La Bioéthique : Définition et Législation - FM-USJ

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La Bioéthique : Définition et Législation
http://www.fm.usj.edu.lb/anciens/biolegi.htm
La Bioéthique : Définition et Législation
Prof.Fouad.N.Boustany
Sécrétaire Général du Comité consultatif
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Au cours des trente dernières années, la progression prodigieuse de la
recherche scientifique est en train de changer le cours de l’humaine condition. Désormais, la
vie peut être donnée en dehors des processus naturels, au travers des méthodes de
procréation médicalement assistée, et le diagnostic prénatal permet de connaître la qualité
potentielle de cette procréation. La vie peut être secourue et prolongée par les
transplantations d’organes. La vie peut être modifiée par les manipulations génétiques et les
secrets dévoilés du génome humain permettent de percer le destin biologique de l’homme et
ouvrent la voie à la médecine prédictive.
La science bio-médicale dont l’ultime but était de conserver la santé peut
maintenant « toucher à la vie » et « bricoler le vivant », comme le fait la nature depuis des
milliards d’années. De « guérisseur » le scientifique prétend devenir « créateur ».
Jusqu’où peut aller l’homme de science et à quel prix ?
Ces bouleversements de notre destinée s’ils conduisent à des bienfaits
inestimables peuvent aussi conduire à des catastrophes . D’où l’émotion suscitée à travers le
monde chaque fois qu’un scientifique annonce une nouvelle découverte qui peut s’appliquer à
l’individu ou à la société. Qui aurait imaginé que la naissance d’un mouton ou d’un macaque
dans un laboratoire pouvait nous renvoyer brutalement à notre condition de brebis égarées
dans un dédale d’interrogations existentielles ?
Nous avons donc besoin de réfléchir à ces dilemmes. Cette réflexion, théorique
et pratique concerne non seulement les scientifiques, mais aussi toutes les composantes de la
société : philosophes, sociologues, hommes de religion, juristes et le pouvoir politique.
L’ensemble de cette réflexion constitue la « Bioéthique » qui étudie l’utilisation des nouvelles
techniques pour concilier la recherche scientifique avec la protection de la personne humaine
et de sa dignité. Le terme « bioéthique » est à la fois connu et ésotérique. Il réalise la
contraction de deux mots : la biologie (sciences du vivant) et l’éthique (de l’ethos grec)
c’est-à-dire le comportement individuel ou social.
En français le mot « éthique » est souvent choisi pour éviter celui de « morale »
jugé trop chrétien, trop Kantien ou simplement trop « moralisateur ». En somme, comme le
dit le philosophe allemand Hans Jonas : « La bioéthique, nouvelle discipline, nous permet
de réfléchir et par des entraves librement consenties, empêcher le pouvoir de l’homme
de devenir une malédiction pour lui-même. »
Devant des nouvelles connaissances, l’homme doit faire des choix inédits, il doit
donc assumer de nouvelles responsabilités répondant à des nouvelles interrogations :
-Quels sont les éléments qui définissent l’identité humaine ? Sont-ils inviolables ?
Quel est le statut juridique du corps humain ? Le corps humain est-il une personne ou une
chose ? Peut-on porter atteinte au corps humain, dans quels cas et à quelles fins ?
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-Le corps humain est-il sujet à commerce ? Peut-on vendre des organes ? des
tissus ?
-Existe-t-il un droit patrimonial du corps humain ? Peut-on léguer son corps ?
-Comment concilier les découvertes scientifiques avec la protection de la
dignité immuable de l’homme ?
-Quelles sont les indications de ces découvertes ? Comment les décisions de
leur application doivent être prises et par qui ?
-Le médecin ou le scientifique sont-ils seuls juges ?
-Face à la morale, aux logiques religieuses, au droit, le législateur est-il fondé à
intervenir ?
Telles sont quelques unes des interrogations qui figurent en toile de fond du
débat bioéthique et qui mettent les autorités civiles face à leurs responsabilités.
