Respect de la diversité et des droits culturels dans l`espace

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Observatoire de la diversité et des droits culturels
Rapport 2005
Respect de la diversité et des droits culturels
dans l’espace francophone
Réalisé en partenariat avec l’Organisation internationale de la
Francophonie, Délégation aux droits de l'homme
et le Département des Affaires étrangères, Suisse
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 2
________________________________
Conformément au mandat qui a été confié à l’Institut interdisciplinaire d’éthique et des droits
de l'homme de l’Université de Fribourg par l’Agence intergouvernementale de la
francophonie, un Observatoire de la diversité et des droits culturels a été créé en juillet 2004,
en partenariat avec l’UNESCO et le Département suisse des affaires étrangères, réunissant
de nombreux partenaires aptes à collecter et analyser les informations utiles sur le respect
de la diversité et des droits culturels dans l’espace francophone. Ce premier rapport fait état
de la méthodologie qui se met en place, des premières observations, ainsi que des analyses
spécifiques. En ce sens, cet observatoire a aussi une fonction d’auditoire (recueil des
témoignages et comparaisons, croisement des savoirs) et de laboratoire (élaboration des
méthodologies, analyses des normes et propositions)1.
Avant de pouvoir collecter des informations de façon systématique dans une matière aussi
large, complexe et nouvelle, il est nécessaire de travailler sur les outils d’observation : la
clarification des concepts, les liens entre diversité et droits culturels et les méthodes
comparatives. Les observations contenues dans ce premier rapport sont donc soumises à
l’analyse et à la discussion, de sorte que, peu à peu, les méthodes s’affinent par l’échange
critique permanent et que nous puissions progressivement disposer d’un réseau
d’observateurs travaillant en même temps sur des outils d’observation de plus en plus
performants. Nous pourrons alors répondre à l’exigence ambitieuse impliquée par les
engagements de la Déclaration de Bamako.
Fribourg, le 10.11.06
Patrice Meyer-Bisch, rapporteur général
L’Observatoire a bénéficié des partenariats suivants :
•
Francophonie :
Délégation aux droits de l’homme
Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)
•
Département fédéral des affaires étrangères :
Direction du Développement et de la Coopération
Commission Suisse pour l’Unesco
•
Département de l’intérieur :
Secrétariat d’Etat à l’Education et à la Recherche
•
1
Province de Lombardie (Chaire Unesco de Bergamo)
Voir ci-dessous, introduction § 10.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 3
________________________________
1.
Introduction : les caractéristiques d’une observation générale………………………....4
2.
La méthode employée .................................................................................................6
3.
La situation des droits culturels : un changement de paradigme.................................7
4.
Les outils juridiques .....................................................................................................9
5.
L’alerte précoce et les indicateurs de qualité de l’espace public : le droit à
une information adéquate ..........................................................................................10
6.
La dimension culturelle de l’économie et le droit au patrimoine ................................11
7.
L’enjeu majeur de Bamako : la démocratisation des relations internationales ..........12
8.
Questions de méthode...............................................................................................12
9.
Propositions ...............................................................................................................13
10.
Liste des principaux correspondants et bibliographie indicative ................................15
10.1.
Les correspondants dans l’espace francophone ...............................................15
10.2.
Bibliographie indicative ......................................................................................17
11.
Documents de synthèse ............................................................................................18
11.1.
DS 1. Méthode éthique systémique pour l’évaluation d’un droit de l’homme ....19
11.2.
DS 2. Situation des droits culturels. Proposition d’argumentaire.......................20
11.3.
DS 3. Les droits culturels. Etat des lieux et liste de droits .................................23
11.4.
DS 4. Violations des droits culturels et non-respect de la diversité ...................25
11.5.
DS 5. Droits culturels et travailleurs migrants....................................................31
11.6.
DS 6. Prise de position sur la Résolution 2005/20 ............................................39
11.7.
DS 7. Promotion des droits culturels au sein du système des droits
de l'homme ........................................................................................................43
11.8.
DS 8. Le droit à une information adéquate: une responsabilité commune ........45
11.9.
DS 9. Le nœud culturel des libertés ..................................................................49
11.10. DS 10. Fonction des interdits fondateurs dans l’interprétation interculturelle
des droits à l’éducation et à l’information...........................................................54
11.11. DS 11. L’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels, fins et
moyens du développement................................................................................60
11.12. DS 12. Principes d’éthique de la coopération internationale évaluée
selon l’effectivité des droits de l'homme. Document de Bergamo .....................65
11.13. DS 13. Les indicateurs du droit à l’éducation de base au Burkina Faso ...........71
11.14. DS 14. Le grenier à mots. Anthropologies des droits humains par les
étymologies comparées ....................................................................................72
12.
Observations par pays sur les violations et les bonnes pratiques concernant la
diversité et les droits culturels (en annexe) .......................................................77
13.
Le grenier à mots. Recueils de mots par langues (en annexe) .................................77
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 4
________________________________
1. INTRODUCTION :
LES
CARACTERISTIQUES
D’UNE
OBSERVATION
GENERALE
§1. Une ligne originale et transversale.
Les droits culturels sont encore trop peu connus, de sorte que nous ne disposons pas d’une
doctrine assez claire sur leur nature au sein du système des droits de l'homme. L’importance
récemment accordée au respect de la diversité culturelle nous a conduit à comprendre le
rapport étroit qui lie diversité et droits culturels2. Plus que pour les autres droits de l'homme,
les droits culturels traversent des secteurs souvent cloisonnés dans les administrations
nationales et internationales, à savoir : la culture, l’éducation, l’information. Si on ajoute que
l’élucidation des droits culturels permet de mieux comprendre l’importance de la dimension
culturelle des autres droits de l'homme, le défi est plus grand encore. On peut penser, en
premier lieu, à la dimension culturelle des droits économiques et aux enjeux de l’économie
de la culture, le secteur qui a révélé au monde l’importance de la diversité culturelle. Le
principe de l’indivisibilité des droits de l'homme interdit toute approche cloisonnée. Mais à
l’inverse, si on veut ne pas tomber dans un holisme qui ne permet pas de distinguer les
articulations concrètes, il est essentiel d’observer et d’analyser les caractéristiques de la
ligne culturelle, fondamentale pour la paix et le développement, et transversale Devant
toutes ses difficultés, les travaux de l’Observatoire accordent une priorité aux questions de
méthodologie qui doivent, en fin de compte, permettre de construire des outils efficaces.
§2. Les points forts de Bamako : l’observation de la démocratie et la démocratisation des
relations internationales
Un système d’observation de la démocratie suppose, selon la Déclaration de Bamako (3,7)
que soient pris en compte tous les droits de l'homme, en particulier pour les plus démunis, et
selon la déclaration de Cotonou qu’une vision concertée et cohérente de la diversité
culturelle soit adoptée. Observer la démocratie ne se réduit pas à l’observation des élections,
du multipartisme et de quelques droits civils, en particulier les libertés publiques. La
Déclaration de Bamako met en outre l’accent, dans le même §, sur la démocratisation des
relations internationales, ce qui est à la fois le fondement politique d’un système international
d’observation et montre qu’il n’est plus possible d’accepter une cloison entre les dimensions
internes et externes de la démocratie. Dans cette ‘perspective, l’observation du respect de la
diversité et des droits culturels permet d’identifier très en amont :
•
•
•
les facteurs de sécurité humaine, selon le principe de l’indivisibilité
les gaspillages, liés à une méconnaissance du caractère fondamental du facteur
culturel, tant pour les droits humains, la démocratie et la paix que pour le
développement
les injustices dans les relations internationales.
§3. Démocratie forte, ou participative
L’enjeu principal de ces observations est d’identifier :
2
Voir la table ronde de Tunis : Diversité et droits culturels (2002), Francophonie en collaboration avec
l’Institut arabe des droits de l'homme.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 5
________________________________
•
•
les violations concrètes dont souffrent les personnes, souvent parmi les plus pauvres
et qui les empêchent d’accéder à leurs autres droits de l'homme,
les facteurs qui empêchent, ou permettent, de passer d’une démocratie faible à une
démocratie forte (Barber, 2000), d’un système qui se repose essentiellement sur les
élections libres et le multipartisme à une véritable démocratie apte à recueillir et à
favoriser, au sein de son espace public, le savoir de chaque femme et de chaque
homme qui participent à une communauté politique souveraine. Nous voyons que les
démocraties faibles ne sont pas assez outillées pour lutter contre la pauvreté et
prévenir les conflits.
§4. La Déclaration et la Convention de l’UNESCO
Ces textes rejoignent la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle et son
plan d'action, selon laquelle la diversité culturelle est la richesse fondatrice de la démocratie,
dont la protection et le développement supposent la garantie des droits correspondants.
L’article 5 de la Déclaration prévoit la reconnaissance des droits culturels au sein des droits
humains. La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions
culturelles, adoptée cette année, rétrécit certes le domaine de la Déclaration, mais en
confirme l’orientation générale et constitue un instrument juridique au potentiel très
important. Celui-ci ne pourra ses tenir ses promesses que dans la mesure où il se dote d’un
système d’observation pertinent.
§5. Droits et diversité culturels
Les liens entre droit et diversité culturels se précisent de plus en plus.
• Le droit des droits de l'homme garantit l’approche universaliste qui seule permet le
recueil et la compréhension de la diversité.
• Chaque droit culturel est ainsi un moyen et une fin du respect de la diversité
culturelle. Chaque femme et chaque homme dont les droits sont respectés est luimême acteur de diversité ; il est porteur de ses liens aux patrimoines et témoin des
libertés par lesquelles il est possible de se nourrir de plusieurs traditions et domaines
culturels.
§6. Violation des droits et atteinte à la diversité
Il est important d’analyser dans chaque cas les liens entre la portée directe d’une violation
sur l’effectivité des droits des personnes, et la portée indirecte sur le maintien et la
valorisation de la diversité, et réciproquement : des atteintes à la diversité conduisent
indirectement à la violation des droits culturels individuels. Nous pouvons ainsi croiser une
approche micro (le respect de chaque individu, selon la perspective des droits de l'homme)
et les approches meso et macro (le maintien de la richesse des systèmes).
§7. Importance des libertés culturelles
La perspective ouverte en 2004 par Le Rapport mondial sur le développement humain du
Programme mondial des Nations unies (PNUD) « La liberté culturelle dans un monde
diversifié »3 est extrêmement importante, car elle montre les « mythes » qui consistent à
considérer les cultures comme des totalités comparables, avec les stéréotypes qui
accompagnent cette habitude. La primauté des libertés individuelles y est affirmée et leur
rôle dans le développement est démontré. Les libertés culturelles ne sont plus considérées
3
Rapport mondial sur le développement humain du PNUD, « La liberté culturelle dans un monde
diversifié », Economica, 286p. ou http://hdr.undp.org/reports/global/2004/francais/
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 6
________________________________
comme un résultat ou un quatrième pilier du développement, mais au contraire comme un
facteur principal du développement défini, selon la logique d’Amartya Sen, comme une
augmentation des capacités de choix.
§8. Libertés, droits et responsabilités culturels
On peut se demander cependant pourquoi le rapport du PNUD 2004, si précis sur les
libertés, ne mentionne pas les droits. Il est difficile de concevoir les droits sans les libertés :
si les droits ne sont pas respectés, l’individu ne peut exercer ni ses libertés, ni ses
responsabilités. Dans le présent rapport nous considérerons ensemble les droits, liberté et
responsabilités culturels, comme on devrait aussi le faire systématiquement pour les autres
droits de l'homme.
2. LA METHODE EMPLOYEE
§9. Constitution du réseau d’observation
L’Observatoire s’est constitué en tant que réseau d’observation comprenant des instituts
membres du Réseau des Instituts francophones des droits de l'homme, de la paix et de la
démocratie, de personnes individuelles connues pour leur expérience et leur position de
témoins, d’autres instituts universitaires et enfin d’une plate forme d’ONG qui s’est constituée
auprès du Haut Commissariat des NU aux droits de l'homme, dans le but de promouvoir le
respect de la diversité et des droits culturels. Le réseau est devenu opérationnel au cours de
cette année et il est en extension.
§10. Méthode: les documents de synthèse
•
Documents de travail (DT). Une série de documents de travail ont été élaborés dans ce
groupe de concertation, ou sont en cours d’élaboration, dans le but de clarifier le concept
des droits culturels qui souffre encore de nombreuses ambiguïtés, et de proposer des
méthodes d’observation. Ils sont indiqués et numérotés sous l’appellation de Documents
de travail, dont la caractéristique est qu’ils fixent les domaines et l’orientation de
l’Observatoire, dans le moment présent.
• Documents de recherche (DR). D’autres documents sont issus des travaux de
recherche, colloques et groupes de travail, et proposent des hypothèses et des stratégies
de recherche. Ils sont indiqués et numérotés sous l’appellation de Documents de
recherche.
Ces deux types de documents sont appelés ci-dessous des documents de synthèse (DS) ;
ils sont conçus comme des outils pour la recherche.
•
Observations. Enfin les observations recueillies, qui sont ici réunies en deux annexes :
- Violations : observations par pays sur les violations et les bonnes pratiques
concernant la diversité et les droits culturels
- Grenier à mots : anthropologie des droits humains par les étymologies comparées
Tous ces documents sont évolutifs et représentent des moments dans le va-et-vient entre
l’analyse et l’observation, plus exactement l’observatoire est un aller-retour permanent entre
les auditoires et les laboratoires.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 7
________________________________
§11. L’observation est une priorité éthique
Observer les violations des droits culturels et les atteintes à la diversité, ainsi que, à l’inverse
les expériences positives, est une priorité à la fois éthique et méthodologique : il s’agit avant
tout de prendre en compte les capacités – douleur et richesse - des femmes et des hommes
dans la diversité des situations. Observer un droit culturel, c’est commencer à le respecter,
puisque c’est d’abord donner la parole aux femmes et aux hommes qui en sont les acteurs
ou les victimes de leurs violations. C’est une mise en œuvre du droit à l’information
adéquate.
Voir DS 1 : Méthode éthique systémique pour l’évaluation d’un droit de l’homme
§12. Observer un droit de l’homme
Nous nous trouvons en face d’une difficulté de méthode. Il n’est pas facile de mesurer des
valeurs et des droits humains. Nous savons mesurer des résultats, mais il s’agit maintenant
de forger des indicateurs aptes à évaluer l’effectivité de droits de l'homme, liés entre eux
dans des milieux complexes. L’hypothèse est que l’observation et l’évaluation des droits
culturels est une clé nécessaire à l’observation et l’évaluation des autres droits humains.
§13. Les programmes de l’Observatoire
Il n’est pas possible de recueillir des observations sans une activité constante d’analyse et
de concertation entre les personnes interrogées, les observateurs, les ONG, les instituts de
recherche, ainsi que des analystes externes. L’Observatoire se dote ainsi d’auditoires, dont
le but est de réfléchir aux concepts fondamentaux et aux stratégies de recherche.
Les programmes actuels de l’observatoire sont les suivants.
• L’élucidation des normes dans le domaine des droits culturels au sein du système
des droits de l'homme (DS 3)
• Le recueil des anthropologies comparées : le grenier à mots (DS 14)
Ces deux programmes sont complétés par une recherche fondamentale intégrée au
réseau « droits fondamentaux » de l’AUF, sous le titre : Fonction des droits culturels
dans la garantie du respect de la diversité culturelle et dans l’effectivité de l’ensemble
des droits de l'homme au sein des processus de mondialisation.
