Parc de la Gatineau Rapport sur l’état des écosystèmes Rapport sur l’état des écosystèmes du parc de la Gatineau i Rapport sur l’état des écosystèmes ii Parc de la Gatineau Parc de la Gatineau Rapport sur l’état des écosystèmes Contexte Description du parc de la Gatineau Le parc de la Gatineau, parc de conservation de la capitale, est bien aimé par les quelque 700 000 personnes qui y font plus de 2,7 millions de visites chaque année (données internes de la CCN). La population locale, les amateurs d’activités de loisirs et les touristes fréquentent le parc intensivement toute l’année pour profiter de ses plages, de ses promenades, de ses sentiers de randonnée, de vélo, de ski et de raquette, ainsi que de ses attraits culturels, comme le domaine Mackenzie-King. Le parc possède des écosystèmes et des éléments patrimoniaux uniques et diversifiés. D’une superficie de 36 131 hectares (361 kilomètres carrés), il se trouve au point de rencontre du Bouclier canadien et des Basses-terres du Saint-Laurent de même qu’au confluent de la rivière des Outaouais et de la rivière Gatineau. Les écosystèmes variés du parc de la Gatineau possèdent une riche biodiversité. Ils procurent un habitat à plus de 5 000 espèces, dont des espèces rares qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans la région et 156 espèces en péril inscrites sur les listes fédérale et provinciale (2015, données internes de la CCN). Le parc renferme trois grandes zones physiographiques : • les collines de la Gatineau, avec leurs forêts caractéristiques d’érables, de hêtres et de chênes; • l’escarpement d’Eardley, dont le microclimat chaud et sec abrite des espèces rares qu’on trouve normalement dans des climats plus méridionaux; • le plateau d’Eardley, dont le climat plus frais et humide est propice à ses forêts boréales mixtes, à ses terres humides, à ses marais et à ses tourbières. En outre, le parc de la Gatineau compte de nombreux éléments aquatiques, soit une cinquantaine de lacs et des centaines d’étangs créés par la grande activité des castors. Dans le Plan directeur du parc de la Gatineau (Commission de la capitale nationale, 2005), on confirme que le parc a pour principale vocation la conservation, tout en procurant des expériences récréatives respectant l’environnement et encourageant la découverte de son patrimoine naturel et culturel. 1 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Écosystèmes et habitats naturels valorisés La totalité du parc de la Gatineau est gérée à des fins de conservation, conformément aux objectifs de niveau II fixés par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) pour les zones protégées, ce qui est en accord avec les normes établies pour les parcs nationaux canadiens. Toutefois, certaines zones du parc ont une plus grande valeur du point de vue de la conservation. Ces zones ont été désignées écosystèmes et habitats naturels valorisés pour les raisons qui suivent. • Elles abritent des zones réglementées ou protégées par la loi, comme des habitats du poisson et des héronnières. • Elles comptent des habitats riches et sensibles, comme des terres humides et des forêts anciennes. • Elles renferment des éléments naturels rares, comme des tourbières. • Elles sont particulièrement riches du point de vue de la biodiversité. • Elles abritent une forte concentration d’espèces en péril. • Elles sont représentatives des types d’écosystèmes et d’habitats de la région. • Elles comportent d’importantes caractéristiques géologiques. En 2007, on a recensé cinq écosystèmes naturels valorisés et deux habitats naturels valorisés dans le parc de la Gatineau (Del Degan, Massé, 2007). Les limites de ces importantes zones naturelles ont été légèrement révisées en 2012, étant donné la disponibilité de renseignements plus détaillés sur l’emplacement des principaux éléments naturels. La figure qui suit montre l’emplacement de ces habitats et de ces écosystèmes. 2 Parc de la Gatineau Rapport sur l’état des écosystèmes 3 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Escarpement d’Eardley (écosystème) L’escarpement d’Eardley est l’écosystème le plus riche en espèces et le plus fragile du parc de la Gatineau. Ses falaises rocheuses qui sont orientées sud-sud-ouest créent un microclimat exceptionnellement chaud et sec qui attire de nombreuses espèces méridionales qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans la région. On y trouve des forêts rares, comme des peuplements de chênes blancs et de chênes rouges ainsi que des peuplements de chênes rouges et de genévriers de Virginie, ces derniers étant plus abondants sur l’escarpement que partout ailleurs au Québec. L’hiver, l’environnement abrité de l’escarpement attire la majorité des cerfs de Virginie du parc, tandis que, l’été, les falaises procurent de précieux habitats de nidification au faucon pèlerin, qui est sensible aux perturbations et qui y est récemment revenu. Environ 65 espèces en péril ont été observées dans cet écosystème. Pour certaines d’entre elles, on a décelé des habitats essentiels protégés par la loi. Voici quelques exemples de ces espèces : la paruline à ailes dorées, la paruline azurée, la rainette faux-grillon de l’ouest, la woodsie à lobes arrondis, le cypripède tête de-bélier et le noyer cendré. ÉLÉMENTS D’INTÉRÊT • Écosystème particulier (le plus riche et le plus fragile) • Plantes en péril (plus de 100) • Habitat essentiel de la woodsie à lobes arrondis et de la paruline hochequeue (en partie) • Habitat du faucon pèlerin (parois de nidification) • Habitat potentiel du monarque et d’autres espèces en péril • Deux chênaies d’importance • Étang de reproduction de la rainette fauxgrillon de l’ouest (zone de protection) • Aire d’hivernage du cerf de Virginie • Ensemble de milieux aquatiques, riverains et humides • Oiseau en péril (en vol) • Connexions écologiques (3 internes + 2 externes) 4 STRESS / Impacts et menaces (Del Degan, Massé, 2013) • • • • • Chemins et sentiers (officiels et non officiels) Sites d’escalade Espèces exotiques envahissantes Activités de castors Aires de piquenique, stationnements, belvédères Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Plateau d’Eardley (écosystème) Le plateau d’Eardley se trouve entre les écosystèmes naturels valorisés de la chaîne des trois lacs et de l’escarpement d’Eardley. Sa géographie se prête à une série de plans d’eau, de marécages et de terres humides bordés par des zones boisées et reliés par des cours d’eau. Les forêts de feuillus mixtes de cet écosystème accueillent de jeunes peuplements d’érables ainsi qu’un peuplement de chênes rouges et de chênes blancs, ce qui est rare au Québec. L’écosystème englobe un habitat protégé pour le grand héron et le cerf de Virginie. Jusqu’à 61 espèces en péril qui figurent sur les listes fédérale et provinciale vivent ici, y compris la tortue mouchetée, la tortue serpentine, la rainette faux-grillon