SEPIO, mardi 1er octobre 2013, 16h, salle 116 - MSE, 106-112 bd de l'hôpital, Paris 13e Institutions et productivité totale des facteurs : une analyse empirique en panel (1970-2010) François Facchini, CES, et Albert Tcheta-Bampa, CES Sur un échantillon de 138 pays mélangeant des pays développés et en voie de développement et une période d’observation allant de 1970 à 2010 cet article montre l’effet simultané du régime de propriété sur la productivité des facteurs et sur quatre variables de transmission ; l’investissement en capital humain, l’investissement direct à l’étranger, l’accès au marché du crédit et l’intensité de la concurrence mesuré par le degré d’ouverture de l’économie. Il montre ainsi que ce sont bien les gains de productivité des facteurs qui expliquent la croissance économique comme dans le modèle de Solow mais ces gains sont expliqués par la qualité des institutions et du régime de propriété en particulier. Ce résultat est original par rapport à la littérature parce qu’il décompose les effets des institutions sur chaque canal grâce à la technique de décomposition de la causalité de Geweke (1982). Cela permet, d’une part, d’évaluer l’effet de chaque variable sur la productivité des facteurs, et sur les institutions, d’autre part, et d’ouvrir la théorie de la croissance à des situations où les relations sont bi-directionnelles. Codes JEL : O17, O24, O43, O57, P 1. Introduction La théorie smithienne (1776) du développement économique donne une place très importante aux institutions dans son explication. Elle diffère en cela de la tradition ricardienne qui préfère expliquer la croissance par les quantités d'intrants : terre, capital et travail (Holcombe 1998, p.45). Longtemps la tradition ricardienne a dominé la théorie économique de la croissance et du développement grâce aux qualités opérationnels du modèle de Solow (1956). Si la production annuelle est notée et que le capital et le travail sont les variables la production est une fonction du capital, du travail et du temps de la forme : = , , (Holcombe 1998, p.47, Steele 1998, p.54). En explicitant la comptabilité de la croissance à partir de cette fonction de production agrégée, Robert Solow1 est le premier à mettre en avant en 1957 l'importance de la productivité totale des facteurs (PTF par la suite). La théorie de la croissance endogène précise cette conception en redéfinissant le travail sous la forme d’un capital (Lucas 1988) et en incluant l’intervention de l’Etat comme un moyen d’expliquer la croissance (éducation publique, infrastructure publique, recherche et développement, effets d’agglomération, etc.) (Jacquet 2010). Ces théories ont essentiellement associé la croissance de la PTF au progrès technique. La nouvelle économique institutionnelle a cependant imposé sa propre vision des déterminants de la croissance économique. Elle a, à cette occasion focaliser sur le rôle essentiel de la sécurisation des droits de propriété, reprenant à son compte les positions d’Adam Smith dans La Richesse des Nations (1776, livre 4, Ch. 5, p. 82) ou dans ses Lectures on Jurisprudence (1762, 1978) et de Jean-Baptiste Say (1802, p.118) dans son Traité d’économie politique. La première fonction d'un gouvernement est d'empêcher les membres de la société de violer la propriété d'autrui ou de se l'approprier. Il s'agit pour le gouvernement de garantir au propriétaire la sureté et la paix (Smith 1762, 1978, p.5). North et Thomas (1973) ont repris cette thèse pour expliquer l’essor du monde occidental par la création de 1 Dans son étude Solow montre que la PTF expliquait les 7/8 de la croissance de la productivité américaine entre 1909 et 1949, l'accumulation de capital expliquant le huitième restant. Mots de remerciement : Les opinions émises dans cet article ne sont pas nécessairement celles de l'Université 1 Panthéon-Sorbonne Paris1. Nous sommes reconnaissants sans les impliquer à Agnès Benassy-Quéré, Zorobabel Bibeca, Eric Dubois et à tous les participants du séminaire Economie Publique, Institutions et Organisations pour leurs commentaires très utiles. dispositions institutionnelles et de droits de propriété stimulant l'effort économique des individus. Il devient, dans ces conditions, périlleux de vouloir expliquer les différentiels de croissance et de développement entre les pays par des modèles a-institutionnels. La théorie ricardienne apparaît alors totalement inappropriée pour analyser et prescrire des politiques qui favoriseraient le développement (North 1990, 1994, p.359). On peut avancer au moins trois raisons. 1- La macroéconomie a-institutionnelle suppose d'abord que son objet se place dans les institutions du marché alors que c'est l'apport de ces institutions au développement économique qui doit être étudié (North et Thomas 1973, North 1990). La production et la répartition sont bien indissociables. 2- La macroéconomie a-institutionnelle tend, ensuite, à régresser de la richesse sur de la richesse. Il est évident que lorsqu'un pays a plus de capital humain et plus de capital physique il aura un plus haut niveau de développement et de plus forts taux de croissance, mais l'accumulation du capital est un des effets de la prospérité. Les individus sont riches parce qu'ils ont accumulé de la richesse. Cette richesse est cognitive ou matérielle. L'éducation de la population et l'important niveau d'épargne sont la conséquence de la prospérité. Elles ne sont pas neutres, ensuite, sur la dynamique de création de richesse, mais elles ne peuvent pas être traitées uniquement comme des causes. 3- La macroéconomie a-institutionnelle a, enfin, pour conséquence de ne pas s'interroger sur l'affectation des talents et plus particulièrement de ce capital. Si les individus à fort capital humain et le capital sont investis dans le vol et/ou des activités improductives aucune corrélation positive n'existera entre leur montant et la croissance économique. Là encore ce sont les institutions, la structure des droits de propriété, qui détermine la répartition des coûts et des avantages et in fine l'affectation de ces richesses. Ces trois arguments conduisent alors à modifier la manière dont la macroéconomie ainstitutionnelle posent le problème de la croissance et du développement économique. Ainsi, à la question, "pourquoi il y a des pays riches et des pays pauvres ou pourquoi les économies ont des taux de croissance différents, nous obtenons une réponse simple ; les pays riches ont plus de ressources par tête - plus de capital humain, physique et technique. Mais cette réponse conduit à une autre question ; pourquoi des économies ont telles de plus hauts niveaux de capital que d'autres " (Jordan 2001, p.22). La théorie économique des régimes de propriété répond théoriquement en soutenant que la sécurisation des droits de propriété affecte la productivité des facteurs en réduisant les risques d'expropriation d'une part et les coûts de l'échange d'autre part (Besley et Ghatak 2010, p.4529). La théorie économique des droits de propriété est en ce sens complémentaire de l'ensemble des travaux économétriques issus des recherches de Kuznet sur la relation productivité - croissance (Jorgenson 1991). Elle soutient théoriquement et empiriquement (Pande et Udry 2005) que le niveau d'investissement en capital humain, physique et technique est plus élevé quand les droits de propriété sont mieux sécurisés (Besley et Ghatak 2010, p.4552). Cela signifie aussi qu’il faut adopter une vision beaucoup plus large de la productivité totale des facteurs et là définir comme tout ce qui concourt à élever l’efficacité de la combinaison productive ; telle que l'organisation juridique, réglementaire et sociale des activités productives (Bénassy-Quéré et al. 2009, pp.488-494). Cette extension articule la théorie de la croissance endogène à la théorie économique des institutions i.e. les traditions smithiennes et ricardiennes. Cet article utilise cette définition, articule les deux traditions smithienne et ricardienne et les développe. Il lie les travaux de la théorie ricardienne qui grâce à la construction d'indicateurs de qualité institutionnelle intègre les institutions et des variables de qualité des régimes de 2 propriété dans ses modèles d'explication de la croissance économique. Il propose, cependant, de tester non pas la relation croissance - droit de propriété, mais d'étudier la relation productivité des facteurs - droit de propriété afin de pouvoir suivre au plus près le raisonnement suivie par la théorie institutionnelle qui ne nie pas le rôle de la productivité des facteurs dans la dynamique de la production mais estime qu'elle est déterminée par des facteurs institutionnelles et le régime de propriété en particulier. Cela conduit à développer une théorie institutionnelle de la productivité des facteurs de production. C’est la principale originalité du test et de la théorie développée dans cet article. On peut trouver dans la littérature de nombreux articles qui expliquent l’effet de l’arrangement institutionnel via les différentes variables, mais aucun article ne développe une analyse systématique de l’ensemble des facteurs explicatifs de la productivité dans un même article. Cet article propose un tel modèle. Quelques exemples peuvent nous convaincre de l’importance de cette littérature sur les déterminants de la PTF. Edwards (1998) utilise des indicateurs d’ouverture commerciale, Coe et Helpman (1995), Coe, Helpman et Hoffmaister (1997) ou Coe et al. (2008) des