UNIVERSITE D'AUVERGNE CLERMONT-FERRAND I UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE D'ODONTOLOGIE Année 2008 Thèse n° THESE Pour le DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN CHIRURGIE-DENTAIRE Présentée et soutenue publiquement le 4 décembre 2008 par Caroline LEBOEUF ( Née le 28 Novembre 1984 ) __________________________ PIERCING LINGUAL: CONSEQUENCES ET PRISE EN CHARGE __________________________ JURY: Président : Dr Radhouane DALLEL, Professeur des Universités Assesseurs : Dr Hervé BESSE, Maître de Conférences des Universités Dr Pierre BOURDIOL, Maître de Conférences des Universités Dr Claire Chatillon, Assistant N° LEBOEUF (Caroline) - « PIERCING LINGUAL : CONSEQUENCES ET PRISE EN CHARGE » 7ill., 30 cm. - (Thèse: Chir. Dent. ; Clermont-ferrand I ; 2008) - N° _______________________________________________ Résumé : Les parodontites agressives sont des maladies mutifactorielles. Elles nécessitent un diagnostic précoce car les lésions évoluent rapidement. Celui-ci est basé sur des critères cliniques. Le diagnostic posé, la thérapeutique initiale (détartrage, antibiothérapie, chirurgie) permet d’endiguer l’évolution de la maladie. Ensuite, le traitement de soutien stabilise la situation, mais les pertes d’attaches restent supérieures à celles observées dans la population générale. . Pour les patients atteints de parodontite agressive généralisée (PAG) dont la prise en charge est trop tardive, les pertes de tissu de soutien dentaire sont déjà importantes. L’implantologie semble donc être une alternative intéressante, lorsque la prothèse conventionnelle ne permet plus de satisfaire nos patients. L’analyse de la littérature montre des taux de survie implantaire de 90 % à 10 ans chez ces patients. Notre approche thérapeutique, passe par l’avulsion de toutes les dents restantes (décontamination totale de la bouche) et la pose immédiate d’implants. Cette méthode permet de profiter du potentiel osseux restant et évite des chirurgies plus lourdes. La mise en place de la prothèse transvissée sur les implants se fait dans les jours qui suivent l’intervention. Cette méthode permet de rendre une qualité de vie orale satisfaisante à ces patients en peu de temps. RUBRIQUE DE CLASSEMENT : Etude dentaire MOTS CLES : piercing lingual, complications, législation. MOTS CLES ANGLAIS : tongue piercing, complications, JURY : Président : Dr Radhouane DALLEL, Professeur des Universités Assesseurs: Dr Hervé BESSE, Maître de Conférences des Universités Dr Pierre BOURDIOL, Maître de Conférences des Universités Dr Claire CHATILLON, Assistant ADRESSE DE L’AUTEUR : LEBOEUF Caroline Le Vieux Château 58000 SAINT ELOI SOMMAIRE : INTRODUCTION 3 I. LE PIERCING 4 A. TYPES B. MATERIAUX 4 5 II. COMPLICATIONS ET PRISE EN CHARGE 8 A. COMPLICATIONS IMMEDIATES A. 1 : DOULEUR A. 2 : HEMORRAGIE A. 3 : OEDEMES, OBSTRUCTION DES VOIES RESPIRATOIRES A. 4 :INFECTIONS OROFACIALES INFECTION GENERALE A. 5 : TROUBLES DE LA FONCTION A. 6 :ALLERGIES ET BRULURE CHIMIQUE 8 8 8 8 8 8 9 9 10 B. COMPLICATIONS RETARDEES B. 1 : ATTEINTES DENTAIRES B. 2 : ATTEINTE GINGIVALE ET MUQUEUSE : B. 3 : ELECTROGALVANISME B. 4 : RADIOLOGIQUE B. 5 : ANESTHESIE GENERALE B. 6 : SPORT 10 10 11 11 12 12 12 III. ASPECT LEGAL 13 A.CADRE JURIDIQUE 13 B.RESPONSABILITES 13 IV. CONCLUSION 14 BIBLIOGRAPHIE 15 TABLES DES ILLUSTRATIONS 18 2 Introduction Le piercing est une modification corporelle considérée comme esthétique nécessitant une effraction cutanée ou muqueuse, c’est le cas du piercing lingual, à l’aide d’aiguille ou de cathéter afin d’y mettre en place de façon durable un objet (généralement de nature métallique) appelé bijou, ( 20). Le piercing est d’origine tribal qui exprime tantôt la foi religieuse chez les Mayas tantôt l’appartenance à une certaine caste chez les Egyptiens ( 8, 18, 20, 26). Actuellement il s’agit plus d’un effet de mode (1, 3, 10, 13,18) mis au goût du jour par Jim Ward en 1975. Ce phénomène est repris en 1994 par Jean-Paul Gaulthier lors de son défilé. Devant la banalisation de cette pratique, nous allons dans un premier temps étudier le piercing puis les complications que cet acte peut entraîner ainsi que leur prise en charge, puis nous allons nous intéresser au cadre légal qui encadre cette pratique. 