de l’ouest et la paruline hochequeue. Cette partie du parc de la Gatineau est très utilisée à des fins de loisirs. On y trouve notamment l’historique domaine Mackenzie-King, des promenades, de nombreux sentiers récréatifs et plusieurs abris pour les skieurs. ÉLÉMENTS D’INTÉRÊT • Ensemble de milieux aquatiques, riverains et humides • Habitat essentiel de la tortue mouchetée et de la paruline hochequeue • Étangs de reproduction de la rainette faux grillon de l’ouest (zone de protection) • Héronnières (zone de protection) • Aire d’hivernage du cerf de Virginie • Habitat potentiel du monarque et d’autres espèces en péril • Oiseau en péril (en vol) • Plantes en péril • Connexions écologiques (0 externe + 3 internes) STRESS / Impacts et menaces (Del Degan, Massé, 2013) • • • • • Chemins et sentiers (officiels et non officiels) Espèces exotiques envahissantes Aires de piquenique, stationnements, belvédères Activités de castors Barrages artificiels 5 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Chaîne des trois lacs (écosystème) Trois grands lacs reliés entre eux, soit les lacs Meech, Mousseau et Philippe, se trouvent au cœur de cet écosystème naturel valorisé. Ils sont bordés d’installations à vocation résidentielle, récréative et politique. Cet environnement aquatique abrite diverses espèces qui dépendent des habitats qu’il procure, comme la physe de la Gatineau, le plongeon huard, le grand héron et une diversité d’espèces de poissons qui fraient le long des berges des lacs et dans leurs affluents. Des peuplements matures d’érables à sucre se trouvent à divers endroits dans les forêts de feuillus mixtes de cet éco­ système. On y trouve aussi de nombreuses espèces d’oiseaux en péril, dont le moucherolle à côtés olive, la paruline à ailes dorées, la paruline du Canada et la paruline azurée. ÉLÉMENTS D’INTÉRÊT • Chaîne de trois grands lacs (vastes étendues de berges = grande richesse) • Sites de nidification du plongeon huard •Frayères • Héronnière (zone protégée) • Combinaison de terres humides, de zones riveraines et d’autres environnements aquatiques • Important habitat floristique (flore en péril) • Aire d’hivernage du cerf de Virginie • Habitat potentiel du monarque et d’autres espèces en péril • Connexions écologiques (0 externe + 2 internes) 6 STRESS / Impacts et menaces (Del Degan, Massé, 2013) • • • • • • • Chemins et sentiers (officiels et non officiels) Espèces envahissantes Terrains de camping, plages Stationnements, aires de piquenique Pression urbaine (enclave résidentielle) Obstacles artificiels (barrages) Activités de castors Parc de la Gatineau Rapport sur l’état des écosystèmes Lac la Pêche (écosystème) L’écosystème du lac la Pêche englobe le plus vaste lac du parc et le complexe de terres humides, de cours d’eau et de plans d’eau secondaires qui lui est associé. Plus de 20 p. 100 de l’écosystème comporte des forêts matures, tant de feuillus que de conifères. Son riche milieu aquatique procure un excellent habitat à une faune très variée, dont le grand héron, le plongeon huard et le meunier noir. Cet écosystème abrite aussi trois espèces en péril qui figurent sur la liste fédérale, soit le petit blongios, la tortue mouchetée et le monarque, ainsi qu’une vingtaine d’autres espèces végétales et animales en péril. On y trouve une aire d’hivernage de cerfs, et la caverne du lac la Pêche est un lieu d’hibernation confirmé de chauves-souris. L’emplacement plus reculé, la connectivité avec des forêts boréales intactes et l’infrastructure récréative relativement moindre de cet écosystème le rendent attrayant pour des espèces sensibles aux perturbations, comme les grands canidés et le lynx. L’activité des castors a une influence importante sur l’hydrodynamique de cette zone. ÉLÉMENTS D’INTÉRÊT • Ensemble de milieux aquatiques, riverains et humides • Lac la Pêche (plus grand plan d’eau du parc) + îles • Habitat essentiel du petit blongios et de la tortue mouchetée • Site de nidification du plongeon huard et du pygargue à tête blanche •Héronnières • Grotte du lac la Pêche (hibernation de la chauve-souris) •Frayères • Habitat potentiel du monarque et d’autres espèces en péril • Connexions écologiques (1 externe + 1 interne) STRESS / Impacts et menaces (Del Degan, Massé, 2013) • Chemins et sentiers (officiels et non officiels) • Espèces exotiques envahissantes (myriophylles en épi) • Sites de canot-camping • Aires de piquenique, plage • Barrage artificiel • Activités de castors 7 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Plateau du lac Pink (écosystème) Au cœur de cet écosystème se trouve le lac hors du commun qui lui a donné son nom, le lac Pink. Ce petit lac est méromictique, ce qui signifie que ses eaux de surface et de profondeur ne se mélangent pas, ce qui en fait un habitat convenant à d’anciennes formes de bactéries qui se servent du soufre plutôt que de l’oxygène pour la photosynthèse. On y trouve aussi de nombreuses algues microsco­ piques qui, de pair avec les pierres du lac, donnent au lac sa teinte verte caractéristique. Ce milieu aquatique singulier procure un habitat à la physe de la Gatineau, une espèce rare, et à l’épinoche à trois épines, un poisson. Le reste de l’écosystème se caractérise par une mosaïque de petites terres humides (des étangs de castors), de zones riveraines et de marais parsemée de forêts de feuillus anciennes. On peut trouver ici plusieurs espèces de tortues en péril, ainsi que des espèces rares et sensibles de plantes et d’arbres, comme le ptérospore andromède et l’orme liège. ÉLÉMENTS D’INTÉRÊT • • • • Écosystème particulier (lac méromictique) Habitat essentiel de la tortue mouchetée Habitat floristique important (flore en péril) Habitat potentiel du monarque et d’autres espèces en péril • Combinaison de terres humides, de zones riveraines et d’autres environnements aquatiques • Espèces animales en péril ou d’intérêt (tortue hargneuse, épinoche à trois épines) • Connexion écologique (1 externe + 0 interne) 8 STRESS / Impacts et menaces (Del Degan, Massé, 2013) • • • • • • Chemins et sentiers (officiels et non officiels) Espèces envahissantes Pression urbaine (enclave résidentielle) Barrages artificiels Stationnements, belvédères Activités de castors Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Tourbière Folly (habitat) L’habitat naturel valorisé de la tourbière Folly occupe une superficie de 221 hectares, dont 7 constituent un marécage tourbeux (Talbot, Demers-Thibault, Lapointe-Elmrabti, Pelletier et Paillard, 2015) qui forme une île d’habitat spécialisé pour un riche ensemble d’espèces, y compris de nombreux insectes et petits animaux, ainsi que de multiples plantes qui préfèrent les sols acides. Une partie du marécage est ombotrophique, c’est-à-dire que l’eau n’y est plus présente, sauf lorsqu’elle y pénètre par les précipitations. On trouve dans cet habitat la sarracénie pourpre, ainsi que neuf