La famille RADISSON-HAYET Le nom de Madeleine Hénault n’est guère connu. Pourtant, cette Parisienne qui ne quitta jamais le sol français fournit quatre de ses enfants à la Nouvelle-France : Marguerite Hayet, Françoise, Élisabeth et Pierre-Esprit Radisson. 1. Sébastien HAYET Marguerite Madeleine HÉNAULT Françoise 2. Pierre-Esprit RADISSON Élisabeth Pierre-Esprit . L’aînée, Marguerite Hayet, naît vers 1631 dans la paroisse Saint-Paul de Paris et en 1646 au plus tard, elle part pour la colonie. Elle épouse là-bas Jean Véron, sieur de Grandmesnil, avec lequel elle donne vie à une fille et deux garçons. Le 19 août 1652, Jean Véron est tué par des Iroquois et Marguerite épouse en secondes noces Médard Chouart, veuf d’Hélène Martin. Le couple enfante à quatre reprises. Marguerite n’est inhumée que le 22 juin 1711, à l’âge approximatif de 80 ans. . Françoise (elle porte une fois le prénom de Françoise-Geneviève) Radisson, dont le père est Pierre-Esprit Radisson, ne connaît pas une vie aussi longue que sa demi-soeur : née vers 1636 dans la paroisse de Saint-Sulpice de Paris, elle est mentionnée pour la première fois en Nouvelle-France en 1649. Ce n’est que vers 1653 qu’elle épouse Claude Volant dit SaintClaude de qui elle a neuf enfants. Elle s’éteint le 2 octobre 1677 et est inhumée le lendemain. . Élisabeth Radisson, quant à elle, naît aux alentours de l’année 1635, dans la paroisse de Saint-Sulpice de Paris, et traverse l’océan en 1657 au plus tard, année de son mariage avec Claude Jutras. Le frère cadet de celui-ci, Dominique, émigre aussi et épouse de son côté Marie Niquet en 1684. Élisabeth et Claude Jutras ont neuf enfants. Jutras est inhumé avant le 28 novembre 1710 tandis qu’Élisabeth Radisson lui survit durablement : elle est inhumée à son tour le 11 mai 1722. . L’enfant de Madeleine Hénault dont la vie est de loin la plus remarquable et la plus connue, est cependant sans conteste Pierre-Esprit Radisson. Né vers 1636, dans la même paroisse que ses deux sœurs, on suppose qu’il accompagne Marguerite Hayet lors de sa traversée, à moins qu’il ne la rejoigne plus tardivement en Nouvelle-France, à Trois-Rivières. Jeune encore, il est capturé par les Iroquois, peut-être en 1651, selon Grace Lee Nute. Adopté, il se familiarise avec le langage, les rites et les coutumes indiennes mais n’oublie pas cependant d’où il vient et tente une première fois de s’échapper. Les Indiens le rattrapent et le torturent mais épargnent sa vie. Ce n’est qu’en 1653 qu’il parvient finalement à gagner la place hollandaise de Fort Orange, après un geste en sa faveur du gouverneur, que Radisson avait trop rapidement écarté. Radisson sert alors d’interprète pour les Hollandais, jusqu’à ce que le père jésuite Joseph-Antoine Poncet ne le ramène en Europe, à Amsterdam, au début de l’an 1654. Libre d’agir à sa guise, il retourne à Trois-Rivières où il retrouve sa demi-sœur Marguerite. Le second époux de cette dernière est absent : Médard Chouart Des Groseilliers, parti pour une exploration dans l’intérieur des terres avec des Indiens Outaouais, en quête de fourrures jusqu’au lac Michigan. Suivant son exemple, Radisson se joint en 1657 à des missionnaires jésuites qui s’aventurent sur les terres iroquoises, dans la mission de Sainte-Marie de Gannentaa. Les Indiens ne voient pas d’un bon œil cette présence étrangère et les Français comprennent qu’ils ne devront leur salut qu’à un stratagème leur permettant de se retirer sans conflit ouvert. Selon le récit de Radisson, ils convient les Iroquois à un banquet au cours duquel ils les droguent probablement, les enivrant de boissons et de musique avant de s’échapper au plus vite. En 1659, fort de cette expérience, Radisson obtient de son beau-frère Des Groseilliers qu’ils s’associent pour explorer les côtes du lac Supérieur. Faussant compagnie à un homme que le gouverneur Voyer d’Argenson souhaite voir partir avec eux, ils quittent la colonie pour ces terres méconnues. Ils rencontrent des Indiens Hurons et Outaouais avec lesquels ils passent un hiver rigoureux, échappant de peu à la famine, puis nouent une relation avec le peuple Sioux. Radisson approfondit sa connaissance des coutumes indiennes qu’il décrit dans le récit de son voyage. Le retour à Trois-Rivières survient le 24 août 1660, en compagnie de 300 Indiens. Le journal des Jésuites indique qu’« ils estoient partis du lac Superieur 100 canots ; 40 rebrousserent chemin, & 60 arriverent icy chargés de pelleteries pour 200 000 livres ; ils en laisserent pour 50 000 livres à Montreal. » L’expédition de Radisson et Des Groseilliers permet de sauver la colonie de la déroute financière qui menace mais le gouverneur, probablement touché de ne pas avoir eu d’homme pour le représenter dans ce haut fait, prétexte le départ sans autorisation des deux explorateurs pour confisquer presque l’ensemble des fourrures, jeter Des Groseilliers en prison et les sanctionner d’une amende. Source : http://www.civilization.ca. Les expéditions de Médard Chouart Des Groseilliers et de Pierre-Esprit Radisson (1654 et 1659-1660) La frustration et l’injustice ressenties par les deux associés sont naturelles et l’attitude irréfléchie du gouverneur d’Argenson va priver la Nouvelle-France de deux hommes actifs et compétents, à l’heure