M i s e a u p o i n t Place des anticholinergiques dans le traitement des troubles mictionnels irritatifs ■ G. Amarenco*, F. Haab**, A. Durand*** P * Service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, hôpital Rothschild, 33, boulevard de Picpus, 75571 Paris Cedex 12. E-mail : [email protected] ** Service d’urologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris. *** Faculté de pharmacie, laboratoire de toxicologie, 27, bd Jean-Moulin, 13385 Marseille Cedex 5. armi les symptômes urinaires habituellement rencontrés en pratique quotidienne, les signes irritatifs sont d’une grande fréquence, la prévalence de l’instabilité vésicale étant par exemple estimée à près de 61 % audelà de 65 ans (1). Urgences mictionnelles, pollakiurie diurne et/ou nocturne, fuites sur impériosité, nocturie, sont ainsi des motifs de consultation très habituels tant chez l’homme que chez la femme. L’attitude habituelle après avoir éliminé une étiologie infectieuse (ECBU) et urologique (cystoscopie) est d’essayer un traitement d’épreuve par anticholinergiques et, en cas d’échec, de pratiquer un bilan urodynamique pour mieux en préciser les mécanismes physiopathologiques et étiopathogéniques. Ces explorations retrouvent parfois une anomalie motrice du détrusor, lors de la phase de remplissage, sous la forme de contractions non inhibées entrant dans le cadre des vessies hyperactives. Ailleurs, le bilan, même en conditions “sensibilisatrices” (position debout, remplissage rapide, test à l’eau glacée, holter vésical) s’avère négatif et il est alors parfois commode d’évoquer non plus un trouble moteur mais une altération sensitive vésicale ou urétro-vésicale (2, 3). Ces hyperactivités vésicales peuvent ne pas être neurogènes (hyperactivité non neurogène, anciennement dénommée “instabilité vésicale”) et s’inscrirent alors soit dans le cadre d’une immaturité vésicale lorsqu’on retrouve des antécédents évocateurs (énurésie ou troubles mictionnels remontant à l’enfance), ou peuvent demeurer purement idiopathiques sans substratum étiopathogénique clair. Quel que soit le mécanisme physiopathologique exact (musculaire, neurologique ou urothélial), les signes irritatifs, et tout particulièrement l’incontinence urinaire, vont avoir un fort impact en termes de qualité de vie, Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. III - avril/mai/juin 2003 justifiant ainsi une prise en charge thérapeutique spécifique (2, 3). L’objectif du traitement de l’instabilité vésicale n’est pas de supprimer toute contraction vésicale mais de supprimer l’hyperactivité vésicale sans altérer la miction. Au cours de ces dernières années, de nombreuses molécules ont pu être proposées, mais la plupart d’entre elles ont du être abandonnées soit en raison d’une efficacité clinique insuffisante, soit du fait de leurs effets secondaires trop importants (4). Les anticholinergiques restent, à l’heure actuelle, la thérapeutique de choix. PHARMACOLOGIE VÉSICALE La régulation du fonctionnement vésico-urétral est complexe, faisant intervenir nombre de centres encéphaliques et médullaires, de relais et de voies de transmission centrales et périphériques. Au-delà de la dualité classique entre le système sympathique et le système parasympathique, une modulation par une transmission non adrénergique – non cholinergique (NANC) est désormais bien démontrée. Ainsi, les terminaisons des fibres adrénergiques et cholinergiques ne répondent pas uniquement à la noradrénaline et à l’acétylcholine, mais aussi à d’autres composés endogènes (transmetteurs NANC) qui sont présents dans les tissus et les organes. Le système parasympathique est celui qui nous intéresse, par l’existence de sa transmission cholinergique, site d’action des parasympathycolitiques anticholinergiques largement utilisés en clinique. Organisation du système nerveux parasympathique et régulation vésicale L’appareil vésico-sphinctérien comprend d’une part, le muscle vésical assurant des fonctions de 19 M i s e RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Geirsson G, Fall M, Lindström S. Subtypes of overactive bladder in old age. Age Aging 1993 ; 22 : 125-31. 