FRÉDÉRIC TREMPE Étude du rôle de la protéine U94 de l'herpèsvirus humain de type 6 dans le processus de l’intégration chromosomique. Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en microbiologie-immunologie pour l’obtention du grade de maître ès sciences (M.Sc.) DÉPARTEMENT DE MICROBIOLOGIE-IMMUNOLOGIE FACULTÉ DE MÉDECINE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2013 © Frédéric Trempe, 2013 ii Résumé L’herpèsvirus humain de type 6 (HHV-6) infecte les enfants en bas âge et sa prévalence est estimée à près de 95% dans la population mondiale. Ce virus se distingue des autres membres de la famille des herperviridae par sa capacité à s’intégrer aux chromosomes cellulaires. On estime qu’environ 1% de la population mondiale serait porteuse d’une copie du génome du HHV-6 par cellule (52, 73, 100, 119, 131). Le mécanisme de cette intégration est toujours inconnu. Nous pensons que la protéine U94 du HHV-6 joue un rôle important dans l'intégration chromosomique du génome viral. Elle serait nécessaire à l'éxécution d'une recombinaison homologue entre les séquences télomériques cellulaires et virales (motif TTAGGG). U94 a une homologie de séquence de 24% avec la protéine Rep68 responsable de l'intégration du génome de l’adeno-associated virus 2 (AAV-2) au chromosome 19 (123). Pour ce faire, quatre activités intrinsèques à la protéine Rep68 lui sont nécessaires : la liaison à l'ADN simple et double brin, l'ATPase, l'hélicase et l'endonucléase (54, 97). Le but de ce projet de recherche était de caractériser les activitités biochimiques de la protéine U94. Tout d’abord, nous avons démontré que la protéine U94A est localisée au noyau en accord avec les résultats obtenus par le laboratoire du Dr. Mori (87). Pour réaliser nos études, nous avons exprimé et purifié U94 chez E. coli en fusion avec la protéine maltose-binding protein (MPB). Nos résultats démontrent que les protéines MBP-U94A et MBP-U94B sont capables de lier préférentiellement l'ADN simple brin avec un motif CCCTAA (complément du motif télomérique TTAGGG). L’essai de liaison sur le Proteon™ XPR36 démontre également que la protéine MBP-U94B lie un ADN double brin ayant le motif télomérique cellulaire. Nos résultats nous ont amenés à vérifier si l'ARN de la télomérase, qui contient un motif CCCTAA, pouvait aussi être lié par les protéines MBPU94A et MBP-U94B. Les résultats obtenus indiquent que MBP-U94 ne lie pas l'ARN, ni la séquence équivalente en ADN ce qui suggère que la liaison de U94 requiert plus d’une répétition du motif CCCTAA. En se basant sur des études de mutagenèse réalisées sur la protéine Rep68 (128, 129), nous avons générés des mutants U94A et U94B. Les résultats iii démontrent que la mutation K395A affecte négativement la capacité de liaison à l’ADN de U94. Les essais d'ATPase indiquent que MBP-U94A et MBP-U94B hydrolysent l'ATP en ADP et AMP en présence d'un ADN simple brin ou d’un ADN double brin. Divers mutants des activités d’ATPase/Hélicase et d’endonucléase présumées furent générés et devront être caractérisés. Ces résultats suggèrent que U94 possède les activités biochimiques nécessaires à l'intégration du génome viral aux chromosomes cellulaires. iv Abstract Human herpesvirus 6 infects young children with an estimated prevalence of 95% in the world population. It differs from the other members of the herperviridae family by its capacity to integrate cell's chromosomes. It is estimated that approximately 1% of the world population carries a copy of the HHV-6 genome per cell (52, 73, 100, 119, 131). The chromosomal integration mechanisms used by HHV-6 are currently unknown. Our hypothesis is that the HHV-6 U94 protein plays an important role in chromosomal integration that we suspect occur through homologous recombination between cellular and viral telomeric sequences (TTAGGG). The U94 gene product shares 24% sequence homology with Rep68, a responsible for the genomic integration of adeno-associated virus 2 (AAV-2) (123). To promote integration, Rep68 relies on four intrinsic activities: binding to single and double stranded DNA, ATPase activity, helicase and endonuclease (54, 97). The goal of this research project is to characterize the biochemical properties of U94 and determine whether it posseses activities similar to Rep68. First, we confirmed the results of Dr. Mori's laboratory by showing that U94 is localized in the nucleus (87). Next, to conduct our studies, we’ve expressed and purified maltose-binding-U94 recombinant proteins (MBP-U94) in E. coli. Our results suggest that MBP-U94A and MBP-U94B preferentially bind single-strandred DNA containing the CCCTAA motif (complement to the TTAGGG telomeric motif). Surface plasmon resonance (SPR) experiments also indicate that MBPU94B binds double-stranded DNA containing telomeric motifs. Since the telomerease RNA component TERC contains the CCCTAA motif, we investigated whether MBP-U94 could bind a single-stranded RNA molecule containing the CCCTAA motif. SPR analysis clearly indicates that MBP-U94 does not bind such RNA nor a single-stranded DNA molecule having a single CCCTAA motif, suggesting that more than one motif is required for proper binding. Based on published work on Rep68 (128, 129), we generated specific U94 mutants. Our results indicate that the K395A mutation greatly diminishes U94 binding to DNA pointing out the importance of this residue. v ATPase assays were also performed and indicate that both MBP-U94A and MBP-U94B possess the ability to hydrolyze ATP into ADP and AMP when incubated in the presence of DNA. Several other mutants targeting the helicase and endonuclease activities were generated and will be tested in the near future. Altogether these results suggest that U94 has biological properties that are consistent with a role for this protein in the process of chromosomal integration of the HHV-6 genome into the host chromosomes. vi Avant-Propos Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont aidé à l'accomplissement de ce projet. Je remercie d'abord le Dr. Louis Flamand de m'avoir accueilli dans son laboratoire et offert un projet aussi intéressant. Il a su partager ses connaissances avec moi et m'enseigner l'art de travailler en laboratoire. À cet effet, les Drs Annie Gravel et Guillaume Morissette ont aussi été d'une aide plus que précieuse tout au long de mes deux ans de maîtrise. Un grand merci à ces trois, sans qui ce projet ne serait pas ce qu'il est maintenant. Je veux aussi remercier Mathieu Iampietro, Isabelle Dubuc et à nouveau Guillaume Morissette pour ces bons moments passés au bureau, ces échanges sur la politique et les bons coups sur les marchés boursiers, sans quoi les journées auraient été beaucoup plus longues. Un grand merci à Tania Lévesque qui fut d'une aide précieuse pour les expériences au HPLC. Enfin, je veux remercier ma copine, Amélie Veillette pour son support constant tout au long de ces deux belles années de maîtrise. À mon grand-père Rafael Niceto Sanchez vii Table des matières RÉSUMÉ..................................................................................................... ii ABSTRACT................................................................................................. iv AVANT-PROPOS....................................................................................... vi TABLE DES MATIÈRES........................................................................... vii LISTE DES TABLEAUX........................................................................... x LISTE DES FIGURES................................................................................ xi LISTE DES ABBRÉVIATIONS................................................................ xiii INTRODUCTION....................................................................................... 1 I. LA FAMILLE DES HERPESVIRIDAE....................................... 1 1.1 1.2 Contexte........................................................................ Les trois sous-familles.................................................. 1 1 II. GENRE DES ROSEOLOVIRUS.................................................. 3 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 Historique...................................................................... Deux espèces du HHV-6............................................... Épidémiologie............................................................... Pathologies associées.................................................... Structure du virus.......................................................... 2.5.1 Le génome................................................. 2.5.2 Nucléocapside, tégument et enveloppe..... Cycles viraux................................................................. 2.6.1 Cycle lytique.............................................. 2.6.2 Cycle latent................................................ 3 3 4 4 6 6 9 10 11 12 viii III. INTÉGRATION CHROMOSOMIQUE..................................... 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 13 Découverte.................................................................... Intégration de novo et transmission héréditaire............ Virus latent ou mort? ................................................... Répercussions cliniques................................................ Mécanisme de l'intégration........................................... 3.5.1 La recombinaison homologue................... 3.5.2 Les télomères............................................ 3.5.3 Virus de Marek (MDV)............................. 3.5.4 Hypothèses pour HHV-6........................... 13 14 15 16 17 17 17 18 18 IV. LA PROTÉINE REP68 DU AAV-2........................................... 19 4.1 4.2 4.3 Contexte........................................................................ 19 Rôle de la protéine Rep du AAV-2............................... 19 Domaine d'interaction avec l'origine et hélicase SF3.... 21 V. PROTÉINE U94 DU HHV-6....................................................... 5.1 5.2 5.3 22 Unique à HHV-6........................................................... U94 et Rep68/78........................................................... Latence et transactivation............................................. 22 23 26 VI. HYPOTHÈSE ET OBJECTIFS DE RECHERCHE.................. 26 6.1 6.2 6.3 Hypothèse..................................................................... Objectif principal.......................................................... Objectifs spécifiques..................................................... 26 27 27 ix MATÉRIEL ET MÉTHODES................................................................. 29 RÉSULTATS............................................................................................ 41 DISCUSSION........................................................................................... 71 CONCLUSION ET PERSPECTIVES...................................................... 79 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................... 82 x Liste des tableaux Tableau 1. Les herpèsvirus humains et leurs caractéristiques..................... 2 xi Liste des figures Figure 1. Schéma simplifié du génome viral du HHV-6............................. 7 Figure 2. Génome de l’herpèsvirus humain de type 6 (HHV-6)................. 8 Figure 3. Cycle réplicatif du HHV-6........................................................... 11 Figure 4. Domaines de la protéine Rep78................................................... 21 Figure 5. Transcrits de l’ORF U94 du HHV-6............................................ 22 Figure 6. Alignement des séquences en acides aminés de Rep68 et U94... 25 Figure 7. Localisation cellulaire de la protéine de fusion Flag-U94A........ 42 Figure 8. Immunobuvardage et bleu de coomassie des protéines purifiées 44 Figure 9. Immunobuvardage et bleu de coomassie des protéines mutées... 46 Figure 10. Retard sur gel en présence d'ADN simple brin riche en G et riche en C................................................................................. 48 Figure 11. Retard sur gel de la protéine U94 sur ADN simple brin.............. 50 Figure 12. Retard sur gel de la protéine U94 sur ADN double brin............. 52 Figure 13. Schéma de la puce du Proteon™ XPR36..................................... 53 Figure 14. Expérience de mise au point de la liaison de la protéine MBP à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36..................... 55 Expérience de mise au point de la liaison de la protéine MBPU94B à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36....... 56 Témoins négatif et positif du test de liaison à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36............................................... 57 Test de liaison de la protéine MBP-U94A à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36............................................... 59 Figure 15. Figure 16. Figure 17. Figure 18. Test de liaison de la protéine U94B à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36............................................................ 60 xii Figure 19. Test de liaison de la protéine MBP-U94A mutée à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36................................ 62 Figure 20. Test de liaison de la protéine MBP-U94B mutée à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36............................................. 63 Figure 21. Essais d'ATPase (HPLC) avec oligonucléotide simple brin.......... 65 Figure 22. Essai d'ATPase (HPLC) avec ADN double brin.......................... Figure 23. Immunoprécipitation de la protéine de fusion Flag-U94A........... 69 67 xiii Liste des abréviations A260/280 (Absorbance à 260 nm/280 nm) AAV-2 (virus associé aux adénovirus de type 2) ADP (adénosine diphosphate) ALT (Alternative lengthening of telomeres) AMP (adénosine monophosphate) ATP (adénosine triphosphate) BCA (essai à l’acide bicinchoninique) CBMC (cellules mononucléées du sang de cordon) ChIP (Chromatin Immunoprecipitation) ciHHV-6 (Intégration chromosomique de l'herpèsvirus humain de type 6) CMV (Cytomégalovirus) cpm (comptes par minute) DR (directement répété) EBV (virus Epstein-Barr) E. coli (Escherichia coli) EDTA (Acide éthylène diamine tétraacétique) EMSA (Electrophoretic mobility shift assay) HBLV (Human B-lymphotropic lymphocyte virus) HHV (Herpèsvirus humain) HSCT (Hematopoietic stem cell transplantation) HPLC (High-performance liquid chromatography) HSV1 (Herpès simplex de type 1) HSV2 (Herpès simplex de type 2) hTBP (Human TATA-binding protein) IE (région précoce-immédiate) IPTG (Isopropyl β-D-1-thiogalactopyranoside) kpb (kilo paires de bases) KSHV (virus associé au sarcome de Kaposi) MBP (protéine qui lie le maltose) MDV (Marek disease virus) NTP (nucléoside triphosphate) OBP (Origin binding protein) ORF (cadre de lecture ouvert) PBMC (cellules mononucléées du sang périphérique) PBS (Phosphate Buffered Saline) PBST (Phosphate buffered Saline Tween) POT1 (Protection of telomeres 1) qPCR (quantitative polymerase chain reaction) xiv RAP1 (Ras-related protein 1) RBE (site de liaison de Rep) RH (recombinaison homologue) Rmax (réponse maximale) RU (response unit) SF3 (super famille III) SIDA (syndrome de l’immunodéficience acquise) SNC (système nerveux central) SOT (Solid organ transplant) SP (Sclérose en plaques) SSC (solution de citrate de sodium salin) TAE (Tris-acetate-EDTA buffer) TBE (Tris-borate-EDTA buffer) TBST (Tris-buffered saline tween buffer) TERC (Telomerase RNA component) TIN2 (TRF1 interacting nuclear factor 2) Tm (Melting temperature) TP (Température de la pièce) TPP1 (Tripeptidyl peptidase 1) TRS (Séquences télomériques répétées) TRF1 (Telomeric repeat-binding factor 1) TRF2 (Telomeric repeat-binding factor 2) trs (Site de résolution terminale) UL (section interne unique longue) US (section courte unique) VIH (Virus de l’immunodéficience humaine) VZV (Virus de la varicelle et du zona) 1 Introduction 1. La famille des Herpesviridae 1.1 Contexte Les herpèsvirus infectent une grande variété d’organismes vivants. Chez l’humain, on compte neuf virus de la famille des Herpesviridae caractérisés par leurs structures et leur mode d’infection à deux vitesses. Le génome de ces virus est constitué d'un ADN linéaire double brin, empaqueté dans une capside de forme icosaédrique, recouverte d’un tégument et d’une enveloppe composée de glycoprotéines (138). Ces virus sont parmi les parasites intracellulaires les mieux adaptés à leur hôte. En état de latence, leurs génomes adoptent une forme épisomale où ils expriment un minimum de gènes nécessaires à leur maintien ce qui diminue la reconnaissance de la cellule infectée par le système immunitaire. Lorsque les défenses de l’hôte s’affaiblissent, le virus se réactive et engendre une infection lytique de type cytocide. Le virus peut ainsi se multiplier et se transmettre tout en conservant une certaine pérennité de l’hôte. 1.2 Les trois sous-familles Basé sur des critères biologiques et plus récemment sur l’analyse de la glycoprotéine conservée gH, on distingue 3 sous-familles d’herpèsvirus humain (HHV). Le tableau 1.1 en fait le résumé et présente les caractéristiques propres à chaque virus (68). La sous-famille des alphaherpesvirinae regroupe l’herpès simplex 1 et 2 (HSV-1 et -2) et le virus de la varicelle et du zona (VZV). Ce sont des virus neurotropiques à cycle réplicatif court. Les sites de latence de ces virus sont les ganglions neurosensitifs (1). Les événements de réactivation sont fréquents pour ces virus. Pour HSV-1 et 2 les épisodes de réactivation provoquent des symptômes cutanés sur les muqueuses près des ganglions touchés. Quant au VZV, la réactivation qu’on appelle le zona se traduit par une dermatose localisée près des nerfs liés aux ganglions infectés. La deuxième sous-famille, les gammaherpesvirinae, est constituée du virus Epstein-Barr (EBV) et de l’herpèsvirus de type 8. Ces virus sont lymphotropiques et ciblent les lymphocytes B et les cellules épithéliales. Ce sont les seuls herpèsvirus humains oncogènes, donc capables d’induire une transformation cellulaire. 