où elle en a encore grandement besoin. Radisson et Des Groseilliers envisagent d’exploiter les ressources offertes par la Baie d’Hudson et pour ce faire, finissent par chercher un appui en Nouvelle-Angleterre. Malgré au moins deux tentatives infructueuses pour gagner la Baie d’Hudson, un commissaire du roi d’Angleterre remarque l’activité de ces hommes entreprenants et les convainc de rencontrer son monarque, Charles II, à Londres. Les deux explorateurs atteignent la capitale anglaise après un voyage mouvementé au cours duquel le navire Le Charles qui les emporte est arraisonné par un corsaire hollandais qui débarque ses captifs en Espagne. De 1666 à 1668, sous la tutelle de Charles II, les tentatives pour accéder à la baie d’Hudson se multiplient et Des Groseilliers seul y parvient. Radisson, dont le navire dans cet ultime essai s’est échoué, retourne à la cour de Londres et achève le manuscrit de la relation de ses aventures. La Hudson’s Bay Company, qui regroupe les financiers du projet de Radisson et Des Groseilliers, reçoit sa charte le 2 mai 1670. Les deux explorateurs contribuent alors à son rapide essor en assurant les échanges avec les Indiens et l’affermissement de la mainmise anglaise sur la Baie d’Hudson par la fondation de postes de traite. Jusqu’en 1675, les Français œuvrent pour la couronne anglaise dans la rivalité grandissante autour de la Baie d’Hudson. Le père français Albanel, au cours de sa captivité en Angleterre, parvient néanmoins à les faire changer de camp : Radisson et Des Groseilliers poursuivent dès lors leur commerce avec la France. Colbert n’accorde pas sa confiance à Radisson dont l’épouse n’a pas quitté l’Angleterre, mais il signe avec le roi les lettres de rémission accordées aux deux explorateurs. Indiens avec Pierre Esprit Radisson et Médard Chouart, Sieur Des Groseilliers au Fort Charles en 1671 Peinture : Lorne Bouchard - Hudson's Bay Company Archives, Provincial Archives of Manitoba, P-448 De 1677 à 1678, tandis que Des Groseilliers vit à Trois-Rivières, Radisson est engagé dans une expédition du vice-amiral d’Estrées contre les colonies hollandaises d’Afrique. L’affaire tourne vite mal : presque tous les navires touchent des écueils en mer des Caraïbes et coulent ; Radisson a la chance d’en réchapper. De retour en France, ses compétences sont reconnues par un marchand canadien, Charles Aubert de la Chesnaye. Sa Compagnie du Nord reçoit une charte officieuse en 1682. Le projet de la Chesnaye est de fonder un comptoir dans la Baie d’Hudson, à l’embouchure de la rivière Nelson. La présence de Radisson et de Des Groseilliers de nouveau à ses côtés suffit à assurer la supériorité française sur une expédition rivale de la Hudson’s Bay Company malgré la mauvaise volonté affichée par le nouveau gouverneur Frontenac, en raison du manque de reconnaissance officielle de la Compagnie du Nord. C’est pourquoi les deux hommes se présentent à une assemblée extraordinaire du Conseil souverain, le 10 novembre 1683, en présence des plus hauts fonctionnaires de la colonie afin de faire valoir « de la clemence du Roy des lettres de pardon et remission pour le mal’heur dans lequel ils estoient tombez de faire et contracter amitié avec des estrangers qui les avoient induits de quitter les lieux de son obeïssance » ; lettres qui, semble-t-il, s’étaient perdues dans la paperasserie du greffe du Conseil. Envoyés en France afin de disputer leur droit à jouir librement de leurs prises sur les biens anglais, ils apprennent la mort de Colbert – leur seul soutien à la Cour – et l’attaque en justice menée contre eux par la Hudson’s Bay Company. Les tractations politique et financières issues de cette affaire se concluent par le retour en Nouvelle-France de Des Groseilliers et celui de Radisson au service des Anglais en 1684… Aussitôt, Radisson est envoyé au nouveau comptoir français de la rivière Nelson, bâti auparavant grâce à lui, où il persuade le fils de son ancien associé, Jean-Baptiste Chouart, de livrer le poste à la compagnie anglaise, avec ses hommes et ses pelleteries. Chouart allait regretter longtemps ce choix et tenter à plusieurs reprises de revenir sous le drapeau français, sans succès, bien que naturalisé en 1687 avec Radisson. À partir de 1685, les autorités en France et en Nouvelle-France souhaitent le retour de Radisson à Québec, offrant même une récompense de 50 pistoles pour qui y parviendra, mais en vain. En 1687, Radisson quitte définitivement la Baie d’Hudson et le continent américain pour Londres où il poursuit plus paisiblement sa vie en compagnie de sa seconde épouse, Margaret Charlotte Godet, mariée le 3 mars 1685. Pierre-Esprit Radisson vit de ses rentes, se remarie une dernière fois entre 1692 et 1710. Il a trois filles d’une certaine Élizabeth, peu de temps avant qu’il ne rédige son testament, le 17 juin 1710, et que ne survienne sa mort la même année, avant le 2 juillet. Quant à Médard Chouart Des Groseilliers, sa carrière semble elle aussi à l’arrêt après son retour en Nouvelle-France en 1684. On perd presque totalement sa trace mais 1696 est l’année la plus probable de sa mort, peut-être dans la paroisse de Sorel. Portrait de Pierre-Esprit Radisson Archives nationales du Canada, C-015497 LACROIX Thomas mise à jour : 13/04/05