CoMed - Fédération Française de Spéléologie

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Fédération Française de Spéléologie
2012
N°46
CoMed
Infos
SOMMAIRE
NUMÉRO THÉMATIQUE
LE STRESS
Le stress en spéléologie et canyonisme
p 2
Les états de stress
p 11
EDITORIAL
EDITORIAL
Dr Jean-Pierre Buch
Dr Jean-Pierre Buch
L’étude sur le stress faite par la CoMed en 2010, a remporté un beau succès de participation,
gouihupjoî
avec presque 300 réponses des internautes spéléologues et canyonistes.
Elle fait l’objet de ce numéro thématique qui réunit deux textes. le premier est le compterendu et l’analyse de l’enquête. Le deuxième article est un texte personnel d’un spéléologue
psychopraticien qui nous apporte sa vision du problème.
Il nous a paru intéressant de mettre ces deux textes, non pas en concurrence, ils n’ont pas le
même but, mais comme des regards différents, des approches complémentaires.
Bonne lecture.
Commission médicale FFS
Rédaction : Dr J-P. Buch, 655 B Vieille route d’Anduze, 30140 BAGARD, <[email protected]>
Relecture : Dr G. Valentin, C. Costes, A. Menier
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46- 2012 - page 1
Le stress en spéléologie et
canyonisme
Synthèse de l’étude CoMed
2010
Dr Jean-Pierre Buch
Introduction
La notion de stress, si familière et si galvaudée, est
utilisée largement dans la vie courante, personnelle et
professionnelle.
Lors d’opérations de secours, les sauveteurs sont
naturellement confrontés à ce stress : urgence,
souffrance, mort, risque d’erreur, culpabilité, etc. Cette
notion de stress et de sa prévention est abordée dans
les formations « ASV » depuis quelques années. Le SSF
avait sollicité la CoMed sur ce sujet et le Dr C. Goudian
avait initié une réflexion sur le sujet. Son article, paru
dans « Info-SSF » n°81, 2006 et dans la « Feuille de
liaison » CoMed n°41, 2008, a permis de lancer le travail
et de mettre au point une enquête sur le stress.
Une longue maturation nous a finalement poussé à
élargir le sujet, initialement tourné vers les secours, au
stress ressenti également dans la pratique habituelle de
la spéléologie et du canyonisme.
En septembre 2010, l’enquête est diffusée sur les listes
de diffusion fédérales et autres.
A notre grande surprise, les réponses ont été immédiates
et très nombreuses pour ce type d’enquête.
Presque 300 réponses sont arrivées en deux mois, nous
livrant un matériel très dense à exploiter.
Avec un tel succès et une telle masse de données,
nous n’avons pas relancé les listes, nous réservant la
possibilité d’approfondissements ultérieurs si nécessaire.
Les résultats de cette enquête vous sont livrés ici, en
espérant que l’attente patiente des contributeurs sera
récompensée à sa juste valeur.
Après un bref rappel théorique, nous verrons les
modalités techniques de l’enquête, les résultats chiffrés,
et l’exploitation des données, avant de conclure
provisoirement sur le sujet.
Pour commencer, quelle est la définition officielle et
consensuelle du stress ?
Le stress est ressenti lorsqu’un déséquilibre est perçu
entre ce qui est exigé de la personne et les ressources
dont elle dispose pour répondre à ces exigences.
Le stress, dont l’étymologie vient du latin stringere (serre,
lien, détresse, étreinte, avec une notion d’impuissance,
d’abandon et de résignation) se définit donc
fondamentalement comme un phénomène d’adaptation
à une situation donnée. Ce concept né au début du siècle
a été marqué par trois grands courants de pensée :
-
le courant biologique et environnemental
(Pavlov, Selye, Cannon, Laborit) : c’est l’environnement
qui détermine le comportement. Le traitement, basé sur
le conditionnement, passera donc par une modification
de l’environnement (behaviourisme). On doit changer de
stimulus pour changer la réponse ;
-
le courant dispositionnel : les conduites
dépendent essentiellement des particularités du sujet,
de sa structure de personnalité, des traumatismes
archaïques, des conflits psychiques (domaine de la
psychanalyse et de la psychosomatique) ;
-
le courant interactionniste (Lazarus & Folkmann) :
il considère comme fondamental les échanges entre
l’environnement et l’individu, et établit que le sujet
peut modifier son contexte, qu’il en est l’acteur. C’est le
modèle transactionnel actuel, courant non déterministe
contrairement aux deux autres.
L’approche du stress devra faire appel à ces trois
courants, le troisième étant le plus important dans la
pratique.
Pour compléter cette approche et cette définition du
stress.
Laissons la parole au Dr Sandrine Lauransan,
pédopsychiatre et membre de la CoMed, qui apporte
ci-après ses compétences professionnelles pour mieux
situer la problématique.
« On appelle stress une réaction physiologique réflexe
qui permet une mobilisation intense de l’énergie et une
augmentation de la force musculaire face au danger.
Le cerveau libère des hormones et des neuromédiateurs
qui vont permettre cette réaction d’auto protection et
d’adaptation sous forme de fuite ou de combat : cela
passe par le système nerveux sympathique et les glandes
surrénales qui mettent en jeu de l’adrénaline. Celle
ci entraine une accélération des rythmes cardiaque et
respiratoire et une mobilisation musculaire pour pouvoir
s’adapter au danger auquel on est confronté.
La notion de réflexe et de rapidité de réponse est
importante car elle sous entend qu’elle ne met pas en
jeu les aires cérébrales conscientes et décisionnelles.
Nous ne décidons pas ce déclenchement de réaction face
au danger.
En spéléologie le danger peut être présent physiquement
dans l’instant, on le dit « réel ». En voici quelques
exemples : risque de chute, chute de pierres, présence
d’une araignée sur la paroi, blocage dans une étroiture,
montée de l’eau dans une voute mouillante...
Le danger peut aussi être anticipé, et on parle alors
plus d’angoisse que de danger, mais les mécanismes
sont identiques : peur d’être coincé dans une étroiture,
arrêt de la lumière sur le casque avec peur de ne plus
trouver son chemin, peur de manquer d’air, peur qu’un
éboulement ferme la sortie, peur d’une montée des
eaux...
Le danger peut aussi être d’ordre psychique : peur de ne
pas être à la hauteur.....
Notre corps, face à la situation dangereuse, se prépare à
agir et mobilise notre énergie de façon réflexe.
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 2
Le stress est donc plutôt une réaction positive et très
utile.
Pourquoi alors cette connotation négative du stress ?
Si, sur le plan physiologique nos réactions chimiques sont
toutes identiques, par contre notre vécu de celles-ci sont
très variables et c’est là qu’intervient la conscience (et
notre inconscient) dans l’interprétation que nous faisons
de ces premiers signes physiques.
Certains vont ressentir de « l’excitation », comme en
phase d’alarme, et se sentiront prêt à agir, découvrant
en eux grâce à ce mécanisme une puissance ou une
résistance qu’ils ne se connaissaient pas !
D’autres vont interpréter ces premières sensations
physiologiques de l’accélération cardiaque et respiratoire
comme la confirmation de la réalité du danger, et leur
cerveau va alors relancer une seconde décharge des
hormones du stress. Le système peut alors « s’emballer »
et, au lieu de permettre une réaction accrue au danger, il
peut entrainer une sidération psychique et/ou physique,
voire déclencher une crise de panique.
Quand l’exposition au danger dure dans le
temps, le corps entre en phase de résistance puis
d’épuisement, avec un excès de sécrétions hormonales
corticosurrénales, une absence de régulation des
mécanismes physiologiques et une impossibilité de
reconstituer ses ressources...
C’est bien là que le stress est pathogène et que les
symptômes négatifs vont apparaitre (voir plus loin les
manifestations relevées dans les troubles ressentis dans
notre enquête).
C’est sur cette phase plus ou moins consciente
d’interprétation des mécanismes physiologiques que
nous pouvons intervenir pour aider la personne, soit
dans la situation, soit après coup dans les troubles posttraumatiques précoces ou retardés.
C’est ici que les thérapies cognitivo-comportementales
ont toute leur place.
En situation, on peut amener la personne à réaliser que
ses sensations physiques ne représentent pas un danger
en elles-mêmes, qu’elles sont identiques à celles qu’elle
aurait en plein effort physique, sur un stade de course
par exemple, et que dans ce contexte différent elle ne les
interpréterait pas comme dangereuse.
On peut aussi amener la personne à moduler
volontairement ses sensations physiques pour sortir
d’un cercle vicieux : ralentir consciemment la respiration
en allongeant l’expiration (compter jusqu’à 3 sur
chaque expiration), en faisant des courtes pauses entre
l’inspiration et l’expiration ou encore en respirant dans
un sac (mais faut il en avoir sous la main !).
On sort ainsi de l’hyperventilation qui, quand elle n’est
pas accompagnée d’effort, produit une baisse du CO2
dans le sang qui peut aboutir à la crise de tétanie.