2. Brading AF. A myogenic basis for the overactive bladder. Urology 1997 ; 50 (suppl. 6A) : 57-67. 3. De Groat WC. A neurological basis for the overactive bladder. Urology (suppl. 6A) 1997 : 36-52. 4. Kelleher CJ, Cardozo LD, Khullar V, Salvatore S. A medium-term analysis of the subjective efficacy of treatment for women with detrusor instability and low bladder compliance. Br J Obstet Gynaecol 1997 ; 104 : 98893. 5. Andersson KE. The overactive bladder : pharmacologic basis of drug treatment. Urology 1997 ; suppl. 50 : 74-84. 6. Nilvebrant L, Sparf B. Dicyclomine, benzhexol and oxybutynin distinguish between subclasses of muscarinic binding sites. Eur J Pharmacol 1986 ; 123 : 133-43. 7. Hughes KM, Lang JCT, Lazare R, Gordon D, Stanton SL, Malone-Lee J, Geraint M. Measurement of oxybutynin and its N-desethyl metabolite in plasma, and its application to pharmacokinetic studies in young, elderly and frail elderly volunteers. Xenobiotica 1992 ; 22 : 859-69. 8. Waldeck K, Larsson B, Andersson K-E. Comparison of oxybutynin and its active metabolite, N-desethyl-oxybutynin, in the human detrusor and parotid gland. J Urol 1997 ; 157 : 1093-7. 9. Wein AJ. Pharmacology of incontinence. Urol Clin N Am 1995 ; 22 : 55777. 10. Amarenco G, Marquis P, McCarthy C, Richard F. Qualité de vie des femmes souffrant d’impériosité mictionelle avec ou sans fuites : étude prospective après traitement par oxybutinine (1701 cas). Presse Medicale 1998 ; 27 : 5-10. 11. Thüroff JW, Bunke B, Ebner A, Faber P, de Geeter P, Hannappel J, Heidler H, Maderbacher H, Melchior H, Schäfer W, Schwenzer T, Stöckle M. Randomized, double-blind, multicenter trial on treatment of frequency, urgency and incontinence related to detrusor hyperactivity : oxybutynin versus propantheline versus placebo. J Urol 1991 ; 145 : 813-7. 12. Nilvebrant L, Andersson K-E, Gillberg P-G, Stahl M, Sparf B. Tolterodine – A new bladder selective antimuscarinic agent. Eur J Pharmacol 1997 ; 327 : 195-207. 20 a u réservoir (accumulation des urines dans l’intervalle des mictions), puis d’expulsion (contraction détrusorienne lors de la miction) ; d’autre part, les sphincters strié et lisse, permettant, par leur contraction permanente, une bonne continence, puis une miction facile et sans résidu lors de leur ouverture concomitante à la contraction détrusorienne. Le cycle continence-miction est un acte réflexe intégré dans la moelle sacrée et sous la dépendance du contrôle cortico-sous-cortical. Les centres et voies sympathiques sont étagés de D9 à L3 ; les nerfs hypogastriques se distribuent essentiellement à l’urètre proximal et au col de la vessie. Si le proto-neurone est à médiation cholinergique, le deuto-neurone est à médiation adrénergique. Les récepteurs sont de deux types : alpha-récepteurs sur le trigone, le col et l’urètre proximal dont la stimulation induit une contraction et un blocage, une relaxation avec ouverture ; bêta-récepteurs sur le reste du détrusor. C’est dire que le système sympathique permet de diminuer les pressions vésicales par relaxation détrusorienne (effet bêta) et de renforcer l’occlusion de l’urètre (effet alpha). Les centres et voies parasympathiques jouent un rôle primordial dans le fonctionnement du détrusor. Localisés au niveau du tractus intermédiolatéralis des 2e, 3e et 4e métamères sacrés, leurs nerfs effecteurs sont les nerfs érecteurs (ou nerfs pelviens) se distribuant essentiellement au détrusor et dont la transmission est cholinergique. Leur rôle essentiel