• Droits à l’éducation et à l’information interculturels (DS 8 et DS 10). Ce programme
consiste à mettre en évidence le couple stratégique que représentent ces deux droits
jumeaux, d’une façon générale pour mieux comprendre le droit à une information
adéquate (DS 8) et plus spécifiquement dans le dialogue interculturel et interreligieux.
Il s’agit notamment d’interpréter le couple interdit / liberté, les interdits fondateurs de
libertés, dans le domaine culturel et plus particulièrement religieux (DS 9 et DS 10)
• L’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels, fins et moyens du
développement, et leurs indicateurs (DS 11).
3. LA SITUATION DES DROITS CULTURELS : UN CHANGEMENT DE PARADIGME
§14. Le flou des droits culturels
Les droits culturels sont grevés d’une quantité d’ambiguïtés : ils sont souvent opposés aux
droits de l'homme, comme relevant d’une logique collective et relativiste. S’il est vrai que des
groupes les ont revendiqués dans cette optique, rien ne permet, en doctrine, de les traiter en
dehors du système des droits de l'homme, comme des droits individuels universels. Bien au
contraire le sous-développement de ces droits est un déficit pour l’interprétation et pour la
mise en œuvre de l’ensemble indivisible.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 8
________________________________
Voir DS 2 : Situation des droits culturels. Proposition d’argumentaire.
§15. Un changement de paradigme
La diversité et les droits culturels ne peuvent plus être compris seulement comme un secteur
longtemps négligé, et qui doit à présent devenir un secteur social parmi les autres. Nos
observations vont dans le sens d’un changement de paradigme : le respect de la diversité et
des droits culturels est la condition d’un « effet de levier » essentiel dans les trois axes de la
paix, de la pauvreté et du développement. Permettant aux personnes et aux collectivités de
s’appuyer sur les patrimoines et ressources de savoir disponibles, ce respect et
développement est la première condition à considérer dans ces trois axes.
§16. Les trois axes
Plus précisément, le caractère fondamental des droits culturels se démontre – c’est l’enjeu
principal de l’Observatoire – dans les rapports avec la paix, la pauvreté et le développement
durable:
• La paix : la violence est provoquée et développée, non par la pauvreté, mais par des
humiliations, massives et répétées, des atteintes brutales à l’identité
• La pauvreté : un homme dont les droits culturels sont gravement violés n’a accès à
aucune capacité, il est condamné à demeurer dans la pauvreté
• Le développement intégré: la culture a une fonction d’intégration des diverses
dimensions sociales, elle n’est donc pas un 4ème pilier du développement, mais son
principal facteur, celui qui établit le capital de confiance nécessaire au développement
économique, aussi bien que politique : elle est le principal facteur de développement
intégré, et par conséquent, durable.
EX. Développement intégré : un exemple au Bénin
Une ONG de peules au Nord Bénin Potal Men fait un travail exemplaire : elle lie
alphabétisation, développement local et environnement. Ses membres ont réussi à
créer un parc naturel préservé avec l'accord des populations tri-ethniques
environnantes: le ciment est le respect et la conscience de la valeur de la
pharmacopée traditionnelle. Les tradipraticiens, quelle que soit leur culture, veulent
continuer à avoir accès à leur source de médicaments! (communication de Claude
Dalbera). www.natitingou.org
§17. L’enjeu catégoriel : droits de l’enfant, des minorités, droits des femmes, des migrants
S’il est vrai que les droits culturels se sont d’abord développés dans le contexte des droits
des personnes appartenant à des minorités ou à des peuples autochtones, au risque
d’occulter leur universalité, il nous paraît pertinent – tant du point de vue de l’interprétation
que de la mise en œuvre - de déceler leur importance particulière pour les droits des
personnes en situation vulnérable (« droit catégoriel »)
• Droits des minorités : celles-ci ne sont plus considérées dans un rapport minoritaire,
mais comme des communautés culturelles, dont le respect est nécessaire à l’exercice
des droits culturels des individus ;
• Droits de l’enfant : la violation des droits de l’enfant entraîne presque toujours une
atteinte grave à ses droits culturels, notamment le droit à l’éducation, dans la famille et
dans l’école ;
• Droits des femmes : la distinction en genres est en bonne partie culturelle, les atteintes
aux droits des femmes tirent souvent prétexte de traditions culturelles ; par ailleurs les
femmes sont souvent considérées comme celles qui transmettent l’essentiel de l’héritage
culturel ;
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 9
________________________________
•
Droits des migrants : il est clair que l’accueil des migrants n’est digne que dans la
mesure où il prend en compte l’identité culturelle de ces personnes, pour leur bien,
comme pour celui de la communauté d’accueil.
4. LES OUTILS JURIDIQUES
§ 18. Etat des lieux
Les droits culturels restent dispersés dans les instruments actuels, et il est nécessaire de les
présenter de façon synthétique, afin de s’appuyer sur les acquis, tant au niveau universel
que régional, pour identifier les droits, ou dimensions culturelles des droits qui ne sont pas
encore assez définis actuellement. Sans ce progrès dans la définition des normes, la
protection de la diversité culturelle restera aléatoire, et le système des droits humains restera
partiel et manipulable.
§19. Projet de Déclaration des droits culturels
Un groupe de travail a repris le projet de Déclaration des droits culturels que le groupe de
Fribourg avait publié en 1998 en collaboration avec l’UNESCO, et est en train de le réviser,
de l’adapter au nouveau contexte. Ce texte devrait servir d’instrument de clarification, à la
fois sur le contenu de ces droits et sur leurs rapports avec les autres droits humains dans le
cadre des instruments existants. C’est aussi un outil de travail synthétique pour recueillir les
observations.
Voir DS 3 : Les droits culturels : état des lieux et liste de droits.
§20. Une procédure spéciale à la Commission des droits de l'homme ?
La plate-forme d’ONG liée à l’Observatoire a pris une position sur la Résolution 2005/20 de
la Commission des droits de l'homme : « Promotion de la jouissance effective des droits
culturels pour tous et respect des différentes identités culturelles » (14 avril 2005).
Voir DS 6 : Prise de position sur la Résolution 2005/20 de la Commission des droits de
l’homme
Le groupe de travail qui lie les ONG à l’Observatoire a été partenaire du Haut Commissariat
des NU aux droits de l'homme pour la tenue d’un séminaire, le 26 octobre à Genève, dont le
but fut de répondre à la consultation que requiert cette résolution, et notamment de faire une
nouvelle proposition de mandat pour un expert indépendant. Les résultats du séminaire ont
montré qu’il était opportun de réaliser une étape intermédiaire : une demande auprès des
rapporteurs spéciaux les plus concernés, de préciser les dimensions culturelles de leurs
observations.
Voir DS 7 : Promotion des droits culturels au sein du système des droits de l'homme
§21. Le projet de Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur le droit au patrimoine
Il faut noter une évolution intéressante dans les travaux du Conseil de l’Europe sur le
passage de conventions techniques relatives aux droits du patrimoine à la protection du droit
au patrimoine : le projet de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du
patrimoine culturel pour la société (STCE no° : 199 est actuellement en consultation. JeanBernard Marie et Patrice Meyer-Bisch ont contribué à sa rédaction.
Le site sur lequel on trouve le commentaire explicatif et l'état des ratifications:
http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/QueVoulezVous.asp?NT=199&CM=8&DF=01/12/
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 10
________________________________
2005&CL=FRE
§22. Le suivi de la Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle
Dans tous les efforts pour clarifier la nature et la fonction des droits culturels, il convient de
définir rigoureusement et systématiquement les liens entre protection / valorisation de la
diversité culturelle et mise en œuvre des droits culturels.
Il convient de remarquer que dans plusieurs pays francophones, notamment le Canada et la
Suisse, les acteurs de la société civile se sont rassemblés, en accord avec les services
publics compétents pour prendre part au processus d’élaboration de cette Convention. C’est
un gage de réussite. Les acteurs culturels se constituent à présent en coalition pour assurer
l’application effective de l’instrument juridique. Le Comité International des Coalitions pour la
diversité culturelle (CIL) fédère actuellement un grand nombre de coalitions nationales, dont
13 sont dans les pays francophones.
http://www.coalitionfrancaise.org/cil/index.php?r=cil&sr=
5. L’ALERTE PRECOCE ET LES INDICATEURS DE QUALITE
PUBLIC : LE DROIT A UNE INFORMATION ADEQUATE
DE L’ESPACE
§23. L’alerte précoce et les violations alarmantes
Par la Déclaration de Bamako (§5), les Etats prennent l’engagement d’instaurer une
évaluation permanente des pratiques de la démocratie, dans le but notamment de contribuer
à la mise en place d’un système d’alerte précoce. Or l’expérience montre qu’on connaît le
plus souvent les régions à risque, qu’il s’agisse de guerre, de violences internes, de faim, de
mort par maladie ou de pollution. La même déclaration prévoit des mécanismes
d’intervention par les Etats membres lors de violations graves (§5,2) ou massives (§5,3),
reprenant ici les expressions usuelles. Mais lorsque que la violence s’est répandue et se
déchaîne, il est bien tard pour intervenir. C’est pourquoi, la volonté légitime de déclencher
des mécanismes d’alerte précoce nous conduit à proposer de démarquer les « violations
alarmantes » : celles qui dénaturent la qualité de l’espace public, celles qui inversent sa
fonction de clarification et recueil de la diversité pour le transformer en appareil producteur
d’amalgames. Ces violations sont relativement claires, elles peuvent être combattues de
façon internationale et transnationale, ainsi que cela se fait déjà partiellement par l’interdit
légal des appels au racisme, à la haine et à toutes les formes de discrimination. Il s’agit
d’évaluer l’effectivité de cet interdit. Il est encore possible d’arrêter la violence au moment où
le mensonge fait couler l’encre mais pas encore le sang.
Voir DS 11 : L’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels, fins et moyens du
développement.
§24. Le lien entre les droits à l’éducation et à l’information
Parmi les droits culturels, la connexion entre les droits à la formation (éducation) et à
l’information revêt une importance stratégique particulière, car elle assure un facteur
essentiel de progrès démocratique. L’hypothèse est que ce couple de droits permet de
construire des indicateurs et d’identifier des processus déterminant des dynamiques de
démocratisation permettant d’évaluer la qualité d’un espace public par son degré
d’intolérance à l’égard du mensonge et des différents types de désinformation.
Voir DS 10 : Fonction des interdits fondateurs dans l’interprétation interculturelle des droits à
l’éducation et à l’information.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 11
________________________________
§25. Le dialogue interculturel et interreligieux
Une méthodologie du dialogue interculturel et interreligieux a pu être ébauchée sur cette
base, et a fait l’objet d’un colloque à Fribourg les 12-13 décembre 05. La méthode qui
consiste à prendre les « interdits fondateurs » comme base du dialogue interculturel,
proposée au colloque de Bucarest en 2004 a été confirmée, mais demande à être
approfondie, théoriquement et pratiquement.
§26. Indicateurs de qualité de l’espace public
Sur cette base, il serait extrêmement important de mettre en place un système d’indicateurs
et d’observation de la qualité de l’espace public, qui puisse, notamment, dénoncer les
différents types de mensonge, de désinformation.
Voir DS 10, ° 12 – 15.
A titre d’exemple, on peut relever la récente déclaration du SG des NU concernant le peu de
fiabilité des déclarations publiques et très médiatisées de nombre d’Etats concernant leurs
engagements financiers dans le cadre des campagnes humanitaire de première importance.
6. LA DIMENSION CULTURELLE DE L’ECONOMIE ET LE DROIT AU PATRIMOINE
§27. L’économie de la culture
Les enjeux mis en lumière notamment par le projet de Convention de l’UNESCO sur la
protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques ont révélé le
caractère ultra-sensible de tout ce qui touche aux industries culturelles et à l’économie des
biens culturels au sens classique. Il est essentiel cependant de ne pas en rester au sens
étroit de la culture et de considérer la dimension culturelle de l’ensemble des biens. C’est
toute une nouvelle culture de l’économie qui est en cause dans l’économie de la culture. Les
analyses sur l’économie de la science et de l’éducation, intégrant la valeur de diversité sont
significatives, mais cela concerne aussi, par exemple, l’économie de l’alimentaire, du
logement, de la santé, de l’habillement. Il s’agit ici de la dimension culturelle des droits
humains concernés.
§28. Le droit au patrimoine, Les droits culturels et le développement
Dans les analyses sur la pauvreté, et sur l’aide à la démocratisation, il est essentiel de ne
pas considérer les droits de l'homme comme un secteur parmi d’autres à protéger, mais
comme les fins et moyens du développement. Dans cette perspective leur respect est
primordial dans les relations internationales, et les droits culturels jouent un rôle spécifique à
la fois comme premiers facteurs du développement, et comme facteurs d’intégration des
différentes dimensions du développement.
Voir DS 11 : L’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels, fins et moyens du
développement.
§29. Le patrimoine linguistique (Grenier à mots)
La richesse anthropologique contenue dans la diversité des langues est un patrimoine
culturel commun trop peu exploité, notamment dans le domaine des droits humains. A partir
des mots principaux qui constituent les droits humains, nous voulons recueillir et comparer
une grande diversité de compréhensions afin d’approfondir l’universalité de notre patrimoine
commun. Le mépris de la diversité linguistique est lié au mépris de la langue en général,
considérée plus comme un véhicule que comme un lieu de formation des idées et des
pratiques, un milieu de communication spécifique.
Voir DS 14 : Grenier à mots.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 12
________________________________
Nous avons actuellement trois rapports en cours d’analyse, et environ six rapports qui
devraient nous parvenir au printemps 2006. Sur cette base, nous pourrons tirer des
premières conclusions et améliorer la méthodologie
Voir Annexe : Recueil de mots par langues. Grenier à mots, Anthropologies des droits
humains par les étymologies comparées
§30. Situation des migrants et des personnes appartenant à des minorités
Si la clarification des droits culturels permet de sortir des « pièges » des droits collectifs
souvent liés aux revendications des minorités populations autochtones et migrantes, il n’en
reste pas moins que les droits de ces personnes en situation culturellement vulnérables
demandent des protections spécifiques (il ne peut y avoir concurrence entre le régime
universel et la protection catégorielle). En outre, le cas de ces violations est particulièrement
instructif et mérite d’être spécialement observé. La récente Convention sur les droits des
travailleurs migrants est à cet égard un instrument important. On notera le rôle important de
la plate forme d’ONG constituée sur ce thème.
Voir Bamako, partie D. Pour une culture démocratique intériorisée et le plein respect des
droits de l'homme.
Voir DS 5 : Droits culturels et travailleurs migrants
7. L’ENJEU
MAJEUR DE
BAMAKO :
LA DEMOCRATISATION DES RELATIONS
INTERNATIONALES
§31. La démocratisation des relations internationales
Une des originalités de la Déclaration de Bamako (Conclusion du chapitre 4) est de
promouvoir la démocratisation des relations internationales. Notre hypothèse est que la
garantie internationale des droits culturels peut, seule, permettre le respect des autonomies
nationales, et la vérité dans les échanges entre nations, fondés sur l’effectivité de l’ensemble
des droits de l'homme.