espèces en péril, dont la couleuvre tachetée et le joli cypripède royal, une orchidée. Les champs en friche abritent l’asclépiade, ce qui en fait un habitat d’intérêt pour le monarque. ÉLÉMENTS D’INTÉRÊT • Écosystème particulier • Habitat essentiel de la tortue mouchetée (partie) • Plantes en péril et à statut particulier (cypripède royal) • Faune en péril (couleuvre tachetée) STRESS / Impacts et menaces (Del Degan, Massé, 2013) • • • • • • Chemins et sentiers (officiels et non officiels) Espèces exotiques envahissantes Broutage du cerf Stationnements, aires de piquenique Barrages artificiels Activités de castors 9 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Lac des Fées (habitat) Ce petit habitat est centré sur le lac des Fées et comprend le ruisseau des Fées et les milieux humides environnants. Des affleurements rocheux et des pentes raides en font un trésor caché dans le secteur du seuil du parc, qui est par ailleurs très développé. Se trouvent à l’extrémité sudouest du lac des peuplements d’arbres matures de grande valeur en raison de leur âge, de leur composition et de la rareté des espèces qu’ils abritent. Une cinquantaine de plantes y ont été recensées. Des espèces en péril comme la tortue serpentine et la couleuvre tachetée vivent dans ce milieu. Le ruisseau et sa plaine inondable procurent un habitat à diverses espèces de poissons. Des espèces d’oiseaux qui préfèrent la lisière des habitats et plusieurs espèces de faucons y ont été observées. ÉLÉMENTS D’INTÉRÊT • Ensemble de milieux aquatiques, riverains et humides (lac dans un milieu urbain) • Flore et faune en péril • Habitat potentiel du monarque et d’autres espèces en péril 10 STRESS / Impacts et menaces (Del Degan, Massé, 2013) • Chemins (2 promenades, 2 boulevards) et sentiers (officiels et non officiels) • Espèces exotiques envahissantes • Stationnements, belvédères • Pression urbaine • Activités de castors Parc de la Gatineau Rapport sur l’état des écosystèmes Évaluation précédente de la santé écologique Une évaluation préliminaire de la santé écologique du parc de la Gatineau a été réalisée en 2006 (Del Degan, Massé, 2006) à partir de l’information existante et de données de surveillance sporadique. Voici les indicateurs qui ont fait l’objet de ce premier rapport : • qualité de l’eau de surface (phosphates totaux, chlorures, pH et alcalinité, qualité bactériologique de l’eau); • qualité de l’air (ozone, particules en suspension, indice de qualité de l’air); • état des sols (charges critiques de dépôts acides); • pressions et empreinte humaines (nombres de visiteurs, démographie régionale, fragmentation des habitats); • état des environnements terrestres (espèces surabondantes, espèces envahissantes, mosaïques d’habitats, connectivité, potentiel faunique et végétal, représentation des environnements forestiers); • état des habitats riverains (densité, degré d’utilisation); • état des environnements aquatiques (espèces de poissons introduites, présence du myriophylle à épi et de la physe de la Gatineau, dynamique des populations de poissons indigènes, dynamique de la population de plongeons huards); • état des terres humides (population de castors, salicaire pourpre); • état de la biodiversité indigène (espèces de plantes en péril); • état de l’intendance (planification, programme de gestion des ressources naturelles, communication, règlementation environnementale). Lors de l’évaluation de 2006, on a déterminé que l’état général du parc de la Gatineau était « acceptable » et relativement stable, quoiqu’on ait remarqué une tendance à la détérioration dans les écosystèmes de l’escarpement d’Eardley et de la chaîne des trois lacs. 11 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Évolution des indicateurs Depuis 2006, on surveille un ensemble d’indicateurs environnementaux (mesures) à partir desquels on peut tirer des conclusions plus larges sur l’état de santé du parc de la Gatineau. Ces indicateurs ont été choisis afin d’établir l’état de la biodiversité du parc (Del Degan, Massé, 2006). Il importe de souligner que la surveillance de la santé écologique est un domaine nouveau en pleine évolution. On a mis à l’essai les indicateurs élaborés au début des années 2000, mais on a constaté par la suite que certains étaient soit peu utiles, soit trop difficiles ou trop coûteux à employer. En outre, on souhaite surveiller non seulement la biodiversité (c.-à-d. le nombre total d’espèces) du parc de la Gatineau, mais aussi les fonctions écologiques connexes et les facteurs de stress qui l’affectent. Cette approche holistique reflète davantage l’approche du Plan de conservation des écosystèmes du parc de la Gatineau, qui met l’accent sur la conservation de l’intégrité écologique1 (Commission de la capitale nationale, 2010). En 2012, l’équipe du parc de la Gatineau a demandé les conseils d’un groupe d’experts en surveillance de l’intégrité écologique et fait appel à ses services pour examiner et réviser l’ensemble d’indicateurs de la santé écologique qu’il faudrait surveiller à long terme. Forts de leur expérience collective, ces experts ont indiqué qu’il n’était pas faisable d’essayer d’établir l’état général de l’intégrité écologique d’un parc en raison des coûts et des efforts qu’il faudrait consentir pour saisir tous les éléments sur une échelle suffisamment grande. Ils ont donc convenu d’axer le choix des indicateurs sur ceux qui permettraient de détecter les impacts écologiques de facteurs contrôlables ou influençables, du moins partiellement. Voici les autres facteurs qui ont influencé la révision de la sélection des indicateurs : •coût; • facilité de mise en œuvre (le personnel peut en faire le suivi); • pertinence par rapport aux enjeux de gestion du parc; • aptitude à définir des seuils de l’état écologique (c.-à-d. bon, passable, mauvais); • application dans chacun des écosystèmes et des habitats naturels valorisés du parc de la Gatineau; • exhaustivité relativement aux composantes de l’intégrité écologique (biodiversité, fonction de l’écosystème et facteurs de stress) (Agence Parcs Canada). Ensemble révisé d’indicateurs Plongeons huards Le plongeon huard (Gavia immer) constitue un symbole de la faune des lacs canadiens. Ses popu­ lations sont touchées par la pollution (McNichol, Mallory et Vogel, 1995), et son comporte­ment individuel, comme la sélection du lieu de nidification, peut être perturbé par l’activité humaine (McCarthy et Destefano, 2011). Le plongeon huard a disparu de certains lacs touchés par la pollution par les pluies acides, alors qu’une mortalité massive a été associée à l’ingestion de poissons attrapés au moyen de pesées de plomb (Scheuhammer et Norris, 1996). L’équipe du parc de la Gatineau sur­veille 1. Aux termes de la Loi sur les parcs nationaux, on peut définir ainsi l’intégrité écologique d’un parc : « L’état d’un parc jugé caractéristique de la région naturelle