étant la contraction de la vessie, l’administration de drogues parasympathicomimétiques (soit directe, soit indirecte) déterminera une contraction détrusorienne ; à l’inverse, les parasympathicolytiques (anticholinergiques atropiniques) induiront une diminution de la contraction vésicale avec un risque de rétention ou de dysurie. À l’échelon cellulaire La synapse est représentée par la partie située entre un neurone et l’élément jonctionnel représenté par la cellule cible. Elle comporte deux zones : une zone présynaptique qui appartient au neurone et qui contient des vésicules où sont stockés des médiateurs et des récepteurs ; une zone postsynaptique représentée par une membrane qui se situe sur la cellule cible où sont répartis les récepteurs. Les récepteurs du système parasympathique sont localisés au niveau central et au niveau périphérique. Des récepteurs p o i n t muscariniques et nicotiniques sont caractérisés au niveau des terminaisons des fibres du système parasympathique. Au niveau central et au niveau périphérique, la localisation des récepteurs est à la fois présynaptique et postsynaptique. La stimulation des récepteurs par les neuromédiateurs joue un rôle essentiel dans la régulation de la libération des neurotransmetteurs cholinergiques. Les médiateurs chimiques (neurotransmetteurs) agissent à la fois sur les terminaisons postsynaptiques et présynaptiques. Les neurotransmetteurs vont avoir un effet excitateur ou inhibiteur sur la cellule cible postsynaptique. La stimulation des récepteurs présynaptiques va moduler la libération des neurotransmetteurs par autorégulation. La réponse physiologique est fonction de la stimulation directe des récepteurs périphériques par le neurotransmetteur au niveau de l’organe et/ou indirectement de la stimulation des récepteurs centraux qui, par libération de neurotransmetteurs, va moduler la régulation du tonus périphérique, en augmentant ou en inhibant la libération des neurotransmetteurs qui agissent au niveau des récepteurs périphériques. Dans le cas d’une activation, suite à un influx nerveux, le potentiel de membrane de la fibre présynaptique va être inversé. Il se produit une entrée de calcium et de sodium dans la cellule et une sortie de potassium dans le milieu extracellulaire. Le médiateur stocké dans les vésicules de la fibre postganglionnaire est libéré dans la synapse et se fixe sur les récepteurs postsynaptiques. Il se produit une dépolarisation brutale avec propagation d’un potentiel d’excitation. Une partie du médiateur se fixe aussi sur les récepteurs présynaptiques qui vont agir comme autorégulateurs de la libération du neurotransmetteur. Dans le cas d’une inhibition, le potentiel inhibiteur de membrane se traduit par une hyperpolarisation de la membrane postsynaptique, provoquant une relaxation de la cellule cible. Dans le cas du système parasympathique, la transmission est cholinergique. Le neurotransmetteur endogène est l’acétylcholine. L’acétylcholine est formée à partir d’un précurseur, la choline, et inactivée par dégradation par une enzyme, l’acétylcholinestérase, en choline et en acide acétique. Sous l’action de l’influx nerveux, Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. III - avril/mai/juin 2003 13. Nilvebrant L, Hallén B, Larsson G. Tolterodine – A new bladder selective muscarinic receptor antagonist : preclinical pharmacological and clinical data. Life Sci 1997 ; 60 : 112936. 24. Stahl MMS, Ekström B, Sparf B, Mattiasson A, Andersson K-E. Urodynamic and other effects of tolterodine : a novel antimuscarinic drug for the treatment of detrusor overactivity. Neurourol Urodyn 1995 ; 14 : 647-55. 15. Andersson KE, Appell R, Cardozo L, Drutz H, Finkbeiner A, Haab F, Vela Navarrete R : Pharmacological treatment of urinary incontinence. 