Notre société contemporaine est fondée sinon sur une morale du « bien » et du
« mal », du moins sur un code de valeurs qui situe au premier rang le respect de l’autre, la
dignité de la personne humaine, les droits de l’homme. La bioéthique repose sur ces bases
essentielles mais ne saurait se contenter d’un consensus non codifié, le médecin et le
chercheur ne pouvant se considérer au-dessus des lois. En définitive, les études et les lois
dérivant de la bioéthique doivent être définies sur le fondement du « principe de
responsabilité » : responsabilité du législateur et du scientifique par rapport au citoyen, du
médecin par rapport au patient, de la société par rapport aux générations futures, d’autant
plus qu’en bioéthique il existe une difficulté particulière qui tient à la philosophie du Droit
traditionnel qui ne connaît depuis toujours que deux catégories : les personnes et les choses,
le vivant et le matériel. Or le corps humain ne participe « stricto sensu » d’aucune de ces
deux catégories en tant qu’il est le point de rencontre de l’âme et de la matière, du sacré et
du profane. C’est ainsi que jusqu'à ces dernières années, on n’avait connu, ni dans les lois,
ni dans les spéculations intellectuelles ou philosophiques de réflexions sur le droit moral
d’insémination artificielle, de manipulation génétique ou de transformation radicale de
l’espèce humaine. Ce mutisme s’explique alors surtout par l’inexistence de ces problèmes.
Dès lors, on peut penser que la bioéthique n’est pas une mode passagère car
elle résume la plupart de nos interrogations sur notre avenir, liées à la démographie, à
l’allongement de la durée de vie, à la répartition équitables des chances, aux exigences de la
personne humaine. La bioéthique invite à des réflexions d’autant plus urgentes que chaque
pas supplémentaire effectué dans le domaine des biotechnologies, s’il est applicable a
l’homme, met en jeu des options sociales et morales fondamentales.
En principe, la réflexion bioéthique doit devancer la recherche scientifique et ses
orientations, ce qui malheureusement n’est pas le cas dans nos sociétés modernes tant il est
vrai que la science avance plus vite que l’homme et certainement plus vite que le législateur,
ce qui creuse un fossé dangereux entre la connaissance (le scientifique insatiable et rapide
enfermé dans son laboratoire) et la sagesse (le législateur éclairé par une longue réflexion)
obligée, pour protéger sa société, de freiner la recherche ou la prohiber.
Les exemples sont nombreux : L’annonce de la naissance de la brebis Dolly en
Ecosse, souleva dans le monde entier une tempête d’interrogations, et c’est après quoi que
les Législateurs se mirent au travail. Le droit se trouve donc souvent de nos jours confronté
à des situations inédites et embarrassantes (mères porteuses, test du sida, mort cérébrale).
Sur ce sujet, « bioéthique et droit » et face au « vide juridique » existant dans notre pays,
qu’avons-nous la possibilité de réaliser ? d’autant plus que l’introduction au Liban, ces
quinze dernières années des pratiques médicales de pointe, sans textes législatifs les
accompagnant, donnent une acuité particulière à ce besoin de réflexion bioéthique et
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imposent l’existence d’un organisme spécifique consultatif près du pouvoir exécutif : Un
organisme pluridisciplinaire, pluraliste, totalement indépendant tant du pouvoir politique que
scientifique ou économique.
Il y a quelques mois, le Président du Conseil par arrêté, a formé le Comité
Consultatif National Libanais d’Ethique pour les sciences de la Vie et de la Santé,
composée de 19 personnalités, scientifiques, philosophes, médecins et hommes de religion.
Le comité se réunit chaque mois au Grand Sérail et étudie ce qui se pratique dans notre
pays dans les disciplines de pointe (greffes d’organes, procréation médicalement assistée,
examens génétiques, examens prénatals, examens prénuptiaux, acharnement thérapeutique,
droit des malades à la vérité etc....) Par saisine, le Comité consultatif qui n’a pas de pouvoir
exécutif, donne des avis présentés au Président du Conseil des Ministres qui les dirige vers
les Ministères concernés pour législation.
Dans le Monde Arabe, et dans ce domaine, le Liban donne l’exemple. Nous
sommes avec la Tunisie les seuls pays arabes ayant un Comité Consultatif National
d’éthique. Notre pays a été et sera toujours plus grand que lui-même.
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