Le théâtre Etymologie grecque : Théos= dieu +théaomai

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Le théâtre
Etymologie grecque : Théos= dieu +théaomai= contempler donc : contempler
un spectacle sacré
1. Pourquoi ?
Le théâtre puise son origine dans la Grèce antique, au Vème siècle
avant Jésus Christ, à Athènes. Il est né pendant les f^tes données en l’honneur de
Dionysos vers 550 avant J.C..
Les Dionysies étaient de véritables fêtes nationales et les représentations
théâtrales faisaient participer tout le peuple à cette célébration. La cité organisait
des festivités dans toute la ville et les spectacles étaient gratuits car les citoyens
les plus riches en assumaient les frais. Le théâtre était alors l’expression d’une
culture populaire. La ville entière était en liesse et des défilés étaient organisés
(Comos = défilés burlesques d’où l’étymologie du terme Comédie.)
Les pièces de théâtre données obéissaient à une organisation bien définie :
les représentations avaient lieu uniquement pendant les Dionysies et donnaient lieu
à des concours.
Chaque concours mettait en compétition trois dramaturges, sur un thème
donné et se rapportant à la même légende et un drame satirique. Les grands
auteurs tragiques et qui gagnèrent le plus souvent les Prix sont Eschyle (13 fois),
Sophocle (20 fois) et Euripide (5 fois). Chaque tragédie était écrite en vers,
chantée ou déclamée avec accompagnement musical. Sa structure était spécifique :
 Un prologue où était rappelé la légende (Anouilh en 1942 reprend ce
prologue dans son Antigone)
 Un parodos, entrée solennelle du chœur conduit par le choryphée
 Des épisodes, ou scènes, entrecoupés par les chants du chœur qui
tenaient lieu d’entractes. Il y avait cinq parties correspondant à peu
près à cinq actes.
 L’exodos qui correspond au dénouement et la sortie du chœur.
L’étymologie du terme de tragédie est encore discutée mais semble venir
de la connotation religieuse des fêtes pendant lesquelles elles étaient données :
tragos= cochon /odé= chant d’où l’étonnante étymologie : le chant du cochon ! Ce
cochon qui est pris au hasard dans un troupeau (fatalité), qui se trouve impuissant à
se défendre contre cette fatalité (Impuissance à lutter contre cette fatalité) va
mourir sur l’autel du sacrifice (la mort) et ainsi trouvons-nous dans cette origine
toutes les caractéristiques du héros tragique !
C’est de la tragédie grecque que va naître le théâtre. C’est donc une œuvre
lyrique en vers, représentant les infortunes de personnages empruntés aux mythes
ou à l’histoire antiques et qui inspire terreur et compassion ; elle est appelée à
réaliser la catharsis ou purgation des passions prônée par Aristote :
« La tragédie est l’imitation d’une action grave et complète, et qui a sa juste
grandeur. Cette imitation se fait par un discours, composé pour le plaisir, de telle
sorte que chacune des parties qui le composent subsiste et agisse séparément et
distinctement.
Elle ne se fait point par un récit, mais par une représentation vive qui,
excitant la pitié et la terreur, purge et tempère ces sortes de passion. C’est-à-dire
qu’en émouvant ces passions, elle leur ôte ce qu’elles ont d’excessif et de vicieux, et
les ramène à un état modéré et conforme à la raison. »
Ainsi le spectateur se « purge »-t-il de ces passions parfois si
encombrantes ! Ce qui fera dire à Voltaire bien plus tard que « La véritable
tragédie est l’école de la vertu. » un siècle après Racine dans la préface de sa
tragédie, Phèdre : « Les passions n’y sont présentées aux yeux que pour montrer
tout le désordre dont elles sont cause ; le vice y est peint partout avec des
couleurs qui en font connaître et hair la difformité. C’est là proprement le but que
tout homme qui travaille pour le public doit se proposer. »
Les acteurs étaient des hommes et portaient des masques décorés avec
soin ; le terme d’acteurs se disait en Grec : « upokruptès »= upo=dessous / krupto=
caché ( une crypte est caché sous l’église) d’où l’évolution du mot chez nous à notre
époque : hypocrite= celui qui cache son vrai caractère sous un masque !!
Mais la Comédie grecque va naître aussi pendant les Dionysies ; elle a pour
origine le terme grec « comos » qui désignait des défilés burlesques en l’honneur du
dieu de l’ivresse (Bacchus). Ces défilés faisaient rire et étaient l’apanage de la fête
et de la joie bruyante. D’où l’origine du mot comédie : ce qui fait rire et se finit
bien.
Sa structure est plus simple que la tragédie :
 L’agon, sorte de joute oratoire
 La parabase
 Les scènes entrecoupées de chants satiriques du chœur.
Car elle était aussi entrecoupée de passages chantés comme la tragédie. Ses
thèmes étaient beaucoup plus proches du peuple, empruntés à la vie sociale, à
l’actualité politique ou littéraire de l’époque. Elle a des intentions critiques
évidentes et fait la satire des mœurs de son époque. Tout comme le dira au
XVIIème siècle, Molière : « Castigat ridendo mores » : elle châtie les mœurs en
riant !
Un auteur à retenir : Aristophane.
Dans la mise en scène, quelques différences majeures laisseront leurs
marques dans le théâtre par rapport à la tragédie : Davantage de mouvement, un
dialogue plus vif et un langage plus proche du populaire. Nous retrouverons ces
caractéristiques dans le théâtre classique du XVIIème siècle.
2. Le Moyen-âge et le théâtre
Il est très abondant. Mais il faut en voir deux sortes :
 Le théâtre sacré : qui naît de la liturgie et apparaît sous la forme de
Miracles », pièces familières et réalistes ; de « Mystères » qui puisent
leurs sources dans les textes bibliques et retracent l’histoire sainte
de la création à la résurrection ; il faut y voir une forte tonalité
didactique. Il informe le peuple de la vie des Saints et des
comportements à tenir au nom de l’Eglise.
Il se joue sur les parvis des églises et cathédrales.