2 Finalement, on trouve chez les betaherpesvirinae le cytomégalovirus (CMV), les herpèsvirus humains 6A et 6B ainsi que le HHV-7. En bref, ce sont des virus lymphotropiques à cycle réplicatif long. Leurs sites de latence sont : les glandes sécrétoires, le système lymphoréticulaire et les cellules épithéliales (1). Le CMV est associé tout comme l’EBV à la mononucléose infectieuse, mais aussi à des infections congénitales graves, surtout retrouvées dans les pays industrialisés. Le HHV-6B et le HHV-7 sont les agents étiologiques de la roséole, une maladie qui touche les jeunes enfants. Quant au HHV-6A, on ne connaît pas encore les conséquences de son infection, mais cette espèce a un tropisme marqué pour les cellules neuronales (88). Tableau 1 : Les herpèsvirus humains et leurs caractéristiques Nom Nom usuel Sous-famille Pathologies associées HHV-1 Herpès simplex 1 Alphaherpesvirinae Herpès buccal HHV-2 Herpès simplex 2 Alphaherpesvirinae Herpès génital HHV-3 Virus de la varicelle et du zona Alphaherpesvirinae Varicelle Zona HHV-5 Cytomégalovirus Betaherpesvirinae Mononucléose et infections congénitales HHV-6A Espèce A de l'herpèsvirus humain Betaherpesvirinae Aucune associée Betaherpesvirinae Roséole de type 6 HHV-6B Espèce B de l'herpèsvirus humain de type 6 HHV-7 Herpèsvirus humain de type 7 Betaherpesvirinae Roséole HHV-4 Virus Epstein-Barr Gammaherpesvirinae Mononucléose HHV-8 Herpèsvirus associé au sarcome de Gammaherpesvirinae Sarcome de Kaposi Kaposi 3 2. Genre des roseolovirus 2.1 Historique Avant la découverte du HHV-6, le dernier herpèsvirus à avoir fait l’objet d’une découverte remontait aux années soixante, il s’agit du EBV. Près de 20 ans plus tard, grâce au développement des méthodes de culture cellulaire et l’engouement de la recherche pour le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), une nouvelle espèce d’herpèsvirus humain fut identifiée. Le virus fut isolé à partir de cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) de patients atteints du VIH et de syndromes lymphoprolifératifs (110). Il fut d’abord nommé Human B Lymphotropic Virus (HBLV) à cause de son tropisme pour les lymphocytes B (59). Puis, les expériences subséquentes menées sur différents types cellulaires ont démontré que le virus infecte un large spectre de cellules et préférentiellement les lymphocytes T. Depuis, le HBLV a été renommé HHV-6, selon la nomenclature moderne. 2.2 Deux espèces du HHV-6 La souche GS provenant des États-Unis fut le premier isolat du HHV-6 à être découvert. Rapidement, d'autres souches, d’origines africaines, furent isolées de patients atteints du VIH. Les souches Z29 et U1102 proviennent respectivement de la république démocratique du Congo, anciennement appelée le Zaïre (77) et de l’Ouganda (36). En culture cellulaire, ces deux souches infectent les PBMC et les cellules mononucléées du sang de cordon (CBMC), mais n’infectent pas les mêmes lignées cellulaires (14, 36, 134). On découvre dans les années 1990 que les souches Z29 et U1102 représentent des virus proches, mais différents. En effet, une première équipe a démontré que la souche Z29 n’infecte pas les lignées cellulaires HSB2 et JJHAN pourtant infectées par le virus U1102 (3, 11, 74, 114, 134). De plus, des expériences menées avec des anticorps monoclonaux et des enzymes de restriction ont révélé que les deux souches étaient de types différents (134,10). Par la suite, d'autres expériences vinrent appuyer l'existance de deux sous-types de HHV-6, les types A et B (10). De fait, les souches U1102 et GS sont de type A, tandis que la souche Z29 est du type B. En général, ces deux variants partagent une homologie de séquence nucléotidique 4 de 90%. Certaines régions du génome, plus variables, semblent être responsables des divergences entre les deux variants. Ces divergences sont d’ordre : biologiques, immunologiques, épidémiologiques et moléculaires. Elles seront davantage décrites dans les prochaines sections. Dernièrement, la nomenclature a changée, il n’est plus question de variants, mais bien de deux espèces à part entière puisque les différences entre les deux virus son assez significatives (4). 2.3 Épidémiologie HHV-6 est ubiquitaire et sa prévalence est de plus de 95%. On estime qu’avant l’âge de 6 ans, plus de 90% des jeunes enfants auront déjà des anticorps dirigés contre ce virus, indiquant qu’ils ont contracté le HHV-6 (50, 94, 113).La propagation du virus est associée au fait que les glandes salivaires sont un site de latence important pour le HHV-6B (38). Le relâchement du virus dans la salive, lors d’évènements de réactivation lui permettrait de se transmettre efficacement des parents à l’enfant (34). De façon beaucoup moins importante, la transmission pourrait se faire par infection congénitale chez 1% des naissances et elle serait asymptomatique (42). On connaît moins bien l’épidémiologie et la pathogénèse du HHV-6A. On sait toutefois que cette espèce serait davantage associée à l’infection du système nerveux central (SNC) (44). Par ailleurs, un mode de transmission vertical, c’est-àdire de la mère à l’enfant, unique au HHV-6, serait en cause dans la majorité des transmissions congénitales. La section sur le HHV-6 intégré (ciHHV-6) en fera la description de façon détaillée. 2.4 Pathologies associées Le HHV-6 est un pathogène opportuniste. L’infection primaire à HHV-6B touche habituellement les enfants avant l’âge de 2 ans. Le pic de l’infection est observé entre le 6ième et 9ième mois de vie, suite à la chute des anticorps maternels acquis à la naissance (45). La majorité des enfants qui sont touchés par le virus développent une maladie fébrile aigüe de courte durée. Le tier d’entre-eux développeront l’exanthème subit, mieux connue sous le nom de roséole ou sixième maladie. Cette maladie est caractérisée par une forte fièvre de 3 à 5 jours, suivi par une éruption cutanée localisée au niveau du tronc et du visage. Dans 5 moins de 10% des cas, la maladie peut entrainer des convulsions fébriles qui se résorbent rapidement (9). C’est en 1988 que la roséole a été associée pour la première fois au HHV-6 (135). Rappelons que la très grande majorité des cas de roséole sont dus à une infection par le HHV-6B bien que quelques cas semblent attribuables à une infection par le HHV-7. Dans un second temps, il est rare d’observer une infection primaire à HHV-6 chez l’adulte puisque dans plus de 90% des cas, l’infection a lieu en bas âge (50, 94, 113). De plus, comme tout les herpèsvirus le HHV-6 entre en latence après la primo-infection et persiste au sain de l’hôte tout au long de sa vie. Advenant une infection durant l’enfance, l’adulte pourrait être sujet à un évènement de réactivation du virus. Dans la majorité des cas, celuici se réactive généralement en période d’immunosuppression de l’hôte. Plus rarement, le virus peut se réactiver chez un hôte relativement immunocompétent, tel que chez les femmes enceintes où les défenses immunitaires sont moins efficaces (25). Les individus immunodéprimés les plus souvent touchés par la réactivation du virus sont ceux atteints par le VIH, ceux sous traitements de chimiothérapie pour combattre un cancer ou ceux ayant subit une transplantation d’organe. Principalement chez les transplantés de moelle osseuse, la réactivation du HHV-6 est fréquente et peut être très problématique. En effet, près de 50% des individus qui subissent une transplantation de möelle osseuse et de 20 à 30% des transplantations d’organes solides seront touchés par l’infection ou la réactivation du HHV6, et ce, dans les 2 à 4 semaines après l’opération (137). L’infection d’un receveur à partir des tissus d’un donneur infecté est également possible. Autrement dit, un receveur de greffe séropositif pour HHV-6 peut être superinfecté par une souche distincte provenant du donneur (71). Les symptômes pouvant être associés sont : fièvre, éruptions cutanées, pneumonies, encéphalites et même le rejet de la greffe (28). Dans un autre ordre d’idée, on a associé plus rarement le HHV-6 à des maladies telles que le syndrome de l’immunodéficience acquise (SIDA) et la sclérose en plaques (SP). En 1988, des expériences ont démontré que le HHV-6 infecte les lymphocytes T CD4+, tout comme le VIH (63, 81). Depuis, le HHV-6 est mis en cause dans certaines infections opportunistes chez les patients atteints du VIH. Selon certains, il pourrait même contribuer à la progression du virus, mais plusieurs expériences semblent démontrer le contraire (2). Quant à l’association entre le HHV-6 et la sclérose en plaques (SP), elle est encore très controversée. La présence d’ADN viral dans le noyau d’oligodendrocytes près des plaques 6 de démyélinisation responsable du SP a créé un réel engouement pour cette piste de recherche (21). De plus, on associe surtout l’espèce A du HHV-6 à la sclérose en plaques (SP) (5), mais la controverse est encore vive et davantage de preuves expérimentales seront nécessaires. En bref, il n’est pas facile de déterminer les pathologies associées à HHV-6A et HHV-6B. Puisque ces virus sont ubiquitaires et qu’ils se réactivent, il devient très difficile de déterminer si les virus sont responsables des symptômes reliés à la maladie ou s’ils ne sont pas plutôt une conséquence d’une maladie déjà en place. 2.5 Structure du virus 2.5.1 Le génome Le génome viral est un ADN double brin linéaire de 160 kilo paires de bases (kpb) à 162 kpb selon la souche en question. Il est composé d’une section interne unique longue (UL) de 143 à 145 kpb, entrecoupée de 3 répétitions intermédiaires (R1-R3) contenant, entre autres, la région précoce-immédiate A (IE-A). La région unique est flanquée à chaque extrémité par les séquences directement répétées (DR) d’une longueur approximative de 9 kpb (10, 12, 136). Les séquences DR sont à leur tour flanquées de séquences télomériques répétées (TRS), l’une dite homologue (GGGTTA)n et l’autre dite hétérologue het(GGGTTA)n qui consistent en un patron de séquences télomériques irrégulières (93). Ces dernières auraient un rôle lors de la réplication virale et dans le maintien du génome sous la forme épisomale durant la latence (126). Dans le contexte de l’intégration chromosomique du HHV-6, ces séquences seraient nécessaires à l’insertion du génome viral dans les chromosomes cellulaires via la recombinaison homologue; mais ce sujet sera développé de façon plus approfondie dans la section sur l’intégration (138). Pour compléter la séquence génomique virale, on retrouve aux extrémités des séquences télomériques les séquences Pac1 et Pac2 nécessaires à l’empaquetage du génome viral dans la capside (41). La figure 1 ci-bas représente un schéma de la structure simplifiée du génome viral. 7 Figure 1: Schéma simplifié du génome viral du HHV-6. Tirée de la revue Trempe et coll., 2011 (39) D’un point de vue transcriptionnel, le HHV-6B compte 119 cadres de lecture ouverts (ORF), c’est neuf de plus que le HHV6-A; ils sont identifiés B1-B9 (10). Les séquences codantes peuvent être sur l’un des deux brins et sont situées dans la section UL (U1-U100) et dans les séquences DR (DR1-DR7). Certains gènes peuvent être épissés, mais en général la séquence génomique et l’ARNm sont identiques. Un schéma des différents ORF est représenté en figure 2. 8 Figure 2 : Génome de l’herpèsvirus humain de type 6 (HHV-6). Tirée de Gompels et coll., 2006 (40) Les membres de la famille des Herpesviridae ont sept blocs de gènes conservés codants principalement pour des protéines de structures, des enzymes du métabolisme des acides nucléiques et des protéines impliquées dans la réplication de l’ADN viral. La figure 2 représente en noir les gènes qui sont conservés chez les Herpesviridae. La configuration et l’ordre de ces blocs sont très variables d’une espèce à l’autre. Par exemple, HHV-6 et HHV-7, tous deux du genre roseolovirus, ont conservé la même organisation de leurs blocs géniques (106). Par ailleurs, un huitième bloc contenant les gènes de la famille US22 est 9 présent seulement chez les quatre membres des β-herpèsvirus humains et leurs fonctions seraient diverses. Ces gènes sont marqués en gris sur la figure 2. Enfin, il existe sept gènes spécifiques à HHV-6: U1, U9, U22, U61, U78, U83 et U94. Tandis que certains d’entres eux sont de petits gènes dont nous n’avons aucune évidence de leur expression, les transcrits U22, U83 et U94 sont impliqués dans les processus biologiques importants du virus. U22 code pour une glycoprotéine de l’enveloppe virale et U83 pour une chimiokine utile dans le recrutement des monocytes (3). Quant au gène U94, il est d’un grand intérêt pour ce projet, il sera décrit plus en details dans les prochaines sections. Si la majorité des loci génomiques sont conservée à 95%, d’autres le sont beaucoup moins et permettent de différencier les espèces A et B (10). La région IE-1 a été décrite comme étant la plus variable entre les deux espèces, avec une homologie de séquence nucléique de 31% (37, 88). D’ailleurs, les sites d’épissage et de transcription des gènes dans le temps seraient différents et auraient un effet marqué sur la biologie du virus (10). Une autre partie du génome diffère entre les deux espèces, il s’agit de la section génique U97 à U100 qui code pour le complexe glycoprotéique à la surface de l’enveloppe virale et qui affecte donc le tropisme cellulaire. Dans leur ensemble, ces facteurs contribuent aux divergences biologiques entre les deux virus. 2.5.2 Nucléocapside, tégument et enveloppe La structure des Herpesviridae est caractéristique de cette famille. En effet, malgré les différences biologiques, génomiques et pathologiques de ces virus, la structure du virion est très conservée d’une espèce à l’autre. On distingue 4 structures essentielles: le génome, la capside, le tégument et l’enveloppe. La capside consiste en une structure protéique de 162 capsomères de forme icosahédrique mesurant près de 90 à 110 nm de diamètre (12). Elle renferme le génome viral et le protège de l’environnement extérieur jusqu’au moment où le génome viral est relâché dans le cytoplasme de la cellule. Autour de la capside se trouve le tégument, une structure diffuse de protéines cellulaires et virales acquises par la nucléocapside dès la sortie du noyau cellulaire. Lors de l’infection, le tégument contient les premières protéines effectrices. Par conséquent, ces protéines ne 10 dépendent pas de la transcription/traduction. Cette structure renferme plus de 40% de la masse protéique totale du virus, ce qui témoigne de l’importance structurelle du tégument (41). Enfin, l’enveloppe représente la structure extérieure du virion. Elle est formée à partir de la membrane nucléaire de la cellule et d’autres structures membranaires intracellulaires. Elle inclut les protéines du complexe glycoprotéique souvent impliquées dans le tropisme cellulaire et l’infection virale. 2.6 Cycles viraux Le HHV-6 infecte préférentiellement les lymphocytes T CD4+ activés, mais peut également infecter les cellules épithéliales et endothéliales, les astrocytes et les lymphocytes B (37). In vitro, la propagation virale se fait surtout grâce à des lignées de cellules T immortalisées choisies selon une infection à HHV-6A ou HHV-6B. Les cellules subissent un changement morphologique caractéristique qui consiste en leur gonflement et à l’apparition de cellules géantes multinucléées. Le mécanisme exact par lequel le virus pénètre dans la cellule reste incompris, mais certaines pistes sont suggérées. L’infection des cellules par le HHV-6 se fait via le CD46; un récepteur présent sur toutes les cellules nucléées (112). Ce récepteur est un modulateur de l’activité cellulaire lors de l’infection et est impliqué dans la voie du complément. Il est donc important dans la réponse de l’hôte face à l’infection (108). À la surface du virion, quatre glycoprotéines ont un rôle prédominant dans l’attachement du virion à la cellule: gH (U48), gL (U82), gQ1 et gQ2 (U100). L’ensemble de ces quatre glycoprotéines constitue le complexe viral nécessaire à l’interaction avec le CD46 (89). Il semble que la présence de ce récepteur à la surface des cellules soit insuffisante pour permettre l’infection. En ce sens, des expériences menées avec des anticorps bloquants pour les glycoprotéines gH et gB (U39) ont démontré leur importance dans le processus de fusion membranaire (37). Plusieurs données récentes révèlent que certains virus peuvent interagir avec les radeaux lipidiques lors de l’infection. Ce pourrait être le cas de l’infection à HHV-6, puisque l’attachement du virus au CD46 entraîne un déplacement du récepteur vers ces microdomaines, ce qui pourrait faciliter l’infection (120). Après l’attachement du virus à la surface cellulaire, un changement de 11 conformation s’opère et le virion entre dans la cellule par endocytose. Par comparaison avec le cytomégalovirus (CMV), on suppose que le virus pourrait traverser le cytoplasme via le réseau de microtubules et rejoindre les complexes du nucléopores afin que le génome soit libéré dans le noyau (28). À ce niveau, on distingue deux modes d’infections. 2.6.1 Cycle lytique Après l’entrée au noyau, le génome viral prend la forme d’un épisome. Dès lors, il exprime ses gènes de façon séquentielle (α, β, γ) pour répliquer son génome et former de nouveaux virions. La figure 3 illustre le cycle réplicatif du HHV-6. Figure 3: Cycle réplicatif du HHV-6 Tirée de la revue Trempe et coll., 2011 (39) 12 Pour ce faire, le virus utilise la machinerie cellulaire de transcription et de traduction, mais possède sa propre ADN polymérase. Les protéines très précoces (α) sont des facteurs de transcription ou des protéines régulatrices. Elles ont donc une influence importante sur la transcription séquentielle des protéines, mais aussi au niveau de la régulation de la réactivation et sur l’évasion du système immunitaire (121). Les protéines précoces (β) sont quant à elles nécessaires au métabolisme de l’ADN et à la réplication. Enfin, les protéines tardives (γ) sont des protéines structurales nécessaires à l’assemblage de la capside. Elles sont dépendantes de la polymérase virale (95). La réplication du génome viral se fait selon la méthode du cercle roulant et fait appel à sept facteurs viraux différents. Une première protéine, Origin Binding Protein (OBP) lie l’origine de réplication et provoque l’ouverture de l’épisome (32, 55, 56). Un complexe protéique hélicase/primase tient cette ouverture stable et produit des séquences d’ARN guides pour la synthèse du brin lent (92). Pendant que l’ADN polymérase virale (pU38) synthétise l’ADN, la protéine majeure de liaison à l’ADN (U41) stabilise le simple brin (122). Du même coup, un facteur de processivité (U27) s’associe à l’ADN polymérase (75). Au fur et à mesure de la réplication, des concatémères se forment. Ceux-ci sont ensuite clivés via les sites Pac1 et Pac2 situés aux extrémités du génome et empaquetés (31). La nucléocapside maintenant mature migre vers le cytoplasme en empruntant une enveloppe temporaire à la membrane interne du noyau (126). Puis, elle perd cette première enveloppe et acquiert à l’appareil de golgi ou aux lamelles annelées le tégument et l’enveloppe parsemée de glycoprotéines virales. Par la suite, le virus rejoint la membrane plasmique via des vésicules de transport et sort par exocytose; de nouveaux virions sont formés et peuvent infecter à leur tour d’autres cellules. Le cycle réplicatif prend en moyenne 72 heures (13). 2.6.2 Cycle latent L’une des caractéristiques des herpèsvirus humains est leur capacité à entrer en état de latence. Le HHV-6 diminue son expression génique au minimum, afin de réduire sa détection par le système immunitaire de l’hôte. On différencie deux types d’infection latente: la réplication chronique de faible niveau et l’infection latente vrai. La première se ferait surtout au niveau des glandes salivaires et du cerveau; elle serait impliquée dans la 13 transmission du virus via la salive (22, 38). La seconde, dite «vrai», n’implique pas de réplication à faible niveau. Elle consiste plutôt en un foyer viral qui peut se réactiver et produire une infection lytique dans un moment de vie où l’hôte subit un stress important ou se trouve dans un état d’immunosupression. Les cellules cibles sont les monocytes/macrophages (64) et les cellules progénitrices de la moëlle (78). Par ailleurs, certains rapportent avoir détecté de l’ADN viral à faible niveau dans les PBMC d’adultes sains (107) et dans plusieurs tissus (23); mais aucune preuve n’a permis de démontrer qu’il s’agissait de réactivation. De la même façon que le CMV, HHV-6 exprime des transcrits de latence qui proviennent de la région IE-A du génome (66). Ceux-ci fortement exprimés avant la réactivation in vivo et in vitro seraient un élément déclencheur de la réactivation et de la transcription des gènes très précoces (65). 