3 I. Le piercing A. Types Parmi les piercings linguaux, on peut trouver diverses localisations : dorso-ventrale (figure 1), dorso-latérale, les piercing peuvent être simple, double (figure 2 ), voir triple. Le piercing lingual peut également être un moyen d’obtenir une langue bifide : processus en cour sur la figure 3, ou encore obtenir un élargissement du site percé (figure 4). Le piercing peut être confectionné dans un matériau métallique ou bien synthétique et présenter différents formes dont les plus courantes sont : barbell (figures 5 et 6) et l’anneau (figure 7). figure 1 figure 2 figure 3 figure 5 figure 4 figure 6 4 figure 7 B. Matériaux Le nobium : pur ou anodisé, c’est-à-dire coloré, il est connu pour sa légèreté et sa résistance. Il est également reconnu pour être hypoallergénique. Il constitue dons un bijou de pose idéal, mais son coût est élevé,( 20). Le titane : solide léger, confortable. Il est insensible à la corrosion et dons à l’attaque acide la salive. Sa composition est de 90% de titane, 6% d’aluminium, et 4% de vanadium. Le titane est un matériau biocompatible, (20). L’or : contenant au moins 14 carats (soit 58,3% d’or pur), la plupart des perceurs utilise des bijoux contenants 18 carats (soit 75% d’or pur) (26). Il ne convient pas vraiment en tant que bijou de pose car il se ternit au contact de l’iode et à la stérilisation à la vapeur d’eau qui sont des traitements nécessaires pour un bijou de pose. L’or jaune est constitué pour 75% d’or et 25 % de cuivre et d’argent. L’or blanc est plus allergisant que l’or jaune en raison de sa teneur en nickel, celui-ci est cependant peu à peu remplacé par le palladium. L’or rose est à bannir des salons de piercing en raison de sa forte concentration en cuivre et en zinc. Le plaqué or ne convient pas non plus car les frictions qui s’applique sur le piercing lingual usent la fine couche d’or qui le recouvre, laissant l’alliage sous-jacent libre à la corrosion. Les piercings en or restent onéreux (20). Le platine : Il s’agit d’un matériau inerte. Cette propriété en fait un « excellent matériau » pour bijou de pose. Néanmoins, son poids élevé aggrave les altérations fonctionnelles dues au piercing de la langue et son coût élevé constituent des freins qui en limitent l’utilisation linguale (21). Les aciers inoxydables : L’acier inoxydable 316L : le nombre 316 correspond au grade et la lettre L indique un taux moindre de carbone par rapport à l’acier 316.L’acier 316 LVM (low vacuum melted) il est plus pur que le précédent car fondu sous vide.Ces deux aciers sont les seuls à répondre à la norme ISO 5832-1 qui s’appliquent aux implants chirurgicaux, on les appelle aussi « aciers chirurgicaux implantables ».Ils sont appropriés pour la confection de bijoux de pose et bijou définitif car ils peuvent subir les étapes de stérilisation et sont inertes. Fréquemment dans les boutiques de piercing on trouve des bijoux en « acier inoxydable chirurgical » qui lui ne répond à aucune norme. Il s’agit d’un terme générique regroupant des aciers de grade différent non utilisés dans le domaine médical, mais plutôt dans le domaine culinaire !!!( 3, 19, 20) 5 L’argent : Son utilisation en milieu humide (et donc en tant que piercing lingual) et a évité car en raison de sa sensibilité à la corrosion, il libère des sels d’argent colorant les tissus en s’y déposant (20). L’acrylique : Il est indiqué pour la confection des bijoux pour les tissus cicatrisés : ce matériau n’est pas stérilisable. Il est utilisé pour sa légèreté et ses applications esthétiques, mais son innocuité n’est pas prouvée (21). Le nylon et le téflon (PolyTétraFluoroEthylène) : Ils sont tous les deux stérilisables, légers et recommandés chez des personnes sensibles aux métaux ( 19, 20). Les matériaux organiques : bois, corne, nacre, etc.