Le théâtre profane, lui, est d’inspiration franchement comique. Ce sont
les farces et les satires qui mettent en scène des Fous qui peuvent se
permettre toutes les fantaisies. A lire la Fête des Fous dans NotreDame de Paris de Victor Hugo. Beaucoup sont encore écrits en vers
mais la prose commence à prendre sa place.
Le théâtre de cette époque est surtout un théâtre de plein-air.
3. La renaissance et l’Humanisme seront marqués par le théâtre
étranger : Le XVIème siècle.
En France le genre perd de son importance après l’interdiction des
Mystères par le Parlement de Paris
Nous voyons l’émergence du théâtre élisabéthain et celui de la Commédia
del’Arte qui nous arrive d’Italie.
 Le théâtre élisabéthain : Marqué par le dramaturge, Shakespeare.
C’est un théâtre nouveau, qui allie dans une même pièce toutes les
tonalités. Ainsi trouverons-nous dans les pièces de Shakespeare un registre
fantastique, côtoyant le registre tragique et comique ! On ne peut alors plus
vraiment parler de tragédie ou de comédie puisque on peut rire et pleurer tour à
tour dans la même pièce ! C’est ainsi qu’est né le terme de pièce baroque, au même
titre que nous entrons dans l’ère de l’art baroque en Europe. Il deviendra le
mouvement principal de cesiècle. Pourquoi ce terme ?
Il vient du Portugais « Barocco » qui veut dire « perle imparfaite ». Ainsi la
pièce baroque se caractérise-t-elle par le mélange des registres et des genres ainsi
que par l’aspect éphémère de la vie…Tout semble appeler à disparaître…et à se
métamorphoser ; une conscience aigue de la mort hante les œuvres baroques.
Nous citerons les œuvres les plus connues de Shakespeare, telles que
Hamlet, Macbeth où le fantastique côtoie tour à tour le tragique et le comique,
mais aussi Roméo et Juliette, bien sûr. Ce théâtre influencera trois siècles plus
tard le drame romantique de Musset ou Hugo. Il apporte une autre vision du
personnage de théâtre ; il est plus proche du spectateur car il lui ressemble
davantage : un être humain pleure, rit, se met en colère et sa vie n’est pas
seulement heureuse ou tragique ! L’être humain a mille ressentis différent et n’est
pas seulement comique ou tragique ! Ainsi le personnage de la pièce baroque ou du
drame romantique plus tard est-il davantage un « miroir » pour le spectateur qui
s’identifiera plus facilement à lui.
 Et puis en ce siècle d’humanisme, mouvement essentiellement venu
d’Italie, naîtra la Commédia del’Arte.
C’est un théâtre d’improvisation, avec des personnages caractéristiques tels que
Scaramouche, Pierrot et Colombine, Arlequin…La troupe poursuivra ses tournées
jusqu’à la fin du XVIIème siècle puisque les « Italiens » partageront la salle de
théâtre donnée par le Roi Louis XIV avec Molière.
 En France, le XVIème siècle ne sera pas un grand siècle pour le
théâtre : Il y a survivance d’un théâtre comique issu des farces du Moyen-âge qui
annoncera peu à peu la comédie de Molière.
4. Le théâtre classique du XVIIème siècle
Ce sera l’âge d’or du théâtre français.
Le XVIIème siècle est le siècle du classicisme et se caractérise par ses
règles qui touchent tous les arts et en particulier celui du théâtre. En effet dès
1635 Richelieu fonde l’académie Française qui règlementera la littérature par des
règles strictes et valorisera la langue française. Elle traduit aussi la volonté de