3. Intégration chromosomique 3.1 Découverte L’intégration chromosomique de certains virus est un phénomène connu depuis bien longtemps. En effet, elle a d’abord été décrite chez les familles des rétrovirus et des virus associés aux adénovirus. Chez les herpèsvirus, le phénomène est beaucoup moins commun et sa découverte chez quelques espèces est assez récente. L’herpèsvirus de poulet responsable de la maladie de Marek (MDV) est en mesure de s’intégrer aux chromosomes des cellules de volailles et provoquer des lymphomes. Chez les herpèsvirus humain, le phénomène est plutôt rare. L’observation de l’intégration du virus Epstein-Barr (EBV) a déjà été réalisée dans des lignées de cellules transformées d’un lymphome de Burkitt, mais semble être pour l'instant que marginal (103). De façon beaucoup plus importante, il a été démontré dans les dernières années que le HHV-6 pouvait s’intégrer au génome cellulaire. La première observation provient du laboratoire du Dr. Luppi, qui démontra, dans les années 90, la présence d’ADN du HHV-6 intégré dans le génome cellulaire de trois patients atteints de trois maladies différentes : la maladie de Burkitt, le lymphome non-Hodgkinien et la sclérose en plaques (80). Depuis, de nombreux cas d’intégration chromosomique par 14 HHV-6 (ciHHV-6) ont été reportés. Les travaux de plusieurs laboratoires permettent maintenant d’estimer sa prévalence à 1% dans la population mondiale (52, 73, 100, 119, 131). Les espèces A et B du virus peuvent tous deux s’intégrer, mais les cas rapportés permettent d'estimer que la prévalence du ciHHV-6B est trois fois plus importante que celle du ciHHV-6A (42). Par conséquent, on attribue maintenant à HHV-6 la capacité indéniable de s’intégrer dans le génome cellulaire, et ce, avec la plus haute prévalence de tout les herpèsvirus humain. Enfin, la particularité de l’intégration à HHV-6 réside dans le fait que toutes les cellules d’un individu contiennent une copie du génome viral (130). Il advient alors, que la transmission du ciHHV-6 se fait par l’hérédité, selon les lois de Mendel. 3.2 Intégration de novo et transmission héréditaire Tous les cas d’intégration observés jusqu’à maintenant sont la conséquence d’une transmission verticale (héréditaire). L’intégration de novo est très difficile à démontrer in vivo car le nombre de cellules contenant le génome viral intégré est faible et donc trop restreint pour être détectable par les méthodes diagnostiques. Ce qui laisse croire que ce type d’intégration est possible, provient d’une expérience menée par Arbuckle et son équipe, où ils ont démontré que le virus HHV-6 était sous forme intégrée après avoir infecté des cellules JJhan et HEK-293 (7). Ces auteurs ont d’ailleurs vérifié qu’il ne s’agissait pas de latence en s’assurant de l’absence de forme épisomale (7). Par contre, de plus amples recherches devront être faites à ce sujet pour démontrer véritablement la capacité du HHV-6 à intégrer le génome humain de novo. Malgré tout, la vraisemblance de l’intégration de novo va de soi puisque malgré le fait qu’on observe toujours la présence de la forme intégrée de par sa transmission verticale, il a bien fallu au départ qu’une cellule germinale soit permissive à l’intégration. Aujourd’hui, même si la transmission germinale est bien acceptée par la communauté scientifique, ce concept n’a pas toujours fait l’unanimité. En premier, Daibata et coll.,1988 (27) ont démontré que le site d'intégration du HHV-6 était identique chez trois individus de la même famille. Contesté par certains, une intégration préférentielle sur certains loci spécifiques fut proposée comme explication aux observations (79). En 1999, une observation du laboratoire du Dr. Daibata vint appuyer fortement le concept de la 15 transmission héréditaire. Il observa chez un enfant dont les deux parents étaient intégrés par le HHV-6, que les sites d’intégrations (22q13 et 1q44) étaient d’une part celui de sa mère et d’autre part celui de son père (26). Quelques-uns ont réfuté cette observation en affirmant qu’il était possible qu’une infection active provenant des parents est eu lieu durant l’embryogenèse ou à la naissance de l’enfant (46). Pourtant, peu de doute persiste aujourd’hui quant au fait que le HHV-6 puisse se transmettre de manière héréditaire puisque plusieurs expériences ont appuyé ce concept (53, 130). Enfin, basé sur les expériences et observations faites jusqu’à maintenant, on suppose que la transmission peut s’effectuer sur au moins 3 générations (27). 3.3 Virus latent ou mort? La fonction de l’intégration chromosomique est très controversée. Certains parlent d’une autre forme de latence, tandis que d’autres sont plus prudents et n’écartent pas la possibilité de la «mort» virale. La latence se veut un état de dormance où le virus minimise son expression génique et passe inaperçue face au système immunitaire. Après la latence, le virus doit aussi pouvoir en sortir et être en mesure de se répliquer. Or, très peu d'éléments nous permettent de conclure que l'intégration du génome est complète et que le virus peut se réactiver. L’équipe du Dr. Arbuckle a séquencée les jonctions virus-cellule d’un des sites d’intégration pour se rendre compte qu’une partie du DR droit était délétée de façon variable d’un individu à l’autre (7). Quant à l’autre extrémité, aucun résultat n’a été dévoilé. Par conséquent, le virus peut-il se réactiver même si lors de l’intégration il perd des bouts de séquence? Peut-être que les séquences perdues ne sont pas nécessaires au bon fonctionnement du virus? Par ailleurs, aucune preuve de réactivation in vivo n’a été publiée jusqu’à maintenant. En effet, démontrer que la réactivation provient bien de cellules intégrées et que le virus infectieux est le même que celui qui était intégré n’est pas une tâche facile. La réactivation a été observée en condition in vitro une seule fois. Pour ce faire, ils ont utilisé un agent chimique, la trichostatine A (inhibiteur de l’histone déacétylase) qui a permis d’augmenter le nombre de copies d’ADN du HHV-6A dans les lymphocytes T de porteurs du ciHHV-6. Ensuite, le virus aurait été transmis à des cellules MOLT-3 (7). Néanmoins, ce papier s’est attiré plusieurs critiques quant au choix des cellules à infecter et au gène utilisé pour associer le virus infectieux à celui intégré (90). En 16 effet, l'espèce virale utilisée pour cette étude n'est pas connue pour infecter les cellules MOLT-3. Puis, le gène U94 utilisé pour associer le virus intégré au virus infectieux est beaucoup trop conservé chez le HHV-6, le choix d'un gène plus variable aurait appuyé davantage les résultats. 3.4 Répercussions cliniques Puisque la réactivation à partir de l’état latent n’a pas encore été démontrée, il est très difficile d’associer l’intégration chromosomique à une quelconque maladie. Par contre, il est facile d’imaginer qu’une telle insertion dans notre code génétique pourrait causer des tords. En ce sens, on trouve un taux plus élevé de ciHHV-6 chez des individus atteints de maladies diverses (~2%) que chez des donneurs de sang sains (0,85%) (98). Un des groupes de patients majoritairement touchés par le ciHHV-6 est celui des greffés de cellules hématopoïétiques (HSCT) et d’organes solides (SOT) (58, 60, 100). Une récente étude réalisée chez des transplantés de foie démontre qu’un taux plus élevé d’infections bactériennes et de rejet de greffe est associé aux patients intégrés par le ciHHV-6 (72). Dans un autre ordre d’idée, il est difficile de différencier l’infection active à l’intégration chromosomique, ce qui dans certains cas peut engendrer un mauvais diagnostique. Un individu intégré dans toutes les cellules de son corps obtient des valeurs très élevées d’ADN viral lorsque ses prélèvements sont soumis à des tests quantitatifs de polymérisation en chaine (qPCR). Les résultats peuvent laisser croire que l’individu souffre d’une infection active par le HHV-6. Or, l’administration d’antiviraux doit être fait seulement par nécessité, puisque leur administration peut être dangereuse chez des patients déjà durement atteints. En fait, chez des patients atteints du ciHHV-6, les antiviraux n’auront aucun effet, sauf celui de détériorer l'état du patient (51). Enfin, on en connait peu sur les réels enjeux du ciHHV-6 et de ses répercussions cliniques, d'autres études seront nécessaires afin de cerner le problème. 17 3.5 Mécanisme de l’intégration Le mécanisme de l’intégration du HHV-6 est inconnu à ce jour. Évidemment on peut en apprendre beaucoup en étudiant d’autres virus qui peuvent s’intégrer. Avant de faire des analogies entre le virus responsable de la maladie de Marek (MDV) et le HHV-6, quelques concepts se doivent d’être détaillés. Il sera donc question de la recombinaison homologue et des séquences télomériques. 3.5.1 La recombinaison homologue La recombinaison homologue (RH) consiste en un échange entre deux ADN de séquences en partie équivalentes. Cette permutation peut être réciproque ou non et dépend absolument d’une recombinase. En contexte cellulaire, la RH sert à maintenir l’intégrité du génome, mais peut être impliquée dans le remaniement des chromosomes en période de stress cellulaire. Par conséquent, elle est régulée par plusieurs facteurs cellulaires puisqu’elle peut entrainer des conséquences graves pour la cellule. En génie génétique elle est utilisée pour remplacer ou déléter un gène. D’un point de vue moléculaire, la RH se fait à partir d’une ouverture simple brin dans un des ADN. Cette ouverture est causée par un bris ou par une protéine à activité endonucléase. La recombinase, une protéine habilité à faire la recombinaison homologue, peut ainsi lier l’extrémité simple brin et s’apparier sur la séquence homologue de l’autre séquence d'ADN. S’ensuit un échange de séquences entre les deux ADN (118). 3.5.2 Les télomères Les télomères sont les séquences aux extrémités des chromosomes. Ils consistent en une série de répétitions (TTAGGG)n d’une longueur variant de 5 à 15 kb dans les cellules somatiques (91). Ces différences sont observables entre les chromosomes et même entre les allèles. Au bout, le télomère est simple brin, riche en guanosines et est associé à plusieurs complexes de six protéines (TRF1, TRF2, POT1, TIN2, TPP1, RAP1). Les fonctions de ces protéines sont de contrôler la structure adoptée par l’extrémité des télomères, participer à la formation d’une boucle en T et de contrôler l’élongation par la télomérase (29). La télomérase est une ribonucléoprotéine qui allonge les télomères grâce à son activité de 18 transcription inverse et sa composante ribonucléique qui lui sert d'amorce (15). Dans une cellule différenciée l’activité télomérase est nulle et la longueur des télomères diminue à chaque division cellulaire (104). Lorsque la grandeur atteint un seuil critique, la cellule entre en sénescence ou meurt par apoptose. À l’inverse, dans 85% des cas de cancers, les cellules se protègent du raccourcissement des télomères en favorisant l'activité de la télomérase (115). L'autre 15% des cancers contourneraient le raccourcissement via le système alternatif d'élongation des télomères (ALT) qui dépend de la recombinaison homologue (20). 3.5.3 Virus de la maladie de Marek (MDV) Le virus de la maladie de Marek est un alphaherpesvirus oncogène qui infecte les poulets. Sa forme intégrée aux chromosomes cellulaires est à l’origine de lymphome des cellules T. Par conséquent, il cause de gros problèmes en production avicole et nécessite que les élevages soient vaccinés. La structure de son génome est analogue aux herpèsvirus humains 1 et 2. Elle consiste en une section longue unique (UL) et une section courte unique (US), séparées par deux séquences internes répétées (IRL et IRS) et flanquées à leurs extrémités par des séquences répétées terminales (TRL et TRS) (19). De plus, chaque TR contient en son extrémité une séquence télomérique parfaite (CCCTAA)n, tandis qu’une séquence imparfaite de même nature cloisonne les deux séquences IR (62). Les séquences télomériques répétées du MDV sont homologues à celles des télomères cellulaires et pourraient être impliquées dans l’intégration virale. En fait, l’intégration se fait indépendamment du chromosome et le génome viral est inséré en entier (30). Par contre, il est préférentiellement localisé dans les régions télomériques des chromosomes (105). Une récente étude confirme qu’un délétant de séquences télomériques du MDV s’intègre moins fréquemment et ne cible plus de région en particulier (61). Hypothèses pour HHV-6 Le MDV et le HHV-6 ont en commun quelques caractéristiques. D’abord, ils se distinguent des autres herpèsvirus par leur capacité à s’intégrer aux chromosomes cellulaires. Puis, tous deux ont des séquences télomériques dans leur génome. Certains ont émis l’hypothèse que le MDV pourrait s’intégrer grâce à la recombinaison homologue via les séquences 19 télomériques. Étant donné ces ressemblances, il est probable que le HHV-6 s’intègre via les séquences télomériques de son génome. Cette hypothèse est en partie soutenue par l’observation des cas reportés dans la littérature, où on observe que les sites d’intégration du HHV-6 se trouvent dans les régions télomériques (39). 4. La protéine Rep68 du AAV-2 4.1 Contexte Selon notre hypothèse, le HHV-6 pourrait s’intégrer aux chromosomes cellulaires par recombinaison homologue via les séquences télomériques. Pour que la recombinaison se fasse, il est nécessaire d’avoir une recombinase. Quant aux virus HHV-6 et MDV, on a des preuves que l’intégration est possible. Il y a donc deux possibilités: soit que le virus code pour sa propre recombinase, soit il utilise la machinerie cellulaire. Mais la nature fait bien les choses et par conséquent l’existence du HHV-7 nous permet d’aller un peu plus loin dans cette réflexion. En effet, le HHV-7 est un très proche voisin du HHV-6, avec une homologie de séquence nucléique de 85% (28). Comme le HHV-6, il contient dans ses DR, des séquences télomériques. Pourtant, le HHV-7 est incapable, jusqu’à preuve du contraire, de s’intégrer aux chromosomes des cellules (43). Alors, pour que le HHV-6 puisse s’intégrer, il doit nécessairement coder pour une ou des protéines qui ont certaines activités biochimiques des recombinases. Le HHV-6 a la particularité d’avoir dans son génome l’origine de réplication fonctionnelle (ORF) U94, qu’il ne partage pas avec le HHV-7 (85). Ce pourrait-il que cet ORF soit un élément clé de l’intégration chromosomique? Des éléments de cette protéine laisse croire que ce serait possible. En effet, la protéine U94 du HHV-6 partage une homologie de séquence en acide aminés de 24% avec la protéine Rep du virus associé aux adénovirus de type 2 (AAV-2) (123). 4.2 Rôle de la protéine Rep du AAV-2 Le AAV-2 est un parvovirus qui nécessite la présence d’un adénovirus pour infecter les cellules. En son absence, le AAV-2 entre en latence en s’intégrant au génome de la cellule et se réactive lors d’une infection par le virus auxilliaire (49). Il est associé à aucune maladie chez l’être humain. Son génome est un ADN simple brin de 4700 nucléotides qui 20 contient l’ORF Rep et Cap. Rep est associé à la réplication virale et Cap est une protéine de structure. Le génome est aussi flanqué par des TR composés de séquences palindromiques répétées. Ces séquences lui permettent de former à ses extrémités une structure en T nécessaire à sa réplication et à la transcription de ses gènes. Le fonctionnement de la réplication et le rôle joué par la protéine Rep sont bien connus. D’abord, le site de liaison de Rep (RBE) est essentiel dans ce processus, il consiste en 3 répétitions du motif (GAGC) (83, 109). La liaison de Rep à ce site provoque le réarrangement spatial du génome et libère le site trs, endroit où Rep clive le génome grâce à son activité endonucléasique intrinsèque (54). La protéine se lie ensuite à la nouvelle extrémité 5’ ainsi créée et la réplication se fait grâce à la machinerie cellulaire à partir de l’extrémité 3’ (117). Comprendre le rôle de Rep dans la réplication du AAV-2 permet de jeter les bases du mécanisme de l’intégration. En ce sens, l’analyse des sites d’intégration du AAV-2 permet de conclure que le virus s’intègre préférentiellement à un locus bien précis du chromosome 19 (111). En effet, ce site est désigné AAVS1 et consiste en quatre répétitions du même motif retrouvé dans le site RBE des TR du virus (67). Or, la protéine Rep pourrait se lier simultanément au site situé sur le chromosome cellulaire et au RBE viral pour ainsi les rapprocher et permettre la réplication au niveau du chromosome (84). Les dernières étapes du procédé sont encore inconnues, mais on sait que le génome viral s’intègre sous la forme de concatémères et persiste dans la cellule hôte jusqu’à la réactivation. D’un point de vue mécanistique, la protéine Rep semble avoir besoin de quatre activités pour permettre l’intégration du AAV-2 : la liaison à l’ADN simple et double brin et des activités hélicase et endonuléase ATP dépendantes (54, 97).Voici une brève description des domaines nécessaires à ces différentes activités. 21 4.3 Domaine d’interaction avec l’origine et hélicase SF3 Figure 4 : Domaines de la protéine Rep78 Adaptée de la revue Hickman et coll., 2005 (47) L’ORF REP code pour 4 isoformes de la protéine Rep nommés selon leur poids moléculaire: Rep40, Rep52, Rep68, Rep78 (76). Les protéines Rep68/78 sont nécessaires à la réplication du génome de AAV-2 (16). La figure 4 illustre l’arrangement des domaines de la protéine Rep78. Elle se distingue de la protéine Rep68, par son domaine composé de doigts de zinc qui lui permet d’interagir avec des facteurs cellulaires (82). Dans un premier temps, le domaine d’interaction avec l’origine (en jaune) est responsable des activités de liaison à l’ADN simple brin et endonucléase de la protéine. La liaison à l’ADN est indépendante de l’ATP et se fait préférentiellement aux sites RBE des TR viraux ou sur le locus AAVS1 situé sur le chromosome 19 de l’humain. Par contre, l’apport en ATP semblerait stimuler la liaison à l’ADN par la protéine Rep68 (69, 96). Quant à l’activité endonucléasique, elle est ATP dépendante et coupe obligatoirement sur un ADN simple brin et à un site très particulier ; le site de résolution terminale (trs). Dans un second temps, le domaine responsable de l’activité hélicase (en vert pâle) est caractéristique de la super famille III (SF3). En effet, il existe 3 grandes familles d’hélicases: SF1, SF2 et SF3. La famille SF3 est unique aux petits virus à ARN ou ADN. Ces hélicases sont caractérisées par 4 motifs : Walker A, Walker B, B’ et C. Les deux premiers sont conservés dans les trois familles d’hélicases. Ces motifs sont responsables de l’activité ATPase de la protéine nécessaire à sa translocation sur l’ADN double brin (116). Quant au motif C, il est unique à cette famille. Il serait essentiel au mouvement de la protéine le long de l’ADN, puisqu’il contient une arginine qui capte le signal de phosphorylation du domaine A et engendre le changement de conformation de la protéine (47). Les connaissances actuelles sur la 22 structure quaternaire des hélicases SF3 suggèrent fortement la formation de complexes protéiques pour leur bon fonctionnement. Pour la Rep68/78, il a été démontré in vitro qu’il pouvait y avoir formation de complexes dépendant de la structure de l’ADN (82). Enfin, une autre particularité des hélicases SF3 est leur capacité à accomplir plusieurs tâches telles que le remodelage de l'origine de réplication et la réplication. 