Cette concentration sur la respiration a aussi comme
intérêt, si la victime accepte de s’y prêter, de canaliser
l’attention et d’éviter ainsi les interprétations qui peuvent
aller à l’infini des autres sensations corporelles ou des
éléments inquiétants de la situation de danger alentour.
Tout autre moyen de canaliser l’attention de la victime,
comme un discours continu auquel elle doit répondre,
peut être utilisé pour éviter la boucle de la panique.
A distance, dans le cabinet médical, c’est sur le vécu
de la situation de danger lors de la spéléologie que l’on
va travailler. Là encore, une prise de conscience de la
normalités des sensations physiques ressenties alors
est primordiale. Elles n’étaient qu’une adaptation pour
réagir au danger.
Et un travail en anticipation mentale, faire revenir à la
mémoire la situation comme on se passerait un film,
suffit à faire revenir les sensations de panique.
Un long travail cognitif de compréhension de ces
phénomènes doit être effectué. Ce n’est pas le réflexe
qu’on l’on peut modifier par définition, mais bien
l’interprétation qui le suit immédiatement. Il faut
mettre à jour celle-ci chez notre patient et pouvoir la «
démonter », c’est à dire réaliser que cette interprétation
était fausse.
Sans ce préalable, la partie comportementale ne
fonctionnera pas.
Ensuite la personne peut accepter de « s’exposer »,
c’est à dire de faire face à ses sensations en les faisant
revenir par ce travail en imaginaire, et accepter de les
retraverser sans rajouter les interprétations qui avaient
mené à la panique. La personne peut ainsi vérifier leur
disparition progressive dans la séance. Ce n’est que
quand ce travail est pleinement réalisé que la personne
peut accepter d’affronter les situations réelles avec
les mêmes outils qu’elle aura appris en séance. Elle
pourra vérifier qu’en situation, les mêmes mécanismes
fonctionnent et elle aura des outils pour affronter de
nouvelles situation de stress, sous terre et ailleurs ».
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 3
Les modalités
techniques de
l’enquête
Enquête réalisée par
questionnaire internet en
septembre et octobre 2010.
298 fiches retournées, toutes
exploitables à quelques rares
exceptions près.
On peut supposer que la
majorité des personnes
étaient fédérées, mais cette
question n’a pas été posée.
La fiche d’enquête était la
suivante, en sachant que
certaines réponses positives
ouvraient un tableau
complémentaire.
!
Sexe
244 hommes pour 54 femmes soit 18% de femmes. Peu
de réponses féminines puisqu’il y a 28% de femmes
fédérées.
Type de pratique
Une grande majorité des répondants pratique la spéléo,
243 versus 53 pour le canyon, une seule réponse indique
les deux activités, ce qui est un peu surprenant.
Nombre d’années de pratique
La grande répartition de la pratique montre que les
répondants ont une solide expérience de leur pratique
puisque 93% des personnes ont au moins 5 ans de
pratique.
!
Age
La répartition est assez homogène, avec cependant une
majorité de plus de 40 ans.
!
!
Avez vous vécu plusieurs situations éprouvantes sur le
plan psychologique ?
On retrouve 179 réponses positives et 119 négatives
mais la question était probablement ambiguë vu le
nombre de commentaires.
On peut dire que les situations stressantes sont
finalement nombreuses.
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 4
Le nombre de situations stressantes
Il est peu élevé, très majoritairement entre 1 et 5.
Quelques réponses hors normes (50, 100 et 1000)
177 personnes ont modifié leur pratique après cette
situation soit 59%.
On voit que le stress a une réelle importance, ce qui n’est
pas forcément étonnant mais c’est une notion plutôt
nouvelle.
Pensez vous qu’il soit utile de consulter une
personne qualifiée ?
Cette opinion recueille 58% d’opinion favorable.
!
expriment probablement le ressenti d’un milieu hostile.
Implication dans la situation
La grande majorité (162) a été « victime » de la situation.
83 réponses concernaient le rôle de sauveteur et 52 de
témoin.
Avez vous consulté un professionnel de santé ?
Seuls 11% des personnes ont consulté un
professionnel de santé, ce qui est peu en rapport
avec les réponses à la question précédente.
La répartition des professionnels consultés est la
suivante (32 réponses) :
1 cas pour la CUMP (Cellule d’urgence médicopsychologique), 14 un médecin généraliste, 9
psychologues, 8 psychiatres et 14 autres.
Comme plusieurs professionnels ont été consultés, cette
répartition est faite sur 46 réponses.
La réponse «autres » (14 cas) donne 16 personnes
consultées, d’une importante diversité.
2 cardiologues, 1 médecin hospitalier, 2
kinésithérapeutes, 1 médecin « alternatif », 1 médecin
du travail, 1 médecin hyperbare, 1 médecin urgentiste,
1 ostéopathe, 1 psychanalyste, 1 radiologue, 1 médecin
rééducateur, 1 ophtalmologiste, 2 médecins non
précisés.
!
Conséquences sur la vie personnelle
70% des réponses ne mentionnent aucune conséquence
sur la vie personnelle, ce qui est une bonne nouvelle.
Troubles du comportement immédiat
65% des personnes ont observé des troubles durant la
situation ou au décours immédiat.
Troubles du comportement à distance
50% des personnes ont présenté des troubles à distance
de l’événement.
Avez vous pu exprimer votre vécu ?
86% des personnes ont pu exprimer leur vécu de la
situation stressante.
Une réponse positive à cette question ouvrait un tableau
avec trois sous questions :
- immédiatement pour 58% des cas et 42% plus tard.
- avec d’autres personnes pour 87% des cas.
- avec les proches pour 83% des cas.
!
Prise d’un traitement
9% seulement des personnes ont eu recours à un
traitement (27 personnes).
Sur ces 27 signalements, on retrouve 18 traitements
médicamenteux, 4 psychothérapies et 5 associations de
psychothérapie et médicaments.
Avez vous modifié votre pratique ensuite ?
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 5
Analyse des circonstances
298 fiches dont 288 exploitables.
Dans ce premier item où chacun pouvait s’exprimer
librement, on observe, comme dans les deux autres
zones d’expression, une grande richesse de réponses sur
les situations dans lesquelles le stress a été perçu.
Les réponses à la question, « Quels types de situations
ou événements ? », comptent 484 items, plusieurs
situations pouvant survenir pour une même personne.
Ce chiffre totalise les situations ressenties et exprimées
telles quelles.
On dénombre 14 citations où le stress est favorisé par
la proximité relationnelle avec une victime (familiale ou
amicale dans 10 cas) ou que la victime soit un enfant (3
cas) ou un handicapé (1 cas).
A noter qu’en canyon les opérations de secours sont
gérées par les corps constitués, contrairement à la
spéléologie où les spéléologues bénévoles sont les
acteurs principaux. Cette notion peut largement changer
les choses en termes de stress.
Les situations vécues comme stressantes sont
nombreuses. Les voici par ordre décroissant.
- Chute (72 cas) : première cause reconnue, avec 65
chutes et 7 traumatismes sans précision. En canyon, ces
chutes comprennent les mauvaises réceptions après un
saut ou un toboggan.
- Risque de l’eau (64 cas) : crue et montée des eaux dans
54 cas, risque de se noyer dans 10 cas.
- Étroiture (43 cas) : le coincement en étroiture,
immémoriale angoisse des espaces confinés, concerne
bien sûr la spéléologie mais aussi le canyon. Comme quoi
même les spéléos sont aussi claustrophobes !
- Contact avec une victime (40 cas) : il s’agit de l’abord
d’une victime décédée dans 27 cas. Et dans 13 cas de
l’accompagnement ou de la prise en charge de la victime
jusqu’à sa sortie.
- Facteur cognitif (39 cas) : catégorie disparate
regroupant l’impression angoissante d’une intense
solitude au moment des faits (18 citations), le poids de
la responsabilité dans les situations d’encadrement (10
citations) ou dans les gestes ou la conduite à tenir (10
citations). La difficulté de la gestion d’un secours est
particulièrement citée pour les CT et les sauveteurs.
Un point positif est le haut niveau de concentration
consécutif à l’état de stress, qui permet une réflexion
plus efficace. Le fameux stress positif…
A noter un cas où c’est le stagiaire qui s’est senti
profondément stressé par les cadres de son stage.
- État physiologique (32 cas) : on retrouve ici les
situations de malaises physiologiques, liés à la fatigue ou
l’épuisement voire à la panique (13 cas), à l’hypothermie
ou la sensation de froid (9 cas), à des vertiges (6 cas) et à
l’hypoglycémie (4 cas).
- Engagement du secours (26 cas) : il s’agit de sa durée,
de sa complexité et de son engagement physique ou
psychique. Le sauveteur est naturellement en position
vulnérable lors du déclenchement ou du déroulement
d’un secours. Soudaineté et brutalité de l’annonce,
état physiologique ou psychique du moment pas
forcément idéal, temps de déplacement, mise en
condition et préparation de l’action, horaire et durée de
l’intervention, difficultés techniques et engagement de la
cavité, etc.
