Commémorer l`Armistice de 1918 11 nOvEmBRE

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Civisme &
dÉmocratie
MÉMOIRE ET HISTOIRE
REPÈRES POUR ÉDUQUER
REPÈRES POUR ÉDUQUER
MÉMOIRE ET HISTOIRE
Civisme &
dÉmocratie
Le CIDEM est un collectif d'associations qui a pour but de promouvoir
le civisme et revitaliser la démocratie. En tant que centre national de ressources
pour l’éducation à la citoyenneté, le CIDEM développe une collection d’ouvrages
pour donner des repères essentiels et l’envie d'en savoir plus.
Cette collection se décline en six grandes thématiques : Droits, Mémoire et Histoire,
Europe, Solidarité fraternité, Développement durable et Démocratie citoyenneté.
Tous les ouvrages de cette collection sont disponibles sur le site du CIDEM :
www.cidem.org
REPÈRES POUR ÉDUQUER
DROITS
Respecter la dignité et les droits de chacun.
EUROPE
Être citoyen européen.
MÉMOIRE et HISTOIRE
Connaître le passé pour éduquer à la citoyenneté aujourd’hui.
SOLIDARITÉ fraternité
11 NOVEMBRE
Agir au quotidien et vivre ensemble.
DÉVELOPPEMENT DURABLE
Agir et comprendre pour les générations futures.
DÉMOCRATIE citoyenneté
16, boulevard Jules-Ferry - 75 011 Paris
Tél. : 01 43 14 39 40 – Fax : 01 43 14 39 50
PHOTO DE COUVERTURE : Lycée Arago-Paris/Droits réservés
Participer à la vie démocratique.
Commémorer
l’Armistice
de 1918
Lazare Ponticelli
La France
rend
au dernier
M.Pourny/ONAC 94–DR
Le dernier survivant français de la Grande Guerre s’appelait
Lazare Ponticelli, il est mort le 12 mars 2008.
Lazare Ponticelli,
le dernier survivant
français de la Grande
Guerre.
Arrivé en France en 1906, à l’âge
de neuf ans, cet immigré italien
a rejoint le front en 1914, en
s’engageant dans l’armée française où il est incorporé au sein
de la Légion étrangère (il ne sera
naturalisé qu’en 1939).
C’est un adolescent de seize ans,
qui a dû mentir sur son âge pour
aller se battre.
Concernant les raisons de son
engagement, Lazare Ponticelli
dit avoir voulu défendre la
France « parce qu’elle [lui] a
donné à manger », et aussi parce
que l’armée lui donnerait du
2 repères pour éduquer
pain. En 1915, lors de l’entrée en
guerre de l’Italie aux côtés de la
France, il est contraint de rejoindre l’armée italienne. Lazare
témoigne avoir vite perdu le
sens de cette guerre : « On se
tirait dessus et on ne se connaissait pas. Pourquoi ? ».
Il rapporte également avoir participé, sur le front italo-autrichien, à des scènes de fraternisation entre soldats ennemis.
De retour en France en 1918, il
réussit à développer une petite
entreprise de ramonage qui
deviendra une grande société de
maintenance industrielle.
Des obsèques nationales
La disparition du « dernier poilu »
a donné lieu à des obsèques
nationales, le 17 mars 2008, lors
d’une cérémonie officielle aux
Invalides. Sur tout le territoire
national des hommages ont été
rendus : rassemblements devant
les monuments aux morts, minutes de silence, drapeaux en berne,
évocations dans les établissements
scolaires… Lazare Ponticelli n’avait pourtant accepté le principe d’obsè-
hommage
poilu
ques nationales que tardivement, après le décès de Louis
de Cazenave – l’avant-dernier
survivant - et à la condition que
la cérémonie se déroule dans le
cadre d’un hommage à tous les
poilus.
Lors de la cérémonie officielle, le
Président de la République a
dévoilé une plaque, apposée
sous le Dôme des Invalides, en
mémoire de l’ensemble des
combattants de la Première
Guerre mondiale. Il a ensuite
prononcé un discours exaltant
le souvenir des anciens combattants de la Grande Guerre et
affirmant qu’il «est de notre
devoir que, par-delà l’Histoire, la
mémoire demeure malgré tout
vivante. »
Commémorer le
11 novembre aujourd’hui…
Chaque année, Lazare Ponticelli
assistait aux commémorations
du 11 novembre dans sa commune du Kremlin-Bicêtre. À des
collégiens qui l’interrogeaient
en 2007, il confiait : « Je continue
à témoigner et à participer aux
cérémonies du 11 novembre car
je me suis promis de respecter
jusqu’au bout le serment que
nous nous faisions avant de
11 novembre : commémorer
l’Armistice de 1918,
l’occasion d’un moment
de réflexion avec
les jeunes générations.
monter à l’assaut : “Si je meurs,
tu penseras à moi !”».
Le 11 novembre, date anniversaire de l’Armistice de 1918, est
l’occasion de retracer l’histoire
de la mémoire de la Grande
Guerre.
Or, la mémoire n’est pas l’histoire....
Quel message les commémorations nous transmettent-elles
de ce que fut la Grande Guerre?
Le 11 novembre est l’occasion de
découvrir les monuments aux
morts, de revisiter l’Histoire, les
lieux de mémoire… et de mesurer les écarts entre la mémoire
des différents groupes, à l’échelle
locale, et entre différents pays...
et de réaliser comment plusieurs
mémoires peuvent se constituer
autour d’un même événement.
Les mots en bleu
dans le texte sont
définis dans
le lexique page 31.
le 11 novembre 3
Retour sur la Grande Guerre
Jeu des
alliances et rivalité
entre les puissances
PREMIÈRE GUERRE MONDIALE : les alliances lors des entrées en guerre
Pour les dirigeants des puissances concernées, la guerre est le moyen
de régler leurs différends territoriaux en Europe ou dans les colonies.
Toutefois, l’entrée en guerre massive des Etats européens s’explique par
le jeu d’alliances qui ont soudé deux camps, opposés l’un à l’autre.
L’engagement dans le conflit semble faire l’unanimité : les crédits de
guerre sont votés presque sans opposition en France, en Allemagne
et au Royaume Uni. Le rassemblement de la majorité des partis politiques, des autorités religieuses et des syndicats autour de la défense
de la patrie est appelé « Union sacrée » en France par le président
Poincaré, « Burgfrieden » - « trêve interne » - en allemand.
Comment ont réagi les populations concernées ? Les soldats ont massivement obtempéré à l’ordre de mobilisation : en France, 1,5 % des
appelés ne se sont pas présentés alors que l’État-major craignait que
10 % des conscrits ne leur fassent faux bond. En 1914, les soldats partent en guerre par obligation, par sens du devoir ou par patriotisme.