dont il fait partie et qui sera vraisemblablement maintenu, notamment les éléments abiotiques, la composition et l’abondance des espèces indigènes et des communautés biologiques ainsi que le rythme des changements et le maintien des processus écologiques. » (Gouvernement du Canada, 2000) 12 Parc de la Gatineau Rapport sur l’état des écosystèmes moyen de pesées de plomb (Scheuhammer et Norris, 1996). L’équipe du parc de la Gatineau sur­veille la présence de plongeons huards sur les trois principaux lacs récréatifs (Philippe, Meech et la Pêche) depuis 2000. Mesuré par le nombre d’équivalents-couples de plongeons adultes, cet indica­teur est particulièrement utile pour déterminer l’efficacité des mesures de gestion visant à limiter la pertur­ bation de ces oiseaux durant les périodes de nidification. Il est surveillé tous les trois ans. Qualité de l’eau de surface dans le parc de la Gatineau (lacs, cours d’eau) L’état de santé global des écosystèmes aquatiques dépend de la qualité de l’eau de leurs lacs et de leurs cours d’eau. La qualité de l’eau est touchée par des substances dissoutes ou en suspension qui se trouvent dans la nature et par des polluants provenant de sources ponctuelles ou transportés depuis des sources éloignées par les précipitations. Elle a une incidence cruciale sur les espèces aquatiques, comme les poissons et les amphibiens (Boyer et Grue, 1995), ainsi que sur de nombreuses espèces terrestres. La qualité de l’eau de surface dans le parc de la Gatineau représente un important indicateur de la santé de ses écosystèmes aquatiques. Elle est pertinente pour les gestionnaires du parc lorsqu’il s’agit de savoir comment leur utilisation par les humains peut les affecter. Des évaluations exhaustives de la qualité de l’eau sont effectuées tous les deux ans. •Lacs Le parc de la Gatineau possède de nombreux petits plans d’eau éloignés, mais ses plus grands lacs sont utilisés de diverses façons par les humains à des fins récréatives et résidentielles. Ils sont vulné­ rables à la pollution engendrée par les activités aquatiques, comme l’utilisation de bateaux à moteur et le rejet des eaux usées résidentielles. Pour les lacs, le niveau trophique est une mesure de l’état global, basée sur la concentration de phosphore et de chlorophylle a ainsi que sur la transparence de l’eau (Dillon et Rigler, 1975). Un lac ayant une faible production biologique (jeune) est dit oligo­ trophe alors qu’un lac eutrophe (vieux) possède une importante production biologique. Les lacs vieillissent naturellement sur une échelle de temps relativement longue alors que ce phénomène peut être accéléré par divers facteurs liés aux activités humaines. Le suivi permet de dépister les lacs qui montrent des signes de vieillissement accéléré. Le suivi des trois paramètres est effectué depuis 2008 pour cinq lacs du parc alors que le suivi du lac des Fées a débuté en 2014. • Cours d’eau Les cours d’eau peuvent, eux aussi, transporter des polluants et des substances dissoutes entre les plans d’eau, qu’ils soient situés à l’intérieur ou à l’extérieur du parc de la Gatineau. Pour les cours d’eau, l’indice de qualité bactériologique et physicochimique de l’eau (IQBP) est utilisé pour évaluer la qualité de l’eau basée sur une liste de paramètres bactériologiques et physicochimiques (Hébert, 1996). Des changements dans les paramètres peuvent être une conséquence de l’activité humaine. Ces changements peuvent représenter des impacts négatifs sur la qualité des milieux aquatiques et ainsi être indicateurs d’une baisse du niveau d’intégrité écologique des cours d’eau. Pour chacun des paramètres suivis, la valeur mesurée est transformée en un sous-indice variant de 0 (médiocre) à 100 (excellent), puis une moyenne des sous-indices est établie. En 2014, on a amorcé le suivi de 10 ruisseaux du parc par l’analyse de 8 paramètres bactériologiques et physicochimiques. Grenouilles En raison de leur nature sensible, les grenouilles sont reconnues comme étant de bons indicateurs écologiques généraux (Boyer et Grue, 1995). Particulièrement sensibles au stade larvaire, elles sont vulnérables tout au long de leur vie aux changements de température et aux polluants 13 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau atmosphé­riques et aquatiques (Blaustein, 1994). On les considère aussi comme de bons indicateurs de la santé des terres humides et des impacts des changements d’échelle du paysage dans les zones entourant celles-ci. En ce qui concerne la gestion du parc de la Gatineau, la surveillance à long terme de la richesse et de la présence d’espèces de grenouilles aux stations d’écoute donne un aperçu de la qualité globale de l’habitat disponible et pourrait indiquer l’impact des perturbations locales. Cet indicateur est fondé sur un indice de Shannon-Weaver modifié et surveillé tous les trois ans. Plantes envahissantes Les espèces exotiques envahissantes agressives constituent la deuxième plus importante cause de disparition des espèces dans le monde entier (Clavero, 2005). Certaines espèces introduites peuvent avoir des effets très nuisibles sur les écosystèmes. Sans contrôle indigène naturel, comme des prédateurs ou des maladies, leurs populations sont susceptibles de s’accroître rapidement. À titre de prédatrices, de consommatrices, de ravageuses ou de colonisatrices, ces espèces risquent d’avoir des impacts très négatifs sur les espèces indigènes (Environnement Canada). En particulier, les espèces exotiques envahissantes peuvent même réduire davantage les populations d’espèces en péril. Depuis 2006, le parc de la Gatineau surveille la présence de certaines plantes envahissantes agressives dans des parcelles-échantillons : la salicaire pourpre, le myriophylle à épi, le dompte-venin de Russie, l’alliaire officinale, la renouée du Japon, le nerprun bourdaine et le célastre asiatique. D’autres parcelles seront ajoutées en 2016, et une technique de recensement supplémentaire a été mise en œuvre en 2013 pour détecter de nouvelles invasions. Les espèces indicatrices qui sont visées par le présent rapport sont la salicaire pourpre, le myriophylle à épi, le nerprun bourdaine et l’alliaire officinale. On surveille cet indicateur tous les trois ans. Impact des populations de cerfs de Virginie Le cerf de Virginie est une importante espèce herbivore des écosystèmes du parc de la Gatineau. Il constitue une source de nourriture essentielle pour des prédateurs comme le coyote de l’Est et il influence la composition et l’abondance des communautés végétales. Les populations de cerfs de Virginie fluctuent en fonction de facteurs, comme la température hivernale, l’enneigement, les pressions exercées par la chasse et la prédation (Post, 1998). Lorsque les cerfs deviennent surabondants, on craint qu’ils aient une incidence négative sur les écosystèmes. Les populations élevées risquent d’entraîner le broutage excessif