Développement de l`enregistrement du cancer en Suisse

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Développement de l’enregistrement du cancer
en Suisse
Christoph Junker
Societé suisse des médecins spécialistes en prévention et santé publique, Berne
L’enregistrement du cancer donne d’importantes bases
de données pour combattre les pathologies cancéreuses.
Le cancer est la plus fréquente cause de décès avant
l’âge de 70 ans, il est responsable de plus de 50% des
années potentielles de vie perdues. Un cancer peut survenir à tout âge et indépendamment des circonstances.
De nombreuses questions sur ces maladies et leurs étiologies attendent encore une réponse. Des données fiables
sur les incidences et les chances de guérison sont nécessaires, de même que l’analyse scientifique de ces données
qui ne peuvent être obtenues que grâce à des registres.
L’observation améliore l’analyse
de l’efficacité et l’évaluation
Christoph Junker
L’auteur est un
membre du groupe
de travail de
l’OFSP, qui est
chargé de préparer
le projet de loi. Cet
article reflète son
opinion personnelle.
L’observation des pathologies cancéreuses dans la population de toute la Suisse, la plus complète et globale possible, permet de suivre leur évolution dans le temps. Ces
informations contribuent à l’élaboration, la mise en œuvre et l’analyse de l’efficacité des mesures de prévention
et de dépistage, à l’évaluation de la qualitéde la prise en
charge, du diagnostic et du traitement, de même qu’au
soutien de la planification des soins. La saisie d’autres
données à des fins de recherche doit être facilitée.
La volonté politique de développer l’enregistrement des
cancers dans ce sens existe en Suisse. Avec sa motion
«Pour un registre national du cancer», Geri Müller, conseiller national, a demandé au Conseil fédéral en 2007
de tenir un registre des cancers pour toute la Suisse et de
créer pour cela les bases législatives nécessaires [1].
L’initiative parlementaire Bea Heim «Registre national
du cancer» du 21 décembre 2007 veut créer des bases
législatives pour que les données sur le cancer soient
saisies selon les mêmes méthodes dans tous les cantons, reportées dans un registre national et publiées [2].
Les commissions sécurité sociale et santé du Conseil national et du Conseil des Etats soutiennent cette initiative
à l’unanimité.
La motion Altherr «Stratégie nationale de lutte contre le
cancer. Pour une meilleure efficacité et une plus grande
égalité des chances» du 16 juin 2011 mandate le Conseil fédéral d’élaborer une stratégie nationale pour une
prévention et une lutte meilleure contre le cancer, en incluant les organisations, spécialistes, sociétés concernés
et les cantons [3]. Il s’agit d’assurer une prise en charge
d’un haut niveau de qualité, selon des critères reconnus, et d’améliorer l’efficacité, pour une égalité des
chances en matière de dépistage, diagnostic et traitement selon les plus récentes connaissances, pour
l’ensemble de la population de Suisse. Il s’agit également
de garantir les prestations psychosociales et palliatives.
De l’avis du motionnaire, il faut pour cela une harmonisation du dépistage du cancer, un registre national du
cancer harmonisé, l’accès aux traitements efficaces égal
en droit pour tous, sans oublier une collaboration optimisée des instances professionnelles.
Le 3 décembre 2010, le Conseil fédéral a mandaté le
Département fédéral de l’intérieur d’élaborer un avantprojet de loi fédérale pour l’enregistrement du cancer et
d’autres maladies très répandues ou malignes [4].
L’Office fédéral de la santé publique a élaboré sur cette
base l’avant-projet de la Loi fédérale sur l’enregistrement
des maladies cancéreuses [5]. Entre le 7 décembre
2012 et le 22 mars 2013, le Conseil fédéral a mis cet
avant-projet en consultation publique. 122 prises de position sont rentrées. Pratiquement toutes les réponses
sont en faveur de la rédaction d’une nouvelle loi fédérale. Mais presque toutes également exigent que les réglementations proposées soient adaptées ou même fondamentalement revues. Il va de soi que ces propositions
de modifications vont parfois dans des directions diamétralement opposées.