500 km
0 km
Norvège
Suède
Zones de tension,
revendications nationalistes
Mer
du Nord
Royaume-Uni
Pays-Bas
Pays ralliés à
l'Entente après 1914
Mer
Baltique
Danemark
Triple Entente et ses alliés
en 1914
Océan
Atlantique
Empire
allemand
Belgique
France
Triple Alliance (Triplice) et
ses alliés
Empire
austro-hongrois
Suisse
Royaume
du
Portugal
Empire russe
Italie
Serbie
Royaume
d'Espagne
Montenegro
Roumanie
Bulgarie
Albanie
« Le 5 août au soir…
Maintenant j’y suis,
en guerre et il pleut à
cordes. Quand nous
avons été trempés
comme des soupes
nous sommes montés
dans le train […] Les
journaux ont déjà dit
qu’en partant, tous
criaient : « À Berlin ! ».
Mais ce n’est pas vrai. »
civismeet
Afrique du Nord française
Empire
ottoman
Royaume
de Grece
Méditerranée
www.cidem.org
L’image de soldats partis « la fleur au fusil » mérite d’être nuancée . Les
photographies de scènes de liesse sur les quais des gares au moment du départ
des soldats ont été, souvent, mises en scène : les gouvernants des différents
États avaient convoqué fanfares et drapeaux dans les grandes gares.
4 repères pour éduquer
« Les hommes
pour la plupart
n’étaient pas gais ;
ils étaient résolus,
ce qui vaut mieux. »
Marc Bloch,
Souvenirs de guerre 1914-1915
source documentation CIDEM–DR
Triple Alliance, Triple Entente,
voir lexique page 31.
Documentation CIDEM–DR
Témoignage de Xavier Buzy,
paysan béarnais.
Archives départementales
Mer
Mer Noire
En France, le leader
socialiste Jean Jaurès,
qui s’oppose avec
véhémence à l’idée
de la guerre,
est assassiné à Paris
le 31 juillet 1914.
le 11 novembre 5
Retour sur la Grande Guerre
Des sociétés dans la tourmente
d’une guerre totale
6 repères pour éduquer
e (Somme
)
che-Hongrie où les Tchèques sont
surveillés de près - comme le raconte avec humour Jaroslav
Hašek dans son roman « Le brave
soldat Chvéïk » -.
Dans l’Empire ottoman, cette traque de « l’ennemi intérieur » mène
le gouvernement Jeune-Turc à
perpétrer un génocide.
Grande
Guerre
– Péronn
Le génocide
des Arméniens © Yazid Medmou
À l’Ouest, rien de
nouveau, roman de
Erich Maria Remarque.
La guerre industrielle impose un
immense effort de production
pour livrer des armes et munitions, ravitailler les soldats… À
l’arrière, les civils, les prisonniers
de guerre et la main d’œuvre coloniale font tourner les industries
et nourrissent, autant que possible, le pays. Les impôts augmentent, des emprunts de guerre sont
émis alors que l‘inflation se développe.
Les civils sont aussi les cibles de
la violence de guerre. L’offensive
allemande de 1914 provoque
l’exode de millions de civils en
Belgique, en France du Nord et de
l’Est. À l’invasion succède une occupation extêmement dure :
pillage économique, famine,
transfert de travailleurs forcés
vers l’Allemagne et d’autres territoires occupés, incendies, otages
fusillés…
Des mesures de surveillance particulières visent les populations
conquises et les minorités, soupçonnées de trahison comme en
Allemagne, où les Juifs sont particulièrement visés, ou en Autri-
ial de la
Mère, que pourrais-je
te répondre ? Tu ne le
comprendrais pas, non,
jamais tu ne le
saisirais. Il ne faut pas,
non plus, que tu le
comprennes jamais. Tu
me demandes si c’était
dur ? C’est toi qui me
demandes cela, toi,
mère ! Je secoue la tête
et dis : « Non, mère,
pas tant que ça.
Nous sommes
là-bas beaucoup
de camarades
et ce n’est pas si dur
que ça » .
Une guerre totale
ion Histor
n/ Collect
« Cela
a-t-il
été très
dur,
là-bas,
Paul ? »
En arrivant au front, les soldats
s’attendent à une guerre courte,
mais dès la fin de 1914, les armées sont enlisées dans une
guerre de position : les soldats
creusent des tranchées dans le
cadre d’une stratégie défensive.
La guerre sera une expérience
terrible : chaque jour 1 millier
environ de soldats de chaque
camp sont tués. Les poilus sont
soumis aux aléas climatiques, ils
vivent dans la boue, entourés de
cadavres. La mise au point d’armes nouvelles – chars d’assaut,
lance-flammes… - et l’utilisation
des gaz transforment le front en
un véritable enfer.
Les soldats peuvent difficilement
rapporter leur expérience à leurs
proches restés à l’arrière : ils hésitent à raconter leurs souffrances à leur famille. De plus, leur
courrier est soumis à la censure :
les autorités sont soucieuses du
moral de la population civile qui
participe à l’effort de guerre.
Ce silence creuse encore davantage le fossé entre le front et l’arrière, nourrissant parfois le mépris des soldats pour les civils.
La propagande est à l’œuvre
pour inciter les civils
à soutenir le plus possible
leur pays.
Au tournant du XXe siècle le
gouvernement du Sultan organise
une série de massacres visant les
Arméniens de l’Empire ottoman.
Dès le début de la Première Guerre
mondiale, le gouvernement
des Jeunes Turcs poursuit les
persécutions envers la minorité
chrétienne accusée de trahison.
À partir d’avril 1915, les massacres
se mutiplient et les populations
arméniennes sont
systématiquement déportées
vers les déserts de Syrie,
condamnées à y mourir de faim,
de soif et d’épuisement.
Les 2/3 de la population arménienne,
1 à 1,5 million d’hommes, femmes
et enfants, ont été assassinés.
le 11 novembre 7
11 novembre 1918
Après l’armistice de Salonique
(29 septembre 1918) avec la Bulgarie, celui de Moudros avec
l’Empire ottoman (30 octobre
1918) et de Villa-Giusti avec
l’Autriche-Hongrie (4 novembre
1918), la France signe le 11 novembre 1918 – au nom des puissances alliées – un armistice avec
l’Allemagne. Initialement conclu
pour une durée de 36 jours, il met
fin aux combats entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et
les États-Unis.
11 novembre 1918,
11 heures.
dr
L’armistice suspend les combats
en Europe mais ne met pas fin à la
guerre : la paix avec l’Allemagne
sera signée en juin 1919… mais
en France, à 11 heures, toutes les
cloches se mettent à sonner et
l’annonce de l’armistice déclenche une explosion de joie. Dans
tout le pays, des fêtes, des défilés
s’improvisent.
Le silence tombe sur les champs
de bataille. Les visages sont graves, plongés dans le doute : « En
un instant ce fut fini. On se demande parfois s’il est bien vrai que
ce soit la fin. » (Un soldat du 151e
R.I.). Vers Charleville-Mézières,
peu avant 11 heures, des soldats
français essuyaient encore des
tirs de mitrailleuse et des salves
d’obus.