Voir DS 12 : Principes d’éthique de la coopération internationale évaluée selon l’effectivité
des droits de l'homme
Un groupe de travail s’est constitué sur la base de ce texte, impliquant des étudiants italiens,
français et suisses, dont l’objectif est de traduire ces principes en indicateurs et d‘analyser
sous cet angle les organes nationaux de coopération (actuellement, la France, l’UE et
l’Espagne)
8. QUESTIONS DE METHODE
§32. Les interdits fondateurs et l’universalité
Les interdits fondateurs délimitent à la fois un seuil en-deça duquel il n’est pas possible de
descendre sans rompre le lien social, et à la fois un idéal vers lequel il convient d’aller. Cette
méthode a traversé tous nos travaux, et nous pensons notamment la vérifier dans le
programme « grenier à mots ». Les interdits sont définis dans chaque culture et en même
temps ils établissent des règles d’universalité, c’est pourquoi ils représentent les lieux
méthodologiques essentiels. Corollairement, ils permettent d’échapper à la prétention de
définir d’une façon positive universelle la dignité humaine.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 13
________________________________
§33. Les antinomies de valeurs
On ne mesure pas des « différences » culturelles par des valeurs, mais par des façons
diverses d’interpréter les antinomies de valeurs. En fait d’art, il s’agit d’une technique
ascendante très coûteuse : l’universel se trouve dans les contradictions inhérentes à chaque
culture. Par exemple, les relations hommes / femmes, individus / communautés, enfants /
adultes, individus / environnement, individus / animaux, sont des oppositions nécessairement
universelles auxquelles chaque création de culture tente de répondre. Considérer qu’une
culture est dominée par l’individualisme alors qu’une autre l’est par la solidarité ou la
communauté relève d’une impossibilité : toute culture est confrontée à cette antinomie et, sui
elle prétendait ne réaliser qu’un des deux pôles, elle ne survivrait pas. Chaque culture est
une réponse singulière à ces tensions dialectiques. L’universalité n’est pas le plus petit
dénominateur commun, elle est le défi commun, celui de cultiver la condition humaine par un
travail sur nos contradictions communes. Nous avons bien besoin de sauvegarder la
diversité des réponses, pour tenter d’augmenter notre savoir.
9. PROPOSITIONS DE STRATEGIES
§34. Coordination du système d’observation francophone
Il conviendrait de renforcer la coordination des observations au sein des réseaux
institutionnels de l’OIF ; nous aurions ainsi des observations spécifiques par domaines ou
par professions. A titre d’exemple, la responsabilité des villes dans le domaine du respect et
de la promotion de la diversité et des droits culturels est essentielle, il serait opportun de
proposer ce thème à l’Association des maires francophones.
§35. Recherche des observatoires par profession
Outre cette base, nous pourrions chercher systématiquement les exemples d’observatoires
par profession. Il existe, par exemple au Sénégal un observatoire des enseignants des
universités, grâce auquel on a constaté une diminution du taux d’absentéisme des
enseignants. Il existe aussi des observatoires de la presse. Il est nécessaire, en effet de
focaliser une partie de la recherche sur les professionnels particulièrement chargés du
respect et de la promotion des droits culturels.
§36. Liens avec l’UNESCO
Dans le cadre de l’application de la Convention de l’UNESCO, il est essentiel d’assurer la
coordination et éventuellement la répartition des tâches dans les mécanismes et réseaux
d’observation. D’une façon plus large, il est important de confier une mission d’informations à
divers partenaires de l’UNESCO spécialement bien placés, notamment aux réseaux de
chaires UNESCO.
§37. Liens avec le Haut Commissariat et les autres OIG concernant l’élaboration
d’indicateurs
Il est essentiel de travailler en synergie sur l’élaboration d’indicateurs des droits de l'homme
qui tiennent compte de l’ensemble des dimensions, selon le principe de l’indivisibilité et de
l’interdépendance. De nombreuses recherches sont en cours, en particulier sur la pauvreté.
Il nous paraît qu’il serait plus judicieux de prendre comme objectif la mesure de l’effectivité
de chaque droit humain. L’évaluation des droits culturels jouera alors un rôle transversal
important. Sans cette recherche systématique, la société ne pourra pas avancer beaucoup
sur la protection multidimensionnelle de la sécurité humaine.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 14
________________________________
§38. Dégager plusieurs observations pilotes (projets phares) : grenier à mots
Au fur et à mesure de l’avancée des travaux et des connexions avec d’autres équipes, il sera
opportun de dégager des observations pilotes sur des sujets sensibles qui peuvent avoir une
valeur heuristique pour l’ensemble du domaine. Notre projet « grenier à mots » va en ce
sens. Chaque projet phare, lui-même réalisé en réseau, joue le rôle d’auditoire et de
laboratoire.
Voir DS 14 : Le grenier à mots
§39. Procédure spéciale aux NU
S’il est important de promouvoir à la Commission des droits de l'homme une procédure
spéciale concernant la protection de la diversité et des droits culturels, il n’en demeure pas
moins que cette protection est transversale par rapport à l’ensemble des organes de
contrôles des NU, et dépend donc des projets de réforme en cours, notamment de la
cohérence entre les 7 (bientôt 8 ?) Comités. Cette cohérence (un seul rapport avec parties
variées) constituerait un point central de référence dans la démocratisation des relations
internationales et dans l’effectivité de l’ensemble des droits humains.
Voir DS 12 : Principes d’éthique de la coopération internationale évaluée selon l’effectivité
des droits de l’homme
§40. Le développement d’un réseau d’observation renforce les acteurs engagés
Le développement de notre réseau d’observateurs a montré à quel point l’observation des
droits de l’homme est elle-même la mise en pratique d’un des droits de l’homme : le droit à
une information adéquate. Cela renforce la légitimité et la capacité des partenaires.
L’expérience la plus avancée, puisqu’elle a abouti à la création d’un instrument interactif
d’évaluation spécifique (un tableau d’indicateurs), pourra déboucher sur la création d’un
observatoire burkinabé du droit à l’éducation. Cette recherche a déjà visibilisé le secteur non
formel et légitimé son action, et a montré la nécessité de réaliser la meilleure synergie entre
les deux systèmes, formel et non formel. Le système d’observation que nous mettons en
place a ainsi un effet multiplicateur.
§41. Nécessité d’assurer la continuité du développement des réseaux d’observation
La mise en place d’un réseau d’observateurs demande du temps, car il faut trouver les
bonnes personnes aux bons endroits, apprendre à travailler ensemble, en tenant compte des
difficultés géographiques et du défi des différences institutionnelles et culturelles, puis
adapter les méthodologies communes, et formuler les hypothèses qui permettront de mieux
déceler les situations qui, sur le terrain, sont les plus significatives.
§42. Développement géographique
Il est essentiel pour la qualité de l’observation et l’implication des acteurs de la Francophonie
de développer le réseau dans des pays de l’espace francophone sont peu représentés
(l’Europe centrale et orientale) ou pas encore : l’Asie.
§43. Développement par secteurs
Dans le même temps, il est nécessaire, en s’appuyant sur l’acquis, de développer une
réflexion continue dans les secteurs étudiés (l’éducation notamment) et d’en développer
d’autres, en particulier le droit à l’information. Il s’agit d’assurer peu à peu la complémentarité
nécessaire entre les fonctions d’observatoire, d’auditoire et de laboratoire de méthodologies
et de propositions.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 15
________________________________
10. LISTE DES PRINCIPAUX CORRESPONDANTS ET BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
10.1. Les correspondants dans l’espace francophone
Correspondant
Institution
Contact
BACCOUCHE Taïeb
Institut arabe des
l’homme, Tunis
BIDAULT Mylène
Haut Commissariat des Nations
Unies aux droits de l'homme,
Genève
[email protected]
BOURKE-MARTIGNONI Joanna
Université de Fribourg, Australie
et Suisse
[email protected]
CIACHIR Lilian
Chair UNESCO
Roumanie
[email protected]
COULIBALY Kassoum
UNESCO Bamako, Mali
droits
de
de
Bucarest,
[email protected]
[email protected]
[email protected]
DAFF Moussa
Université
Sénégal
Cheik
Anta
Diop,
[email protected]
DALBERA Claude
APENF, Ouagadougou, Burkina
Faso
[email protected]
DECAUX Emmanuel
Université de Paris 2
[email protected]
FERNANDEZ Alfred
OIDEL, Genève
[email protected]
GAKUBA Théogène
Université de Lausanne, travaille
sur le Rwanda
[email protected]
HAUSER Martin
Chaire UNESCO pour le dialogue
interculturel et interreligieux,
Bucarest et Suisse
[email protected]
LAMARCHE Lucie
Université de Québec à Montréal,
Canada
[email protected]
MARIE Jean-Bernard
CNRS, Strasbourg, France
[email protected]
MUPHTAH Ehmedi
Consultation
en
éducation,
UNESCO Bamako, Mali
[email protected]
NIAMEOGO Anatole
APENF, Burkina Faso
[email protected]
OBANDA Simon
Université de Rennes, travaille sur
le Congo Brazzaville
[email protected]
PETROTCHENKO Oleissa
Université de Fribourg, travaille
sur l’Ukraine et la Russie
[email protected]
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 16
________________________________
SOW Abdoulaye
Département des sciences sociales,
Université
de
Nouakchott,
Mauritanie
[email protected]
SUTEU Corina
ECUMEST, Roumanie
[email protected]
TOPANOU Victor
Chaire UNESCO de l’Université
d’Abomey Calavi, Cotonou, Bénin
[email protected]
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 17
________________________________
10.2. Bibliographie indicative
Ouvrages cités
ABOU, S., 1992, Cultures et droits de l'homme, Paris, Hachette, Pluriel.
-
1995, (1ère éd.1981), L'identité culturelle, Paris, Anthropos.
ARENDT, H., 1972, La crise de la culture, Paris, Gallimard (Folio, essais).
ARIZPE, L. (ss. la dir. de), 1998, Rapport mondial sur la culture. Culture, créativité et marchés, Paris,
UNESCO.
BARBER, B. R., 1997, Démocratie forte, Desclée de Brouwer (Strong Democracy, 1984, University
of California Press).
BENHAMOU, F., 1996, L'économie de la culture, Paris, La découverte (Repères).
BORGHI M. et MEYER-BISCH P. (éds.), 2001. La pierre angulaire. Le «flou crucial» des droits
culturels, Fribourg , Editions Universitaires (interdisciplinaire).
COMMISSION MONDIALE DE LA CULTURE ET DU DÉVELOPPEMENT, 1996, Notre diversité
créatrice, Paris, UNESCO.
FIZE, M., 2004, Les interdits, fondements de la liberté, Paris, Presses de la renaissance.
GROSSER, A., 1996, Les identités difficiles, Paris, Presses de sciences po.
HABERMAS,J., 1993, L'espace public, Paris, Payot (Strukturwandel der Öffentlichkeit, Luchterhand,
1962).
1997, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, Essais (Faktizität und
Geltung. Beiträge zur Diskurstheorie des Rechts und des demokratischen Rechtsstaats,
Frankfurt, Suhrkamp, 1992).
KYMLICKA, W., 1995, Multicultural Citizenship, New York, Oxford University Press. Traduction
française: 2001, La citoyenneté multiculturelle. Une théorie libérale du droit des minorités,
Paris, La Découverte.
MEYER-BISCH, P, 1994, L'Etat de droit au service des identités culturelles in Revue internationale
de politique comparée, Vol. 1, No 3, p. 441-453, Bruxelles, De Boeck.
-
1996, La notion de démocratisation au regard des droits culturels, in Hermès 19, Paris,
Ed. du CNRS, pp. 241-264.
-
1998 (Dir. Pub.), Les droits culturels, projet de déclaration, Paris/Fribourg,
UNESCO/Editions universitaires.
ORGANISATION INTERNAITONALE DE LA FRANCOPHONIE, 2002, Diversité et droits
culturels, Préf. De B.-B. Ghali. Paris, Organisation Internationale de la Francophonie.
PNUD (PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT), 2000, Rapport
mondial sur le développement humain. Droits de l’homme et développement humain, New
York, Paris, Bruxelles, Nations Unies, De Boeck.
2002, Rapport mondial sur le développement humain 2002, Approfondir la démocratie dans
un monde fragmenté, Bruxelles, De Boeck.
2004, Rapport mondial sur le développement humain 2004. La liberté culturelle dans un monde
diversifié, Paris, Economica.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 18
________________________________
SEN, A, 2000b, Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, Paris, Odile Jacob
(Development as Freedom, 1999).
WRESINSKI, J., 1995, Quart Monde et culture, in Se relier: une culture en ouvrage, revue Quart
Monde N0 156, déc. 1995: p. 8-16. Repris du livre Culture et pauvretés, Paris, 1988. La
Documentation française.
1989, Les plus pauvres, révélateurs de l'indivisibilité des Droits de l'homme, in Commission
nationale consultative des droits de l'homme, Les droits de l'homme en question, Livre
blanc, Paris, La documentation française. Réédité en 1998, Paris, Ed. Quart monde
-
2004, Culture et grande pauvreté, Paris, Ed. Quart monde.
Ouvrages publiés par l’IIEDH et ses partenaires en 2005
•
IIEDH /APENF (EDS.), La mesure du droit à l’éducation, PARIS, Karthala
http://www.karthala.com/index.php
La version anglaise est prévue pour février, et sera éditée en Afrique du Sud:
African Publishers' Network (APNET).
•
Marie / Meyer-Bisch (eds.), Un nœud de libertés. Les seuils de la liberté
deconscience dans le domaine religieux, Genève/Zurich/Bâle, Bruxelles, 2005,
Schulthess / Bruylant.
•
Topanou (ed.) L’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels, Cotonou.
11. DOCUMENTS DE SYNTHESE (DS)
La composition des DS est expliquée ci-dessus dans l’introduction au § 10. Les versions anglaises se
trouvent sur notre site : http://www.unifr.ch/iiedh/droits-culturels/droits-culturels.htm
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 19
________________________________
11.1. DS 1. Méthode éthique systémique pour l’évaluation d’un droit de
l’homme
© IIEDH / APENF (ouvrage publié, voir bilbliographie)
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Effectivité. Le droit sélectionné est observé en vue de définir des obligations de
résultat et non pas seulement dans une perspective programmatique ; le résultat se
définit par l’effet réalisé (ou accomplissement) du droit (l’éducation, l’information,
l’alimentation, etc.).
La personne au centre. La personne – sujet du droit – est au centre : c’est
l’effectivité du droit de chaque personne qui est observée et ce sont les sujets de
droits qui sont appelés à participer, à titre individuel et collectif, à l’évaluation puis à la
responsabilité commune de mise en œuvre et d’interprétation.
Les capacités. L’observation d’un droit porte sur des valeurs associées à des
capacités individuelles et les capacités de réponse des institutions. Ces capacités,
selon l’esprit des Observations du Comité des droits économiques, sociaux et
culturels des NU, sont désignées par : l’acceptabilité, l’adaptabilité, la dotation
adéquate et l’accessibilité. Les indicateurs identifiés constituent un ensemble
systémique d’entrées et non une simple liste.
Continuité éthique. Dans le processus d’élaboration des indicateurs (collecte des
données, traitement et interprétation des résultats), la continuité de la boucle valeur –
indicateur – mesure – valeur est respectée.
Indivisibilité des droits. L’observation concrète, tout en portant sur un droit humain
précis (et non sur un phénomène d’ensemble comme le développement), identifie en
situation les connexions entre les droits, vérifiant les principes de l’indivisibilité et de
l’interdépendance.