indicateurs de Recherches & Développement, Miller et Upadhyay (2000) concentrent leur attention sur l’effet du capital humain alors que Dawson (1998) et Bénassy-Quéré, Coupet et Mayer (2007) étudient respectivement le rôle de l’investissement et de l’investissement direct étranger sur la productivité des facteurs. Bjornskov et Méon (2010) ont eux mis l'accent sur le rôle central joué par la confiance sur la PTF. Jaumotte et al. (2006) mettent enfin en évidence l’effet direct de la qualité des institutions sur la productivité totale des facteurs, mais uniquement sur les pays d'Asie et sans décomposer les effets. Cet article se démarque de cette littérature parce qu’il propose à la fois une explication théorique fondée sur la théorie des droits de propriété et un test de la relation institutions → productivité totale des facteurs pour un échantillon de 138 pays composé de pays développés, de pays émergents et de pays en voie de développement sur période 1970-2010. Il montre à cette occasion l'effet simultané du régime de propriété sur la productivité des facteurs et sur quatre variables de transmission : l'investissement en capital humain, l'investissement direct à l'étranger, l'accès au marché du crédit et l'intensité de la concurrence ; mesuré par le degré d'ouverture de l'économie. Ce sont toujours les gains de productivité qui expliquent la croissance économique (Solow 1956), mais ces gains sont expliqués par la qualité du régime de propriété. Il propose, aussi, une technique originale pour traiter de la causalité. Il utilise en effet la technique de décomposition de la causalité (Geweke 1982) qui permet de déterminer dans quelle mesure les institutions expliquent chaque déterminant et comment les effets de ces déterminants sur la productivité ont un effet vertueux sur les institutions. Les résultats économétriques établissent une relation positive et significative entre sécurisation des droits de propriété, productivité des facteurs et développement économique. Il évite, ainsi, d'enfermer la théorie des gains de productivité dans une relation unidirectionnelle. De forts gains de productivité renforcent la stabilité des institutions alors que de mauvais résultats économiques favorisent l'instabilité et engage le pays dans un cercle vicieux. Cet article articule donc les traditions smithiennes et ricardiennes au lieu de les opposer. Il présente dans l’introduction ses enjeux, et explique dans une deuxième section pourquoi la protection des droits de propriété influence l'investissement en capital humain, l'investissement direct étranger, l'accès au marché du crédit et l'intensité de la concurrence et in fine détermine l’évolution de la productivité totale des facteurs. Il présente, dans une troisième et quatrième section, les données utilisées et la stratégie économétrique mobilisée et 3 dans une cinquième et sixième section les résultats des tests et un certain nombre de tests de robustesse. 2. Droit de propriété et productivité totale des facteurs Très tôt la théorie économique a compris le rôle de la propriété privée dans la prospérité d’un groupe (Say 1802, Chapitre XIV). La propriété privée serait le plus puissant encouragement à la mise en valeur de ses talents parce que nul ne connaît mieux que le propriétaire le parti qu’on peut tirer de sa chose, et que nul ne met plus de diligence à les conserver (Say 1802, Chapitre XIV). La théorie moderne des droits de propriété a précisé les raisons qui conduisent à penser que la propriété privée est un puissant encouragement à la production (Demsetz 1967 ; Alchian 1977 ; Pejovich 1990 ;Beaulier et Prychitko 2006, p.56). La propriété privée permet aux individus de capitaliser leurs gains à l’échange, les incite à investir et généralise leur accès au marché du crédit (Besley et Ghatak 2010). Un système de droit de propriété est une procédure d’attribution du pouvoir de choisir un usage pour un certain nombre de bien. Les notions d’autorité et de permission sont réductibles à des problèmes d’incitation à respecter l’attribution ainsi réalisée et à interdire sa remise en cause. Un droit de propriété est ainsi un moyen de protéger les choix d’usage d’un bien d’un individu contre l’avis des autres qui pourraient être tentés de l’utiliser autrement (Alchian 1977, p.130). 2..1 Limiter les risques d’expropriation pour favoriser l’accumulation de capital humain, physique et technique et les gains de productivité La sécurisation des droits de propriété incite à l’accumulation parce qu’elle protège les individus contre toutes les formes d’expropriation. Besley et Ghatak (2010, p.4529) ne font sur ce point aucune distinction entre expropriation et taxation. Ils supposent implicitement que l’effort productif d’un individu est toujours menacé par l’action d’un tiers qui peut utiliser son pouvoir coercitif pour taxer, confisquer et/ou voler un autre individu (Besley et Ghatak 2010, p.4529). Ils font alors l’hypothèse que l’effort productif d’un individu, le niveau de la production et des profits dépendent strictement de la probabilité d’être exproprié par l’un ou l’autre de ces moyens : l’impôt, la spoliation et/ou le vol. Cette probabilité d’expropriation caractérise la nature de l’économie. Dans une économie de profit, en effet, la richesse de chaque individu dépend de son effort productif. Dans une économie de rente au contraire elle dépend de sa proximité au pouvoir politique (Pejovich 1990). L’arrangement institutionnel et le degré de sécurisation des droits de propriété permettent de qualifier une économie d’économie de rente ou de profit (Alchian 1977). Dans une économie où le risque d’expropriation est élevé les individus vont engager des ressources pour protéger leur ressource et se spécialiser dans des activités de sécurisation de leur droit. Ces choix auront l’un et l’autre des effets négatifs sur leur productivité. 2.1.1 Absence de droits formels et faiblesse de la productivité En l’absence de droits formels sur la propriété, les individus et leurs familles doivent s’assurer que personne ne leur prennent le bien qu’ils se sont appropriés, mais sur lequel ils n’ont aucun titre de propriété. Dans les squats et les bidonvilles les individus s’absentent peu ; de crainte d’être spolié par d’autres individus qui pourraient en leur absence croire que le bien est libre. Ils ne pourraient pas à leur retour prouver qu’ils sont propriétaires du bien, du terrain sur lequel ils ont construit leur maison puisqu’ils n’ont aucun titre pour le prouver (Field 2002). 4 2.1.2 Absence de droits formels et mal-investissement en capital humain Dans un tel cadre institutionnel, les individus améliorent leurs compétences mais pas dans le domaine productif. Les individus améliorent leur productivité à sa défendre des prédateurs mais ne développent pas de compétences productives proprement dites. Il y a mal investissement en capital humain. 2.1.3 La baisse du risque d’expropriation est une condition de l’investissement La baisse des risques d’expropriation est, pour ces raisons, une condition des gains de productivité parce qu’elle est une condition de l’investissement en capital. Risque d’expropriation et investissement L’investissement est en général l’un des déterminants principal de la productivité des facteurs de production et de la croissance économique (Dawson 1998). Pour les pays en voie de développement il est acquis que les investissements directs des étrangers ont un effet positif sur la productivité des facteurs (Smarzinska et Javorcik 2004). Les IDE favorisent les gains de productivité à travers l’usage et la diffusion des améliorations techniques. Leur montant est d’autant plus important que l’arrangement institutionnel limite les phénomènes de corruption, stabilise les régimes politiques (pas de coup d’Etat), et n’expose pas l’investisseur à l’incertitude et au discrétionnaire politique. Les investisseurs doivent être certains de ne pas être expropriés de leur gain (Bénassy et al. 2007, p.764, p.765) par des politiques soudaines comme par exemple des politiques de nationalisation. Risque d’expropriation et qualité des investissements en capital humain Le risque d’expropriation limité, les individus peuvent quitter leur maison et investir leur temps et leur ressource dans la production. Ils sont assurés que s’ils dégagent un surplus (épargne) il ne leur sera pas confisqué. Ils sont incités alors à se former et à accumuler de la richesse. L’économie entre dans une logique d’accumulation, de stockage, de division du travail, de spécialisation et in fine de gains de productivité. Si le risque de spoliation est fort la solution est de produire et de consommer ce que l’on produit, autrement dit de ne pas entrer dans le cercle vertueux de la division du travail et de la spécialisation. Si les risques de spoliation sont réduits l’ensemble des ressources engagées pour protéger les droits de propriété par les individus sont réinvestis dans l’activité productive. Alors que le risque d’expropriation crée une situation de sous-accumulation, la sécurité favorise en revanche l’accumulation de capital humain, de capital technique et physique et in fine des gains de productivité qui soutiennent la croissance de la production. 