PARC URBAIN MINIER : REFLET IDENTITAIRE DE THETFORD MINES Fig. 1 Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade de M. Arch. Par Marie-Christine Daigle-Croteau Superviseur: M. André Casault _________________ École d’architecture Université Laval 2013 I CONTENU DE L’ESSAI Les mémoires collectives et l’influence des paysages culturels structurent l’élaboration de cet essai (projet) dans la conception d’un parc urbain minier reflétant le caractère identitaire de Thetford Mines. L’essai génère des pistes de réflexion sur les mémoires collectives, les paysages culturels ainsi que sur leurs analyses. Les intentions sont d’utiliser les lieux existants et l’histoire particulière comme socle pour reconstruire l’identité culturelle collective qui tend à se perdre. Le projet propose à la fois un parcours et un centre historique qui définissent des lieux d’échanges entre le passé et le présent pour de raccorder l’expérience du visiteur avec la culture, l’histoire, l’architecture et les paysages. Les notions d’identité, de mémoires collectives et de lisibilité sont les principaux concepts auxquels ce travail de recherche-création répond. Fig. 2 | Mines BC I et II II ÉQUIPE D’ENCADREMENT ET MEMBRES DU JURY André Casault _ Architecte et professeur _ École d’architecture de l’Université Laval Geneviève Vachon _ Architecte et professeure _ École d’architecture de l’Université Laval Olivier Bourgeois _ Architecte et Chargé de cours _ Bourgeois / Lechasseur Architectes Bernard-Serge Gagné _ Architecte _ ABCP Architecture Guillaume Pelletier _ Architecte _ Atelier Pierre Thibault III AVANT-PROPOS Je tiens à remercier plusieurs personnes qui ont fortement contribué à l’élaboration de cet essai (projet) que je termine avec beaucoup de fierté. D’abord, un grand merci à tous ceux qui se sont intéressés et qui ont contribué à l’élaboration de ce travail. Plus particulièrement, merci à M. Luc Berthold, maire de Thetford Mines, M. François CinqMars, directeur du Musée minéralogique et minier de Thetford Mines, pour l’obtention d’informations importantes et le partage de connaissances qui ont mené le projet. Aussi, je désire remercier M. Gaby Verreault d’avoir partagé avec moi ses belles histoires et sa grande passion pour le métier de mineur. Merci aussi à tous ces professeurs et chargés de cours de l’École d’architecture de l’Université Laval, qui de près ou de loin ont influencé mon parcours universitaire. Plus spécialement, merci à M. André Casault et Mme Geneviève Vachon qui m’ont poussée à développer un concept valorisant une région qui me tient à cœur. Finalement, un merci spécial à ma famille, mes amis et mes collègues pour leur patience, leur support et leurs encouragements, ils ont su croire en moi, m’aider et m’épauler au sein de cette grande aventure. IV TABLE DES MATIÈRES CONTENU DE L’ESSAI II ÉQUIPE D’ENCADREM ENT ET M EM BRES DU JURY III AVANT-PROPOS IV TABLE DES M ATIÈRES TABLE DES FIGURES V VIII INTRODUCTION 2 CADRE THÉORIQUE 4 1 | L’ARCHITECTURE ET LES MÉMOIRES COLLECTIVES 4 1.1 | Le concept de mémoires collectives en architecture 5 1.2 | L’architecture comme moyen de représentation identitaire 8 1.3 | Synthèse : le cas de Thetford Mines CONTEXTE 10 12 2 | COMPRENDRE LE CONTEXTE POUR UN POTENTIEL D’EXPRESSION IDENTITAIRE DES MÉMOIRES COLLECTIVES V 12 2.1 | Potentiel d’expression identitaire des paysages culturels 12 2.2 | Portait de Thetford Mines 14 2.3 | Analyses objectives et subjectives des paysages culturels 15 2.4 | Synthèse des analyses 32 PROJET 3 | PARC URBAIN MINIER 34 34 3.1 | Mission, enjeux et objectifs de design 35 3.2 | Parcours urbain 35 3.3 | Site 38 3.4 | Projet d’architecture – centre historique minier 40 3.5 | Synthèse 44 CONCLUSION 46 BIBLIOGRAPHIE 48 ANNEXES 50 Annexe 1 | CARTE DE CONCEPTS 51 Annexe 2 | MORPHOGENÈSE 52 Annexe 3 | THETFORD MINES _ Mines d’amiante 53 Annexe 4 | HALDES PLATES / CONIQUES 54 Annexe 5 | PLANCHES CRITIQUE FINALE (19 AVRIL 2013) 55 VI VII TABLE DES FIGURES Figure Description Source Fig. 1 Bâtiments mine King M. GRÉGOIRE (2012) Fig. 2 Vue aérienne Mine BC I et II D. LAPOINTE (2004) Fig. 3 Schéma analyse des paysages AVOCAT (1994) 13 Fig. 4 Vue de la rue Lafontaine MC CROTEAU (2012) 14 Fig. 5 Treuils à manège (1930)52 SAHRA 17 Fig. 6 Gobbeuses (1930) SAHRA 17 Fig. 7 Ensachage de l’amiante (1936) SAHRA 18 Fig. 8 Vue aérienne mine King et rue Notre-Dame DUBÉ (1994) 19 Fig. 9 Déplacement d’une maison (1972) CINQ-MARS (2005) 19 Fig. 10 Rue Smith (1960) SAHRA 20 Fig. 11 Installations de la mine King (1960) DUBÉ (1994) 21 Fig. 12 Piste cyclable Ville de Thetford Mines 22 Fig. 13 Station des arts et chevalement de la mine King MC CROTEAU (2012) 23 Fig. 14 Vue depuis la mine BC II INCONNU 25 Fig. 15 Installations de la mine Normandie M.GRÉGOIRE (2012) 26 Fig. 16 « Shaft » No. 2 de la mine Bell MMMTM (2012) 26 Fig. 17 Halde mine BC II, inscrit « Liberté » MC CROTEAU (2009) 29 Fig. 18 La rue Smith, œuvre de Jacques Fugère Ville de Thetford Mines 30 Fig. 19 Le « Big Ben » de ma ville, œuvre de F. Faucher Ville de Thetford Mines 30 Fig. 20 Parcours urbain proposé MC CROTEAU (2013) 35 Fig. 21 Mine King (1960) SAHRA 38 Fig. 22 Site actuel MC CROTEAU (2012) 39 Fig. 23 Perspective globale, site proposé MC CROTEAU (2013) 40 Fig. 24 Portail de la « gate » MC CROTEAU (2013) 41 Fig. 25 Esplanade historique MC CROTEAU (2013) 41 Fig. 26 Chevalement en soirée MC CROTEAU (2013) 42 Fig. 27 Morphogenèse DUBÉ (1994) 52 Fig. 28 Thetford Mines et les environs Google Maps 53 Fig. 29 Haldes plates MC CROTEAU (2012) 54 Fig. 30 Haldes coniques M. GRÉGOIRE (2012) 54 Page Titre II VIII IX INTRODUCTION Au sein d’un pays, d’une région ou encore d’une ville, les changements engendrés par l’humanisation progressive du territoire ont transformé leurs paysages au cours des décennies. Ces modifications graduelles du paysage générées par l’homme dressent un bilan fiable de l’économie, de la culture, mais aussi du caractère social propre au milieu. La région de Thetford se caractérise par son patrimoine bâti industriel et ses haldes de résidus miniers d’amiante, résultat d’une interaction profonde entre les habitants et leur milieu. La ville de Thetford Mines, le cœur de cette belle région, est née de l’exploitation minière il y a plus d’un siècle. Malgré l’arrêt complet en 2011 des activités reliées à l’exploitation minière de l’amiante, ses paysages témoins de l’évolution ont laissé des cicatrices permanentes dans la ville. Ces lieux maintenant abandonnés forgent le caractère identitaire propre à Thetford Mines. En plus d’offrir une architecture particulière et des paysages hors du commun, ils reflètent les bases de l’histoire de la ville à travers l’exploitation minière et influencent les mémoires collectives et la perception du lieu. Il importe de miser sur leur conservation, mais également de les structurer afin d’offrir des espaces attrayants dont la communauté pourra tirer profit et être fière. 2 Cet essai (projet) s’intéresse à la mise en valeur des particularités de la région pour révéler, à travers les mémoires collectives et les paysages culturels, le caractère identitaire unique à Thetford Mines. En ce sens, ce travail de recherche-création extrait et définit ces mémoires ainsi que les particularités territoriales des paysages miniers comme base au projet d’architecture. La réponse architecturale du projet a pour but de démontrer : En quoi un parc urbain minier peut générer des espaces qui mettront en valeur, voire qui enrichiront le caractère identitaire de Thetford Mines en s’appuyant sur une analyse objective et subjective des paysages culturels et des mémoires collectives qui ont marqué son évolution. L’essai (projet) vise donc à démontrer que la découverte et la mise en valeur des paysages miniers contribuent à enrichir les mémoires collectives, ainsi qu’à renforcer l’identité culturelle régionale. Dans un premier temps, le cadre théorique est présenté dans cet essai (projet) en définissant et démontrant l’importance des mémoires collectives et d’un cadre identitaire en lien avec un projet d’architecture. Puis, l’essai s’intéresse à la découverte et la compréhension du contexte thetfordois par des analyses effectuées à la fois objectivement et subjectivement sur les paysages culturels de la région. 1Au final, il présente le projet qui fournit une réponse autant urbaine qu’architecturale à la mise en valeur de l’architecture et des paysages. Il mise sur l’aménagement d’un parcours et d’un centre historique pour créer des lieux d’échanges entre le passé et le présent qui enrichissent l’expérience du visiteur avec la culture, l’histoire, l’architecture et les paysages. En somme, ce travail vise à définir une approche basée sur les mémoires collectives, comme reflet de l’identité d’une communauté. 1 3 Voir Annexe 1 | Carte de concepts CADRE THÉORIQUE 1 | L’ARCHITECTURE ET LES MÉMOIRES COLLECTIVES L’intention de retourner à ce qui rassemble les collectivités autant à leur histoire qu’entre elles, est au cœur des convictions du discours qui unit les mémoires collectives et l’architecture. En effet, les hommes sont sensibles à l’environnement qui les entoure puisque celui-ci possède une histoire particulière, qui le rend unique. Qu’il soit naturel ou construit, l’environnement structure les souvenirs et les mémoires collectives d’une société. Halbwachs (1950) définit les mémoires collectives comme l’ensemble des faits qui ont eu occurrence dans le passé et qui structurent l’identité d’une collectivité. Ces mémoires collectives font appel aux souvenirs personnels de chacun des membres d’une communauté. Elles sont d’ailleurs le reflet des histoires économiques et sociales d’un groupe qui agit comme un dialogue entre le passé et le présent en établissant un lien de réciprocité à double sens entre les deux époques. Selon Hayden (1995) pour exposer un portrait de l’ensemble de la situation historique, on ne peut nier les mémoires collectives qui nous amènent à mieux comprendre la structure actuelle, dont elles sont indissociables. Aussi, Mario Botta exprime que « The old needs the new in order to be recognizable (Mario Botta, in NOPPEN, 1995). En effet, pour permettre aux souvenirs d’être mémorables, ou identitaires, nous avons besoin du contexte actuel. Bref, un équilibre entre ce qui unit le passé et le présent permet un lien fort qui s’exprime à travers les mémoires collectives. 4 De ce fait, le rapport que l’architecture entretient avec son contexte est de plus en plus prisé pour ramener la notion d’identité au cœur des convictions sociales. D’ailleurs, Tadao Ando, architecte japonais reconnu, s’intéresse à l’apport des mémoires collectives et du génie du lieu pour créer des environnements qui stimulent la sensibilité et l’émotion. Yann Nussaume (2009 : 168), auteur de la biographie de l’architecte, exprime que ses bâtiments « ne sont pas des sculptures, mais des catalyseurs permettant de comprendre la richesse du monde environnant. » La réponse que les mémoires collectives veulent donner à travers un projet d’architecture se base sur le contexte visuel pour créer une représentation identitaire. 