de la végétation disponible et, à la longue, de modifier la composition des communautés végétales indigènes (Rooney et Waller, 2013). Cet effet est particulièrement préoccupant quant à la persistance des espèces de plantes en péril du parc de la Gatineau. Tous les 10 ans, on évalue la capacité d’accueil de la principale aire d’hivernage de cerfs (zone où leur population est très dense) et l’impact de leur broutage sur les espèces de plantes indigènes. Fertilité du sol des peuplements d’érables De par leur étendue et leur variété, les forêts procurent un habitat pour nombre des quelque 5 000 espèces de plantes et d’animaux du parc de la Gatineau. Divers processus influent sur la santé des forêts, comme le cycle des éléments nutritifs, les précipitations, les incendies et la succession. Dans le parc de la Gatineau, les peuplements d’érables constituent des habitats caractéristiques et importants. Le Réseau de surveillance des écosystèmes forestiers (RESEF) du Québec surveille de nombreux aspects de la santé de deux peuplements d’érables du parc, depuis 1987 et 1988, respective­ ment. L’un de ces aspects, la fertilité du sol, a été choisi comme indicateur de la santé de ces impor­ tantes zones forestières. Cet indicateur sera évalué tous les 10 ans, sous réserve de la disponibilité de nouvelles données. 14 Parc de la Gatineau Rapport sur l’état des écosystèmes Indice de dissection du paysage La fragmentation des habitats limite la quantité et la qualité globales de l’habitat disponible pour les plantes et les animaux. Les éléments linéaires, comme les autoroutes, les routes, les lignes de transport d’électricité, les chemins de fer et les sentiers, morcellent les habitats, ce qui modifie la composition des espèces en bordure et réduit la quantité d’habitat intérieur disponible pour les espèces qui ont besoin de conditions propices à l’intérieur de celui-ci. En outre, ces perturbations linéaires constituent des vecteurs d’introduction d’espèces envahissantes et facilitent l’accès des personnes et des véhicules hors route, qui peuvent, eux aussi, déranger la faune. Ces éléments sont susceptibles de nuire aux déplacements de la faune et de constituer des sources directes de mortalité, notamment sur les routes. L’indice de dissection du paysage est une mesure adaptée d’un protocole existant (Réseau Parcs-Québec – Sépaq, 2014) qui quantifie l’ampleur et détermine l’impact des éléments linéaires qui fragmentent les paysages. Il a été choisi comme indicateur de la fragmentation des habitats du parc de la Gatineau et sera évalué tous les huit ans. État des berges Les zones riveraines et les berges procurent un habitat essentiel à une variété d’espèces aquatiques, comme les amphibiens (grenouilles et salamandres) et la sauvagine. En outre, les berges constituent d’importantes zones tampons entre la terre et l’eau. Les berges dégradées risquent d’avoir un impact négatif sur la qualité de l’eau et, par conséquent, sur celle de l’habitat aquatique. Depuis 2011, l’équipe du parc de la Gatineau évalue périodiquement l’état des berges des lacs Meech, la Pêche et Philippe, tandis que le lac des Fées a été évalué pour la première fois en 2014. On examinera aussi périodiquement les berges de plusieurs lacs d’autres écosystèmes et habitats naturels valorisés. Cet indicateur est important pour les gestionnaires du parc, étant donné que les activités des visiteurs et les pratiques résidentielles l’influencent directement. Il sera mesuré tous les cinq ans. Empreinte de l’infrastructure L’infrastructure bâtie est nécessaire pour fournir la diversité d’expériences récréatives et culturelles dans le parc de la Gatineau. Elle a toutefois un impact écologique en ce qui concerne la conversion d’habitats (p. ex. l’aménagement d’une aire de piquenique) ou la perte d’habitats (la construction d’édifices, l’aménagement de stationnements, de plages et de sentiers, etc.). Par ailleurs, on peut restaurer ou recréer des habitats par des activités comme la démolition et la renaturalisation. Cet indicateur permet de quantifier les divers types d’infrastructure et d’évaluer leur impact écologique relatif selon le type et l’emplacement dans le parc. Les gestionnaires du parc pourront ainsi suivre de près la superficie globale des terrains qui est consacrée à l’infrastructure de même que les tendances positives ou négatives au fil du temps. Cet indicateur sera évalué tous les trois ans. Oiseaux nicheurs La présence d’une grande diversité d’espèces d’oiseaux nicheurs dans chacun des écosystèmes et des habitats naturels valorisés représente un autre indicateur général de la qualité globale des habitats. Au fil du temps, cet indicateur donnera une idée des tendances relatives à la diversité des espèces d’oiseaux qui utilisent le parc pour nicher. On a choisi 25 espèces dont les besoins en matière d’habitat sont variés comme indicateurs de l’état de santé de divers habitats du parc de la Gatineau et de l’impact des facteurs de stress sur eux. Cet indicateur a été utilisé pour la première fois en 2015. Il fait appel à un indice de Shannon-Weaver modifié et sera surveillé tous les trois ans. 15 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Indicateurs en cours d’élaboration Connectivité des paysages L’isolement écologique constitue l’une des plus grandes menaces au maintien de la biodiversité au fil du temps dans les aires protégées. Beaucoup des aires protégées que l’on trouve au Canada et ailleurs sont trop petites en soi pour soutenir les processus écologiques et fournir un habitat favorable au maintien de populations viables d’espèces au territoire étendu, comme les gros mammifères (Schneider, 2001). Les utilisations du sol, notamment pour le développement urbain, la foresterie, l’exploitation minière et l’agriculture, qui sont adjacentes à des zones protégées peuvent entraîner la perte ou la modification des habitats et isoler effectivement les populations de plantes et d’animaux qui vivent dans ces aires. À son tour, cet isolement nuit à la capacité des populations de se déplacer à l’intérieur et à l’extérieur des zones protégées pour la migration, la reproduction, l’alimentation ou l’évitement des dangers. Au fil du temps, les populations diminuent et des espèces disparaissent des zones protégées. L’équipe du parc de la Gatineau élabore actuellement un indicateur qui permettra de mesurer le degré de connectivité écologique entre le parc et le paysage environnant. Cet indicateur sera évalué tous les huit ans et traité dans des rapports ultérieurs. Espèces végétales en péril Les espèces en péril sont des espèces sauvages jugées à risque de disparaître à cause de leur faible population et de facteurs qui menacent leur persistance. Les espèces peuvent être désignées « en péril » à l’échelle mondiale, nationale ou régionale. Les principaux facteurs qui contribuent à mettre des espèces en péril sont la perte ou l’altération de l’habitat et l’introduction d’espèces envahissantes (Clavero, 2005). Souvent, les zones protégées procurent le dernier habitat restant à des espèces et comptent un grand nombre d’espèces en péril par rapport aux paysages non protégés. Le parc de la Gatineau abrite plus de 150 espèces désignées en péril à l’échelle nationale ou provinciale. On y trouve l’ail des bois (Allium tricoccum), espèce végétale en péril désignée « vulnérable » au Québec. Il est largement répandu dans le parc et associé aux peuplements d’érables. On élabore actuellement un indicateur lié à la persistance de l’ail des bois dans les écosystèmes du parc de la Gatineau, qui sera surveillé tous les trois ans et traité dans des rapports ultérieurs. 