2.2 Sécuriser les droits de propriété pour établir la libre entrée sur le marché, instituer la firme capitaliste et favoriser l’exploitation des gains à l’échange La sécurisation des droits est la conséquence de la baisse des risques d’expropriation. Une fois que les droits sont sécurisés les anticipations sur les profits futurs de l’utilisation des ressources détenues en propriété sont stabilisées2. Les individus peuvent, dans ces conditions, exploiter les gains à l’échange (Besley et Ghatak 2010, p.4534). Le respect de la propriété assure ainsi la mise en place du processus de rivalité. Il est un préalable à l’existence d’un marché du capital et in fine du calcul économique. 2 Demsetz (1967, p.347) insiste sur l’importance de la propriété dans la qualité des anticipations. « Les droits de propriété permettent aux individus de savoir a priori ce qu’ils peuvent raisonnablement espérer obtenir dans leurs rapports avec les autres membres de la communauté. Ces anticipations se matérialisent par les lois, les coutumes et les mœurs d’une société. Détenir des droits, c’est avoir l’accord des autres membres de la communauté pour agir d’une certaine manière est attendre de la société qu’elle interdise à autrui d’interférer avec ses propres activités, à la condition qu’elles ne soient pas prohibées » (Demsetz 1967, p.347). 5 2.2.1 Propriété et libre entrée sur les marchés : les vertus de la concurrence Le régime de propriété privée se caractérise par l’exclusivité des droits et la libre cessibilité. L’exclusivité des droits réduit le risque d’expropriation. La libre cessibilité met en place un processus de rivalité non violent qui facilite la coopération et impose aux individus de toujours tenir compte des solutions découvertes par les autres pour former leurs anticipations et leurs plans de production. Le régime de la propriété exclut la violence mais garantit la concurrence. « Les droits de propriété permettent à leur détenteur de faire du bien ou du tort aux autres membres de la société, mais pas n’importe quel bien, pas n’importe quel tort. Tout dépend de leur contenu : il est possible de nuire à un concurrent en produisant des biens de meilleures qualité que les siens, mais il est interdit de l’occire » (Demsetz 1967, p.347). Le régime de la propriété privée en faisant respecter la libre cessibilité empêche les entrepreneurs de lever des barrières à l’entrée artificielle qui bloquerait le processus de découverte des opportunités d’échanges mutuellement avantageux non encore exploités par le marché et la destruction des anciens avantages comparatifs. Il institue un monde où les profits de chacun sont toujours menacés par la recherche de profit de tous les autres (Facchini et Subandono 2013). La libre entrée sur le marché est en ce sens une condition de la dynamique des gains de productivité à l’œuvre en économie de profit. Elle empêche les anciens avantages comparatifs d’être artificiellement protégés de la concurrence des nouveaux entrants. 2.2.2 Propriété et formation du marché du capital La propriété privée est, ensuite, un préalable à la formation d’un marché du capital et in fine de la firme capitaliste. Pour qu’il y ait un marché financier il faut que la propriété privée sur le capital, autrement dit sur le surplus, soit protégée de toutes les formes d’expropriation. Les conditions de l’accumulation remplies l’émergence de la firme capitaliste classique ou moderne i.e. sa forme managériale est possible. La firme capitaliste contrairement aux autres types d’organisation donne au propriétaire un statut de créancier résiduel (residual claimant) (Alchian et Demsetz 1972). Le créancier résiduel est l’individu qui saisit les gains d’un contrôle accru des comportements de resquille dans des situations de travail en équipe. Il est celui qui est incité par les profits à veiller à la productivité des autres individus et à l’orientation de leur activité vers la satisfaction des consommateurs. Il est rémunéré de deux manières par les profits et l’augmentation de la valeur de ses titres de propriété (Demsetz 1997). La recherche de la création de valeur via la maximisation de la valeur actionnariale du titre de propriété est une condition de l’efficacité des firmes et in fine de l’amélioration de la productivité de la combinaison productive. La sécurisation des droits est donc à la fois une condition de l’existence des marchés financiers et des firmes capitalistes. 2.2.3 Sécurisation des droits de propriété et accès au marché du crédit Le régime de la propriété privée et la mise en place d’un droit formel sur son surplus est un instrument qui généralise l’accès au crédit pour les plus pauvres. Ce dernier effet est parfois reconnu comme l’effet le plus favorable parce qu’il permet aux plus pauvres de porter des projets entrepreneuriaux qu’il n’aurait pas pu mener à bien sans la garantie bancaire que leur procure un titre de propriété (Feder et Feeny 1991). La sécurisation des droits améliore la capacité des emprunteurs à gager leurs investissements. Elle allège les contraintes de crédit (de Soto 2001 ; Besley et Ghatak 2010, p.4537). Elle limite la quantité de biens illiquides qui ne peuvent pas gager l’investissement (Besley et 6 Ghatak 2010, p.4543). Elle favorise alors l’accumulation de capital humain. Les institutions deviennent ainsi une condition de l’accumulation de capital humain. La majorité des articles cherchant à expliquer le niveau de capital humain repose sur un calcul des coûts et des avantages de l’éducation pour les parents. Plusieurs facteurs influencent les coûts et les avantages de l’éducation : les conditions socio-économiques du ménage (revenu), la structure de la famille (nombre d’enfants), les normes sociales et culturelles (religion) et le rapport notamment au travail des femmes (Hunt 2008). A ces déterminants on peut ajouter l’existence d’une contrainte de crédit qui empêche les ménages les plus pauvres d’investir dans leurs enfants (Galor et Zeira 1993). En limitant la contrainte de crédit, la sécurisation des droits ouvre l’accès au crédit et à l’éducation pour les pauvres en l’absence d’investissement public dans l’éducation. 1.2.4 Conclusion Un bon arrangement institutionnel favorise donc les gains de productivité s’il incite à l’accumulation de capital physique, technique et humain (North 1990, pp.133-134) et ne dénature pas le processus de destruction – créateur qui caractérise le processus de rivalité dans le cadre d’une économie de recherche de profit. Il est généralement admis que le régime de la propriété privée a ses qualités. Il favorise les gains de productivité et le développement économique parce qu’il incite et diffuse de la connaissance sur les préférences révélées des consommateurs et les décisions effectives des investisseurs. Une connaissance qui n’est disponible que dans le cadre d’un arrangement institutionnel qui garantit la propriété privée des facteurs de production (Langlois 1994). On s’attend alors à ce qu’il existe une relation positive et significative entre sécurisation des droits de propriété, productivité des facteurs et développement économique. 3. Données, stratégie d’estimation et traitement des biais d’endogénéité Pour s’en convaincre nous allons proposer un test économétrique. 3.1 Description des variables Notre échantillon se compose de 138 pays observés et nos données s’étalent sur une période allant de 1970 à 2010. L’échantillon se compose de pays développés, de pays émergents et de pays en développement. 3.1.1 Productivité totale des facteurs La productivité totale des facteurs correspond au résidu de Solow. Considérons la fonction de production suivante: = (1) En prenant le logarithme de cette fonction de production nous obtenons l'expression suivante: ln = ln + ln + 1− ln (2) La PTF est la part résiduelle de la production non expliquée par le stock de capital et par la main d'œuvre productive. Si on suppose que ce résidu a les mêmes caractéristiques qu'une variable aléatoire quelconque normalement distribuée alors les paramètres de l'équation i.e. α et β = 1 − α peuvent être estimés en utilisant les moindres carrés ordinaires. Dans cette équation, la PTF est bien assimilée au résidu et s'obtient par l’équation : ln = ln − ln + ln ! + = 1(3) 7 En pratique, nous estimons cette équation pour chaque pays de l'échantillon pris individuellement. Ce qui revient à dire que nous supposons que la structure productive est différente d'un pays à l'autre, nous levons donc l'hypothèse d'homogénéité, c'est-à-dire que ≠ ≠ ln = ln − ln + ln , ! + = 1 ∀$ = 1 … 138(4) La croissance de la productivité est obtenue en calculant la dérivée du logarithme du résidu par rapport au temps: ()*$++ ,! -./01 = 234 561 2 (5) 3.1.2 Variables institutionnelles Malgré les critiques qui peuvent être formulées à l'encontre des mesures institutionnelles, on utilise dans notre analyse empirique, trois mesures institutionnelles distinctes issues de deux sources différentes et communément utilisées dans la littérature. La première source est constituée de données du Fraser Institute. Elles sont disponibles depuis 1970. Le Fraser Institute calcule un indice composite dénommé indice de libertés économiques. Cet indice composite est une somme égale de cinq éléments : (i) la taille du gouvernement, (ii) la structure légale et la protection des droits de propriété, (iii) l'accès à la monnaie, (iv) la liberté de commercer internationalement, et (v) la régulation des activités économiques. Dans cette base, les indicateurs sont calculés tous les cinq ans jusqu'en 2001 et chaque année à partir de cette date. Nous avons calculé la moyenne quinquennale des indicateurs pour la période allant de 2001 à 2010. Les valeurs respectives