« discipliner l’art littéraire »
Le théâtre sera dignement représenté dans une France en plein essor et
heureuse de montrer sa puissance.
La tragédie et la tragi-comédie connaîtront un grand succès auprès de la
Noblesse. Puis la comédie prendra sa place chez la bourgeoisie.
Ce siècle est marqué par trois grands dramaturges : Corneille, Racine et
Molière. Tous trois devront obéir aux grandes règles du théâtre classique écrites
par Boileau dans son Art poétique. Ainsi en verrons-nous les principales :
 La règle des trois unités illustrée par ces vers de Boileau :
« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli / Tienne jusqu’à la fin le théâtre
rempli. » : unité de lieu ; unité de temps et unité d’action pour mener à bien la
représentation d’une pièce.
 L’unité de lieu : Toute la pièce devait se dérouler dans le même
lieu. Cela évitait de changer les décors ; ce qui était difficile à
l’époque bien sûr mais surtout très dangereux vu l’éclairage par
bougies.
 L’unité de temps : « La représentation dure deux heures, et
ressemblerait parfaitement, si l’action qu’elle représente n’en
demandait pas davantage pour sa réalité » Corneille.
En effet comment faire croire qu’en deux heures de temps se
passent plusieurs jours, voire semaines ? C’est donc dans un
effort de « faire vrai » que cette règle voit le jour.
 L’unité d’action : « L’unité d’action consiste, dans la comédie, en
l’unité d’intrigue ou d’obstacle aux desseins des principaux
acteurs, et en l’unité de péril dans la tragédie, soit que son
héros y succombe, soit qu’il en sorte. » Corneille.
Une seule intrigue principale pour que le spectateur ne se perde
pas dans trop d’actions vu que le théâtre est un art visuel qui ne
permet pas de retour en arrière pour mieux comprendre.
Ces trois unités correspondent bien au goût de l’époque : Clarté et rigueur.
 La règle de bienséance : Il s’agit de ne pas MONTRER la violence, les
meurtres, la mort pour ne pas choquer les spectatrices…Mais on peut RACONTER à
un confident ou à une servante la mort d’un personnage.
 La règle de vraisemblance : « Faire vrai » car le « théâtre est art
d’imitation » mais ne peut donner tout le vrai…Donc seulement la vraisemblance :
c’est-à-dire qu’est exclu la tonalité fantastique sur scène…même si tout n’est pas
vrai on fait en sorte que cela y ressemble. On ne MONTRE pas ce qui est impossible
mais on peut le RACONTER : ainsi le confident et ami de Thésée raconte-t-il la
mort de son fils emporté par un monstre sorti des flots…On ne le voit pas…
 La règle de la séparation des genres :
« On tremble chez Corneille = la tragi-comédie
On pleure chez Racine = La tragédie
On rit chez Molière = la comédie. » Le dramaturge ne peut pas mêler comique et
tragique ! Ici, nous retrouvons cette séparation des genres dans l’Antiquité mais
disparu au 16ème siècle en Angleterre avec les pièces baroques de Shakespeare.
Toutes ces règles n’ont pas toujours été suivies par…Molière notamment :
Dans sa pièce Dom Juan, 1665, Molière ne suit en aucun cas aucune de ces trois
règles et sa pièce introduit le baroque dans la dramaturgie : mélange des genres,
éclatement des règles, et une course effrénée vers la mort malgré les « bons
mots » de Sganarelle.
Les caractéristiques de chaque genre au XVIIème siècle :
 La tragédie :

