Rachis, 1998, vol. JO, nO 3 pp 125-128 CAS CLINIQUE PSEUDARTHROSES DE L'ODONTOïDE A propos d'un cas traité par greffe directe du foyer de pseudarthrose et vissage PSEUDARTHROSIS On OF THE ODONTOID PROCESS a case treated by direct grafting of the pseudarthrosis and plate fixation H. PASCAL-MOUSSELLARD*, C. SCHAEDERLE*, D. RIBEYRE*, O. DELATTRE*, J.L. ROUVILLAIN*, Y. CATONNÉ* *Service d'orthopédie et traumatologie, Pr Catonné, CHU La Meynard, Fort de France, Martinique RESUME SUMMARY Les auteurs rapportent une observation d'un patient présentant une pseudarthrose de l'odontoïde post traumatique associée à une spondylarthrite ankylosante. Afin de préserver la mobilité en rotation chez ce patient au rachis cervical inférieur bloqué, une greffe directe du foyer de pseudarthrose est réalisée, stabilisée par un vissage de l'odontoïde associé à une plaque antérieure. La consolidation est obtenue en 3 mois avec préservation d'une mobilité en rotation identique à ce qu'elle était en pré-opératoire. Authors report a ease of odontoid pseudarthrosis in a patient with ankylosing spondylitis. An anterior grafting of the pseudarthrosis and a transodontoid screw associated to an anterior plate were realized in order to preserve rotations of the head. Cure of the pseudarthrosis with radiographie bone healing were obtained in three months. Mots clés: Odontoïde - Pseudarthrose. Keys words : Odontoid - Pseudarthrosis. Le traitement des pseudarthroses de l' odontoïde est le plus souvent confié aux techniques d'arhrodèse CI-C2 par voie postérieure. Celles ci ont pour conséquence une limitation de mobilité en rotation. Les auteurs rapportent une observation de traitement par greffe directe du foyer de pseudar- throse et synthèse par plaque et vis d'une pseudarthrose de l' odontoïde survenue chez un patient porteur d'une spondylarthrite ankylosante avec un rachis cervical inférieur bloqué. Le but de cette technique était de conserver la mobilité en rotation de la tête. 125 H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. SCHAEDERLE, D. ROB EYRE, O. DELATTRE, J.L. ROUVILLAIN, Y. CATONNÉ OBSERVATION Mr.A., âgé de 42 ans était vu en consultation au mois de décembre 1994 pour une pseudarthrose de l' odontoïde. Victime d'un accident de la voie publique 6 mois auparavant, il avait été traité orthopédiquement pour une fracture de type II de Anderson et D'Alonso. L'examen clinique ne retrouvait aucun trouble neurologique en dehors d'une lésion du plexus brachial gauche séquellaire d'un accident survenu en 1990. On notait cependant une raideur du rachis cervical en flexion extension et une limitation de la mobilité en rotation à environ 40° à droite et à gauche. Ce patient était par ailleurs traité par Gardénal pour une épilepsie connue depuis l'enfance, Les radiographies standard du rachis cervical affirmaient le diagnostic de pseudarthrose de l' odontoïde et mettaient en évidence une fusion du rachis cervical inférieur de C3 à C7. Le diagnostic de spondylathrite ankylosante était retenu. Des tomographies de face et de profil étaient réalisées, complètées par des tomographies de profil en flexionextension. Elles mettaient en évidence une hypermobilité du foyer de pseudarthrose supérieure à 5 mm, menaçante pour les stuctures neurologiques. L'indication chirurgicale était retenue, Une arthrodèse C1C2 par voie postérieure aurait pour conséquence un blocage complet des rotations du fait de l'absence de mobilité du rachis cervical inférieur. On optait alors pour une greffe directe du foyer de pseudarthrose associée à un vissage de l' odontoïde protégé par une plaque antérieure, L'intervention était réalisée par voie antéro latérale droite. Le patient présentait une paralysie du nerf XII droit post opératoire qui récupérait complètement en 2 mois. Il était immobilisé dans une minerve pour une durée de 3 mois durant la période post opératoire, Un contrôle radioclinique était réalisé tous les mois pendant 3 mois puis à 6 mois, 1 an et 18 mois, La fusion était obtenue au 3ème mois, malgré la survenue de crises d'épilepsie durant le premier mois post opératoire. L'examen réalisé à 18 mois retrouvait des secteurs de Figure 1: Pseudarthrose de l' odontoïde chez un patient présentant inférieur fusionné par une spondylarthrite ankylosante. un rachis cervical L'ankylose globale du rachis cervical inférieur consécutive à la spondylarthrite ankylosante ne laisse, dans notre observation, aucune possibilité de