Identification. Les acteurs principaux du système social concerné par l’effectivité de
ce droit sont identifiés et respectés dans leur diversité, incluant aussi bien les acteurs
publics, civils et privés, les secteurs formels et non formels.
Interaction. Les divers acteurs participent au processus d’observation : définition des
valeurs et indicateurs, collecte, traitement, interprétation et utilisation. Ils sont invités
à constituer un comité permanent de recherche et de pilotage.
Les trois conditions de réussite à réunir sont :
• une conception cohérente du droit au sein d’une logique de développement
intégré ;
• une demande sociale et politique ;
• des partenaires prêts à collaborer et à s’engager sur la durée, en un groupe de
recherche et de pilotage permanent.
11.2. DS 2. Situation des droits culturels. Proposition d’argumentaire
pour la plate forme d’ONG sur la diversité et les droits culturels
Version du 2 mai 05
Un groupe de concertation d’ONG (plate forme ou CAUCUS), désireuses de promouvoir la
protection de la diversité et des droits culturels, s’est constitué en janvier 2005 en lien avec
l’Observatoire de la diversité et des droits culturels4. Celui-ci fut créé en 2004 par le Groupe
de recherche sur les droits culturels de Fribourg ; c’est un réseau organisé et extensif de
recherche, d'observation, d'action et de formation ; il rassemble diverses institutions et ONG.
Il poursuit les travaux du « Groupe de Fribourg » auprès du Conseil de l’Europe, de
l’UNESCO concernant la définition des droits culturels(1991 – 2000), puis l’élaboration de la
Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (2000 – 2001) et du projet de
convention; il contribue depuis 2002 aux processus d'observation des droits de l'homme et
de la démocratie mis en place par l'Organisation internationale de la Francophonie.
I. Définition des droits culturels
1. Lien entre diversité et droits culturels
Alors que les cultures ont été souvent perçues par le passé comme des freins au progrès et
à l’universalité, la communauté internationale a pris conscience que la diversité culturelle est
une ressource inestimable pour :
•
•
•
•
la mise en œuvre effective et universelle de l’ensemble des droits de l’homme
le respect des identités et des droits culturels mis en danger par l’homogénéisation
liée à la mondialisation
la prévention des conflits et la restauration de la paix
la mise en capacité (empowerment) des acteurs du développement durable et
équitable.
Le renforcement des droits culturels dans le système des droits de l'homme permet à la fois
une protection accrue des droits et libertés individuels et constitue une condition nécessaire
à la préservation du capital que constitue la diversité culturelle5.
2. Nature des droits culturels
4
5
http://www.unifr.ch/iiedh/ Voir la « Contribution d’ONG participant à l’Observatoire de la diversité et
des droits culturels sur la possibilité de mettre en place une procédure thématique sur la diversité et
les droits culturels » dans le cadre du suivi de la Résolution 2004/20 de la Commission des droits de
l'homme.
C’est pourquoi la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle les mentionne
(« Cadre propice à la diversité culturelle » : Art. 5) et son Plan d’action définit comme objectif (§ 4) :
« Avancer dans la compréhension et la clarification du contenu des droits culturels, en tant que
partie intégrante des droits de l'homme. »
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 21
________________________________
Une clarification de leurs définitions au sein du système des droits de l'homme, ainsi que de
la nature et des conséquences de leurs violations, est le meilleur moyen d’empêcher qu’ils
soient :
•
utilisés en faveur d’un relativisme culturel, allant à l’encontre de l’universalité des
droits de l’homme,
• prétexte à dresser des communautés, voire des peuples entiers, les uns contre les
autres.
Les droits culturels ont été souvent présentés en opposition ou à côté des droits de l'homme,
alors qu’ils en sont partie intégrante conformément au principe d’indivisibilité. Au niveau
universel, ils sont actuellement, et pour l’essentiel, compris dans le droit de participer à la vie
culturelle6 et dans le droit à l’éducation7. Il faut ajouter à cela les dimensions culturelles des
libertés classiques8. Or si ces derniers droits et libertés font l’objet de procédures
thématiques, il n’en est pas de même pour le droit de participer à la vie culturelle qui en est
pourtant un dénominateur commun9. Le droit au respect des identités, implicitement contenu
dans le droit à la non-discrimination, et l’ensemble des droits et libertés des individus de
participer à la vie culturelle, demandent à être explicités. La cohérence des droits culturels,
tiraillés entre droits civils et politiques, droits économiques et sociaux, et droits des minorités,
n’est pas suffisante : leur définition est émiettée. C’est un vide dans la protection d’ensemble
des droits de l'homme.
3. Diversité et droits culturels, ressources pour la paix et la sécurité
La dimension culturelle de la sécurité humaine a été très largement négligée alors que les
blessures identitaires, les humiliations collectives, et plus généralement le mépris des
cultures, sont des facteurs déterminants dans la propagation de la violence, de la guerre, du
terrorisme et de la misère. Dans ces années où le terrorisme sévit, il est essentiel de
considérer les violations des identités qui conduisent aux humiliations, aux amalgames, à
l’incompréhension mutuelle et à la haine.
4. Importance de la dimension culturelle des autres droits de l'homme
6
Art.27 de la Déclaration universelle et Art. 15 Du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels.
7
Art.26 de la Déclaration universelle et Art. 13 et 14 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels.
8
Liberté de pensée de conscience et de religion (art.18 de la DU, Art. 18 du Pacte relatif aux droits
civils et politiques), liberté d’opinion et d’expression (Art.19 de la DU, Art. 19 du Pacte relatif aux
droits civils et politiques). Les instruments et dispositions qui concernent les droits des personnes
appartenant à des minorités précisent en outre ces droits d’essence universelle, notamment l’Art.27
du Pacte relatif aux droits civils et politiques, la Convention 169 de l’OIT relative aux peuples
indigènes et tribaux, et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des personnes appartenant à
des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.
9
Ce droit recouvre en outre les droits de bénéficier du progrès scientifique, la protection de la liberté
indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices libertés, la protection des
intérêts moraux et matériels des auteurs et inclut implicitement le droit d’accès aux patrimoines.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 22
________________________________
La définition des droits culturels permet en outre de mieux identifier les composantes
culturelles d’autres droits de l’homme, non pour les relativiser, mais au contraire pour en
compléter l’interprétation, l’appropriation par tous les acteurs concernés et donc la mise en
œuvre. Par exemple, le droit à l’alimentation ne peut être correctement mis en œuvre sans la
considération de sa dimension culturelle. Le même raisonnement peut être fait pour la
majeure partie des droits de l'homme. L’oubli de la dimension culturelle est particulièrement
important dans la persistance de la pauvreté : le renforcement des capacités (empowerment)
des personnes en situation de pauvreté et des acteurs sociaux du développement est
conditionné par l’exercice des droits culturels (éducation, information, accès aux patrimoines,
respect des « savoir faire » et des identités).
II. Nécessité de prévoir une procédure spéciale
1. Face aux défis actuels les droits culturels n’ont pas l’attention prioritaire qu’ils méritent sur
la scène internationale. Du fait de leur méconnaissance et de la politisation de cette
thématique, leur promotion provoque craintes et distanciation. Dans le cadre des Nations
Unies, les organes de supervision des traités ont déjà, à des degrés divers, une certaine
compétence en la matière10. Toutefois, dans la pratique de ces organes, les droits culturels
restent le parent pauvre de la protection internationale des droits de l'homme.
2. L’institution d’un Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur le droit
de participer à la vie culturelle permettrait de donner une définition à la fois plus précise et
plus cohérente du contenu des droits culturels et de leur régime de protection. Un tel
rapporteur pourrait adopter une approche transversale et globale de ces droits, en utilisant
comme source l’ensemble des instruments internationaux pertinents. Pour la première fois
existerait un mécanisme unique sur ces droits, permettant une meilleure diffusion et une
meilleure information sur leur contenu, leur statut, les obstacles rencontrés dans leur
application et les mesures devant être prises pour assurer leur mise en œuvre effective. Les
manquements et violations pourraient ainsi être mieux identifiés et les victimes mieux
orientées.
3. La création d’un tel mécanisme, en aucun cas, ne ferait double emploi avec les organes
de supervision des traités. Il permettrait plutôt de nourrir le travail de ces derniers dans le
domaine, jusqu’alors peu exploré, des droits culturels, et de la protection par les droits de
l'homme de la diversité culturelle.
10
On peut citer, à titre d’exemple, le Comité des droits de l'homme, le Comité des droits économiques,
sociaux et culturels, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale ou encore le Comité des
droits de l’enfant.
11.3. DS 3. Les droits culturels. Etat des lieux et liste de droits
Document au 15.09.05
1. Les droits culturels actuellement reconnus
1.1. Une situation éparse
Les droits culturels actuellement reconnus dans les instruments internationaux
peuvent être répartis sommairement en trois groupes:
Des droits reconnus comme droits culturels :
•
le droit de participer à la vie culturelle de la communauté et la protection des
droits d’auteur (art. 27 DUDH et art. 15 PESC) ;
•
le droit à l’éducation (art. 27 DUDH et art. 15 PESC),
•
libertés linguistiques, reconnues pour les personnes appartenant à des
minorités (art. 19 PCP) ;
Des droits reconnus aux professionnels de la culture
•
les libertés académiques, les droits
des journalistes qui ne sont pas à
proprement parler des droits de l'homme dans la mesure où toute personne
ne peut en jouir, mais, en comparaison des droits d’auteurs, ils peuvent être
parfois interprétés en logique universelle, dans la mesure où tout homme peut
être auteur, enseignant ou informateur.
La dimension culturelle de droits classés comme civils :
•
le droit à la non-discrimination (droit au respect des identités)
•
les libertés de pensée, de conscience et de religion ; les libertés d’opinion,
d’expression (droit à l’information) et d’association (droit d’appartenir ou de ne
pas appartenir à une communauté culturelle)
Il faut remarquer que l’article 5 de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la
diversité culturelle propose une synthèse et un développement de ces droits11.
11
Cet article a été rédigé à partir du Projet de déclaration des droits culturels du « groupe de
Fribourg ».
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 24
________________________________
1.2. L’organisation d’une liste
Le projet de Déclaration des droits culturels réalisé par le « Groupe de Fribourg »
identifie huit droits ou groupes de droits - déjà reconnus en tant que tels ou
apparaissant sous diverses étiquettes dans les instruments existants - que nous
propose d’organiser selon les trois pôles identité, communication, création. Nous y
ajoutons la dimension politique dans la mesure où chaque catégorie de droits permet
d’identifier des modes de participation aux politiques concernées. Il est essentiel de
ne pas se focaliser sur un nombre déterminé de droits, dans la mesure où il est
toujours possible de déployer un droit en plusieurs et au contraire d’en synthétiser
plusieurs en un. Enfin, si l’appellation usuelle désigne parfois des droits, parfois des
libertés, il est manifeste que tous les droits figurant dans le tableau ci-dessous sont à
la fois des droits, des libertés et des responsabilités.
Pôles
Liste de droits culturels
Instruments de
référence
Art. 27 DUDH
créativité
communication
-
libertés de la recherche et de la création
d. d'auteur
libertés linguistiques
Art. 15 PESC
-
d. à l'éducation et à la formation
permanente
d. à une information adéquate
d. d'accès et de participation aux
patrimoines culturels
Art.26 DUDH,
-
identité
-
politique
2.
-
d. au choix et au respect de son identité
culturelle, dans la diversité de ses modes
d’expression
d. de connaître et voir respecter sa culture,
ainsi que la diversité
liberté de se référer ou non à une
communauté culturelle
d. de participation aux politiques
culturelles
Déclaration des droits culturels (projet)
Révision du projet en discussion : date prévue : 14 octobre 05
Nombreux instruments
sectoriels
Art.13-14 PESC
Art.19 DUDH,
Art. 19 PCP
Couverture partielle par les
droits civils
Non discrimination
Liberté d’association
Art.28 DUDH
Art. .. PCP
11.4. DS 4. Violations des droits culturels et non-respect de la diversité
version du 21.09.05
1. Les violations des droits culturels : une privation de capacités
§1. La pauvreté culturelle : le déni des droits culturels. La pauvreté culturelle se
reconnaît au manque de capacités à se lier à son milieu (aux autres, aux choses et à soimême) ; c’est :
-
un dénuement car la personne se trouve sans identité sociale,
-
un désoeuvrement, car l’individu est sans travail, sans utilité et lien social ; s’il exécute
des tâches, celles-ci sont pour lui dépourvues de sens, de liberté et d’avenir.
L'objet des droits à la culture est ce qui permet à chacun d'être présent aux autres, aux
œuvres et à soi. Les violations de ces droits empêchent le respect de tous les autres droits,
car elles atteignent directement l'intégrité de la personne en ce qu’elle a de propre : son
identité. Ce sont autant de négations des capacités du sujet à vivre son processus libre et
jamais achevé d'identification. La pauvreté culturelle est la base des autres dimensions de la
pauvreté; elle empêche de sortir de l’enchaînement des précarités et fait obstacle à tout
développement individuel et collectif. La priorité dans la lutte contre la pauvreté devrait, par
conséquent, être la prise en compte des ressources et droits culturels des personnes
démunies.
§2. La gravité : l’incapacité d’utiliser ses ressources. Comme pour les autres droits de
l'homme, un droit culturel peut être atteint de façon plus ou moins grave, systématique et
irréparable. Toutes ces violations sont un mépris de l’identité, cette capacité d’interface entre
soi et autrui. Cela n'atteint pas seulement la capacité de création, comme la pointe ou le
résultat d'une activité culturelle inachevée laissant au moins intacts les autres aspects plus
ordinaires de la vie culturelle.
Dans les cas les plus graves, elles mutilent l'individu au point de l'aliéner de la façon la plus
définitive. Sans cette capacité de liens, l'individu est injurié et incapable d'utiliser ses
ressources. C’est pourquoi les violations graves des droits culturels rendent impossibles les
autres droits, comme cela est déjà connu pour le droit à l’éducation et pour le droit à
l’information.
§3. La durée et la diversité des responsabilités. Les violations de droits culturels sont
souvent les conséquences de situations qui remontent loin dans l’histoire. C’est pourquoi, le
premier devoir est celui de la recherche de mémoire, afin d’identifier les processus et la
complexité des responsabilités présentes. S’il est essentiel de rappeler le rôle primordial de
l’Etat, il ne serait pas juste non plus de lui imputer toutes les violations présentes : ce sont
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 26
________________________________
tous les acteurs, civils, privés et publics qui sont concernés par la richesse culturelle
commune (par le niveau culturel commun), selon le principe de l’opposabilité générale, et
dans une perspective intergénérationnelle. Telle est la difficulté, mais aussi le réalisme du
développement.
§4. Les victimes. Si une culture est un facteur d'intégration de tous les besoins et de tous
les droits en ce qu’elle permet de lier tous les aspects de l’existence, le déni de culture porte
directement atteinte à toutes les libertés, il empêche leur fécondation mutuelle; il rend
illusoire la prétention aux autres droits humains ; il rend impossible l'exercice de quelque
responsabilité. Comme pour les autres droits de l'homme, le sujet des droits culturels est
toujours l’individu, mais les victimes peuvent être :
1. les personnes directement touchées ;
2. les communautés auxquelles elles peuvent appartenir et au sein desquelles elles
devraient exercer une responsabilité (famille, communauté culturelle, nation,…) ;
3. n’importe qui, y compris dans les générations futures, dans la mesure où un milieu
culturel est appauvri, une diversité perdue ; le non-respect de la diversité est un
appauvrissement des milieux, des institutions, et de façon générale, des systèmes
sociaux, qui rend difficile le respect des droits culturels des individus.