Elle est représentée par deux grands dramaturges : Pierre Corneille et
Jean Racine. Corneille (1606/ 1684) connut une longue carrière
marquée tout d’abord par des pièces d’inspiration baroque telle
l’illusion comique puis par une éclatante tragi-comédie : Le Cid et enfin
par des tragédies très classiques comme Cinna ou Polyeucte. Ses
thèmes de prédilection sont l’honneur et l’amour…Héros donc toujours
partagés.
Mais sous le règne de Louis XIV, le public lui préférera son rival : Jean
Racine (1639/ 1699) qui nous laisse de magnifiques pièces comme
Andromaque, Britannicus ou Phèdre. Il reste le peintre de la fatalité,
de la passion, écrites en vers d’une poésie limpide et pure qu’on ose
appelée « poésie racinienne » bien que ce soit des pièces de théâtre.

Obéissant aux règles du théâtre classique et à la définition de la
tragédie antique, la tragédie classique s’adresse à un public lettré,
donc noble, puisqu’elle est écrite en vers, en langage soutenu, et se
passe dans le milieu de la Noblesse. Les thèmes sont très souvent issus
de l’Antiquité : amour, passion, et tragique. Plus sobre que la comédie,
les acteurs ont une gestuelle pleine de noblesse et de pudeur, et les
longues tirades décrivent les passions et ressentis des personnages. La
fin de la tragédie est toujours malheureuse : mort physique ou mort
morale (comme dans Titus et Bérénice).
 La comédie :

Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, incarne à lui seul la diversité et la
vivacité de la comédie classique et baroque du XVIIème siècle.
« Castigat ridendo mores », elle châtie les mœurs en riant, et peu de
défauts lui échappent. En effet Molière n’épargne personne dans sa
« comédie humaine » : il dénonce tout en faisant rire dans ses
comédies de caractère telles l’Avare, le Misanthrope ou dans ses
comédies de mœurs comme dans l’Ecole des femmes. Il attaque
violemment l’hypocrisie de son temps comme dans son Tartuffe. Ce qui
lui vaudra bien des déboires avec la censure et les Jésuites… Il
s’inspire aussi des pièces baroques comme dans Don Juan

La comédie de par son étymologie grecque doit faire rire et donc sera
un divertissement tout en faisant réfléchir sur certains côtés de la
nature humaine. Elle va s’adresser au plus grand nombre et son langage
courant voire parfois même familier se fera comprendre de toutes les
classes sociales : mettant en scène des personnages de la bourgeoisie
et du peuple, elle parlera à ces deux classes sociales autant qu’à la
noblesse. La vivacité de son rythme entraînera une gestuelle vive et
colorée, et des dialogues qui alternent des répliques plus ou moins
longues mais bien peu de tirades, souvent présence de stichomythies
(joutes verbales rapides qui forcent le rire du spectateur), beaucoup
d’apostrophe, d’interjections voire même de jurons qui sont là et pour
faire vrai et pour faire rire ! Le dénouement sera toujours heureux
même si pour cela tout peut paraître frôler l’incohérence !
En fait la comédie confirme la phrase « instruire et plaire » : instruire
car le dramaturge propose une morale à son public ; plaire car il se doit
d’amuser le spectateur.
5. Le théâtre au siècle des Lumières.
Le théâtre au XVIIIème siècle reste le divertissement social par excellence.
Dès la moitié du XVIIIème siècle, il y a des tentatives pour trouver autre chose
que des formules classiques et Diderot va promouvoir le drame bourgeois et veut
rompre avec ce refus du mélange des genres.
Il emprunte à la comédie, le milieu où l’action se passe : il prend un milieu
social moyen : Le fils naturel par exemple dans lequel le caractère devient
accessoire alors que les conditions du milieu social deviennent premières.
Il commence par refuser le vers et veut un théâtre joué et non plus un
théâtre « parlé » comme dans la tragédie classique. Il introduit une
ponctuation forte importante, des points d’exclamation, des points
d’interrogation, de suspension pour montrer une passion, une émotion
contenue ; Diderot ne veut plus que les acteurs soient des statues dignes
et figées ; il veut que les passions s’expriment de façon physique !
Il considère cependant encore les trois unités comme nécessaires, sauf
l’unité de lieu pour laquelle il est plus réticent : il veut des changements
de décor et des modifications de technique de mise en scène.
MAIS ATTENTION : LE DRAME ROMANTIQUE N’ EST PAS ISSU DU
DRAME BOURGEOIS ICI DECRIT BIEN QU ON PUISSE LE PENSER !
Mais en pratique Diderot a échoué ; il était encore trop tôt.
C’est encore l’âge d’or de la comédie.
Il est surtout représenté par deux dramaturges :
 Beaumarchais : dramaturge de comédies satirique comme Le Barbier de
Séville (1755) et Le Mariage de Figaro (1784)