1.1 | Le concept de mémoires collectives en architecture Plusieurs facteurs influencent la notion de mémoires collectives, dont le contexte physique, soit l’environnement visuel, ainsi que les rapports sociaux. Selon Halbwachs (1995), les mémoires nécessitent un cadre spatial, c’est-à-dire un milieu matériel qui permet de reconstruire les souvenirs oubliés. Les mémoires collectives prennent largement appui sur différents cadres spatiaux pour conserver et faire perdurer cette importante réalité historique. À cet effet, Marc Berdet (2005 : 01) ajoute que dans un cadre phénoménologique, « le processus de remémoration suppose la rencontre d’un pluralisme temporel et de représentations collectives dans des images auxquelles cet espace urbain n’est pas étranger ». Le cadre phénoménologique quant à lui se concentre sur l’expérience de l’usager et du contenu que cette dernière inflige sur sa conscience. Ce cadre intangible implique le caractère social, tel que les habitants et les mineurs, mais également le cadre sociétal, qui regroupe les valeurs de cette collectivité. Ainsi, en lien avec l’architecture, la notion de mémoires collectives se résume à différents faits et souvenirs que l’ensemble d’une communauté structure dans l’espace, pour en présenter son image et son caractère identitaire. L’architecture permet de raviver ce cadre spatial, par la création d’espace public qui active l’imaginaire des gens, favorisant ainsi la production de mémoires. 5 Cadre Spatial D’abord, Halbwachs (1950) et Noppen (1995) affirment que l’espace est l’élément le plus important dans la constitution de mémoires collectives. En effet, le cadre spatial permet de distinguer l’histoire écrite de celle vécue; il marque l’empreinte du groupe qui y prend, ou y prenait attache. Ce cadre spatial se caractérise souvent par des images, mais aussi par des bâtiments ou des paysages qui sont recréés, ou encore réinterprétés. Leur matérialité, mais surtout leur forme, sont des réalités psychiques nées de la conscience collective qui se grave dans la mémoire et se ravive dans un contexte spatial favorable. Contrairement à un tableau sur lequel on marque à la craie pour ensuite l’effacer, le lieu s’imprègne de son vécu et active l’imaginaire de ceux qui l’ont visité pour ainsi cristalliser les différentes mémoires personnelles en un tout collectif (NOPPEN, 1995). En s’inspirant de l’histoire et de l’environnement, les souvenirs se transposent dans les lieux publics, qui s’imprègnent de mémoires, et aident les citoyens à définir leurs propres souvenirs. L’architecture vernaculaire, ou propre à un lieu, agit symboliquement et permet de traduire et de supporter la mémoire sociale. Selon Hayden (1995), être dans un espace rendu particulier par son architecture et son environnement permet de mieux y rattacher l’histoire qu’il a à offrir. Ces lieux propices à la création de mémoires collectives permettent aux citoyens de s’identifier, de partager et de représenter leur histoire. En globalité, l’ouvrage de Dolores Hayden (1995) The Power of Place : Urban landscape as public history, souligne qu’un contexte particulier aide à la création de lieux publics collaborant à l’imaginaire collectif. Puisque les mémoires se composent entre autres de visions personnelles, émotionnelles, visuelles et corporelles (Berque, 1994), les espaces prévus pour la mise en valeur et l’exposition historique doivent laisser la place à l’interprétation pour les visiteurs. La réinterprétation en architecture des traces de la mémoire publique permet de renforcer le caractère identitaire propre à un milieu ou un tissu social. Chaque endroit détient son histoire, ainsi que sa culture, qui y est unique; il s’agit d’en tirer profit et surtout de les mettre en valeur. 6 Cadre social La diversité ethnique et culturelle est un parti important à considérer afin de faire fructifier les mémoires. Dolores Hayden (1995) explique qu’autant dans un contexte historique négatif que positif, la place que prennent les mémoires est importante pour la structure d’une communauté. Elles doivent avant tout permettre aux citoyens de se reconnaitre et d’être fiers afin de promouvoir la culture locale. Les mémoires collectives dans un contexte culturel historique révèlent de bons exemples de liens qui se créent pour une société. D’ailleurs, elles influencent la postérité et les rapports de cette dernière avec son histoire. Malgré que le cadre spatial change et évolue, il se conditionne selon les rapports sociaux. Ceux-ci permettent entre autres d’expliquer de grandes modifications engendrées sur les territoires. Les cadres spatial et social peuvent être analysés de manière distincte, mais doivent au final se compléter afin de créer un projet porteur d’expression identitaire. D’ailleurs, la notion de paysage culturel englobe ces deux cadres qui définissent les mémoires collectives. Paysages culturels De son côté, la notion de paysage culturel permet de tisser les liens forts qui unissent la nature ou l’espace à une société. D’abord, la notion de « paysage » est souvent attribuée à des lieux de toutes sortes, tant ordinaires qu’exceptionnels, mais qui essentiellement réfèrent à la nature. Sans contredit, le paysage inclut beaucoup plus qu’une portion d’espace terrestre. Plusieurs auteurs en donnent différentes définitions qui, mises en commun, soutiennent cette notion complexe qu’est le paysage. Dans le Petit Robert (2007 :1836), l’idée de point de vue est introduite en définissant le paysage comme une « partie d’un pays que la nature présente à un observateur ». Ils constituent en quelque sorte l’agencement des caractéristiques et des formes d’un espace. De son côté, le paysage culturel représente une région, il exprime la relation d’un peuple avec son environnement. D’ailleurs, Dewarrat (2003) le décrit comme le support d’une relation 7 subjective entre l’homme et la société, mais aussi comme une réalité objective à laquelle se rattachent différentes actions volontaires, telles que les activités humaines. En complément, Berque (1994) définit le paysage culturel plutôt comme une « entité relative et dynamique, où nature et société, regard et environnement sont en constante interactions. » Au final, les paysages culturels représentent des entités riches qui illustrent l’action de l’homme en lien direct avec son paysage. Conclusion Bref, à travers un projet d’architecture, pour forger les mémoires collectives d’une société, il faut étudier conjointement les dimensions physiques et sociales des paysages culturels. Les mémoires se nourrissent à la fois de l’histoire et du lieu pour se propager au sein d’une communauté. Ces lieux significatifs doivent permettre aux citoyens de définir leur histoire, de la partager, mais aussi de les représenter à grande échelle. (HAYDEN, 1995) Dans le contexte d’un projet d’architecture, l’articulation de la mémoire de chacun est affectée par la manière dont ils se concrétisent au sein son espace urbain. L’intention première du projet d’architecture porteur de mémoires collectives, est de concevoir l’image d’une société à partir de ses paysages culturels, unissant à la fois le contexte matériel et immatériel. 1.2 | L’architecture comme moyen de représentation identitaire Alors que la mise en valeur des mémoires collectives passe essentiellement par l’analyse spatiale et sociale des paysages culturels, comment, par l’architecture dresser un portrait du caractère identitaire, et de la perception des gens, de leurs mémoires, au sein du lieu. D’abord, l’architecture s’avère un des meilleurs moyens de représentation identitaire, puisqu’elle possède une relation directe avec les besoins et les fonctions que nécessite la collectivité. Les habitants, avec le temps ont conçu un agencement complexe de bâtiments qui les représentent et auxquels ils s’identifient. L’étude de l’architecture conçue dans le passé nous permet donc de connaitre et d’évaluer les besoins d’une société aussi 8 que leurs évolutions. (NOPPEN, 1995) L’architecture offre donc un cadre spatial fort, qui au sein des mémoires collectives joue un rôle prépondérant. Selon Noppen (1995), une architecture identitaire permet de valoriser le passé en s’appropriant des éléments de l’histoire et en les adaptant aux besoins présents, tout en conservant un aspect de continuité. Selon lui, il existe deux conditions préalables à l’élaboration d’une construction vectrice d’identité. D’abord, il est nécessaire d’ancrer celleci dans un lieu identitaire, afin d’exhiber les traces importantes d’une mémoire commune. Ce lieu identitaire se transige souvent par des données objectives, qui reflètent les réalités du milieu. Puis, afin de soutenir un geste identitaire, il faut que cette construction s’adapte au contexte contemporain. Bien qu’il évoque souvent les pages écrites d’une histoire, le geste doit demeurer une réalité contemporaine qui s'ajuste aux discours et aux besoins de l’environnement dans lequel il s’ancre. (NOPPEN, 1995) Aussi, Hayden ajoute qu’un espace public appropriable permet aux gens de se reconnaitre et de montrer avec fierté aux autres ce qu’ils ont su bâtir avec le temps. Bien que ces mémoires ne soient pas que positives ils en tireront davantage des conclusions intéressantes. (HAYDEN, 1995) L’architecture identitaire devient donc un moyen efficace de véhiculer les mémoires collectives en unifiant le passé et le présent. Dans le but de promouvoir la culture locale, l’ajout d’espace significatif permet de véhiculer l’histoire locale. Des espaces riches de sens permettent de resserrer les liens qui unissent les mémoires, en passant par l’architecture. Dans la conception d’un projet identitaire, les paysages culturels retouchés par l’homme s’avèrent riches en contenus culturel et social. (AVOCAT, 1984) L’architecture et les modifications aux territoires que contiennent ces paysages doivent être considérées comme une élaboration collective qui intègre les lieux ordinaires fréquentés quotidiennement par un peuple. Les paysages se sont développés selon les différentes structures économiques, culturelles et sociales. Cela explique leur genèse, et même leurs permanences et mutations. Leurs analyses autant objectives que subjectives permettent de découvrir ce qui forge le caractère identitaire. 