5. Protéine U94 du HHV-6 5.1 Unique à HHV-6 Le gène U94 est unique à HHV-6. Tel que mentionné, l’ORF U94 est même absent du génome du HHV-7, l’espèce la plus rapprochée du HHV-6 (85). Brièvement, ce gène est situé à l’extrémité droite de la région UL du génome du HHV-6 et il est codé par 1473 pb sur le brin complémentaire. Lors de la transcription, on détecte 2 transcrits émanant de cette région : l’un de 5 kb beaucoup moins fréquent et l’autre de 2,7 kb qui représente la très grande majorité des transcrits produits (87). Tel que représenté à la figure 5, l’ARNm le plus fréquent (2,7 kb) contient 3 exons et deux introns épissés (102). Les deux premiers exons ne codent pour aucune séquence protéique, tandis que l’exon 3 code pour la protéine U94 de 490 acides aminés; celle décrite dans la littérature et dont il sera question ici (87). Figure 5 : Transcrits de l’ORF U94 du HHV-6 Figure adaptée de Mori et coll., 2000 (87) L’ORF U94 est très conservé entre les deux espèces du HHV-6 et entre les différents 23 isolats. En effet, la séquence génomique et protéique de U94 seraient identique à près de 97% entre le HHV-6A et HHV-6B (35, 57). De plus, la divergence entre les souches de même espèce serait de moins de 0,2 à 0,6 % ce qui suggère que cette protéine joue un rôle biologique prédominent (102). L’équipe du Dr. Mori, qui a identifiée les transcrits, a aussi vérifié la localisation cellulaire de la protéine U94. 24 heures après l’infection de cellules MT-4 par le HHV-6B, la protéine U94 est localisée au niveau du noyau. Avec le temps, soit 48 heures après l’infection, la protéine est cytoplasmique (87). Quant à son type temporel, les résultats diffèrent selon la technique utilisée. Certains affirme qu’elle est une protéine très précoce (86, 95), tandis que d’autres concluent qu’elle est précoce (127). 5.2 U94 et Rep68/78 Les herpèsvirus peuvent jouer le rôle de virus auxilliaires pour permettre l’infection par le AAV-2 (48). En ce sens, le Dr. Thomson affirmait en 1991 que la protéine U94 serait le résultat d’un transfert direct entre le AAV-2 et le HHV-6 (123). Selon lui, l’homologie de séquence en acides aminés de 24% avec la protéine Rep68/78 suggère que ce gain de gène n’est pas le résultat d’un ancêtre commun ou d’une convergence lors de l’évolution. Ce serait plutôt l’infection d’une même cellule par les deux virus qui aurait permis au HHV-6 d’obtenir par recombinaison non-homologue le gène Rep. Par la suite, l’une de ses expériences vint appuyer fortement sa proposition lorsqu’il démontra qu’un mutant du AAV-2 délétant du gène Rep pouvait, grâce à l’apport de U94 en trans, regagner la capacité de se répliquer (124). La comparaison des séquences homologues entre ces deux protéines révèle l’importance des domaines et acides aminés conservées. Tel que mentionné, la protéine Rep68/78 possède quatre activités nécessaires à la réplication et par conséquent à l’intégration chromosomique : la liaison à l’ADN simple et double brin, l’activité ATPase, l’activité hélicase et l’activité endonucléase spécifique. Des expériences de mutagenèse sur la protéine Rep ont permis d’identifier les domaines et résidus nécessaires aux activités (128, 129). Par conséquent, nous avons aligné les séquences des protéines Rep68, U94A et U94B (figure 6) et observé les homologies. On s’aperçoit assez rapidement que U94 possède théoriquement les domaines nécessaires pour avoir les mêmes activités biochimiques que la 24 protéine Rep68 du AAV-2. D’ailleurs, il a été démontré que la protéine U94 est en mesure de lier l’ADN simple brin et que cette activité serait plus évidente avec l’ajout d’extrait cellulaire à la réaction in vitro (33). 25 Y164F Mutant endonucléase GK343AH Mutant hélicase K395A Mutant de liaison Figure 6 : Alignement des séquences en acides aminés de Rep68 et U94A Alignement des séquences en acides aminés des protéines Rep68 du AAV-2, U94A et U94B du HHV-6. Les acides aminés nécessaires aux activités biochimiques de la protéine Rep68 (liaison à l'ADN, ATPase, hélicase et endonucléase) sont en rouge. Les rectangles noir délimitent les différents domaines responsables de l'activité hélicase de la protéine Rep68. L'arginine du site actif de l'activité hélicase est en bleu. Les acides aminés retrouvés dans la séquence des trois protéines sont marqués d'un astérisque (*), les acides aminés conservés, d'un deux points (:) et les semi-conservés, d'un point (.). 26 5.3 Latence et transactivation Mis à part le rôle potentiel de la protéine U94 dans l’intégration chromosomique, on lui reconnait déjà un rôle dans la latence virale. Ainsi, lors de l'infection d'une cellule in vitro l'expression de transcrits d'U94 pendant le cycle lytique est très faible (102). À l'inverse, seuls les transcrits de l'ORF U94 sont présents lors d'une infection latente de PBMC d’individus sains (107). La réplication du HHV-6 et des autres β-herpèsvirus est inhibée en transfectant des cellules avec un vecteur qui exprime U94 (17). Pour mieux comprendre l’effet de la protéine U94 sur la réplication virale, le laboratoire du Dr. Di luca a infecté une lignée de cellules lymphoïdes exprimant de façon stable la protéine U94. Les cellules permissives à l’infection n’ont révélé aucun effet cytopathique (107). Bref, la protéine U94 joue un rôle important dans la latence et semble être impliquée dans la régulation de la réplication virale. Ceci suggère que U94 serait un transactivateur important chez le HHV-6. En effet, dans des cultures in vitro de fibroblastes la protéine U94 peut lier le promoteur LTR du virus de l’immunodéficience humaine de type 1 et l’activer (124). U94 influence également différents éléments cellulaires puisqu'il a été démontré que la protéine U94 est capable de lier le facteur de transcription humain TATA Binding Protein (hTBP) pour ainsi moduler la réponse cellulaire (87) et supprimer la transformation cellulaire causée par l’oncogène H-ras (6). 6. Hypothèse et objectifs de recherche 6.1 Hypothèse Il a été observé depuis plus d’une vingtaine d’années que le HHV-6 est en mesure de s’intégrer dans les chromosomes cellulaires. Depuis, plusieurs cas raportés permettent d’affirmer que l’intégration s’effectue dans les régions subtélomériques/télomériques des chromosomes. Le virus de la maladie de Marek, un α-herpèsvirus chez le poulet, s’intègre lui aussi au niveau des télomères probablement via les séquences télomériques répétées de son génome. Ces mêmes séquences sont présentes dans les régions directement répétées du génome du HHV-6. Le AAV-2, quant à lui, adopte la forme d’un provirus en absence de virus auxilliaire nécessaire pour le déclenchement de son cycle lytique. Il partage avec le 27 HHV-6 une homologie de séquence en acides aminés de 24% pour la protéine Rep/U94. Cette protéine, qui est associée à l’intégration du AAV-2, a la capacité de cibler le locus de l’insertion via une recombinaison non-homologue. À partir de ces connaissances et du rôle que joue U94 dans la latence du HHV-6, nous émettons l’hypothèse que la protéine U94 du HHV-6 est impliquée dans le processus de l’intégration chromosomique. La démonstration que la protéine U94 partage les mêmes activités biochimiques que la protéine Rep du AAV-2 permettrait d’appuyer fortement cette hypothèse. Éventuellement des tests d’intégration in vitro à l’aide d’un mutant délétant de U94 seraient nécessaires afin de bien cerner la problématique. Enfin, ces observations serviraient à mieux comprendre l’intégration chromosomique du HHV-6. 6.2 Objectif principal L’objectif du projet est de vérifier si la protéine U94 possède les activités biochimiques de la protéine Rep essentielles à l’intégration du AAV-2. Ces activités sont la liaison à l’ADN simple brin et double brin, l’ATPase, l’hélicase et l’endonucléase. Pour ce faire, des tests in vitro seront faits dans un premier temps en radioactivité, puis dans un second temps à l’aide d’appareils spécialisés. 6.3 Objectifs spécifiques Les objectifs spécifiques sont: 1- De produire la protéine U94 en fusion avec une étiquette immunogénique (Flag) grâce à une construction dans un vecteur eucaryote pour permettre son expression dans des lignées cellulaires. 2- Produire une protéine de fusion entre la protéine qui lie le maltose (MBP) et U94 pour obtenir une protéine soluble dans un système bactérien et faciliter sa purification. 28 3- Élaborer des mutants de la protéine U94 par mutagenèse dirigée pour les quatre activités biochimiques. 4- Déterminer la localisation cellulaire de la protéine U94 par immunofluorescence. 5- Vérifier l’activité de liaison à l’ADN simple et double brin par des essais de retards sur gels. Étudier la spécificité de la liaison pour un type d'ADN avec le Proteon™ XPR36. 6- Effectuer des tests d’ATPase pour vérifier la capacité de U94 à hydrolyser l'ATP. 7- Immunoprécipiter la protéine FLAG-U94 pour de futurs essais d'immunoprécipitation sur la chromatine et de co-immunoprécipitation avec des protéines partenaires potentiels d'U94. 8- Séquencer et comparer le gène U94 de souches virales de laboratoire et de souches virales intégrées. 29 Matériel et méthodes Construction de vecteurs procaryotes codant pour U94A et U94B Le gène U94 du HHV-6 a été amplifié par PCR à partir des deux espèces du virus : A (souche GS) et B (souche Z29). La réaction PCR a été faite dans un volume final de 50 μl, avec 2,5 U de polymérase Expand High Fidelity PLUS PCR System (Roche Diagnostics) à partir des amorces (5'-CGCGGATCCTTTTCCATAATAAATCC-3') en sens et (5'CGCAAGCTTTTATAAAATTTTYGG-3') antisens à la concentration de 0,4 μM. L’une contient le site de restriction BamH1 et l’autre le site HindIII à leurs extrémités respectivement (souligné). La réaction consiste en un premier cycle à 94°C pendant 2 min ; en 10 cycles de 30 s à 94°C, 30 s à 50°C et 2 min à 72°C ; puis en 20 cycles de 30 s à 94°C, 30 s à 50°C et 2 min + 10 s à 72°C pour se terminer par un dernier cycle de 7 min à 72°C. Ensuite, les produits PCR ont été séparés sur gel d’agarose 0,8% dans un tampon Trisbase/Acide acétique/EDTA (TAE) 0,5X. Les bandes correspondantes au gène U94 ont été extraites du gel avec le kit QIAquick Gel extraction (Qiagen). L’ADN obtenu a été dosé et les sites de restrictions situés dans les amorces ont servi à liguer le gène U94 dans le vecteur d’expression procaryote pMAL-c2 préalablement digéré par BamH1 et HindIII (New England Biolabs Inc.). Les ligations ont été faites toute la nuit (O/N) à 16°C avec l'ADN ligase du phage T4 (New England Biolabs, Inc), puis ont été transformées dans des cellules bactériennes E. coli TOP10 (Life Technologies Corporation) et ensemencées sur pétris LB (milieu Luria-Bertoni) avec 100 µg/mL d’ampicilline à 37°C O/N. L’ADN de 8 colonies a été extrait avec le kit QIAprep Spin Miniprep (Qiagen), digéré avec l'enzyme de restriction EcoR1 et les clones attendus ont été envoyés à la Plateforme de séquençage et de génotypage du Centre de recherche du CHUL. Les séquences ont permis de vérifier la continuité du cadre de lecture entre MBP et U94. L’amorce FLAL55 sens et située en amont dans le vecteur a été utilisée (GCAAAGTGGTACGCTCAAGC) (Integrated DNA Technologies). Enfin, une plus grande préparation d’ADN a été faite avec le kit Plasmid Maxi Prep (Qiagen) et conservée à -20°C. 30 Construction de vecteurs eucaryotes codant pour U94A et U94B Deux types de construction ont été faits à partir de vecteurs d'expression eucaryotes. D'une part, l'ORF U94 de l'espèce A a été cloné en fusion avec l'étiquette FLAG en N-terminale. Le protocole utilisé pour l’amplification du gène U94A de la souche GS a été le même que celui utilisé pour la construction dans le vecteur procaryote. Les amorces utilisées étaient flaquées des sites Xho1 et HindIII pour être insérées dans le vecteur pENTR4-FLAG. Ce vecteur doit être fusionné avec un vecteur de destination qui contient le promoteur nécessaire à l'expression de la protéine de fusion. Pour ce faire, 25 ng de pENTR4-FLAGU94 a été ajouté à 50 ng de vecteur de destination pLentiCMV/TO Puro Dest (Addgene), en présence de 1 μl d’enzyme Clonase (Gateway® LR Clonase® II Enzyme mix de Life technologies Corporation) et 1 μl de tampon de réaction 5X. La réaction dure 3h à température pièce et le produit est transformé dans des E coli. stbl3 (Life technologies Corporation) et ensemencé sur pétri LB avec ampicilline (100 μg/ml). Une maxiprep d’ADN a été préparée et stockée à -20°C. D'autre part, les oligonucléotides sens et antisens correspondant aux séquences télomériques parfaites du HHV-6 ont été insérés dans le vecteur pcDNA4/hismaxC (Invitrogene). L' oligonucléotide sens (5'-TCGAGGGGTTAGG GTTAGGGTTAGGGTTAGGGTTAGGGTTAGGGTTAGGGTTAC-3') et l'oligonucléotide antisens (5'-TCGAGTAACCCTAACCCTAACCCTAACCCTAACCCTA ACCCTAACCCTAACCCC-3') ont été phosphorylés par l’USB® Optikinase™ (Affymetrix) à 37°C pendant 30 min suivit d'un traitement à 65°C pendant 20 min pour désactiver l'enzyme. Les oligonucléotides ont été chauffés à 100°C dans une solution de citrate de sodium salin 1X (SSC) pendant 5 min et refroidis à TP pendant la nuit pour favoriser leur appariement. Quant au vecteur, il a été digéré par l'enzyme de restriction Xho1 (New England BioLabs) et déphosphorylé 2 heures à 37°C par la phosphatase alkaline (Thermo scientific). L'insert et le vecteur ont été dosés par spectrométrie à 260 nm grâce à l’appareil Infinite® 200 PRO NanoQuant (Tecan) pour ensuite être ligués à 16°C durant 4 heures. La ligation a été transformée dans des E coli. DH5α et les préparations d'ADN ont été séquencées avec l'amorce CMV fwd (5'-CGCAAATGGGCGGTAGGCGTG -3'). 31 Mutagenèse dirigée des protéines U94A/B Des amorces ont été synthétisées (Integrated DNA Technologies) afin de muter le gène de U94 à 3 endroits différents. Les trois mutations ont été faites séparément : Y164F (endonucléase), GK343AH (ATPase) et K395A (liaison à l’ADN). Chaque réaction PCR contient 100 ng de vecteur pMAL-c2-U94, 125 ng de chacun des oligos, 10 mM de dNTPs, 2,5 U de la polymérase PFU Turbo (Stratagene), le tampon de réaction à 1X et de l’eau pour un volume final de 50 μl. Les températures de dénaturation (Tm) qui ont été utilisées sont : 45°C pour le mutant K395A et 53,4°C pour les autres mutants. Le programme PCR utilisé pour l'amplification correspond à un premier cycle à 95°C pour 30 s, suivit de 18 cycles de 30 s à 95°C, 1 min au Tm correspondant (45 ou 53,4°C), 17 min à 68°C et d’un dernier cycle de 7 min à 68°C. Après la réaction, l’ADN parental a été digéré avec Dpn1 suivi d’une transformation bactérienne et d'un ensemencement sur pétris LBampicilline. Quelques clones ont été repiqués et l’ADN envoyé au séquençage pour confirmer les mutations. Les amorces utilisées pour chaque mutation sont : 5-'CTTCAGTC TAAGTTTCATCCCCTTTGCCC-3' (Y164F en amont) et 5'-GGGCAAAGGGGATGAA ACTTAGACTGAAG-3' (Y164F en aval) ; 5'-TTTAATATTATAGCATCCCTCCTTGGA GGTC-3' (K395A en amont) et 5'-GACCTCCAAGGAGGGATGCTATAATATTAAA-3' (K395A en aval) ; 5'-CACCCGGATGTGCACACTCGATGTTAACG-3' (GK343AH en amont) et 5'-CGTTAACATCGAGTGTGCACATCCGGGTG-3' (GK343AH en aval). Production des protéines dans E. coli BL21-RIL Les vecteurs d'expression procaryotes permettent de produire de grande quantité de protéines à l'aide de cultures bactériennes. De fait, les protéines MBP, Rep68, U94A, U94B et les 6 mutants d'U94 ont été produites dans E. coli BL21-RIL. La première étape de la production de protéines a consisté à transformer les bactéries BL21-RIL avec 100 ng de la construction pMal-c2. Ensuite, les bactéries ont été ensemencées sur pétri LB avec 100 μg/ml d'ampicilline et 25 μg/ml de chloramphénicol et mis à 37°C O/N à 250 rpm. Le lendemain, une préculture de 20 ml de LB liquide avec les mêmes antibiotiques a été ensemencée et mise à 37°C à 250 rpm O/N. Le jour suivant, 500 ml de milieu LB liquide avec antibiotiques ont été ensemencés avec 5 ml de la préculture et mise à 37°C jusqu'à ce qu'une D.O.600 nm de 0,4-0,6 soit atteinte. Ensuite, 0,3mM d'isopropyl β-D-1- 32 thiogalactopyranoside (IPTG) a été ajouté et la culture a été placée à température pièce (TP) O/N. Le lendemain matin, la culture bactérienne a été centrifugée dans le rotor H6000A de la centrifugeuse Sorvall RC 3C PLUS à 4000 x g pendant 20 min et le surnageant a été écarté pour conserver que le culot. Puis, le culot a été homogénéisé dans 20 ml de tampon de lyse (Tris-HCl 20 mM pH 7.5, DTT 1 mM, EDTA 1 mM, NaCl 200 mM) et séparé dans quatre tubes Falcon de 50 ml. Pour libérer les protéines produites, les bactéries ont été lysées sur glace avec le soniqueur Sonifier 450 (Branson) à puissance 3.5 pendant 2,5 min de façon intermittente pour éviter de surchauffer le lysat. Par la suite, les 4 échantillons d'un même lysat ont été rassemblés et placés à 4°C pour ensuite être centrifugés à 9000 x g pendant 30 min dans le rotor fixe JA-20 de la centrifugeuse Avanti J-E (Beckman Coulter). Le surnageant ainsi obtenu contient les protéines qui doivent être purifiées. Deux méthodes ont été utilisées en parallèle. L’une manuelle, qui sera décrite ici, et l’autre automatique, avec l’ÄKTAprime plus, (GE Healthcare) qui permet de la même façon que la méthode manuelle de purifier les protéines sur colonne d'amylose, mais qui est plus efficace quant à la pureté et à la quantité de protéines obtenues. D'abord, la résine d'amylose (Dextrin SepharoseTM High Performance de GE Healthcare) a été ajoutée à la colonne de chromatographie. Ensuite, la résine a été lavée par trois volumes de colonne (10 ml) de tampon de lyse. Le lysat bactérien a ensuite été ajouté à la colonne pour permettre à la MBP de se lier à la résine et à la solution d’être éluée. Puis, la colonne a été lavée par 30 ml de tampon de lyse. La protéine a ensuite été éluée par une solution de tampon de lyse additionnée de maltose 100 mM. Dans le cadre de ce projet, toutes les protéines purifiées ont été éluées dans les deux premières fractions de 1 mL. Pour obtenir une préparation de protéines plus pure, l'extrait protéique a été dialysé dans une cassette Slide-A-Lyzer Dialysis de 10K MWCO (Thermo Scientific). Pour ce faire, la cassette qui contient l'extrait purifié doit être plongée dans quatre litres de tampon phosphate salin (PBS) 1X pour 1h, puis dans un nouveau quatre litres de PBS 1X pour une deuxième heure. Finalement, la protéine obtenue est dosée par la méthode de l'acide bicinchoninique (BCA). 33 Immunobuvardage et coloration au bleu de coomassie Les protéines U94A, U94B, Rep68, MBP et les mutants d'U94 ont été mises sur gel de polyacrylamide pour vérifier leur poids moléculaire et leur pureté relative. 