16 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Cadre des indicateurs L’ensemble d’indicateurs du parc de la Gatineau vise à donner un aperçu de certaines questions de gestion et à rendre compte d’au moins un des éléments de l’intégrité écologique (Agence Parcs Canada) : la biodiversité, les facteurs de stress et les fonctions des écosystèmes. Fréquence de surveillance Biodiversité Facteur de stress Impact des activités récréatives aquatiques et de la pollution 3 ans ✓ ✓ Qualité de l’eau (lacs et cours d’eau) Impact des activités, notamment récréatives, sur l’habitat aquatique 2 ans Grenouilles Qualité de l’habitat des milieux humides, effets des facteurs de stress 3 ans ✓ Qualité de l’habitat de divers écosystèmes, indice général de biodiversité 3 ans ✓ Plantes envahissantes Présence et expansion des espèces exotiques envahissantes agressives 3 ans ✓ ✓ Cerfs de Virginie Impact des cerfs sur la végétation 10 ans ✓ ✓ Fertilité du sol Fonctionnement des écosystèmes forestiers 10 ans (variable) Espèces végétales en péril Impact des activités récréatives sur les espèces en péril 5 ans Fragmentation Effet des perturbations linéaires sur la qualité des habitats et la connectivité 8 ans ✓ Impact de l’activité humaine et de pratiques de gestion des terres sur les berges 5 ans ✓ Connectivité des paysages Degré de connexion entre les aires naturelles du parc et celles des environs 8 ans ✓ Empreinte de l’infrastructure Impact de l’infrastructure sur la qualité et la quantité des habitats 3 ans ✓ Indicateur Question de gestion Plongeons huards Oiseaux nicheurs État des berges ✓ Fonction des écosystèmes ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 17 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Compte rendu des résultats obtenus au moyen des indicateurs Évaluation de l’état Dans la mesure du possible, les résultats de la surveillance des indicateurs seront évalués en fonction de l’état général de l’élément surveillé. Des seuils largement acceptés existent déjà pour l’état de certains indicateurs, comme la qualité de l’eau. Dans d’autres cas, on peut fixer des seuils statistiques pour l’état en fonction du degré de variation des données au fil du temps. On ne déter­ minera pas l’état pour les indicateurs à l’égard desquels aucune des deux conditions ci-dessus ne s’applique. Aux fins du présent rapport, l’état des indicateurs est jugé : ) Bon ( Passable ( Mauvais ( ) ) Quand plus de trois catégories d’état ont été identifiées pour certains indicateurs, elles seront regroupées dans les catégories mentionnées ci-dessus. Évaluation de la tendance La détermination d’une tendance à la suite d’une mesure est liée à la détermination de l’état, mais elle est distincte de cette dernière. On doit répéter la mesure pendant un certain nombre d’années pour pouvoir établir son évolution au fil du temps et, le cas échéant, l’importance statistique et écologique de ce changement. Dans la mesure du possible, les tendances relatives aux indicateurs seront indiquées ainsi : Amélioration Stabilité Détérioration 18 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Résumé concernant les indicateurs de la santé des écosystèmes Écosystème ou habitat naturel valorisé (résultats déterminés au niveau de l’EHNV) Écosystème ou habitat natural valorisé Huards Cours d’eau Lacs Berges Escarpement d’Eardley Plateau d’Eardley Lac la Pêche Plateau du lac Pink Chaîne des trois lacs Tourbière Folly Lac des Fées Indicateurs de l’état de santé général des écosystèmes (résultats pour l’ensemble du parc) Indicateurs généraux Grenouilles Plantes envahissantes Cerfs Fertilité du sol Fragmentation (IDP) Infrastructure Oiseaux nicheurs légende État écologique Bon Passable Mauvais Tendance Amélioration Stabilité Détérioration 19 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Analyse Il est difficile d’établir un état général ou une tendance générale pour le parc de la Gatineau en fonction des résultats obtenus jusqu’à présent par les activités de surveillance. Les indicateurs ne fournissent pas tous des seuils valables et des tendances révélatrices sur le plan écologique. Toutefois, en général, ces derniers semblent indiquer que l’état général du parc est bon et qu’il est relativement stable. La qualité de l’eau, l’impact des cerfs, les populations de plongeons huards et la diversité des grenouilles se situent dans les paramètres normaux. Cependant, dans certaines zones, des indicateurs font ressortir des préoccupations qui sont traitées ci-dessous. Préoccupations Fragmentation : Les indicateurs relatifs à la fragmentation (IDP) et à l’infrastructure font état d’un effet cumulatif négatif des perturbations linéaires, y compris les routes et le réseau de sentiers récréatifs (officiels et non officiels). Les résultats présentés dans le rapport reposent sur des données de référence, mais il est bien connu que les sentiers non officiels se sont multipliés au cours de la dernière décennie. L’ampleur de l’impact négatif de ces éléments linéaires varie en fonction de leur largeur, de leur degré d’utilisation et de leur emplacement par rapport aux éléments naturels sensibles du parc. Toutefois, la fragmentation accrue des habitats constitue l’effet général. Parmi les risques engendrés par cette fragmentation progressive, mentionnons l’introduction d’espèces envahissantes, l’évitement par des espèces intolérantes aux perturbations et des espèces des habitats de l’intérieur, l’accroissement du stress subi par la faune, l’érosion, le compactage des sols et le piétinement de plantes, notamment d’espèces en péril. Espèces envahissantes : Les résultats de la surveillance montrent que, dans les parcelles établies, la taille des colonies d’espèces exotiques augmente considérablement. De nouvelles invasions ont récemment été détectées le long des routes et des sentiers menant au parc (données internes de la CCN), ce qui était prévisible. Sans surveillance, les espèces envahissantes risquent de constituer une menace importante pour la biodiversité indigène et la santé des écosystèmes et des habitats du parc. Berges : Dans l’ensemble, les principaux lacs du parc de la Gatineau