- Plongée (24 cas) : dans 17 cas, la plongée est citée sans
précision et dans 7 cas la situation est plus explicite, avec
les problèmes techniques suivants : perte du fil d’Ariane
(3 cas), givrage du détendeur (1 cas), essoufflement (1
cas), décompression (1 cas), débit continu (1 cas).
- Secours (23 cas) : le stress est ici clairement lié à une
opération de secours, sans que l’on en connaisse la
raison précise. Il n’a donc pas été ajouté à l’item cidessus, mais il est révélateur d’un état de fait. Si on
cumule les deux résultats, on obtient un score de 49
citations, soit la 3e place de ce classement…
- Canyon (23 cas) : ici encore, la pratique du canyonisme
est citée sans plus de précisions.
- Coincement sous cascade (23 cas) : qu’il s’agisse de
spéléologie ou plus probablement de canyon, cette
situation est fréquente et particulièrement ressentie
comme stressante. On y adjoint le fait d’être pris dans un
tourbillon, de ne plus pouvoir s’échapper d’une vasque.
Il est vrai que cet item associe la peur de la noyade et/ou
de la chute, du blocage, de l’hypothermie, de la solitude
et de l’impuissance, etc. C’est une situation fortement
angoissante.
- Chute de pierres (23 cas) : éventualité fréquente,
englobant chutes directes de hauteur, chutes ou
effondrement dans une trémie, chute d’arbres à
l’extérieur. Elle engendre également un fort sentiment
d’impuissance et d’inhibition, avec un risque
traumatique inéluctable et souvent grave.
- « Faute technique » (21 cas) : les guillemets sont là
pour relativiser ce terme. Qui n’a pas vécu un moment
d’émotion lors d’une manœuvre un peu hasardeuse, qui
s’est finalement et heureusement bien terminée ? Erreur,
vraie faute ou surtout erreur d’appréciation (17 cas)
par exemple en fractionnement ou sur main courante,
explosion de carbure (2 cas), perte d’un outil de
progression comme le descendeur (1 cas), coincement
des cheveux dans le descendeur (1 cas), etc.
- Équipement (19 cas) : un problème d’amarrage est cité
10 fois (rupture, difficulté à trouver un amarrage correct,
mauvais équipement en place), un problème de corde
est cité 9 fois (rupture, corde trop courte, pas de nœud
au bout, corde « tonchée »). On conçoit aisément qu’un
tel problème technique quand on est suspendu dans le
vide soit très vite stressant…
- Retard (13 cas) : dans 7 cas il s’agit de retards
d’horaire ou d’erreurs d’itinéraires et dans 6 cas de
pertes d’orientation ou de la sensation de se sentir
complètement perdu. A noter qu’un cas de retard a été
occasionné par le vol d’une corde…
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 6
- Problème de progression (8 cas) : ce sont les
problèmes matériels ou techniques qui compliquent
ou bloquent la progression. Cela peut être un blocage
au fractionnement (3 cas), la poignée qui glisse sur une
corde boueuse (2 cas), une panne d’éclairage (2 cas), une
attente trop longue (1 cas).
- Facteur personnel (8 cas) : ici, la dimension personnelle
prédomine, rejoignant la définition du stress, état où
les moyens de défense ou d’adaptation de l’individu lui
semblent insuffisants pour gérer une situation donnée.
La notion d’engagement est la principale (6 cas), visà-vis de la difficulté technique ou environnementale
(profondeur, longueur, durée, technicité, présence
de l’eau, passage non assuré, technique de saut mal
maîtrisée, etc.), une notion de stress dans la vie
personnelle (1 cas) et un cas très particulier d’une
illusion d’optique, occasionnée par une ombre ayant fait
croire à un corps humain décédé.
- Gaz (6 cas) : lors d’une désobstruction ou dans une
cavité « gazée », la pénibilité à respirer ou la sensation
d’étouffement sont évidemment perçus avec beaucoup
d’angoisse.
Analyse des troubles ressentis
ou constatés
298 fiches, dont 290 exploitables.
Cette plongée dans l’univers du ressenti est vertigineuse,
tant le vécu est exprimé richement, par le nombre de
mots ou d’expressions et par la diversité des sentiments
vécus.
Cette première enquête montre ici tout son intérêt,
et son succès immédiat confirme que la spéléo et le
canyon ne sont pas des activités comme les autres. Les
personnes qui ont répondu avec force détails auront
contribué à nous faire progresser dans la connaissance
du vécu humain des situations de danger.
Qu’ils soient chaleureusement remerciés ici pour s’être
livrés à ce questionnaire introspectif.
Les réponses à la question, volontairement ouverte,
« Quels types de troubles avez-vous ressentis ? »,
comptent 522 items, plusieurs réactions pouvant
survenir chez une même personne à des degrés divers
et à des temps différents de l’histoire. Il a été difficile
de réunir toutes ces réactions dans des ensembles
cohérents et clairs. Nous avons essayé de synthétiser ces
réponses en citant les mots des répondants (en italique)
pour en dégager les grandes lignes tout en respectant
la libre expression. Chacun pourra se faire une idée
personnelle au delà de cette classification forcément
subjective.
La distinction entre victimes, sauveteurs ou témoins n’a
pas été faite dans l’analyse ci-après. On y retrouvera tous
les éléments cités dans les fiches.
Première remarque, 34 personnes signalent qu’elles
n’ont eu aucun trouble, soit 12% des réponses.
Les manifestations physiques du stress
Elles sont immédiates et physiologiques. On peut
distinguer plusieurs cibles :
- les effets de sidération de l’organisme (50 réponses)
: sentiment d’impuissance, difficulté à prendre une
décision, épuisement, asthénie, pâleur, transpiration,
perte de ses moyens, raideurs, jambes en coton,
abattement, malaise intense, sensation de froid, choc ;
- la « poussée d’adrénaline », souvent ressentie
au travers de signes cardiologiques (24 réponses) :
tachycardie, palpitations, bouffées de chaleur ;
- manifestations respiratoires (18 réponses) : oppression
respiratoire, essoufflement ou dyspnée dans 13 cas,
hyperventilation dans 5 cas ;
- tremblements (8 cas) ;
- manifestations diverses (21 réponses) : troubles
digestifs (nausées, vomissements, diarrhée) (4 cas),
hypoglycémie (2 cas), douleurs (7 cas) que l’on peut
probablement attribuer au traumatisme, vertiges (3 cas),
sensation de soif (1 cas), céphalées (1 cas), dysarthrie
(1 cas), crise d’asthme (1 cas) et une manifestation
dermatologique tardive, une pelade (1 cas).
Les manifestations psychiques du stress
Elles sont immédiates également, mais elles peuvent
être retardées, dans le cadre d’un syndrome posttraumatique.
1) Les réactions psychiques immédiates :
- c’est véritablement l’état de stress aigu (120 réponses),
où l’on trouve les notions de peur, anxiété, angoisse,
appréhension, crainte, doutes, crise de spasmophilie,
inquiétude ;
- les états de panique (25 réponses), avec sentiment de
détresse, de perte de contrôle ;
- une angoisse de mort certaine (7 réponses) ;
- des pleurs (9 cas)
- la sensation d’abandon et de solitude extrême (4 cas)
- le repli sur soi, la fuite (6 cas)
- les états d’excitation (20 réponses) avec nervosité,
agressivité, méfiance, irritabilité, colère, haine (contre les
accompagnants) ;
- le sentiment de culpabilité et de responsabilité (14
réponses) avec regrets, honte, gêne, perception d’avoir
pris une mauvaise décision ;
- de la tristesse et de l’émotion (7 réponses) ;
- des réactions inadaptées ou incohérentes (13
réponses), avec perte du contrôle, des moyens ou des
repères, pensée qui tourne en rond, perte de conscience,
délire ;
- un détachement (3 réponses) avec indifférence ou
dépersonnalisation ;
- une perte de confiance (7 réponses) avec remise en
question de soi, interrogations personnelles ;
- un besoin de parler (3 réponses).
2) Les réactions psychiques retardées :
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 7
- les troubles du sommeil et les cauchemars (20
réponses)
- la dépression (6 réponses) ;
- la persistance ou la réminiscence de la situation
(23 réponses), avec reprise difficile de l’activité ou
évitement, voir arrêt ;
- des phobies (7 cas), évidemment à type de
claustrophobie, agoraphobie ;
- une sensation d’oubli, d’effacement de la situation (1
réponse).
Ces réactions peuvent durer plusieurs années après
l’événement initial et déstabiliser gravement l’individu ou
son entourage, avec parfois des conflits conjugaux.
Globalement, toutes ces manifestations, physiques
ou psychiques, sont des réactions plutôt négatives ou
perçues comme telles.
Mais un certain nombre de réponses font état de
réactions que l’on peut qualifier de positives. Ce sont :
- des réactions de lutte (7 réponses) avec parfois de
l’enthousiasme ;
- un état d’hyperconcentration (34 réponses), avec
réflexion intense, relativisation voire fonctionnement «
en mode survie » ;
- un état de vigilance exacerbée (19 réponses),
immédiate ou secondaire, avec hypersensibilité aux
éléments (présence de l’eau), grande lucidité, prudence,
prise de conscience, réactivité ;
- un état libérateur (12 réponses), avec satisfaction
d’avoir surmonté la difficulté ou d’avoir fait le bon geste,
joie et soulagement d’avoir sauvé quelqu’un, événement
formateur et bénéfique, le sentiment important de se
sentir porté par un groupe soudé, l’apprentissage d’une
vision différente de la vie.
