Haro sur le beau deux - John Libbey Eurotext

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I nfos-PRO
Haro sur le beau
deux !*
doi: 10.1684/hpg.2012.0758
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Philippe Godeberge
dical,
Cabinet me
10 rue jean Richepin,
75116 Paris
es gouvernements changent mais les poncifs ont
la vie dure. La sant
e n’a pas et
e un enjeu majeur
de la campagne pour l’election pr
esidentielle. Pire, la
r
emuneration des m
edecins n’a et
e abord
ee que par le
biais de la diabolisation du secteur 2 et des d
epassements
d’honoraires (DH). Si on ecoute les d
eclarations des
politiques et des journalistes, c’est assur
ement lui la cause
de tout le mal : la d
esertification m
edicale, le refus de soins,
le renoncement ou l’in
egalit
e d’acc
es aux soins, etc. Tout le
monde a son opinion sans m^
eme se poser la bonne
question : pourquoi le secteur 2 est-il attractif ? Pourquoi
a-t-il fallu le fermer en 1989 dans la crainte de voir la
totalite des medecins passer sous son r
egime, malgr
e des
charges sociales plus elev
ees ? D’ailleurs, les caisses
d’assurance-maladie auraient eu int
er^
et a une ouverture
large puisque leur participation au financement de la
retraite des medecins aurait et
e math
ematiquement
r
eduite (rappelons que les praticiens en secteur 2 paient
la totalite de leur cotisation retraite contrairement a ceux
du secteur I, soit un montant des charges sup
erieur de 25 a
30 %).
Oui, pourquoi les m
edecins veulent-ils s’installer en secteur
epassement moyen pour une
2 ? Par app^at du gain ? Le d
coloscopie est de 40 s. Le lucre n’est donc pas la bonne
r
eponse. Selon le rapport de la Cour des comptes, le
nombre d’actes factur
es avec DH augmente au m^
eme
rythme que le nombre des actes (2 % par an) donc la part
des actes avec DH reste stable. Le montant total des DH
represente 14 % du montant total des honoraires soit 20 a
30 s par assure et par an ! M^
eme si h
elas, 2 a 5 % des
^pital public)
m
edecins (principalement des chirurgiens en ho
peuvent demander des honoraires faramineux. Quel
^t de plus de 800 % du
operateur peut justifier un surcou
tarif pour une prostatectomie ? Seulement 1 % des
chirurgiens liberaux facturent plus de 80 % de leurs actes
au-dessus de 3 fois le tarif opposable contre 17 % pour les
L
« A ces mots on cria haro sur le baudet (....) Ce pele ce galeux dont
venait tout leur mal (....) Selon que vous serez puissant ou miserable,
les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »
Jean de Lafontaine, Les animaux malades de la peste.
*
chirurgiens hospitaliers. Devant de tels chiffres, la
F
ed
eration Hospitali
ere de France qui milite haut et fort
pour la limitation des DH, tout en se plaignant d’une
difficult
e de recrutement en anesth
esie et chirurgie, devrait
r
efl
echir avant de parler et de vouloir imposer aux autres ce
qu’elle est incapable de r
eguler chez elle !
Il n’existe pas actuellement d’
evaluation comparative des
m
edecins et des chirurgiens. Ce serait pourtant un bon
moyen que de justifier des honoraires par une meilleure
performance technique et m
edicale ; personne n’a
os
e aller aussi loin dans cette proposition iconoclaste.
D’autant que les crit
eres sont difficiles a d
eterminer ;
certains m
edecins sont tr
es savants et excellents orateurs,
tout en etant des op
erateurs techniquement moyens.
D’autres, travailleurs de fond, restent discrets mais sont
d’une qualit
e technique irr
eprochable. Faut-il evaluer la
r
emun
eration au m
erite oratoire ou au m
erite technique,
et alors sur quel crit
ere ? La survie du patient ou les
complications post-th
erapeutiques ? Ce qui permettrait
de diff
erencier la r
emun
eration de tel m
edecin par rapport
a tel autre d
epend de crit
eres qui n’ont pas et
e encore
etablis au plan scientifique.