Marivaux : dramaturge de comédies d’analyse psychologique comme Le jeu
de l’amour et du hasard (1730) ou l’île des esclaves. Son théâtre est
caractérisé par le jeu des masques et les échanges de personnalité
Le théâtre commence à s’engager, à critiquer les travers sociaux et
politiques de la société : les classes sociales trop fermées, les injustices sociales…
C’est un théâtre qui est à l’image du siècle des Lumières, qui veut informer et
« changer la société ».
Les règles sont moins strictes qu’au XVIIIème siècle, les actes et les scènes
plus souples quant à leur nombre et on transgresse plus facilement les règles des
trois unités.
 Marivaux se libère des règles et écrit en prose et son théâtre occupe
une place particulière dans ce siècle. Il écrit ses pièces pour les
comédiens italiens et emprunte beaucoup à leur théâtre (climat de
féérie, masques et ballets, personnages traditionnels). Son originalité
tient aussi à son thème privilégié : la peinture de l’amour naissant chez
les jeunes héros qui ne veulent pas reconnaître leur passion et s’avouer
qu’ils sont amoureux. Marivaux montre une grande finesse
psychologique que révèlent les subtilités de son langage. Il s’intéresse
aussi à son temps lorsqu’il écrit sa pièce L’île des esclaves, qui dénonce
les injustices sociales et les clivages sociaux. De son théâtre est né un
terme le « marivaudage », terme apparu vers 1760, et qui désigne un
badinage artificiel, hors de toute vraisemblance…Mais Marivaux a
défini lui-même ce terme en donnant une définition de son écriture :
« J’ai tâché de saisir le langage des conversations et la tournure des
idées familières et variées qui y viennent », c'est-à-dire faire
ressortir ce naturel par la lourdeur et l’imitation à laquelle se livrent
les valets déguisés en maîtres. Ce langage « singulier » est
indissociable de son théâtre ; il permet le jeu raffiné et compliqué des
sentiments.

La comédie est renouvelée à la fin du siècle par l’œuvre de
Beaumarchais (1732 /1799). Elle redonne au rire tous ses droits et
tout son rythme souvent trépidant dans deux de ses pièces les plus
connues : Le Barbier de Séville (1775) et Le Mariage de Figaro (1784)
qui sera repris dans le livret de Mozart. « Me livrant à mon gai
caractère, j’ai tenté dans le Barbier de Séville de ramener au théâtre
l’ancienne et franche gaieté, en l’alliant avec le ton léger de notre
plaisanterie actuelle ». Dans le Mariage de Figaro il se plaît à
entrecroiser les fils de multiples intrigues. Mais Beaumarchais fait
aussi et surtout œuvre satirique en digne fils de son siècle. ; il
renouvelle profondément le type du valet de comédie et en fait un
valet habile et entreprenant. Il est l’homme du peuple qui se heurte à
une société fondée sur le seul mérite de la naissance. Déjà insolent
dans le Barbier : « Un grand nous fait assez de bien quand il ne nous
fait pas de mal », Figaro affronte victorieusement son maître dans le
Mariage de Figaro (acte V, scène 3). Instrument de critique sociale et
politique, sa pièce dénonce la censure, l’arbitraire, une société de
privilège et revendique la liberté de penser et d’écrire ! Sa pièce ne
sera autorisée que quatre ans après son écriture et apparaît bien
comme une victorieuse contestation du pouvoir.
Le théâtre de la fin du dix-huitième siècle, tout comme la littérature, se fait
le révélateur d’une société en train de changer et la Révolution française
marquera une profonde rupture.
6. Le théâtre du XIXème siècle
 Le drame romantique
La vogue du théâtre ne cesse de grandir ; les acteurs sont souvent adulés,
riches et célèbres (Talma, Rachel, Sarah Bernard…) et beaucoup d’écrivains, tels
Hugo ou Musset vont consacrer une grande partie de leur œuvre au théâtre.
Dans le dernier tiers du XVIIIème siècle, on découvre les dramaturges
étrangers. Shakespeare est traduit par Letourneur mais qui en efface ou atténue
les violences ; Shakespeare sera donc plutôt apprécié en France à travers les
Allemands qui sont en pleine période romantique représentée par Goethe et
Schiller.
Et pour l’anniversaire de Shakespeare on représente des œuvres comme
Egmont, de Goethe, Les brigands de Schiller, dans lesquelles il y a des changements
de lieu, de nombreux personnages sur scène. Les œuvres allemandes sont des
drames historiques, philosophiques et politiques ; on se bat pour la liberté, on fait
des tableaux avec présence importante de la foule.
Et les Français découvrent ce nouveau théâtre à partir de 1810 ! Il va donc y
avoir une sorte de sursaut parmi les dramaturges d’où va jaillir la révolte
romantique. Quelques œuvres de référence sur ce désir d’écrire un nouveau
théâtre : 1823, Stendhal écrit son Racine et Shakespeare, dans lequel il commence
à parler de « romanticisme ». /En 1827, paraît la préface de Cromwell de Hugo.
En 1830 c’est le triomphe de la « bataille » d’Hernani ! C’est un véritable
conflit de génération qu’a ouvert Victor d’Hugo en faisant représenter cette pièce.
C’est la naissance d’un nouveau théâtre et la critique de la tragédie classique !
Les principes de ce nouveau drame :