…. Ces matériaux sont particulièrement déconseillés au niveau d’un piercing lingual en raison de leur porosité, source de contamination, et de leur faible résistance dans le milieu salivaire ( 3, 19, 20). C. Protocoles d’insertion Dans l’immense majorité des cas, aucun interrogatoire médical n’est pratiqué !!!!!!!!! ( 8). La première étape consiste en un repérage du site à perforer à l’aide d’un stylo à alcool ou de violet de gentiane. Cette étape est capitale en raison de la richesse de la vascularisation et de l’innervation de la langue. La désinfection de la langue à l’aide de polyvidone iodée et le séchage avec une compresse stérile. Pour cette étape, le « perceur » utilise une première paire de gants qui est ensuite jetée. Le « perceur » (ou son aide) va maintenant déballer le matériel stérile des sachets et les déposer sur le champ stérile selon les techniques adéquates. « Le perceur » se relave les mains et enfile une paire de gants stériles. « Le perceur » maintient la langue à l’aide d’une pince à œillet et visualise l’endroit à perforer grâce à la marque (3, 8, 10, 14, 17, 20). Deux techniques sont alors possibles : Technique à l’aiguille creuse Avec l’aiguille à cathéter (une gaine en plastique enserre l’aiguille), il perce la langue de la face dorsale vers la ventrale (ou latérale) la gaine traverse les tissus à la suite de l’aiguille. Lorsque la perforation des tissus est complète, l’aiguille est retirée et la partie mâle du bijou est placée dans la gaine de façon à faire le chemin inverse de celui de l’aiguille. Une fois la partie mâle insérée dans le piercing, le perceur peut solidariser la partie femelle du bijou. Le piercing est terminé. 6 Technique à l’aiguille pleine La partie mâle du bijou est solidarisée à l’aiguille. Lorsque l’aiguille traverse les tissus le bijou suit cette dernière. Conseils donnés théoriquement en post-piercing - Dans les heures qui suivent le piercing, la langue en raison de sa riche vascularisation va se mettre à gonfler : l’œdème va s’accroître durant plusieurs jours, c’est d’ailleurs pour cela qu’un bijou dit de pose avec une barre plus longue (environ 18mm) et un matériau inerte est d’abord inséré dans le piercing. Pour diminuer cet effet, il est conseillé de sucer de la glace de ne pas mobiliser trop la langue : il faut donc prévoir certaines nuisances à la vie quotidienne… - La deuxième complication « normale » est la douleur : l’acte de piercing se réalise SANS anesthésie ou au mieux à l’aide d’un anesthésique de contact (13). En effet, l’anesthésique injectable ne peut être retirée que sur prescription médicale. On peut donc conseiller au client de prendre du paracétamol car délivré sans ordonnance mais la plupart des perceurs n’ont aucune notion en pharmacologie. L’aspirine est déconseillée car étant un antiagrégant plaquettaire, elle pourrait favoriser l’apparition d’une hémorragie. - La cicatrisation dure entre 4 à 6 semaines durant laquelle un canal dermo-hypodermique va se former. Pendant cette période, il est conseillé d’avoir une hygiène buccale irréprochable : brossage des dents systématique après chaque repas afin d’éviter toute stase alimentaire qui favoriserait une infection, celui- ci doit être suivi d’un bain de bouche antiseptique à la chlorhexidine. Le bijou et le site du piercing devront être nettoyés quotidiennement à l’aide de savon doux anti-microbien et d’une compresse (le coton est déconseillé car il laisse des filaments source d’infection au niveau du site). Le piercing ne peut être touché qu’avec des mains propres. Le client devra également éviter durant cette période d’avoir des conversations prolongées, les repas trop longs, les activités sportives, éviter les contacts buccaux quels qu’ils soient. Si le client doit quitter son bijou cela ne doit pas excéder une période de deux heures au-delà desquelles le site pourrait s’obturer (3, 4, 8, 10, 14, 18, 20, 25). 