En retour, des actions de mise en œuvre des droits individuels sont nécessaires pour
reconstituer la richesse culturelle des milieux, des institutions et des systèmes sociaux. Le
sujet n’est pas seulement bénéficiaire, il est aussi, à la condition que ses droits et libertés ne
soient pas entravés, sujet de responsabilités.
2. Liste indicative de violations des droits culturels
§5. Violations des droits spécifiquement culturels. Voici, en regard des droits énoncés
dans les instruments internationaux et synthétisés dans la Déclaration de Fribourg, quelques
exemples violations.
Liste de droits culturels
Exemples de violations
1. Liberté de se référer à une - Impossibilité d’adhérer – ou de ne pas adhérer communauté culturelle
librement à une communauté culturelle, et de se
dégager
des
stéréotypes
ethniques
ou
communautariens
2. Choix et respect de son identité - Toutes les formes d’assignation et de déni
culturelle
3. Connaître et voir respecter sa - Voir son identité propre et / ou l’identité de sa
propre culture ainsi que la
famille, de sa communauté, de son peuple,
diversité des cultures ;
systématiquement ignorées ou niées
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 27
________________________________
- Etre maintenu dans un état d’isolement culturel
4. Accéder aux patrimoines culturels
- Falsification de l’histoire, impossibilité d’accéder
à l’histoire et à sa critique
- Destruction de patrimoines, incapacité à protéger
et à valoriser des patrimoines significatifs
- Impossibilité de posséder/conserver des objets et
d’accéder aux patrimoines nécessaires à son
identité ; et à l’inverse de se dégager de la
contrainte des objets qui empêchent le travail de
communication (comme des technologies de
communication inappropriées, un quartier
inhabitable, un lieu pollué, etc.)
5. Participer à la vie culturelle :
-
- Impossibilité de s’intégrer dans un milieu culturel
étranger (par suite de la guerre, de
liberté linguistique
déplacements, de conditions limitatives pour
libertés de la recherche et de
réfugiés), ou au contraire obligation de s’assimiler
la création
au mépris de son identité
droits d’auteur
- Interdictions linguistiques
- Censure par violation des libertés ou par privation
de revenu
6. droit à l’éducation
- impossibilité d’accéder à une éducation de base,
une formation scolaire et professionnelle ; ou être
obligé de subir un enseignement contraire aux
droits et libertés ; ne pas accéder à la
connaissance des droits de l'homme
- subir un enseignement méprisant pour sa culture
ou pour d’autres cultures
7. droit à l’information
8. participation
culturelles
aux
- Impossibilité d’accéder et de participer à une
information respectueuse des cultures : être
victime de désinformation ou de non information ; ne pas avoir le droit ou la capacité
d’informer
politiques - Impossibilité de participer aux choix culturels
dans tous les domaines politiques concernés
- Impossibilité d’accéder
discussion et de création
aux
espaces
de
§6. Violations de la dimension culturelle des autres droits de l'homme. Chaque droit
humain a une dimension culturelle plus ou moins forte. De façon générale, un droit appliqué
d’une façon inadéquate, non inculturée, ne peut pas être approprié par les personnes : son
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 28
________________________________
effectivité peut être réduite à l’extrême, voire négative (norme imposée au détriment des
capacités du sujet). De nombreux droits de l'homme ont une dimension culturelle importante
comme, par exemple, le droit à une alimentation adéquate. Il convient de noter que le terme
« adéquat » a une composante culturelle essentielle.
Dimension culturelle du
l’alimentation adéquate
droit
à - Impossibilité d’accéder à une relation sociale
digne qui permette de nourrir et de se nourrir en
harmonie avec son milieu et ses valeurs.
Dimension culturelle de l’interdiction - La détention peut être vécue par certaines
de la torture
populations comme une peine disproportionnée,
voire comme une forme de torture.
3. Commentaires
§7. La participation. Un droit culturel est un droit de participer (bénéficier, communiquer et
contribuer) à une richesse. Les verbes utilisés sont ceux de :
•
l’accès à la propriété d’un capital culturel et de sa protection (accéder, posséder,
conserver, se défaire, communiquer),
•
de l’exercice d’une activité (exprimer, participer, adhérer, se dégager, créer).
Les violations sont des empêchements par destruction, restriction substantielle, falsification,
ou discriminations.
§8. Une responsabilité partagée. Plus encore que pour les autres droits de l'homme, les
responsabilités correspondantes à ces droits concernent tous les acteurs, à commencer par
les sujets eux-mêmes (§3). La culture étant diffuse, les responsabilités le sont aussi, c’est
pourquoi elles sont souvent sous-estimées, ignorées, voire absentes : identification de
l’importance des acteurs culturels ainsi que de la dimension culturelle d’un grand nombre
d’acteurs économiques et politiques). On peut parler de violations par omission, à distinguer
des violations par volonté d’appauvrissement.
§9. Les violations par omission. Qu’elles soient permanentes ou non, ce sont celles qui
touchent les exclus de toutes sortes, à cause de la pauvreté ou d'appartenances culturelles
différentes: ceux-là sont privés d'alphabétisation, d'école, d'usage de leur propre langue, de
leurs propres arts, d'accès aux écoles professionnelles, etc. Le déni de leurs droits culturels
les maintient dans une condition, et pas seulement une situation, de pauvreté. Ces violations
par omission peuvent être insidieuses et progressives, ce sont celles qui conduisent à une
déculturation lente par un oubli des patrimoines essentiels dû à des phénomènes
d’acculturation : processus de standardisation dus à la mondialisation (globalisation des flux
de messages, de valeurs monétaires, de biens et services et, dans une moindre mesure, de
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 29
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personnes). Il s’agit par exemple, notamment dans les pays riches, du désapprentissage de
la culture et d’une perte non remplacée de référents communautaires, qu’ils soient politiques,
religieux, familiaux, économiques. Nos sociétés risquant de devenir de plus en plus
anomiques dans un individualisme a-social, c’est le lien culturel qui s’appauvrit et avec lui le
tissage social qui devient de plus en plus difficile, lâche et aléatoire. Le pauvre est honteux
de son manque de culture, car il en connaît la privation ; le riche en argent ne se rend
souvent pas compte de son inculture.
§10. Les violations par volonté d’appauvrissement. Ce sont celles dont l’objectif est
d’asservir et de tuer. Elles sont souvent plus spectaculaires, mais peuvent aussi être lentes,
comme dans le cas du colonialisme et des autres formes d’asservissement. C’est
l’interdiction de parler sa langue, la désinformation systématique, l’interdit d’accès à
l’enseignement ou l’imposition d’un enseignement falsifié, l’interdit de pratiquer une religion,
de s’exprimer par les arts, la falsification de l’histoire, la destruction de patrimoines et des
liens communautaires, traditionnels ou associatifs. Il s’agit ici d’humiliation plus encore que
de honte, d’un acte de déculturation ostentatoire et injurieux, provoquant la violence, et
pouvant aller jusqu’à la folie des bombes humaines. Nous avons ici le principe même de la
création de la violence.
§11. La léthargie. La distinction n’est pas forcément nette entre violations par omission et
violations volontaires. Le problème est que ceux dont les droits culturels sont niés n'ont, par
définition, pas de moyens d'expression. Cette violation atteint le degré extrême des
capacités. L'inégalité y est la plus forte, la plus invalidante, tout en donnant l'illusion d'une
justification. Alors que la culture semble partout diffuse, qu’elle constitue effectivement notre
milieu vital, elle est pourtant rare. Aussi vitale que la confiance qui en est le fruit, et tellement
discrète qu’on l’oublie comme l’air qu’on respire, riche ou pollué. Le problème est que la
rareté maintient dans un état de léthargie : les victimes sont souvent inconscientes de leurs
droits.
4. L’observation
§12. Priorité à l’observation. Observer les violations des droits culturels et les atteintes à la
diversité, ainsi que, à l’inverse les expériences positives, est une priorité à la fois éthique et
méthodologique : il s’agit avant tout de prendre en compte les capacités des femmes et des
hommes dans la diversité des situations, de respecter leurs ressources culturelles.
§13. Violation des droits et atteinte à la diversité. Il est important d’analyser dans chaque
cas les liens entre la portée directe d’une violation sur l’effectivité des droits des personnes,
et la portée indirecte sur le maintien et la valorisation de la diversité.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 30
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§14. Exemple d’informations à recueillir
Il ne s’agit pas seulement de dénoncer, mais d’observer l’état et les potentiels d’une
situation, c’est pourquoi nous estimons qu’il est utile de réunir pour chaque cas observé les
informations suivantes.
Droit culturel
Type de violation
Base juridique
en droit
interne
Bonne pratique
Evaluation du degré
de gravité pour les
violations,
de priorité pour les
bonnes pratiques.
Patrice Meyer-Bisch (Suisse)
Avec la coopération de : Claude Dalbera (Burkina Faso et France), Joanna BourkeMartignoni (Australie et Suisse), Jean-Bernard Marie (France), Abdoulaye Sow (Mauritanie),
Victor Topanou (Bénin)
11.5. DS 5. Droits culturels et travailleurs migrants. Franciscans
International
Contribution à la réflexion sur la problématique de la réalisation
effective des droits culturels dans le contexte de la migration internationale
Par Yao Agbetse12, Franciscans International13
Les droits culturels sont sans doute les parents pauvres de la codification des normes en droit
international en terme de précision de la notion. Le législateur international n’a pas suffisamment
jusqu’à présent élaboré le contenu des droits culturels. À la limite, on pourrait soutenir que les
droits culturels sont une notion informe; certains auteurs ont pu parler d’une « catégorie sousdéveloppée de droits de l’homme »14.
La satisfaction des droits culturels (article 22) articulée dans la Déclaration universelle des droits
de l’homme a été victime d’un déchirement idéologique doublé d’un manque de volontarisme
pragmatique. L’avènement des deux Pactes surtout celui relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels (Pacte II)- censé conférer une force juridiquement contraignante aux droits énoncés
et garantis dans la Déclaration de 1948, n’a pas vraiment contribué à donner une nouvelle
dynamique aux droits culturels.
La combinaison de trois types de droits – droits économiques, droits sociaux et droits culturels –
dans un même et seul instrument est une source de confusion. Le classement des droits culturels
dans les droits contenus dans le Pacte II de 1966 selon la classification classique accentue
l’inattention accordée à cette catégorie de droits. Par ailleurs, l’effectivité des droits considérés
comme ceux de la deuxième génération, y compris les droits culturels se heurte à l’épineux
problème de la justiciabilité. Plus particulièrement, les droits culturels sont au cœur d’un débat
purement formel : les droits culturels sont-ils dévolus à un individu ou à un groupe ?
La problématique des droits culturels appliqués dans le contexte de la question des migrations
internationales est loin de faire le consensus entre les Etats. L’ombre du débat de l’effectivité des
droits culturels qui se situe de l’ordre du probable plane aussi sur sa pleine jouissance par les
migrants reconnus et classés dans la catégorie des non ressortissants à l’épreuve d’une situation
de vulnérabilité particulière15. David WEISSBRODT, ancien expert américain à la Sous-
12
Voir l’article publié par Yao AGBETSE, Advocacy Officer de Franciscans International, sur la Convention sur les droits de
tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans la Revue Droits Fondamentaux de l’Université Paris II,
disponible sur le site http://www.droits-fondamentaux.org/article.php3?id_article=91
13 Organisation Non Gouvernementale dotée de statut consultatif général auprès du Conseil Economique et Social (ECOSOC)
des Nations Unies.
14
Voir Patrice MEYER-BISCH, Les droits culturels, une catégorie sous-développée des droits de l'homme, Editions
Universitaires Fribourg Suisse, 1993, 360 pages. Voir aussi Mylène BIDAULT, Protection des droits culturels, quelles actions
pour l’UNESCO ?, Institut Interdisciplinaire d'Ethique et des Droits de l'Homme, IIEDH, DT5, 1ere Edition, octobre 2002.
15
Voir Déclaration et programme d’action de la conférence sur les droits de l’homme de Vienne, A/CONF.157/23 § 24, 33 à 35.
Voir aussi doc. ONU, E/CN.4/Sub.2/1999/7 § 26 du 31 mai 1999.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 32
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Commission pour la promotion et la protection des droits de l’homme, souligne l’importance des
droits des migrants dans ses travaux sur les non-ressortissants16.
Les multiples Déclarations relatives aux droits des personnes ne vivant pas dans leur propre pays,
y compris les migrants n’ont recueilli qu’un consensus fragile de sorte que le passage de
déclarations de bonnes intentions et des principes ayant valeur morale à un niveau de principes et
normes contraignants ne s’est pas fait sans heurts. Le délai exceptionnel de 13 ans qui a séparé
l’adoption de la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et les
membres de leur famille de 1990 et son entrée en vigueur en est une illustration probante. La
seule note positive qui rehausse le niveau de la symphonie vient de l’UNESCO avec la
Convention et le projet de Déclaration sur les droits culturels.
Il convient donc de s’interroger sur la place des droits culturels dans les normes juridiques
internationales relatives aux migrants (I) et de leur application (II).
I- LES NORMES JURIDIQUES INTERNATIONALES CONSACRANT LES
DROITS CULTURELS DES MIGRANTS
Dans le processus de codification des normes internationales, peu de référence ont été faite de
façon spécifique aux migrants en tant que groupe vulnérable possédant des devoirs mais aussi des
droits, y compris des droits culturels. Le plus souvent, ils sont pris en compte dans des termes
génériques tels que les « étrangers » s’ils ne sont pas assimilés à des demandeurs d’asile, aux
réfugiés ou encore aux apatrides. Il a fallu attendre la deuxième moitié du XXeme siècle et le début
du XXIeme siècle pour que des travaux des organes des droits de l’homme des Nations Unies et de
l’UNESCO rectifient le tir. C’est surtout la Convention sur les droits de tous les travailleurs
migrants et les membres de leur famille qui semble constituer l’instrument de référence en
matière de consécration de droits culturels des migrants.
A. Une codification hésitante
Les droits culturels ont un caractère transversal. Ils défient la catégorisation classique des droits
de l’homme. Ils traversent, donc, tous les catégories de droits y compris les droits civils et
politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. Le Pacte relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels dispose notamment en son article 13 que les Etats parties s’engagent à
reconnaître le droit de toute personne à l’éducation. Evidemment le terme « toute » élargit le
champ d’application du droit à l’éducation au-delà du seul statut de national et que l’éducation
devrait d’autre part, être obligatoire et gratuite pour « tous » jusqu’à un certain niveau (article 13
alinéa 2 a)). Bien plus encore, le texte de l’article 15 reconnaît à chacun le droit de participer à la
vie culturelle. L’article 2 alinéa 2 engage les Etats à garantir la jouissance effective de tous les
droits énoncés dans le Pacte sans discrimination notamment fondée sur l’origine nationale.
Confrontés à un problème de justiciabilité, les droits contenus dans ce Pacte ne semblent engager
la responsabilité des Etats lorsque ceux-ci n’assurent pas une application effective de ces droits y
compris la participation à la vie culturelle de chacun, en particulier des migrants.