9 Dans sa biographie, Tadao Ando (NUSSAUME, 2009) affirme que « par le biais de l’architecture, je veux faire danser le vent, faire vibrer la terre et le ciel. Il s’agit de cette façon de redonner vie aux mouvements du génie du lieu. Il s’agit de le ressusciter. Aujourd’hui, porter secours au génie du lieu ne signifie pas retourner à la terre et à l’histoire. Cela signifie plutôt inspirer la terre et l’histoire. » À travers de multiples œuvres, l’architecte propose une architecture signifiante pour l’environnement dans lequel elle s’implante, ne fournissant pas seulement une réponse architecturale, mais formant un tout avec le contexte et l’histoire. Pour lui, le rôle de l’architecture est de redonner au site, soulignant ainsi la lisibilité et la globalité du lieu. 1.3 | Synthèse : le cas de Thetford Mines La mise en relation des mémoires collectives et du caractère identitaire représente, les caractéristiques qu’une communauté, comme celle de Thetford Mines peut mettre en évidence afin de se distinguer et de contribuer au sentiment d’appartenance de ses habitants. L’objectif du travail de recherche est de fournir les bases d’une architecture porteuse de mémoire en analysant les bâtiments et les paysages existants dans le but de favoriser la perception du lieu. L’analyse objective et subjective qui structure le prochain chapitre permet la compréhension des mémoires collectives d’un projet d’architecture porteur d’une expression identitaire. Ces deux types d’analyses permettent de guider la conception afin de développer la sensibilité et le sens propre au lieu, produisant ainsi une œuvre significative pour les citoyens. 10 11 CONTEXTE 2 | COMPRENDRE LE CONTEXTE POUR UN POTENTIEL D’EXPRESSION IDENTITAIRE DES MÉMOIRES COLLECTIVES Le cadre théorique présenté au chapitre précédent démontre l’importance de soulever et de mettre en valeur les mémoires collectives dans la création d’un projet s’inspirant du lieu et misant sur le caractère identitaire. Ce deuxième chapitre cerne les éléments des paysages culturels de Thetford Mines afin de favoriser la conception d’un projet de parc urbain minier reflétant l’identité du lieu. Ce chapitre présente d’abord les intentions théoriques qui mèneront l’analyse paysagère qui permettra de traduire la thèse. Puis, présente brièvement la ville de Thetford Mines pour ensuite mener à l’analyse autant objective que subjective des paysages culturels qui définissent le caractère particulier de cette même ville. 2.1 | Potentiel d’expression identitaire des paysages culturels Tel que présenté dans le cadre théorique, les paysages culturels se caractérisent comme l’interaction du cadre spatial et social qui traduit la relation d’un peuple avec son environnement. Puisque les lieux physiques sont intimement liés à la vie sociale et qu’ils sont conditionnés par les rapports collectifs, ils reflètent la permanence des sociétés, qui suscite une importante symbolique collective chez l’observateur. L’analyse de la perception paysagère au sein de la société permet d’en extraire les éléments des 12 mémoires collectives les plus pertinents, accessibles et surtout significatifs. Cette symbolique collective en fait l’emblème identitaire social, en raison de sa matérialité, de sa valeur et du sens qui se rattache aux paysages culturels, permettant la découverte du lieu physique, mais surtout de ses caractéristiques culturelles. Selon le schéma (Fig. 3), l’analyse du paysage perçu allie à fois la réalité physique, soit le paysage réel, et le paysage image qui est davantage filtrée par l’imaginaire. D’abord, le paysage réel se caractérise par une réalité objective étrangère aux déformations sensorielles; il représente la réalité de l’image et est universel d’un individu à l’autre. De son côté, le paysage image reflète le caractère subjectif et personnel qui varie selon l’observateur. Le paysage perçu englobe au final ces deux entités et se situe entre objectivité et subjectivité; il en ressort les repères les plus importants et les plus significatifs de cette réalité imagée. Fig. 3 | Analyse des paysages selon AVOCAT (1984) Une étude paysagère ne se fait donc pas que de manière impartiale. Elle doit comprendre l’évolution sociétale et être traitée subjectivement, en plus d’objectivement, afin d’évoquer la perception du lieu (AVOCAT, 1984). Cette démarche tente de percevoir « à la fois la réalité d’une image et l’image d’une réalité. » (AVOCAT. 1984 : 14) Berque (1994) et Avocat (1984) dans leurs ouvrages respectifs, illustrent l’importance d’une analyse autant objective que subjective des paysages culturels afin de cerner la perception du lieu. Dans le cas de Thetford Mines, l’histoire qui a mené l’humanisation des territoires est au centre des préoccupations et de l’élaboration d’un projet de parc urbain minier à caractère identitaire. 13 2.2 | Portrait de Thetford Mines Avant d’aborder l’analyse plus en profondeurs de ces paysages culturels, qui à Thetford Mines illustrent le caractère minier unique et identitaire, il est important de brièvement présenter cette ville. Thetford Mines est située à l’intérieur des Appalaches, à moins d’une centaine de kilomètres de Québec et à équidistance de Sherbrooke. Le paysage unique qu’elle propose est composé par le contraste entre les haldes minières artificielles et la riche végétation. Le caractère minier, abondamment présent dans le paysage de la région de Thetford, a été façonné au rythme de l’exploitation minière qui a couru sur plus d’un siècle, soit depuis la découverte d’un gisement d’amiante en 1876. L’important essor minier qui a suivi la période de la Deuxième Guerre mondiale a orienté le développement urbain. Cependant, avec la perception négative de l’amiante, ainsi que la fermeture de la dernière mine active en 2011, l’image de cette ville a grandement été affectée. Aujourd’hui, il en reste d’imposants paysages miniers uniques et omniprésents (Fig. 4) à travers les différentes mines à ciel ouvert, les montagnes artificielles constituées de résidus miniers, et les divers bâtiments industriels. Ces éléments du paysage occupent physiquement le territoire, mais ne sont en aucun cas accessibles à la population et aux visiteurs. La fermeture des mines étant irrévocable, le temps est venu pour les Thetfordois de retrouver le caractère identitaire duquel s’imprégnait autrefois la ville, soit les mines. Fig. 4 | Vue panoramique de la rue Lafontaine 14 Lors d’une entrevue avec le maire de Thetford Mines, M. Luc Berthold, j’ai pu constater que ce dernier est grandement préoccupé par la reconversion minière. Il croit qu’un projet de réhabilitation d’une portion du site minier pourra mettre en valeur l’histoire et le mode de vie local, marqués par cette industrie autrefois prospère. Les intentions du maire sont d’ailleurs de réaliser un projet qui permettra d’abord de rendre les mines accessibles aux résidents, afin de renforcer le caractère identitaire qui autrefois était basé sur ces mines. Bien que les perceptions soient aujourd’hui négatives, il désire que le projet soit le reflet positif de cette industrie qui est à l’origine de la fondation de cette ville. 2.3 | Analyses objectives et subjectives des paysages culturels 2.3.1 | Approche m éthodologique La démarche méthodologique traduit la thèse et les différents concepts du projet par l’analyse et l’interprétation particulière du milieu dans lequel il s’implante. Elle permet entre autres d’explorer les mémoires et les paysages qui définissent l’esprit particulier de la région de Thetford. Elle est constituée de deux approches qui sont développées conjointement. D’abord, l’approche objective permet de faire une lecture factuelle du lieu, autant des réalités historiques et actuelles que des phénomènes socioculturels, tout en considérant les mémoires collectives et les paysages culturels. Elle s’interroge davantage sur les réalités territoriales, et les relations que l’homme a entretenues avec le milieu dans l’exploitation des paysages miniers. Elle permet de saisir les caractéristiques du lieu, pour alimenter adéquatement les pistes d’interprétation et de matérialisation du projet d’architecture. La seconde partie consiste à poser un regard complémentaire et davantage subjectif, permettant une lecture interprétative et sensible des mémoires et des paysages impliqués. Grâce à divers témoignages, entrevues et lectures, elle permet de cerner la perception de 15 la population locale pour un projet à caractère identitaire. Cette approche saisit les éléments symboliques et identitaires du paysage culturel et des mémoires. Au final, elle s’intéresse à la façon dont la perception de ces paysages génèrera le projet d’architecture, reflet de la culture du lieu analysé. 2.3.2 | Analyse objective Cette section énonce les résultats d’une analyse menée objectivement, entourant la région à travers le caractère identitaire propre du lieu. Cette approche soulève les particularités historiques de la ville et de ses mines, les caractéristiques physiques et les dimensions sensibles. Aussi, elle fournit une analyse détaillée identifiant différents repères importants de la ville et de son caractère identitaire. Historique L’histoire de la ville de Thetford Mines débute avec la découverte de l’amiante en 1876, par Joseph Fecteau. Ce cultivateur, gratte, du bout des ongles, les fibres d'une pierre verdâtre, semblable à de la soie. Dès lors, les géologues du gouvernement du Québec analysent ce minerai, mais n’y accordent aucune valeur. Cependant, quelques mois plus tard, les Américains s’empressent de débuter l’exploitation du sol, lui accordant des propriétés ignifuges hors du commun. À partir de ce moment, l’essor de la région se fait sentir, ne se contentant plus de l’exploitation agricole. La production industrielle de l’amiante donne naissance à de petites agglomérations minières, soucieuses de profiter de cette fibre magique. De plus, le tracé du Québec Central Railway qui relie Sherbrooke et Québec atteint le canton de Thetford en 1879, contribuant ainsi au développement de l’industrie minière ainsi qu’à son exportation. En 1892, on assiste à la création du village de Kingsville, près de l’exploitation des mines King, qui possèdent la majorité des terrains du village. La croissance de la région se fait rapidement et la population se multiplie à une vitesse folle, profitant de l’essor de la région. L’urbanisation du village se fait selon des ilots de petites habitations regroupés près des 16 mines. C’est en 1905 que le caractère urbain de la ville se confirme, alors que le noyau urbain principal acquiert le statut de ville. La ville, avec ses 5 141 habitants, compte parmi les dix municipalités urbaines québécoises de plus de cinq mille personnes. L’expansion des mines se fait rapidement et favorise le développement urbain de l’ensemble de la région, entrainant le développement de biens et de services pour desservir la population. Aujourd’hui, la région compte plus de 41 000 habitants, dont plus de 21 600 habitent la ville d’importance, Thetford Mines. La croissance rapide de ce noyau urbain est principalement due à l’importance des mines, qui agit comme principale permanence dans la ville. 