1re consultation internationale sur la prise en charge de l’incontinence urinaire. Monaco, 30 juin-2 juillet 1998. 16. Abrams P, Freeman RN, Anderström C, Mattiasson A. Efficacy and tolerability of tolterodine vs oxybutynin and placebo in patients with detrusor instability, J Urol 1997 ; 157 ; 103 (abstr. 402). 17. Andersson K-E. Current concepts in the treatment of disorders of micturition. Drugs 1988 ; 35 : 477-94. 18. Pietzko A et al. Influences of trospium chloride and oxybutynin on quantitative EEG in healthy volunteers. Eur L Clin Pharmacol 1994 ; 47 : 337-43. 19. Holmes DM, Montz FJ, Stanton SL. Oxybutinin versus propantheline in the management of detrusor instability. A patient-regulated variable dose trial. Br J Obstet Gynaecol 1989 ; 96 : 607-12. 20. Madersbacher H, Stöhrer M, Richter R, Burgdorfer H, Hachen HJ, Murtz G. Trospium chloride versus oxybutynin : a randomized, doubleblind, multicentre trial in the treatment of detrusor hyper-reflexia. Br J Urol 1995 ; 75 : 452-6. 21. Junemann K, Al Shukri S, Tolerability of trospium chloride and tolterodine in 234 patients with urge syndrome : a double blind, placebocontrolled, multicentre clinical trial. Neurourol Urodyn 2000 ; 19 : 488-90. 22. Andersson KE. Clinical pharmacology of potassium channel openers. Pharmacol Toxicol 1992 ; 70 : 244-54. 23. Eckford SD, Swami KS, Jackson SR, Abrams PH. Desmopressin in the treatment of nocturia and enuresis in patients with multiple sclerosis. Br J Urol 1994 ; 74 : 733-5. 24. Fredrikson S. Nasal spray desmopressin treatment of bladder dysfunction in patients with multiple sclerosis. Acta Neurol Scand 1996 ; 94 : 31-4. une dépolarisation de la membrane synaptique, liée à une pénétration d’ion calcium, provoque la libération d’acétylcholine. Les récepteurs cholinergiques centraux et périphériques sont de deux types : récepteurs muscariniques et récepteurs nicotiniques. Les récepteurs muscariniques jouent un rôle fondamental dans la régulation du tonus vésical. Ils sont situés à l’extrémité des fibres postganglionnaires, dans les ganglions et dans certains organes. Cinq types ont été identifiés : M1, M2, M3, m4 et m5. Ils sont situés essentiellement sur des sites postsynaptiques. Des récepteurs situés sur des sites présynaptiques ont été également identifiés (récepteurs M2 en particulier). Chez l’homme, les récepteurs muscariniques retrouvés dans les muscles lisses sont de type M2 et M3. Les récepteurs nicotiniques sont divisés en deux sous-types : NM et NN. L’acétylcholine provoque une dépolarisation qui entraîne une contraction des muscles lisses. La stimulation des récepteurs muscariniques conduit à des mécanismes de transmission de signaux intracellulaires. Les récepteurs muscariniques sont couplés aux protéines G. Leur activation va stimuler différents seconds messagers. Le récepteur M3 est lié à une protéine G (forme Gp) qui stimule la phospholipase C et active l’IP3 et le DAG, conduisant à une augmentation du calcium intracellulaire et de la protéine kinase calcium/calmoduline dépendante. Au niveau des muscles lisses, on note une réponse fonctionnelle de type contractile. Le récepteur M2 est couplé aux protéines Gk et Gi. La forme Gk active l’ouverture des canaux potassiques et augmente la conductance potassique. La forme Gi est liée à l’inhibition de l’adénylcyclase avec une diminution de la formation de l’AMPc et de la protéine kinase A. Ces mécanismes provoquent une dépolarisation des muscles lisses. La stimulation du récepteur M2 peut être aussi à l’origine d’une réponse présynaptique. Les récepteurs nicotiniques ne sont pas liés à une protéine G, mais agissent par l’intermédiaire de canaux ioniques. Les récepteurs M3 interviennent d’une manière prépondérante au niveau du détrusor. Leur stimulation provoque une contraction du détrusor. La présence de récepteurs M2 est également décrite. Au niveau de la vessie, la stimulation des récepteurs nicotiniques reproduit les effets de type cholinergique. Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. III - avril/mai/juin 2003 LES DROGUES ANTIMUSCARINIQUES Les drogues ayant une action antimuscarinique restent donc actuellement le traitement de référence de l’instabilité vésicale. Il faut d’emblée souligner que si, dans le détrusor, on note une prépondérance de récepteurs muscariniques de type M3, cela n’est pas une exclusivité du bas appareil urinaire puisque ce sous-type de récepteurs se retrouve également mais en proportion moindre dans les glandes salivaires et dans l’intestin (5), expliquant bien ainsi la possibilité d’effets secondaires systémiques (sécheresse de la bouche, constipation). Oxybutinine L’oxybutinine est une amine tertiaire qui associe une action antimuscarinique directe et un effet myorelaxant. L’effet myorelaxant est faible, son activité étant environ 500 fois inférieure à l’activité antimuscarinique. L’oxybutinine a, semblet-il, une affinité supérieure pour les récepteurs muscariniques de type M1 et M3 par rapport aux récepteurs M2 (6). Cependant, la signification clinique de cette constatation effectuée in vitro reste peu claire. L’oxybutinine est absorbée per os mais avec un effet de premier passage marqué et une demivie de 2 heures environ (7). Le premier métabolite de dégradation de la molécule (N-déséthyloxybutinine) a des propriétés pharmacologiques identiques à celles de la molécule mère (8). La plupart des études contrôlées ont démontré l’efficacité de l’oxybutinine contre placebo tant sur les symptômes cliniques d’instabilité vésicale que sur l’amélioration des paramètres urodynamiques (9). Cependant, la plupart de ces études ont été réalisées avec des posologies de 15 mg/j et ont révélé un pourcentage non négligeable d’effets secondaires (bouche sèche, constipation), variant entre 9 et 56 % selon les études (9). Des doses moindres, comme habituellement utilisées en pratique, s’avèrent bien mieux supportées avec des effets secondaires de bien moindre fréquence et de moindre importance. Concernant le traitement des patients porteurs d’une hyperactivité vésicale neurologique, Thuroff et al. ont comparé l’efficacité de l’oxybutinine à 15 mg/j à celle de la probanthine (17, 19) et du placebo (11). Au total, 154 patients ont été inclus dans cette étude. Les taux de guérison et d’amélioration, jugés notamment par utilisation 21 M i s e 25. Drutz HP, Appell RA, Gleason D, Klinberg I, Radomsky S. Long term treatment with tolterodine in patients with overactive bladder. Neuro Urol Urodyn 1998 ; 17 : 317. 26. Gleason DM and the oxybutynin XL study group : Evaluation of efficacy, safety, and dose conversion of a once a day controlled release oxybutinin chloride formulation for urge urinary incontinence. NeuroUrol Urodyn. a u d’échelles analogiques visuelles ont été significativement supérieurs dans le groupe oxybutinine par rapport aux groupes traités soit par probanthine soit ayant reçu un placebo (58 % vs 45 et 43 %). Cette étude a également permis de constater une amélioration des principaux paramètres urodynamiques : volume à la première contraction désinhibée et capacité vésicale cystomanométrique. Plus récemment, Amarenco et al. ont rapporté une étude multicentrique ouverte dans laquelle les patients ont reçu entre 7,5 et 15 mg/j d’oxybutinine (10). Les auteurs ont constaté que le traitement permettait d’améliorer significativement les paramètres de qualité de vie mesurés par une échelle spécifique. Dans cette étude qui comportait une dose-titration, les effets secondaires sont apparus extrêmement limités avec seulement 3 % d’abandons du traitement pour effets secondaires et 8 % seulement d’effets indésirables significatifs essentiellement