Analyse des commentaires libres
298 fiches dont 163 comportent des commentaires ;
25 en canyon et 138 en spéléologie, dont 152 ont été
retenus pour l’analyse.
« On sait à quoi l’on s’expose... Gérer son stress... Il
faut s’y attendre à n’importe quel moment ! En spéléo,
comme dans la vie ! Mais on vit dans une société qui
ne veut même plus l’accepter. Je pensais que le monde
des spéléo en était grandement épargné... Eh bien non !
Cette enquête en est la preuve ! Mais je ne vais pas en «
stresser » plus pour autant ! ».
Voilà une bonne entrée en matière, qui peut résumer
une opinion largement répandue. Pratiquer un sport à
risque expose à des risques et des accidents possibles,
sources de stress en rapport avec l’idée de peur, de
souffrance et de mort. Rien de très joyeux… Ces risques
doivent être acceptés pour en minimiser la portée.
Mais sommes nous si sûrs d’être à la hauteur en toutes
circonstances ? Sommes nous préparés, dans la vie
comme dans la pratique sportive, à affronter cette
angoisse ?
Les commentaires qui suivent nous apportent des
réponses très diverses sur ce questionnement.
La diversité des réponses ne permet pas de citer
in extenso les opinions de chacun. La compilation
des réponses a été classifiée en divers paragraphes
dont l’analyse tendra à dégager les grandes lignes et
s’appuiera sur quelques phrases emblématiques si
besoin.
- Commentaires d’ordre général (16 réponses, 10,5%)
Les sports de nature sont des sports à risques. Les
moyens de limiter ces risques reposent sur deux
grands principes : la formation technique et l’aptitude
personnelle.
La formation technique y compris celle des secours,
l’autonomie, l’entraînement et le niveau physique
incluant une réserve de sécurité en cas de problème, la
faculté d’anticipation, l’évaluation des équipiers et leur
proximité, la camaraderie.
L’aptitude personnelle est basée sur la vigilance et
l’humilité, se préparer, adapter sa pratique et ne pas se
surestimer, prendre en compte l’histoire personnelle et
ses éventuels traumatismes, faire attention à une image
de soi qui serait trop liée à la pratique sportive et donc
dévalorisée par un accident. Au contraire, prendre du
recul permet d’accepter une erreur éventuelle.
« Si après tant d’années je suis toujours vivant, c est
parce que j’ai peur ! Le jour où tu n’as plus peur, ...».
- Gestion du stress (36 réponses, 23,6%)
Les nombreuses remarques concernant la gestion du
stress peuvent être divisées en deux paragraphes, son
mode de gestion préventive et son mode de gestion lors
d’un événement.
1) La gestion préventive (22 réponses) :
Le regret que la formation au stress ne soit pas abordé
lors des stages a été signalé 3 fois, l’importance des
notions de secourisme, l’expérience en tant que pompier
volontaire, montrent que la formation est une piste de
réflexion notable, en particulier pour les cadres.
Le stress est diversement jugé : il peut être de courte
durée, peu grave voire positif et formateur (la pratique
elle-même prépare au stress), il peut être dur à vivre
quand, par exemple, on a pas de prise sur l’événement,
ou que l’on se soit retrouvé dans « la zone rouge ».
L’exercice mental, la préparation technique et physique,
l’exposition fréquente à « sa peur », la concentration sur
l’action, la proximité de personnes de confiance, voilà de
nouvelles pistes de gestion.
2) Les réactions de stress (14 réponses) :
Elles sont variables selon les personnes, d’autant moins
importantes que l’individu est préparé et informé sur
les effets du stress. Cela peut être un soulagement
quand l’événement se termine bien (« ce n’était pas le
bon jour… »). Le débriefing, l’expression immédiate du
ressenti, du vécu, le partage avec les autres, sont des
facteurs importants de gestion et de déculpabilisation.
Cela peut être fait par des professionnels mais, à ce
stade de l’enquête, l’entourage amical des collègues et
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 8
des sauveteurs paraît le plus souhaitable.
Parfois cette expression à chaud ne suffit pas. Pouvoir le
mettre par écrit peut aider dans un deuxième temps.
- Le recours à un personnel qualifié (35 réponses, 23%)
Les opinions quant au recours à des personnels qualifiés
sont assez partagées. Si 15 réponses le trouvent utile, 14
y mettent des conditions et 6 le trouvent inutile.
1) Utile (15 réponses) :
L’importance du débriefing est fortement souligné dans
ces réponses. La particularité des personnes qualifiées
est de pouvoir s’adapter à chaque personne, mais les
cellules de soutien ou les CUMP (Cellules d’Urgences
Médico-Psychologiques) semblent ne s’occuper que des
victimes et pas des sauveteurs. Au delà du débriefing
immédiat, qui peut être fait par les collègues ou
sauveteurs, les professionnels paraissent plus à leur place
dans le suivi ultérieur, en particulier en psychothérapie
de soutien pour la prévention ou le traitement d’un
syndrome post-traumatique, mais aussi pour « guider la
réflexion du sujet sur son rapport à l’activité » ou le sortir
d’un « gel émotionnel ». La démarche n’est cependant
pas toujours facile à mettre en place.
2) Utilité sous condition (14 réponses) :
« Le débriefing ne peut pas être négatif…, il peut être
envisagé comme une forme de thérapie». La gravité de
l’accident est un élément prépondérant, en particulier
en cas de décès. La personnalité de « l’individu victime
de stress » est le deuxième facteur. Beaucoup disent
que le recours aux personnes qualifiées n’est pas pour
eux mais qu’ils le conçoivent très bien pour d’autres
personnes, plus fragiles probablement, ou dans d’autres
circonstances. Une réponse précise que les « personnes
qualifiées doivent être des spéléos confirmés, aussi
bien en progression, technique et surtout mental ». Ce
recours doit être optionnel, en sachant que l’on peut être
dans le déni et refuser cette aide.
3) Inutile (6 réponses) :
Le stress est jugé comme bénéfique et structurant
donc utile. Le rôle des collègues et sauveteurs est mis
en avant. Reste la question de savoir ce que sont les «
personnes qualifiées »…
- Conséquences de l’évènement stressant (39 réponses,
25,6%)
Les conséquences sont multiples et peuvent être divisées
en trois paragraphes : les répercussions sur l’individu
lui-même , les répercussions sur sa pratique et sur sa
formation.
1) les répercussions sur l’individu (14 réponses) :
La seule conséquence immédiate signalée est un
comportement d’attente passive des secours plutôt que
se sortir soi-même, sans que l’on sache s’il s’agit d’un
sentiment de culpabilité ou simplement de prudence,
du moins pour une personne en capacité de sortir en
autonomie.
L’élément majeur de ces réponses est une prise
de conscience des risques ou de l’engagement (en
particulier sur les personnes décédées), avec des «
conséquences pouvant être graves selon l’histoire
personnelle de l’individu ». L’individu devient alors plus
craintif, par exemple vis-à-vis des crues, plus vigilant.
Mais il a aussi pris de l’expérience pour « ajuster sa
pratique », il a pu vaincre sa peur, montrer du selfcontrol.
Une phrase résume ce paragraphe : « je ne
recommencerai pas, c’est promis… ».
2) les répercussions sur la pratique (19 réponses) :
Sur la pratique individuelle on compte une plus grande
méfiance des étroitures (4 réponses), une pratique moins
sportive donc moins engagée, une plus grande vigilance
(en particulier avec la météo et la sécurité), une certaine
fatalité (« je fais avec »), ou l’évitement d’une situation
semblable.
Sur la pratique collective, on note une plus grande
attention au groupe et au comportement des personnes,
une meilleure anticipation des problèmes, une meilleure
communication en cas de « crise », ne pas laisser un
spéléo seul avec un débutant.
L’arrêt de la pratique est signalé 4 fois, dont 1 en canyon,
2 en plongée dont un transitoire. La quatrième réponse
ne fait état que d’un arrêt d’une année.
3) les répercussions sur la formation (6 réponses) :
Le stress a poussé l’individu à approfondir sa
connaissance technique (manœuvres de cordes), à faire
des stages (eau vive, secourisme), à intégrer les équipes
de secours.