sont dans un état presque naturel. Cependant, certaines zones des berges des lacs Meech et Philippe sont modérément à très dégradées. Une partie de cette dégradation s’explique par l’infrastructure du parc : les plages et les installations de mise à l’eau, entre autres. Au lac Meech, l’infrastructure privée ainsi que l’utilisation des berges par les résidents et les visiteurs affectent, elles aussi, les berges. Comme on peut s’attendre que la majeure partie de cette infrastructure demeure, on ne prévoit pas d’amélioration importante relativement à cet indicateur, quoique certains travaux de restauration soient possibles. Les résultats initiaux pour le lac des Fées font état de décennies de détérioration dans un cadre très urbain. Il y a peu d’éléments d’infrastructure précis qui expliquent la proportion élevée (29 %) de berges très dégradées. Des travaux de restauration au lac des Fées pourraient améliorer l’état des berges et, peut-être, contribuer à rendre meilleure la santé de ce lac urbain. Qualité de l’eau : En général, la qualité de l’eau est bonne dans les lacs et les cours d’eau du parc de la Gatineau, à quelques exceptions près. Celle du lac des Fées est mauvaise en partie à cause de la con­ centration élevée de sel attribuable au ruissellement provenant de routes importantes de ce secteur urbanisé (Genivar, 2014). Le ruisseau Meech est dans un état passable en raison d’une plus grande turbidité et d’un plus grand nombre de solides en suspension. Ce résultat pourrait s’expliquer par l’instabilité du sol dans ce secteur, ce qui cause souvent des glissements de terrain dans le ruisseau. Dans ces deux cas, on pourrait rendre meilleure la qualité de l’eau en améliorant l’état et la stabilité des berges. 20 Parc de la Gatineau Rapport sur l’état des écosystèmes Fertilité du sol : La carence à la fois en humus et en potassium du sol dans les parcelles des peuplements à long terme d’érables pourrait signaler une détérioration de l’état de ces peuplements. Les précipitations acides constituent un facteur possible à l’origine de ces résultats. La majorité des caractéristiques (éléments nutritifs du sol, etc.) évaluées de1987 à 1999 font état de bonnes condi­ tions du sol, mais certaines indiquent une carence. L’état général de cet indicateur est donc moyen. Le RESEF est en train d’analyser les données de 2014. Les résultats seront interprétés avec soin, afin de déterminer s’il y a lieu de réaliser des études plus poussées ou de s’inquiéter davantage. Plongeons huards : Le nombre de couples-équivalents de plongeons huards sur les lacs Meech, Philippe et la Pêche semble être généralement stable et d’une variabilité normale, quoique les populations soient faibles sur chaque lac. Cela ne surprend pas, étant donné que les plongeons huards peuvent vivre jusqu’à 25 ans. Il est donc probable que nous observions les mêmes animaux année après année. L’absence de juvéniles observés au cours des dernières années est un sujet de préoccu­ pation potentiel. Un effort plus intensif est justifié pour déterminer le succès de la nidification. État du lac des Fées : Plusieurs indicateurs font état de la dégradation de cet habitat naturel valorisé. Situé dans la ville de Gatineau, le lac des Fées est exposé à de nombreux facteurs de stress urbains. En effet, la présence d’une grande artère, de sentiers récréatifs, d’eaux de ruissellement polluées provenant des routes adjacentes et d’espèces envahissantes, de même que la détérioration des berges ont tous une incidence négative sur la santé écologique de cet habitat. La qualité de l’eau du lac est jugée mauvaise. Les espèces et l’abondance de grenouilles (la rainette crucifère et la rainette versicolore) semblent avoir diminué. On peut s’attendre à la poursuite de la détérioration de l’état de cet habitat, à moins que des mesures de restauration soient prises. Connectivité des paysages : Le Plan de conservation des écosystèmes du parc de la Gatineau (Commission de la capitale nationale, 2010) reconnaît qu’il est important que le parc conserve des connexions écologiques fonctionnelles avec le paysage environnant. Dans un rapport publié en 2012, on a recensé et caractérisé les 12 connexions écologiques restantes avec des zones adjacentes au parc de la Gatineau (Del Degan, Massé, 2012). La tendance vers l’isolement écologique du parc s’intensifie, en particulier à cause du nombre croissant d’ensembles résidentiels adjacents au parc. Il faudrait collaborer avec les autorités régionales pour la stabiliser. Mesures de gestion récentes Conformément au Plan directeur du parc de la Gatineau (Commission de la capitale nationale, 2005) et au Plan de conservation des écosystèmes du parc de la Gatineau (Commission de la capitale nationale, 2010), des mesures ont été prises pour mieux comprendre la santé écologique du parc et effectuer des travaux de restauration ciblés. Sites d’escalade de l’escarpement d’Eardley : L’équipe du parc de la Gatineau a effectué une étude détaillée (Genivar, 2010) afin de déterminer l’état écologique des sites d’escalade sur l’escarpement d’Eardley, riche en espèces et écologiquement sensible. La dégradation de nombreux sites, combinée avec une grande sensibilité écologique, a amené la CCN à fermer certains sites d’escalade et à en restaurer d’autres. Trois sites d’escalade et plusieurs sentiers associés ont récemment été restaurés avec la collaboration de la communauté des grimpeurs. Des matériaux naturels ont été installés pour enrayer l’érosion et aider la régénération naturelle des sites. Réduction de l’impact des sentiers non officiels : En 2014, l’équipe du parc de la Gatineau a lancé un processus de collaboration avec des groupes d’utilisateurs afin de réduire les effets négatifs de la fragmentation engendrée par la création et la fréquentation des sentiers non officiels. 21 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau Une analyse détaillée des sentiers et de leur impact a été effectuée. La CCN continue de consulter les groupes afin d’augmenter l’offre globale de sentiers, tout en diminuant l’empreinte du vaste réseau de sentiers non officiels. Conversion de la rue Gamelin : L’ancienne rue Gamelin, entre la rue des Fées et le boulevard Saint-Raymond, a été convertie en sentier récréatif en 2013. L’élimination de la circulation routière ainsi que le rétrécissement et l’aménagement paysager de l’ancienne voie ont diminué l’impact de la fragmentation des habitats dans le secteur du seuil du parc. Berges du lac Meech : Une autre étude (Genivar, 2011) a été effectuée pour évaluer l’état des berges des trois principaux lacs récréatifs du parc de la Gatineau (Meech, Philippe et la Pêche) et déterminer les besoins en matière de restauration. Des travaux initiaux de restauration des berges ont été exécutés au lac Meech en 2014 et 2015. La berge du débarcadère McCloskey et la plage Blanchet ont alors été