100 ng et 500 ng de protéines purifiées et dialysées ont été séparées sur gel 7,5% de polyacrylamide-SDS (SDS-page). De ces gels, la moitié a été directement colorée au bleu de coomassie, tandis que l'autre moitié a été utilisée pour faire un immunobuvardage. La coloration au bleu de coomassie a été faite pendant 3h à TP, suivit de deux décolorations subséquentes de 1h30 chacune sur plaque agitatrice. La solution de décoloration est composée de 40 % de méthanol, 10% d'acide acétique glacial et 50% d'eau. Enfin, le gel a été déposé sur papier whatman (Fisher) et séché sous vide pendant 2h avec le Air Dryer Model 543 (Bio-rad). Autrement, les protéines sur les gels utilisés pour l'immunobuvardage ont été transférées sur une membrane de PVDF (Immobilon® Millipore) à 4°C pendant 1h. Ensuite, les membranes ont été bloquées pendant 1h dans une solution TBS 1X /Tween-20 0,1% (TBST) avec 5% de lait. Après trois lavages de 5 min au TBST, l'anticorps primaire a été ajouté. Il s'agissait d'une dilution 1/1000 dans du TBST de l'anticorps polyclonal anti-MBP de lapin (Abm). Après 1h d'incubation à TP sous agitation, 3 lavages de 5 min au TBST ont été faits. Puis, l'anticorps secondaire, un chèvre anti-lapin couplé à la peroxydase (Jackson ImmunoResearch Laboratories, Inc), a été ajouté à la dilution de 1/10000. Enfin, les membranes on été lavées à trois reprises avec du TBST durant 5 min et les protéines révélées par l'ajout du substrat de la peroxydase ECL (Western Lightning® Plus-ECL, PerkinElmer, Inc). Construction GST-vFlip Le gène vFlip a été amplifié par PCR à partir du vecteur pcDNA3-vFlip et des amorces sens (5'-CCTTAAGCTTCTATGGTGTATGGCGATAGTG-3') et antisens ( 5'-GCCACTT ACGAGGTTCTCTG-3') en suivant le programme utilisé pour l'amplification d'U94. Pour insérer le produit PCR à bouts francs dans le vecteur pGEX-2T, ce dernier a été digéré par EcoRI et traité par la Pfu ADN polymérase (Thermo Scientific) pour générer des bouts complémentaires au produit PCR. Ensuite, le vecteur résultant a été utilisé pour produire la protéine GST-vFlip dans un système bactérien (E. coli), inductible à l'IPTG (0,3mM) à la 34 manière d'U94. La colonne utilisée pour la purification d'affinité a été une GSTrap HP de 1 ml (GE Healthcare Life Sciences). Transfection des cellules et immunofluorescence Les vecteurs pLentiCMV/TO-Puro-FLAG-U94A et pcDNA3.1(-) (Invitrogen) ont été transfectés dans des cellules Hela. 24 heures avant la transfection, les cellules ont été passées et distribuées dans des pétris de 35 mm au compte de 400 000 cellules. Le lendemain matin, 2,5μg de vecteur pcDNA3.1(-) ou de vecteur FLAG-U94A ont été transfectés pendant 48h avec le réactif de transfection TransIT®-LT1 (Mirus Bio) tel que recommandé par le fabricant. Les pétris de 35 mm qui contiennent les cellules Hela transfectées ont été lavés 3 fois avec du PBS 1X. Les cellules ont été fixées avec 1 ml de paraformaldehyde 1% pendant 20 min à TP. Après 2 lavages au PBS 1X, 1 ml de 0,1 M glycine/PBS a été ajouté pour neutraliser le paraformaldehyde. 2 lavages au PBS ont été faits, puis les cellules ont été perméabilisées avec une solution de 0,5% triton/PBS pendant 5 min. 4 Lavages, deux fois avec du PBS 1X et 2 autres avec du PBS/ 1% BSA ont été faits avant de bloquer la surface du pétri avec la solution de PBS/ 1% BSA. Après avoir bloqué la surface pendant 30 min, le premier anticorps a été ajouté à une dilution de 1/50; il s'agissait d'un anticorps anti-FLAG de souris (abm). Les pétris ont été placés dans une chambre humide pendant 2 heures. Ensuite, 3 lavages au PBS/BSA 1% ont été faits avant d'ajouter le second anticorps à une dilution de 1/500. Celui-ci était un anticorps de chèvre anti-souris IgG couplé au fluorophore Alexa fluor® 488 (Invitrogen). Enfin, 3 lavages au PBS/BSA 1% ont été faits avant de regarder les pétris au microscope en contraste de phase et en fluorescence avec l'objectif 40X. Pour ce faire, la solution dans le pétri a été enlevée complètement pour ne remettre que 2 gouttes et une lamelle a été déposée au fond du pétri. Essais de liaison à l’ADN avec le Proteon™ XPR36 Pour ce projet, l'utilisation d'une puce NLC était indiquée. Celle-ci contient des molécules de neutravidine préalablement liées aux groupements alginates de surface. Contrairement aux autres types de puce, la NLC ne nécessite pas l'activation de la surface d'alginate 35 puisque des molécules y sont déjà liées. La première étape consiste donc à initialiser la puce à l'air (première utilisation) ou au glycérol (seconde utilisation). Ensuite, il faut préconditionner la puce par l'injection de 1 M de NaCl et 50 mM de NaOH dans les 6 canaux. Dès lors, la surface de la puce est conditionnée pour la liaison des oligonucléotides à sa surface. Nous avons effectué une première expérience de mise au point où 6 ADN de natures différentes ont été utilisés. Les ADN ont été dilués dans du PBST 0,05% tween à la concentration de 5x10-5 μg/μl dans l'ordre suivant: séquence télomérique riche en G (5'Biotine/- GGTTGAGGTTAGGGTTAGGGTTAGGGTTAGGGTTAGGGTTAGGGTTAG -3'), séquence télomérique riche en C (5'-Biotine/-CTAACCCTAACCCTAACCCTAACC CTAACCCTAACCCTAACCCTAACC-3'), séquence télomérique virale riche en C (5'CTAACCCTAACCCTAACCCTAGGCCCTAACCCTAACCCTAGGTCTAACCCT/Bioti ne-3'), séquence aléatoire (5'-GGTATCGGTATCGGTATCGGTATCGGTATCGGTATCG GTATCGGTATCGATCAGT-3'), séquence télomérique virale double brin (brin sens et antisens des TRS du HHV-6) et l'ADN correspondant au site de liaison AAVS1 de la Rep68 (5'-GATGGAGTTGGCCACTCCCTCTCTGCGCGCTCGCTCGCTCACTGAGGC C/Biotine-3'). La réponse en RU (Response Unit) que nous avons obtenue pour la liaison des oligonucléotides à la surface de la puce a été de 60 RU. Une réponse assez élevée indiquant qu'une bonne quantité d'ADN est liée à la surface de la puce, mais pas trop élevée pour saturer la surface. De cette façon, les protéines vont majoritairement lier qu'un ADN à la fois, puisque ceux-ci ne sont pas trop rapprochés les uns des autres. Ensuite, nous avons bloqué la surface avec 1nM de biotine dans un tampon PBST 0,05% pour bloquer les sites neutravidines encore libres. Une première étape de régénération de la surface a été faite pour enlever les molécules qui auraient adhérées à la surface de façon non covalente. Pour y arriver, trois injections consécutives ont été faites : NaCl 2 M, 5 mM NaOH + 0,5 M NaCl, 0,1% SDS. La régénération de la surface doit être faite après chaque injection de protéine ou d'ADN pour éviter d'accumuler des molécules par liaison non covalente. Pour débuter les injections de protéines, il faut d'abord changer le tampon d'expérience qui était jusqu'ici le PBST 0,05% par le tampon de liaison (NaHEPES, pH 7.4, 20 mM ; NaCl 0,1 M ; MgCl2 10 mM, Tween-20 0,1 % ; BSA 1 mg/ml ; 0,83 mM d'ATP). Ensuite, les protéines MBP et MBP-U94B ont été injectées. La MBP a été le témoin négatif des expériences de liaison puisqu'elle n'est pas connue pour lier l'ADN. La Rep68 est le témoin positif puisqu'il 36 a déjà été démontré qu'elle pouvait lier le site AAVS1 du AAV-2. D'abord, les concentrations auxquelles les protéines sont injectées doivent être vérifiées par essaiserreurs. L'important est d'obtenir après l'injection une courbe d'association croissante qui se rapproche le plus possible à l'état d'équilibre. En effet, afin d'obtenir de bonnes valeurs d'association et de dissociation il est important de s'approcher au maximum de l'équilibre de la réaction. Autrement, s'il est atteint trop rapidement pendant l'injection, il est préférable de diminuer la quantité de protéines, puisqu'elles risquent de saturer la surface et de se lier de façon non spécifique. Les concentrations auxquelles les protéines ont été injectées sont les suivantes : 800 nM, 400 nM, 200 nM, 100 nM, 50 nM et 0 nM. Une seconde expérience a été faite au regard des résultats obtenus avec le premier essai. D'abord, les protéines ont été injectées à des concentrations plus élevées que pour le premier essai afin d'obtenir des valeurs significatives de liaison (1 μM, 0,5 μM, 0,25 μM, 0,125 μM, 0,0625 μM et 0 μM). Dans cet essai, nous voulions vérifier dans un premier temps si les protéines U94 pouvaient lier l'ARN de la télomérase (TERC) et dans un second temps, si U94A et U94B pouvaient lier les séquences télomériques cellulaires double brin. Les ARN et ADN ont été liés à la concentration de 5x10-5 μg/μl dans l'ordre suivant: ARN de la télomérase (5'-Biotine/-rGrUrGrGrCrCrArUrUrUrUrUrUrGrUrCrUArArCrCrCrUrAr ArCrUrGrArGrArArGrGrGrCrGrUrArG-3'), ARN de la télomérase muté (5'-Biotine/rGrUrGrGrCrCrArUrUrUrUrUrUrGrUrGrArUrUrGrGrGrArUrUrCrUrGrArGrArArGrGrG rCrGrUrArG-3'), l'équivalent en ADN du TERC (5'-Biotine/-GTGGCCATTTTTTGTCTA ACCCTAACTGAGAAGGGCGTAG-3'), la séquence télomérique riche en C (même que celle du premier essai), la séquence télomérique cellulaire double brin et la séquence AAVS1 double brin liée par Rep68. Essais de liaison à l’ADN en radioactivité Les essais de liaison sur gel ont été faits avec les séquences TRS du HHV-6: TRS sens riche en G (5'-AGGGTTAGACCTAGGGTTAGGGTTAGGGCCTAGGGTTAGGGTTAG GGTTAG/Biotine-3') et TRS antisens riche en C (5'-CTAACCCTAACCCTAACCCTAGG CCCTAACCCTAACCCTAGGTCTAACCCT/Biotine-3'). Les oligonucléotides utilisés pour les compétitions hétérologues ont été: la séquence aléatoire pour l'essai en simple brin 37 (5'-GGTATCGGTATCGGTATCGGTATCGGTATCGGTATCGGTATCGGTATCGATC AGT-3') et la séquence AAVS1 pour le double brin (5'-GATGGAGTTGGCCACTCCCTC TCTGCGCGCTCGCTCGCTCACTGAGGCC/Biotine-3'). Les oligonucléotides ont été synthétisés et dosés par la compagnie (Integrated DNA Technologies). L’appariement des oligonucléotides pour en faire de l’ADN double brin s’est fait à concentration équimolaire des deux brins dans une solution de citrate de sodium salin 1X (SSC). Les tubes ont été déposés dans l’eau bouillante (100°C) pendant 5 min et refroidie graduellement à TP sur la paillasse. Ensuite, L’ADN a été dosé par spectrométrie à 260 nm et la pureté analysée par le ratio de l’absorbance à 260 nm sur 280 nm (A260/280) grâce à l’appareil Infinite® 200 PRO NanoQuant (Tecan). Les oligonucléotides simples et doubles brins ont ensuite été marqués à leurs extrémités 5’ par l’USB® Optikinase™ (Affymetrix) avec de l’ATP γ-32P 10 Ci/mmol (PerkinElmer). À partir du marquage des oligonucléotides par la radioactivité et jusqu'à la fin, les manipulations ont été faites dans une chambre de radioactivité. Donc, 10 pmoles d’ADN ont été marquées par 15 μCi d’ATP radioactif incorporés par 20 unités (2 μl) d’Optikinase à 37°C durant 30 min. Puis, les échantillons ont été placés pendant 20 min à 65°C pour désactiver l’enzyme. La totalité de la réaction a ensuite été filtrée sur une colonne ProbeQuant™ G-50 (GE Healthcare life sciences) pour enlever l’ATP nonincorporé. Dès lors, la réaction de liaison a pu se faire selon les différentes protéines (U94, Rep68, MBP, mutants) et les différents oligonucléotides (ADN simple et double brin, TRS, ITR). La concentration utilisée de protéines a été de 1 μg pour toutes celles à 95 kDa, tandis que pour la MBP elle a été de 0,5 μg pour respecter le nombre de molécules entre chaque essais. Pour quantifier les ADN, 1μl a été dosé au compteur à scintillation et 10 000 cpm de chaque ADN a été utilisé par réaction. Le tampon de réaction était composé de 30 mM HEPES-KOH pH 7.5, 7 mM MgCl2, 4 mM ATP, 1 mM DTT, 0,1 mg/ml de BSA et 5 % glycérol. La réaction a été faite dans 20 μl de volume final, à TP pendant 30 min. Pour arrêter la réaction, 10 μl de tampon de migration 2X (TAE 1X, 0,025 % bleu de bromophénol, 0,025 % xylène cyanol et 6 % glycérol) ont été ajoutés. Les échantillons ont été migrés sur un gel de polyacrylamide (29:1) 6% de format 15 cm x 12 cm x 0,75 cm (Hoefer) dans du tampon Tris-borate et EDTA 1X (TBE). Le gel a été transféré sur un papier whatman (Fisher Scientific) de même grandeur et séché sous vide avec le Air Dryer Model 543 (Bio-rad). Il a ensuite été transféré dans une cassette pour l'exposer sur un film 38 sensible à la radioactivité. Enfin, le film a été révélé grâce à l’analyseur BAS-1800II (Fujifilm). Essais ATPase par HPLC L’activité ATPase a été mesurée par chromatographie liquide de haute affinité (HPLC). Pour ce faire, 0,5 μg de la protéine à l'étude a été ajoutée à la réaction, dont le volume final était de 10 μl. L’essai a permit de vérifier la capacité qu'a une protéine liée à un ADN (0,2 μg / réaction) simple brin ou double brin (TRS ou autre nature) d’utiliser l’ATP du milieu réactionnel à la concentration de 1,25 x 10-10 moles d’ATP / 10 μl. Le tampon de réaction était composé de 50 mM TRIS-HCl pH 8, 20 mM NaCl et 2,5 mM MgCl2. L'expérience a été faite à TP pendant 0 à 60 min, puis les échantillons ont été placés directement sur glace de manière à arrêter la réaction. Par la suite, les échantillons ont été traités avec 20 μl de HClO4 8 M, pendant 3 min pour ensuite être équilibrés à pH neutre avec 60 μl de K2HPO4 4 M. Cette étape permet de se débarrasser des contaminants en les faisant précipiter. Puis, une centrifugation à 12 000 g pendant 5 min à 4°C permettait de séparer les contaminants retrouvés au fond, des nucléotides phosphatés (ATP, ADP, AMP) du surnageant. Enfin, les échantillons ont été conservés à -80°C jusqu’au jour de l'expérience de HPLC. Celle-ci permet de séparer selon leur polarité et de quantifier les différents nucléotides phosphatés selon la méthode décrite par le Dr. Ranogajec (101). Immunoprécipitation d'U94 24 heures avant la transfection, une culture cellulaire de 293T a été passée et mise en pétri de 35 mm au nombre de 400 000 cellules par pétris. Le lendemain matin, ces cellules ont été transfectées selon la méthode décrite dans la section transfection des cellules. Après deux jours, les cellules ont été recueillies et centrifugées à 3300 rpm pendant 5 min à 4 °C. Les culots ont été lysés dans 1 ml de tampon RIPA ( 30 mM TRIS-HCl pH 7.5, 150 mM NaCl, 10 % glycérol, 1 % triton, 1X Halt Protease Inhibitor Cocktail (Thermo scientific)) à 4 °C pendant 30 min. Après centrifugation, 50 μl de surnageant a été mis de côté et mélangé avec 50 μl de tampon Laemmli comme témoin pour l'immunobuvardage (Extrait total). 2 μl d'anticorps monoclonal de souris anti-FLAG ont été ajoutés au surnageant pour être incubé à 4 °C durant 1 h. Puis, puisque l'anticorps primaire était d'isotype IgG2b, 10 μl 39 de protéine G on été ajoutés. Le tout a été incubé toute la nuit à 4 °C sous agitation rotative. Le lendemain, les échantillons ont été centrifugés à 10 000 rpm pendant 10 min à 4 °C et les culots ont été lavés 4 fois avec 1 ml de tampon de lyse. Finalement, les protéines liées aux billes ont été lysées dans 50 μl de tampon Laemmli et un immunobuvardage a été fait selon la technique décrite dans la section immunobuvardage et coloration au bleu de coomassie. L'anticorps primaire (anti-FLAG) et secondaire (âne anti-souris, Jackson ImmunoResearch Laboratories, inc.) ont été utilisés pour compléter l'expérience. Alignement des séquences de U94 provenant de souches de laboratoire ou de personnes intégrées L'ADN des cellules intégrées par différentes souches du HHV-6 a été isolé avec le kit QIAamp DNA Blood Mini (Qiagen). À partir de cet ADN, une PCR quantitative (qPCR) a permis de vérifier s'il s'agissait de l'espèce A ou de l'espèce B en amplifiant un gène non homologue entre les deux espèces. Ensuite, une PCR a été faite selon le même programme PCR utilisé pour la construction dans un vecteur procaryote. Les amorces utilisées sont les suivantes: 5'-CTCGGATCCGATTACAAGGATGAC-3' (sens) et 5'-ACTATAAAAAAC TTGGGAGGCGCAAACGGT-3' (anti-sens). 6 μl des 50 μl obtenus de l'amplification ont servis à vérifier le produit de la PCR sur gel d'agarose 0,8 %. Lorsque le produit correspondait à un ADN de 1,5 kb de taille le 44 μl restants de la réaction étaient purifiés avec le kit QIAquick PCR Purification (Qiagen). Pour séquencer la totalité du gène U94, le produit PCR a été inséré dans le vecteur Topo TA cloning (Invitrogen). Pour ce faire, une courte réaction PCR de 20 min à 70°C et l'apport en nucléosides triphosphates (NTP) au milieu réactionnel permet à la Taq polymérase (New England Biolabs, Inc) d'ajouter aux extrémités 3' une adénosine triphosphate. Une seconde réaction à TP pendant 30 min où 4 μl de la réaction PCR sont ajoutés à 1 μl de solution saline et 1 μl vecteur TOPO® permet d'insérer le produit PCR dans le vecteur TOPO®. Ensuite, cette préparation a été transformée dans les E. coli TOP10 et les bactéries ont été ensemencées sur pétri LB toute la nuit à 37°C. Le lendemain, l'ADN de 8 colonies a été isolé avec le kit QIAprep Spin Miniprep (Qiagen) et dosé par spectrométrie. Une digestion par l'enzyme de restriction EcoRV a permis de vérifier si le patron de digestion (2 bandes: 4500 Pb et 885 Pb) correspondait au vecteur avec l'insert U94. Les échantillons positifs ont ensuite été envoyés 40 à la plateforme de séquençage et de génotypage du Centre de recherche du CHUL pour être séquencés à partir des amorces M13 reverse (5'-CAGGAAACAGCTATGAC-3') et T7 promotor (5'-TAATACGACTCACTATAGG G-3'). Enfin, les séquences d'ADN ont été transformées en séquences protéiques et alignées grâce à l'outil bio-informatique CLC Sequence Viewer 6. 41 Résultats Localisation cellulaire Le laboratoire du Dr Mori avait déjà observé lors d'une infection de cellules MT-4 par la souche HST du HHV-6B que la protéine U94 était localisée au noyau (87). Dans le cadre de ce projet, nous nous attendions fortement à obtenir le même résultat. En fait, si la protéine U94 est moindrement impliquée dans l'intégration chromosomique, elle doit pouvoir accéder au génome cellulaire. Pour contre-vérifier les résultats obtenus par le laboratoire du Dr Mori, nous avons fait une immunofluorescence sur la protéine de fusion FLAG-U94A. Pour ce faire, des cellules Hela transfectées avec FLAG-U94A ont été fixées avec de la paraformaldehyde et perméabilisées à l'aide d'une solution 0,5% triton. La protéine fut révélée grâce à un anticorps anti-FLAG suivi par un anticorps couplé à un fluorophore vert (Alexa-fluor 488). Un vecteur vide, le pcDNA3.1(-) a servi de témoin négatif, tandis que l'un des pétris de cellules transfectées par le FLAG-U94A n'a pas été exposé au premier anticorps permettant de contrôler la reconnaissance par l'anti-FLAG de la protéine de fusion. La figure 7 présente les photos en contraste de phase et en fluorescence des deux témoins négatifs ainsi que de la protéine de fusion. En (A) le témoin négatif (vecteur vide) ne réagit pas avec l’anti-FLAG. En (C) à la figure 7 nous voulions nous assurer que le deuxième anticorps ne réagit pas directement avec les cellules sans la présence du premier anticorps. Enfin, la protéine U94A en fusion avec l'étiquette FLAG est majoritairement localisée aux noyaux des cellules, tandis qu'une faible proportion est localisée au cytoplasme (B). 