de ces indicateurs sont comprises entre 0 et 10. Plus la valeur de l'indice est élevée mieux la liberté économique est assurée dans un pays. La base de données du Fraser Institute est bien adaptée à notre étude pour deux raisons principales. D'abord, elle a une dimension temporelle longue remontant aux années 1970. Ensuite, elle contient des indicateurs capables de mesurer la qualité d’un régime de propriété et plus généralement des institutions économiques. Nous considérons aussi l'indice de régulation des activités économique comme une mesure de contrôle. Issue aussi de la base des données de Fraser Institute, cet indice mesure l'efficacité de la régulation des marchés du crédit, du travail, et la régulation des activités des entreprises privées. Plus exactement, il mesure le degré de couverture du marché bancaire par les banques commerciales nationales privées, et le niveau de compétition à laquelle sont exposées ces banques vis-à-vis des banques étrangères. Cette mesure de régulation représente aussi le montant de crédits octroyés au secteur privé, l'existence ou non de contrôle des taux d'intérêt appliqués par les banques commerciales. Dans une économie où les banques commerciales privées octroient des crédits au secteur privé, et dans une économie il n'y a pas la répression financière, c'est-à-dire le pays où il n'y a pas de contrôle sur les taux d'intérêt utilisés par les banques commerciales, présente une régulation du marché du crédit favorable au développement des activités économiques. La deuxième source est la base de données ICRG pour International Country Risk Guide qui propose elle aussi un indice de droits de propriété. Cette base de données propose des données similaires à la base produite par le Fraser Institute mais sur une période plus courte. Il s’agit de données construites à l’aide d’enquêtes d’opinion portant sur la qualité des institutions dans différents pays. Les différences entre les bases de données se trouvent dans la méthodologie de calcul et les sources des données. 8 3.1.3 Les canaux de transmission précisant l’effet des institutions sur la productivité La théorie économique des institutions présentées dans la section deux soutient que le régime de propriété est un préalable à l’avènement d’un marché du capital, à l’accumulation du capital humain et physique et à une concurrence libre et non faussée. Pour mesurer le développement du marché du capital nous utilisons les données de la banque mondiale (World Development Indicators 2012) et plus particulièrement l’indicateur qui mesure le total des crédits domestiques (privé et public) en pourcentage du PIB. Pour mesurer la variable de capital humain nous mobilisons les données produites par les Nations Unies (2012). Il s’agit du taux de scolarisation dans l'enseignement secondaire pondéré par la part de la population âgée entre 15 et 19 ans. Pour mesurer le degré de concurrence qui règne dans une économie nous utilisons le degré d’ouverture commerciale i.e. la part des échanges extérieurs (importations plus exportations) dans le PIB. Ces données proviennent de la base de la Banque mondiale (World Development Indicators, 2012). Il est soutenu que la propriété privée garantit la libre entrée et oblige les individus à exploiter leurs avantages comparatifs pour rester compétitif vis-à-vis des concurrents indigènes et étrangers. Pour mesurer la confiance qu’une économie inspire aux investisseurs grâce à la qualité de son régime de propriété nous utilisons un indicateur mesurant le niveau d’investissement direct des étrangers dans le pays en pourcentage du PIB. La plupart de ces données sont annuelles, afin qu'elles soient conformes aux indices institutionnels. Nous calculons des moyennes quinquennales pour chaque variable afin de les faires correspondre avec notre variable institutionnelle. 3.2 La stratégie d’estimation La théorie prédit qu’il existe une relation positive et significative entre sécurisation des droits de propriété, productivité des facteurs et développement économique. Afin de s’assurer de la pertinence économétrique de cette proposition nous proposons d'estimer un système d'équations simultanées incluant: (1) un modèle classique de croissance à la Barro, et (2) un modèle où les déterminants classiques de la productivité des facteurs sont expliqués par la nature du régime de propriété. PTFit = β 0 + β1 Z it + β 2 Institutionit + f i + θX t + u it Z it = α 0 + α 1 Institutionit + τWit + f i + ρX t + ε it (6) où 7 représente le niveau de croissance de la productivité totale des facteurs; 8 désigne un déterminant intermédiaire par lequel l'effet des institutions sur la croissance transite (ici capital humain, ouverture commerciale, IDE, développement du secteur financier) ; 9,+ $ : $*,+ est l'une de mesures institutionnelles pour le pays i à la date t : indice de droits de propriété du Fraser Institute, indice de régulation des activités économiques du Fraser Institute et indicateur de l’IRCG et; ; est un vecteur de variables de contrôle incluant entre autre, la taille du gouvernement, le niveau d'inflation, le niveau développement initial, l'écart initial de la productivité par rapport aux Etats-Unis, la part initiale d'emplois dans l'agriculture et l'indice des termes de l'échange, etc. ; < est un ensemble de variables supplémentaires identifiants les canaux de transmission ; = désigne les effets fixes pays ; et enfin > et : sont les termes d'erreurs aléatoires. Ce double système d’équations simultanées permet de tester l'effet des institutions sur la croissance de la productivité totale des facteurs. Il se démarque ainsi des études antérieures qui se contentent d’étudier l’effet des institutions sur les niveaux du revenu par tête ou le taux de croissance économique (Mijiyawa 2010). Il permet, aussi, de tester les effets indirects séparés et simultanés de l’indicateur de qualité des institutions et des quatre canaux de 9 transmission sur la PTF. Cela conduit à identifier quatre déterminants de la croissance de la productivité totale des facteurs et un préalable institutionnel, la qualité du régime de propriété. 3.3 Le traitement de l’endogénéité Il n’est pas impossible, cependant, que les effets sur la productivité du régime de propriété ne soit pas sans effet sur la stabilité et les qualités incitatives de ce régime. Les institutions, alors expliquent la dynamique de la combinaison productive qui explique les institutions. Cet effet rétroactif est décrit par la figure 1. Figure 1 Influence du régime de propriété sur la productivité totale des facteurs Canaux de transmission INSTITUTION 1- Capital humain 2- Ouverture commerciale 3- Part des crédits domestiques dans l’économie 4- IDE CROISSANCE DE LA PTF ET DU PIB Le régime de la propriété privée aurait alors deux types d’effets sur la croissance de la productivité : un effet direct (la flèche en bas qui part des institutions vers la PTF et un effet indirect ou intermédiaire (la flèche qui va d'institutions à la PTF via les variables de transmission). L'effet direct suppose que les institutions affectent la croissance la PTF. L'effet indirect considère que l'impact des institutions sur la croissance de la PTF pourrait transiter par les quatre variables présentées section 3.1.3 : degré d’ouverture de l’économie, capital humain, IDE et part des crédits domestiques dans le PIB. L’existence d’un effet de rétroaction crée un risque d’endogénéité qui est d’autant plus important que l’indicateur de qualité institutionnelle a une dimension subjective et que les risques de variables omises sont toujours importants en matière de modèle de croissance. 3.3.1 Test de Geweke (1982) et biais de simultanéité Pour traiter l’endogénéité entre les variables explicatives un test de Geweke (1982) a été élaboré. Ce test décompose les causalités et permet d’identifier l’existence d’un effet feed back entre institutions et performances. Le tableau 1 présente la décomposition des effets pour un certain nombre de canaux de transmission présents dans la littérature et associé à la théorie des régimes de propriété. Il montre, par exemple, que 76% de la causalité va des institutions économiques vers le développement financier, tandis que 24% de la causalité va du développement financier vers les institutions. D’une manière générale, il permet de dire que la causalité simultanée est nulle pour les relations considérées. Ce résultat milite en faveur d’une stratégie économétrique supposant une endogénéité faible, voire nulle entre les institutions et les canaux de transmission définies en section 3.1.3. Les résultats de test de causalité entre les variables explicatives sont reportés dans le tableau A.3 en annexe 3.3.2 L’erreur de mesure en plausible Plus que toutes autres, les variables institutionnelles sont exposées à un risque d’erreur de mesure. Ce risque renforce la probabilité d’endogénéité. Dans ce cas les coefficients sont estimés avec un biais d'atténuation, ce qui aurait pour conséquence de faire tendre les coefficients vers zéro, et par conséquent de pénaliser nos résultats. Alors, si en dépit du risque d'endogénéité dû aux erreurs de mesure, nous obtenons des coefficients statistiquement significatifs avec leurs signes attendus, cela ne peut être que rassurant. Hausman montre, en effet, qu'en présence de problèmes d'endogènéité, le modèle à effets fixes est beaucoup plus 10 robuste que celui à effets aléatoires. Pour ce faire nous décidons d'estimer toutes les