7 II. Complications et prise en charge A. Complications immédiates A. 1 : Douleur La douleur est la complication immédiate la plus courante car l’acte du piercing est réalisé sans anesthésie. « Les perceurs » n’ayant pas le droit de prescription peuvent au mieux utiliser un anesthésique de contact. De plus, la douleur fait partie de l’esprit du piercing, d’une certaine idée de maîtrise de son corps (4, 8, 9, 10, 13, 21, 26). A. 2 : Hémorragie Il s’agit d’une complication fréquente du piercing lingual et survient soit immédiatement soit dans les heures qui suivent. Le praticien de santé devra réaliser une compression du site d’une durée de 30 min (avec anesthésie selon la douleur) en première intention. On pourra également placer des éponges hémostatiques et utiliser de l’acide tranexanique en bain de bouche. Si le saignement persiste, il sera pratiqué une électrocautérisation (17, 23).Si l’interrogatoire révèle que le patient est hémophile, il sera conduit aux services des urgences le plus proche pour une prise en charge spécifique (1, 8, 9, 13, 14, 17, 18, 23). A. 3 : Oedèmes, obstruction des voies respiratoires Normalement, un œdème survient et perdure pendant plusieurs jours, cependant ce dernier laisse les voies respiratoires dégagées. Lorsqu’un hématome sous-muqueux se forme, l’œdème peut s’étendre et compromettre la respiration. Ceci constitue une urgence médicale : il faut retirer le bijou systématiquement, de façon chirurgicale car le plus souvent celui-ci est impacté dans les tissus inflammés (3, 8, 13, 14, 17). A. 4 :Infections Orofaciales La plupart du temps, l’infection est locale due soit à une mauvaise hygiène lors du piercing soit à des soins post-piercing manquant de rigueur. Il faut alors retirer le bijou, débrider les tissus, placer le patient sous antibiotique et bain de bouche à la chlorhexidine. Il est conseillé de ne pas remettre le bijou dans le site (1, 5, 10, 18, 19, 20). De nombreux cas de cellulite suite à un piercing lingual ont été répertoriés dans la littérature, notamment au niveau submental. Ceci se traduit par une tuméfaction, chaleur et douleur au niveau des tissus. 8 L’examen médical révèle une dysphagie et une hyperthermie. Le traitement consiste en un retrait du bijou, Augmentin 1g trois fois par jour (21, 25). Des cas d’angine de Ludwig ont été décrit : c’est une complication rare ; il s’agit d’une cellulite impliquant les loges sublinguales, submentale,submandibulaire bilatérale. Le plus souvent d’origine dentaire, elle peut être une complication d’une infection linguale notamment suite à un piercing. Le pronostic vital est engagé car les voies respiratoires peuvent se trouver obstruée. Le traitement consiste à maintenir les voies respiratoires dégagées, une antibiothérapie par voie systémique sera mise en place et l’on procèdera à un drainage chirurgical des abcès. Le patient réalisera des bains de bouche quotidiens après chaque repas et une surveillance médicale sera mise en place jusqu’à la résilience totale des symptômes (3, 14, 19, 21, 23). Générale Un cas d’endocardite infectieuse a été rapporté suite à un piercing de la langue. La bactérie incriminée est Nesseria Mucosa. Les signes cliniques sont : fatigue, myalgie, arthralgies, fièvre intermittente, lésions purpuriques. Les examens révèlent une augmentation des globules blancs et de la protéine réactive C. Le traitement consiste en une antibiothérapie adaptée à la bactérie mise en cause durant 28 jours au cours desquels une surveillance et des hémocultures seront réalisées (3, 13, 18, 27). L’institut national de la Santé d’Israël a reconnu le piercing buccal comme un vecteur possible de HIV, EBV, Herpès Simplex virus, Hépatites et le virus du tétanos ( 20), la microflore buccale facilitant l’infection locale (1, 3, 8, 9,14, 23). En conclusion, tant que l’infection reste localisée le traitement consiste en un retrait du bijou, un débridement, une antibiothérapie ( amoxicilline) la mise en place d’un bain de bouche à la chlorhexidine et une surveillance régulière. Ces risques sont accrus lors d’emploi