représentés par la sensation de bouche sèche. Plus récemment, Gleason et al. ont présenté les résultats de l’oxybutinine à libération prolongée (26). Cette étude a porté sur 256 patients porteurs d’instabilité vésicale. La posologie initiale était de 5 mg/j en une prise par jour. En fonction de la réponse clinique jugée tant sur l’efficacité que sur la tolérance, la posologie quotidienne pouvait être portée jusqu’à 30 mg par jour. Les auteurs ont trouvé une diminution de plus de 80% des épisodes de fuite et des épisodes d’impériosité/pollakiurie. Par ailleurs, seuls 8 % ont quitté l’étude, dont 1,2 % pour bouche sèche. Au total, l’oxybutinine est un traitement actif de l’instabilité vésicale. La posologie doit certainement être adaptée en fonction des patients afin de diminuer les effets secondaires du traitement. Une dose initiale quotidienne de 7,5 mg par jour doit être utilisée préférentiellement. Toltérodine La toltérodine est un antagoniste compétitif des récepteurs muscariniques sans spécificité en fonction du sous-type (12, 13). Les essais chez l’animal ont montré que la toltérodine avait une action supérieure sur la vessie par rapport aux glandes salivaires. Cependant, ces constatations n’ont pas été retrouvées de manière formelle chez l’homme (14). 22 p o i n t La toltérodine est rapidement absorbée per os et a une demi-vie de 2 à 3 heures. Son principal métabolite de dégradation a une activité identique. La plupart des études contrôlées randomisées contre placebo ont permis d’établir l’efficacité de la toltérodine dans le traitement de l’instabilité vésicale et de l’hyperréflexie vésicale (15). Abrams et al. ont comparé l’efficacité de la toltérodine et de l’oxybutinine (5 mg x 3) chez 293 patients porteurs d’une instabilité vésicale (16). Le pourcentage de guérison et d’amélioration a été identique avec les deux traitements, avec un meilleur profil de tolérance sur le groupe traité par toltérodine. Plus récemment, Drutz et al. ont évalué les résultats de la toltérodine après 9 à 12 mois de traitement (25). Au total, 62 % des patients ont terminé cette étude ouverte. Seuls 9 % des patients ont abandonné le traitement pour effets secondaires. Les auteurs n’ont pas constaté d’augmentation dans le temps des effets secondaires, en particulier de bouche sèche. Par ailleurs, l’amélioration clinique maximale a été obtenue à partir du troisième mois de traitement et s’est maintenue jusqu’à la fin de la période de traitement. Au total, la toltérodine est une drogue dont l’efficacité et le peu d’effets secondaires ont été clairement démontrés. Une de ses limites d’utilisation en France reste son non-remboursement. Trospium Le trospium est un ammonium quaternaire antagoniste non sélectif des récepteurs muscariniques. Des études in vitro ont mis en évidence les interactions métaboliques du chlorure de trospium sur les enzymes du cytochrome P450 impliquées dans le métabolisme des médicaments (P450, 1A2, 2A6, 2C9, 2C19, 2D6, 2E1, 3A4). Aucune influence sur l’activité métabolique de ces iso-enzymes n’a été détectée. Le chlorure de trospium étant faiblement métabolisé et la seule voie métabolique significative étant une hydrolyse de la fonction ester, aucune interaction métabolique n’est attendue. Les essais cliniques ainsi que les notifications spontanées n’ont fait apparaître aucune interaction significative sur le plan clinique. L’efficacité clinique de la molécule a été établie au cours de plusieurs études cliniques contrôlées contre placebo (15). Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. III - avril/mai/juin 2003 Maderbacher et al. ont réalisé récemment une étude randomisée en double aveugle, comparant le trospium à l’oxybutinine chez des patients blessés médullaires ayant une hyperréflexie vésicale (20). Les deux drogues ont eu une efficacité comparable, mais avec un taux d’effets secondaires moindre dans le groupe traité par trospium. Junemann (21), dans une étude controlée multicentrique contre placebo toltérodine versus trospium chez 234 patients, retrouve pour les deux produits une efficacité comparable et un taux d’effets secondaires similaire. Cette diminution des effets secondaires (sécheresse de la bouche, constipation…) s’accompagne d’une caractéristique importante de ce produit par rapport aux autres anticholinergiques, à savoir celle de ne pas passer ou très peu la barrière hémato-encéphalique (18). Cela permet d’envisager la diminution de troubles cognitifs induits chez la personne âgée et de ne pas majorer le syndrome extrapyramidal chez le patient parkinsonien atteint d’incontinence urinaire par hyperactivité vésicale, dont on connaît la fréquence dans cette population. Son inconvénient est celui de la toltérodine, à savoir son non-remboursement par les caisses de Sécurité sociale. LES ALTERNATIVES AUX ANTICHOLINERGIQUES Les anticholinergiques restent les médications de première intention et sont les seules disponibles avec une AMM spécifique, les autres drogues sont soit en voie d’évaluation, soit ne disposent d’aucune autorisation dans les troubles mictionnels de type hyperactivité vésicale. C’est ainsi que les anticalciques (15), les activateurs des canaux potassiques (22), les antidépresseurs tricycliques (imipramine), la desmopressine (23, 24) ou les dérivés des neuropeptides sont régulièrement testés dans les troubles vésico-sphinctériens. La rééducation périnéale, le bladder training, sont autant de techniques utilisables. LA PRESCRIPTION EN PRATIQUE Le traitement anticholinergique est le traitement de première intention des symptômes irritatifs, bien évidemment après la recherche d’un facteur précipitant, d’une épine irritative et d’une étio- Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. III - avril/mai/juin 2003 logie spécifique, quelle soit urologique (urétrocystoscopie), neurologique ou infectieuse (ECBU). La pollakiurie isolée, après avoir éliminé une hyperdiurèse (potomanie), peut justifier une reprogrammation vésicale (bladder training des Anglo-Saxons), et les urgences mictionnelles – , une rééducation périnéale, ce d’autant qu’il s’agit d’une incontinence mixte avec, associée aux fuites sur urgence, des fuites lors de l’effort. Ailleurs, en cas d’échec de ces mesures simples et le plus souvent, d’emblée, chez le neurologique, un essai de traitement anticholinergique se justifie. Les complications doivent néanmoins être respectées : glaucome, hypertrophie prostatique, dysurie et rétention incomplète, troubles du rythme ou coronarien récents, syndrome sec, constipation grave. Le choix de l’anticholinergique repose bien évidemment sur des habitudes de prescription, compte tenu de l’efficacité voisine des molécules disponibles. Rappelons néanmoins la constatation, au cours des études comparatives, d’un taux d’effets secondaires moindre pour la toltérodine et le trospium, mais uniquement si l’on se réfère à la posologie maximale de l’oxybutinine évaluée dans ces études, l’usage étant plutôt de débuter de manière progressive tout traitement anticholinergique pour trouver le meilleur rapport bénéfice-effets secondaires. La personne âgée et le parkinsonien ont un intérêt théorique, pour diminuer la fréquence des troubles cognitifs toujours possibles dans cette population, à bénéficier du trospium, qui ne passe pas la barrière hémato-encéphalique (18). En fait, la prescription a une vraie contrainte, qui est la contrainte financière et donc sociale, deux de ces molécules n’étant pas remboursées, ce qui pose parfois de redoutables problèmes médicaux et éthiques en cas d’échec, de résistance ou d’échappement à l’anticholinergique de référence, remboursé, qu’est l’oxybutinine. Lors de l’instauration, à dose progressive, du médicament, le patient devra être prévenu de la possibilité d’effets secondaires (sécheresse buccale, flou visuel, constipation…) et de la nécessité ou non de diminuer de lui-même la posologie. Figure en annexe un exemple de fiche d’information au patient. 