spécifications en utilisant un modèle à effets fixes3. Lors des tests de robustesse, nous utiliserons d’autres indicateurs de mesure de la qualité des régimes de propriété afin de s’assurer que le résultat n’est pas lié à la mesure de la qualité institutionnelle choisie. Tableau 1 : Décomposition de la causalité Direction de la causalité de Geweke Ouverture commerciale →Institutions économiques Institutions économiques → Ouverture commerciale Causalité simultanée Capital humain →Institutions économiques Institutions économiques → Capital humain Causalité simultanée Pourcentage de la causalité expliquée Institutions économiques ↔ Ouverture commerciale 24% 76% 0% Institutions économiques ↔ Capital humain 16% 84% 0% Institutions économiques ↔ Développement financier Développement financier →Institutions économiques Développement financier →Institutions économiques Causalité simultanée 26% 35% 39% Institutions économiques ↔ IDE IDE →Institutions économiques Institutions économiques → IDE Causalité simultanée 5% 95% 0% Notes : Les pourcentages de causalité ont été obtenus en appliquant les règles suivantes: Lorsque toutes les contributions sont positives, la normalisation se fait de façon standard. Lorsqu'elles sont toutes négatives, nous calculons d'abord le complément à 1 des chaque contribution avant d'appliquer la normalisation standard. Lorsqu'au moins l'une des contributions est négative, nous appliquons la règle suivante avant de normaliser: V (i ) − Min Max − Min 3.3.3 Biais de variables omises Une autre source classique d’endogénéité est l’omission de variables explicatives pertinentes. Nous pensons, cependant, que si nous utilisons de bonnes variables approximatives pour tester l'argument théorique et si nous incluons dans le modèle le maximum de variables explicatives pertinentes, nous réduisons le biais d’endogénéité dû aux variables omises4. Nous utilisons à cette fin quatre variables instrumentales qui peuvent avoir un effet sur le régime de propriété sans cependant agir directement sur les canaux de transmission : la moyenne régionale des droits de propriété, l’idéologie politique, la fragmentation ethnique et les langues coloniales. Nos résultats ne devraient donc pas trop souffrir du biais d’endogénéité. Ils sont présentés dans le tableau 3 et commentés dans les sections qui suivent. 4. Résultats économétriques Pour obtenir nos résultats nous avons utilisé la méthode des triples moindre carrée. Le tableau 3 les présente en tenant compte des instruments usuels de la littérature sur les déterminants des institutions. Ils indiquent globalement que quelle que soit la spécification, les institutions influencent positivement la croissance de la PTF. Le régime de propriété a un effet positif sur la productivité parce qu’il accroît le degré d’ouverture de l’économie, l’investissement en 3 Etant donné que nous estimons le modèle à effets fixes le biais de variables omises est résolu mais ce choix pourrait accentuer le biais provenant des erreurs de mesure lorsque les variables indépendantes sont plus persistantes que les erreurs de mesure (Shelton, 2007, p. 2241). 4 L'équation d'instrumentation peut-être fournie par les auteurs à leur demande. 11 capital humain, le montant des investissements directs étrangers et le niveau de développement des marchés financiers. La croissance de la productivité totale des facteurs paraît ainsi très sensible à la variation de ces quatre variables et à la qualité du régime de propriété. Le test n’invalide donc pas les prédictions théoriques avancées dans la section 2. Tableau 2 : Facteurs déterminants de la croissance de la productivité totale des facteurs PTF VARIABLES Ouverture 1 Ouvertu re 2 PTF 3 Educatio n 4 PTF IDE PTF 5 6 7 Crédit domestique 8 0.104*** (0.038) 0.004** (0.002) Education Investissement directs étrangers (IDE) 0.847*** (0.149) 0.512* (0192) Crédit domestique 0.011* (0.009) 0.024** (0.026) 0.002 (0.011) 0.022** (0.115) 0.009* (0.009) 0.033** (0.026) 0.003* (0.011) 0.025** (0.867) 0.013* (0.006) 0.039** (0.017) 0.004* (0.006) 1.552*** (0.556) 0.203* (0.006) 0.038*** (0.017) 0.005 (0.006) 0.595* (0.554) Inflation 0.0031 (1.761) 0.007** (1.612) 0.004 (1.851) -0.065 (1.866) 0.004 (0.004) -0.193*** (1.772) Terme de change -0.026 (0.009) -0.001 (0.001) -0.056 (0.003) -0.001 (0.010) -0.066 (0.007) -0.109*** (0.024) Ecart initial de la PTF -0.542* (0.121) Agriculture -1.133** (1.082) Droits de propriété Droits de propriété -1 Constant Observations R² F-statistique 0.114 (0.243) 254 0.125** * (0.105) 1.354** * (1.081) 3.078** * (0.563) 254 -0.004*** 0.191*** (0.282) (1.556) -0.054 0.110*** (0.008) (0.024) -1.424 (0.020) -1.024*** 1.020*** (0.022) (0.102) -1.023** (0.202) -0.054*** (0.425) 0.012*** (0.506) -1.182 (1.121) -1.052*** 1.211*** (1.222) (1.122) -1.222** (2.109) -1.127** (1.145) -1.014*** (1.123) 0.000 (0.032) 5.002*** (17.352) 1.015*** (0.566) 3.129*** (0.146) 0.001 (0.000) -2.523*** (18.62) 246 246 254 254 0.300 0.846 0.231 0.954 42.00*** 21.19*** 33.92*** 79.26** 254 254 0.336 0.846 0.238 0.953 28.63** 34.12** 109.05** 35.04*** * * * Note : Les instruments suivants ont été pris en compte: Moyenne régionale des droits de propriété, Moyenne régionale de qualité des institutions politiques, Latitude, Origine légale britannique (droit commun), Origine légale française (droit civil), Orientation politique, Fragmentation ethnique et Pourcentage de population parlant anglais ou une autre langue européenne. Entre parenthèses les écart-types robustesavec ***, **, * utilisés pour désigner les coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. L’investissement en capital humain, physique et technique, le degré de concurrence (niveau d’ouverture) et la dynamique des marchés financiers ont des effets d’autant plus importants sur la productivité qu’ils sont faits dans le cadre d’un régime de propriété privée. On observe, aussi, que le niveau d’ouverture d’une économie et les flux d’IDE sont les variables les plus significatives tant d’un point de vue économique que statistique dans les régressions estimées pour la croissance de la productivité. Ainsi, la colonne 5 du tableau 2 12 montre que toute chose égale par ailleurs, avec 1% d'erreur, une amélioration de 1 point d'indice des droits de propriété entraînerait directement une hausse de 0.104 et 0.847 de la croissance de la PTF par l'intermédiaire d’une hausse du degré d’ouverture de l’économie et des flux d’IDE. Ce constat ne signifie pas que l’investissement en capital humain et le développement des marchés financiers ne sont pas sans effet sur la productivité totale des facteurs. Il suggère, en revanche, que les échanges extérieurs et les flux d'IDE sont plus sensibles à l'amélioration (ou à la dégradation) de la qualité du régime de propriété que le capital humain et le système financier d'un pays. Une baisse du niveau de protection des droits de propriété a un effet plus fort sur les IDE que sur le niveau d’investissement en capital humain. Il y a un effet d’inertie à moyen terme d’un tel type d’investissement. La migration des cerveaux à moyen terme explique, cependant, l’effet négatif d’une augmentation du risque d’expropriation. Le dernier constat est que de nombreuses autres variables économiques influencent le niveau de la productivité totale des facteurs. 1- Le taux d'inflation, tout d’abord, permet de prendre en compte l'impact des chocs macroéconomiques de court terme sur l’allocation et la productivité des facteurs (Barro 1997). Nos résultats suggèrent que le taux d'inflation est une variable au pouvoir explicatif important. Son signe traduit probablement l'impact négatif de l'inflation sur l'allocation sectorielle de l'investissement. 2- Les effets de rattrapage (approché par de l'écart de productivité initial et le faible niveau initial de revenu) sont indiqués par des coefficients négatifs significatifs dans toutes les régressions. 3- Le coefficient négatif de l'emploi agricole dans l'équation de la croissance de la productivité indique que, dans les pays où l'emploi agricole est ou était relativement élevé au départ, la productivité totale a en général progressé moins vite. 4- La variable d'écart relatif entre le taux de change de marché et le taux officiel qui est une mesure de la protection nominale du marché domestique, peut être considérée, ensuite, comme une bonne mesure de la contestabilité des marchés domestiques (Levine et Renelt1992). 5. Tests de robustesse 5.1. Sensibilité du résultat à la mesure de la qualité du régime de propriété Pour s’assurer de la robustesse de cette conclusion5 nous changeons, tout d’abord, la mesure de notre indicateur de qualité du régime de propriété afin de traiter le problème de l’erreur de mesure. Nous utilisons un autre indice de qualité du régime de propriété : l'indice d'International Country Risk Guide (ICRG). L'utilisation de cet indice nous conduit à réduire la durée de notre étude et ceci constitue de fait, un autre test de robustesse6. Si l'on réalise les mêmes régressions que précédemment les résultats sont inchangés bien que l'influence des droits de propriété devienne plus significative sur le capital humain qu’avec l’autre indicateur de qualité institutionnelle7 (tableau disponible en annexe). Le résultat est donc robuste. 5.2. Sensibilité du résultat à la mesure des canaux de transmission Nous changeons, ensuite, la manière dont sont mesurés les canaux de transmission : l'ouverture commerciale, l'éducation, les flux des investissements directs étrangers et le développement du secteur financier. 