La liberté : les romantiques contestent la notion même de
règles. Hugo va jusqu’à faire un rapprochement entre le
triomphe de la liberté politique et de la liberté poétique (dans le

sens de « création ») et germe l’idée de règles intérieures au
poète lui-même.
La relativité du beau : le beau serait relatif aux époques. La
conception de la beauté au XVIIème siècle est différente de
celle du XIXème siècle ! mais aussi selon les peuples ; on prône
donc l’originalité des peuples.
Ces principes aboutissent au rejet des règles des unités sauf celle de
l’action. (CF la préface de Cromwell de V. Hugo). Les dramaturges
romantiques rejettent donc les unités de temps et de lieu. Et Hugo fonde sa
critique sur la vérité historique et sur les caractéristiques de l’Histoire. On
veut voir naître le drame historique et étudier toute une vie au théâtre !
Donc plus question de règles des trois unités ! Stendhal, lui, proposait d’être
plus raisonnable et de limiter l’action de temps à une année ; pour lui si on
dépasse cette limite, cela relève du roman et non du théâtre.

Refus de la séparation des genres : Victor Hugo dans sa préface
de Cromwell veut « mélanger le sublime et le grotesque » ce que
l’on trouvait déjà dans les pièces baroques de Shakespeare
comme Hamlet.
Le grotesque séduit davantage Hugo que le sublime car à son avis il montre
mieux les passions (comme dans Notre-Dame de Paris. Il y a glissement du
terme grotesque= laid= difforme comme Quasimodo)
Le laid peut être source de poésie et Hugo qui veut fuir le commun, contraste
dans le sujet comme dans la forme. Il y a un refus définitif de la forme
classique. On aboutit donc à une véritable restitution de la vie dans sa
réalité. Victor Hugo fondant son analyse sur la dualité de l’homme qui est
corps et âme, tour à tour grotesque et sublime, considère le mélange des
genres comme une obligation du drame.

Un drame en vers ? Stendhal voudrait un style plus simple donc
plus accessible.
Hugo reconnaît que le vers n’est pas naturel et qu’il risque de
provoquer une retenue des excès alors qu’il désire donner libre
cours à ses élans ; il dit bien que le vers est un artifice mais
pourtant il le défend avec acharnement. Pourquoi ? Parce qu’ils
sont plus facilement mémorisables. Mais il veut un vers « un vers
libre, franc et loyal », un déplacement de la césure, un
« assouplissement de la rime esclave-reine » et fuir la tirade
pour le dialogue. « J’ai disloqué ce grand niais d’alexandrin ».

