres sont probablement sous-estimés. « L’économie égyptienne, c’est un peu comme un bateau sans moteur qui continue malgré tout sa course, mais ralentit chaque jour un peu plus », ironise Mounir Makar, ancien banquier égyptien reconverti dans la recherche agricole. « Le problème de ce gouvernement, c’est qu’il n’a pas de programme. Les subventions sont encore maintenues. Mais quelle sera la réaction de la rue quand tout cela disparaîtra ? Je ne sais pas. Je ne suis pas vraiment optimiste. » Frédéric Garat