42 Microscopie en contraste de phase Microscopie en fluorescence A 40X 40X 40X 40X 40X 40X B C Figure 7 : Localisation cellulaire de la protéine de fusion Flag-U94A Le vecteur FLAG-U94A a été transfectée dans des cellules Hela avec le TransIT®-LT1 (Mirus Bio). Après 48 heures, les cellules ont été fixées au paraformaldéhyde et perméabilisées avec 0,1% triton. Enfin, une immunofluorescence avec l'anticorps primaire anti-Flag et le second anticorps Alexa-fluor 488 a été faite. Les cellules ont ensuite été observées en microscopie à contraste de phase et en fluorescence (objectif 40X). (A) pcDNA3.1(-) (B) FLAG-U94A (C) FLAG-U94A sans premier anticorps 43 Protéines purifiées Dans le but de vérifier si la protéine U94 possède les 4 activités biochimiques nécessaires à l'intégration chromosomique à la manière de la protéine Rep68 du AAV-2, nous avons produit de grandes quantités de protéines MBP-U94A et MBP-U94B. La méthode décrite dans la section matériels et méthodes est inspirée de celle utilisée dans les études sur la protéine Rep68 (24). Depuis 1994, Rep68 est produite de façon très efficace en fusion avec la MBP dans E. coli. En effet, les protéines produites en fusion avec le gène malE de Escherichia coli ont une grande affinité pour l'amylose et le maltose ce qui facilite leur purification. De plus, la protéine produite est soluble et conserve ses activités biochimiques. Par conséquent, les ORF U94 du HHV-6A et du HHV-6B ont été insérés avec succès dans le vecteur pMalc-2 tel que vérifié par séquençage de la construction. À partir de 1 litre de culture bactérienne transformée, plus de 1 mg de protéines purifiées sur colonne d'amylose a été obtenu. Les protéines purifiées ont été dialysées avec une cassette de dialyse dans un tampon PBS 1X. Enfin des immunobuvardages ont été faits avec 10 et 100 ng de protéines purifiées et une coloration au bleu de coomassie a été réalisée en parallèle avec 250 et 500 ng de protéines (figure 8). Dans le cadre de l'étude biochimique de la protéine U94, il est évident que le meilleur témoin positif consiste en la protéine Rep68 puisqu'elle possède elle-même les 4 activités à l'étude. Nous avons ainsi obtenu du laboratoire du Dr. Owens suffisamment de vecteurs pMalc-2 contenant l'ORF codant pour la protéine Rep68 pour produire de grandes quantités de protéines (figure 8). Quant au témoin négatif, il s'agit de la MBP, produite à partir du vecteur pMalc-2 d'origine dans E. coli (figure 8). Ce contrôle qui n'est pas connu pour avoir l'une de ces 4 activités biochimiques permet de s'assurer que la partie MBP de la fusion MBP-U94 n'est pas responsable de l'activité observée dans les tests biochimiques in vitro. 44 Bleu de coomassie 100 kDa 250ng Immunobuvardage 10ng 500ng 100ng 100 kDa MBP-U94A Bleu de coomassie 100 kDa 250ng 500ng Immunobuvardage 10ng 100ng 100 kDa MBP-U94B Bleu de coomassie Bleu de coomassie 500ng 50 kDa 500ng 100 kDa MBP-Rep68 MBP Figure 8 : Immunobuvardage et bleu de coomassie des protéines purifiées Les protéines purifiées et dialysées ont été séparées sur gel de polyacrylamide 7,5 % aux concentrations indiquées sur la figure. Quatre des gels ont servis à une coloration au bleu de coomassie pour vérifier la taille de la protéine et deux autres gels ont été utilisés pour un immunobuvardage contre la protéine de fusion MBP avec un anti-MBP de lapin dilué 1/1000 (abm). L'anticorps secondaire utilisé a été un chèvre anti-lapin couplé à la péroxydase (Jackson ImmunoResearch Laboratories, Inc). 45 Protéines mutées purifiées L'équipe du Dr. Owens a réalisé deux études de mutagenèse sur la protéine Rep68 (128, 129). Ces études ont permis d’identifier les acides aminés nécessaires aux activités biochimiques de la protéine. Puisque les protéines Rep68 et U94 ont une homologie de séquence de 24%, il a été possible d'associer les acides aminés essentiels aux fonctions biochimiques de Rep68 à la séquence de la protéine U94 pour reproduire les mêmes mutations (123). Les mutants ont été obtenus par mutagenèse dirigée grâce à la PCR. Pour ce faire, les constructions pMalc-2-U94A et pMalc-2-U94B ont été utilisées comme gabarit permettant ainsi de produire les protéines mutantes dans E coli. de la même façon que les protéines originales. Trois mutations ont été faites sur U94A et U94B contre les activités : ATPase, endonucléase et de liaison à l'ADN. Si ces mutants ont démontré une perte de fonction sur Rep68, il n'est pas certain que ce soit le cas sur U94. Or, il ne s'agit pas de contrôles négatifs pour chaque activité, mais plutôt d'un exercice en parallèle pour tenter d'associer les acides aminés essentiels aux activités qui pourraient être observées avec U94. La figure 9 présente en immunobuvardages les 3 mutants de la MBP-U94, le témoin négatif GST-Flip, la protéine MBP-U94 originale et la MBP. La coloration au bleu de coomassie y est aussi présentée. La bande majeure à 95 kDa correspond à la protéine U94 en fusion avec la MBP. Les protéines ont toutes été dialysées et conservées à -20 °C. 46 MBP-U94A GK343AH GST-Flip K395A Y164F MBP MBP-U94B GK343AH GST-Flip K395A Y164F MBP U94 U94 MBP MBP 100 kDa 100 kDa U94 U94 MBP MBP Figure 9 : Immunobuvardages et bleu de coomassie des protéines mutées purifiées Les colorations au bleu de coomassie ont été faites à partir de la migration sur gel de polyacrylamide 7,5 % de 500 ng de protéines purifiées. Quant aux immunobuvardages ils ont été faits à partir de la migration de 100 ng de protéines. L’anticorps primaire polyclonal de lapin l’anti-MBP (abm) a été dilué 1/1000. L’anticorps secondaire, un chèvre anti-lapin couplé à la péroxydase (Jackson ImmunoResearch Laboratories, Inc) a permis de révéler les protéines à l’ajout d’ECL. La protéine GST-Flip était ici le témoin négatif, puisque non reconnue par l’anti-MBP et la MBP était le témoin positif. 47 Études de retard sur gel (EMSA) à l'aide d'ADN simple brin Une étude menée en 2002 par le laboratoire du Dr. Mori a démontré que la protéine U94 du HHV-6 possède une activité de liaison à l'ADN simple brin sans toutefois identifier les séquences reconnues (33). Tel que mentionné dans l'introduction, le HHV-6 possède des séquences télomériques aux extrémités de son génome et à la manière du virus de Marek nous pensons qu'il puisse s'intégrer via ces séquences dans les télomères cellulaires. Par conséquent, nous avons répété une expérience de retard sur gel avec les mêmes conditions que celles utilisées dans l'expérience décrite ci-haut. Pour mieux répondre à notre hypothèse, nous avons utilisé des oligonucléotides identiques aux séquences télomériques du virus. D'abord, nous voulions vérifier si la protéine U94 a une préférence pour le brin sens (riche en G et contenant le motif TTAGGG) ou antisens (riche en C avec le motif CCCTAA) des séquences télomériques. Dans le cadre de ce projet nous les avons appelés brin riche en G et brin riche en C, respectivement. Cette première expérience révèle que les protéines MBP-U94A et MBP-U94B lient l'ADN simple brin (figure 10). Les essais avec la protéine MBP indiquent qu'elle n'est pas celle qui confère l'activité de liaison. Les compétitions avec brin homologue non marqué et 100 fois plus concentré indique que le signal obtenu est bien la résultante du complexe protéine-ADN. Nous pouvons affirmer à partir de cet essai de retard sur gel qu'il ne semble pas avoir de préférence pour l'un des deux brins. 48 Figure 10: Retard sur gel en présence d'ADN simple brin riche en G et riche en C Une séquence de 60 nucléotides sens (riche en G) et antisens (riche en C) correspondant aux TRS du HHV-6 sont marquées à l’ATP γ-32P par l’enzyme USB® Optikinase™. Puis, 10 000 cpm de ces oligonucléotides simple brin sont ajoutés aux réactions correspondantes, en plus du 1 μg de protéines. Les échantillons sont ensuite séparés sur gel de polyacrylamide 6 %. Il s’agit de vérifier la liaison de la protéine à l’ADN avec compétition du même oligonucléotides 100 fois plus concentré non marqué. Le témoin négatif est la protéine MBP. 49 Dans une seconde expérience, nous voulions vérifier davantage la spécificité de la liaison à l'ADN. Nous avons fait cette expérience avec le brin sens (riche en G) seulement, puisqu'il ne semble pas y avoir de différence entre celui-ci et le brin antisens. Pour ce faire, des compétitions hétérologues avec un ADN de séquence aléatoire 100 fois plus concentré ont été faites. De plus, nous avons vérifié l'activité de liaison pour le mutant K395A (acide aminé soupçonné d'être impliqué dans la liaison à l'ADN) des protéines U94A et U94B. Les résultats présentés à la figure 11 montrent encore que la protéine MBP-U94 lie l'ADN riche en G, mais l'activité ne semble pas restreinte à ce type de séquence. En effet, la perte du signal dans les essais de compétitions hétérologues indique que la protéine MBP-U94 peut aussi lier une séquence d'ADN aléatoire. Par ailleurs, les essais faits avec le mutant de liaison K395A cause une perte majeure d'activité de liaison. L'expérience indique que la protéine MBP-U94A mutée conserve une très faible activité de liaison, tandis que la protéine MBP-U94B mutée semble perdre presque la totalité. Ces résultats suggèrent que la lysine à la position 395 est essentielle à l’activité de liaison, mais ceux-ci pourront être vérifiés au Proteon™ XPR36. 50 MBP-Rep68 MBP-U94A MBP-U94B MBP-ΔU94A MBP-ΔU94B Figure 11: Retard sur gel de la protéine U94 sur ADN simple brin Une séquence d’ADN correspondant aux TRS du HHV-6 de 60 nucléotides est marquée à l’ATP γ-32P par l’enzyme USB® Optikinase™. Puis, 10 000 cpm de cet oligonucléotide simple brin sont ajoutés aux réactions correspondantes, en plus du 1 μg de protéines. Il s’agit de vérifier la liaison de la protéine à l’ADN avec compétition du même oligonucléotide à 100X froid, avec compétition avec un ADN muté 100X froid et sans compétition. Le témoin négatif est la protéine MBP et le témoin positif est la protéine MBP-Rep68. 51 Études de retard sur gel (EMSA) avec la protéine U94 sur l'ADN double brin Une troisième et dernière expérience de retard sur gel nous a permis de vérifier l'activité de liaison sur ADN double brin (figure 12). Cette activité qui est présente pour la protéine Rep68 n'a jamais été démontrée chez U94. L'ADN utilisé dans cet essai correspond aux brins appariés sens et antisens du TRS viral. Nous avons aussi tenté de vérifier si la spécificité pour le TRS viral était plus grande que pour le double brin aléatoire. Pour ce faire, nous avons compétitionné cet ADN contre un ADN de séquence aléatoire 10 fois plus concentré. Les résultats démontrent que la protéine MBP-U94B peut lier l'ADN double brin sans spécificité apparente pour une séquence d'ADN. La liaison à l’ADN double brin est beaucoup moins évidente pour la protéine MBP-U94A. Les essais au Proteon™ XPR36 permettront de vérifier si cette protéine est en mesure de lier l’ADN double brin. Quant aux mutants de liaison K395A, la perte de fonction semble presque total pour le mutant de la protéine MBP-U94B. Malgré plusieurs temps d'exposition, il est difficile d'affirmer que le mutant MBP-U94A subit une perte d'activité, si une quelconque activité existe. 52 MBP-U94A MBP-U94B K395A (U94A) K395A (U94B) Figure 12: Retard sur gel de la protéine U94 sur ADN double brin Une séquence d’ADN double brin correspondant aux TRS du HHV-6 de 60 nucléotides est marqué à l’ATP γ-32P par l’enzyme USB® Optikinase™. Puis, 10 000 cpm de cet ADN double brin est ajouté aux réactions correspondantes, en plus du 1 μg de protéines. Il s’agit de vérifier la liaison de la protéine à l’ADN avec compétition homologue à 10X et 100X froid, avec compétition hétérologue à 10X et 100X froid et sans compétition. De plus, l’exercice a été fait avec les mutants de liaison de la protéine MBP-U94 (K395A). 53 Étude d'affinité de la protéine U94 sur l'ADN à l'aide du Proteon™ XPR36 L'étude de l'affinité de liaison de la protéine U94 a été faite avec le Proteon™ XPR36 (Biorad), un appareil basé sur la technologie des plasmons de surface. En bref, la réaction se produit à la surface d’une puce (figure 13) où nous avons lié dans des conduits dinstincts six oligonucléotides biotinylés différents. Grâce à un système optique situé en dessous de la puce, l’appareil mesure quantitativement (response unit) et qualitativement (KD, ka, kd) la liaison entre les protéines injectées dans le système et les oligonucléotides liés à la surface de la puce. Les injections se font elles aussi dans six conduits différents ce qui permet d’injecter autant de concentrations pour chaque protéine (1 μM, 0,5 μM, 0,25 μM, 0,125 μM, 0,625 μM). L’appareil transmet à l'ordinateur les données qui sont ensuite mises sous la forme de graphiques décrivant les 3 étapes de la réaction (l’association, l'équilibre, la dissociation) en fonction du temps. Figure 13 : Schéma de la puce utilisée pour les expériences avec le Proteon™ XPR36 Cette illustration est inspirée du document 5449 en ligne sur le site web de Biorad à l'adresse suivante : https://www.bio-rad.com/webroot/web/pdf/lsr/literature/Bulletin_5449. pdf 54 Les valeurs d'affinité calculées par l'ordinateur sont valides seulement lorsque l'erreur (Chi2) sur le Rmax (réponse maximale) correspond à moins de 10%. Au dessus de cette limite, les valeurs ne peuvent pas être prises en considération. Un essai de liaison à partir de cet appareil requiert plusieurs témoins tant au niveau des protéines injectées que des ADN liés. Tel que prévu, les protéines MBP et Rep68 ont été de très bon témoins négatif et positif, respectivement (figures 14 et 16). Dans notre premier essai, l'ADN de séquence aléatoire a été notre témoin négatif, tandis que notre témoin positif a été la séquence AAVS1 double brin du AAV-2 qui est reconnue pour être spécifiquement liée par la protéine Rep68. La première expérience visait à vérifier les résultats obtenus par retard sur gel et à mettre au point les concentrations de protéines à injecter (figures 14 et 15). Le résultat le plus surprenant fut la liaison spécifique pour la séquence télomérique antisens (riche en C) par la protéine de fusion MBP-U94B, tandis que la séquence riche en G ne fut pas liée (figure 15). De fait, 1,37x10-8 M est la valeur d'affinité obtenue pour la liaison de la MBP-U94B sur l'ADN télomérique antisens. Conséquemment, la séquence télomérique riche en C du HHV-6 (TRS) est la seule autre séquence à avoir été liée. Par contre, la valeur d'affinité obtenue pour cette séquence n'est pas significative. Par ailleurs, MBP-U94B semble être en mesure de lier les séquences télomériques double brin du HHV-6 toutefois, les valeurs ne sont pas significatives. Quant à la MBP, elle n'a pu lier aucun des ADN présent à la surface de la puce (figure 14). 55 Figure 14: Expérience de mise au point de la liaison de la protéine MBP à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36 Expérience de mise au point où 5x10-5 μg/μl de 6 oligonucléotides différents biotinylés ont été liés à la surface de la puce dans du PBS/Tween 0,05% (Séquence AAVS1 pas présentée). Cette figure présente la liaison de la protéine MBP, le témoin négatif. La protéine mélangée dans un tampon de liaison a été injectée sur la surface de la puce pendant 3 minutes selon 6 concentrations différentes soit: 800 nM (rose foncé), 400 nM (azure), 200 nM (bleu), 100 nM (vert), 50 nM (rose) et 0 nM (orange). Les graphiques et les valeurs obtenues indiquent que la protéine MBP ne lie aucun des 6 ADN liés sur la puce. 56 Figure 15: Expérience de mise au point de la liaison de la protéine MBP-U94B à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36 Expérience de mise au point où 5x10-5 μg/μl de 6 oligonucléotides différents biotinylés ont été liés à la surface de la puce dans du PBS/Tween 0,05% (Séquence AAVS1 pas présentée). Cette figure présente la liaison de la protéine U94B. La protéine mélangée dans un tampon de liaison a été injectée sur la surface de la puce pendant 3 minutes selon 6 concentrations différentes soit: 800 nM (rose foncé), 400 nM (azure), 200 nM (bleu), 100 nM (vert), 50 nM (rose) et 0 nM (orange). Les graphiques et les valeurs obtenues indiquent que U94B lie favorablement la séquence télomérique riche en C et de façon moindre la séquence télomérique double brin. 57 Figure 16: Témoins négatif et positif du test de liaison à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36 Étude de la liaison sur l'ARN de la télomérase et sur l'ADN simple et double brin. Les oligonucléotides ont été injectés à la concentration de 5x10-5 μg/μl à la surface de la puce dans du PBS/Tween 0,05%. Cette figure présente les témoins négatif et positif de cette étude. Les protéines mélangées dans un tampon de liaison ont été injectées sur la surface de la puce pendant 3 minutes selon 6 concentrations différentes soit: 1 μM (rose foncé), 0,5 μM (azure), 0,25 μM (bleu), 0,125 μM (vert), 0,0625 μM (rose) et 0 μM (orange). Les graphiques et les valeurs obtenues indiquent que la protéine MBP lie aucune séquence, tandis que la Rep68 lie fortement la séquence AAVS1 double brin. 58 Le second essai visait à vérifier la liaison des protéines de fusions MBP-U94A et MBPU94B sur l'ARN de la télomérase (TERC) qui est composé d'une répétition CCCTAA retrouvée en plusieurs copies dans la séquence télomérique riche en C (figures 17 et 18). Les résultats obtenus confirment la liaison des protéines MBP-U94A et MBP-U94B à l'ADN antisens des télomères (riche en C). Selon les valeurs obtenues, MBP-U94B est en mesure de lier cet ADN avec une affinité de 3,43x10-8 M, soit 20 fois plus que la force de liaison de 1,62x10-7 M de la protéine MBP-U94A pour le même ADN. Autrement, ces deux mêmes protéines n'ont aucune affinité pour l'ARN de la télomérase, ni pour l'ARN de séquence aléatoire. L'équivalent en ADN de cet ARN de la télomérase n'est pas lié par les protéines MBP-U94. Enfin, seul la protéine MBP-U94B a démontrée une affinité pour l'ADN double brin des télomères de la cellule. En effet, une valeur significative de 6,89x108 M a été obtenue. Cet évènement semble plus rare que la liaison à l'ADN simple brin lorsqu'on compare la réponse en RU de l'ADN simple brin (309,61 RU) de celle obtenue pour l'ADN double brin (37,19 RU). 