La loque américaine (L.A pour les intimes) n'a d'américain que son découvreur (White, 1920). Bien que peut présente en Afrique, elle concerne malheureusement le monde entier. Il s'agit d'une maladie grave causée par le bacille Paenibacillus larvae (bactérie en forme de bâtonnet), et qui ne s'attaque qu'au couvain des membres de la famille Apis, ce qui inclus nos abeilles Apis Melliféra. La déclaration de cette maladie auprès des services vétérinaires est obligatoire. Rappel sur la sporulation Une bactérie est un organisme vivant, monocellulaire, sans noyau. Il n'existe pas d'endroit sur terre où il n'y a pas de bactéries (y compris dans l'eau des réacteurs nucléaire). Si les conditions physico-chimiques se dégradent certaines bactéries sporulent. C'est-à-dire que la bactérie forme une endospore puis une spore. La spore préserve le patrimoine génétique de la bactérie contre les agressions extérieures. La spore est très résistante à la chaleur (jusqu'à 90° pendant plusieurs minutes), aux rayons X et aux UV, insensible aux antiseptiques et antibiotiques. Les spores de certaines bactéries peuvent revenir à l'état végétatif après plusieurs centaines ou milliers d'années. Le record est constitué de spores trouvées par Russell, Rosenzweig, et Powers dans un gisement de sel du Kansas datant de 250 millions d'années et qui ont retrouvées leur forme végétative en laboratoire. Cano et Borucki avaient déja isolé des spores de Bacillus sphaericus à partir d'une abeille retrouvée dans un morceau d'ambre datant 25 à 30 millions d'années. Une bactérie se transformant en une seule spore, la sporulation n'est donc pas un moyen de reproduction mais de survie. Par contre, la sporulation ayant généralement lieu dans un environnement sec, la spore est un moyen de dissémination efficace. Contamination La bactérie responsable de la loque américaine est un bacille, gram-positif, capable de sporuler. C'est sous cette forme qu'elle est disséminée, et qu'elle pénètre dans la ruche. Pour que la spore reprenne son activité de bactérie il faut qu'elle pénètre dans le tube digestif d'une larve. La bactérie est d'autant plus pathogène que la larve est jeune. Les larves âgées de plus de 55 heures ne craignent plus rien. Il suffit d'une dizaine de spores pour induire la maladie. En général les larves sont contaminées par la nourriture donnée par les abeilles nourricières, ou par des spores déjà présentes dans la cellule au moment de la ponte et qui se mélangerons ensuite à la gelée dans laquelle beigne les larves. Une fois la spore dans le tube digestif de la larve elle reprend sa forme végétative et la bactérie peut à nouveau se multiplier au rythme d'une division toutes les demi-heures environ. En moins de 16 heures le nombre de bactéries atteint plusieurs milliards. Le métabolisme de la larve est tellement modifié qu'elle meurt. En quelques jours l'environnement des bactéries n'est plus propice à leur reproduction et donc elles sporulent. Ce qui donne plus d'un milliard de spores par larve morte. A partir de cet instant toute manipulation de la larve morte disséminera les spores contaminant les larves ou cellules voisines, le miel non operculé, les rayons, les cadres, la ruche, les gants ou mains de l'apiculteur ect... Les ouvrières transporteront des spores dans toute la ruche. En sortant les larves mortes elles permettront au vent de participer à la dissémination vers les autres ruches. Sans oublier la dérive des ouvrières, les males et autres insectes et petits animaux pouvant passer de ruche en ruche. Gravité de la loque américaine Contamination Cette maladie bactérienne est très grave pour plusieurs raisons : Il suffit de quelques spores pour infester une larve. Une larve infestée peut produire plus d'un milliard de spores. Une spore peut reprendre son activité après plusieurs années de sommeil. Les spores sont très résistantes (chaleur et agent chimique) Il n'existe pas de traitements. (Il existe un antibiotique qui combat la forme active de la bactérie, mais pas quand elle est sous forme de spore) Sous sa forme de spore la bactérie est presque invincible, mais inactive. Vecteurs de la loque américaine Le bacille responsable de cette maladie se propage principalement sous sa forme de spore. Comme cette spore est très résistante elle peut se retrouver partout, et se réactiver très longtemps après la première infection. Les principaux vecteurs de transmission de ces spores d'une