Note économique d’Armateurs de France 1er Trimestre 2016 La préoccupante situation du vrac L’indice Baltic Dry, qui compile les taux de fret maritimes sur le charbon, les céréales et le minerai de fer est tombé à 290 points le 11 février 2016. Ce niveau historiquement bas est très éloigné du pic de 11 793 points atteint le 20 mai 2008. En conséquence, les armateurs mondiaux de vracs secs voient leur futur menacé et l’Institut de Shanghai estime ainsi que la moitié des armateurs chinois de vracs secs risque de disparaître en 2016. Baltic Dry Index 04/01/2016 25/01/2016 11/02/2016 07/03/2016 30/03/2016 473 354 290 354 414 Source : Lloyd’s List Source : Lloyd’s List Note économique Armateurs de France – 1er trimestre 2016 1 Source : AlphaBulk L’offre toujours excédentaire des navires sur le secteur du transport maritime de vrac sec a fait plonger l’indice Baltic Dry à un nouveau plus bas historique depuis sa création en janvier 1985 et l’indice enregistre une diminution de 23,47% en un an. L’accumulation du ralentissement économique relatif de la Chine, de la morosité du contexte financier en Europe et en Amérique du Nord et de la surcapacité importante du secteur exerce une forte pression à la baisse sur les prix, entraînant des pertes et des difficultés financières conséquentes pour les armateurs du secteur. Néanmoins, la situation des navires Panamax est légèrement meilleure que celle des navires Capesize même si les taux restent à des niveaux historiquement bas. Selon le courtier britannique Clarksons, les commandes de navires neufs sont en baisse. En un an, les commandes mondiales, tous secteurs confondus, ont diminué de 43% mais cette chute est surtout due au fort recul des commandes de vraquiers. Le début de l’année 2016 s’annonce donc peut-être comme une période de modération des commandes dont les effets sur la capacité globale du secteur ne seront visibles que dans quelques temps. Source : Lloyd’s List Intelligence Note économique Armateurs de France – 1er trimestre 2016 2 Le transport maritime de pétrole brut profite de la baisse du prix du baril En ce début d’année 2016, en plus du ralentissement relatif de l’économie chinoise, la chute du prix du pétrole est l’autre évènement marquant de l’économie maritime mondiale. En effet, les pays producteurs et exportateurs de pétrole sont souvent des pays en voie de développement très dépendants du prix des matières premières. Les économies développées (et notamment européennes) ont, dans un premier temps, accueilli la nouvelle de la chute du prix du baril avec soulagement alors que ce phénomène pourrait avoir des conséquences plus lourdes pour l’ensemble de l’économie maritime mondiale. La prospection de nouveaux gisements pétroliers et les efforts fournis sur les énergies marines renouvelables ont un coût relatif rehaussé de manière soudaine, menaçant ainsi la pérennité de filières entières. Source : Lloyd’s List Dans ce secteur, la livraison de nouveaux navires et le retour sur le marché de tankers précédemment utilisés comme stockages flottant ont pu être observés. Depuis le 16 janvier 2016, la levée des sanctions contre l’Iran a également permis à la compagnie étatique NITC de reprendre son activité ce qui a eu un fort impact sur l’offre de capacité puisque NITC détient, avec 37 navires, la 6ème flotte de VLCC au monde. La hausse des taux de fret devrait ainsi être enrayée durant 2016. De plus, comme les pays de l’OPEP ne semblent pas vouloir limiter trop sévèrement l’offre de pétrole brut, les tendances inverses entre le prix du brut décroissant et le taux d’affrètement croissant des navires pétroliers vont certainement perdurer un moment. Néanmoins, le nombre attendu de tankers livrés en 2016 est très important, ce qui impactera nécessairement le marché. Source : Lloyd’s List Intelligence Note économique Armateurs de France – 1er trimestre 2016 3 Le coup de frein des trafics conteneurisés Sur le marché de ligne régulière conteneurisée, les taux de fret déjà moroses pourraient subir de nouvelles érosions. Les armateurs ont fait tout leur possible pour réduire leurs coûts d’exploitation et leur marge de manœuvre semble très limitée face à une potentielle baisse des taux prévue sur le marché. Le désarmement des navires, déjà amorcé au niveau mondial, pourrait se prolonger. Selon Drewry Shipping, les pertes enregistrées par les acteurs de lignes régulières conteneurisées devraient atteindre 5 