La joie se mêle de tristesse : des
soldats enfilent un brassard noir
en signe de deuil pour leurs camarades disparus.
8 repères pour éduquer
Le lundi 11 novembre 1918,
à 5 heures du matin,
une délégation allemande
conduite par le député
Erzberger signe l’armistice
dans le wagon du général
Foch, stationné dans
la clairière de Rethondes,
en forêt de Compiègne.
Il prend effet le jour même
à 11 heures.
Vincennes -11 novembre 1918 /Rue des Archives/Tal
Arrêt sur image
Dans une grande
partie de l’Europe,
le 11 novembre
passe inaperçu.
En Allemagne, – où la République
est proclamée depuis le 9 novembre 1918 – de mutineries de marins,
épuisés par la guerre, en insurrections, la révolution a poussé
l’Empereur Guillaume II à la fuite.
Un socialiste, F. Ebert, prend la
tête du pays.
En Autriche, la République est
proclamée le 12 novembre 1918.
L’armistice, qui prévoit l’évacuation des troupes allemandes,
ne fixe pas de délais à l’Est de
l’Europe. La Russie, à l’issue de
deux révolutions, est en pleine
guerre civile.
Le 11 novembre
1918, une foule
en liesse s’empare
des rues de Paris.
En 1918, une épidémie
de grippe “espagnole”
frappe l’Europe et le monde.
Elle fera plus
de 20 millions de morts.
le 11 novembre 9
L’après 11 novembre 1918
Un temps suspendu entre
guerre et paix
Pour les soldats français, la guerre ne s’arrête pas le 11 novembre
1918 : il faudra attendre le printemps 1921 pour que la totalité
des 5 millions de combattants
soient démobilisés.
La démobilisation est progressive : certains hommes sont sous
les drapeaux depuis huit ans, sans
discontinuer. Les soldats des
classes 1912 et 1913 retrouvent
la vie civile durant l’été 1919, les
dernières classes mobilisées ne
seront libres qu’en 1920 ou 1921.
En ce qui concerne les opérations
militaires, la guerre n’est pas finie. L’armée française maintient
sa pression sur l’Allemagne et
occupe militairement la Rhénanie, conformément à la convention d’armistice, jusqu’en 1919.
Sur le front oriental, elle poursuit
les combats aux abords de la Russie jusqu’au printemps 1919
contre un nouvel ennemi : les
bolcheviks.
La démobilisation est longue et
difficile : c’est un mouvement
sans précédent d’hommes et de
matériel, dans un contexte de
difficultés économiques et dans
un pays désorganisé où les infrastructures sont détruites ou endommagées. On comprend l’impatience des soldats français : en
juin 1919, à la veille de la signature du Traité de Versailles, les
hommes déjà démobilisés craignent d’être rappelés sous les
drapeaux.
Le temps du retour
Le retour des démobilisés suscite
des appréhensions, tant pour les
soldats que pour les civils qui se
sentent redevables du sacrifice
PERTES HUMAINES DES PRINCIPAUX BELLIGÉRENTS
FRANCE
ALLEMAGNE
AUTRICHE-HONGRIE
ROYAUME UNI
ET COLONNIES
morts et disparus
1,4 million
> 2 millions
1,3 million
blessés et invalides
> 4 millions
> 4millions
3,6 millions
> 900 000
230 000
RUSSIE
1,8 million
4,9 millions
ETATS-UNIS
120 000
230 000
La Première Guerre mondiale a fait 10 millions de victimes militaires.
10 repères pour éduquer
consenti par les combattants sans oublier qu’un soldat sur cinq
est mort au combat -. Depuis
1914, le fossé entre le front et
l’arrière s’est creusé. Il faut maintenant revivre ensemble : on organise des fêtes dans les villes et
les villages au fur et à mesure du
retour des régiments. De plus,
600 000 prisonniers de guerre
français rentrent d’Allemagne fin
1918, parfois regardés comme
des “lâches”, bien qu’ils aient
souffert de la captivité et des privations. La réinsertion dans le
monde du travail pose des difficultés, en particulier pour les invalides et les mutilés. Ces problèmes sont d’autant plus aigus pour
les pays européens dont les finances ont été ruinées par le conflit.
Une catastrophe humaine
et économique
Dans les zones de combats, les
dégâts sont considérables : en
France, 3 millions d’hectares de
terres agricoles sont dévastées et
les infrastructures de transport
anéanties. Partout ce sont des
usines, des villes en ruines, des
villages détruits… comme dans la
Marne ou en Lorraine où des communes sont déclarées « mortes
pour la France ». Neuf communes
autour de Verdun ne seront jamais reconstruites.
Documentation CIDEM/Renonciat–DR
Quelle paix pour l’Europe ?
Lucien Duflot est mort au combat le 25 septembre 1915.
Son fils unique, âgé de un an, ne connaîtra son père
qu’à travers une photographie prise avant son départ
au front. Cette broderie, modeste hommage
de son épouse, reproduit la symbolique en vigueur
dans l’immédiate après guerre : les couleurs
du drapeau, les palmes, les canons. Elle porte
une mention : 1914-1917. Probablement la date
de l’hommage familial qui lui a été rendu.
le 11 novembre 11
L’après 11 novembre 1918
La paix des vainqueurs
L'Europe remodelée après les traités de paix, à l'issue de la Première Guerre mondiale
0 km
L’Allemagne doit payer !
La conférence de la paix s’ouvre
à Paris en janvier 1919, avec
l’ambition de sanctionner les
vaincus tout en organisant la
paix pour le futur. Pourtant, le
règlement du conflit sera imposé par les vainqueurs : entre
1919 et 1920, quatre traités
(traités de Saint Germain, Versailles, Trianon et Sèvres) vont
régler la paix à leur profit.
L’Allemagne est désignée comme
responsable de la guerre et le
Traité de Versailles impose à la
jeune République des conditions
très dures: paiement de réparations économiques, désarmement, occupation de l’Ouest du
Rhin, abandon de ses colonies…
500 km
Finlande
Norvège
États vainqueurs
États vaincus
(et Empires
démantelés)
Estonie
Océan
Atlantique
Mer
du Nord
Nouveaux États
Lettonie
Mer
Baltique Lituanie
Danemark
Royaume-Uni
Pays-Bas
États neutres
Pour l’opinion allemande, ce traité est un diktat ; les vainqueurs,
quant à eux, veulent des réparations à la hauteur du désastre
économique qu’ils subissent et
craignent un redressement trop
rapide de l’Allemagne qui pourrait
mener à une nouvelle guerre…
Suède
Belgique
Frontières de 1914
modifiées par
les Traités de paix
Pologne
Allemagne
Tchécoslovaquie
France
Autriche
Hongrie
Roumanie
Portugal
Espagne
Italie
Bulgarie
Albanie
civismeet
Le 11 décembre 1918, le chancelier Ebert accueille les premiers
régiments de retour à Berlin : « Je vous salue, vous qui rentrez
invaincus des champs de bataille ».