23 M i s e a u La surveillance du traitement se fera au mieux sur un calendrier mictionnel, un score de symptômes et une échelle de qualité de vie, pour avoir des raisons objectives de poursuivre un traitement, le suspendre, le substituer par un autre ou de moduler sa posologie en fonction du ratio efficacité-effets secondaires. La résistance au traitement ou l’appa- p o i n t rition d’effets secondaires non tolérables par le patient invite à changer de molécule avec, parfois, des résultats spectaculaires. L’échec à tout parasympathicolytique conduit à proposer des techniques alternatives telles que la neuromodulation des racines sacrées et, chez le neurologique, l’injection intra-détrusorienne de toxine botulique. Fiche d’information : les anticholinergiques Madame, Monsieur, En raison de vos troubles urinaires, une médication visant à réduire le fonctionnement excessif de votre vessie vous a été prescrit. Ces troubles (envies pressantes d’uriner, fuites urinaires par besoin impérieux, exagération de la fréquence des mictions, levers nocturnes) peuvent en effet être secondaires à un hyperfonctionnement de la vessie caractérisé par des contractions anarchiques inapropriées. C’est le but des médicaments prescrits que de diminuer ces contractions et de régulariser cet hyperfonctionnement. Ces médicaments agissent directement sur le muscle vésical. Malheureusement, ils ne sont pas spécifiques de la vessie et peuvent donc avoir quelques effets secondaires provenant de leur action sur d’autres organes cibles. Ces effets ne sont pas graves mais peuvent être gênants. Sont ainsi recensés comme effets secondaires les plus fréquents : sécheresse de la bouche, constipation, flou visuel, trouble de l’accommodation oculaire. Si ces effets sont trop importants, une réduction de dose peut s’imposer et parfois même l’arrêt du traitement. Merci de consulter votre médecin si ces effets vous semblent trop gênants. En cas de sécheresse de la bouche, vous pouvez hydrater vos muqueuses par des pulvérisations d’eau régulières dans la journée (sprays d’eau minérale), par la consommation de chewing-gums. Votre médecin peut vous prescrire de la salive artificielle, voire une médication destinée à augmenter le flux salivaire. En cas de constipation, il faut suivre les conseils habituels (bonne hydratation, régime adapté comportant légumes, fruits, fibres alimentaires et supplémentation en son) avant de recourir à un traitement médical (suppositoire exonérateur, sachets ou comprimés, lavements). Les médicaments anticholinergiques sont contre-indiqués en cas de glaucome, de constipation grave, de troubles cardiovasculaires récents, de maladie musculaire. Ils sont utilisés de manière prudente en présence de troubles cognitifs (troubles de la mémoire, de la réflexion), tout particulièrement chez le sujet âgé. Ils sont aussi à manier prudemment chez le patient atteint de maladie de Parkinson en raison du risque de majoration des symptômes. Un autre effet secondaire du médicament est la possibilité de l’apparition d’une difficulté à vidanger la vessie. Cela procède de l’action directe du médicament sur la relaxation du muscle vésical. Parfois même, en cas de forte dose, la vidange vésicale devient incomplète, nécessitant l’arrêt du médicament. C’est pour ces raisons que les anticholinergiques sont contre-indiqués chez les patients atteints d’hypertrophie de la prostate. 24 Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. III - avril/mai/juin 2003