milliards de dollars en 2016 (contre 19,4 milliards de dollars au pire de la crise en 2009). Les échanges entre Asie et Europe ont été particulièrement touchés avec des volumes à la baisse pour la deuxième fois seulement depuis le début de la conteneurisation. Conséquence logique de la fragilisation des acteurs du marché, la consolidation des armements s’annonce inévitable, entraînant sans doute la constitution de nouvelles alliances qu’il sera intéressant de surveiller dans les mois à venir. La consolidation entraînera certainement une augmentation de la productivité individuelle des différents acteurs mais la capacité mondiale restera inchangée et il faudra bien trouver un moyen de réguler l’offre. Pour l’instant, le faible coût du pétrole permet de pallier une partie du déclin mais des résultats financiers négatifs pendant une période de plusieurs mois peut encore accélérer le phénomène de désarmement. Selon les statistiques de Lloyd’s List Intelligence, 4,7% de la flotte mondiale de porte-conteneurs n’avait pas d’affectation en Janvier 2016. Ces vagues de désarmement observables actuellement ne sont pas sans rappeler celles de 2009 à la différence près que la flotte désarmée actuellement est aussi composée de grands porte-conteneurs, ce qui est un phénomène nouveau. Selon Alphaliner, début mars 2016, 55 porte-conteneurs de 7 500 à 19 000 EVP sans affectation auraient été désarmés. Les suspensions des lignes reliant l’Asie à l’Europe ont inévitablement poussé les principales alliances du secteur à gérer leur offre de capacité. L’impact est moins fort sur les échanges maritimes entre Asie et Amérique du Nord qui bénéficient d’une faible croissance. Les escales du CMA CGM Benjamin Franklin sur les ports de la côte Ouest américaine ont été largement médiatisés mais cela ne doit pas masquer que même les plus grands ports américains ne sont pas encore tout à fait prêts à accueillir les plus grands navires du monde et que les plus grands porte-conteneurs qui y accostent ont une capacité moyenne de 13 500 TEU. Les statistiques d’Alphaliner montrent que 400 000 EVP de démolition doivent être attendus sur l’année 2016, ce qui ne représente qu’un tiers de la capacité des navires neufs qui doivent être livrés dans l’année (1,25 millions d’EVP). La capacité de la flotte mondiale devrait donc encore augmenter (+4,3%) bien au-delà des prévisions de croissance du secteur (+1% de demande). La bonne dynamique des croisiéristes Si le transport maritime de marchandises connaît une période très difficile, il en va autrement pour le transport de passagers et notamment pour les croisiéristes. Malgré les incertitudes économiques et la montée de la menace terroriste, l’industrie de la croisière continue à se développer à un bon rythme. Cette dynamique atteint des sommets puisque jamais, dans l’histoire du secteur, les investissements n’ont été à un tel niveau. A titre d’exemple, lorsque la plupart des armateurs doivent faire face à des réductions de marge et à des coupes budgétaires, la compagnie internationale MSC Croisières annonce un plan d’investissement de 5,1 milliards d’euros. L’objectif est de doubler la capacité, passant de 1,7 millions de passagers transportés en 2015 à 3,4 millions en 2022. La France est d’ailleurs l’une des cibles prioritaires du groupe italo-suisse puisqu’une campagne publicitaire de l’ordre de 15 millions d’euros pour l’Hexagone a déjà été annoncée. Note économique Armateurs de France – 1er trimestre 2016 4 Hambourg dépassé par Anvers Au niveau portuaire, le début de l’année 2016 aura également été marqué par la baisse de la dynamique du port de Hambourg qui aura connu une année 2015 difficile. La diminution des échanges avec la Russie et la Chine ont plombé les résultats du port de Hambourg, toujours derrière Rotterdam au niveau européen et désormais dépassé par Anvers. Les trafics de marchandises conteneurisées ont diminué de 9,3% atteignant 8,8 millions d’EVP. Cela est essentiellement dû à sa position géographique qui le met en première ligne pour subir l’embargo russe. Le yuan fort est également une source de difficultés et le port a vu ses échanges avec la Chine diminuer de 13,8% sur l’année 2015. Quand on sait qu’un conteneur traité sur trois par le port de Hambourg est en lien avec la Chine, on saisit l’importance de la dépendance des résultats du port allemand à la dynamique chinoise. 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