Beaucoup d’Allemands n’acceptent
pas l’idée de défaite : leur pays
n’aurait pas été vaincu sur les
champs de bataille et ils auraient
Ed.
Berg int.
été trahis par ceux qui ont signé
J.Kotek
G.Sylvain/
Carte postale
antisémite
éditée
à Vienne
(Éditions
Nationalsocialistes)
en 1919.
12 repères pour éduquer
www.cidem.org
Afrique du Nord française
Traités imposés,
défaite refusée,
vainqueurs frustrés…
● Rejetant le Traité de Sèvres, les
mouvements nationalistes turcs,
menés par Mustapha Kemal,
combattent les Grecs, les Français
et les Anglais. Ils conquièrent
ainsi des territoires qui leur seront
reconnus par un nouveau traité,
à Lausanne en 1923.
la paix. Un mythe circule alors :
les socialistes et les Juifs seraient
responsables de la défaite…
Mer Noire
Yougoslavie
Mer
En Allemagne : le mythe du
« coup de poignard dans le dos »
Russie
(URSS à partir de 1922)
● L’Italie frustrée de ne pouvoir
récupérer les terres de l’Istrie et
de Fiume, parle de « paix mutilée », un argument repris par les
fascistes.
Grèce
Méditerranée
La S.D.N. : un espoir
de paix ?
Créée en 1919, lors des négociations de paix à Versailles, la Société des Nations (S.D.N.) devait
permettre aux États de régler les
litiges et d’éviter les guerres.
Toutefois l’Allemagne (jusqu’en
1925) et les autres pays vaincus
en sont exclus. Les Etats-Unis
eux-mêmes n’intègrent pas la
S.D.N. ... Ce projet, initié par le
président américain Wilson, ne
tiendra pas ses promesses.
Turquie
Syrie
(Mandat
français)
L’effondrement des
Empires centraux.
La fin de la Première
Guerre mondiale
s’accompagne
de grands
changements
politiques,
république
et démocratie
triomphent,
pour un temps,
du principe
monarchique
et des régimes
autoritaires.
le 11 novembre 13
La victoire endeuillée
Au fil du temps, l’image du Poilu
est « lissée ». On ne le montre pas ou plus
comme un soldat qui tue. Ainsi, l’écrivain
Maurice Genevoix a lui-même retiré
un passage de son récit Sous Verdun,
paru en 1916, lors de ses rééditions
après guerre, car il montrait le narrateur
en tant que meurtrier :
« Avant d’arriver aux chasseurs, j’ai dépassé
encore quatre Boches isolés. Et à chacun,
courant à la même vitesse que lui, un pas
en arrière, j’ai collé une balle de revolver
dans le dos ou la tête. Ils sont tous tombés
par terre, avec un long cri étranglé. »
Au retour
de la guerre,
les artistes tentent
de représenter
le deuil et l’horreur
des combats.
En 1950, Maurice Genevoix réintègrera
le passage en remplaçant « Boches » par « Allemands ».
Source CIDEM/Documentation Renonciat–DR
« Pour le soldat,
l’apaisement fut long
à venir, car le désordre
de son âme survécut
à la guerre […] au sortir
de l’armée, la vie
l’acceuillit mal,
et ce retour au civil, tant
souhaité aux heures
de péril, fut source de
déceptions nouvelles […]
il fallut, pour gagner
sa vie, se remettre à des
métiers très ennuyeux,
avec le sentiment
très pénible qu’on y était
considéré comme un
Le poids du souvenir
revenant importun. »
Souvenirs
du temps des morts.
André Bridoux,
Albin Michel, 1930
La guerre a fait, en France,
1,4 millions de morts, 600 000
veuves et 1,1 million d’orphelins.
La plupart des familles sont touchées par la mort d’un proche :
l’ensemble de la société française
est en deuil. Cependant, anciens
soldats et civils ne partagent pas
les mêmes souvenirs de la guerre.
14 repères pour éduquer
L’émergence de la
mémoire des combattants
Les hommes revenus du front
sont transfigurés par ce qu’ils ont
vécu. Ils sont dans l’impossibilité
d’assumer, dans un même temps,
l’usure des combats et le deuil de
leurs camarades morts : ils ne
participent pas totalement aux
joies des fêtes du retour.
Au fil des mois, une distance
s’installe entre les anciens sol-
dats et une société, selon eux,
ingrate, qui ne peut ni entendre,
ni partager leurs souffrances.
Pourtant, les souvenirs diffèrent,
y compris au sein du milieu combattant : selon le grade et la
fonction, selon les lieux de combat, la guerre a été vécue différemment. Comment inscrire
une mémoire commune ?
Les anciens combattants – qui
commencent à se réunir en associations – vont œuvrer pour instaurer une mémoire nationale de
la guerre.
Ils sont les porteurs d’une mémoire patriotique, centrée sur le
sacrifice des soldats au service de
la République et de la France,
mais surtout de la Paix. Cette mémoire dépasse le clivage entre
anciens soldats et civils, et fédère
les Français, malgré les divergences de souvenirs personnels.
le 11 novembre 15
L’élaboration
d’une mémoire
nationale
16 REPÈRES POUR ÉDUQUER
Depuis 1915, une loi
inscrit la reconnaissance de la Nation envers les soldats morts
au combat : ils sont
officiellement déclarés « Morts pour
la France ». Cette mention permet aux familles de recevoir un
hommage honorifique pour le sacrifice
des leurs, et, au-delà,
ouvre le droit à une sépulture perpétuelle et à l’inhumation dans le carré militaire d’un
cimetière communal ou d’une
nécropole nationale.
En 1919, plusieurs milliers de fa-
NCIAT–DR
NTATION
CIDEM / RE
NO
« Aux morts,
la patrie
reconnaissante »
DOCUME
La première commémoration nationale est organisée le 14 juillet
1919 à Paris : le « défilé de la victoire » se déroule le jour de la fête
nationale.
Il est ouvert par le cortège impressionnant d’un millier de mutilés
ayant perdu bras ou jambe, défigurés, aveugles… Un immense
cénotaphe est dressé
sous l’Arc de Triomphe avec l’inscription « Aux morts pour
la Patrie ».
Peu après, le 3 août
1919 – cinq ans jour
pour jour après la
mobilisation de
1914 – d’autres cérémonies sont organisées par l’État dans
chaque commune
de France. Le 3 août est décrété « fête
nationale de la reconnaissance envers le soldat
français ».
Un modèle de cérémonie et la
trame d’un discours unique sont
envoyés à toutes les municipalités, dans le souhait de fédérer la
population entière dans un rituel
commun. Ces premières « fêtes
nationales » d’après guerre célèbrent autant l’armée que la victoire, sans prendre la mesure des
souffrances qui l’ont accompagnée. En témoigne la foule venue
spontanément pour la veillée funèbre du 13 juillet 1919 à Paris :
à ce moment, le souvenir des
morts hante les vivants.
photos
Premières
commémorations
officielles
milles s’associent pour réclamer
le corps de leurs morts : elles souhaitent les enterrer dans les cimetières familiaux.