2(DUBÉ, 1994) (CINQ-MARS, 2005) Conditions de travail Au sein des mines, le travail d’extraction s’est d’abord fait à la main dans les années 1800, avec des outils primitifs tels que le pic et la masse. Les mineurs remplissaient des brouettes qu’ils poussaient, ou encore employaient des chevaux qui ramenaient le minerai à la surface. À mesure que les puits d’excavation du minerai d’amiante devenaient plus profonds, ils installaient des treuils à manège, afin de rendre le travail plus productif. (Fig. 5) Au début du 20e siècle, les outils se mécanisent et l’apparition du chemin de fer au sein de la ville, vient faciliter le transport des marchandises. Fig. 5 | Treuils à manège _1930 Malgré les nouvelles technologies, les conditions de santé des travailleurs ne s’améliorent pas, puisque la majorité des environnements de travail sont envahis par la poussière. Par exemple sur la figure 6 on aperçoit des femmes, appelées Fig. 6 | « Gobbeuses » 1930 2 17 Voir Annexe 2 | Morphogenèse de la ville « gobbeuses » qui, vers 1930, procèdent au triage de la fibre pour la séparer des roches dites stériles, qui ne contiennent pas d’amiante. Ou encore, sur l’image 7 des mineurs qui procèdent à la mise en sacs pour l’exportation de la fibre vers 1936. Ces deux figures Fig. 7 | Ensachage de l'amiante _ 1936 montrent les environnements de travail insalubres des ouvriers, qui les ont poussés à la grève de 1949. M ouvem ent ouvrier de 1949 Pour l’une des premières fois au Québec, 5000 travailleurs entrent en grève et se tiennent debout devant leur patronat et le gouvernement. À Thetford cette grève dure un peu plus de cinq mois, et a pour but d’uniformiser les conditions de travail, d’éliminer la poussière dans les lieux de travail et d’augmenter le salaire des ouvriers. Cette dernière sera très bénéfique, puisque suite à ces évènements, les environnements seront nettement améliorés et la mécanisation de plusieurs secteurs favorisera le travail des mineurs. Apogée : 1950 à 1970 C’est entre 1950 et 1970 que l’exploitation minière dans la région atteint son sommet. Les mines se fusionnent et prennent beaucoup d’ampleur, employant alors plus de 20% de la communauté. Elles grossissent rapidement et l’expansion urbaine de la ville qui se fait en parallèle nuit à l’exploitation minière. Les compagnies minières exploitent alors des mines souterraines sous une portion de la ville, afin de ne pas nuire à l’expansion urbaine. À ce même moment, les compagnies minières contrôlent le sol et le sous-sol de la ville, leur permettant légalement de récupérer des terrains qu’ils ont loués aux ouvriers. Déplacem ents im portants : transform ation de la ville À partir de la seconde moitié du 20e siècle, la croissance de l’industrie minière entre en conflit avec l’expansion urbaine. Les premiers noyaux d’habitations situés à proximité des mines empêchent l’expansion minière. La majorité des lots et les droits sur le sol sont aux 18 mains des compagnies minières qui menacent de déménager les habitations. Les mines sont alors la seule permanence dans la ville. De 1953 à 1960, le noyau central de la ville est déménagé, afin de faire profiter l’expansion minière. On assiste alors au détournement de la route provinciale numéro 1 reliant Québec et Sherbrooke, qui devient, au nord de la ville, l’important boulevard Frontenac. Le centre-ville se retrouve alors sectionné en deux par l’élimination d’une portion de la rue Notre-Dame entre le centre-ville existant et le quartier Mitchell. (Fig. 8) Par ailleurs, plusieurs maisons et établissements publics sont touchés par la suppression de cette voie. Le centre-ville commercial est alors relocalisé graduellement vers le boulevard Frontenac. Fig. 8 | Rue Notre-Dame avant sectionnement Puis, jusqu’en 1973 on procède au déplacement de plusieurs autres maisons. L’ensemble du quartier St-Maurice se voit obligé à deux grands déménagements importants, sous la direction de la Société d’habitation du Québec. Le premier déménagement se fait de 1953 à 1963 : un peu plus de cent maisons sont expropriées du quartier St-Maurice et sont déménagées au nord de la ville. Un chemin direct entre l’ancien site et le nouveau quartier est aménagé par les compagnies minières, et deviendra l’actuelle rue Pie XI. En 1969, on assiste à la démolition de l’église et de certains bâtiments institutionnels de ce quartier, en plus du déménagement des 407 résidences restantes qui se fera dans les années suivantes (Fig. 9) Les résidences sont regroupées selon leurs caractéristiques architecturales, soit leur style, leur nombre d’étages ou encore leur type de revêtement extérieur. Fig. 9 | Déplacement d'une maison (1972) 19 Grève de 1975 En 1975, une autre grève importante sévit dans l’industrie minière. Cette dernière durera plus de huit mois et impliquera trois mille travailleurs des mines de la région. Cette grève aura des effets bénéfiques, notamment sur les salaires. Plusieurs mineurs racontent avoir vu leur salaire horaire augmenter considérablement, passant de 4,50$ à 6,50$. Ceux-ci racontent également qu’à ce moment les conditions de travail dans les mines étaient très favorables. À ce moment, la plupart des Thetfordois avaient le désir de travailler dans les mines, autant pour les salaires que les conditions. Rue Sm ith Aussi, en 1987 la rue Smith, considérée comme l’une des plus vieilles rues de la ville, se voit à son tour obligée à un déplacement partiel. Située entre deux haldes de résidus miniers, cette rue a longtemps identifié l’importance du statut minier et ouvrier de la ville. (Fig. 10) Étant donné la proximité des maisons avec les exploitations minières, quelques maisons de la rue sont déménagées afin de permettre l’expansion de la mine Bell. Au final, ces déplacements n’auront pas contribué à l’expansion convoitée, puisque vers 1990 on assiste au déclin de l’exploitation minière. Fig. 10 | Rue Smith vers 1960 avant déménagements Déclin graduel C’est finalement de 1975 à 1985 qu’on connaitra les dernières « belles » années de l’exploitation minière, puisque c’est au cours des années 80 qu’on assiste au déclin de l’industrie. En effet, suite à l’adoption d’une loi interdisant l’usage de l’amiante dans les bâtiments commerciaux et institutionnels en 1989 par l’Agence américaine sur la protection de l’environnement, la perception du minerai considéré jusqu’à lors comme de 20 l’or blanc change radicalement. Peu à peu, l’économie engendrée par l’industrie minière diminue, et l’extraction de l’amiante conditionne de moins en moins le développement urbain de la ville de Thetford Mines. Avec ces grands bouleversements économiques, la ville se voit confrontée à une diversification économique afin de survivre à cette crise de l’amiante. Ce boycottage de l’amiante mènera la fermeture de plusieurs mines, et c’est finalement en 2011 que la dernière mine en action cesse ses activités. Résum é Étant l’élément déclencheur de la constitution de la ville, la découverte de l’amiante a également mené le développement de la ville pendant plus d’un siècle. Ayant agit longtemps comme principale permanence au sein de la ville, l’industrie minière a modifié irrémédiablement le paysage en plus de jouer un rôle prépondérant dans l’aménagement du territoire. (Fig. 11) Le développement urbain dans son ensemble fut orienté afin de ne pas nuire au développement minier. Les grands déménagements qu’a connus la région ont engendré une régénération du tissu urbain et une réorganisation spatiale du territoire. Fig. 11 | Importance des installations minières (1960) 21 Ces grands bouleversements ont affecté considérablement les habitants, leur sentiment d’appartenance et leur identité. Par exemple, le classement des habitations suite au déménagement complet du quartier St-Maurice a affecté les habitants qui se retrouvaient alors éloignés de leurs anciens voisins en plus d’être affectés par le déménagement, perdant ainsi leur repère social. Espaces actuels de commémorations Depuis l’arrêt complet des activités minières, les terrains auparavant détenus par les mines, sont inaccessibles. Ceux-ci représentent d’ailleurs plus du tiers du territoire de la ville. Avec l’ampleur que ces paysages tiennent, il importe de reconnecter le caractère minier et les espaces urbains qui sont souvent situés à proximité. La MRC3 des Appalaches et la Ville de Thetford Mines travaillent, depuis plusieurs années, à la requalifications de différents lieux disparates dans la ville, affectés par l’exploitation minière. D’abord à l’échelle urbaine, la ville met à la disposition des résidents un important réseau cyclable qui sillonne de remarquables paysages naturels et artificiels sans toutefois les mettre en valeur et permettre leurs accessibilités. (Fig. 12) De plus, la MRC et la Ville ont, au cours de l’année 2000, acquis l’ancienne gare, l’un des plus vieux bâtiments miniers de la ville, qu’elles ont déménagée et rénovée centre-ville, près de au son Fig. 12 | Piste cyclable 3 MRC : municipalités régionales de comté : entités administratives qui assurent la gestion régionale des collectivités locales 22 emplacement d'origine. « Station arts », des ce Rebaptisé la bâtiment est requalifié en un centre d'exposition pour les artistes de la région. Sa mission est la promotion, la diffusion et la mise en valeur des arts et de la culture régionale. Depuis sa restauration, la Station des arts participe, dans une large mesure, à la vitalité Fig. 13 | Station des arts culturelle et au dynamisme du centre-ville. (Fig. 13) De plus, en 2005 la MRC a aménagé un parc commémoratif qui relate l’histoire de la populaire rue Smith, en créant un petit belvédère. Ce dernier plonge l’observateur sur le vide laissé par le déplacement de cette rue et laisse place à son interprétation par des panneaux signalétiques qui en expliquent brièvement l’histoire. Ces différents repères commémoratifs au sein de la ville sont quelques exemples du désir de mettre en valeur l’histoire et l’identité thetfordoise. Ces différentes stations se relient par le réseau cyclable, mais ne possèdent aucune continuité. Il devient alors pertinent de mettre à la disposition des gens un parcours d’interprétation misant sur la découverte de ces lieux et de certains autres lieux, tels que les ruines des fondations de l’ancien quartier St-Maurice. L’objectif est de favoriser l’interprétation de l’histoire et des paysages culturels qui en découlent dans le but de supporter la création de mémoires collectives. Sites miniers L’étude historique et la visite de différents sites et bâtiments miniers de la ville ont permis de relever les objets particuliers des paysages culturels à mettre en valeur dans le cadre