La beauté ne doit pas être recherchée au dépends du sens : « Le
vers doit être beau comme par hasard » (Boileau !) et il ne faut
pas fuir les extrêmes.
Ainsi voyons-nous ici jaillir un personnage de théâtre très semblable,
très proche de nous spectateurs : un homme dans toute sa diversité, non plus
figé dans son désespoir ou dans sa fatalité ; un homme libre qui rit et pleure
à la fois comme nous ! Et la liberté gagnée dans l’écriture donne donc un
nouvel élan au théâtre de cette moitié du XIXème siècle…Né véritablement
en 1830, le drame romantique s’éteindra pourtant bien vite vers 1843.
Le théâtre de Musset, surtout dans le personnage de Lorenzaccio,
montre bien cette opposition et ce subtil mélange des tons. Ce drame
historique, aux très vivants tableaux, nous révèle un personnage pur mais
devenu le compagnon de débauche du tyran de Florence afin de pouvoir
l’assassiner, marqué irrémédiablement par le vice.
 Les autres formes de théâtre
Après la fin du drame romantique, aucun genre dramatique ne s’impose
vraiment.
 La comédie du boulevard ou comédie « gaie », souvent
bouffonne : elle tire son nom des théâtres des boulevard qui
attiraient les bourgeois. Ses thèmes sont presque toujours les
mêmes : l’amour avec l’éternel trio mari /femme /amant et
l’argent. Les personnages sont élégants et n’ont rien à faire de la
journée à part parler d’amour ! Les auteurs les plus
représentatifs sont Feydeau et Courteline dont la verve acerbe
critique en même temps les ridicules de l’époque.
 La comédie de mœurs ou comédie à thèse, illustrée par la Dame
aux camélias de Dumas fils qui offre une morale implicite à un
dérèglement de mœurs.
 Le théâtre néo-romantique incarné par Edmont Rostand et son
Cyrano de Bergerac
A ne pas oublier que la fin du siècle voit la naissance de la farce moderne
avec le théâtre impitoyable et burlesque de Alfred Jarry, Ubu Roi. Critiquer tout
en faisant éclater de rire par un comique grotesque de farce et un langage grossier
et fait souvent de néologisme coloré.
7. Le théâtre au XXème siècle
Les règles et la séparation des genres sont bien mortes au XXème siècle.
Mais deux sortes de théâtre vont continuer de coexister : un théâtre qui
« fait rire » et « un théâtre qui fait penser ». Mais restent les grands auteurs qui
savent à la fois divertir et faire réfléchir.
1. Le théâtre du début du XXème siècle :
 Le théâtre avant 14/18 est pour l’essentiel celui de la fin du XIXème
siècle où domine la comédie de boulevard dont les conventions sont
très stéréotypées et dont le comique correspond parfaitement au
public de la Belle-époque qui veut avant tout se divertir. Nous avons vu
la définition et les caractéristiques précédemment.
 Mais un théâtre à connotation religieuse qui marque un retour au sacré
avec les pièces de Paul Claudel, auteur catholique, comme sa pièce
L’annonce faite à Marie en 1912 ou le partage de Midi en 1905, côtoie
ce théâtre qui fait « rire ».
2. Le théâtre de l’entre- deux- guerres est lui bien plus riche :
Les gens viennent de vivre un cataclysme brutal et terrible qui poussent le
public à réfléchir et à se poser des questions.
 A noter que le théâtre de boulevard continue à survivre avec le génie
de
Sacha Guitry ainsi que la comédie satirique de Jules Romains (Knock, satire de la
médecine, 1923).
Le théâtre de Marcel Pagnol aussi connaît un grand succès comme Topaze,
1928. Un point commun entre tous ces dramaturges : l’aspect conventionnel et
académique de leurs œuvres.
 Mais après les affres de la grande-guerre, c’est la montée d’un
théâtre à dimension politique et l’apparition de la grande dramaturgie :
d’authentiques dramaturges durant cette période nous rappellent que le théâtre
n’est pas seulement un lieu de tradition perpétuelle mais aussi un lieu de création et
d’invention.