Une loi, votée en septembre 1920,
autorisera le rapatriement de
30 000 cercueils, mais, l’immense
majorité des soldats va continuer
à reposer près du lieu où ils sont
tombés. Ils sont morts en sol-
dats : pour tous, une tombe identique – 2de classe ou gradé – ; ils
demeurent, symboliquement,
unis dans la mort comme ils
l’étaient dans les tranchées. À
partir de 1921, l’État prend en
charge le déplacement des familles, une fois par an : ce sont
les premiers pélerinages vers les
champs de bataille.
Après l’annonce
de la mort d’un
soldat tué au front,
sa famille reçoit
une médaille et
un certificat à son
nom attestant
qu’il est mort
pour la France.
le 11 novembre
THÈME 17
La mémoire
Documentation CIDEM – Cimetière Douaumont–DR
combattante s’affirme
11 novembre 1919 et 1920
Le mouvement des anciens combattants prend de l’ampleur :
c’est un mouvement de masse.
Les anciens combattants, les veuves et orphelins constituent une
part considérable de la population et regroupent au moins un
quart de l’électorat ; ils veulent se
faire entendre des parlementaires et souhaitent faire peser leurs
revendications.
Dans ce contexte, les associations de combattants sont animées par le souvenir de la fraternité des tranchées et par la
volonté de commémorer ellesmêmes leurs camarades morts
18
au combat. Elles organisent
massivement des cérémonies,
dans leurs communes, hors des
dates officielles : le 11 novembre 1919, puis le 11 novembre
1920.
Le Soldat Inconnu
Parmi les soldats morts au front,
un corps sur cinq n’est pas identifiable, enseveli dans une tranchée
ou déchiqueté par un obus. Sur les
tombes figure, à la place du
nom, une simple mention : « soldat
inconnu ».
Pour leurs familles, le deuil est
impossible, insurmontable. En
septembre 1919, un groupe de
« À travers ce corps
officiel et sans nom,
le soldat inconnu
représente la génération
du sacrifice
et il est le fils
de toutes les mères
qui n’ont pas retrouvé
le leur. »
Journal Officiel de la République
française, 19 septembre 1919
88 députés – conduit par André
Maginot – demande le transfert
au Panthéon d’ « un soldat obscur ». Une première proposition
de loi inscrit l’idée de « faire entrer
dans la gloire les déshérités de la
mort », c’est-à-dire de donner
une tombe symbolique à tous les
soldats inconnus morts pour la
France : en choisir un pour les
représenter tous. En honorant sa
mémoire, la Nation honorera
tous les morts de la guerre. La
décision aboutit en novembre
1920 la cérémonie est prévue
sous l’Arc de Triomphe à Paris :
« Près de Rouget de l’Isle qui
l’a créée, un enfant de France in-
cantera la Marseillaise, et les
familles de disparus viendront,
avec un noble orgueil, saluer une
relique où elles garderont l’illusion
de retrouver la tombe qu’elles
pleurent. ».
Les députés voulaient faire transférer le corps
du Soldat Inconnu au Panthéon. L’idée est défendue
jusqu’en octobre 1920, mais elle ne recueille pas
tous les suffrages : une partie de la droite, majoritaire
à partir des élections de 1919, trouve le Panthéon
– temple républicain – trop marqué “à gauche”.
Léon Daudet, député d’extrême droite, souligne même
qu’il ne veut pas « voir le soldat glorieux mort pour
la patrie voisiner avec le dreyfusard Émile Zola.»
le 11 novembre 19
Le 11 novembre
dans l’histoire
11 novembre 1920 :
hommage national
au Soldat Inconnu
Papillon patriotique Appel à manifester
le 11 novembre
pendant l’Occupation
Musée de la Résistance Nationale à Champigny-sur-Marne
.
11 novembre 1922
Sous la pression des associations
de combattants, le 11 novembre
devient un jour férié et chômé. Dès
lors, des cérémonies officielles
sont organisées chaque année par
les combattants, dans chaque
20 REPÈRES POUR ÉDUQUER
« Honneur aux morts »
lance Clémenceau
à la Chambre des députés,
le 11 novembre 1918,
« ils nous ont fait
cette victoire ».
documentation CIDEM–DR
Le 10 novembre 1920, la dépouille
d’un soldat inconnu, choisi au
cœur du champ de bataille “mythique” de Verdun, est tranférée
à Paris – place Denfert Rochereau –
pour une veillée funèbre.
Le 11 au matin, à l’image d’un
enterrement solennel, des mutilés et une famille fictive - une
veuve de guerre, une mère et un
orphelin - accompagnent à travers la ville le cercueil transporté
sur un affût de canon. La procession
s’arrête symboliquement devant
une autre cérémonie, celle du
transfert du cœur
de Gambetta au Panthéon. Elle
se termine sous l’Arc de Triomphe
où le Soldat Inconnu est officiellement honoré. La tombe sera
inaugurée en janvier 1921. Une
plaque de bronze recouvre sa dépouille où est inscrit : « Ici repose
un soldat français mort pour la
France (1914-1918) ».
commune de France, devant des
plaques, des stèles ou des monuments… qui portent le nom des
morts.
Un rituel patriotique rassemble la
population pour une célébration
du sacrifice accompli par les combattants. Elle est organisée selon
un véritable cérémonial : discours,
drapeaux, fleurs, appel des morts
auquel les enfants des écoles répondent « mort pour la France »,
minute de silence…
11 novembre 1923 :
la flamme du souvenir
En présence de très nombreuses
associations, André Maginot allume, pour la première fois, la
flamme du souvenir. Le foyer est
placé sous l’Arc de Triomphe, sur
la plaque qui recouvre la tombe du
Soldat Inconnu. Elle est symboliquement rallumée chaque soir par
une association du souvenir.
11 novembre 1940
La France est occupée depuis juin
1940 et toute manifestation interdite. Des lycéens et des étudiants
lancent un appel à manifester le
11 novembre pour fleurir les monuments aux morts de la 1ère
Guerre Mondiale. Ces manifestations sont violemment réprimées.
À Paris, Place de l’Étoile, elles sont
dispersées par des tirs : on déplore des blessés et de nombreuses arrestations parmi lesquelles
Claude Lalet, dirigeant des étudiants communistes, l’un des
27 camarades de Guy Môquet
fusillés le 22 octobre 1941.
11 novembre 1942
L’armée allemande occupe toute
la France.
11 novembre 1944
L’heure de la Libération a sonné :
une cérémonie est organisée à
Paris en présence de Winston
Churchill, Premier Ministre britannique et de Charles de Gaulle,
chef du Gouvernement provisoire français.