de matériel non stérile au moment du piercing, du prêt du bijou. A. 5 : Troubles de la fonction Dans les premiers jours consécutifs au piercing certains troubles de la phonation peuvent se produire : « s » « ch » « z » « f » « t » et le « v ». Ces troubles sont généralement transitoires, le patient trouve une position linguale de compensation dans les jours qui suivent (8, 10, 13,14, 23, 26). La langue joue un grand rôle dans la digestion notamment dans la phase de mastication et de déglutition. Lors de la mastication, la langue rassemble le bol alimentaire pour l’amener vers les surfaces occlusales afin d’y être broyé. De même, la langue plaque le bol alimentaire au palais osseux ce qui participe à la perception gustative des aliments en les 9 appliquant contre les papilles situées sur la muqueuse dorsale linguale. Au cours de la déglutition, la langue joue un rôle actif lors du passage du bol de la cavité buccale au pharynx. La présence d’un piercing lingual vient perturber toutes ses fonctions, la plupart du temps le patient adopte une position linguale déviante pour s’adapter et assurer toutes ses fonctions ( 10, 17). A. 6 :Allergies et brûlure chimique Elle se manifeste dans les heures qui suivent le piercing. On observe une rougeur et une sensation de brûlure et parfois de prurit. Puis on observe un élargissement du site percé. Ces allergies sont dues la plupart du temps à un matériau inadapté constituant le bijou de pose en particulier les matériaux contenant du nickel, du cuivre ou du zinc. Dans ce cas, il faut retirer le bijou responsable et le remplacer par un bijou hypoallergénique comme nous l’avons précisé plus haut (13, 17). Des brûlures chimiques peuvent être causées par une utilisation abusive de bain de bouche. La flore buccale se trouve déséquilibrée et des mycoses peuvent apparaître. Un traitement antimycotique est alors préconisé. B. Complications retardées B. 1 : Atteintes dentaires De nombreux articles relatent la présence d’abrasions dentaires chez les porteurs de piercing lingual. Celles-ci peuvent être dues soit à un tic comportemental du patient qui en jouant avec le bijou, coince entre ces incisives et provoque la fracture des angles mésiaux des incisives centrales supérieures ou inférieures. Il faut cependant s’assurer qu’il ne s’agit pas des manifestations d’un bruxisme qui requiert une analyse occlusale et un traitement adapté. Tant que le patient portera son piercing et conservera ces tics toute reconstitution est inutile car elle ne sera pas pérenne. Il faut conseiller au patient de déposer définitivement son bijou et reconstituer les angles mésiaux à l’aide de composite la plupart du temps. Par ailleurs, les abrasions touchent également les secteurs postérieurs. Celles-ci sont dues aux frottements incessants de la boule dorsale du bijou contre les faces linguales et occlusales des prémolaires et molaires (1, 16). Le piercing lingual entraîne également des fêlures. Elles concernent toutes les dents sauf les canines. Elles précèdent la fracture, et peuvent être mises en évidence à la lampe à photopolymériser. Le syndrome des dents fêlées doit être systématiquement évoqué en cas de douleur inexpliquée associée au port d’un piercing 10 linguale. Les restaurations déjà en place sont alors à reprendre (3, 10, 17, 18, 20). Les fractures dentaires, essentiellement dues au port d’un bijou en métal, touchent aussi toutes les dents et concernent 47% des porteurs de piercing linguaux après 4 ans de port du bijou (6). Le choix du matériau de reconstitution se fait en fonction de l’étendu de la fracture, selon les critères préconnisés par l’odontologie conservatrice (1, 3, 6, 10, 19, 20). Cependant, les reconstitutions en céramo-céramique sont à éviter en raison de la faible résistance de la céramique à son support face aux chocs occasionnés par le bijou en métal (6). B. 2 : Atteinte gingivale et muqueuse : Le piercing lingual est un facteur significatif de risque de développement de récession au niveau lingual des