1- Nous calculons un nouvel indice d’ouverture en nous 5 La prise en compte de plusieurs variables de politiques macroéconomiques est en quelque sorte une façon de faire le test de robustesse. Cela permet d'éviter la surestimation de nos variables d'intérêts en ignorant les effets d'autres variables susceptibles d'affecter la PTF. 6 Alors que l'indice Fraser Institute est disponible depuis 1970, celui d'ICRG, commence en 1984. 7 Cette différente de significativité peut être liée à la bonne qualité de l’indice de l'ICRG par rapport à celui de Fraser Institute. (voiraussiMunck et Verkuilen 2002). 13 inspirant de celui proposé par Barro et Lee (19938). L'ouverture commerciale mesurée par la part des échanges extérieurs (importations plus exportations) dans le PIB peut être un mauvais indicateur statistique, car il ne tient pas compte de la propension naturelle des pays à commercer avec l'extérieur. Cette propension dépend elle-même probablement de la taille et de la position géographique de chaque pays. L’indicateur de Lee (1993) permet de traiter ce problème. Il est construit en divisant la variable d’ouverture commerciale (la part des importations dans le PIB) par une variable de propension naturelle à commercer9 : Mpib = ( M / PIB) / PE . Cela permet d’observer dans quelle mesure un pays est proche de la situation dans laquelle il échangerait sans barrières commerciales. 2- Nous utilisons, ensuite, le nombre moyen d'années de scolarisation de la population âgée de plus de vingt-cinq ans en début de période quinquennal au lieu du taux de scolarisation dans l'enseignement secondaire. Les données sont issues de Barro et Lee (1993). 3- Nous remplaçons l'inflation par la taille du gouvernement mesurée par la consommation finale publique en pourcentage du PIB. 4- Nous utilisons enfin l'offre monétaire globale (M2) en pourcentage du PIB à la place de crédit domestique en pourcentage du PIB (crédit combinés aux secteurs public et privé) pour évaluer le niveau de développement du marché financier. Après avoir corrigé l'endogénéité, on peut constater que le changement des variables d’approximation des canaux de transmission discutés dans la section 2 et issu de la théorie des droits de propriété ne change en rien les résultats. 5.3. Sensibilité des résultats à la composition de l’échantillon de pays Nous testons, enfin, la robustesse de nos résultats par rapport à la composition de notre échantillon qui comme nous l’avons indiqué précédemment est constitué de pays aux niveaux de développement très vairés. Cela nous amène à estimer notre modèle en divisant l'échantillon en deux sous-groupes de pays selon la classification économique: pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (l'OCDE par la suite) et pays non membres de l'OCDE. Par définition les pays hors OCDE sont plus pauvres et en deçà ou éloignés de la frontière technologique et les pays de l'OCDE sont plus riches et proches de la frontière technologique. La raison qui justifie notre démarche découle de la « nouvelle théorie institutionnaliste de la croissance » d'Acemoglu, Aghion et Zilibotti (2006)10 qui montre que les institutions économiques optimales sont très différentes dans les économies qui se situent loin de leur frontières technologique (comme la République Démocratique du Congo) et les économies qui sont proches des frontières ou au cœur d'innovation technologique (comme la France). Faire des estimations en mélangeant tous les pays pourrait donc entrainer un biais dans la mesure où toutes les économies ne se situent pas 8 Les résultats de ces tests sont disponibles auprès des auteurs sur demande. Lee (1993) établit une mesure alternative de l'ouverture commerciale en corrigeant les variables traditionnelles d'ouverture économique à l'aide d'un coefficient défini à partir d'un modèle gravitationnel. Cet indicateur estimé de propension aux échanges est une fonction négative de la superficie du pays et de la distance moyenne (pondérée par la valeur des échanges bilatéraux) qui sépare sa capitale des capitales des vingt premiers pays 9 PE = e 053S 003 D 095 , où S est la superficie et D la distance pondérée. PE = 0.528 − 0.026 * log surface − 0.095 * log dis tan ce . Il est obtenu en régressant (après exportateurs. Formellement il s'écrit: transformation logarithmique) la part des importations dans le PIB sur la superficie, la distance pondérée, le tarif moyen (droits de douane) et l'écart observé entre le taux de change de marché noir et le taux de change officiel. On contraint ensuite les coefficients des distorsions commerciales à être nuls, ce qui nous permet de déduire comme Lee (1993) une mesure de l'ouverture économique qui correspond à un monde où ne compteraient que la taille et la distance. L'estimateur d'ouverture économique dérivée de cette méthode correspond à la distance de chaque pays par rapport à son niveau "naturel" d'ouverture économique (des caractéristiques intrinsèques du pays et non liée à des distorsions de politique économique). 10 Acemoglu, Aghion, Zilibotti (2006) s'inspirent de Gerschenkron (1962) qui développent l'argument selon lequel des économies relativement attardées pourraient rattraper plus rapidement les pays les plus avancés en se dotant d'institutions "appropriées". 14 sur la même frontière technologique. Les tableaux 3 et 4 suivants présentent les résultats. Ces résultats confirment globalement ceux que nous avons obtenus dans l'ensemble de notre échantillon. Il existe, cependant des différences entre les pays de l’OCDE et les pays horsOCDE. Tableau 3 : Facteurs déterminant la croissance de la productivité: Robustesse avec le sous-échantillon de pays non membres de l’OCDE avec indice des Droits de propriété de Fraser Institute VARIABLES Ouverture PTF Ouverture PTF Education PTF IDE PTF 1 2 3 4 5 6 7 0.058*** (0.056) 0.001* (0.003) Education Investissement directs étrangers (IDE) 0.882* (5.687) 0.099** (2.321) Crédit domestique Droits de propriété Droits de propriété -1 Inflation Terme de change Ecart initial de la PTF Revenu initial 1970 Agriculture Constant Observations R² F-statistique Crédit domestique 8 0.006 (0.007) 0.029 (0.031) 0.217 (0.138) 4.680** (11.140) 0.011* (2.027) 0.025** (0.026) 0.066** (0.015) 0.003** (0.574) 0.004 (1.205) 0.051*** (1.058) 0.007 (1.255) 1.886** (0.935) 1.552* (1.017) 0.477* (1.247) 0.214 (1.541) 0.088* (1.663) -3.225*** (2.475) -1.245 (0.520) -2.624* (2.241) -1.006 (1.421) -4.257** (2.011) 3.245 (2.254) 192 0.364 36.32*** -3.224** (2.586) -1.624 (0.508) -2.567* (2.240) 0.021* (1.532) -4.175** (2.124) 6.004 (2.440) 192 0.805 34.01*** 3.752* (2.247) -1.751 (0.499) -3.855 (2.245) -0.070* (1.234) -4.475 (2.354) 4.268* (1.825) 192 0.207 26.21*** -4.214* (4.452) -1.650* (0.515) -3.241** (2.015) 1.241 (1.774) -3.885** (2.542) -1.068** (8.356) 192 0.890 27.12*** -2.752** -2.965*** -3.012 (3.248) (2.684) (2.578) -1.542 --1.654 -2.964 (0.495) (0.485) (0.496) -3.521** -3.245** -3.228* (2.652) (2.258) (1.932) -0.062 0.087* -0.052* (0.996) (1.127) (1.096) -4.652** 0.087* -4.321** (2.521) (1.127) (2.088) 2.431* -4.547*** 1.348* (2.587) (2.634) (1.036) 192 192 192 0.365 0.822 0.364 25.14*** 22.23*** 33.42*** -3.663*** (2.521) -4.002* (0.489) -3.574** (1.254) -2.011* (1.085) -4.542** (2.068) 3.354 (7.622) 192 0.895 39.32*** Note : Les instruments suivants ont été pris en compte: Moyenne régionale des droits de propriété, Moyenne régionale de qualité des institutions politiques, Origine légale britannique (droit commun), Origine légale française (droit civil), Orientation politique, Fragmentation ethnique et Pourcentage de population parlant anglais ou une autre langue européenne. Entre parenthèses les écart-types robustesavec ***, **, * utilisés pour désigner les coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. 5.3.1 Les pays hors-OCDE Les résultats de nos estimations économétriques pour les pays non membres de l'OCDE indiquent, premièrement, que la PTF reste affectée positivement et significativement par l'indice de protection de droits de propriété mais que la significativité baisse de manière importante. Les résultats pour les pays non membres de l'OCDE montrent, deuxièmement, que la sensibilité de l'éducation à la protection des droits de propriété n'est plus très forte. Cela signifie que l’influence du capital humain sur la croissance de la PTF baisse. Ce résultat peut s’expliquer par le faible niveau de la qualité des institutions dans la plupart des pays en développement. Il confirme les résultats antérieurs qui montraient que la productivité de l'éducation dépend de l'environnement institutionnel qui détermine à son tour le niveau d’investissement en capital humain. Dans la majorité de pays hors-OCDE 15 l'environnement politique et institutionnel pourrait être suffisamment mauvais pour que l'accumulation du capital humain affaiblisse la croissance de la PTF (voir aussi chez Berthélemy, Pissaridis et Varoudakis 1998). Tableau 4 : Facteurs déterminant la croissance de la productivité: Robustesse avec le sous-échantillon de pays membres de l’OCDE avec indice des Droits de propriété de Fraser Institute VARIABLES Ouverture PTF Ouverture PTF Education PTF IDE PTF 1 2 3 4 5 6 7 0.087*** (0.098) 0.003*** (0.005) Education Investissement directs étrangers (IDE) 0.047** (1.245) 0.111** (2.884) Crédit domestique 0.011* (0.109) 0.020 (0.034) 0.003 (0.024) 6.802*** (1.574) 0.018* (1.008) 