Le 11 novembre 1945
10 novembre 1945 les corps de
quinze français « morts pour la
patrie » – combattants, prisonniers, déportés, hommes et femmes – sont portés aux Invalides.
Le 11, les cercueils sont conduits
sous l’Arc de Triomphe, puis déposés au Mont Valérien.
Les commémorations du 11 novembre en France, ont conservé,
depuis la Libération, leur caractère d’hommage aux combattants. Depuis le 80e anniversaire
de l’Armistice de 1918, les derniers poilus survivants ont été,
chaque année, au cœur de la cérémonie. Le 90 e anniversaire
marque l’ère d’une mémoire
sans témoin.
le 11 novembre 21
Les
monuments aux morts
Le rappel des morts
Tout au long de la guerre, l’annonce des morts au combat s’effectue par des listes affichées sur
la porte des mairies. Ces listes
ephémères portent très vite une
valeur symbolique, d’où l’idée de
les graver dans la pierre. Dans
l’élan commémoratif de l’aprèsguerre porté par les anciens combattants, le rappel des morts sera
matérialisé par une statue placée
au cœur de l’espace public, au
milieu des vivants.
30 000 monuments aux
morts de la Grande Guerre
La France des années 20 se couvre
de monuments aux morts: un, ou
presque par commune. Acquis
par souscriptions avec une subvention modique de l’État, ou financés par des mécènes, simples
plaques, pyramides choisies sur
catalogue ou sculptées par des
artistes de renom, ces œuvres
d’art au service du souvenir sont
érigées sur la place publique.
Les plus modestes ont la forme
Les monuments aux morts en Europe
et dans le monde
● Une partie seulement des corps des soldats américains, britanniques
d’un obélisque, souvent surmonté d’un coq représentatif de la
Patrie, les plus nombreux mettent
en scène un “poilu”. Ils sont souvent ornés d’obus, et, telles des
tombes symboliques, entourés
d’un jardin clos. Le nom des morts
de la commune y est inscrit pour
l’éternité. Les inscriptions varient :
classiques, « À nos morts, la Patrie
reconnaissante », pacifistes
« Maudite soit la guerre », ou revanchardes « On les a eus ! ».
C’est l’ampleur du deuil qui a
dicté ces réponses monumentales : plus de 30 000 monuments
aux morts ont été érigés entre
1920 et 1925. On en construisit
également dans les écoles, les
lieux de culte, les entreprises,
toutes les institutions célébrant
leurs héros. On en érigea même
dans les parties les plus reculées
de l’Empire colonial.
Monument aux morts de Lucenay l’Évêque (71).
Monument de Chissey
en Morvan (71).
et dans les dominions, des monuments aux morts, les War Memorials,
sont commandés dans chaque ville, village, communauté, école… ou université
(comme Cambridge). En Australie, chaque localité possède un War Memorial.
● En Italie, des plaques adossées aux églises portent le nom des soldats morts
originaires de la paroisse. Cela est aussi le cas des synagogues. La mémoire
est attachée à l’appartenance à une communauté religieuse ainsi qu’à un quartier.
● En Allemagne, de nombreux monuments sont érigés dans les cimetières civils
et militaires.
● En Europe du centre et de l’Est, le nombre de monuments est plus restreint
que dans les pays vainqueurs.
22 REPÈRES POUR ÉDUQUER
Les monuments,
témoins de la mémoire
Les monuments aux morts de la
Grande Guerre perpétuent le souvenir et offrent un lieu aux commémorations du 11 novembre
et, souvent, des guerres ultérieures.
Ils nous éclairent sur l’esprit des
Français au lendemain de la
Grande Guerre.
photos Source documentation CIDEM–DR
et des dominions, ont pu être rapatriés outre-mers. De nombreux cimetières
et monuments sont dédiés à leurs soldats sur le sol français. Au Royaume-Uni
Tombe de soldat indien - Cimetière La Chapellette près de Peronne.
le 11 novembre 23
Un million d’invalides et mutilés de guerre
Solidarité du mouvement
combattant en France
Entraide et solidarité
Le bilan humain de la Grande
Guerre est terrible : en France,
1 million 400 000 morts, mais aussi 3,6 millions de blessés et un
million d’invalides. C’est l’une des
conséquences majeures de la violence des combats et l’un des pires héritages de la guerre.
À leur retour, pour ces hommes
jeunes, comment parler de réinsertion ? Ils ont laissé, sur le
champ de bataille, un bras, une
jambe, un œil, et pour certains,
au visage atrocement mutilé,
leur identité.
Si chirurgie et médecine accomplissent, durant cette guerre, des
Repères L’ONAC, Office National des Anciens Combattants
et Victimes de guerre, est placé sous la tutelle
du Ministère de la Défense. Il résulte de la fusion
de trois organismes historiques créés par l’État
devant l’importance du bilan humain engendré
par la Grande Guerre :
l l’Office des Mutilés et réformés de la guerre est créé en 1916,
initialement rattaché au ministère du Travail,
l l’Office national des pupilles de la Nation créé en 1917, rattaché
au Ministère de l’éducation nationale – qui a pris en charge les études
du million d’orphelins de guerre –
l l’Office national du combattant créé en 1926.
Pour plus de renseignements : www.defense.gouv.fr/onac 24 REPÈRES POUR ÉDUQUER
progrès inouïs : vaccinations,
anesthésie, radiologie… dans les
hôpitaux de campagne, on cherche avant tout à sauver des vies.
Les premières associations de
grands mutilés et de réformés
pour blessures de guerre sont
constituées dès 1915 : elles engagent un combat pour la reconnaissance et pour l’indemnisation
des préjudices. Elles forment dans
l’immédiat après-guerre, un immense réseau d’entraide et de
solidarité.
Elles fondent un mouvement de
pression, développent des œuvres sociales, soutiennent et accompagnent leurs adhérents.
Les avancées sont considérables : loi des pensions, loi sur les
emplois réservés, statut des
grands invalides, création des
offices nationaux qui ont fait
entrer dans les faits le droit à la
réparation.
La Première Guerre mondiale
marque l’entrée dans un mode de
conflit terriblement meurtrier. Le
monde combattant – un terme
préféré à celui « d’anciens combattants » - a permis la prise en
charge des personnes affectées
par le conflit : mutilés, veuves,
orphelins...et combattants euxmêmes.
Les « Gueules cassées »
« Ayant à vingt ans touché le fond de la détresse morale et physique,
nous nous sommes unis et nous nous sommes élevés. »
En 1921, la première association de mutilés spécialisée en fonction de la nature des blessures est créée,
à l’initiative de blessés soignés au Val de Grâce : l’Union des Blessés de la Face et de la Tête.
Ils lui choisirent un nom emblématique, passé dans le langage courant pour parler des combattants
défigurés : les « Gueules Cassées », et un slogan : « Sourire quand même ! ».