59 Figure 17: Test de liaison de la protéine MBP-U94A à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36 Étude de la liaison sur l'ARN de la télomérase et sur l'ADN simple et double brin. Les oligonucléotides ont été injectés à la concentration de 5x10-5 μg/μl à la surface de la puce dans du PBS/Tween 0,05%. Cette figure présente la liaison de la protéine U94A. La protéine mélangée dans un tampon de liaison a été injectée à la surface de la puce pendant 3 minutes selon 6 concentrations différentes soit: 1 μM (rose foncé), 0,5 μM (azure), 0,25 μM (bleu), 0,125 μM (vert), 0,0625 μM (rose) et 0 μM (orange). Les graphiques et les valeurs obtenues indiquent que la protéine U94A lie la séquence télomérique riche en C, mais ne semble pas être en mesure de lier l'ADN double brin. 60 Figure 18: Test de liaison de la protéine U94B à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36 Étude de la liaison sur l'ARN de la télomérase et sur l'ADN simple et double brin. Les oligonucléotides ont été injectés à la concentration de 5x10-5 μg/μl à la surface de la puce dans du PBS/Tween 0,05%. Cette figure présente la liaison de la protéine U94B. La protéine mélangée dans un tampon de liaison a été injectée à la surface de la puce pendant 3 minutes selon 6 concentrations différentes soit: 1 μM (rose foncé), 0,5 μM (azure), 0,25 μM (bleu), 0,125 μM (vert), 0,0625 μM (rose) et 0 μM (orange). Les graphiques et les valeurs obtenues indiquent que U94B lie fortement la séquence télomérique riche en C et de façon significative la séquence télomérique double brin. 61 Dans la seconde expérience, nous avons injecté les mutants K395A de la protéine MBPU94 (figures 19 et 20). D'abord, la protéine MBP-U94A mutée perd la grande majorité de sa liaison pour l'ADN simple brin. En effet, la réponse en RU maximale est deux fois moins élevée que pour la protéine sauvage. D'ailleurs, les différentes concentrations de protéine injectées s'entremêlent ce qui confirme que la réponse en RU n'est pas seulement la conséquence d'une liaison spécifique. Puis, les valeurs d'affinité obtenues à partir de la réaction ne sont pas significatives. Ensuite, l'injection du mutant de liaison de la protéine MBP-U94B a perdu toute activité de liaison pour l'ADN simple brin et l'ADN double brin. 62 Figure 19: Test de liaison de la protéine MBP-U94A mutée à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36 Étude de la liaison sur l'ARN de la télomérase et sur l'ADN simple et double brin. Les oligonucléotides ont été injectés à la concentration de 5x10-5 μg/μl à la surface de la puce dans du PBS/Tween 0,05%. Cette figure présente la liaison de la protéine U94A mutée (K395A). La protéine mélangée dans un tampon de liaison a été injectée à la surface de la puce pendant 3 minutes selon 6 concentrations différentes soit: 1 μM (rose foncé), 0,5 μM (azure), 0,25 μM (bleu), 0,125 μM (vert), 0,0625 μM (rose) et 0 μM (orange). Les graphiques et les valeurs obtenues indiquent que la protéine mutée lie sensiblement la séquence riche en C, bien que les valeurs obtenues ne soient pas significatives. 63 Figure 20: Test de liaison de la protéine MBP-U94B mutée à l'ADN simple et double brin au Proteon™ XPR36 Étude de la liaison sur l'ARN de la télomérase et sur l'ADN simple et double brin. Les oligonucléotides ont été injectés à la concentration de 5x10-5 μg/μl à la surface de la puce dans du PBS/Tween 0,05%. Cette figure présente la liaison de la protéine U94B mutée (K395A). La protéine mélangée dans un tampon de liaison a été injectée à la surface de la puce pendant 3 minutes selon 6 concentrations différentes soit: 1 μM (rose foncé), 0,5 μM (azure), 0,25 μM (bleu), 0,125 μM (vert), 0,0625 μM (rose) et 0 μM (orange). Les graphiques et les valeurs obtenues indiquent que la protéine mutée a perdu sa capacité de lier l'ADN simple et double brin. 64 Activité ATPase des protéines U94 sur ADN simple brin La seconde activité biochimique étudiée après avoir vérifié l'activité de liaison à l'ADN est l'activité ATPase. En effet, puisque les activités hélicase et endonucléase nécessitent l'apport d'énergie exogène via l'adénosine triphosphate, il est logique de vérifier que la protéine U94 utilise d'abord cette énergie. L'expérience a déjà été faite pour la protéine Rep68 par d’autres laboratoires et donc les conditions utilisées lors de ces essais ont été utilisées (132). La réaction a été faite dans un volume total de 10 μl où 0,2 μg d’ADN simple ou double brin était mis en présence de la protéine d'intérêt et d'ATP (1,25 x10-7 mmol). Le temps de réaction était délimité par l’ajout d’ATP pour démarrer la réaction et les échantillons étaient mis sur glace pour la terminer. Le traitement acide-base permettait de se débarrasser de tout, sauf des nucléotides phosphatés qui allaient être quantifiés et séparés sur HPLC. Une première expérience a été menée à partir d’ADN simple brin de nature télomérique riche en G (figure 21). L'essai a aussi été réalisé avec un ADN riche en C, mais puisque les résultats sont les mêmes, nous ne les présentons pas ici. L'essai démontre que les protéines MBP-U94A et MBP-U94B utilisent l’énergie de l’ATP lorsqu’elles sont liées à un ADN simple brin. En effet, près de 20% de l'ATP total est transformée en ADP par U94. On remarque aussi une faible activité ADPasique donnant lieu à la formation d'un peu plus de 4% d'AMP. Lorsqu’aucune protéine n’est ajoutée au milieu réactionnel, il n’y a pas de transformation d’ATP observable, donc aucune dégradation spontanée de l’adénosine triphosphate (résultats non présentés). Puis, on observe qu’avec la MBP il y a un niveau de dégradation de base de l’ATP d'environ 10% qui n’évolue pas dans le temps. Or, l’ATP serait dégradé faiblement, mais sans constituer une activité intrinsèque de la protéine MBP. Par conséquent, les valeurs obtenues avec les protéines MBP-U94A et MBP-U94B dépendent seulement de la portion U94 de la protéine de fusion MBP-U94. Le témoin positif MBP-Rep68 suggère que les conditions de l’expérience sont celles nécessaires à l’observation d’une activité ATPase pour des protéines de ce genre et que son activité ATPase est plus importante que U94. De fait, la transformation de l'ATP en ADP est totale et près de 10% de celle-ci est ensuite convertie en AMP. 65 Figure 21 : Essais d'ATPase (HPLC) avec un oligonucléotide simple brin Essais d'ATPase faits avec les quatre protéines de fusion d'intérêts (MBP, Rep68, U94A, U94B) purifiées et 0,2 ug d'oligonucléotide simple brin (5'-CAGGGTTAGACCTAGG GTTAGGGTTAGGGCCTAGGGTTAGGGTTAGGGTTA-3') TRS riche en G. En bref, 0,5 ug de protéine ont été mise en présence d'ADN simple brin dans un tampon de réaction (50 mM Tris-HCl pH8, 20 mM NaCl, 2,5 mM MgCl2) et 2,5x10-7 mmol d’ATP ont été ajoutée pour débuter la réaction. Les temps de réaction étaient de 0, 1, 5, 10, 30, 60 minutes. Les valeurs obtenues pour chaque temps représentent la moyenne de trois échantillons indépendants. Cette moyenne est soustraite par le niveau de base d'hydrolyse de l'ATP obtenu par les échantillons sans protéine. Puis, la valeur est divisée par la quantité d'ATP de départ, multipliée par 100. 66 Activité ATPase des protéines U94 sur ADN double brin Après avoir vérifié l’activité ATPase des protéines MBP-U94 en présence d'ADN simple brin, il est intéressant de vérifier si cette activité est aussi possible en présence d’un ADN double brin. En fait, les deux activités qui nécessitent l’hydrolyse de l’ATP sont l’endonucléase et l’hélicase. Les expériences menées sur Rep68 et ses activités biochimiques suggèrent que la protéine doit lier l’ADN double brin pour faire son activité hélicase et ensuite doit lier l’ADN simple brin pour exercer son activité endonucléase spécifique à un site simple brin de l’ADN (54, 67, 83, 109, 117). Puisque les résultats de liaison à l’ADN en retard sur gel démontrent que la protéine U94 lie l’ADN simple et double brin, on peut s’attendre à ce que la protéine MBP-U94 soit en mesure d’hydrolyser l’ATP sur ces deux types d’ADN. Une seconde expérience d’ATPase a donc été faite avec 0,2 μg d’ADN double brin du vecteur pcDNA4-HismaxC et de ce même vecteur avec une séquence TRS insérée (figure 22). L’expérience démontre que MBP-U94A et MBP-U94B peuvent hydrolyser près de 40% d’ATP en présence d’ADN double brin, mais l’activité ne semble pas spécifique à la séquence TRS introduite dans le pcDNA4-HismaxC. La protéine MBP ne semble pas dégrader plus de 20% de l’ATP du milieu, tandis que la présence de la protéine MBP-U94A fait grimper l’hydrolyse à plus de 40%. Dans le cas de la MBP-U94B, l’hydrolyse est tout de même plus forte que pour la MBP, mais demeure faible (près de 10% plus que la MBP). Il est important de remarquer que la quantité d’ATP au temps 0 est inférieure dans les essais avec les protéines MBP-U94 qu’avec la MBP ce qui laisse penser que la quantité injectée dans la colonne de chromatographie du HPLC était inférieure et donc les résultats obtenus ne tiendraient pas compte d’un volume de réaction aussi important que pour la MBP. 67 Figure 22 : Essais d'ATPase (HPLC) avec ADN double brin Essais d'ATPase faits avec les quatre protéines d'intérêts (MBP, Rep68, U94A, U94B) purifiées et 0,2 ug du vecteur pcDNA4/hismaxC (Invitrogen) ou du même vecteur avec une séquence TRS riche en G insérée. En bref, 0,5 ug de protéine était en contact avec l'ADN dans un tampon de réaction (50 mM Tris-HCl pH8, 20 mM NaCl, 2,5 mM MgCl2) et 1,25x10-7 mmol d’ATP ont été ajoutée pour débuter la réaction. Les réactions étaient de 0 et 60 minutes et chaque échantillon était fait en duplicata. Le calcul du pourcentage se fait à partir de la moyenne du duplicata soustrait du niveau de base de l'hydrolyse d'ATP obtenu par les échantillons sans protéine. Puis, cette valeur est divisée par la quantité d'ATP présente au départ dans chaque échantillon, multipliée par 100. 68 Mise au point du protocole d'immunoprécipitation de la protéine Flag-U94A Dans le but de pouvoir immunoprécipiter U94, le gène a été inséré dans le vecteur pENTR4-FLAG fusionné avec le vecteur de destination pLentiCMV/TO Puro Dest. Par la suite, la transfection du vecteur fusionné a permis d’exprimer la protéine de fusion en grande quantité dans les cellules 293T transfectées. La protéine de fusion Flag-U94B n'a pas encore été obtenue. Pour ce qui est de l’immunoprécipitation de la protéine Flag-U94A, elle a été possible grâce à l'anticorps monoclonal de souris anti-FLAG et révélée par le même anticorps en immunobuvardage. La figure 23 présente l’immunoprécipitation d’un témoin négatif sans étiquette Flag (pcDNA3.1) et de la protéine de fusion d’intérêt. Dans chacun des cas, l’extrait total de la lyse cellulaire ainsi que l’immunoprécipitation ont été vérifiés. Enfin, on peut apercevoir les chaînes lourdes et légères de l’anticorps dans les fractions immunoprécipitées. Sachant que cet anticorps précipite bien la protéine de fusion FLAG-U94A, la même construction sera faite avec la protéine U94B. L'immunoprécipitation de la protéine de fusion FLAG-U94 se révèlera un outil indispensable lorsque viendra le temps d'effectuer les expériences de co- immunoprécipitation et d'immunoprécipitation sur la chromatine (ChIP). Ces essais permettront de connaître d'une part les partenaires cellulaires possibles de la protéine U94 et d'autre part, les séquences d'ADN que U94 lie spécifiquement. 69 1 50 kDa 2 3 4 Bande non-spécifique FLAG-U94A Figure 23 : Immunoprécipitation de la protéine de fusion Flag-U94A La construction Flag-U94A a été réalisée à partir du vecteur pENTR4-FLAG (Addgene) et le gène U94A de la souche GS. Le vecteur résultant a été fusionné avec le vecteur de destination pLentiCMV/TO Puro Dest (Addgene) afin d’exprimer la protéine FlagU94A dans des cellules eucaryotes. Des cellules 293T ont été transfectées par la méthode Mirus et une immunoprécipitation à partir des lysats cellulaires a été faite. Enfin un immunobuvardage des extraits totaux [1] (témoin négatif) [3] (Flag-U94A) et de l’immunoprécipitation [2] (témoin négatif) [4] (Flag-U94A) a été réalisé avec un anticorps monoclonal de souris anti-Flag (abm) à 1/1000. 70 Alignement des séquences U94 des souches intégrées vs souches de laboratoires L’ORF U94 a une homologie de séquence nucléique de 97% entre toutes les souches des deux espèces du HHV-6 ce qui fait de ce gène l’un des plus conservés du virus (35, 57). Au laboratoire, nous disposons d’échantillons provenant de 5 donneurs ayant la forme intégré d’HHV-6. En ce sens, nous voulions vérifier si les séquences de l’ORF U94 des souches de laboratoire (GS, U1102, SIE, Z29 et HST) sont conservées dans les souches intégrées. Nous avons donc séquencé 3 souches intégrées pour le HHV-6A (PL, Nkvl, 184) et 2 souches pour l’espèce B (Rowick, DL). Par la suite, les séquences ont été alignées avec le programme CLC Sequence Viewer 6 (résultat non montrés). Nous avons observé aucune différence entre les séquences de l’ORF U94 des virus intégrés ou de laboratoire, ce qui permet de penser que les virus intégrés peuvent exprimer la protéine U94. Par conséquent, il serait envisageable que le virus intégré puisse se réactiver via l’expression de la protéine U94 et produire après plusieurs années de latence, une infection active. 71 Discussion Le HHV-6 se distingue des autres herpèsvirus humain par sa capacité à s'intégrer aux chromosomes cellulaires. Selon les cas reportés et les récentes études on estime que 1% de la population mondiale aurait une copie de génome viral du HHV-6 intégré par cellule (52, 73, 100, 119, 131). Malgré tout, le mécanisme entourant l'intégration chromosomique reste un mystère. Sachant que le MDV s'intègre via ses séquences télomériques (61, 105), que l'ORF U94 distingue, en partie, le HHV-6 des autres herpèsvirus (85) et que la protéine U94 partage une homologie importante avec la protéine Rep68 du AAV-2 (123), elle-même responsable de l'intégration de ce virus, nous avons émis l'hypothèse que U94 était responsable de l'intégration du HHV-6. Pour ce faire, nous pensons qu'elle doit posséder les quatre activités biochimiques de la protéine Rep68 soit : la liaison à l'ADN simple et double brin, l'ATPase, l'hélicase et l'endonucléase (54, 97). Dans le cadre de ce projet, nous avons étudié les deux premières activités biochimiques. Flag-U94A est localisée au noyau Notre premier objectif est de démontrer que la protéine U94 est localisée au noyau. Dans le contexte de l'intégration chromosomique, il est indéniable que U94 doit y avoir accès pour permettre l'intégration. On sait que la protéine Rep68 possède une séquence NLS à son extrémité C-terminal qui lui procure sa localisation au noyau. L'alignement entre Rep68, U94A et U94B ne permet pas d'identifier ce type de séquence NLS pour U94 (18). Par contre, une étude du laboratoire du Dr. Mori révèle que 48 heures après l'infection de cellules MT-4 par la souche HST du HHV-6B, U94 est localisée au noyau (87). Pour s'assurer de l'emplacement de la protéine U94, nous avons entrepris de cloner le gène U94A avec l'étiquette moléculaire FLAG dans un vecteur eucaryote. Nous avons choisi d'utiliser un vecteur d'expression, au lieu de l’infection parce que nous ne possédons pas en laboratoire d'anticorps contre U94A. D'ailleurs, l'expression de la protéine de fusion (FlagU94) et l'immunofluorescence de celle-ci donne une image claire et sans bruit de fond de la localisation cellulaire. Nos résultats vont dans le même sens que ceux déjà obtenus avec U94B par d'autres laboratoires (87). 72 Les protéines sont produites en fusion avec la MBP Sachant que la protéine U94 peut avoir accès au génome cellulaire, nous avons entrepris de produire en fusion avec la MBP, la protéine U94A et U94B dans un système procaryote. L'idée d'utiliser ce système nous vient des expériences menées sur Rep68 (24). La protéine ainsi produite ne perd pas ses activités intrinsèques, est soluble et facile à purifier. En ce sens, nous avons produit les protéines MBP, MBP-Rep68, MBP-U94A et MBP-U94B. La première allait servir de témoin négatif dans les expériences sur les activités biochimiques, tandis que la seconde serait un parfait témoin positif. Certaines conditions expérimentales ont dû être ajustées pour optimiser l'efficacité de la production protéique: la concentration d'IPTG pour induire la production, la température de croissance, le temps en culture, la sonication, la purification, la dialyse et la conservation après production. Les protéines que nous avons produites ont atteint un degré de pureté élevée tel que démontré sur coloration au bleu de coomassie. La bande près de 95 kDa correspond à la fusion entre la protéine U94 (50,91 kDa) et MBP (42,5 kDa), tandis que d'autres bandes de poids moléculaires inférieurs sont visibles. Nous suspectons qu'une fraction de la protéine puisse s'être dégradée. De plus, les gels ont été faits quelques temps après la production protéique et donc les protéines furent assujetties à une conservation à -20°C. Il est connu que la conservation des protéines à une telle température combinée aux cycles de gel-dégel favorisent la dégradation des protéines (99). Pour ces raisons, nous avons utilisé des aliquots frais lors des tests biochimiques. Enfin, nous n'avons pas caractérisé l'activité des protéines dégradées. Il serait intéressant de les caractériser pour comprendre davantage d'où provient cette dégradation et son effet sur la protéine U94. Mutagenèse de l'ORF U94 en trois parties et production des mutants Des études de mutagenèse menées sur la protéine Rep68 ont permis de localiser les domaines inhérents aux activités biochimiques (128, 129). Nous avons ainsi aligné les protéines U94A, U94B et Rep68 dans le but de vérifier si ces domaines se retrouvaient dans la séquence d'U94. L'alignement des protéines démontre que U94 conserve dans sa séquence les résidus spécifiquement mutés dans les expériences sur Rep68. Par mutagenèse dirigée nous avons muté l'ORF U94 à trois endroits dans le but d'affecter les quatre activités biochimiques. Mis-à-part l'activité de liaison simple brin déjà observée par le 73 laboratoire du Dr. Mori, la présence de ces acides aminées ne garantie pas que U94 ait conservée les activités biochimiques de Rep68 (33). Par conséquent, les mutants obtenus ne consistent pas en témoins négatifs. Nous voulons vérifier si les mutations imputées à la protéine auront un effet de perte de fonction dans le cas où les tests biochimiques sont positifs. L'obtention de ces mutants fut possible à la manière des protéines dites sauvages. La bande à 95 kDa correspond à la protéine mutée, tandis que les bandes inférieures semblent être dues encore une fois aux produits de dégradation (figure 10). U94 A et B lient préférentiellement l'ADN simple brin riche en C et U94B lie l'ADN double brin des télomères cellulaires. Le laboratoire du Dr. Mori a déjà décrit que la protéine U94 a la capacité de lier l'ADN simple brin, sans toutefois démontrer l'existence d'une spécificité pour une séquence quelconque (33). Toujours selon l'hypothèse que l'intégration chromosomique doit se faire à partir des séquences TRS virales, nous avons fait des retards sur gel dans les mêmes conditions que celles décrites dans leur publication, mais en utilisant comme ADN simple brin des séquences sens et antisens des TRS du HHV-6. Les premier résultats démontrent que les protéines MBP-U94A et MBP-U94B lient l'ADN simple brin en quantité égale. Seulement à partir des essais de retard sur gel, les protéines n'ont jusqu'ici démontré aucune préférence quant à une séquence d'ADN en particulier. Effectivement, elles sont en mesure de lier les séquences riche en C et riche en G ainsi que la séquence aléatoire utilisée dans les compétitions hétérologues. Nous avons aussi obtenu un très faible signal de liaison pour la protéine MBP. Nous pensons que les conditions saturantes du retard sur gel peuvent provoquer un faible niveau de liaisons non spécifiques entre la protéine et l'ADN. Au final, ce type de signal nous inquiète plus ou moins puisque la force du signal obtenu avec les protéines MBP-U94A et MBP-U94B est beaucoup plus importante. Quant à l'activité de liaison des mutants, elle confirme la spécificité du signal obtenu, puisqu'on obtient une baisse du signal comparativement aux signaux obtenus avec les protéines sauvages. Par contre, il est impossible de confirmer à partir des essais EMSA, que la mutation impute la totalité de l'activité de la protéine U94, puisque le signal résiduel est peut être dû à l'interaction non spécifique de la portion MBP de la