Instrument juridique mais non contraignant, la Déclaration sur les droits de l’homme des
personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent du 13 décembre
16
Voir le document de travail de David WEISSBRODT et ses trois rapports à la Sous-Commission des Nations Unies pour la
promotion et la protection des droits de l’homme. E/CN.4/Sub.2/1999/7 (Document de travail), E/CN.4/Sub.2/2001/20
(Rapport préliminaire), E/CN.4/Sub.2/2002/25 (Rapport intérimaire) et E/CN.4/Sub.2/2003 (Rapport final).
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 33
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198517 a particulièrement poussé loin la couverture juridique des migrants en terme de droits
culturels. L’article 5 est l’épicentre des droits garantis. Son alinéa 1 f) déclare que les étrangers, y
compris les migrants ont « le droit de conserver leur langue maternelle, leur culture et leurs
traditions ». Cette disposition résume à elle seule l’essentiel des droits culturels des migrants.
Déjà en 1993, la Déclaration et programme d’action de la Conférence de Vienne sur les droits de
l’homme a plaidé pour le respect des droits des migrants. Sans faire mention spécifique aux droits
culturels, elle demande aux Etats de « créer des conditions propres à susciter plus d'harmonie et
de tolérance entre les travailleurs migrants et le reste de la population de l'Etat dans lequel ils
résident »18. Cette disposition peut être interprétée comme valant appel à l’instauration d’une
« entente culturelle » entre les communautés d’accueil des migrants et ces derniers, étant entendu
que l’élément culturel est déterminant dans la relation de chacun avec l’altérité.
Par ailleurs, la croissance exponentielle des flux migrants a entraîné une prise de conscience
accrue autour de la composante culturelle des droits des migrants. C’est ainsi que les Chefs d’Etat
et de gouvernement du monde entier réunis à New York ont adopté le 8 septembre 2000 la
Déclaration du Millénaire dans laquelle ils expriment les valeurs et principes, mais aussi les défis
qu’il convient de relever au cours du XXIeme siècle. Au nombre des préoccupations figurent le
respect des droits fondamentaux des migrants et les membres de leur famille. Les Etats décident
de n’épargner aucun effort pour parvenir à cette fin.
La Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle célèbre la diversité culturelle et
souligne l’importance de la dimension culturelle dans le développement et la créativité. Les Lignes
essentielles d'un Plan d'action pour la mise en œuvre de la Déclaration universelle de l'UNESCO
sur la diversité culturelle qui lui sont annexées engagent les Etats à « avancer dans la
compréhension et la clarification du contenu des droits culturels, en tant que partie intégrante des
droits de l’homme ».
Il existe actuellement un projet de Déclaration sur les droits culturels qui pose des fondamentaux
dans le respect et la jouissance des droits culturels des migrants. Son article 3 al 1 a) dispose que
« Toute personne, aussi bien seule qu'en commun a droit de choisir et de voir respecter son
identité culturelle, ainsi que ses divers modes d'expression » et le texte de l’article 4 relatif à la
référence à une communauté culturelle et que « Toute personne a la liberté de choisir de se
référer ou non à une communauté culturelle, de se référer à plusieurs communautés culturelles
simultanément et sans considération de frontières, et de modifier ce choix ».
S’il est vrai avec le professeur Georges ABI-SAAB que les résolutions et autres textes des Nations
Unies sont susceptibles d’accéder au rang des sources du droit international19, certains textes
soulignant la nécessité des droits culturels des migrants méritent d’être mis en exergue. La
résolution 2003/21 de la Sous-Commission pour la promotion et la protection des droits de
l’homme sur les droits des non-ressortissants « encourage les Etats à faire face aux difficiles défis
liés à la migration, aux réfugiés et à la réintégration des non-ressortissants de manière nuancée en
accordant l’attention voulue aux considérations liées aux droits de l’homme ».
17
En 1976, la Baronne ELLES, experte de la Sous-Commission pour la promotion et la protection des droits de l’homme a
réalisé une étude intitulée Dispositions internationales pour la protection des droits de l’homme des non-ressortissants (Publication des
Nations Unies, N° de vente : F.80.XIV.2.). La Déclaration sur les droits de l’homme des personnes qui ne possèdent pas la
nationalité du pays dans lequel elles vivent, adoptée le 13 décembre 1985 par consensus et contenue dans la résolution 40/144,
s’est inspirée de cette étude.
18 A/CONF.157/23 § 34.
19 Préface de Georges ABI-SAAB, à l’ouvrage L’influence des conventions de codification sur la coutume en droit international public de Henri
TORRIONE, Fribourg, Suisse, Éd. Universitaires Fribourg Suisse, 1989.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 34
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La Commission des droits de l’homme des Nations Unies dans sa résolution 2003/46 sur les
droits des migrants demande aux Etats de diffuser des informations relatives notamment aux
« droits de l'homme et les libertés fondamentales des migrants et sur la contribution économique,
sociale et culturelle que ceux-ci apportent à leur pays hôte ». Elle exhorte par ailleurs les Etats à
adopter « des mesures pour garantir une plus grande harmonie entre les migrants et la société
dans laquelle ils vivent », reprenant ainsi les termes de la Déclaration et plan d’action de Vienne
de 1993.
La Déclaration de Bamako du 3 novembre 2003 adoptée par l’Organisation Internationale de la
Francophonie (OIF) affirme qu’il est nécessaire de « prendre les mesures appropriées afin
d’accorder le bénéfice aux membres des groupes minoritaires, qu’ils soient ethniques,
philosophiques, religieux ou linguistiques, de la liberté de pratiquer ou non une religion, du droit
de parler leur langue et d’avoir une vie culturelle propre ». L’article 42 al 1 de la Charte arabe des
droits de l’homme dispose que « Toute personne a le droit de participer à la vie culturelle »
reprenant ainsi l’al 2 de l’article 17 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de
1981 : «Toute personne peut prendre part librement à la vie culturelle de la Communauté ».
B. Une consécration par la Convention de 1990
La Convention sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/158 du 18 décembre 1990 est
l’instrument qui scelle l’ancrage des droits culturels des migrants. Elle reconnaît que le migrant et
les membres de sa famille ont le droit de protéger notamment leurs intérêts culturels. Pour ce
faire, ils ont le droit de participer, selon l’article 26 alinéa 1 a), aux réunions et activités de
syndicats ou d’associations légales. La seule limite ne proviendrait que des « organisations
intéressées ». Non seulement ils peuvent participer mais aussi « former avec d'autres des
associations et des syndicats dans l'Etat d'emploi ». Plus important est le contenu de l’alinéa 2 de
l’article 40 qui impose une restriction strictement nécessaire « dans une société démocratique »,
terminologie empruntée à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Aux termes de l’article 31, les Etats sont par ailleurs tenus d’assurer le respect de l’identité
culturelle des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Au visa du même article, ils
doivent s’abstenir de les empêcher de maintenir leurs liens culturels avec leur pays d’origine.
Concrètement, un Etat ne peut refuser la sortie de son territoire ou en refuser l’entrée d’un
migrant qui y résidait déjà, pour le seul motif qu’il désire participer à une manifestation culturelle
dans son pays d’origine. L’article 31 le lui interdit. L’alinéa 2 de l’article 31 va plus loin encore en
encourageant les Etats à « prendre des mesures appropriées pour soutenir les efforts à cet égard ».
L’égalité de traitement est garantie aux migrants en matière d’ « accès aux services d’éducation20 »
(articles 43 1a et 45 1 a)), d’ « accès ou de participation à la vie culturelle » (articles 43 1 g et 45 1
d)). L’article 43 al 3 recommande aussi aux « employeurs de travailleurs migrants de créer des
logements ou des services sociaux ou culturels à leur intention ».
La Convention, par son article 64, demande aux Etats parties de procéder à des consultations en
tenant compte notamment des besoins culturels des travailleurs migrants et des membres de leur
famille. Les Etats doivent aussi, autant que faire se peut, mettre en place des services consulaires
adéquats et autres services nécessaires pour répondre aux besoins culturels notamment des
20
Pour la portée du droit à l’éducation au sein des droits culturels, voir Logiques du droit à l’éducation au sein des droits culturels,
document de Patrick MEYER-BISCH, E/C.12/1998/17 du 29 septembre 1998. Voir aussi du même auteur la présentation
intitulée Le droit à l’éducation en tant que droit culturel, au sein des droits de l’homme,faite lors du Colloque International à l’Université de
Ouagadougou (9-12 mars 2004) au Burkina Faso sur Le droit à l’éducation, quelle effectivité au Sud et au Nord ?
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 35
________________________________
travailleurs migrants et des membres de leur famille (article 65 al 2). La coopération entre Etats
est aussi encouragée pour l’intégration culturelle durable du travailleur migrant en situation
régulière lorsqu’il décide de retourner dans son pays d’origine (article 67 al 2).
En matière d’éducation des enfants des migrants, la Convention est préoccupée par les problèmes
linguistiques qui peuvent surgir. C’est pourquoi elle demande aux Etats parties d’adopter en
collaboration avec les pays d'origine, une politique visant à faciliter l'intégration des enfants dans
le système d'éducation local, notamment pour ce qui est de l'enseignement de la langue locale ».
(art 45 al 2). L’article 45 al 3 demande aux Etats de s’efforcer à faciliter, si c’est nécessaire, à
dispenser l’enseignement dans « leur langue maternelle et de leur culture » ou assurer des
programmes spéciaux d'enseignement dans la langue maternelle des enfants ». (article 45 al 3).
Selon les articles 16 al 5 et 18 al 3 a), les travailleurs migrants et les membres de leur famille
arrêtés doivent être informés, au moment de leur arrestation, si possible dans une langue qu'ils
comprennent, des raisons de cette arrestation et ils sont informés sans tarder, dans une langue
qu'ils comprennent, de toute accusation portée contre eux ». Cette disposition évite des
déconvenues qui peuvent apparaître du fait de la mauvaise interprétation des propos du migrant.
Par ailleurs, le migrant, accusé, inculpé ou condamné conserve toujours son identité culturelle.
C’est ce qu’affirme l’article 17 alinéa 1 de la Convention. Au cours du procès, le migrant
bénéficie, le cas échéant, des services d’un interprète conformément aux l’article 16 al 8 in fine et
18 al 3 f). Aussi, lorsqu’il s’agit d’une décision d’expulsion, la notification, devrait-elle être assurée
dans une langue que le migrant comprend (article 22 al 3). En matière d’information des
migrants, les Etats parties ont l’obligation, selon le texte de l’article 33 al 3, de le faire dans une
langue qu’il comprend.
Selon les dispositions de l’article 34, la jouissance des droits culturels ne doit pas se faire au
mépris de la législation nationale du pays d’accueil moins encore du respect de l’identité culturelle
des habitants de ces Etats. C’est une disposition garde-fou qui a une double fonction. Elle met
une limite à l’exagération éventuelle dans l’usage des droits culturels. Elle donne une assurance
aux Etats qui redoutent un « envahissement culturel ». C’est ainsi qu’il ressort de l’article 40 qui
vient compléter les dispositions de l’article 26.
De son côté, l’article 16 de la Convention américaine des droits de l’homme adoptée à San José
de Costa Rica le 22 novembre 1969 déclare que « Toute personne a le droit de s'associer
librement à d'autres à des fins notamment culturelles».
La nomination d’un Raporteur spécial des Nations Unies sur les droits des migrants par la
Commission des droits de l’homme a confirmé l’intérêt de la communauté internationale autour
de la question des migrants, mais aussi de leurs droits notamment culturels.
II- L’APPLICATION DES NORMES JURIDIQUES
RELATIVES AUX DROITS CULTURELS DES MIGRANTS
INTERNATIONALES
A. Une ineffectivité dans la jouissance des droits consacrés (Les limites dans la
jouissance effective des droits culturels)
Les Déclarations successives qui consacrent les droits culturels ne lient pas les Etats. La
Convention de 1990 a donné une force juridiquement contraignante aux normes juridiques. Une
chose est de consacrer les droits et l’autre est de leur donner une existence effective. L’effectivité
des droits culturels s’heurte, toutefois, encore à certaines limites soulevées par plusieurs experts.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 36
________________________________
Dans son rapport final à la Sous-Commission pour la promotion et la protection des droits de
l’homme sur les droits des non-ressortissants, David WEISSBRODT a relevé que les États
doivent éviter les différences de niveau de traitement réservé aux citoyens et aux nonressortissants qui risquent de créer des inégalités dans la jouissance des droits culturels
notamment21. S’agissant de la Convention de 1990, deux problèmes majeurs se posent : le faible
taux de ratification et la non présentation des rapports initiaux au Comité pour les droits des
travailleurs migrants par les pays qui ont ratifié cet instrument.
Dans son avis en date du 23 juin 2005 sur la Convention de 199022, la Commission Nationale
Consultative des Droits de l’Homme de la France « considère que la ratification française serait
un signal fort pour marquer notre engagement en faveur de l’universalité et de l’indivisibilité des
droits de l’homme, sans discrimination de race, de sexe, de langue ou de religion. L’intégration
des travailleurs migrants et des membres de leur famille passe par la jouissance effective de
l’ensemble des droits de l’homme, conformément au principe de l’égalité de traitement qui est à la
base de la convention ».
En dépit de cet appel, et surtout de la résolution P6 –TA-PROV (2005)0051 du 24 février 2005
du Parlement européen qui invite les pays membres à ratifier la Convention de 1990 ainsi qu’à
appuyer sa ratification universelle et soutenir le mandat du Rapporteur spécial, les pays de l’Union
ne semblent pas vouloir considérer leur adhésion à cet instrument capital pour le respect des
droits culturels notamment des migrants. Par ailleurs, jusqu’à ce jour, sur les 31 pays23 qui ont
exprimé leur consentement à être liés par la Convention, seul le Mali24 a honoré son engagement
au titre de l’article 73 de la Convention. Au final, l’organe de surveillance continue à analyser des
questions procédurales faute de pouvoir examiner les rapports des Etats.
Dans son rapport final, WEISSBRODT insiste aussi sur la nécessité d’adopter des normes claires
et détaillées pour régir les droits des migrants, de veiller à ce que les Etats les respectent et
d’assurer une surveillance plus efficace25. Etant entendu que statut de migrant d’une personne ne
peut en aucun cas constituer un motif et une justification valables pour la priver de la jouissance
des droits à lui reconnus par les instruments pertinents des Nations Unies, seul un système de
contrôle auquel les Etats donnent les moyens et la raison de fonctionner pourrait contribuer au
respect des droits et libertés fondamentales des migrants.
La non intégration des normes relatives aux droits culturels des migrants est une limite dans
l’effectivité de ces droits. D’abord, certains Etats n’ont pas ratifié les Conventions pertinentes des
Nations Unies relatives aux droits de l’homme qui proclament le caractère universel des droits de
l’homme et sa jouissance par tous, abstraction faite de la nationalité et du lieu de résidence
notamment. Ainsi la Convention de 1990 sur les droits de tous les travailleurs migrants et les
membres de leur famille n’a pas encore été ratifiée par un nombre suffisant d’Etats, surtout par
les pays de destination. De même, certains Etats n’ont toujours pas adhéré aux deux Pactes de
21
Rapport final du Rapporteur spécial, David WEISSBRODT, voir doc. ONU E/CN.4/Sub.2/2003/23, § 30.