- A propos de la situation stressante (16 réponses,
10,5%)
On retrouve ici diverses remarques recoupant les autres
paragraphes :
- le ressenti : se sentir anéanti ou épuisé, « en état de
choc », angoissé (étroiture, grande verticale), se sentir
coupable et responsable de l’accident, « tout va très
vite lors d’un accident et surtout la panique chez les
débutants ». On peut aussi, et heureusement, avoir
le sentiment de bien avoir géré la situation, surtout
quand elle avait été anticipée, grâce à l’expérience et
au caractère de chacun (victime comme sauveteur ou
coéquipier) ;
- les erreurs à ne pas reproduire, comme de ne pas
s’assurer du niveau des pratiquants ou mal purger une
margelle de puits ;
- les bons conseils : déculpabiliser la victime (en situation
d’égarement), aider les personnes en difficulté (porter un
kit), garder le contact en permanence avec tout équipier
(même pendant une « pause pipi »), être vigilant et
à l’écoute des autres, connaître l’équipement et les
techniques de dégagement de secours.
Une remarque que ne reniera aucun vieux spéléo : « à
l époque nous étions jeunes et on se tirait une bourre
dans des méandres en diaclase, j’ai glissé. L’inconscience
et l’insouciance faisaient partie du quotidien » et une
remarque plus générale, « la spéléo est un sport engagé ».
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 9
Professionnel de santé (5 réponses, 3,2%)
La connaissance du milieu et de la pratique est un plus
réel pour l’accompagnement, mais il n’est pas toujours
possible, loin s’en faut. C’est un vieux débat médical que
nous nous garderons bien de trancher…
Le recours au médecin psychologue ou au médecin
psychiatre varie selon les remarques.
Critique du formulaire (6 réponses, 3,9%)
La forme du questionnaire a amené plusieurs critiques.
Manque de définitions de certains termes (CUMP),
questions trop restrictives ou trop floues, cases à cocher
trop ou pas assez présentes, difficulté à répondre à des
évènements complexes pour la personne, un âge de
début de pratique jugé pas assez jeune.
Remerciements (1 réponse, 0,57%)
« Merci à tous ceux qui ont fait le sauvetage ». Voilà, le
message est passé…
Conclusions et perspectives
Le stress a été assez peu étudié à notre connaissance
en milieu spéléologique et canyon. En 1996, Norbert
Aumasson en a fait son mémoire d’instructeur, assorti
d’un certain nombre de conseils pratiques pour la
gestion du stress par les cadres.
Le stress est par contre abondamment étudié et cité
dans les revues professionnelles et grand public. N’en
retenons qu’un seul aspect, le risque de développement
d’un stress post-traumatique. Environ 1% des français
subissent un stress, soit 600 000 cas par an.
Le risque de développer un stress post-traumatique varie
de 10 à 100% selon la nature du stress.
En milieu naturel, où une part de risque est inhérente
à l’activité et acceptée par le pratiquant (au moins dans
le principe), ce chiffre sera peut-être moins élevé, mais
il dépendra de la prise en charge dont bénéficiera la
personne dans les suites de l’événement traumatisant.
La prise en charge immédiate ou dans les semaines qui
suivent pourra prévenir une évolution vers un syndrome
post-traumatique, plus difficile à traiter une fois fixé.
Cette enquête de la commission médicale fédérale de la
FFS donne un aperçu sur le ressenti et les circonstances
de survenue du stress dans nos activités. Le succès
rencontré et la motivation des répondants montre que
nous avons abordé un sujet sensible et d’actualité.
Une grande partie de ces situations a été finalement
bien « digérée » par les protagonistes, autrement
dit, les stratégies d’adaptation se sont mises en place
spontanément, plus ou moins facilement. Si la majorité
des pratiquants a eu des troubles immédiats ou retardés,
et si deux personnes sur trois ont été amenées à changer
leur pratique ensuite, on est soulagé de voir que 70%
des personnes n’ont pas eu de retombées dans leur vie
personnelle de l’événement stressant.
A partir de ce premier travail, qui a permis une meilleure
lisibilité du problème, quelles sont les perspectives
envisageables ?
Pour le moins une sensibilisation au stress dans
les stages de formation des cadres, dans les stages
secours et les stages de plongée. Ces activités sont plus
spécifiques et ont un niveau d’engagement fort.
On peut ensuite envisager des enquêtes plus spécifiques,
où l’on retrouvera probablement les secours et la
plongée…, mais aussi le stress des dirigeants de
structure, le stress des expéditions lointaines où
l’isolement est fréquent, le rôle du stress personnel
ou sociétal dans l’activité, le suivi des victimes et des
sauveteurs, etc.
Nous avons la conviction d’avoir fait un travail sérieux
et souhaitons qu’il réponde le mieux possible aux
interrogations des spéléos et canyonistes qui ont bien
voulu y répondre et plus globalement aux pratiquants,
qu’ils soient fédérés ou non.
La CoMed reste à la disposition des instances fédérales
pour toute question ou développement à cette étude.
Bibliographie (très) succincte
1) Éléments de bibliographie spéléologique médicale, 2e
édition 2003, Dr Jean-Michel Ostermann, CoMed
2) Le stress et la gestion du stress dans les pratiques
de spéléologie et de descente de canyon, Norbert
Aumasson, mémoire instructeur EFS, 1996
Remerciements
Ce projet a été porté collectivement par la CoMed, les
termes du questionnaire et les modalités de l’enquête
ayant été étudiés et débattus en réunions plénières.
Je remercie donc sincèrement tous ses membres, en
citant plus particulièrement les docteurs Claire Goudian
à l’origine du premier article en 2006, Jacques Rolin,
chargé de la première version du questionnaire en 2007,
Raoul Duroc notre webmestre sur lequel a reposé tout le
développement informatique de l’enquête et une partie
de l’exploitation, Sandrine Lauransan pour son texte sur
le stress et Claire Costes pour sa relecture attentive et
toujours pertinente.
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 10
Les états de stress
Jacques Sanna
1. Qu’est-ce-que le stress ?
2. Les différents états de stress.
3. Comment reconnaître un état de stress, en nous, chez l’autre ?
4. Gestion d’un état de stress en nous, chez l’autre.
5. Résumé.
6. En supplément.
Introduction
Dans le cadre qui nous intéresse ici, le spéléo secours, j’ai
choisi de limiter cet aperçu sur l’état de stress à quelques
notions précises :
- Explications de ce qui est appelé « état de stress » et ses
différentes formes.
- Détection en soi ou chez l’autre (sauveteur ou victime) de cet
état particulier.
- Gestion d’un état de stress, dans l’immédiat, ou post
évènementiel.
1. Qu’est ce que c’est ?
L’être humain, en rapport à son organisation mentale, évolue
dans le monde manifesté sans cesse en mouvement et
qui occasionne des changements et donc des adaptations,
quelques fois dérangeantes, voire impossibles !
De ce fait, l’individu est porté à réagir (identification,
adaptation, refus, renonciation), de manière personnelle, à ce
qui se présente à lui (dans son environnement extérieur, ou/et
dans son monde intérieur).
Dés lors, de multiples réactions, agréables ou pas, peuvent
avoir lieu chez lui. Elles ne sont pas toujours négatives (stress
sans détresse, excitation dans l’agréable).
Que les réponses à ces réactions s’inscrivent dans l’adaptation,
la négociation, la fuite, l’affrontement/la surexcitation, le
blocage, ou la perte des moyens opérationnels utiles dans
le moment présent, l’être humain a toujours à faire avec des
évènements pouvant porter atteinte à sa santé physique
(blessures, accidents, maladies, empoisonnement,…) et
psychique (changements, menaces, confrontations avec la
mort,…).
« L’état de stress » (positif ou négatif) est donc le résultat de
la réaction d’un individu face à un évènement extérieur ou
intérieur. C’est la réponse d’un organisme particulier à une
agression, à une « nouveauté », à une circonstance ou à une
chose « inconnue », plaisante ou pas, acceptable ou pas.
Le stress dérangeant est souvent la conséquence physique et
psychique d’une inadéquation entre les contraintes que nous
subissons et les ressources personnelles ou environnementales
dont nous disposons pour y faire face.
« Les espèces qui survivront ne sont ni les plus fortes ni les
plus intelligentes, mais celles qui auront su s’adapter à leur
environnement » (Charles Darwin).
Etymologie : Le mot stress viendrait de l’Anglais « to stress » :
mettre en tension, qui viendrait du vieux Français « estrece » :
étroitesse, oppression, qui lui serait issu du Latin « stringere » :
serrer.
Ce mot est abondamment utilisé dans un sens plutôt négatif
très large et ceci pour tous les degrés d’intensité qu’il peut
adopter : soucis, inquiétudes, tension nerveuse/excitation/
trac, pressions de toutes sortes, troubles divers, angoisses,
peurs, et au degré le plus fort ou pathologique, de choc
émotionnel traumatisant.
Dans leurs aspects négatifs, les conditions ou les agents
stressants sont des facteurs susceptibles de détruire l’équilibre
vital. En définitif, il y a une mise en connexion avec l’idée de la
mort.
Mécanisme de l’état de stress. Comment cela se passe ?
Dans le processus qui caractérise un état de stress, il a été
reconnu 3 phases (Selye 1936) : l’alarme, la résistance et
l’adaptation, l’épuisement.
La phase d’alarme est déclenchée par un stimulus (l’agent
stressant) perçu physiologiquement par les sens de l’individu
(l’ouïe, la vue, le toucher, le goût et l’odorat). C’est l’œuvre, à
tous les degrés d’intensités possibles, du contact relationnel
avec une personne, une situation, une chose, bref, une
sensation.