Jean Cocteau actualise les thèmes mythologiques grecs et
redonne à la tragédie un aspect moderne : Orphée, 1926 ou la
Machine infernale en 1934.
Jean Giraudoux, acteur et dramaturge, dont la préciosité et les
images entretiennent une atmosphère entre rêve et réalité,
s’inspire aussi des grands mythes grecs : la guerre de Troie


n’aura pas lieu en 1936, Ondine, 1939. La vocation théâtrale de
Giraudoux viendra de sa rencontre avec Louis Jouvet, célèbre
dans le rôle de Knock.
Une note à part pour la place qu’a tenu Antonin Artaud (18961948) qui essaie en pleine période surréaliste de ranimer le
théâtre. Il écrira toute une importante théorie, Le théâtre et
son double. « La vieille tradition mythique…où le théâtre est pris
comme une thérapeutique, un moyen de guérison » ; c’est ce qu’il
appelle le « théâtre de la cruauté ». Il rêve d’un théâtre
nouveau, spectacle total, qui veut rompre avec
« l’assujettissement au texte. »
A noter la montée des metteurs en scène qui de plus en plus
donnent leur marque au spectacle : Georges Pitoeff /Charles
Dullin /Louis Jouvet.
3. Le théâtre après la deuxième guerre mondiale.
Le théâtre après la seconde guerre est un théâtre novateur. Le rôle des
metteurs en scène va devenir fondamental. Notamment Jean Vilar qui crée le TNP
(Théâtre National Populaire), Jean-Louis Barrault et Chéreau. C’est leur vision d’une
pièce que l’on va voir plus que la pièce elle-même.
 Le théâtre « sérieux » et traditionnel se perpétue avec des
dramaturges comme Montherland (La reine morte, 1942), Anouilh,
(Antigone, 1942).
 Le théâtre des clercs, c’est à dire des philosophes brille durant les
années 1940 /1950 avec Camus (Le malentendu, 1944 / Caligula, 1945),
Jean-Paul Sartre (Les mouches, 1943 /Huis-clos, 1948 /Les mains
sales, 1951). Ils transforment la scène en un lieu d’affrontement
politique, et philosophique.
 Les créateurs du « Nouveau théâtre de l’absurde » apparaissent. Ils
s’expriment dans un langage spécifiquement théâtral : Ionesco
(Rhinocéros / Le roi se meurt, 1962), Samuel Beckett (En attendant
Godot, 1952) qui aborde sous forme parfois clownesque et tragique
des thèmes pascaliens) et Jean Genet (Les paravents, 1961, qui évoque
la guerre d’Algérie). Et bien entendu l’œuvre de Marguerite Duras si
riche et émouvante tout en étant déroutante (Hiroshima mon amour,
1959)
Le théâtre dit de l’absurde, de la dérision ou du verbe se caractérise moins
par ses thèmes que par le renouvellement de la conception théâtrale. Il
tourne le dos à la conception qu’on a du théâtre comme imitation d’une action
humaine et la représentation le plus vraisemblable possible de la « chose »
imitée.
On dit de ce nouveau théâtre qu’il est « anti-théâtre », un théâtre
essentiellement psychologique (F. Mauriac), historique (Montherland ou
Cocteau). On rencontre ce théâtre de l’absurde dès les années 1945 /1950 :
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Il présente u monde sans Dieu, où pèse la fatalité.
Il met en scène une existence humaine broyée par les
mécanismes de l’histoire et de la mort.
Ce sera très vite le théâtre de Sartre et Camus : un théâtre existentialiste,
donc réaliste dans lequel il dépend de chaque homme de donner un sens à sa
vie, une signification à sa vie par la conscience.
 Les caractéristiques du théâtre de 1950 :
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Un retour à une liberté de la fantaisie et une imagination qui
est totale ( A. Jarry, J. Cocteau)
Il tourne délibérément le dos à la psychologie
« Tout est langage au théâtre » Ionesco. Ce dramaturge ne
veut plus faire un théâtre didactique, ni idéologique : il veut
montrer le monde comme il le voit, avec toutes ses angoisses,
toute sa désespérance (Le roi se meurt, 1962)
Difficile expression d’une angoisse liée à la condition
humaine : soif de l’absolu, peur de la mort, mort de la pensée
et donc du langage, perte de la personnalité et l’homme n’est
plus que fonction qui ressemblent à des marionnettes,
monologue de l’homme dans sa solitude…
Un théâtre de l’angoisse devant le vide, le néant de l’existence où il ne reste
plus que la peur de la mort…Théâtre de la désespérance où les hommes
essaient de communiquer mais sans y parvenir.
 Après la révolution du théâtre de l’absurde, le théâtre ne
présente plus d’évolution nettement identifiable. Des metteurs
en scène offrent des relectures du répertoire classique tandis
que se développe la recherche de nouveaux espaces scéniques
(Ariane Mnouchkine et le théâtre du soleil).
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