d’un projet d’architecture. Au sein des paysages miniers, deux éléments se complètent pour former l’industrie minière. Premièrement le couvert minéral, présent par les puits des mines et les haldes qui ont modifié la topographie du terrain avec l’extraction de la ressource naturelle. Ensuite, les sites miniers et les bâtiments qui composent l’aire 23 d’affinage, permettant l’exportation mondiale de la fibre d’amiante. Ce couvert minéral et cette architecture minière sont très présents dans la ville. Une visite des sites de la mine King, Bell et Beaver le 30 octobre dernier, avec le directeur du Musée minéralogique et minier, M. François Cinq-Mars, m’a permis de faire une lecture culturelle des lieux. Les propos de M. Cinq-Mars en complément de la visite, ont été grandement utiles dans l’élaboration des analyses objectives, mais aussi subjectives. Puits et Haldes L’omniprésence d’un couvert minéral artificiel prend une grande importance dans l’analyse objective des paysages de la région. Malgré l’arrêt de l’exploitation minière, ces paysages humanisés sont témoins de l’histoire. Ils se caractérisent par d’immenses puits miniers à ciel ouvert, d’une part, et par d’énormes montagnes artificielles qui se dressent sur plus de 48 kilomètres le long de l’axe routier principal, le boulevard Frontenac. Les mines à ciel ouvert, sont remarquables de par leur ampleur, créant d’énormes ravins qui atteignent parfois un kilomètre de long et 300 mètres de profondeur. Ils se caractérisent aussi par une superposition de gradins mesurant en moyenne quinze mètres de hauteur. La plupart de ces mines à ciel ouvert comportent aussi des lacs, qui se forment par l’accumulation naturelle des précipitations au fond des puits. Ces lacs se démarquent par leur couleur turquoise, particulièrement éclatante dans la grisaille des mines. La couleur de cette eau est due à la présence de manganèse dans le sol des anciennes mines. De leur coté, les immenses haldes ou terrils, aussi surnommés « dumps » confèrent des vues particulières, qualifiant même le paysage de lunaire. Parfois grisâtres, mais aussi végétalisées, elles contribuent aux mémoires collectives toujours visibles et ainsi à forger le caractère identitaire et l’image de la région. Elles se caractérisent selon deux grands types, soit les haldes plates et les haldes coniques qui se différencient par les technologies employées pour stocker les résidus. 24 Fig. 14 | Vue de la mine BC II Malgré leur proximité des développements urbains, les sites miniers sont enclavés et ne sont pas accessibles à la population, depuis leur fermeture. C’est d’ailleurs plus du tiers de la ville qui est inaccessible. Les mines agissent comme une entité totalement indépendante de la ville. D’ailleurs, elles possèdent un réseau routier interne propre, ainsi qu’une alimentation en électricité indépendante du reste de la ville. En affirmant que les mines sont à la base du développement de la ville, il importe surtout de retravailler leur accessibilité. Tel que l’avance Charles Avocat (1984) les paysages culturels retouchés par l’homme sont riches en contenus culturel et social. Leur accessibilité permet de renforcer leur importance et de les incorporer à la ville, forgeant par le fait même le caractère identitaire auquel s’associent les mémoires collectives. L’importance du couvert minéral grisâtre se fait d’ailleurs sentir par les contrastes visuels qu’il procure entre les grandes collines grises et l’abondante végétation. La dynamique artificielle influence la perception des observateurs pour le milieu naturel composée d’une abondante végétation. Le contraste des textures, des couleurs, mais également des formes tend à mettre en valeur ces éléments particuliers du paysage. Le couvert minéral a modifié directement les paysages avec le temps. L’accentuation de la topographie engendrée par ses montagnes de résidus fait partie du paysage courant et sont les terrains de jeux de plusieurs Thetfordois. Cependant pour un visiteur, ces haldes sont 25 impressionnantes et sont du jamais vu. Il importe de les mettre en valeur et de redonner ce caractère impressionnant, afin d’offrir une expérience du site qui ravivera, pour les Thetfordois cette étincelle envers leurs paysages culturels. Architecture m inière Les sites miniers sont parsemés de plusieurs types de bâtiments qui complètent la séquence minière, de l’extraction de la fibre dans le sol, jusqu’à l’exportation du minerai. Les aires principales où sont regroupées ces bâtiments sont appelées les aires d’affinage et cumulent habituellement une dizaine de bâtiments à usages différents reliés entre eux par des convoyeurs. (Fig. 15) Fig. 15 | Exemple d’architecture minière; convoyeurs et entrepôts de la mine Normandie Une analyse rapide de la forme et de l’apparence des constructions qui forment les sites miniers en fait ressortir une architecture pragmatique, au sein de laquelle la forme des bâtiments dépend d’abord de leurs fonctions. Les constructions sont avant tout utilitaires et se caractérisent géométriques. par Aussi, une elles simplicité des s’identifient formes par leur traitement simple fait de matériaux durables, tel que le parement de ciment-amiante. (Fig. 15-16) Leur gabarit, leur forme et leur matérialité sont le résultat de gestes Fig. 16 | "Shaft" No. 2 Mine Bell 26 appliqués spontanément pour répondre aux besoins fonctionnels des mines. Les bâtiments, ne présentent aucun style architectural particulier, et ne se distinguent pas selon leur époque de construction, mais sont plutôt semblables selon leurs fonctions. Par exemple, les chevalements de puits (Fig. 16), surnommé « shaft », se distinguent par leur verticalité, faisant en moyenne plus d’une trentaine de mètres. Ces derniers avaient comme fonction de hisser des charges sur plusieurs centaines de mètres dans les galeries souterraines. Plusieurs de ces tours élancées sont encore présentes dans le paysage minier de la région. La localisation des bâtiments sur les sites apparait un peu disparate, mais s’explique selon le parcours d’affinage de l’amiante. Les convoyeurs relient les bâtiments entre eux et permettent de transporter le minerai d’un bâtiment à l’autre. Aussi, elles sont souvent déposées sur le sommet des haldes afin de permettre le transport des résidus. Malgré leur caractère sévère, les bâtiments miniers identifient la région. Il importe de conserver une harmonie autant dans leur ordonnancement que dans leur représentation, puisqu’il forge le cadre spatial des mémoires collectives. Synthèse L’analyse objective des paysages miniers de Thetford Mines se caractérise par une verticalité présente autant dans les modifications topographiques que dans les bâtiments miniers. Les contrastes visuels forts sont à la fois présents dans les textures, les couleurs et les formes du paysage. Les intentions pour le projet sont de relier les différents pôles importants qui mettent en valeur l’histoire minière et les données objectives caractéristiques de cette région, ainsi que de créer un repère au sein de la ville pour le rassemblement. 2.3.3 | Analyse subjective Cette seconde section énonce les données subjectives qui mènent une collectivité à reconnaitre et apprécier de tels paysages décrits objectivement à la section précédente. 27 L’analyse des éléments subjectifs du paysage et de la culture thetfordoise permet qu’un paysage réel devienne un paysage culturel perçu ancré aux mémoires collectives. À cet égard, Dewarrat (2003 : 47) mentionne que construire le paysage c’est élaborer et partager une représentation tout en « mettant en évidence les ressorts de l’intervention qui jette un nouvel éclairage sur les pratiques concrètes. » La perception négative qui affecte le minerai d’amiante et les mines se reflète sur l’identité de la région de Thetford. Cette perception diffère aussi grandement , puisqu’au sein de la ville ces paysages sont pour la plupart synonyme de prospérité et d’évolution de l’industrie. Tandis que de l’extérieur, ils sont plutot jugés quant aux mauvaises conditions de travail et de santé qui occuraient jusque dans les années 40. Le défi se veut d’analyser subjectivement les éléments importants qui ont marqué autant les paysages culturels que les mémoires collectives de cette économie minière, autrefois prospère. Cette analyse se fait d’abord en assimilant les différentes données qui mettent les gens au cœur de la démarche, afin de refléter le respect et la sensibilité du lieu et de ses usagers. Entrevues et témoignages Avec la fermeture des mines et les perceptions négatives qui agissent sur les paysages miniers de la région, le regard des habitants devient beaucoup plus aveugle envers ces paysages culturels qui font parti de leur quotidien depuis des décennies. Différentes entrevues m’ont permis de cerner le portrait des mines selon des personnes qui ont connu leurs réels essors. La ville ne serait sans doute pas ce qu’elle est sans l’industrie minière. Avec la fermeture des mines, un Thetfordois raconte que « même si le chevalement de la King est esthétiquement laid, il apporte un certain réconfort pour les mineurs qui y ont travaillé.» 4 L’état esthétique du chevalement laisse voir la désaffectation des mines, mais sans doute que sa requalification permettrait de renforcer ce sentiment d’appartenance qui se perd. 4 Selon M. Lapointe, un résidant rencontré sur le site 28 M . Luc Berthold, m aire de Thetford M ines Monsieur le maire, Luc Berthold, raconte que « plusieurs citoyens escaladent illégalement les dumps des mines, dans l’optique d’avoir une différente vision sur la ville. Il y a quelques années, des gens avaient même inscrits LIBERTÉ sur l’un des monticules de résidus de la mine BC 1. » (Fig.17) Selon lui, cette gravure marque la souveraineté, mais aussi le respect envers ces mines. Selon lui, il Fig. 17 | Haldes mine BC II, inscrit « Liberté » ne faut pas voir cette marque comme un geste de grabuge, mais plutôt comme une appropriation du paysage culturel. Les mines sont d’ailleurs, depuis les tous débuts, le terrain des jeunes, leur permettant des sensations fortes. Leur mise en valeur pour la contemplation ne permetterait que de légaliser et de rendre publique, ce que certain font illégalement. M . Gaby Verreault, ancien m ineur Aussi, le 23 février dernier, j’ai rencontré M. Gaby Verreault, ancien mineur des mines Bell et King. Cette entrevue a permis de comprendre le mode de vie des mineurs, leurs interactions avec le milieu, avec les patrons et entre eux. M. Verreault se souvient du temps où son père travaillait aux mines; « dans les années 45, il revenait de la mine Bell en bicycle, la chaudière à lunch accroché sur le dos, blanchi par la poussière d’amiante.»5 Pour lui, les conditions de travail entre la génération de son père et la sienne n’étaient nullement comparables. « Moi, j’ai connu le bon temps, aucune poussière et surtout des environnements de travail très propres » raconte-t-il. M.Verrreault voit, au sein d’un projet de réinterprétation des mines «un hommage aux travailleurs qui y ont laissé leur vie, leur santé ou encore des membres de leurs familles »5. 