Du côté physiologique :
La réponse (neuroendocrinienne) face à l’agent stressant
provient des programmations établies dans le cerveau (zone
corticolimbique). Dans cette phase d’alarme, le système
nerveux sympathique (autonome ou végétatif, contrôleur
d’une grande partie des activités inconscientes) et une
partie du cerveau appelé l’hypothalamus, déclenchent
un signal (l’axe catécholaminergique : systèmes nerveux
activés par la sécrétion de catécholamines, qui sont des
substances naturelles de l’organisme pouvant agir comme
neurotransmetteurs ou hormones).
Un neurotransmetteur est produit (acétylcholine) et va activer
une partie des glandes surrénales (l’aire médullaire – glande
au dessus des reins). Celles-ci vont produire des hormones
(catécholamines exemple l’adrénaline (qui est aussi un
neurotransmetteur, ou la noradrénaline). Cette activation
pourra entraîner une augmentation de la fréquence cardiaque
et respiratoire, de la fixation et du transport en O2, de la
glycémie et de la quantité d’acides gras sanguins.
Si l’agent stressant perdure, vient la phase de résistance et
d’adaptation. L’organisme va tenter de rétablir son équilibre
homéostasique. Il cherche à s’adapter, et devient plus
résistant. On peut dire que c’est une étape « positive ».
Là, une autre activation a lieu (l’axe corticotrope – hormone
sécrétée par l’hypophyse). Elle est amorcée par l’hypothalamus
qui sécrète une hormone (la corticolibérine). Celle-ci stimule
l’hypophyse qui va sécréter une autre hormone (corticotrope)
activant ainsi l’autre partie (corticale) des glandes surrénales.
Ces dernières vont produire des hormones (le cortisol,
les glucorticoïdes) à caractère anti-inflammatoire et antiallergique, cherchant ainsi à atténuer ou supprimer les effets
dérangeant de l’état de stress (elles participent au lancement
des mécanismes d’adaptation cognitivo-affectifs).
Différents travaux ont démontrés que cette phase réactive
inconsciente serait déterminée partiellement par des facteurs
génétiques ou environnementaux précoces.
Si cette phase échoue à rétablir un équilibre acceptable pour
l’organisme concerné (maintient objectif ou relatif de l’agent
stressant, perte de contrôle,…), cette activation (2ème phase)
se maintiendra voire s’amplifiera jusqu’à la 3ème phase :
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 11
L’épuisement.
Lorsque cette étape arrive, elle est définie comme
pathologique ou appelée stress négatif. Tous les mécanismes
d’adaptation s’effondrent.
Des effets nuisibles apparaissent dans l’organisme (diminution
des défenses immunitaires, état de tension excessif, fatigue,
colère, dépression…). Ils peuvent aller jusqu’à la mort.
Ces symptômes ne permettent plus d’exercer correctement un
rôle à responsabilités.
Ici, une prise en charge à la fois médicamenteuse et/ou
psychothérapeutique est indispensable, car les réponses
dépassent le cadre de la relaxation proposée dans les
traitements d’état de stress en phase 1 ou 2.
Les travaux de Bousta (2001) ont montré
qu’expérimentalement, pour qu’un organisme puisse atteindre
un niveau de stress pathologique, la source de menace (agent
« stresseur ») doit être en même temps inévitable, indésirable
et répétitive (chronique).
Je tiens à préciser que, pour une même situation stressante,
il peut y avoir plusieurs possibilités de réactions individuelles.
Cela signifie que, face à un même agent dit « stressant », il
pourra y avoir différents symptômes de réaction physiologique
et psychologique : transpiration, éruptions cutanées, maux de
tête, du dos, des articulations et des muscles, de l’estomac,
des intestins, des palpitations, des problèmes rénaux, de
visions, frayeurs irrationnelles, dépression, colère, etc.
2. Les différents états de stress
Nous avons vu les trois phases du mécanisme qui amène à un
état de stress.
Cependant, il a été mis en évidence quatre types de stress :
le stress « positif » ou adapté, le stress « aigu », le stress
« chronique », le stress traumatique et post-traumatique. Ces
quatre états ont différents effets sur le cerveau et sur le corps
de chacun/e.
Le stress « positif » ou adapté : il se réfère, par exemple, au
besoin de réaliser au mieux les actions immédiates ou à venir,
et aussi à celui de se protéger d’un danger objectivement
présent ou pas. Il est sensé aider la personne à utiliser toutes
les ressources extérieures comme intérieures dont il dispose.
Un excès de stress « positif » peut bien sûr amener à des
actions maladroites… et aussi à un autre type de stress…
Dans le stress adapté, la personne est dans la phase 1
d’alarme et elle se trouve, après un effet de surprise, ou suite
à la perception d’une contrainte ou d’un danger (traversée
d’un quartier réputé à risques par exemple), dans un état de
vigilance renforcé.
Une focalisation se fait sur la source du stress (effet tunnel)
avec une négligence des stimuli non informatifs, une
perception ralentie du temps.
Dans ce type de stress, il se passe une restitution immédiate
des acquis par automatisme (due aux expériences antérieures
personnelles). Le potentiel de ressources extérieures et
individuelles permettra, ou pas, à l’individu de s’adapter à
cette situation ponctuelle et à cet état d’alerte.
Le stress « aigu » est la résultante de l’échec à l’adaptation
(première phase) face à une situation déstabilisante voire
menaçante pour la personnalité (l’ego).
Il est caractérisé par la pression que peuvent exercer des
évènements où nous ressentons une perte de contrôle,
et où interviennent des éléments imprévisibles et/ou
nouveaux. Il peut aussi être question d’une réaction soudaine,
unique, aisément identifiable et qui peut être reliée à une
cause précise. La réaction d’urgence pourra se résorber
graduellement, dans la mesure où l’individu reconnaît et
accepte ses propres émotions. Ce type de stress est passager,
mais peut devenir chronique si inconsidéré.
Le stress « chronique » est difficile à gérer. Il correspond à une
situation difficile et récurrente dans laquelle la personne n’a
pas de perspective de résolution (chômage, ennuis financiers,
problèmes relationnels récurrents…). Ce genre de situations
prolongées et répétées entraînerait un déséquilibre hormonal
lié à l’état pathologique stressant (réactions en cascade de
l’organisme, car, lorsque le système de réponse au stress est
activé, d’autres systèmes sont automatiquement touchés. C’est
l’effet « domino »).
Ce type de stress altère la santé physique et psychique
(maladies cardiaques, pression artérielle et taux de cholestérol
élevés, diabète de type II, dépression), il affaiblit l’organisme
entier et peut mener à un épuisement dangereux (phase 3).
Il a été observé que la plupart des individus concernés par
ce stress « chronique » s’y habitue et qu’ils ne pensent pas
toujours à chercher un « antidote ».
Les réactions comportementales qui accompagnent un stress
de type « chronique » sont : l’agressivité, la nervosité, l’apathie
(retrait, isolement), la fuite (absentéisme).
Certains vont même tenter de « mettre en veilleuse » cet état
par toutes formes d’addictions (alcool, tabac, drogue…).
Le stress traumatique et post-traumatique :
C’est peut être celui qui, dans le cadre spécifique du spéléo
secours, nous intéresserait le plus.
L’état de stress traumatique est en lien avec un choc
émotionnel, d’une intensité telle, qu’il pourrait provoquer
soit une sidération (physique, affective ou cognitive), soit
des phases d’agitation désordonnée (besoin impérieux d’agir
mais les gestes sont inefficaces et maladroits), soit une fuite
panique (comportement contagieux) inorganisée ou une
fuite vers le danger, soit la réalisation d’actions automatiques
effectuées sans y penser et sans être conscient de la situation
objective (cas de secouristes choqués lors d’accidents ou de
catastrophes naturelles).
Toutes ces options peuvent durer de quelques minutes à
plusieurs heures.
Ce type de stress, fait référence au domaine de
l’irreprésentable, de l’effroi (le « tableau blanc »). C’est la
confrontation avec le « réel de la mort » sans représentation
possible. Le bouleversement de l’individu concerné est tel qu’il
induit un changement radical de sa personnalité, il altère son
rapport à la temporalité et amène l’impossibilité de pouvoir
attribuer un sens à la réalité objective.
Ce traumatisme pénètre l’individu par les organes des sens
(par une image, un son, une odeur, une sensation) et va
induire un « enkystement » de l’évènement au sein de sa
structure psychique.
Nous en arrivons à la mise en place d’un état de stress posttraumatique.
Il va s’agir ici d’un ensemble de réactions (ou symptômes) en
série qui peut se développer chez une personne qui a vécu,
a été témoin, ou ayant été confrontée à un évènement à
l’effet personnellement traumatisant. A un événement qui a
provoqué la mort ou de sérieuses blessures ou qui impliquait
une menace de mort ou de graves blessures et qui a suscité
CoMed-FFS - CoMed-Infos n°46 - 2012 - page 12
une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur.