Si les m
edecins veulent s’installer en secteur 2, c’est parce
que les tarifs opposables sont bloqu
es depuis les ann
ees
1980 ; la farce de la hi
erarchisation des actes malgr
e une
participation honn^
ete des experts m
edicaux a induit des
distorsions qui ne sont toujours pas corrig
ees. Si les
m
edecins veulent s’installer en secteur 2, c’est aussi pour
pouvoir adapter les honoraires a la r
ealit
e de leurs charges.
Entre une installation en centre-ville et une installation en
^ts de l’infrastructure vont
milieu rural ou p
eriurbain, les cou
du simple au double. Une fois les charges pay
ees, pourquoi
le tarif horaire d’un m
edecin varierait-il de 30 % ?
Question iconoclaste a laquelle le d
eveloppement des
maisons m
edicales n’apporte pas la bonne r
eponse. Les
maisons m
edicales lanc
ees a grand frais sont en train de
mourir sous des charges qu’elles ne peuvent supporter. Le
raisonnement qui consistent a dire qu’en mutualisant les
edecins, on divise les charges par 2, de
d
epenses de deux m
3 m
edecins on divise par 3, etc., est faux. Quand on associe
plus de 3 ou 4 professionnels, les frais de la structure ne
sont plus proportionnels mais exponentiels. Un immeuble
^t de fonctionnement plus de 15 etages a un cou
eleve que 3
immeubles de 5 etages. Entre 1990 et 2004, le tarif secteur
1 de la coloscopie est pass
e de 146 a 154 s (+ 5 %) ; dans
la m^
eme p
eriode, l’indice INSEE des prix a augment
e de
29,7 % ! En secteur 2, les cardiologues effectuent une part
significative de leur consultation en tarif opposable (50 %)
par rapport aux h
epato-gastroent
erologues secteur 2 (15
%); mais la consultation de cardiologie (CSC ; 45,73 s) est
nettement mieux valoris
ee que la CS en HGE (23 s) ;
Pour citer cet article : Godeberge P. Haro sur le beau deux !. Hepato Gastro 2012 ; 19 : 569-570. doi : 10.1684/hpg.2012.0758
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 19 n8 7, septembre 2012
569
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quand un acte est mieux r
emun
er
e, les m
edecins n’ont pas
besoin d’augmenter les honoraires !
Certes, plusieurs reproches sont adress
es au secteur 2. Il y a
des disparites regionales comme dans le reste a charge,
variable selon les patients et leur compl
ementaire. Il faut
noter que les assurances compl
ementaires qui militent
contre les DH ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 39
% ces dernieres ann
ees et le montant des remboursements
augmenter de 31 %, soit un solde positif en 2005 a 4,5
milliards d’euros. Quand tous les sp
ecialistes d’une r
egion
sont en secteur 2, les patients n’auraient plus le choix !
^pital ? Le montant des honoraires
Mais que fait l’ho
^lable ; effectivement, cette libert
demandes est incontro
e
g^ene les pouvoirs publics qui ont depuis toujours une vision
etatique de la m
edecine et des m
edecins, et qui sont
allergiques au concept de m
edecine lib
erale, qui r^
event
^le total sur une chaı̂ne de soins ^ts.
d’un contro
a bas cou
Mais la police des honoraires ne rel
eve ni des caisses ni de la
faculte mais du Conseil de l’ordre, le Code de d
eontologie
recommandant d’exercer le tact et la mesure. Alors de quoi
se m^ele le Conseil National de l’Ordre des M
edecins
(CNOM) en prenant position sur la gestion du secteur 2 et
non sur sa police ? En effet, tout r
ecemment, il a fait par la
voix de son president une d
eclaration, dans la laquelle il a
propose que les m
edecins en secteur 2 assurent 30 % de
vient ce 30 % ?