compensation. Nous avons donc opté pour une technique de greffe du foyer de pseudarthrose afin de tenter de conserver les rotations selon la technique évoquée par Pointillart (13). Roy-Camille (14) le premier, a proposé une technique utilisant un greffon alumette iliaque placé depuis le corps de C2 jusque dans l' odontoïde, à cheval sur le foyer de pseudarthrose. Cependant, cette technique ne présente qu'une faible stabilité primaire et ne peut donc être utilisée que pour des pseudarthroses sérrées ou en association à un laçage postérieur. Louis utilise une technique associant une greffe et une plaque antérieure personnelle mise en place par voie transbuccale. Certains auteurs ont rapporté leur expérience de l'utilisation du vissage direct de l' odontoïde dans les pseudarthroses mais sans les isoler des fractures fraiches (7,13). Nous avons utilisé un abord antéro latéral classique qui permet d'associer à la greffe un vissage, protègé par une plaque placée entre l'arc antérieur de Clet l' odontoïde. La mobilités identiques à ceux observés en pré-opératoire. Les radiographies et les tomographies étaient superposables aux examens du 3ème mois. DISCUSSION Les fractures de l' odontoïde traitées orthopédiquement peuvent donner de 0 à 64% de pseudarthroses (1) avec un taux moyen de 30% pour les fractures de type II (2,9), Le traitement habituel des pseudarthroses de l' odontoïde fait appel aux techniques d'arthrodèse C 1-C2 par voie postérieure (3,8.10,15) ou latérale (11,15). L'inconvénient majeur de ces techniques est de condamner définitivement le niveau cervical responsable de la majeure partie de la rotation (4,5,7,12). 126 PSEUDARTHROSES DE L'ODONTOÏDE greffe est réalisée selon la technique décrite par Roy Camille après avivement à la fraise du foyer de pseudarthrose en pénétrant à partir d'une tranchée réalisée dans la partie supérieure du corps de C2 jusque dans la dens qui doit être fraisée suffisamment haut Une fois l'avivement réalisé, la cavité est comblée par de l'os spongieux prélevé au niveau de la crête iliaque. Ces différent temps opératoires sont réalisés sous contrôle de deux amplificateurs de brillance placés de face et de profil. L'utilisation d'une vis spongieuse de diamètre 4mm prenant le sommet de l' odontoïde permet de mettre le foyer de pseudarthrose greffé en compression (13). Elle donne une stabilité primaire de qualité, comme cela a été montré pour les vissages des fractures de l'odontoïde (13). Cependant, les études biomécaniques de Doherty et col. (6) ont montré que la résistance aux sollicitations en flexion-extension des odontoïdes vissées après fractures de type II n'est que de 50% par rapport aux specimens intacts. Des résultats identiques ont étés obtenus par Sasso et col. (16) qui ont par ailleurs montré qu'une fixation par deux vis n'obtenait pas une meilleure stabilité que le simple vissage. Nous pensons que l'adjonction d'une plaque au vissage Figures 3 et 4: Radiographie antérieure, de face et de profil post opératoire: Greffe, vissage et plaque 4'" permet de limiter les sollicitations mécaniques sur l' odontoïde dans le plan sagittal. En extension, l'arc antérieur de CI vient buter sur la plaque, limitant le recul de la dens. e' est pourquoi, les vis qui fixent la plaque dans le corps de C2 sont fortement sollicitées en arrachement Leur mise en place idéale nécessite donc qu'elles prennent les deux corticales. En flexion, c'est le mouvement de projection vers Figure 2: Tomographie en extension: Hypermobilité du foyer de pseudarthrose, 127 H. PASCAL-MOUSSELLARD. C. SCHAEDERLE, D. ROBEYRE, O. DELATTRE, J.L. ROUVILLAIN, Y. CATONNÉ RÉFÉRENCES l'avant transmis à l'odontoïde,par le ligament transverse qui est limité par la plaque, Enfin, la présence de la plaque limite les risques de fusion CI-C2 dus à la présence du greffon et à l'avivement possible de la partie inférieure de l'arc antérieur de CI lors du fraisage de l' odontoïde. Les risques de lésion du XII sont essentiellement liés à l'étirement du nerf par l'écarteur placé en avant de l'arc antérieur de CI. Cela peut être évité par la ligature de l'artère occipitale qui permet au nerf de remonter sous le muscle digastrique. 1- AEBI M., ETTER CH., COSICA M.: Fractures of the odontoid process - Treatment with anterior screw fixation. Spine, 1989,14 (10): 1065-1070. 2- ANDERSON L.D., D'ALONZO R.T.: Fractures of the odontoid process of the axis. 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