Lors de la signature du Traité de Versailles, la présence de mutilés avait fortement marqué les esprits,
mais il faudra quatre années d’un combat sans faille pour que soient pleinement reconnus, en 1925,
le préjudice spécifique à la défiguration et le droit à la réparation.
Aujourd’hui encore, l’association – et la fondation du même nom qu’elle a créée – consacre l’essentiel
de ses activités à des actions sociales, au soutien du monde médical traitant des traumatismes
crânio-maxillo-faciaux et de leurs séquelles et enfin à l’exercice du “Devoir de Mémoire”.
L’Association, le regard tourné vers l’avenir, s’ouvre aujourd’hui aux nouvelles formes de victimes
de l’insécurité et du devoir que sont les policiers, gendarmes et pompiers qui dans l’exercice
de leur métier subissent de nombreux traumatismes à la face.
Le bleuet, un symbole
Cette fleur sauvage incarne le symbole national du souvenir des jeunes combattants
– surnommés les «Bleuets» par les poilus –. Par ailleurs, on raconte, comme
pour les coquelicots, que ces fleurs étaient les seules à pousser dans les champs
dévastés par la guerre. La vente de bleuets de papier a longtemps marqué
la date du 11 novembre. A son origine, un atelier artisanal de confection de fleurs
pour une œuvre caritative, le « Bleuet de France ». Le Bleuet de France a traversé le XXe siècle avec un objectif constant : soutenir les anciens combattants
et victimes de guerre.
Aujourd’hui, l’œuvre perdure et agit sur de nouveaux fronts en favorisant, aux côtés des actions sociales
traditionnelles, la transmission de la mémoire comme vecteur de solidarité entre les générations.
Pour plus de renseignements : www.bleuetdefrance.fr
le 11 novembre 25
Les commémorations
en Europe et dans le monde
Une date pour
commémorer
En Italie, des rues
ont été nommées
« rue du 4 novembre »,
en mémoire
du 4 novembre 1918,
date de l’armistice
de Villa-Giusti avec
l’Autriche-Hongrie.
● Le 11 novembre est, comme en
France, la date de commémoration pour le Royaume-Uni, le
Canada et les Etats-Unis. Au
Canada, c’est un jour férié, mais
aux Etats-Unis, le 11 novembre
reste une date secondaire par
rapport au Memorial day, - jour
mémoire de la Guerre de Séces-
documentation CIDEM–DR
Rue du 4 novembre à Venise.
26 REPÈRES POUR ÉDUQUER
sion - . Dans les deux cas, on honore la mémoire du sacrifice des
soldats.
Au Royaume-Uni, la manifestation la plus importante en 1919
est celle du « Peace day », le
19 juillet : une foule nombreuse
est venue acclamer à Londres les
généraux vainqueurs, français,
anglais et américains, passant en
revue 15 000 soldats britanniques devant un cénotaphe. Le
11 novembre ne devient la date
d’une grande célébration qu’à
partir de 1921. La principale manifestation se déroule à Londres
devant le cénotaphe inauguré
lors du « Peace day » de 1919.
Cette cérémonie se déroule en
présence du Roi ou de la Reine,
de l’héritier du trône, des dirigeants des partis politiques, des
chefs des forces armées et d’anciens combattants. La cérémonie
avait, au départ, un sens patriotique et militaire, ce qui entraîna
la contestation de mouvements
de gauche. Cette cérémonie a
encore lieu aujourd’hui, elle se
déroule le dimanche de novembre le plus proche du 11.
● En Belgique, le 11 novembre
est un jour férié.
● En Australie et en NouvelleZélande, les commémorations
du 11 novembre sont discrètes.
Les principales commémorations se déroulent le 25 avril,
jour ferié et chômé. Ce choix a
une signification politique :
c’est le le 25 avril 1915 que les
premières troupes de ces deux
pays ont débarqué sur la
presqu’île de Gallipoli face aux
troupes ottomanes. Cet événement a participé à la reconnaissance de l’existence de deux
nations là où l’on ne voyait alors
que des dominions divisés en
communautés.
Les anciens combattants
en Europe et dans le monde
Dans tous les pays, les organisations d’anciens combattants
réunissent des effectifs impressionnants et tiennent
un rôle politique majeur après guerre. Dans les pays
vainqueurs, sauf en Italie, leur action s’inscrit globalement
dans le respect des formes démocratiques.
Au-delà de se réunir en associations d’entraide et de constituer
des groupes de pression pour améliorer leur condition,
des anciens combattants, imprégnés de la culture
de guerre participent à la brutalisation politique en Europe
centrale et orientale. En Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Moldavie…
certains anciens soldats de la Grande Guerre, prennent part
à la création d’organisations politiques paramilitaires,
souvent nationalistes, farouchement anticommunistes,
voire fascistes ou nazies.
le 11 novembre 27
Quelques rites et symboles
commémoratifs en Europe
La minute de silence
En France, comme au RoyaumeUni, c’est le 11 novembre 1919 qu’a
été inaugurée la minute de silence.
Ce moment de recueillement est
devenu universel. Il évoque une
forme laïque de prière, chacun se
recueillant dans l’intimité de ses
convictions. (Les britanniques observent deux minutes de silence).
A Westminster, une plaque
honore le Soldat Inconnu
en termes patriotiques
et religieux :
« On l’a enseveli parmi
les rois pour avoir bien
servi Dieu et sa Patrie ». In Flanders fields
Le Soldat Inconnu
Comme la France, le Royaume-Uni
a honoré le 11 novembre 1920 un
soldat inconnu qui repose au sein
de l’abbaye de Westminster, où
sont inhumés les rois.
l 4 novembre 1921: inhumation
du Soldat Inconnu italien. Il repose
à Rome sous l’Autel de la Patrie
-monument construit pour célébrer l’unité italienne -,
l 11 novembre 1921 : le soldat
inconnu américain est inhumé
dans le cimetière militaire d’Arlington, près de Washington,
Il en sera de même pour la Belgique en 1922 et pour la Grèce en
1923.
In Flanders fields the poppies blow
Between the crosses, row on row,
That mark our place; and in the sky
The larks, still bravely singing, fly
Scarce heard amid the guns below.
We are the Dead. Short days ago
We lived, felt dawn, saw sunset glow,
Loved, and were loved, and now we lie
In Flanders fields.
Take up our quarrel with the foe;
To you from failing hands we throw
The torch; be yours to hold it high.
If ye break faith with us who die
We shall not sleep, though poppies
grow In Flanders fields.
Poppies, coquelicots
Poppy’s Day
Le dimanche le plus proche du 11 novembre, jour de commémoration
de la Grande Guerre à travers l’Empire, des “poppies” sont vendus
au profit des familles des vétérans. On les porte au revers de la veste.
Cette tradition demeure, aujourd’hui encore, très populaire,
au Royaume-Uni et au Canada.
28 REPÈRES POUR ÉDUQUER
*John Mc Crae (1872 – 1918) :
médecin canadien décédé an janvier
1918, il aurait écrit ce poème en
1915, lors des combats dans les
Flandres belges.