L’Avis est disponible sur le site de la CNCDH : http://www.commission-droitshomme.fr/binTravaux/AffichageAvis.cfm?IDAVIS=748&iClasse=1
23 Au 15 septembre 2005, 31 Etats avaient ratifié ou adhéré à la Convention : Algérie (21 avril 2005), Azerbaïdjan (11 janvier
1999), Belize (14 novembre 2001), Bolivie (16 octobre 2000), Bosnie-Herzégovine (13 décembre 1996), Burkina Faso (26
novembre 2003), Cap-Vert (16 septembre 1997), Chili (21 mars 2005), Colombie (24 mai 1995), Egypte (19 février 1993), El
Salvador (14 mars 2003), Equateur (5 février 2002), Ghana (7 septembre 2000), Guinée (7 septembre 2000), Guatemala (14
mars 2003), Kirghizistan (29 septembre 2003), Libye (18 juin 2004), Mali (5 juin 2003), Maroc (21 juin 1993), Mexique (8 mars
1999), Ouganda (14 novembre 1995), Philippines (5 juillet 1995), Sénégal (9 juin 1999), Seychelles (15 décembre 1994), Sri
Lanka (11 mars 1996), Syrie (2 juin 2005), Tadjikistan (8 janvier 2002), Timor Leste (30 janvier 2004), Turquie (27 septembre
2004), Uruguay (15 février 2001) et Pérou (14 septembre 2005).
24 Le Rapport du Mali est disponible sur : http://www.ohchr.org/english/bodies/cmw/docs/CMW.C.MLI.1.PDF
25 Op cit, § 31.
22
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 37
________________________________
196626. Ensuite, il semble exister une incompatibilité entre les dispositions internationales
acceptées et celles du droit interne qui ne matérialisent pas ces droits. La bonne volonté des Etats
a du mal à prendre forme. Si, par exemple, dans une communication du gouvernement espagnol
avec le Rapporteur spécial sur les droits des migrants, l’Espagne mentionne des « programmes
interculturels et d’intégration sociale mis en place à Almería »27 en faveur des migrants, ce même
pays reste hostile à la ratification de la Convention de 1990. Il est acquis en droit international
qu’aucun Etat n’est obligé d’accueillir un non ressortissant sur son territoire. En revanche,
lorsque l’étranger ou le migrant en l’espère remplit les conditions de son admission sur le
territoire, l’Etat concerné ne peut plus lui refuser la jouissance des droits garantis par les traités
internationaux de droits de l’homme, exception faite de certains droits surtout politiques quoique,
la pratique a considérablement évoluée dans ce domaine aussi28.
B. Une nécessité d’engagements tangibles
Franciscans International considère que la problématique du respect des droits culturels des
migrants peut s’analyser à la lumière de l’adage latin « Mens sana in corpore sano », un corps sain dans
un esprit sain. Le maintien d’une identité culturelle, port d’attache aux origines traditionnelles des
migrants est porteur d’un équilibre psychologique voire psychique. Plus le repère identitaire
culturel est maintenu dans le quotidien des migrants sans préjudice aux us et coutumes, mœurs et
traditions des sociétés d’accueil, plus ils s’affirment d’abord en tant qu’être humain débiteur et
créancier de droits et devoirs et, ensuite en tant qu’acteur et non spectateur en mal d’identité
culturelle. Au final, la symbiose culturelle qui naît du jumelage inscrit et intègre les migrants dans
la chaîne ininterrompue des générations successives, les premières alimentant les secondes et ainsi
de suite.
En Grande Bretagne, loin d’être un obstacle, les langues des communautés de migrants,
notamment hindoues, pakistanaises, indiennes, nigérianes, mexicaines, somaliennes, mais aussi les
chansons et danses servent en tant qu’outil de travail, de respect mutuel et, en même temps,
d’intégration aux élèves britanniques déjà dès la maternelle. Le jeune migrant se sent accepté à
travers cette valorisation de sa culture. Malheureusement, il paraît que les récents attentats
survenus à Londres vont marquent un frein dans la promotion de l’identité culturelle dans le
contexte de la lutte contre le terrorisme. Il nous semble, par contre, opportun souligner que plus
les migrants pourront se reconnaître dans la stratégie de développement des programmes
culturels, plus ils s’affirmeront dans leur devoir citoyen envers les pays d’accueil.
Par la résolution 1999/44, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies a nommé un
Rapporteur spécial29 sur les droits des migrants dont le mandat lui permet de requérir et recevoir
de l'information sur les violations des droits humains de migrants, de formuler des
recommandations appropriées et de promouvoir l’application efficace des normes relatives aux
droits des migrants en tenant compte de la dimension sexospécifique.
Voir le Rapport de Emmanuel DECAUX sur l’application universelle des instruments internationaux aux droits de l’homme,
E/CN.4/Sub2/2005/8/Add.1, page 13.
27 E/CN.4/2002/94 du 15 février 2002, § 73.
28 Danièle LOCHAK, Les droits de l’homme, Editions La Découverte, 2002, page 100. Voir aussi Franck MODRENE, Droit des
étrangers, in Libertés et droits fondamentaux, Introduction, textes et commentaires sous la direction de Mireille DELMASMATY et Claude LUCAS DE LEYSSAC, page 337.
29 Mme Gabriela RODRIGUEZ PIZARRO du Costa Rica a été nommée à ce poste en août 1999. Son mandat a été renouvelé en
2002 pour une durée de 3 ans. En juillet 2005, M. Jorge A. BUSTAMANTE du Mexique est nommé nouveau Rapporteur
spécial.
26
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 38
________________________________
Les rapports présentés depuis 1999, y compris les rapports de visite des pays,30 ne font que
rarement référence à l’importance fondamentale de l’ancrage culturel comme moteur d’une
politique de gestion du phénomène migratoire et de protection des travailleurs migrants. Autant
dire que la dimension culturelle omniprésente dans la Convention des Nations Unies sur les
droits de tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille est insuffisamment reflétée
dans le mandat du Rapporteur spécial alors même que, à regarder de prêt les dépositions de la
Convention, il paraît clair que les « valeurs culturelles » soient particulièrement déterminantes.
Franciscans International estime que l’intégration expresse de la dimension culturelle comme l’un
des fondamentaux de la réalisation de la protection des droits des travailleurs migrants pourrait
contribuer à sensibiliser le système censé garantir l’application effective des droits de ce groupe
vulnérable.
De manière générale, l’importance culturelle des flux migratoires mérite d’être revalorisée. D’une
part les universitaires et experts en droit des migrations internationales ne mettent pas
suffisamment en exergue le culturel dans leur analyse des flux migratoires et de la protection des
travailleurs migrants. Il n’est guère étonnant si la Rapporteuse spéciale, Mme Gabriela
RODRIGUEZ PIZARRO dans son rapport de mission en Italie, recommande de « procéder à
une analyse approfondie du contenu de la Convention afin d’avoir une juste vision de ses
dispositions »31 ; ce qui sous-entend que les Etats, de manière générale, ne maîtrisent pas les
normes contenues dans le texte de la Convention, y compris les références à l’importance de la
dimension culturelle. L’apport des académiciens et des universitaires serait utile à cet effet.
D’autre part, les organisations internationales, hormis l’UNESCO qui se positionne en avantgarde sur le terrain du respect de la diversité culturelle et la conservation du patrimoine culturel
mondial, et les organisations non gouvernementales ne s’intéressent pas à un degré à la hauteur
des ambitions de la promotion des droits culturels. Un renouveau culturel dans les programmes
pourrait redonner une nouvelle dynamique aux droits culturels, en particulier dans le contexte des
migrations internationales. La Sous-Commission pour la promotion et la protection des droits de
l’homme, pourrait, en tant que « laboratoire de réflexion » de la Commission des droits de
l’homme, élever le niveau de prise de conscience autour des droits culturels en général et pour les
migrants en particulier.
Par ailleurs, à l’instar de certaines organisations telles l’Organisation Internationale pour les
Migrations (OIM) qui administrent des programmes de formation linguistique et d'orientation
culturelle destinés à améliorer la communication avec les futurs employeurs des pays d'accueil,
réduisant ainsi le risque d'exploitation32, Franciscans International encourage auprès de ses
membres sur le terrain des initiatives allant dans le même sens. Le souci du respect des droits
culturels des migrants ne doit pas, toutefois, occulter la nécessité d’un contrôle des tendances
culturelles dommageables aux sociétés d’accueil. Les Etats, sans tomber dans l’excès, ont le droit
d’encadrer l’expression culturelle des migrants afin d’éviter une contamination culturelle
dangereuse ou des pratiques incompatibles avec les normes du droit international et en particulier
du droit international des droits de l’homme.
30
Les pays suivants ont été visités : Canada du 17 au 30 septembre 2000 rapport dans le document E/CN.4/2001/83/Add.1,
Equateur du 5 au 15 novembre 2001 rapport dans le document E/CN.4/2002/94, Mexique du 25 février au 6 mars 2002 rapport
dans le document E/CN.4/2003/85/Add.2, Frontière Mexique - Etats-Unis du 7 au 18 mars 2002 rapport dans le document
E/CN.4/2003/85/Add.3 et Corr.1, Philippines du 20 mai au 1er juin 2002 rapport dans le document E/CN.4/2003/85/Add.4,
Espagne, 15 au 26 septembre 2003rapport dans le document E/CN.4/2004/76/Add.2, Maroc, du 19 au 31 octobre 2003rapport
dans le document E/CN.4/2004/76/Add.3, Iran, du 22 au 29 février 2004 rapport dans le document E/CN.4/2005/85/Add.2, Italie
du 7 au 18 juin 2004 rapport dans le document E/CN.4/2005/85/Add.3, Pérou du 20 au 30 septembre 2004 rapport dans le document
E/CN.4/2005/85/Add.4. Voir aussi Manuel sur les Travailleurs Migrants, Franciscans International, Avril 2004, page 34.
31 E/CN.4/2005/85/Add.3 du 15 novembre 2004, § 95.
32 E/CN.4/2002/90 du 9 janvier 2002, § 14.
11.6. DS 6. Prise de position sur la Résolution 2005/20 de la Commission
des droits de l’homme
« Promotion de la jouissance effective des droits culturels pour tous et respect des
différentes identités culturelles » 33
PLATE FORME D’ONG SUR LA DIVERSITE ET LES DES DROITS CULTURELS
2.05.05
1. La Résolution de 2005 reprend intégralement les considérants ainsi que la plupart des
paragraphes du dispositif des résolutions adoptées sur ce point les années précédentes34 à
l’exception des §§.17, 18, 20 et 21. Cette nouvelle version a toujours l’intérêt d’attirer
l’attention sur la nécessité de promouvoir les droits culturels, mais elle est entachée des
mêmes ambiguïtés. Les ONG réunies en plate forme dans le cadre de l’Observatoire de la
diversité et des droits culturels estiment qu’il est opportun de prendre une position claire qui
permette de lever les ambiguïtés et d’aller de l’avant35.
1. Les points positifs de la résolution
Quant au fond
2. Cette Résolution réaffirme notamment : que les droits culturels font partie intégrante des
droits de l’homme, lesquels sont universels, indissociables et interdépendants. Elle rappelle
certains droits culturels spécifiques : participer à la vie culturelle, jouir des arts participer au
progrès scientifique et à ses bienfaits. Elle s’adresse ensuite à la responsabilité première des
Etats de promouvoir les droits culturels pour tous et de développer le respect des différentes
identités culturelles en relevant le rôle primordial des politiques des pouvoirs publics en
partenariat avec le secteur privé et la société civile ; elle souligne l’importance de la
coopération culturelle entre les peuples et les Nations ainsi que de la solidarité
internationale.
33
E/CN.4/2005/L22 : 39 oui ; 1 non ; 13 abstentions.
34
2002/26 et 2003/26, (adoptées par consensus) ; 2004/20 (38 oui, 1 contre (non) et 14 abstentions
(dont les pays UE). En outre en 2004 et 2005 les USA ont proposé un amendement visant à
supprimer les paragraphes sur la procédure thématique ; cet amendement a été soutenu par les
pays UE avec quelques nuances dans les explications de vote (en 2005, cet amendement a été
rejeté par 39 voix contre 14).
35
Voir la « Contribution d’ONG participant à l’Observatoire de la diversité et des droits culturels sur la
possibilité de mettre en place une procédure thématique sur la diversité et les droits culturels » dans
le cadre du suivi de la Résolution 2004/20 de la Commission des droits de l'homme. Voir aussi :
Situation des droits culturels. Proposition d’argumentaire : http://www.unifr.ch/iiedh/
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 40
________________________________
Quant à la procédure spéciale proposée
3. Suite aux consultations menées par le HCDH, la Résolution 2005 (§.17) associe cette
année les ONG aux remerciements (ceux-ci s’adressent directement aux ONG membres de
l’observatoire sur les droits culturels qui sont les seules à avoir adressé une contribution
reproduite dans le doc. E/CN.4/2005/40 du 28 janvier 2005). La Résolution (§ 18) souligne
que ces consultations ont montré la nécessité de renforcer la visibilité et la compréhension
des droits culturels ainsi que de la diversité culturelle et ont confirmé l’appui à la création
d’une procédure thématique pour contribuer à cet objectif. La contribution de l’Observatoire
et des ONG membres se trouve ainsi prise en compte (ainsi que celles de l’Unesco et de
l’Unicef).
4. C’est le §. 20 qui dresse le « programme de travail » pour l’année à venir : alors qu’en
2004 la Haut Commissaire était priée de consulter les Etats, les organisations
intergouvernementales et les ONG « sur la possibilité de mettre en œuvre une procédure
thématique », le résolution 2005 est plus précise et avancée en demandant que la
consultation porte spécifiquement « sur les particularités et la portée du mandat d’un expert
indépendant sur la promotion de la jouissance par tous des droits culturels et le respect des
différentes identités qui serait axé sur l’application globale de la présente résolution ».
2. Les ambiguïtés
Quant au fond
5. Le thème de la Résolution est toujours aussi vague et donc ambigu. Si le thème des droits
culturels est clair à l’intérieur de l’indivisibilité des droits de l'homme, il souffre d’être attaché
à la notion collective de « respect des différentes identités culturelles », laissant craindre un
mélange avec des droits collectifs, voire des droits des Etats. Il serait beaucoup plus précis,
en tenant compte des avancées de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité
culturelle, de resserrer le thème de la Résolution sur les liens qui existent entre le respect
des droits culturels et celui de la diversité culturelle. Si la diversité culturelle est un
patrimoine à protéger, cela n’a de sens et n’est possible que par le respect et la promotion
des droits culturels au sein de l’ensemble des droits de l'homme.
Quant à la procédure spéciale proposée.
6. Dans un nouveau paragraphe (21), la Résolution demande d’éviter un chevauchement
avec les activités de l’Unesco et d’autres organismes dans l’établissement du mandat de
l’expert indépendant et d’encourager la synergie entre tous les acteurs traitant des droits
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 41
________________________________
culturels et de la diversité culturelle. Il nous paraît essentiel en la matière, non pas d’éviter
les chevauchements, mais là aussi de garantir la meilleure synergie avec l’UNESCO,
l’institution spécialisée dont la collaboration est centrale pour recueillir les observations,
susciter les études et lancer les programmes nécessaires à l’élucidation et à la promotion
des liens entre diversité et droits culturels. Rappelons que l’UNESCO a accueilli
favorablement la perspective d’établir une procédure spéciale sur les droits cultuels dans le
cadre de la Commission, afin de renforcer notablement la synergie nécessaire entre tous les
acteurs notamment au sein de la famille des Nations Unies.
