Tirés à part n°146 - Les dames de Meuse (légende d`Ardenne)

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Histoire
Nos légendes d’Ardenne
Dessin O. Gobé
Les Dames de Meuse
Au IXe siècle, l’impétueux
élan des croisades, mené au
cri de « Dieu le veut ! », fut
servi par de preux chevaliers. Ceux-ci abandonnèrent leurs terres, leurs
châteaux, leurs épouses,
afin de répondre à l’injonction papale. Sans nouvelles
d’eux durant des mois,
voire des années, en des
temps difficiles où
l’espérance de vie est courte,
leurs dulcinées cherchèrent
parfois consolation auprès de
chevaliers servants, certes
moins preux, mais fort
proches ! De solides et belles
légendes vinrent au secours
de la morale bafouée tout en
perpétuant le souvenir des
croisades.
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N° 146 - janv. 2011
Le contexte historique
Illustre descendant de Charlemagne du côté
de son père comme de celui de sa mère, fils
cadet d’Eustache II de Boulogne et d’Ide de
Bouillon, Godefroi IV de Boulogne dit Godefroi
de Bouillon est né à Baisy (ou Baizy), près de
Nivelles et Genappe, vers 1060-1061. En 1076,
à la mort de son oncle Godefroi le Bossu,
Godefroi de Bouillon hérite du marquisat
d’Anvers (1076). L’empereur Henri IV de
Germanie, son suzerain, est excommunié. En
1083, Godefroi de Bouillon participe au siège de
Rome, sous les ordres de Henri IV de Germanie.
En 1087-1093, Godefroi de Bouillon est reconnu officiellement duc de Basse-Lotharingie ou
Basse-Lorraine et de Lothier.
Le 27 novembre 1095, au Concile de
Clermont en Auvergne, Urbain II, né dans le diocèse de Reims, à Châtillon, élu pape en 1088,
prêche la croisade, en écartant les rois de la
conduite des opérations. Raymond de SaintGilles, impétueux et intransigeant, est désigné
par Urbain II comme le seul chef de la croisade.
En 1096, les communautés juives
d’Occident sont massacrées. Godefroi de
Bouillon vend ses biens dont Bouillon à l’évêque
de Liège, Otbert (évêque entre 1091 et 1119), et
prend la croix. Pour rassembler une armée
digne de son rang, Godefroi de Bouillon a dû,
en effet, engager sa seigneurie patrimoniale
auprès de l’évêque de Liège, contre 1.300
marcs d’argent (500 kg) environ. Et 3 marcs
d’or. Il conduit – avec ses frères Eustache et
Baudouin de Boulogne – la première croisade
vers la Terre sainte et Jérusalem.
Le 15 août, les armées de Lorraine et du
Nord, en tout dix mille chevaux et soixante-dix
mille hommes d’infanterie – partent de Bouillon.
Godefroi de Bouillon est accompagné, notamment, de Guy de Château-Porcien, Hescelin II
de Grandpré, Jean III de Chiny, Robert prieur de
Senuc, Baudouin de Bourcq, Briard châtelain
d’Omont (Cf. Revue historique des
Ardennes)…
Le 23 décembre, les croisés sont devant
Constantinople. Godefroi prête hommage à
l’empereur byzantin Alexis. Le 13 mai 1099,
Godefroi marche sur Jérusalem. Le 7 juin,
débute le siège de Jérusalem. Le 15 juillet, la
ville tombe. Le 22 juillet, Godefroi est élu
Gardien (ou « avoué ») du Saint-Sépulcre.
Godefroi aurait refusé le titre de roi en invoquant
que ce titre ne revenait qu’à Jésus de Nazareth.
Le 29 juillet, le pape Urbain II décède après un
pontificat de onze ans, sans avoir appris la prise
de Jérusalem par les croisés. En août 1099,
Godefroi bat les égyptiens à Ascalon.
En 1100, Godefroi fait reconstruire Jaffa et
organise les états latins sous forme théocratique, mais le 18 juillet, il décède. Le 23 juillet,
son corps est inhumé dans la basilique du
Saint-Sépulcre. Les princes croisés décident de
confier le royaume de Jérusalem à Baudouin, le
frère de Godefroi. Celui-ci est couronné à
Bethléem en décembre.
La légende
En l’an mil quatre-vingts, le seigneur de
Hierges avait trois fils : Héribrand, Geoffroy et
Vauthier, qui épousent les trois filles du comte
de Rethel, Hugues Ier : Hodierne, Berthe et Ige.
Or, peu après leurs noces, ils s’engagèrent dans
la croisade menée par Godefroi de Bouillon vers
la Palestine. Pendant qu’ils guerroyaient en
Terre-Sainte pour délivrer le tombeau du Christ,
Hodierne, Berthe et Ige, trahissant la foi jurée,
accueillent dans leurs châteaux, reçurent dans
le lit conjugal, « trois chevaliers aussi beaux
diseurs que couards et félons au point de
n’avoir pas voulu suivre leurs frères d’armes »
(Albert Meyrac). Mais laissons Jean-Paul Vaillant
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Rue Francisde-Pressencé
Fils d’Edmond Dehault (ou
Dehaut) de Pressensé, pasteur protestant, député puis
sénateur (1824-1891) et d’élise du PlessisGouret, pédagogue femme de lettres, Francis
voit le jour à Paris, le 30 septembre 1853.