ruche à l'autre sont : échange de matériel entre ruche : cadres, hausses, couvre cadres, fonds. le matériel utilisé par l'apiculteur : lève cadre, gants, balayette. le pillage d'une ruche malade la dérive des ouvrières, la circulation des males les insectes et petit animaux passant de ruche en ruche (y compris la fausse teigne) la réunion de colonies. l'introduction de reines. Symptômes de la loque américaine Il y a les symptômes communs à la plus part des maladies Couvain en mosaïque Faible activité Population déclinante Présence d'hôtes qui en temps normal sont repoussés par les abeilles, comme la fausse teigne ou les araignées. Il y à aussi des symptômes caractéristiques à la loque américaine : En temps normal une larve a une couleur blanc nacré. Les larves infestées ont une couleur brunâtre. Une cellule operculée contenant une larve malade à une couleur plus foncé, l'opercule est concave et parfois il est percé. Si avec une allumette on perce l'opercule d'une nymphe infestée, on en retirera une masse gluante et filante ayant une forte odeur d'ammoniaque. Si le couvain est abondant, et massivement contaminé, on peut sentir cette odeur de l'extérieur de la ruche. Dans ce cas là ne pas ouvrir la ruche. A la longue cette masse filante se dessèche et forme une ‘écaille' dans la partie inferieur de la cellule (pas le fond) Cette écaille adhère fortement à la cellule. Traitement de la loque américaine 1. La prophylaxie est le meilleur moyen de lutte. - Ne pas échanger de matériel entre les ruches - Nettoyer et désinfecter le matériel avant de visiter chaque ruche. - N'ouvrir la ruche que quand c'est absolument nécessaire. - Eviter la dérive en espaçant nettement les ruches. - Ne pas donner de rayons à lécher (sauf à la ruche qui l'a produit) La méthode Warré est de ce point de vue une excellente méthode puisque les rayons ne sont pas réutilisés et que l'utilisation de barrette plutôt que des cadres évite les manipulations. L'absence de corps de ruche fait que toutes les parties de la ruche son régulièrement nettoyées. 2. Suivant le degré d'atteinte : a) Si la colonie est trop touchée, le soir venu, on enferme les abeilles et on les asphyxies en allumant une mèche de soufre sur le haut des cades. b) Si l'infection en est à ses débuts, et que la colonie n'est pas trop touchée, on peut essayer de préserver la colonie par transvasement des abeilles dans une ruche neuve. - Dans tous les cas, (a) et (b), les cadres, les barrettes les rayons et tout ce qu'ils contiennent (cire, miel, couvain), et éventuellement les abeilles asphyxiées au soufre, sont détruits par le feu loin du rucher, et les cendres sont enterrées. 3. Si on a décidé de préserver la colonie il faut la transvaser dans une nouvelle ruche. Il faut faire ce transvasement avec une extrême précaution, sinon on ne fait que reculer pour mieux se faire infester. 4. Si l'état de la ruche le justifie elle peut être préservée à condition de la nettoyer à fond. Pour être efficace ce nettoyage doit comprendre trois étapes : - Nettoyage mécanique : grattage et récurage énergiques et méticuleux. - Désinfection à la soude (plus efficace que l'eau de javel). On fait tremper, on brosse, on rince et on recommence. - Enfin, nettoyage par la flamme. (sauf pour les ruches en plastique !) - Nouvelle couche de peinture L'éventuelle utilisation d'un karcher est à double tranchant car il a un effet décapant mais aussi incrustant à cause de la pression. Les antibiotiques ce n'est pas automatiques Fut une époque où on traitait préventivement les colonies en production avec des antibiotiques tels que : tétracycline, oxytétracycline, tysoline, streptomycine. Cela était fait en dépits du bon sens et on retrouvait ses antibiotiques dans le miel. De plus, petit à petit, est apparue une résistance qui fait qu'actuellement environ 30% des bacilles sont résistants à ces antibiotiques. Les Etas Unis autorisent encore ces antibiotiques. En Europe, depuis 1997, le miel est traité comme toute autre production animale (viande, lait, œuf). Tout résidu d'antibiotique dans le produit final y est interdit (Directive 96/23/EC) Une bonne règle de conduite est de n'utiliser ces antibiotiques que dans le nourissement d'une colonie qui vient d'être transvasée et qui se retrouve à l'état d'essaim, donc sans rayons (pas même une feuille de cire gaufrée). Une telle colonie ne produira pas de miel avant plusieurs semaine, il n'y a donc pas de risque.