fusion MBP-U94. En bref, les conclusions à tirer à partir des essais EMSA semblent limités. L'environnement clos ainsi 74 que la présence constante du 1μg de protéines avantage la liaison et ne permet pas de vérifier s'il y a une différence d'affinité entre les différents ADN. Par la suite, nous avons effectué des tests de liaison de même nature sur le Proteon™ XPR36. Même si les quantités de protéines et d'ADN utilisées sont semblables à celles utilisées dans les essais EMSA, l'un des grands avantages de cet appareil réside dans le fait que les ADN sont assujettis à un courant continu de protéines. Or, les interactions sont dynamiques et ne sont pas la résultante d'une rencontre obligée constante entre les ADN et les protéines. Nous avons d'abord effectué une expérience de mise au point avec les protéines MBP, MBP-Rep68 et MBP-U94B. Lors de cet essai, nous avons ajusté les conditions pour obtenir les résultats les plus significatifs possibles. Nous avons vérifié la spécificité de liaison pour la séquence sens (riche en G) et antisens (riche en C). La liaison à une séquence télomérique double brin a aussi été mesurée. Dans un premier temps, la protéine MBP, qui consiste en notre témoin négatif de liaison, n'a liée aucun des ADN présent sur la puce. Par conséquent, une plus grande confiance sera faite aux résultats obtenus sur le Proteon™ XPR36. Les graphiques de liaison obtenus avec la protéine MBPU94B sont surprenants, puisqu'aucune liaison sur la séquence télomérique cellulaire sens (TTAGGG) n'a pu être observée. À partir des essais de retard sur gel, nous pouvions penser que l’affinité était la même pour les deux brins (riche en C et riche en G). Malgré le fait que la séquence sens ne fut pas liée par MBP-U94B, la séquence antisens contenant 7 répétitions du motif (CCCTAA)7 des télomères cellulaires s'est révélée être le meilleur substrat de liaison. Pour appuyer ce résultat, la séquence télomérique virale antisens qui consiste en trois répétitions du motif (CCCTAA)3, mais entremêlée de quelques irrégularités a été le second substrat à être lié par la protéine MBP-U94B. Ces résultats suggèrent que plus il y a de répétitions consécutives du motif (CCCTAA), plus forte sera l'affinité pour cette séquence. Quant aux valeurs d'affinité obtenues pour la séquence antisens cellulaire, elles ne sont pas valables. L'erreur calculée de 24,58 (Chi2) représente plus de 10% de la valeur du Rmax (160,22 RU) ce qui fait en sorte que les valeurs calculées de la réaction ne sont pas significatives. Pour obtenir des valeurs significatives, nous aurions dû obtenir une courbe d’association qui tend davantage vers l'équilibre de la réaction. Pour corriger le tir, les concentrations des protéines injectées seront augmentées à 75 1 μM au lieu de 0,8 μM. Pour ce qui est de la liaison sur l'ADN double brin, la quantité de protéine MBP-U94B qui s'y lie (RU de 20,77) est vraiment inférieure à la séquence simple brin antisens (RU= 160,22). Par contre, puisque la valeur de l'erreur sur le R max est inférieure à 10%, on peut conclure que la protéine lie l'ADN double brin de nature télomérique avec une affinité de 1,08x10-7 M. Après avoir analysé les résultats de ce premier essai, nous nous sommes questionné sur l'utilité de lier l'ADN antisens des télomères et sur les implications de cette liaison. En ce sens, il se trouve que l'ARN de la télomérase contient un motif riche en C (CCCTAA). Puisque cette enzyme est située aux bouts des télomères, nous pensions que U94 pourrait interagir avec l'ARN de la télomérase (TERC) et ainsi moduler l’activité de cette enzyme. Les résultats obtenus avec le témoin positif confirment que les conditions de l'expérience sont favorables à la liaison à l'ADN pour ce type de protéine. Les graphiques de liaison de la MBP indiquent que cette protéine est incapable de lier l’un des ADN fixés à la surface de la puce. Les valeurs obtenues pour la protéine de fusion MBP-U94A confirment les résultats des essais de retard sur gel, soit que la protéine lie l'ADN simple brin antisens. Pour ce qui est de l’ADN double brin, elle n’est pas en mesure de le lier dans les conditions actuelles. Les résultats indiquent aussi que la protéine MBP-U94A ne lie pas l'ARN de la télomérase, ni son équivalent en ADN. Le fait que la MBP-U94A ne puisse pas lier l'équivalent en ADN (qui comporte une répétition du motif CCCTAA) suggère que la protéine peut lier seulement les séquences qui ont plusieurs répétitions consécutives du motif CCCTAA. Le même constat peut être appliqué à la protéine MBP-U94B qui n'a pas pu lier l'équivalent en ADN du TERC. L’expérience au Proteon™ XPR36 nous permet aussi de comparer la spécificité de liaison sur l’ADN simple brin entre la protéine MBPU94B et MBP-U94A. Les résultats indiquent que la protéine MBP-U94B lie plus facilement l'ADN simple brin que la protéine MBP-U94A. En fait, la réponse maximale (Rmax) obtenu avec la MBP-U94B est de 309,61 RU comparativement à 195,24 RU avec la protéine MBP-U94A. D'ailleurs, l'affinité de la liaison est 20 fois plus forte avec la MBPU94B (3,43x10-8) contre (1,62x10-7) avec la protéine MBP-U94A. Pour ce qui est de la liaison à l'ADN double brin, seulement la protéine MBP-U94B en est capable avec une affinité de 6,89x10-8 M et un Rmax de 37,19 RU. Cette réponse maximale de la liaison de la 76 MBP-U94B sur ADN double brin nous semble faible. Il semble que la protéine a plus de difficultés à lier l’ADN double brin que l’ADN simple brin. Cette différence dans la quantité de liaison à la surface de la puce s’explique selon l’hypothèse qui suit. Les domaines hélicases associés à la protéine U94B font partie de la famille des hélicases SF3. Cette famille d’hélicases est connue pour être en mesure de former des complexes de six à huit protéines, sous forme de cercle, pour exercer leur activité (82). Or, dans le cas où U94B a réellement une activité hélicase intrinsèque et donc que cette protéine lie l’ADN double brin pour effectuer cette activité, il est fort probable que U94B doit former un complexe de 6 à 8 protéines U94B pour lier l’ADN double brin. En ce sens, il est probable que les conditions pour vérifier cette liaison ne soient pas les mêmes que celles utilisées dans nos essais. Autrement, il est difficile d'imaginer que U94A et U94B avec leur homologie de séquence de plus de 98 % interagissent de façon différente en présence d’ADN double brin. On peut penser que la préparation protéique de la MBP-U94A est moins conservée l'activité de la protéine. Aussi, il se pourrait que les quelques acides aminés qui diffèrent entre les deux protéines aient un rôle important dans le repliement et ainsi pourraient modifier l'affinité pour une séquence donnée. Puisque les conditions de l’expérience sont très importantes et influentes sur la liaison à l’ADN et que les deux espèces du HHV-6 ne sont naturellement pas des virus qui infectent les mêmes systèmes du corps humain, il se peut que nos conditions ne soient pas les bonnes pour vérifier la liaison de la protéine U94A sur l'ADN double brin. Enfin, les résultats obtenus avec les mutants de liaison (K395A) des protéines MBP-U94A et MBP-U94B mettent en lumière davantage de différence entre les deux protéines. Dans les deux cas, le mutant a causé une perte d'activité de liaison très prononcée, mais cette perte l'est moins pour le mutant de la protéine MBP-U94A. Cet essai démontre que la lysine à la position 395 est essentielle à l'activité de liaison des protéines U94A et U94B. Cette conclusion est valable pour l'ADN simple brin et l'ADN double brin. Pour ce qui est de la différence entre l'espèce A et B, il est difficile d'expliquer la raison pour laquelle le mutant de la protéine MBP-U94B a un plus grand effet sur l'activité. De la même façon que précédemment, il est peut-être question du repliement divergent des protéines U94A et U94B. D'un autre sens, il se pourrait que les conditions de production protéique du mutant 77 de la protéine MBP-U94B est occasionnés une perte totale de l'activité intrinsèque de la protéine mutante. U94A et U94B hydrolysent l'ATP en présence d'ADN simple et double brin Plusieurs études ont été menées sur l'activité ATPase de la protéine Rep68. Elles révèlent que l'hydrolyse de l'ATP est beaucoup plus efficace en présence d'ADN simple brin, puisqu'un maigre 5% d'ATP est dégradé en absence d'ADN (132, 133). Quant à la protéine U94, aucune expérience n'a encore été faite sur cette activité. À partir de l'alignement des deux protéines, nous supposions que U94 a les domaines nécessaires pour utiliser l'ATP. En plus, maintenant que nous avons démontré son activité de liaison à l'ADN, nous avons plus de chances de mesurer une activité ATPase. De fait, nous sommes parvenu à démontrer que les protéines MBP-U94A et MBP-U94B ont une activité ATPase en présence d'un ADN simple et double brin. Par contre, il semble que l'activité mesurée pour les protéines MBPU94A et MBP-U94B dans les essais avec l'ADN double brin soit sous estimé. En effet, la quantité d'ATP présente au temps 0 est inférieure à la quantité utilisée pour l'essai. On peut ainsi supposer que la quantité d'intermédiaire phosphatés mesurés correspond à une fraction du volume total. C'est pour cette raison, que l'activité de la protéine MBP-U94B n'est pas beaucoup plus élevée que le niveau de base obtenue avec la MBP qui est favorisée par une quantité de près de 100 % d'ATP mesurée au départ. Autrement, cet essai fait à partir du vecteur pcDNA4-HismaxC démontre que la présence d'une séquence TRS ne favorise pas l'hydrolyse de l'ATP. Pour être en mesure d'élaborer davantage sur la nature de l'ADN favorisant l'activité, des essais avec différents ADN simple brin s'imposent. Aussi, il serait intéressant de vérifier le niveau d'activité en absence d'ADN. Immunoprécipitation de la protéine FLAG-U94A, un outil indispensable Les résultats que nous avons obtenus quant aux activités de liaison et d'ATPase ont été faites avec des protéines purifiées. Si ces activités sont intrinsèques à U94, rien n'est aussi certain pour les activités d'hélicase et d'endonucléase. Du moins, la présence des domaines Walker A, Walker B, B' et C, communes aux hélicases SF3, dans la séquence de U94 permet de penser que l'activité hélicase sera aussi intrinsèque à la protéine. L'idée que la protéine U94 puisse interagir avec des protéines cellulaires a été soulevée dans certaines 78 publications (8, 33, 87). Dans ce contexte, la construction de la protéine de fusion à partir de l'étiquette FLAG et de la protéine U94 devient donc un outil important dans l'étude des interactions protéine-protéine. L'emploi d'un vecteur d'expression a été privilégié à l'infection de cellules puisque la protéine U94 est peu exprimée pendant l'infection, ce qui réduirait grandement nos chances de la détecter. Par conséquent, nous avons employé la méthode de transfection pour insérer le vecteur dans les cellules. Nous avons utilisé les cellules 293T puisqu'elles sont facilement transfectables en comparaison avec les HSB2 ou les MOLT3; des cellules facilement infectables par le HHV-6A et le HHV-6B respectivement. Grâce à cet outil, une expérience de co-immunoprécipitation permettrait de connaître les partenaires cellulaires d'U94 et d'étudier leur rôle potentiel dans les activités biochimiques de la protéine. En effet, il est possible que par l'interaction avec un partenaire, U94 puisse être beaucoup plus spécifique pour un site de liaison. Dans le cas où U94 joue un rôle dans l'intégration chromosomique, il est fort possible qu'elle puisse interagir avec des protéines humaines associées aux télomères. Par ailleurs, cet outil moléculaire sera d'une utilité fort appréciable pour cibler les séquences liées par la protéine. Une expérience d'immunoprécipitation sur la chromatine permettrait de connaître les séquences liées par U94 dans un contexte cellulaire. Ensuite, ces séquences pourraient être incorporées aux essais biochimiques. Aucune différence entre les souches intégrées et non intégrées Le gène U94 est conservé à plus de 97% entre les deux espèces du HHV-6 (35, 57). Par ailleurs, on sait aussi qu'il diverge de moins de 0,2 à 0,6% entre les différentes souches d'une même espèce (102). Après avoir séquencé l’ORF U94 de 5 souches intégrées du HHV-6 et comparé avec les souches de laboratoire non intégrées, nous arrivons à la conclusion qu’aucune différence ne permet de les départager. On peut alors supposer que le virus intégré est en mesure d’exprimer la protéine U94 complète, de la même façon que tout autre gène présent dans le génome viral. Par conséquent, il serait possible que le virus puisse se réactiver via l’activité de la protéine U94. Par contre, reste à démontrer que la réactivation est possible, que la protéine U94 joue un rôle dans la réactivation du virus et que l’ORF U94 est exprimé lors de celle-ci. 79 Conclusions et perspectives L'herpèsvirus humain de type 6 est le seul virus de la famille des Herpesviridae humain à s'intégrer aux chromosomes des cellules. Des observations cliniques permettent de croire que le ciHHV-6 serait associé à une augmentation des rejets de greffes solides et des infections bactériennes post-transplantation (72). De plus, les taux anormalement élevés d'ADN viral dans le sang due au HHV-6 intégré serait trop souvent confondus avec une infection active, menant à de mauvais diagnostiques (51). Pour être en mesure de mieux comprendre les effets de l'intégration du HHV-6, la lumière doit être faite sur son mécanisme. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressé à la localisation cellulaire de la protéine. Dans le contexte de l'intégration chromosomique, l'emplacement de la protéine U94 revet un élément cruciale. En effet, à quoi bon découvrir que la protéine est en mesure d'effectuer les activités biochimiques, si elle n'est pas localisée dans le même compartiment que le génome cellulaire. Une première étude avait démontrée lors d'une infection que la protéine U94 était localisée au noyau (87). Nos résultats confirment cette étude et appuient l'hypothèse d'un rôle potentiel de la protéine dans l'intégration. Dans un second temps, nous avons vérifier les activités biochimiques de la protéine in vitro. La capacité de la protéine U94 a lier l'ADN simple brin avait déjà été révélée par l'étude du Dr. Dhepakson (33). L'idée selon laquelle le HHV-6 pourrait s'intégrer via les séquences télomériques virales et cellulaires nous a amené à vérifier la liaison de la protéine sur ces séquences. Nos résultats démontrent que les protéines U94A et U94B lient fortement les séquences antisens (CCCTAA) des télomères cellulaires. Cette liaison semble dépendre du nombre de répétition consécutives du motif (CCCTAA) puisque la liaison d’un ADN composé d’un seul motif est impossible. Quant à l'activité de liaison sur l'ADN double brin, la protéine U94B a démontré une forte affinité pour ce type de substrat. À l’inverse, la protéine U94A ne semble pas lier l’ADN double brin comme le démontre les essais EMSA et l’appareil XPR36. À partir des résultats de liaison sur l'ADN simple brin, nous nous sommes demandé si les protéines U94 pouvaient lier l’ARN de la télomérase, 80 puisque celui-ci contient une répétition du motif (CCCTAA) et que cet enzyme est localisé aux bouts des télomères. Aucune liaison n’a pu être observée sur cet ARN. Au regard de ces résultats, nous nous permettons d'émettre quelques hypothèses de recherche. Une étude menée sur des protéines cellulaires liant de façon spécifique les séquences riches en C (CCCTAA)n suggère que ces protéines jouent un rôle dans la régulation de la télomérase (70). En liant le brin antisens, ces protéines pourraient déformer la structure aux extrémités des télomères et ainsi moduler l’activité de la télomérase. En ce sens, il serait intéressant de vérifier l’activité de la télomérase dans des cellules transfectées avec U94. Nous avons aussi déterminé que la protéine U94 pouvait utiliser l'énergie de l'ATP lorsqu'elle était en présence d'ADN simple et double brin de n'importe quelle nature. Par contre, d'autres essais devront être faits pour mesurer l'impact de la nature de la séquence en ADN sur l'activité ATPase. Ce résultat permet de penser que la protéine puisse effectuer l'activité hélicase. En effet, la séquence d'U94 indique qu'elle est composée de tous les domaines des hélicases SF3 nécessaires à cette activité soit: Walker A, Walker B, B' et C (116). Des essais hélicases sur l'ADN double brin complet ou avec des extrémités simple brin permettront de vérifier ces observations. Aussi, il sera important de constater le sens dans lequel cette activité est possible (5'-3' et 3'-5'). Quant à l'activité endonucléase, il semble que pour la protéine Rep68 cette activité soit spécifique à une séquence très restreinte, la séquence AAVS1. Par conséquent, nous croyons qu'un essai d'immunoprécipitation sur la chromatine (ChIP) avec la protéine FLAG-U94 permettrait d'abord de connaître les séquences liées spécifiquement par U94 pour qu'ensuite celles-ci soient utilisées dans des tests d'endonucléase. Il est important de garder en mémoire qu'il est possible qu'U94 nécessite l'aide de partenaires cellulaires et/ou viraux pour permettre l'intégration. En ce sens, tel que mentionné dans l'introduction, l'expérience du Dr. Dhepakson démontrait que l'ajout d'extrait cellulaire de cellules Supt1 favoraisait l'activité de liaison au simple brin (33). De fait, il serait intéressant de faire une co-immunoprécipitation de la protéine U94 en contexte cellulaire pour vérifier si elle interagit avec des protéines de la cellule. Le développement 81 d'un anticorps contre U94 capable d'immunoprécipiter sa cible serait nécessaire à la découverte de protéines virales qui interagissent avec U94. L'élaboration d'un mutant du HHV-6 délétant de l'ORF U94 permettrait de vérifier si le virus peut s'intégrer, se répliquer, voir infecter une cellule. Pour se faire, la méthode de mutagénèse En passant décrite par le Dr. Osterrieder (125) serait utilisée. En distinguant les cellules intégrées des cellules avec épisomes par la méthode du gel de Gardella, il serait possible de vérifier l'effet causé par l'absence de l'ORF U94. L’ensemble de ces expériences permettront de mieux comprendre le rôle biologique de la protéine U94 dans le contexte de l’intégration chromosomique. De façon plus générale, l’étude de la protéine U94 pourrait permettre d’élucider le mécanisme de l’intégration chromosomique du HHV-6. Ultimement, nous pourrons comprendre l’utilité de l’intégration chromosomique dans la biologie du HHV-6. 82 Bibliographie 1. In A. Arvin, G. Campadelli-Fiume, E. Mocarski, P. S. Moore, B. Roizman, R. Whitley, and K. Yamanishi (ed.). 2007, Human Herpesviruses: Biology, Therapy, and Immunoprophylaxis, Cambridge. 2. Abdel-Haq, N. M., and B. I. Asmar. 2004. Human herpesvirus 6 (HHV6) infection. Indian J Pediatr 71:89-96. 3. Ablashi, D. V., N. Balachandran, S. F. Josephs, C. L. Hung, G. R. Krueger, B. Kramarsky, S. Z. Salahuddin, and R. C. Gallo. 1991. Genomic polymorphism, growth properties, and immunologic variations in human herpesvirus-6 isolates. Virology 184:545-552. 4. Adams, M. J., and E. B. 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