leurs actes au tarif opposable. D’ou
Comment est-il justifi
e, evalu
e, quantifi
e ? Rien, on nage
en pleine « pifom
etrie ». Et puis le CNOM est-il bien plac
e
pour donner des leçons de gestion des honoraires ? Depuis
des annees, les tarifs exorbitants de certains m
edecins
n’ont jamais donn
e lieu a des bl^
ames ou a des interdits
d’exercice. Finalement, en mettant les tarifs des m
edecins
sur www.ameli.fr, la CNAM fait plus pour la transparence
que le CNOM. Au total, la condamnation des DH est
fondee sur des chiffres pr
esent
es de façon partisane ; les
donnees tronquees sont des moyennes qui masquent la
realite des faits, en pr
esentant comme un fait gen
eral ce
qui est surtout la cons
equence de quelques pratiques
deviantes.
Pour apporter une r
eponse aux contraintes budg
etaires, les
pouvoirs publics et les caisses ont tent
e de d
evelopper deux
solutions : le secteur optionnel et le paiement a la
performance. Le secteur optionnel n’a jamais abouti et
est reste lettre morte. Dans ce mod
ele, pour sortir de la
570
fameuse « enveloppe constante », l’apport financier
devait ^
etre effectu
e par les assurances compl
ementaires.
Elles ont profit
e de la taxe suppl
ementaire qui leur a ete
appliqu
ee par le pr
ec
edent gouvernement pour refuser de
participer au dispositif qui est d
esormais au point mort. Ce
qui est coh
erent avec leurs positions ant
erieures qui etait
^t de construire des centres ou des r
pluto
eseaux a des tarifs
impos
es aux praticiens, bien evidemment en baisse par
rapport au march
e des soins. Dans le paiement a la
performance, l’id
ee est que l’optimisation des soins
permette de g
en
erer des economies de d
epenses de sant
e
dont les acteurs pourraient tirer un profit p
ecuniaire gr^
ace
a une r
etrocession partielle des economies r
ealis
ees. Le
CNOM a emis un avis d
efavorable sur ce dispositif le
jugeant non d
eontologique. De surcroı̂t, les crit
eres de
performance sont d
efinis par les seules caisses qui sont
aussi les evaluateurs. Les chiffres utilis
es sont inverifiables
par le praticien a moins d’un suivi statistique tr
es
contraignant et de toute façon non opposable, les caisses
etant juges et parties ! Enfin, le raisonnement que le
paiement a la performance ( pay for performance ou P4P)
permet d’am
eliorer la qualit
e des soins est discutable ; une
r
ecente publication dans le NEJM [1] n’a pas mis en
evidence de diff
erence dans la mortalit
e pour maladie
^pitaux ayant accept
coronarienne entre les ho
e la P4P et les
^pitaux qui ne l’appliquent pas. Il est possible que le
ho
crit
ere principal utilis
e (la mortalit
e) ne soit pas un crit
ere
suffisamment sensible ; mais que dire alors des 19 crit
eres
retenus par la CNAM pour la P4P qui sont majoritairement
des crit
eres organisationnels et non m
edicaux. Il reste a
prouver qu’avoir un dossier informatique fait faire des
economies au syst
eme de sant
e (en dehors des interactions
m
edicamenteuses et des g
en
eriques). Lors des prochaines
elections au CNOM, demandez bien aux candidats de se
positionner sur ce sujet que vous soyez en secteur 2 (40 %
des HGE et plus de 80 % des chirurgiens digestifs) ou que
vous r^
eviez d’y ^
etre (100 % ???).
re
^ts : m
Conflits d’inte
edecin install
e en secteur 2.
&
Référence
1. Jha AK, Joynt KE, Orav EJ, et al. The Long-Term Effect of Premier Pay for
Performance on Patient Outcomes. N Engl J Med 2012 ; 366 :1606-15.
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 19 n8 7, septembre 2012
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