Après des études de Lettres, il entre, en 1879,
au ministère des Affaires étrangères.
Secrétaire d’ambassade à Constantinople
(1880), puis à Washington, il abandonne
ensuite la diplomatie pour le journalisme.
Les Dames de Meuse, un site emblématique et enchanteur en Ardenne (Coll. GDP).
nous décrire ces trois chevaliers : « Ces chevaliers sont beaux et bien emparlés, et leurs
regards sont doux. Ils savent dire de tendresses paroles, enduites de miel, et faire de
riches présents. Ils jouent l’un la harpe, l’autre
la rote, le troisième la vielle, et leur musique
harmonieuse jette un frais sourire sur les murs
du vieux manoir et dans le cœur des jeunes
dames, qui avaient trop grand déconfort. Ils
content de forts plaisants déduits de vénerie
et de galanterie. Et puis ils s’affirment les
droits amis de Héribrand, Geoffroy et
Vauthier, qui durement guerroyent ».
Mais, le jour même où Jérusalem est prise
d’assaut, Héribrand, Geoffroy et Vauthier sont
tués. Alors, Dieu demande à saint Christophe
de punir les épouses adultères, en les changeant, à Laifour sur la Meuse, en trois montagnes schisteuses : énormes masses noirâtres,
rivées l’une à l’autre, ici broussailleuses, là tapissées de mousse, surplombant la rivière dont, de
loin, elles semblent émerger et que l’on appelle
les « Dames de Meuse ».
Un conte médiéval
Cette légende n’a peut-être été bâtie de toutes
pièces qu’au XIXe siècle par Henri de Nimal en
1889. Enfin, dans la toponymie ancienne, il
s’agit des « dams de Meuse » ; un « dam » en
hollandais signifie « une digue ». Effectivement,
ces trois montagnes constituent un véritable
rempart contre lequel viennent se rompre les
flots mosans. Ainsi, il existe aussi des « dames
de Meuse » (et toujours pas « de la Meuse ») à
Saint-Mihiel. Et les bateliers invoquaient autrefois en franchissant ce méandre tumultueux « Notre-Dame de la Meuse » afin de protéger embarcation et équipage… Toujours estil, Pierre Ier le Grand (1717), Jules Michelet
(1831), Théophile Gautier (1867), George Sand
(1869), Louis Jouvet (1908) furent subjugués
par la magnificence du site…
La voie verte offre aux multiples promeneurs, conquis et surpris par la majesté de
cet écrin de verdure, le rare privilège de les
longer tout en admirant leurs sombres et
lourdes parures qui se reflètent, tels de noirs
présages, dans une Meuse d’encre.
Gérald Dardart
Dreyfusard de la première heure
Radical, collaborateur au Temps de 1885 à
1905, il fait partie des ardents défenseurs de
Dreyfus et des 33 fondateurs de la Ligue des
Droits de l’Homme (4 juin 1898), qu’il préside
de 1904 à 1914. Il fonde le journal La Vie
socialiste (1904). Député socialiste élu à
Lyon, de 1902 à 1910, Pressensé est un des
responsables de la rubrique de politique extérieure de L’Humanité créée le 18 avril 1904 et
participe aux travaux qui préparent l’unification de la SFIO, en 1905. à l’Assemblée, il
s’intéresse particulièrement à la préparation
de la loi de Séparation des églises et de l’état
et s’attache à défendre la liberté de conscience. En 1907, il s’oppose à la franc-maçonnerie du Grand Orient de France à propos de la
politique de laïcisation forcée conduite à
Madagascar. En 1909, Pressensé se brouille
avec son ami Clemenceau à la suite d’un duel
annulé par Pressensé lui-même. Lors de la
montée des périls, en 1912-1913, il propose
la création des états-Unis d’Europe afin de
préserver la paix sur le continent. Francis de
Pressensé est l’auteur de plusieurs ouvrages
historiques, dont L’Irlande et l’Angleterre
(1880 ou 1889), Les lois scélérates de 18931894, L’Idée de Patrie et Le Cardinal
Manning (1896), L’Affaire Dreyfus - Un héros
- Le colonel Picquart (1898). La droite extrême et cléricale lui était extrêmement hostile.
Francis de Pressensé décède à Paris, le 19
janvier 1914.
Convaincu de l’imminence de la guerre, ce
proche de Jaurès ne connaîtra ni l’assassinat
de celui-ci, ni l’embrasement de l’Europe.
Gérald Dardart
Héribrand, Geoffroy et
Vauthier, fils du seigneur de Hierges,
sont de la première
croisade (Coll. GDP).
N° 146 - janv. 2011
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DR
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