restaurées. D’autres travaux seront réalisés en collaboration avec la Municipalité de Chelsea et les propriétaires de terrains privés. Caractérisation de la tourbière Folly : En partenariat avec l’Université de Montréal, la CCN a acquis une connaissance plus détaillée de la caractérisation des espèces et de la nature de l’habitat naturel valorisé de la tourbière Folly (Talbot, Demers-Thibault, Lapointe-Elmrabti, Pelletier et Paillard, 2015). En fait, la tourbière est considérée comme un marécage tourbeux dont une partie est maintenant dépourvue de lien avec la nappe phréatique. On a recensé cinq nouvelles espèces dans le parc durant l’étude et on a décelé la présence d’une espèce envahissante. Étude du secteur du sud : La CCN a commandé une étude détaillée (Genivar, 2014) pour mieux comprendre l’état et les facteurs de stress de la partie sud du parc, y compris le lac des Fées. Les résultats de l’étude donnent un aperçu de la qualité de l’eau, de l’habitat et de la présence des amphibiens, de la caractérisation des terres humides, de l’impact des sels de voirie et de l’incidence du réseau routier sur la mortalité animale. Le rapport fournit des renseignements utiles sur les approches possibles en matière de restauration. Plans en cours d’élaboration ou prévus Plusieurs plans sont en cours d’élaboration ou sont prévus pour examiner davantage les aspects traités dans le présent rapport. • Plan d’action pour gérer et atténuer les impacts des espèces exotiques envahissantes agressives • Plan de restauration de l’habitat du lac des Fées • Plan de restauration des berges du ruisseau Meech. Limites des données Le présent rapport rassemble toutes les données de surveillance existantes liées à la liste révisée des indicateurs de la santé écologique du parc de la Gatineau. Bien qu’il existe des ensembles de données à long terme pour certains indicateurs, d’autres comportent seulement des données de référence et plusieurs autres sont toujours en cours d’élaboration. Par conséquent, les conclusions tirées de ces données sont préliminaires et elles représentent l’opinion d’expert des biologistes du parc de la Gatineau. La CCN reconnaît les limites des données, notamment celles liées aux variables non indépendantes et aux échantillons de petite taille qui réduisent la puissance statistique pour la détection de tendances. Les rapports futurs intégreront de nouvelles données au fur et à mesure qu’elles seront disponibles. 22 Parc de la Gatineau Rapport sur l’état des écosystèmes Bibliographie choisie Agence Parcs Canada. (s.d.). Gestion des écosystèmes. Consulté le 27 mars 2015, sur Parcs Canada : http://www.pc.gc.ca/fra/progs/np-pn/eco/eco3.aspx Blaustein, A. W. (1994). « Amphibian declines: judging stability, persistence, and susceptibility of populations to local and global extinctions ». Conservation Biology, p. 60-71. Boyer, R. et Grue, C. E. (1995). « The Need for Water Quality for Frogs ». Environmental Health Perspectives, p. 352-357. Clavero, M. a.-B. (2005). « Invasive species are the leading cause of animal extinctions ». Trends in Ecology and Evolution, p. 110. Commission de la capitale nationale. (2005). Plan directeur du parc de la Gatineau. Ottawa. Commission de la capitale nationale. (2010). Plan de conservation des écosystèmes du parc de la Gatineau. Ottawa. Del Degan, Massé. (2007). Évaluation et identification des écosystèmes et des habitats naturels valorisés. Ottawa. Del Degan, Massé. (2012). Identification et caractérisation des corridors écologiques adjacents au parc de la Gatineau. Ottawa : Commission de la capitale nationale. Del Degan, Massé. (2013). Recommandations pour la gestion des écosystèmes et habitats valorisés dans le parc de la Gatineau. Ottawa. Del Degan, Massé. (2006). État de santé des écosystèmes du parc de la Gatineau - ébauche. Ottawa. Del Degan, Massé. (2007). Évaluation et identification des écosystèmes et des habitats naturels valorisés. Ottawa : Commission de la capitale nationale. Del Degan, Massé. (2013). Recommandations pour la gestion des écosystèmes et habitats naturels valorisés dans le parc de la Gatineau. Ottawa. Dillon, P. et Rigler, F. (1975). « A Simple Method for Predicting the Capacity of a Lake for Development Based on Lake Trophic Status ». Journal of the Fisheries Research Board of Canada, 1519-1531. Environnement Canada. (s.d.). Espèces exotiques envahissantes au Canada. Consulté le 31 mars 2015, sur Gouvernement du Canada : http://www.ec.gc.ca/eee-ias/ Genivar. (2010). Évaluation écologique et identification des sites à conserver pour la pratique de l’escalade au parc de la Gatineau. Ottawa : Commission de la capitale nationale. Genivar. (2010). Évaluation écologique et identification des sites à conserver pour la pratique de l’escalade au parc de la Gatineau. Ottawa : Commission de la capitale nationale. Genivar. (2011). Évaluation et plan de restauration des berges des lacs récréatifs du parc de la Gatineau. Genivar. (2014). Étude de la condition écologique du secteur sud du parc de la Gatineau, 2013-2014. Ottawa. Gouvernement du Canada. (2000). Loi sur les parcs nationaux du Canada. Hébert, S. (1996). Développement d’un indice général de la qualité de l’eau pour les rivières du Québec. Québec : Ministère de l’Environnement et de la Faune du Québec. McCarthy, K. D. et Destefano, S. (2011). « Effects of spatial disturbance on common loon nest site selection and territory success ». Journal of Wildlife Management, p. 289-296. 23 Rapport sur l’état des écosystèmes Parc de la Gatineau McNichol, D., Mallory, M. et Vogel, H. (1995). « Using Volunteers to monitor the effects of acid precipitation on Common Loon (Gavia immer) reproduction in Canada: The Canadian Lakes Loon Survey ». Water, Air and Soil Pollutants (vol. 85), p. 463-468. Post, E. a. (1998). « Large scale climatic fluctuation and population dynamics of moose and white-tailed deer ». Journal of Animal Ecology, p. 537-543. Réseau Parcs-Québec – Sépaq. (2014). Programme de suivi de l’intégrité écologique. Québec : Société des établissements de plein air du Québec. Rooney, T. a. (2013). « Direct and indirect effects of white-tailed deer in forest ecosystems ». Forest Ecology and Management, p.165-176. Rooney, T. et Waller, D. (2013). « Direct and indirect effects of white-tailed deer in forest ecosystems ». Forest Ecology and Management, p. 165-176. Scheuhammer, A. et Norris, A. (1996). « The ecotoxicology of lead shots and lead fishing weights ». Ecotoxicology, 279-295. Schneider, R. (2001). Establishing A protected area network in Canada’s boreal forest: an assessment of research needs. Consulté le mars 31 2015, sur Ontario Nature : http://www.ontarionature.org/ discover/resources/PDFs/toolkits/PAToolkit/19_ProtectAreas_Net.pdf Talbot, J., Demers-Thibault, S., Lapointe-Elmrabti, L., Pelletier, N. et Paillard, J. (2015). La tourbière Folly Rapport Final. Ottawa. 24