incisives mandibulaires. Ces complications augmentent avec le temps de port (1, 2, 3,5, 10, 13, 14, 16, 18, 24 ). Des greffes gingivales peuvent être mises en place pour rétablir la santé gingivale à la condition expresse que le patient accepte de retirer définitivement le bijou (6, 24). Parfois, le piercing est responsable de migration et de récession osseuse (17). Il peut arriver que la boule supérieure du bijou se soit impactée dans la muqueuse linguale parfois assez rapidement (en deux mois) ; la muqueuse qui la recouvre est saine. A la palpation, on sent la partie supérieure du piercing. Il faut réaliser une anesthésie locale puis une incision centrale, on réalise le retrait du piercing et une suture. La guérison est observée au bout d’une semaine (3, 9,14, 18, 15, 23). B. 3 : Electrogalvanisme La présence du bijou en métal génère un courant électrogalvanique avec les restaurations dentaires contenant des éléments métalliques. Ces courants entraînent l’altérations des restaurations et du bijou métallique, une sensation de courant électrique et la libération d’ions métallique qui peuvent donné un goût « métallique » à la salive (3, 7, 9,10, 16, 18, 26 ). Le traitement consiste en une réfection des restaurations altérées et convaincre le patient d’adopter un bijou en silicone PTFE etc. Ces altérations ne s’observent qu’après un temps de port conséquent. 11 B. 4 : Radiologique Le bijou en métal crée des interférences avec les rayons X utilisés lors des clichés panoramiques, de profil, occlusal mandibulaire, mais surtout le scanner qui les rendent ininterprétables. Il est recommandé de retirer le bijou uniquement s’il est en métal (9). Le patient généralement s’oppose à son retrait de crainte que le piercing ne se rebouche. En principe si le retrait n’excède pas deux heures, il y a peu de risque que le site ne se comble. Cependant, pour éviter son obturation, il faut solidariser un fil de nylon (ou autre) à la partie mâle du bijou, qui en retirant cette dernière viendra placer le fil en lieu et place du bijou (3, 20). B. 5 : Anesthésie générale En cas d’intubation,le présence d’un piercing lingual pose deux problèmes : le risque d’un saignement, puis d’un œdème de la langue en cas de traumatisme par la lame du laryngoscope. Le bijou peut même se détacher et être inhalé par le patient. Certains anesthésistes conseillent donc fermement d’obtenir que le patient enlève son piercing avant intubation. Il s’agit d’une situation à régler au cas par cas, qui doit prendre en compte la taille du corps étranger et l’obstacle qu’il peut représenter lors de l’intubation (20, 26). B. 6 : Sport En ce qui concerne les sportifs, la période durant laquelle est réalisée l’acte de piercing doit être réfléchie. En effet, l’œdème lingual consécutif au piercing ainsi que la douleur empêche une alimentation équilibrée durant quelques jours ce qui peut nuire à une bonne préparation physique avant une compétition par exemple. De plus, les antalgiques pris dans les jours qui suivent doivent être adaptés aux éventuels contrôles anti-dopages. Lors des compétitions, le port du piercing accroît le risque d’inhalation du bijou, le risque de choc sur les dents, d’accrochage du bijou sur le filet etc. Le port d’une gouttière de protection est altéré par la présence du bijou qui obstrue le passage de l’air et altère la phonation. La plupart des sports ont des règlements prohibant le port du bijou durant la compétition (3). 