*Ypres a été le siège de plusieurs
batailles extrêmement sanglantes
durant la Première Guerre mondiale.
La zone fut notamment le lieu de la
première attaque massive à l’arme
chimique de l’histoire, par l’armée
allemande le 22 avril 1915, ainsi
que du premier usage militaire du
gaz moutarde (appelé également
dès lors ypérite).
photos Documentation CIDEM–DR
Sur les tombes et sur les stèles britanniques fleurissent, aujourd’hui
encore, des coquelicots de papier. Les britanniques l’ont choisi comme
«fleur du souvenir» dès 1921, suite à un poème de John Mc Crae*.
La fleur couvrait les champs de Flandres détruits par des combats
sanglants, comme autour de la ville d’Ypres*, en Belgique.
Poppy déposé
lors d’une
commémoration.
Tranchée des
baïonnettes,
Douaumont
Au champ d’honneur les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix. Et dans l’espace
Les alouettes, devenues lasses,
Mêlent leurs chants au sifflement
Des obusiers.
Nous sommes morts
Nous qui songions la veille encor’
À nos parents, à nos amis,
John Mc Crae
C’est nous qui reposons ici
Au champ d’honneur
À vous jeunes désabusés
À vous de porter l’oriflamme
Et de garder au fond de l’âme
Le goût de vivre en liberté
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d’honneur.
Traduction / Adaptation du Canadien J. Pariseau
le 11 novembre 29
Pratique
Lexique
Aller Plus Loin
Armistice
Commémorer aujourd’hui
Depuis leur retour du front, les survivants de la Grande Guerre ont porté le souvenir
des combattants lors des commémorations du 11 novembre. En 2008, pour la première fois,
aucun d’entre eux ne pourra témoigner. Désormais, c’est aux enseignants et aux acteurs
de la communauté éducative qu’il revient d’assumer la transmission de l’Histoire
et de la mémoire de ces évènements aux générations futures.
Ces commémorations, comme c’est le cas depuis leur origine, auront un poids majeur
et nous amèneront à d’autres pratiques commémoratives, à d’autres rites, à d’autres formes
de transmission… qu’il convient d’imaginer et de concevoir dès à présent.
Concours Le monument aux morts
de ma commune, de mon école…
Pour tous - établissements
scolaires tous niveaux
et structures éducatives -.
Le CIDEM vous propose
de participer à l’étude et au
recensement des monuments
aux morts de la Première Guerre
mondiale. www.cidem.org
Parmi de très nombreux
musées et centres
de ressources
Historial de la Grande Guerre
à Péronne. Les histoires
parallèles de l’Allemagne, de la
France et du Royaume-Uni, une
vision culturelle la Grande
Guerre. Musée de référence.
Mémorial de Verdun
Situé à Fleury-devantDouaumont.
Ossuaire de Douaumont
Les petits artistes
de la Mémoire, la Grande Guerre
vue par les enfants
Un concours à l’initiative de
l’ONAC, élèves de CM1/CM2.
www.defense.gouv.fr/onac
Histoire d’un soldat
de ma commune
Concours partenarial
du Ministère de l’Éducation
nationale et du Ministère
de la Défense.
Collèges et lycées.
www.defense.gouv.fr/educadef
30 repères pour éduquer
Ressources locales
Contacter les services
départementaux de l’Office
national des anciens
combattants (ONAC)
www.defense.gouv.fr/onac/
Quelques sites
Educ@def recense les actions du ministère
de la Défense à destination des
élèves et des enseignants.
www.defense.gouv.fr/educadef
Eduscol
Le site de la direction générale
de l’enseignement scolaire.
http://eduscol.education.fr/
Le site des
« Itinéraires de citoyenneté »
du CIDEM.
www.cidem.org
Trêve, convention
établie entre des
belligérants afin de
suspendre les combats
en l’attente de
négociations de paix.
Arrière Terme utilisé par les
soldats en opposition
au “front” pour
désigner les civils et,
plus largement, la
partie de la société qui
ne combat.
Bolcheviks,
bolchévique
Tendance du parti
socialiste qui a pris
le pouvoir en Russie en
1917, par extension pour leurs ennemis
politiques communistes.
Cénotaphe
Monument funéraire
érigé à la mémoire
d’une personne ou d’un
groupe, qui ne contient
pas de corps.
Censure
Ensemble de mesures
soumettant les
publications, les
spectacles et la
correspondance à
autorisation ou contrôle
des autorités.
Historial
de la Grande
Guerre
à Péronne.
Classe
Classe d’âge, année
des 20 ans : la classe 14
(nés en 1894).
Déportation
(déporté)
Transfert forçé de
populations.
Dominion
Ancienne colonie
devenue État autonome
au sein de l’Empire
britannique.
Front
Zone des combats entre
armées.
Poilu
Surnom issu de l’argot
militaire du XIXe siècle,
donné aux soldats
de la Première Guerre
mondiale.
Propagande
Stratégie de diffusion
de l’information en vue
d’influencer le public. La
propagande est parfois
assortie de la censure.
Traité
Accord (ou convention)
écrit entre
gouvernements.
Génocide
Triple Alliance,
Triplice
Terme forgé en 1944,
défini par le Droit
international comme
« le refus à l’existence
de groupes humains
entiers ».
Alliance formée en
1882 entre l’Empire
allemand et l’Empire
austro-hongrois
(et l’Italie qui s’en retire
en mai 1915).
Nécropole
Triple Entente
Ensemble de sépultures
où sont inhumés les
soldats morts au
combat.
Alliance formée en
1907 par l’Angleterre,
la France et la Russie.
Ossuaire
Ralliement de toutes
les forces politiques
et spirituelles en faveur
de la défense nationale.
Lieu où sont déposés
des ossements
humains.
Première de couverture :
Le Réveil. Monument aux
morts du lycée Arago à Paris,
sculpté par Paul-Roussel
(1867 – 1928), ancien élève
du lycée. Ce lycée commémore
le 11 novembre depuis
l’inauguration du monument
en 1920 (sauf, peut-être,
pendant l’Occupation).
Dans ce lycée, plus d’un élève
sur cinq est mort au combat
durant la guerre.
Union sacrée
Collection Repères pour éduquer. www.cidem.org – Direction de la collection : Civisme et démocratie-Cidem.
Rédaction Benoît DELABALLE, Chef de projet Christine LOREAU, remerciements Renée Renonciat (documentation
familiale) et Johanna LINSLER (conseils et relecture). Édité par Malesherbes-Publications, 8, rue Jean-Antoine-de-Baïf,
75212 Paris cedex 13. RCS Paris B323 118 315.Imprimé en France par Imprimerie de Champagne, Langres 52200.
Dépôt légal : octobre 2008. ISBN 978-2-916828-19-0 © Tous droits réservés MP - Cidem
le 11 novembre 31
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