0.005 (2.272) 0.014 (2.229) 0.008 (2.533) 1.662** (2.644) 0.334* (2.455) 0.030 (0.127) -0.007 (0.218) -0.284** (0.110) -0.012 (0.222) 0.087 (0.082) -0.063 (0.233) -4.361* (5.103) -0.257* (0.246) Ecart initial de la PTF -0.542* (0.121) -0.125* (0.105) -1.424 (0.020) -1.020** (0.102) Revenu initial 1970 -1.006 (4.047) 0.778*** (4.777) -0.071* (4.677) 3.124 (3.988) -0.099** (1.015) -4.175** (1.054) -0.009 (1.045) -0.254** (1.085) Observations R² 2.412 (2.254) 184 0.358 5.664** (2.440) 184 0.915 2.257 (1.852) 184 0.439 2.254** (8.352) 184 0.699 F-statistique 32.33*** 32.01*** 45.42*** 57.12*** Droits de propriété Droits de propriété -1 Inflation Terme de change Agriculture Constant Crédit domestique 8 0.022* * (0.026) 0.474* * (2.452) -0.047** -0.073 (0.108) (0.072) -0.077 -0.055 (0.251) (0.211) -1.024** 1.023* (0.021) * (0.202) -0.522 -0.045* (4.114) (4.852) 0.522* -0.074** * (1.085) (0.032) 3.452*** -3.055 (2.324) (2.257) 166 166 0.438 0.946 44.09* 43.05*** ** 0.0325** (0.011) 0.621** (0.867) 0.411 (2.622) 0.624* (2.565) 0.023 (1.055) -0.154 (0.214) -0.214*** (1.666) -0.523* (0.255) -0.054* (0.424) -0.012** (0.505) -0.222* (4.457) -3.053* (3.961) -0.652** (1.200) -0.004** (1.000) 0.000* (1.245) 168 0.435 5.328 (4.548) 168 0.926 36.12*** 39.22*** Note : Les instruments suivants ont été pris en compte: Moyenne régionale des droits de propriété, Moyenne régionale de qualité des institutions politiques, Origine légale britannique (droit commun), Origine légale française (droit civil), Orientation politique, Fragmentation ethnique et Pourcentage de population parlant anglais ou une autre langue européenne. Entre parenthèses les écart-types robustesavec ***, **, * utilisés pour désigner les coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Au sien de ces économies une partie significative du capital humain est employée dans des activités improductives. Il est, par conséquent, moins générateur de croissance. Comme l'ont suggéré Murphy, Shleifer et Vishny (1991), une part importante des ressources domestiques sous le contrôle discrétionnaire des autorités, ou une faible protection de la propriété privée (notamment intellectuelle) favorisent cette mauvaise allocation du capital humain en faisant de l'activité de recherche de rente un choix particulièrement attractif pour les agents les mieux dotés en capital humain. Ensuite, la qualité de l'éducation pourrait être si basse que les années 16 d'étude ne créent finalement aucun niveau de capital humain. Enfin, les rendements de l'éducation pourraient avoir baissé rapidement. La demande de main d’œuvre qualifiée reste stable alors que l’offre augmente du fait des investissements publics en éducation. Un déséquilibre s’installe ainsi entre l’offre et la demande. 5.3.2 Les pays OCDE Les résultats pour les pays de l’OCDE sont moins affectés. Il existe toujours des effets direct et indirect, positif et significatif, de l'indice de qualité du régime de propriété sur la croissance de la PTF (cf. Tableau 4). Il apparaît aussi (Tableau 4) que changer la mesure d'ouverture commerciale ; importations plus exportations dans le PIB par la part des échanges extérieurs dans le PIB de la propension naturelle de pays à commercer et le taux de scolarisation dans le secondaire par le taux de scolarisation dans le supérieur, n’affecte pas l’effet positif et significatif de l’indice de droit de propriété sur la PTF11. Le résultat relatif à la mesure de capital humain confirme par ailleurs le modèle théorique d' d'Acemoglu, Aghion et Zilibotti (2006) et converge avec le résultat de l'étude empirique de Aghion et Cohen (2004). Cette étude montre, en effet, que plus un pays se rapproche de sa frontière technologique, plus l'investissement dans l'éducation supérieure est rentable en termes de croissance de la productivité. 5. Conclusion Cet article a permis de montrer que des tests économétriques n’invalidaient pas la relation théorique définie a priori entre qualité du régime de propriété et productivité totale des facteurs. Il a identifié les raisons théoriques et empiriques qui permettent de soutenir que c’est la qualité du régime de propriété qui permet d’expliquer les différentiels de productivité entre les pays. Ce résultat permet de concilier l'approche smithienne et l'approche ricardienne du développement économique en mettant systématiquement en évidence la manière dont la protection des droits de propriété concourt à élever l'efficacité de la combinaison productive. La protection des droits de propriété réduit les coûts de transaction et les coûts d'information. Cela rend le capital physique et le capital humain plus productifs, expose les individus à la concurrence et donne confiances aux investisseurs indigènes ou étrnagers. Tous ces effets sont favorables à la productivité des facteurs. Les résultats empiriques indiquent aussi que ces effets sont statistiquement significatifs et robustes. La qualité du régime de propriété accroît la PTF (i) parce qu’elle limite les risques d’expropriation et favorise l’accumulation de capital humain et physique; (ii) parce qu’elle crée les conditions pour que les individus se tournent vers l’extérieur (ouverture commerciale), et (iii) parce qu’elles créent de la confiance pour les investisseurs étrangers. Ces résultats sont en accord avec la littérature contemporaine sur la croissance et confirment l’importance du régime de propriété dans l’élaboration d’un modèle de croissance durable. Ils montrent que les déterminants de la croissance mis en évidence par la théorie de la croissance endogène n’opèrent que dans un cadre institutionnel donné et favorable à la propriété privée. La capacité qu'ont certaines sociétés à mettre en place à faible coût des mécanismes institutionnels permettant le respect et l'application des contrats devient ainsi la cause principale des différentiels de productivité et de croissance économique entre les pays. Un bon régime de propriété encourage les entrepreneurs à accumuler et à investir. En revanche, 11 Lorsqu'on réalise les estimations avec l'ouverture (importation et exportation) dans le PIB et le taux de scolarisation dans le secondaire, les résultats sont contreproductifs. 17 l'absence de droits de propriété est une source de mauvaise allocation du capital physique et humain, incitant les individus les mieux dotés en ce domaine à se tourner vers des activités de recherche de rente et de corruption qui sont défavorables au processus de croissance de la PTF. Un cadre institutionnel qui ne protège pas les droits de propriété éloigne une part significative du capital humain des activités productives. La théorie des régimes de propriété conditionne donc la croissance de la PTF à la disponibilité de capital physique, humain et technique évoluant dans un environnement propice, c'est-à-dire en mesure d’en maximiser la productivité sociale. Un pays qui investirait en capital humain sans réformer son régime de propriété orienterait ses compétences, par exemple, vers des activités improductives et créerait ainsi à la fois une situation de sur et de mal investissement. Le capital humain ne servirait pas la croissance mais la production de réglementation qui aurait pour conséquence de nuire à la concurrence et in fine à l’amélioration de la productivité des facteurs. La possibilité d’acquérir des technologies et une protection des droits de propriété incitant l'allocation du capital humain vers les activités productives sont des conditions nécessaires pour enclencher un processus de croissance de la PTF. C'est ce qui distingue les pays qui ont un niveau et un taux de croissance élevés de la PTF des pays qui ont un niveau et taux de croissance de la PTF bas. Ce résultat renforce l’intérêt de tous les travaux qui cherchent à comprendre pourquoi certains pays ont des régimes de propriété favorables à la croissance économique et d’autres pas. Bibliographie Acemoglu D., AghionP. et Zilibotti F. (2006). ”Distance to frontier, selection, and economic growth”, Journal of the European Economic Association, vol.4, (1), pp.37-74. Aghion, P. et E. Cohen (2004). Education et Croissance, La Documentation française, Paris. Alchian, A. (1977). Economic Forces a Work, Liberty Press. Alchian, A. et Demsetz, H. (1972). “Production, Information Cost and Economic Organization”, American Economic Review, vol.62, pp.777-795. Andres, J. Domenech, R. et Molinas, C. (1996). “Macroeconomic Performance and Convergence in OCDE Countries”, European Economic Review, vol. 40, pp.1683-1700 Barro, R.J. (1997). Determinants of Economic Growth: A Cross-Country Empirical Study. MIT Press, Cambridge. Barro, R. J. et Lee, J-W, (1993). 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The Rise of the Western World: A New Economic History, Cambridge: Cambridge University Press, Traduction en français (1980), L'Essor du monde occidental, Flammarion, Paris. 