12 III. Aspect legal A.Cadre juridique Suite à un rapport de l’Académie nationale de médecine intitulé « Piercing et tatouages : la fréquence des complications justifie une réglementation » paru le 11/12/2007, un décret a été a été promulgué le 19/02/2008 (numéro 2008-149). Ce décret insère au titre I du livre III de la première partie du Code de la santé publique un chapitre premier : « Tatouage par effraction cutanée et perçage ». Relativement au tatouage et au perçage corporels, désormais, les personnes mettant en œuvre ces techniques sont tenues : - De déclarer cette activité auprès du préfet du département ; - De suivre une formation aux conditions d’hygiène et de salubrité ; - D’utiliser un matériel pénétrant ou entrant dans la peau : soit à usage unique et stérile, soit stérilisé avant chaque utilisation ; - D’informer leurs clients des risques auxquels ils s’exposent et, après la réalisation de cette technique, des précautions à respecter. Cette information doit être affichée dans le local et remise par écrit aux clients ; - D’obtenir le consentement écrit de la personne titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur d’une personne mineure souhaitant bénéficier de ces techniques (la preuve de ce consentement doit être conservée durant trois ans) ; - De disposer de locaux comprenant une salle exclusivement réservée à la réalisation de ces techniques ; - D’éliminer les déchets produits selon les règles d’élimination des déchets d’activités de soins à risque infectieux. La violation d’une de ces obligations est punie d’une contravention de cinquième classe soit : 1500 euros d’amende. Ces obligations ne sont pas applicables aux professionnels de santé lorsqu’ils réalisent des actes de soins qui restent régis, pour ces activités, par les dispositions législatives et réglementaires les concernant. B.Responsabilités Cependant, de nombreux points restent obscurs : - Qu’en est-il d’un éventuel délai de réflexion d’au moins quinze jours avant de consentir à un acte mutilant ? - Les techniques de stérilisation utilisées ne sont pas précisées. 13 - Faut-il une assurance spécifique ? Le coût des conséquences médicales des tatouages et piercing devrait-il être prise en charge par l’Assurance Maladie ? - Faut-il une vaccination contre l’hépatite B préventive ? - Comment les contrôles vont-ils se mettre en place ? par qui ? et sous quelle autorité ? Ce décret a néanmoins le mérite d’encadrer cette activité, mais il doit être précisé. IV. Conclusion Le piercing lingual peut entraîner des conséquences immédiates comme la douleur, une hémorragie, des oedèmes qui peuvent se compliquer par une obstruction des voies respiratoires, des infections d’ordre locale et/ou générale, des troubles de la fonction et des allergies et des brûlures chimiques. Ces complications immédiates font intervenir un traitement symptomatique : antalgique, antibiotique, et antimycotique adaptés. Les complications retardées telles que les atteintes dentaires, gingivales et muqueuses requiert un traitement restaurateur parfois prothétique et/ou chirurgical. Les complications retardées telles que l’éléctrogalvanisme, les interactions radiologiques, anesthésiques, et sportives requierent quant à elles le retrait du piercing de façon momentanée ou le remplacement du bijou métallique par un bijou synthétique. Alors même que les perceurs n’ont pas de formation encadrée, pratique des actes invasifs sans anesthésie, sans pouvoir de prescription et ont bien souvent un exercice polyvalent et ambulant. Néanmoins la nouvelle loi les fait apparaître au registre du code de la santé publique et non plus seulement au registre du commerce ; en officialisant leur pratique, la loi officialise leur responsabilité en cas de litige. 14 BIBLIOGRAPHIE : 1- Bassiouny MA, Deem LP, Deem TE, Tongue piercing : a restorative perspective. Quintessence Int. 2001 ;32 (6) :477-81. 2- Berenger G,Forest A, Horning GM, Localized periodontitis as a long-term effect of oral piercing : a case report. Compend. Contin. Educ. Dent. 2006 ; 27 (1) :24-7 ;7. 3- Biber JT. Oral piercing : the hole story. Northwest Dent. 2003 ;82(1) :13-7, 34. 4- Brennan M, O’Connell B, O’Sullivan M. Multiple dental fractures following tongue barbell placement : a case report. Dent. Traumatol. 2006 ;22(1) :41-3 5- Brooks JK, Hooper KA, Reynolds MA. Formation of mucogingival defects associated with intraoral and perioral piercing : case reports. J Am Dent Assoc. 2003 ;134(7) : 837-43. 6- Campbell A, Moore A, Williams E. 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