5 Rencontre M. Verreault, ancien mineur de la mine Bell, le 23 février 2013 29 Cette entrevue, d’une durée de deux heures trente m’a permis de comprendre l’importance des mines dans la vie des Thetfordois. Après la grève de 1975, « tous voulaient travailler aux mines ».5 L’industrie minière, avant son déclin était synonyme de prospérité, elle offrait des emplois stables, bien rémunérés et de bons avantages sociaux. Les habitants, même ceux qui n’y travaillent pas s’identifiaient aux mines, qui alors offraient une image positive. Dans le cadre d’un projet de mise en valeur du paysage et du patrimoine minier, mes intentions se veulent dans cette optique respectueuse de l’environnement, mais également des anciens mineurs et des habitants actuels Analyse d’œuvres caractéristiques À travers une analyse subjective, il importe de comprendre la façon dont la population appréhende son milieu de vie, à travers différents médias. Une analyse de différentes œuvres permet de révéler certains attributs significatifs, partie intégrante des faits et mythes, qui rendent d’ailleurs beaucoup plus cohérent le discours d’une société. Celle-ci permet également d’identifier les éléments dominants du caractère identitaire à mettre en valeur dans le cadre d’un projet de mise en valeur au caractère identitaire. La rue Smith , par Jacques Fugère Natif de Thetford Mines, Jacques Fugère travaille d’abord à titre de photographe, puis de peintre. Reconnu pour transmettre la beauté des choses simples, il peint en 1977 cette toile (Fig. 18) représentant la légendaire rue Smith, image ambassadrice de la ville. On y voit le clocher de l’église Saint-Alphonse, qui rivalise avec les « shafts » des mines King et Bell. Ces trois éléments d’une hauteur similaire sont également des repères, qui caractérisent l’identité de la ville. Cet oeuvre symbolise, pour la ville et ses habitants, la proximité qui a toujours existé entre les exploitations minières et la trame urbaine. Fig. 18 | La rue Smith,, œuvre de Jacques Fugère 30 Le « Big Ben » de ma ville , par François Faucher Réalisée dans le cadre du « Happening de L’ART BLANC » qui s’est déroulé au centre-ville de Thetford Mines en juin 2004, cette toile du vibrationisme François Faucher porte bien son nom. En effet, il fait référence au chevalement de la mine, comme au Big Ben qui orne le paysage culturel de la ville de Londres. Par cette œuvre, il exprime, dans sa ville, l’élément identitaire qui pour lui représente sa ville mondialement. Fig. 19 | Le « Big Ben » de ma ville, œuvre de François Faucher Aussi, à l’intérieur du Musée minéralogique et minier de Thetford Mines, se retrouvent plusieurs œuvres qui proposent des éléments importants de la culture locale. L’une d’entre elles a particulièrement marqué mon passage. Il s’agit d’une sculpture sur bois réalisée par Jacques Lisée qui représente le rituel de franchissement des mineurs vers la mine souterraine. En effet, ils y sont représentés avec leurs boites à lunch, accédant au puits minier. Cette transition entre la ville et la mine a profondément marqué l’histoire minière de la région. D’ailleurs aux moments des grèves, M. Verreault me racontait que les mineurs se retrouvaient près de l’entrée, qu’ils surnommaient « la gate » pour confronter leur patronat. Les limites physiques qui aujourd’hui sont très marquées par l’enclavement des sites étaient autrefois des espaces de transition importants pour les mineurs. Synthèse Cette approche subjective est marquée par diverses rencontres, observations et analyses des éléments symboliques du paysage minier. En plus de lectures et de recherches objectives, la rencontre avec certains habitants et anciens mineurs permet une lecture subjective des paysages culturels. Elle en fait ressortir certains traits significatifs identitaires dominants qui permettent l’élaboration d’un projet de mémoires collectives au sein des paysages culturels. Par exemple, « la gate » et le chevalement de la mine King 31 qui agit comme un repère élancé, à proximité du centre-ville. De plus, la réinterprétation d’un cadre spatial existant effectue un rappel important pour les anciens mineurs, mais aussi pour les habitants et les visiteurs. 2.4 | Synthèse des analyses L’interprétation du territoire pour en ressortir ses dimensions objectives (matérielles) et subjectives (immatérielles) résulte d’une approche identitaire ancrée à l’esprit du lieu. L’exploitation industrielle donne une valeur symbolique et culturelle à l’ensemble du paysage thetfordois. La rencontre avec le maire et le directeur du musée a permis de cerner les besoins et les intentions de Thetford Mines afin d’aplatir les frontières qui existent présentement entre les différentes mines et la ville. Il importe de miser sur des rapports sociaux et spatiaux au quotidien qui forgeront les comportements, pratiques et représentations identitaires de la société à court, mais aussi à long terme. (DI MEO, 2005) Le territoire peut d’ailleurs être reconnu comme « une forme spatiale de la société qui permet de réduire les distances à l'intérieur et d'établir une distance infinie avec l'extérieur, par-delà les frontières. » (RETAILLÉ, 1997 : 119) D’abord l’analyse objective fait ressortir le caractère matériel ou tangible et s’illustre par l’environnement physique. L’analyse de cet environnement s’est davantage faite par des visites in situ et l’analyse de cartes historiques des sites. Elle implique davantage une analyse imagée, mais également la morphogénèse de l’évolution de la ville et de ses paysages. En deuxième lieu, une analyse subjective a permis, par la lecture d’ouvrages sur l’histoire, des entrevues avec différents intervenants, tels que le maire, et le directeur du musée et d’anciens mineurs de soulever des faits importants de l’histoire minière. 32 33 PROJET 3 | PARC URBAIN MINIER Le projet propose une réponse à la fois urbaine et architecturale quant à l’influence des paysages culturels sur la perception du lieu, dans la création d’espaces porteurs d’identité collective. Il fournit, par l’architecture un message porteur de mémoire en analysant les bâtiments et les paysages existants dans le but de favoriser la perception du lieu et le caractère identitaire. Le cadre théorique étudié en première partie démontre l’importance de mettre en relation les mémoires collectives et le caractère identitaire afin de forger le sentiment d’appartenance d’une communauté. Aussi, le présent essai illustre l’impact qu’ont les paysages culturels dans un contexte de mémoires collectives. La communauté construit ses paysages culturels aux fils du temps, mais les paysages culturels construisent l’histoire de cette communauté. En effet, ceux-ci s’expriment alors que le peuple et son environnement sont mis en relation. L’analyse en deux temps du cadre matériel et immatériel permet de faire ressortir les objets importants à mettre en valeur, guidant ainsi la conception d’un projet sensible caractérisé par l’esprit du lieu, qui deviendra une œuvre significative pour les citoyens. Le projet est alors conditionné par les rapports sociaux qui ont eu occurrence et par le fait même reflète le caractère identitaire. Il importe donc de mettre en valeur et d’inspirer l’observateur afin d’activer les mémoires collectives et de redonner une symbolique collective aux paysages culturels uniques de Thetford Mines. 34 3.1 | Mission, enjeux et objectifs de design La mission du projet est de concevoir un parcours et un centre historique qui agiront comme des lieux de rassemblement et de découverte pour la communauté de Thetford Mines. Ces espaces fournissent, par divers parcours, esplanades, espaces de recueillement ou de mise en valeur, un lien particulier avec l’histoire collective qui a mené la ville durant plus d’un siècle. Il est également intéressant de voir l’importance du cadre spatial, soit des paysages humanisés qui définissent la région ainsi que de l’architecture minière des sites d’affinage de l’amiante. Les espaces prévus visent la réponse aux enjeux importants, soit les notions d’identité, de mémoires collectives et de lisibilité. Dans un premier temps, le projet est, par son cadre spatial et ses ambiances, le reflet identitaire des Thetfordois. L’objectif est de raviver le caractère identitaire et l’esprit du lieu en offrant des espaces de socialisation de qualité favorisant les échanges. Aussi, ces espaces misent sur la diffusion et la multiplication des mémoires collectives. Finalement, le projet 6 permet une meilleure lecture des paysages humanisés. Bref, par une approche contemporaine, il fournira des lieux d’échanges catalyseur de l’histoire minière et sociale à Thetford Mines. 3.2 | Parcours urbain D’abord, à l’échelle urbaine, plusieurs endroits ont été ciblés afin de nourrir les mémoires collectives et la lisibilité des paysages pour favoriser l’identité. Le projet propose un parcours (Fig. 20) (représenté en orangé) d’environ cinq kilomètres, qui complète le réseau cyclable existant (représenté en vert) tout 6 Voir Annexe 5 | Planches critique finale du projet, présentées le 19 avril 2013 35 Fig. 20 | Parcours urbain proposé en réutilisant les routes internes des sites miniers. Ce dernier est accessible en toute saison via des moyens actifs tels que la marche, le vélo, la raquette ou même le ski de fond. Il prévoit la compréhension et la mise en valeur des processus d’humanisation du territoire qui ont laissé des traces permanentes sur les paysages culturels. Différentes stations d’arrêts sont prévues afin de permettre la découverte et la contemplation des sites existants marqués par l’histoire. Cet important parcours prévoit différentes stations qui se structurent selon une articulation d’éléments faits d’acier corten qui utilisent le pli, faisant référence aux modifications humaines engendrées au territoire. L’utilisation de l’acier corten conserve le caractère industriel, métallique et rouillé, tout en ajoutant une touche contemporaine sculpturale simple qui permet de faire revivre la pesanteur de l’histoire et des mémoires collectives, à différents points d’arrêts définis Le parcours démarre le long du boulevard Frontenac, situé au nord. Ce point de départ a été choisi pour son importante visibilité, à l’entrée de la ville. Plusieurs centres d’intérêts importants se trouvent à proximité, tels que le Musée minéralogique et minier de Thetford Mines, le Cégep de Thetford et les Galeries Appalaches, centre commercial et de divertissements. Du noyau urbain, le parcours migre vers