21 Annexes Table A.1: Statiques descriptives des principales variables utilisées Variables Observations Moyenne Ecart- type Minimum Maximum Productivité totale des facteurs 815 0.067 0.079 -0.408 0.394 Institutions de droits de propriété 684 5.429 1.941 1.147 9.332 Ouverture commerciale 911 4.212 0.706 1.146 7.228 Capital humain 855 63.128 33.020 1.850 155.169 Crédits domestiques 841 42.569 39.610 1.063 240.868 Investissements directs étrangers 820 3.492 17.052 -16.637 355.737 Liste des pays Afrique du Sud, Angola, Albanie, Algérie, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie, Australie, Autriche, Azerbajan, Bahamas, Bahreïn, Bangladesh, Bélarusse, Belgique, Bolivie, Botswana, Brésil, Brunei Darussalam, Bulgarie, Burkina Faso, Cameroun, Canada, Chili, Chine, Colombie, Congo Démocratique, Congo République, Coréen du sud, Coréen du nord, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Croatie, Chypre, Cuba, Danemark, Egypte, El Salvador, Equateur, Espagne, Estonie, Etats-Unis, Fiji, Finlande, France, Gabon, Ghana, Gambie, Grèce, Guatemala, Guinée Bissau, Guyana, Haïti, Honduras, Hongrie, Island, Inde, Indonésie, Irak, Iran, Ireland, Israël, Italie, Jamaïque, Japon, Jordan, Kazakhstan, Kenya, Kuwait, Lettonie, Liban, Liberia, Libye, Lituanie, Luxembourg, Madagascar, Malawi, Malaysia, Mali, Malta, Mexico, Maroc, Moldavie, Mongolie, Mozambique, Myanmar, Namibie, Nicaragua, Niger, Nigeria, Nouvelle Zélande, Norvège, Oman, Pakistan, Panama, Papouasie Nouvelle Guinée, Paraguay, Pays-Bas, Pérou, Philippines, Pologne, Portugal, Qatar, République Dominicaine, République Slovaque, Roumanie, Royaume Unie, Samoa, Sénégal, Sierra Leone, Singapore, Slovénie, Somalie, Soudan, Sri Lanka, Suède, Suisse, Suriname, Syrie, Taiwan, Tanzanie, Tchad, Thaïlande, Togo, Trinité Tobago, Tunisie, Turquie, Uganda, Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Yémen, Zambie, Zimbabwe. 22 Table A.2: Description des données utilisées Variables Productivité totale des facteurs Indice de droits de propriété de Fraser Institute. Indice de droits de propriété de Fraser Institute. Indice des institutions politiques. Indice de régulation des activités économique L’ouverture commerciale. Propension naturelle à échanger Description et Sources Il s’agit de la croissance de la productivité est obtenue de façon résiduelle, en calculant la dérivée du logarithme du résidu par rapport au temps. La productivité totale des facteurs telle que mesuré comme la composante du taux de croissance du produit inexpliquée par les taux de croissance des facteurs de production pondérés par la part de leur rémunération dans le produit, ce qui correspond à la définition du taux de croissance du résidu de Solow. Mesure la qualité des institutions de protection des droits de propriété privée dans un pays. Les données datent de 1970-2005, proviennent de Fraser Institue et sont disponibles à partir de l’adresse suivante :http://www.freetheworld.com/release.html. Mesure la qualité des institutions de protection des droits de propriété privée dans un pays. Les données datent de 1970-2005, proviennent de Fraser Institue et sont disponibles à partir de l’adresse suivante :http://www.freetheworld.com/release.html. Mesure la participation des citoyens au processus politique y compris le droit de vote, la compétition pour l’occupation de postes officiels, et le choix par le vote des décideurs politiques. Les données proviennent de Freedom House. Mesure l’efficacité de la régulation des marchés du crédit, du travail, et la régulation des activités des entreprises privées. Les données proviennent de Fraser Institute Il s’agit du rapport des importations plus exportations sur PIB aux prix constants de 1990. Sources : World Development Indicators, Banque Mondiale. Investissements directs étrangers Source : Lee (1993). Statistique disponible dans la base de données de Barro et Lee, sous forme logarithmique. Il s’agit d’influx (flux entrants) nets des investissements directs étrangers en pourcentage du PIB. Sources : World Development Indicators, Banque Mondiale. Développement financier. Il s’agit de total de crédits domestiques du secteur privé en pourcentage du PIB. Les données sont extraites de la base de données de World Development Indicators, Banque Mondiale. Education Terme de change Agriculture Il est mesuré par le taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire pondéré par la part de la population âgée entre 15 et 19 ans. Sources : World Development Indicators, Banque Mondiale. Il s’agit du rapport du taux de change de marché, ou parallèle, au taux de change officiel. Source Banque mondiale. La valeur ajoutée du secteur de l’agriculture en pourcentage du PIB. Source : World Development Indicators, Banque Mondiale. 23 Inflation Taux de croissance quinquennal du déflateur du PIB. Source : World Development Indicators, Banque Mondiale. Masse monétaire Rapport de la masse monétaire, au sens M2, sur PIB. Source : World Development Indicators, Banque Mondiale. Infrastructures Les lignes téléphoniques fixées qui relient l’équipement terminal d’un abonné au réseau téléphonique public et ayant un port sur un central téléphonique. Canaux intégrés de services de réseau numérique et abonnés fixes sans fil sont inclus. Sources : World Development Indicators, Banque Mondiale. 24 Tableau A.4 : Facteurs de la croissance de la productivité totale des facteurs : Robustesse avec indice des Droits de propriété ICRG VARIABLES OuvertureM/PE PTF Ouverture M/PE PTF Education PTF IDE PTF 1 2 3 4 5 6 7 0.312*** (1.084) 0.061*** (0.023) Education Investissement directs étrangers (IDE) 0.585*** (0.025) 0.522*** (0.206) Crédit domestique Droits de propriété (ICRG) Droits de propriété -1 (ICRG) Inflation Terme de change Ecart initial de la PTF Revenu initial 1970 Agriculture Constant Observations R² F-statistique Crédit domestiqu e 8 0.115* (0.902) 0.203** (0.634) 0.099* (0.611) 0.211** (2.373) 0.291** (0.902) 0.093* (0.326) 0.083* (0.312) 0.847** (0.627) 0.102** (0.105) 0.289** (0.097) 0.093** (0.524) 1.956*** (1.005) 0.216** (1.055) 0.053** (0.337) 0.202** (0.064) 0.501** (0.024) -1.001** (1.096) --0.901 (1.005) -1.076** (0.522) 0.816* (0.971) -1.222** (2.205) -2.223** (1.233) 206 0.802 64.29*** 1.012 (1.191) -2.257 (0.660) -0.122* (0.601) -0.244* (0.101) -1.127* (1.045) 0.473 (1.025) 236 0.405 51.05*** -1.234* (1.325) -0.650* (0.523) -0.503* (0.814) -5.151*** (1.044) -1.014* (1.022) -5.22** (7.622) 236 0.904 39.22*** -0.903 (0.435) -1.001 (0.252) -0.842* (0.086) -0.732* (1.421) -1.004* (1.001) 0.211 (0.442) 212 0.452 53.32*** -1.010** -0.803* -1.191* -0.921 (1.041) (1.550) (1.023) (1.722) -1.021 -1.245 -1.001** -1.021 (0.501) (1.215) (1.023) (0.217) -0.321*** -1.226 -1.092*** -1.029*** (0.505) (0.151) (0.252) (0.060) 0.437* -0.109*** 0.354*** -0.152** (0.021) (0.038) (2.151) (0.924) -1.014* -1.024 -1.011* -1.025* (1.108) (1.024) (1.0211) (1.021) 2.088* 0.228 -4.254** 0.001 (0.563) (1.005) (2.081) (2.222) 212 216 216 206 0.811 0.402 0.912 0.453 38.01*** 25.42*** 61.12*** 54.05*** Note : Les instruments suivants ont été pris en compte: Moyenne régionale des droits de propriété, Moyenne régionale de qualité des institutions politiques, Latitude, Origine légale britannique (droit commun), Origine légale française (droit civil), Orientation politique, Fragmentation ethnique et Pourcentage de population parlant anglais ou une autre langue européenne. Entre parenthèses les écart-types robustesavec ***, **, * utilisés pour désigner les coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. 25 Tableau A3 : Facteurs de la croissance de la productivité totale des facteurs : Robustesse avec indice des Droits de propriété et de régulation des activités économiques de Fraser Institute en tenant compte des autres mesures de politiques macroéconomiques VARIABLES OuvertureM/PE PTF Ouverture M/PE PTF Education PTF IDE PTF 1 2 3 4 5 6 7 Crédit domestiqu e 8 0.794*** (3.065) 0.065*** (2.588) Durée de scolarisation +25 ans Investissement directs étrangers (IDE) 0.741*** (4.302) 0.822** (6.479) Offre de monnaie M2 0.089* (2.017) 0.040* (2.562) 0.235* (2.015) 0.249** (2.416) 0.092** (2.881) 0.244* (2.264) 0.242* (1.561) 0.247** (2.124) 0.349** (2.521) 0.443** (2.422) 0.206* (2.254) 4.444*** (2.248) 0.236* (2.066) 0.457** (2.426) 0.452** (2.488) 0.459* (2.722) Régulation économique 0.443*** (1.442) 0.405*** (2.943 0.276*** (1.546) 0.396*** (1.462) 0.45*** (1.406) 0.413*** (1.901) 0.379*** (1.069) 0.496*** (1.632) Taille du gouvernement -0.751 (0.254) -0.205** (0.028) 0.255 (0.541) --0.851 (1.588) -0.563** (0.554) 3.904* (1.028) -1.08** (2.085) -1.223** (4.654) 244 0.812 24.29*** 0.094 (0.432) -0.822 (1.039) -0.524* (0.597) -3.555** (0.588) -1.086* (1.566) 0.257 (4.001) 254 0.335 31.05*** 0.204 (0.244) -0.474* (1.063) -0.482* (0.944) -6.022*** (1.044) -1.015* (1.427) -0.299** (6.055) 254 0.925 29.22*** Droits de propriété Droits de propriété -1 Terme de change Ecart initial de la PTF Revenu initial 1970 Agriculture Constant Observations R² F-statistique -0.544* (0.486) -4.077** (0.541) -1.110* (2.055) 0.357 (5.066) 252 0.342 23.32*** 0.203 0.025 0.266 (0.271) (1.248) (0.885) -0.714 -0.877** -0.833 (1.854) (1.665) (1.547) -0.452* -0.467 -0.485** -0.521*** (0.625) (0.522) (0.498) (0.053) 4.026* -4.088*** -3.014*** -4.062** (0.652) (0.581) (2.520) (1.021) -1.241*** -1.365 -1.154*** -1.247** (2.122) (2.055) (1.444) (1.457) 1.058*** 0.184 -0255 1.526** (5.064) (4.661) (7.524) (4.954) 252 252 252 244 0.801 0.332 0.911 0.343 30.01*** 23.52*** 21.37*** 34.24*** Note : Les instruments suivants ont été pris en compte: Moyenne régionale des droits de propriété, Moyenne régionale de qualité des institutions politiques, Latitude, Origine légale britannique (droit commun), Origine légale française (droit civil), Orientation politique, Fragmentation ethnique et Pourcentage de population parlant anglais ou une autre langue européenne. Entre parenthèses les écart-types robustesavec ***, **, * utilisés pour désigner les coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. 26