Les répercussions dues à un tel état de stress sont, entre
autres : la reviviscence de l’évènement en pensée de manière
persistante voire obsessionnelle (en état de veille et/ou
dans les rêves). L’évitement de situations qui rappellent cet
évènement. Une hyperactivité. De plus, certaines variables
personnelles peuvent augmenter la probabilité de développer
un stress post traumatique par exemple des expériences
traumatisantes pendant le développement de la personnalité,
des traits de caractère de l’individu prédisposés à cet état, des
troubles mentaux préexistants, etc.
Il est à préciser qu’il peut être question de stress posttraumatique lorsque la perturbation persiste plus d’un mois.
Dans le premier mois nous employons plutôt le terme d’état
de stress aigu.
Etant donné la pertinence de cet état de stress post
traumatique, lié à notre activité de secouristes, je vais résumer
plus en détails les symptômes principaux qui le caractérise (un
supplément plus précis est proposé à la fin du document) :
-
souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement
provoquant un sentiment de détresse et comprenant des
images, des pensées ou des perceptions ;
-
rêves répétitifs concernant l’événement provoquant
un sentiment de détresse.
-
impression ou agissements soudains «comme
si» l’événement traumatique allait se reproduire (incluant
le sentiment de revivre l’événement, des illusions, des
hallucinations et des épisodes dissociatifs) ;
-
sentiment intense de détresse psychique lors de
l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou
ressemblant à un aspect de l’événement traumatique (par
exemple, les dates anniversaires, le temps froid ou le temps
chaud, la neige, certains endroits, certaines scènes à la
télévision, etc.) ;
-
réactivité physiologique lors de l’exposition à des
indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à
un aspect de l’événement traumatique.
3. Comment reconnaître un état de stress,
en nous, chez l’autre ?
D’après les éléments donnés jusqu’ici, chacun/e pourra
éventuellement repérer, observer en soi, ou chez l’autre, la
présence d’un état de stress.
En nous, il est question, quand c’est possible, d’appliquer un
regard « extérieur » à notre personnalité physique et mentale.
En fait, il s’agit ici de se détacher de « moi » et d’observer
(d’amener à la conscience) de manière neutre et objective ce
qui se passe en « moi » : la respiration s’est accélérée, une
oppression enserre la poitrine, un sentiment d’angoisse ou
de panique envahit l’esprit, la transpiration coule sous les
bras malgré la basse température, les mains sont moites, les
pensées commencent à ne plus être contrôlées et ne font plus
référence à la réalité objective…
Chez l’autre, l’observation est là aussi primordiale. Les traits
du visage (blancheur anormale, expression de panique, sueur
sans action), les agissements éparpillés et inefficaces, un
comportement inadapté à la mission particulière, les mains
qui tremblent, le mutisme, la respiration courte et rapide, des
réponses incohérentes à des questions précises, sont autant
d’indications révélant chez l’autre un état de stress.
Que faire ?
4. Gestion d’un état de stress en nous, chez l’autre
En nous : si nous parvenons à prendre conscience qu’un état
de stress est là, qu’il commence à s’amorcer mais qu’il permet
de continuer l’action (1ère phase d’alerte), il suffit d’en prendre
note, de considérer cet état de fait et de rester vigilant sur nos
faits et gestes (auto-observation).
Si cet état évolue et que nous percevons en nous le
sentiment de perdre nos moyens opérationnels, que notre
esprit s’embrouille, que les symptômes décrits ci-dessus se
multiplient et/ou s’amplifient, il serait préférable d’en faire
part à nos coéquipiers/ères, et/ou d’aller se « poser », en étant
accompagné si besoin, en un lieu à l’écart de l’action.
Chez l’autre : quand l’observation décrit la plupart des
symptômes cités ci-dessus, il serait judicieux d’inviter la
personne, soupçonnée d’avoir affaire à un état de stress,
à communiquer ce qui se passe à son niveau. Pour cela, il
est nécessaire que l’individu en question trouve, chez un
écoutant/te éventuel, un espace d’accueil et une écoute
empathique.
Si l’état de stress est ingérable pour cette personne (atteinte
et maintien de la deuxième phase de résistance), il serait
nécessaire de lui proposer, avec une assistance suivant le
degré de l’état de stress, de se retirer du terrain d’action.
Et après ?
Pour nous : une fois qu’un état de stress, handicapant les
actions prévues, est observé, une décision est à prendre de
notre part :
a) Soit continuer, tout en sachant qu’une perturbation
physique et psychique est créée par un état de stress qui a
dépassé la première phase. Il y a là une réelle prise de risque
de ne plus être vraiment dans l’efficacité, et/ou la sécurité
pour nous et pour les autres… ;
b) Soit décider d’arrêter l’action et, si c’est possible
sur le lieu même, de nous assoir et de pratiquer la respiration
consciente (voir ci-après dans « Exercice de gestion d’un état
de stress ») ;
c) Si cette option est impossible sur place, nous
pouvons décider de quitter les lieux (après avoir donné
l’information), seul/e ou accompagné/e et si besoin, mettre en
pratique les propositions de gestion du stress ci-dessous.
Dans le cas où nous n’avons pas détecté, pris conscience qu’un
état de stress nous déstabilise, il n’y a plus qu’à espérer que
notre entourage s’en rende compte !
Pour l’autre : Suivant l’état de stress de la personne, soit il est
possible de l’inviter à utiliser les exercices de gestion du stress,
avec en plus une médication légère (voir ci après « Médication
des états de stress »), soit il sera préférable de lui proposer de
consulter.
Quoi qu’il en soit, les contextes des situations sont tellement
nombreux, les états de stress uniques et spécifiques à
chacun/e, que là aussi, il est demandé d’utiliser au mieux nos
facultés d’adaptation et de bon sens.
Exercice de gestion d’un état de stress
Il existe beaucoup de méthode pour gérer le stress, je vous en
propose une toute simple et réalisable quasiment partout, la
respiration consciente.
Assis, le dos droit, ou allongé sur un support plat, sur le dos
(« posture du cadavre » en Yoga). La concentration se dirige
vers la respiration. L’inspiration est réalisée en gonflant le
ventre (visualiser un ballon qui se gonfle), si possible en
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inspirant par le nez (sinon par la bouche au début, puis tenter
par le nez), le plus amplement possible. L’expiration se fera en
vidant le ventre (le ballon se vide) jusqu’au bout et cela sans
efforts.
Au début, il est possible d’observer que l’inspiration et
l’expiration sont courtes, rapides, avec des à-coups, saccadées,
incomplètes. Que des pensées font glisser l’attention à la
respiration en nous emmenant dans des dédales aliénants du
mental… C’est le signe de la présence de l’état de stress.
En prendre note, sans plus, et revenir sur la respiration jusqu’à
ce que les deux temps (inspiration et expiration) deviennent de
plus en plus fluides, profonds, complets.
Cet exercice peut apporter la détente et permettre une reprise
d’activité. Cependant, les racines profondes des activations
relatives au déclenchement de l’état de stress n’ont pas été
découvertes.
Médication possible des états de stress de 1er, 2ème, ou 3ème
type :
En plus de l’exercice proposé ci-dessus, il est possible d’aider
l’organisme avec, en autres substances, des éléments actifs
de plantes, de métaux, de sels de magnésium et des minéraux
avec, par exemple, Euphytose et Biomag.
Pour les états de stress de type chronique ou/et le stress
traumatique ou post-traumatique :
Dans ces cas là, en plus de ce qui a été cité ci-dessus, il est
recommandé de suivre une psychothérapie et/ou consulter
son médecin traitant.
Résumé
Dans le cadre du spéléo secours, je peux dire que le stress
est un état qui donne l’alerte. Il indique, s’il est reconnu
et considéré, que nous sommes face à une situation
déstabilisante qui demande, suivant son intensité, une mise au
point concernant la relation avec le sujet stressant. Une mise
en conformité avec la réalité objective (et non pas subjective
à chaque individu), et/ou une remise en cause du maintien de
notre présence ou de celle d’un/une autre membre de l’équipe
(perte des moyens opérationnels).
Enfin, nous avons à être vigilant et apercevoir la survenue et
les effets du stress en nous, chez nos coéquipiers/ères et la ou
les victimes en détresse.
En supplément
Symptômes physiologiques et comportementaux liés au
stress post-traumatique
a) Évitement persistant des stimuli associés au traumatisme
et émoussement de la réactivité générale (non présente
avant le traumatisme) comme en témoigne la présence d’au
moins trois des manifestations suivantes :
1. Efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les
conversations associés au traumatisme ;
2. Efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui
éveillent des souvenirs du traumatisme ;
3. Incapacité de se rappeler un aspect important du
traumatisme ;
4. Réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes
ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités ;
5. Sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir
étranger par rapport aux autres ;
6. Restriction des affects (par exemple, incapacité à éprouver
des sentiments tendres) ;
7. Sentiment d’avenir «bouché» (par exemple, penser ne pas
pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants, ou avoir un
cours normal de la vie).
b) Présence de symptômes persistants traduisant une
activation neurovégétative (non présente avant le
traumatisme) comme en témoigne la présence d’au moins
deux des manifestations suivantes :
1. Difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu ;
2. Irritabilité ou accès de colère ;
3. Difficultés de concentration ;
4. Hypervigilance ;
5. Réaction de sursaut exagérée.
On parle de stress post-traumatique lorsque la perturbation
entraîne une souffrance ou une altération du fonctionnement
social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
Le souvenir de l’événement est souvent d’une extraordinaire
précision. Les gens disent revoir la scène comme s’ils y étaient.