la forêt, pour s’arrêter d’abord à une station aménagée au cœur de l’ancien quartier St-Maurice. Celle-ci offre un belvédère ancré aux parois d’une halde, permettant un point de vue sur les fondations existantes, les rues et les trottoirs encore présents sur une grande partie du site. Aussi, différents éléments tels que de simples bancs en acier corten permettent d’exposer l’histoire et les bâtiments démolis ou déménagés. Les maisons déménagées au courant des années 70 ont laissé un vide apparent. La promenade sur le site et en hauteur permet de ressentir le poids historique, en plus de lier étroitement la ville et la mine. Ensuite, une descente au puits de la mine Beaver, permet d’explorer une nouvelle échelle du paysage. La proximité avec l’eau turquoise, explicable par la présence de manganèse 36 dans le sol donne une dimension particulière à cette station. Aussi, le parcours longe les installations de la mine Beaver qui sont toujours présentes, afin d’offrir aux visiteurs la chance de voir les installations existantes d’un site d’affinage. Puis, le parcours contourne le puits de la mine Beaver pour rejoindre une troisième station qui se trouve en lien direct avec l’ancienne rue Johnson. De plus, cette station fait le lien avec le quartier Mitchell qui regroupait autrefois les maisons des hauts dirigeants anglophones des mines à proximité. Par la suite, le parcours se rétrécit pour passer à l’intérieur d’une station de forme plus linéaire qui juxtapose symboliquement le tracé de l’ancienne rue Notre-Dame qui reliait autrefois la ville et le quartier Mitchell. Juste avant de rejoindre le centre historique minier, point focal du projet proposé, le parcours rejoint les installations de la mine Bell. À ce stade, je propose de réutiliser les bâtiments de cette mine désaffectée, en créant un nouveau pôle en lien direct avec le centre-ville. Ces espaces libres pourraient être utilisés par le Cégep, les centres de recherche de LAB Chrysotile ou encore des espaces de réunions pour les anciens syndicats miniers. Ces espaces de bureaux permettraient de réutiliser les locaux abandonnés et du même coup de raviver le centre-ville. Aussi, l’intégration d’un parc pourrait, le soir venu, être la mise en scène de projections nocturnes sonorisées qui animeraient le site, et le feraient revivre au temps des mines. Finalement, le centre historique minier devient le point focal du parc urbain. Il propose la requalification de bâtiments industriels miniers existants, dont le chevalement de la mine King. Les aménagements du site prévoient différentes mises en contextes et expositions qui présentent l’ambiance et le style de vie des mineurs relatifs aux moments forts de l’exploitation minière dans la région. Ce parcours offre des espaces diversifiés pour faire revivre le site et en permettre une meilleure lecture. Il émerge des paysages culturels et, en symbiose avec la nature et l’histoire de son peuple, crée un filon important à travers la ville. Les installations diverses l’animent et donnent une signification profonde au parcours. 37 3.3 | Site Le centre historique minier fusionnera au parcours des paysages culturels, et en deviendra son prolongement, plutôt qu’un objet qui le ponctue. Le choix du site va de soi avec le projet, qui nécessite l’utilisation d’un cadre spatial auquel les gens s’identifient, afin d’être fidèle au caractère identitaire. Situé à proximité du centre-ville ce site, facile d’accès, est composé de bâtiments repères existants et est donc parfait pour promouvoir les mémoires collectives. La mine King fut l’une des premières mines à débuter ses activités. Elle entre en opération en 1878, à proximité du centre-ville existant, par la compagnie minière King Brothers. Elle exploite d’abord une mine à ciel ouvert puis, vers 1928, voit déjà la nécessité d’exploiter des galeries souterraines sous une partie de la ville. Pour ce faire, elle construit en 1938 le chevalement, que l’on retrouve aujourd’hui sur le site, afin d’exploiter le sous-sol jusqu’à 450 mètres. En opération jusqu’en 1974, cette mine ferme due à l’incendie du moulin le 8 décembre. Ce dernier ne sera jamais reconstruit et la mine sera forcée de mettre à pied les 800 mineurs qu’elle employait dû à des pertes se chiffrant à plus de 40 millions de dollars. Ce site au caractère imposant (Fig. 21) dans les années 60 comprenait plusieurs bâtiments, dont plusieurs ont été démolis au courant des années 80, suite à sa fermeture. Fig. 21 | Mine King (1960) Bâtim ents existants Aujourd’hui, il ne reste que trois bâtiments (Fig. 22), soit la pièce maitresse, le chevalement ainsi que deux bâtiments de services recouverts d’un parement de brique rouge. Aussi, sur le site on retrouve la fondation de l’ancien concasseur, démoli au courant des années 90. 38 Fig. 22 | Site actuel Mine King D’abord, le chevalement, construit en 1938, d’une hauteur de plus de quarante mètres agit comme un repère marquant dans la ville, étant le plus haut des « shafts » construit à Thetford Mines. Lors de l’exploitation minière, il était utilisé pour descendre les mineurs dans les galeries souterraines, allant parfois jusqu’à 450 mètres de profondeur. Constitué d’une imposante structure d’acier, il est recouvert de panneaux en amiante-ciment et couronne le puits de la mine souterraine. La structure, toujours en excellente condition, soutient quelques planchers disposés afin de permettre l’entretien de cet édifice de grande hauteur. Au deux tiers de la hauteur, deux énormes poulies de plus de six pieds de diamètre servaient à remonter le minerai d’amiante vers la surface afin de le traiter dans les bâtiments voisins. Finalement, le sommet de cet édifice offre une vue sur l’ensemble des paysages culturels. Afin d’actionner ces poulies, le bâtiment des treuils, situé derrière, abrite d’énormes treuils et le poste du commandant. Finalement, le bâtiment des forges situé d’un côté du chevalement abrite toujours le four du forgeron, qui travaillait les objets d’acier. Ces bâtiments abandonnés semblent en mauvais état dû au traitement extérieur qui c’est grandement détérioré avec les années. Les carreaux de fenêtres ont été cassés, les panneaux de amiante-ciment sont abimés. Cependant, leur structure demeure en très bon état et peut sans doute servir pour l’élaboration d’un projet de requalification. 39 Les intentions à l’échelle du site, se veulent d’une part d’activer les mémoires à travers la requalification des bâtiments, et d’autres parts de redonner des espaces de qualité aux gens. Le gabarit, la forme, la localisation, ainsi que la matérialité d’un bâtiment affecte l’influence qu’il a sur le paysage culturel. L’architecture doit en quelque sorte germer, du site, dialoguant ainsi judicieusement avec la nature, afin de permettre une relation continue. (BETSKY, 2002) Les intentions pour le centre historique minier sont d’en faire un espace catalyseur intergénérationnel, qui regroupera différentes activités en lien avec l’histoire, un espace de vie en soi, où il fait bon se remémorer, découvrir ou tout simplement s’arrêter. L’objectif est de favoriser les contacts et les discussions, afin de raviver les bons et les moins bons coups de l’histoire de Thetford Mines. 3.4 | Projet d’architecture – centre historique minier Le parc urbain minier s’inspire du site pour faire vivre l’histoire de l’exploitation minière et faire la promotion des produits locaux ce qui favorise la perception du lieu et renforce les mémoires collectives. Le projet du centre historique minier se veut à la fois le prolongement du parcours, qui devient une intervention urbaine dynamique, accueillant les visiteurs. Il offre un tout harmonieux qui favorise les échanges et fait revivre le site, en proposant des espaces d’interprétation dans un contexte contemporain mettant en valeur l’histoire. Fig. 23 | Perspective globale du site proposé 40 Espaces extérieurs Plusieurs environnements extérieurs dédiés à l’histoire et aux mémoires collectives sont prévus afin d’animer l’espace. D’abord, « la gate » (Fig. 24) marque l’ancienne entrée au site qui était alors délimité par une imposante clôture grillagée. Cette limite imposait une dualité entre la ville et le site. L’élément de corten prévu s’étend sur une partie du site tout en ouvrant un portail duquel peut être réinterprété cette limite. De plus, cet élément se prolonge vers la promenade brumeuse, afin de rappeler les conditions poussiéreuses des sites miniers et l’influence que ces dernières Fig. 24 | Portail proposé pour commémorer la « gate » avaient sur la ville. Un peu plus loin, d’imposants murs obliques en acier corten représentent les haldes en expliquant leurs formations et en distinguant les différents types. Les modifications aux lieux viennent rappeler, pour plusieurs les haldes qui devenaient les terrains de multiples découvertes dans leur jeunesse. Aussi s’intègre à ces éléments inclinés, une promenade historique (Fig. 25) sur les transports qui mènent vers d’imposants camions réels qui sauront impressionnés les jeunes et même les moins jeunes. Au centre du site est prévu un espace en mémoire des mineurs décédés accidentellement dans les mines. Cet espace inclut une étendue d’eau de couleur turquoise qui s’apparente à celle des puits de mine. Comme pour le parcours urbain, les éléments significatifs du site sont marqués par un traitement en acier corten plié, qui met en évidence les mémoires collectives. Fig. 25 | Esplanade Historique 41 Accueil Le bâtiment d’accueil se situe sur une partie des fondations existantes de l’ancien concasseur. Située au centre, elle s’ouvre sur le site et permet un fort dialogue avec le restant de celui-ci. Le bâtiment se compose d’un plan anguleux horizontal en acier corten, déposé sur les anciennes fondations tout en laissant un vide matériel entre les deux plans horizontaux. Il abrite d’ailleurs la salle des pendus qui fait référence au vestiaire des travailleurs souterrains qui pendaient leurs habits détrempés pour le séchage. Aussi, un escalier mène au sous-sol vers une réinterprétation des galeries souterraines dans le temps, pour ensuite migrer vers le chevalement. Chevalem ent Au sein de la ville, le chevalement agit comme un symbole important. D’une hauteur de plus de quarante mètres, il constitue un élément attrayant au caractère particulier, un monument en soi. Le projet propose d’utiliser la structure existante, qui s’avère en bonne condition, pour y intégrer différents niveaux reliés entre eux pour former un parcours. Ce dernier vise la compréhension des éléments disparus qui ont laissé des traces dans le paysage. Fig. 26 | Chevalement en soirée 42 D’abord, les deux premiers niveaux racontent l’histoire de la ville et de son industrie minière depuis la découverte de l’amiante. Des vues sont percées sur le bâtiment