Saisie des données et droits des patients
Sont surtout contestées l’étendue de la saisie de données
et la définition des droits des patients. Dans la future révision, il s’agira d’équilibrer ces deux points. La saisie des
données doit être limitée à celles qui sont absolument nécessaires, et les droits des patients doivent être définis de
manière optimale. Mais ces deux points ne doivent pas
donner aux médecins de travail supplémentaire aussi
inutile que chronophage. La stratégie de réduction du travail des personnes interrogées consiste à utiliser dans
toute la mesure du possible des données déjà enregistrées ailleurs, qui ne doivent donc pas être saisies à double et à triple. Cette stratégie n’est applicable que si les
données de différentes provenances peuvent être reliées.
Ce qui est très délicat. A l’âge des possibilités de surveillance électroniques pratiquement illimitées, les citoyens
sont méfiants: qui aura accès à ces données? Les registres du cancer cantonaux et régionaux reçoivent des
données avec des indications personnelles. Les mesures
de sécurité suivantes sont prévues:
– Les données sur les personnes et les maladies sont
conservées séparément. Seules quelques personnes
de confiance doivent avoir accès à la «clé».
– Les données personnelles doivent être complétées
par le numéro d’assurance sociale. Il est demandé
avec le domicile tel que précisé dans le registre du
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contrôle des habitants, de manière à ce ni la commune ni le canton ne puissent associer la demande
à la maladie.
– Le numéro d’assurance sociale permet en plus
d’assurer de manière aussi conséquente qu’efficiente
la protection des données. Efficience signifie ici: peu
de personnes manipulent les données, qui peuvent
même être surveillées dans leur activité. Ce qui entraîne peu de coûts. Toute autre solution, comme la
création d’un numéro personnel de statistique de santé,
coûterait plusieurs dizaines de millions; la Confédération ne va pas pouvoir l’assumer.
Les registres du cancer ne sont pas
des registres de qualité
L’étendue de la saisie de données est contestée à l’heure
actuelle encore. Une partie des cliniciens, surtout des
scientifiques, souhaitent des données très détaillées sur
les évolutions sous traitements pour étoffer encore leurs
registres de qualité. Ils doivent apprendre que les registres du cancer ne sont généralement pas des registres de
qualité. Dans l’élaboration de l’avant-projet, la question des
données devant être saisies doit être reprise. Comment
les données des registres du cancer peuvent-elles être
utilisées comme base de registres de qualité? Quelles
dispositions législatives sont-elles encore nécessaires
pour ce faire?
Ces questions sont délicates, mais doivent être traitées
rapidement. Le Conseil fédéral souhaiterait présenter
ce projet de loi au Parlement à la fin 2014. Mais
l’évolution de l’enregistrement du cancer en Suisse n’est
pas au point mort. En 2007, les données de la population
de 15 cantons ont été saisies dans 11 registres, portant
sur 62% de la population. C’est sur cette base que l’Office
fédéral de la statistique, avec l’Institut National pour
l’Epidémiologie et l’Enregistrement du Cancer, a publié
en 2011 son premier rapport sur le cancer en Suisse [6].
Il existent actuellement 4 autres registres et les données
sont saisies dans 23 cantons. Ne manquent encore que
Schaffhouse, Soleure et Schwytz.
Correspondance:
Dr Christoph Junker
Schweizerische Gesellschaft für Prävention
und Gesundheitswesen
Effingerstrasse 54
CH-3001 Bern
christoph.junker[at]bluewin.ch
Références
1 Motion Müller du 4.10.2007: www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20073638.
2 Initiative parlementaire Heim du 21.12.2007: www.parlament.ch/f/
suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20070501.
3 Motion Hans Altherr du 16.6.2011: www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20113584.
4 Mandat du Conseil fédéral: www.bag.admin.ch/themen/gesundheitspolitik/10374/13542/index.html?lang=fr.
5 Adoption: www.bag.admin.ch/themen/gesundheitspolitik/10374/
14506/index.html?lang=fr.
6 Le cancer en Suisse. Situation et évolution de 1983 à 2007: www.bfs.
admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/14/02/05/dos/01.html.
Forum Med Suisse 2014;14(3):43–44
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