Les images, le souvenir des cris, des odeurs, etc.
Les symptômes de stress post-traumatique sont, de l’avis de
plusieurs chercheurs, le résultat de mécanismes d’adaptation
de l’organisme.
Par exemple, les symptômes d’hypervigilance et autres
symptômes de suractivation physiologique se produisent
comme s’il fallait rester en alerte pour s’assurer de faire ce
qu’il faut et de prévenir tout autre danger. L’émoussement des
émotions et l’amnésie permettent de doser le stress à gérer,
etc.
Quand on ne se rétablit pas, le problème est que ces
mécanismes se maintiennent alors qu’ils ne sont plus
nécessaires et qu’ils présentent trop d’inconvénients.
Il arrive que ces symptômes de stress post-traumatique soient
accompagnés de symptômes physiques et/ou psychologiques
d’anxiété ou de panique (il s’agit d’hyperventilation) tels
que palpitations, battements de cœur ou accélération du
rythme cardiaque, transpiration, tremblements ou secousses
musculaires, sensations de «souffle coupé» ou impression
d’étouffement, sensation d’étranglement, douleur ou gêne
thoracique, nausée ou gêne abdominale, sensation de vertige,
d’instabilité, de tête vide ou impression d’évanouissement,
déréalisation (sentiments d’irréalité) ou dépersonnalisation
(être détaché de soi), peur de perdre le contrôle de soi ou de
devenir fou, peur de mourir, sensations d’engourdissement ou
de picotements, frissons ou bouffées de chaleur (reproduit du
DSM-IV, critères d’une attaque de panique). Ces symptômes
apparaissent en raison du blocage de la respiration qui se fait
lorsque nous sommes anxieux. Ils sont désagréables et souvent
inquiétants mais ne sont pas dangereux. Pour les atténuer,
prenez le temps de respirer lentement et profondément.
Difficultés associées
Les réactions qui constituent ce qu’on appelle « l’état de stress
post-traumatique » ne représentent souvent qu’une partie de
la souffrance et des difficultés des victimes de catastrophes.
Elles vivent souvent un pénible sentiment de culpabilité du fait
d’avoir survécu, de ne pas avoir réussi à sauver des gens, par
rapport à ce qu’elles ont dû faire pour sauver leur vie, pour ne
pas avoir réagi comme elles auraient voulu, de refuser ce qui
s’est passé, de ne pas arriver à l’accepter, etc.
Lorsqu’elles sont victimes d’un acte criminel, elles vivent
souvent de façon intense une grande révolte, de l’agressivité,
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un désir de vengeance et un sentiment d’injustice.
Les victimes souffrent souvent aussi d’un sentiment
d’incommunicabilité.
Leur expérience, les émotions vécues et leurs réactions sont
tellement hors du commun, intenses et inconnues jusqu’à
présent, que les mots sont difficiles à trouver pour décrire ce
qui a été vécu, surtout pour les gens qui sont de nature un peu
renfermée (introvertie). Il est souvent difficile pour l’entourage
de réaliser ce que la personne vit. Il vient souvent un temps
où il est dit à la victime : «reviens-en, oublie ça, secoue-toi, ce
n’est rien «…
Les gens souffrant d’un stress post-traumatique sévère disent
à peu près tous que, même si l’entourage offre une bonne
écoute, il vient un moment où ils ne veulent plus en parler, ils
ne veulent pas imposer cette lourdeur à leur entourage.
Le (la) psychothérapeute est souvent la personne à qui
on continue à en parler, à qui on réussit de plus en plus à
exprimer tout ce qui a été vécu, tout ce qu’on a vu, pensé,
ressenti et ce que l’on continue à vivre par rapport à ça.
Pourquoi le faire ? Qu’est ce que cela signifie ? Où cela cherche
à m’amener ?
La vision du monde et de la vie est souvent affectée. Le
monde n’est plus aussi sûr. Il devient plein de dangers, de
méchancetés, etc., selon le traumatisme vécu. Plus la vision du
monde était incompatible avec l’événement, plus le choc est
grand.
Une remise en question des croyances personnelles peut être
utile.
Chez les gens qui ont particulièrement vécu des traumatismes
chroniques (abus, violence conjugale, etc.), les croyances qui
se rapportent à soi et aux autres ainsi que la capacité de faire
confiance sont très affectées.
Par ailleurs, mentionnons que les gens souffrant d’un stress
post-traumatique doivent parfois vivre, en même temps,
le deuil de personnes chères, le deuil de leur propre santé,
des douleurs constantes, des problèmes financiers, des
tracasseries judiciaires, des questionnements existentiels, etc.
Évolution
Les symptômes débutent habituellement dans les trois
premiers mois après le traumatisme bien que puisse exister
un délai de plusieurs mois ou même de plusieurs années avant
que les symptômes n’apparaissent. La durée des symptômes
est variable avec une guérison complète survenant en trois
mois dans environ la moitié des cas alors que de nombreux
autres sujets ont des symptômes qui persistent plus de douze
mois après le traumatisme. Pour la majorité des gens chez
qui les symptômes et problèmes persistent plusieurs mois
après le traumatisme, le passage du temps n’amènera pas de
rétablissement s’il n’y a pas de traitement (dans l’inconscient
il n’y a pas de notion de temps).
Ces gens risquent de développer une dépression
(apparemment 25 à 30% des gens souffrant d’un stress posttraumatique), une consommation abusive de drogue, d’alcool
ou de médicaments (environ 50%), un trouble panique, de
multiples évitements phobiques et des problèmes de santé.
Il est fréquent que ces diverses réactions interfèrent avec les
relations interpersonnelles et mènent à de sérieuses difficultés
conjugales et familiales. Elles mènent aussi parfois à la perte
d’emploi.
On l’a vu, le stress agit fortement sur notre corps, il l’oblige à
réagir par différents stimuli physiologiques. Mais quand les
réponses ne peuvent atteindre leurs finalités, c’est la psyché
qui emmagasine l’information et tente tant bien que mal de
résoudre les conflits générés.
Une action pourrait rétablir l’équilibre psycho-physiologique
et entraîner une sensation de bien-être et de satisfaction.
Mais il arrive que cette action ne puisse avoir lieu pour des
raisons sociales ou morales. Ainsi il convient de comprendre
les structures psychiques du stress afin d’établir les méthodes
de gestion et de résolution du stress. Le stress psychologique
concerne l’état de tension, de préoccupation ou d’activations
excessives subies.
Parfois extrême, parfois tonique, il s’agit d’une notion qui
est considérée comme un facteur de vulnérabilité dans
le développement de pathologies diverses, physiques et
mentales. Psychologiquement le stress peut prendre plusieurs
aspects :
- des obsessions diverses pouvant déclencher
des troubles anxieux sévères, liées à l’objet du stress,
des imageries mentales récurrentes, cauchemars, peurs
incontrôlées ;
- cyclothymie (troubles de l’humeur), instabilité
émotionnelle, réactions disproportionnées, évitements et
vérifications (phobies) ;
- perte de mémoire, fatigue nerveuse, perte de tonus,
démotivation.
La frustration, vient s’y ajouter. Ce sentiment d’insatisfaction
est provoqué par le constat du stress où l’on se sent
vulnérable, en souffrance, et dans l’incapacité de s’en sortir.
• Psychosomatique :
Si le stress psychologique se prolonge sur un long terme il
apparaît des maladies organiques (psychosomatiques). Ces
maladies sont interprétées comme le moyen qu’a le corps
d’indiquer un malaise psychique (non résolu, compris,
accepté, ou intégré).
Etant donné que physiologiquement le corps n’a pas
pu extérioriser le stress, et que ce stress a été refoulé
violemment, il développe une maladie (une maladie est un mal
à dire) dans le but d’attirer l’attention sur un problème d’ordre
psychique. Le stress est alors somatisé.
D’après Sami-Ali, le stress doit être considéré comme un
équivalent de « la situation d’impasse ». Car ni la fuite, ni
l’attaque ne sont possibles et ainsi, le problème ne trouvant
pas de solution, on s’engage vers la dépression ou la
somatisation.
Le stress chronique peut engendrer une déficience du
système immunitaire, et à terme une cellule anormale peut
se développer en cancer. Le stress possède des influences sur
les fonctions digestives et à terme provoque des lésions et
des ulcères gastriques. Le stress déclenche de nombreuses
hormones corticoïdes responsables des inflammations
gastriques.
Conséquences psychologiques et psychosomatiques du stress
post-traumatique :
• Psychologie :
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