des forges afin d’en dévoiler les cheminées et le caractère minier représentatif. Puis, le visiteur est amené à découvrir le caractère minier particulier à la région par de nombreuses images, mais aussi par des vues qui s’ouvrent vers les installations des mines Bell et Beaver ainsi que sur les impressionnantes haldes des mines BC I et II. Par ailleurs, le niveau suivant est consacré aux habitants, afin de rappeler l’influence de la dominance minière. Au cinquième niveau est présenté le chevalement en soi, en lien avec le bâtiment des treuils et les énormes poulies. Finalement, au sommet se trouve un observatoire panoramique qui présente la ville globalement telle qu’elle l’est aujourd’hui. Le traitement de ce monument contraste entre l’ancien et l’époque actuelle, tout en conservant le caractère minier industriel. Le revêtement en deux épaisseurs conserve la simplicité extérieure pour permettre la découverte de la beauté intérieure d’une structure complexe principalement basée sur la fonction. Le parement extérieur est composé d’une première peau en panneaux de fibrociment, superposé d’un grillage d’acier déployé rappelant la clôture « frost » qui borde la majorité des sites miniers. Différents percements en acier corten cadrent des vues qui permettent d’exprimer l’histoire en lien avec le paysage actuel au fil du parcours proposé. Aussi, des percements dans le parement opaque dynamisent la balade et permettent d’entrevoir de l’extérieur l’imposante structure. Finalement, le sommet devient un signal encore plus fort qui s’illumine le soir venu tel un phare le long d’un cours d’eau. Le chevalement permet ainsi de faire vivre plusieurs émotions à travers un parcours vertical entremêlé d’histoire et d’objets miniers. Il constitue le repère de ce site, du parcours et de la ville. Par son cadre spatial, il met en valeur le caractère social et ainsi favorise la perception du lieu. En lien direct avec le chevalement, le bâtiment des treuils offre les explications mécaniques des énormes treuils encore présents. Situé à proximité, le café des forges 43 permet l’exposition temporaire d’œuvres d’art régionales et offre des espaces de détentes sur un étage et demi. Le contexte de ce café veut montrer la structure, tout en minimisant les finis afin de permettre la contemplation et de mettre en valeur les œuvres. 3.5 | Synthèse Le parcours ainsi que le centre historique favorisent la découverte et la compréhension des paysages culturels. Le parcours s’étend sur la ville et le centre historique devient son repère principal. Au final, ces deux éléments s’unissent et forment le parc urbain miner, pour en faire le reflet identitaire de Thetford Mines. Par l’interprétation et la mise en valeur, le parc urbain minier assume le paysage et l’histoire minière pour en révéler le caractère identitaire unique. Il importe de miser sur des paysages culturels aussi impressionnants afin qu’ils soient préservés et appréciés au quotidien par tous. 44 45 CONCLUSION La rédaction de cet essai (projet) et le projet qui l’accompagne suscitent une réflexion sur l’importance d’un projet identitaire à Thetford Mines. Un tel projet apporterait de grands atouts pour l’identité d’une ville marquée par une histoire aussi importante. Par son approche, ce travail de recherche-création fait des paysages culturels l’élément central qui structure l’aménagement du parcours urbain et du centre historique miner. L’analyse des éléments tangibles et intangibles des paysages culturels éclaircit les interventions pour porter secours au caractère identitaire de la ville. Il met de l’avant une stratégie qui vise à renforcer la perception du lieu et par le fait même son caractère identitaire. Le projet se veut une réponse à la fois urbaine et architecturale qui s’intéresse à l’expression de l’identité culturelle pour révéler, à travers des mémoires collectives, le caractère identitaire des paysages culturels de Thetford Mines. La création d’un parc urbain minier relie différents pôles importants de l’histoire, qui ont été mis de côté afin d’y créer des lieux d’échanges entre le passé et le présent. Lors de la critique, le projet a été apprécié pour la multitude de pistes d’intervention proposées. L’ensemble des membres du jury aurait apprécié un travail tectonique plus poussé, afin de renforcer les convictions du projet. Le caractère des espaces extérieurs proposés ainsi que de l’objet principal, soit le chevalement semble avoir plu au jury. Cependant, le bâtiment d’accueil aurait eu avantage à être plus travaillé et peaufiné. 46 Finalement le choix de la matérialisation des éléments significatifs en acier corten donne un caractère sensible et monumental aux objets, qui fut apprécié, mais aurait eu avantage à être plus justifié. Bref le résultat de cet essai (projet) suggère plusieurs pistes intéressantes à mettre de l’avant dans l’élaboration d’un projet fondé sur les mémoires collectives. Personnellement j’aurais aimé pouvoir travailler davantage l’unification des éléments afin d’offrir un parc urbain miner exemplaire. Dans l’ensemble, je suis fière d’avoir mené à terme un projet aussi complexe qui met en valeur cette belle région qui me passionne. J’espère qu’il pourra démontrer aux Thetfordois et autres, l’importance cruciale d’un projet identitaire afin de recréer ce lien culturel qui tend à se perdre entre la ville et ses mines. 47 BIBLIOGRAPHIE • AVOCAT, Charles (1984) Lire le paysage, lire les paysages : Actes du Colloque des 24 et 25 nov. 1983, Université de Saint-Étienne, CIEREC • BERDET, Marc (2005) Benjamin sociographe de la mémoire collective ? Temporalités [En ligne], No. 3 _ URL : http://temporalites.revues.org/410 , Consulté le 10 décembre 2012 • BERQUE, Augustin (1994) Cinq propositions pour une théorie du paysage, Seyssel, Éditions Champ Vallon. • BETSKY, Aaron (2002) Lignes d’horizon, l’architecture et son site, Paris : Éditions Thames and Hudson • CINQ-MARS, François (2005) Villes Minées : les grandes mouvances des villes minières. Thetford Mines • DEWARRAT, Jean-Pierre et al. (2003) Paysages ordinaires, de la protection au projet. Sprimont : Pierre Mardaga • DI MÉO, Guy (2005) L’espace social : une lecture géographie des sociétés. Paris : Colin • DUBÉ, Romain (1994) Thetford Mines à ciel ouvert : Histoire d’une ville minière. Ville de Thetford Mines • HALBWACHS, Maurice (1950) La Mémoire Collective. Paris : Presses Universitaires de France • HAYDEN, Dolores (1995) The Power of Place : Urban Landscape as public history. Cambridge, Ma. : MIT Press. • Le nouveau Petit Robert de la langue française (2007). Paris • NOPPEN, Luc et al. (1995) Architecture, forme urbaine et identité collective. Sillery : Éditions du Septentrion 48 • NORBERG-SCHULZ, Christian (1997) L’art du lieu : architecture et paysage, permanence et mutation. Paris : Le Moniteur • NUSSAUME, Yann (2009) Tadao Ando. Paris : Hazan, • RETAILLÉ, Denis (1997) Le monde du géographe. Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques Ouvrages consultés : • RIVARD, Erick (2008) Approfondir l’analyse objective du territoire par une lecture subjective du paysage : le cas de la Côte-de-Beaupré, Mémoire de maitrise en architecture. Québec : Université Laval • BÉLANGER, Anouk (2002) « Urban space and collective memory; analysing the various dimensions of the production of memory », Canadian Journal of Urban Research, 11 (1) : 69-92. • DONADIEU, Pierre et al. (2005) Clés pour le paysage. Paris : Ophrys • NOPPEN, Luc et Lucie K. Morisset (1995) « Édifier une mémoire de lieux en recyclant l'histoire. Usages et fonctions du passé dans l'architecture actuelle », La mémoire dans la culture, Presses de l’Université Laval : 203-233. • Office du Tourisme de la MRC des Appalaches (2009) Thetford Mines d’hier à aujourd’hui. Édition : Office du Tourisme de la MRC des Appalaches • STEWART, William P. et al. (2004) « Community identities as visions for landscape », Landscape and Urban Planning, 69 (2-3) : 315-334. Sources Photos • SAHRA – Société archives historiques région http://www.sahra.qc.ca, Consulté le 10 avril 2013 amiante [En ligne] URL : • Google Maps - [En ligne] URL : http://maps.google.fr , Consulté le 22 mars 2013 • Ville de Thetford Mines – [En ligne] URL : http://www.ville.thetfordmines.qc.ca, Consulté 19 février 2013 49 ANNEXES 50 Annexe 1 | CARTE DE CONCEPTS 51 Annexe 2 | MORPHOGENÈSE . Avant 1876: activités dominantes sont l’agriculture et l’exploitation forestière . 1876: Découverte de l’amiante . 1877: 3 mines en action (Johnson / Bell / King) . 1892: activités dominantes mines; forte expansion . Développement de Kingsville . Équipements publics et infrastructures municipales . 1912: Village minier planifié et chemin de fer . 1930: plusieurs fusions minières . Expansion de la ville selon le développement minier . 1949: Création de la mine LAQ après 4ans de . pompage du lac noir . La ville nuit à l’expansion des mines . Sommet de l’exploitation minière . Thetford Mines = 24 000 habitants . 1 habitant sur 5 = mineur . 1970: Relocalisation du noyau central de la ville: . Quartier St-Maurice déplacé en 1973 . Début étalement urbain: nouveaux quartiers d’habitation . 1977: Nationalisation de l’amiante . 1980: Déclin de l’exploitation minière . 1980 à 2002 : décroissance de la population . 2011: fermeture de la mine LAQ, dernière mine en action Fig. 27 | Morphogenèse 52 Annexe 3 | THETFORD MINES _ Mines d’amiante 1 8 9 6 4 2 5 7 3 Fig. 28 | Thetford Mines et les envions 1. Mine Normandie 2. Mine Lac d’amiante du Québec (LAQ) 3. Mine BC-1 4. Mine BC-2 5. Mine Beaver 6. Mine Bell 7. Mines King & Johnson 8. Mine Flinkote 9. Mine National 53 Annexe 4 | HALDES PLATES / CONIQUES Haldes plates Les haldes plates sont les plus anciennes, leur forme est due au moyen de transport des résidus par locomotives et par camions. Ces résidus étaient déchargés sur les terrains à proximité des mines et ensuite aplanis aux moyens mécaniques par souci d’économie d’espace. Vers les années 80, ces haldes ont été végétalisées, particulièrement dans les zones urbaines, au moyen de boues d’épuration et d’ensemencement. (Fig. 29) Haldes coniques De leur côté, les haldes coniques, sont aussi des montagnes humanisées, mais qui apparaissent sans doute plus artificielles que le premier type. Elles forment des collines à forte pente (environ 40o) et peuvent atteindre jusqu’à 100 mètres de hauteur. Créant ainsi d’importantes modifications dans la topographie naturelle du terrain. Elles sont plus récentes et ont été créées après la Deuxième Guerre mondiale, alors que l’équipement des mines se modernisait grandement. Les technologies minières ont amené l’homme à utiliser des convoyeurs afin de transporter les résidus ce qui créa des haldes coniques. (Fig. 30) 54 Annexe 5 | PLANCHES CRITIQUE FINALE (19 AVRIL 2013) 55 56 57