3. Proposition
Quant au fond
7. Des initiatives nouvelles devraient être entreprises pour préparer un texte de consensus
qui pourrait notamment rallier les pays UE dont certains sembleraient prêts à soutenir, voire
à parrainer, un tel projet de procédure spéciale s’il est recentré dans son contenu et dans la
mesure où son support est élargi, dans le cadre de la liste des coauteurs. L’adoption par
consensus renforcerait considérablement, non seulement la portée et l’effectivité du mandat,
mais la place accordée aux droits culturels par l’ensemble de la Commission.
8. La résolution 2005 offre de nouvelles possibilités d’initiatives pour l’année à venir. Les
consultations demandées devraient aller au-delà de la procédure des réponses écrites qui
ont été très peu nombreuses précédemment, mais permettre au HCDH (sous l’impulsion
directe notamment des ONG et de l’Observatoire des droits culturels), d’organiser
prochainement un ou plusieurs séminaires, réunions de travail réunissant les différents
acteurs intéressés (experts, ONG, gouvernements, organismes spécialisés…).
9. A cet égard, la tenue d’un séminaire ouvert qui serait proposé par l’Observatoire au HCDH
avec les partenaires intéressés, portant sur la clarification des liens entre la diversité et les
droits culturels sur la base des instruments existants et sur la spécificité du mandat d’un
rapporteur spécial, constituerait une contribution importante pour la concrétisation du projet
en 2006.
Quant à la procédure spéciale proposée.
10. La définition du mandat d’un rapporteur spécial reste ouverte. On peut se demander s’il
devrait porter sur les droits culturels dans leur ensemble, afin d’élucider leur situation et leur
importance au sein de l’indivisibilité des droits de l'homme, ou se limiter au droit de participer
à la vie culturelle, mais à condition de prendre ce droit en son sens large et de ne pas le
réduire aux beaux arts ou à la culture au sens étroit.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 42
________________________________
11. Bien qu’il ait été indiqué dans les résolutions successives qu’il ne s’agissait pas de
demander la création d’un nouveau mécanisme de surveillance, on ne saurait écarter a priori
la prise en compte des diverses fonctions que peut remplir un expert indépendant ou un
rapporteur spécial. Il est d’ailleurs à noter que l’établissement des procédures spéciales ne
procède pas par exclusion ou interdits mais qu’il appartient à chaque rapporteur de
développer une approche spécifique dans le cadre de son mandat. Aussi, même si l’expert
indépendant proposé devait se concentrer, comme indiqué dans la résolution, sur
l’élaboration de directives d’application volontaire et de propositions et recommandations
concrètes, l’approche devrait demeurer largement ouverte conformément à la pratique
antérieure des procédures spéciales et en tenant compte de la spécificité du thème des
droits culturels.
12. Compte tenu des clarifications qui pourront être réalisés dans les mois à venir, quant au
fond et quant à la forme, la nomination d’un rapporteur spécial pourrait être envisagée à la
62e session de la Commission de 2006. La question se pose alors de l’adoption si possible
par consensus ou à une très large majorité de la résolution correspondante, sur la base soit
de la résolution actuelle, soit d’un projet alternatif nouveau. Les ONG mentionnées sont
persuadées que, quelle qu’en soit la forme, une procédure spéciale précise est nécessaire
pour rétablir enfin, et loin de toute ambiguïté, l’importance des droits culturels au sein de
l’indivisibilité.
Adresses de contact de la plate forme:
[email protected]
[email protected]
http://www.unifr.ch/iiedh/droits-culturels/droits-culturels.htm
11.7. DS 7. Promotion des droits culturels au sein du système des droits
de l'homme
Séminaire organisé par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de
l'homme en collaboration avec l’Observatoire de la diversité et des droits culturels lié
à la plate forme d’ONG sur la diversité et les droits culturels, avec le partenariat de la
Francophonie et de l’UNESCO.
Genève, 26 octobre 2005
P. Meyer-Bisch
6 novembre 05
1. Rappel de l’objectif
La spécificité des droits culturels n’a jamais été traitée pour elle-même, cela constitue un
manque essentiel dans le système des droits de l'homme.
La Résolution 2005/20 de la Commission des droits de l’homme (14 avril 2005), « Promotion
de la jouissance effective des droits culturels pour tous et respect des différentes identités
culturelles », souligne que les consultations menées dans le cadre de la Résolution de
l’année 2003 ont montré la nécessité de renforcer la visibilité et la compréhension des droits
culturels ainsi que de la diversité culturelle et ont confirmé l’appui à la création d’une
procédure thématique pour contribuer à cet objectif (§ 18). Le §. 20 demande que la
consultation porte spécifiquement « sur les particularités et la portée du mandat d’un expert
indépendant sur la promotion de la jouissance par tous des droits culturels et le respect des
différentes identités qui serait axé sur l’application globale de la présente résolution ».
Ce séminaire fut organisé pour répondre à ce mandat, l’importance de la participation fut le
signe de l’actualité du sujet au lendemain de l’adoption de la Convention de l’UNESCO sur la
protection de la diversité culturelle
55 Délégations nationales, 14 ONG et trois OIG étaient représentées (OIF, UNESCO, Union
interafricaine). La matinée fut consacrée aux éclaircissements et l’après-midi au débat sur
les procédures.
2. Eclaircissements
Le débat nourri sur les éclaircissements s’est appuyé sur les documents préparatoires
fournis par l’Observatoire et accessibles sur le site :
•
Il y a une complémentarité nécessaire entre le respect de la diversité culturelle et celui
des droits culturels : les individus sont les premiers facteurs de la diversité et celle-ci est
entretenue au service de leurs droits. L’adoption de la Convention de l’UNESCO, dont la
portée est plus réduite que la Déclaration de 2001, n’ôte rien aux articles 4 (protection de
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 44
________________________________
•
•
•
•
•
•
tous les droits de l'homme) et 5 (droits culturels) de cette Déclaration ainsi que le § 4 de
son Plan d’action, (avancer dans la compréhension et la clarification des droits culturels
en tant que partie intégrante des droits de l'homme).
Les droits culturels font partie du système des droits humains au même titre que les
autres : ils font partie de l’indivisibilité et de l’interdépendance, tel que cela est
régulièrement rappelé dans les textes des NU et notamment à la Conférence de Vienne,
et encore dans la récente Convention de l’UNESCO. Toute ambiguïté relativiste peut
donc être écartée. Les droits culturels ne relativisent pas l’universalité, ils permettent au
contraire de développer l’universalité en la recueillant dans la diversité des cultures.
Les droits culturels peuvent être définis comme les droits et libertés d’accès et de
participation aux ressources nécessaires au processus d’identification (comme le droit
aux soins est défini comme les droits et libertés d’accès et de participation aux soins
nécessaires à l’entretien du meilleur état de santé possible).
A ce titre, les droits culturels sont, comme les autres droits de l'homme, des droits
individuels. Le fait que leur exercice se face en société et s’exerce souvent
collectivement, n’ôte rien à l’individualité du sujet. C’est le cas pour tous les droits de
l'homme. De même le bénéficiaire, comme dans le cas classique de la protection de la
famille, peut être un collectif, mais le sujet demeure individuel. Les droits collectifs
existent, mais ils sont seconds par rapport aux droits de l'homme, dont le sujet est
toujours individuel.
La spécificité des droits culturels est peut-être qu’ils montrent mieux les liens entre le
sujet et l’objet du droit, entre l’individu et les œuvres et patrimoines (des choses, des
institutions, des communautés) auxquelles il a besoin de puiser pour construire son
identité.
La définition des droits culturels permet en outre de mettre en valeur la dimension
culturelle des autres droits de l'homme. Ce faisant ils en complètent l’interprétation et
l’effectivité, car ils indiquent que si les droits sont appliqués sans considération des objets
et milieux nécessaires à leur appropriation par les sujets eux-mêmes et par ceux qui en
sont responsables, leur effectivité est compromise, voire leur application a des effets
pervers.
Enfin, au niveau des instruments, les droits culturels sont déjà reconnus dans nombre de
dispositions, à partir desquelles il faut travailler. Mais ne bénéficient pas encore de la
visibilité et des développements qui sont nécessaires.
3. Proposition de stratégie
Compte tenu de la réforme en cours de la Commission en vue de la création d’un Conseil, il
ne semble pas opportun de créer une nouvelle procédure spéciale actuellement.
Il n’en demeure pas moins que le vide juridique qui se maintient par le manque de définition
et de protection des droits culturels est une des causes du développement de la violence, du
maintien de la pauvreté, de la violation de bon nombre de droits de l'homme, d’une mauvaise
prise en compte de la diversité et donc d’un retard dans l’application universelle des droits
reconnus.
La Délégation suisse a proposé de demander aux rapporteurs spéciaux d’identifier les droits
culturels et la dimension culturelle des droits dont ils s’occupent. Cette proposition a
l’avantage de pouvoir aller de l’avant. Encore faut-il que les informations précieuses qui
pourront ainsi être recueillies soient synthétisées et analysées.
Il serait également utile d’envisager de travailler avec certains comités, afin qu’ils de
recueillir leurs observations et de les inviter à accorder une plus grande place aux droits
culturels (notamment le comité des desc) dans leurs analyses et dans les questions qu’ils
posent aux Etats.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 45
________________________________
11.8. DS 8. Le droit à une information adéquate : une responsabilité
commune
Extension d’un droit civil à un droit culturel
2ème Table ronde : Diversité culturelle et droit à une information adéquate
Université de Fribourg, le 27 mai 2004
5.04.0436
« L’information adéquate à l’exercice des libertés »
L’acte d’information est le lien culturel constitutif du tissu social et la condition d’exercice des
droits, libertés et responsabilités. Sa réduction au simple transfert d’un message a occulté sa
dimension culturelle fondamentale et l’ampleur du problème de sa gestion démocratique. A
cet égard, la notion de «société de l'information» risque bien de constituer un "mythe
technocratique"37, une illusion selon laquelle, la richesse des moyens produirait l'effectivité
du droit, alors que manque sa dimension essentielle: la capacité culturelle de communiquer.
Le développement de l'information ne peut se faire que par celui de la cohabitation culturelle,
par la valorisation de la diversité culturelle, passant par celle des acteurs.
Dans la surabondance actuelle des messages accessibles et la complexité des situations, il
s’agit de disposer de l’information adéquate à l’exercice des libertés. Aucune institution,
aucun média ne peuvent fournir cette information finie. Il s’agit d’un droit fondamental dont
l’effectivité mesure la qualité de notre culture démocratique, Il s’agit aussi d’une
responsabilité commune exercée par toutes celles et tous ceux qui demandent et produisent
de l’information. Il n’y a pas que des professionnels de la communication – journalistes ou
communicateurs au service d’entreprises et d’institutions qui ont la responsabilité de fournir
et de vendre de l’information à des consommateurs : il y a une multitude d’interacteurs d’un
vaste système qui traverse toute la société et ses institutions. L’adéquation est une œuvre
commune.
1. Constat
1.1.
Sous-développement du droit au sein des droits humains
Actuellement, le droit de rechercher, recevoir et transmettre les informations se trouve
reconnu dans l'article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l'homme et les articles
19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civiles et politiques, mais au titre d'une
dimension du droit à la liberté d'opinion et d'expression (celle-ci "implique le droit de ne pas
être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre les
informations…").
Sans négliger l’importance du droit d’accès à une information indépendante et de qualité, et
la gravité de la violation de ce droit pour les individus et pour le fonctionnement
démocratique d'une société, force est de constater que l’interprétation actuelle du droit à
36
Ce texte est une version corrigée du document présenté lors de notre première table ronde, organisée durant le
Sommet mondial de l’information à Genève, le 10 décembre 2003.
37
Voir D. Wolton, L'Autre mondialisation, Paris, Flammarion, 2003, notamment p. 205.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 46
________________________________
l’information est extrêmement réductrice. Elle est essentiellement « négative », comme s’il
suffisait de ne pas empêcher.
Une conception « nue », ou naturaliste des libertés laisse supposer qu’il suffit de ne pas
empêcher une liberté (soit par empêchement direct, soit pas en ne permettant pas l'accès
aux moyens) pour qu’elle puisse naturellement s’exercer. Cette conception néglige le travail
culturel, sans lequel l’individu est dépourvu de capacités: il s'agit d'ajouter à la dimension
subjective pure du droit l'insertion du sujet dans l'objectivité du respect des références
culturelles et des capacités des sujets dans leurs milieux.
1.2.
Le caractère « adéquat » d’une information
Le passage entre une simple dimension d'un droit civil (la liberté d'opinion et d'expression) et
une conception plus exigeante d'un droit culturel peut se faire par une interprétation de
l'adjectif «adéquat». Dans le cas du « droit à une alimentation adéquate », le terme adéquat
signifie d'une façon générale une conformité à la dignité humaine en ses diverses
dimensions, notamment, biologiques, sociales et culturelles.
De même, pour qu'une information soit adéquate, il faut qu’elle corresponde à la dignité du
sujet exprimée en ses droits : qu’elle lui permette d’exercer ses droits, libertés et
responsabilités. Cela implique l’abandon du leurre d’une information neutre ou transparente,
au profit d’une conception clairement relative (une information, même factuelle, n'est jamais
neutre) mais élaborée en fonction des personnes, dans le respect de leur diversité culturelle,
et avec des règles claires d’objectivité (caractère vérifiable).
Cela implique notamment :
a. que le sujet ne soit pas seulement consommateur, bénéficiaire ou destinataire, mais
qu’il puisse participer à l’acte d’information (capacités d’accès, de choix, de
correction, de production, de diffusion) ;
b. que la diversité et les milieux culturels des partenaires de l’acte d’information soient
pris en compte et respectés, y compris au prix d’une interpellation ;
c. que ce droit soit publiquement protégé, c'est-à-dire qu’il y ait des règles suffisamment
claires sur la qualité et sur le caractère vérifiable des informations échangées dans
les espaces publics et institutionnels, à savoir qu’aux codes de déontologie adoptés
par la profession de journalisme correspondent d’autres codes pour les autres
professionnels de l’information ;
d. que soient distinctes les règles de transparence là où ce critère est adéquat – en
particulier dans les questions de finance et de procédures de décision – et les règles
d’ajustement de l’information partout ailleurs (traitement équitable des asymétries
inévitables et / ou fécondes d’information) ;
e. que l’information soit considérée comme un bien culturel publiquement protégé, de
sorte qu’elle ne soit aliénée ni à la propagande politique, ni à une logique de
standardisation liée à une production de masse orientée vers le seul profit.
Une information inadéquate correspond à une désinformation : au mieux, elle est
inaccessible et contribue au « bruit », au pire, elle produit, sciemment ou non, de l’erreur et
donc de l’aliénation.
1.3.
Le rapport entre formation et information
Nous pouvons ainsi exprimer le lien entre les deux faces d'un même acte : l’information n’est
pas plus réductible au message que l’alimentation à la nourriture.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 47
________________________________
La formation et l’information sont des actes, avant d’être des résultats (deux sens de l’acte
chez Aristote). En aucun cas, elles ne peuvent être isolées des acteurs (un message
circulant dans un tuyau). Dit autrement, une formation est une suite enseignée
d’informations. Cela signifie que formation et information sont deux dimensions d’un seul et
même acte : une capabilité (connexion de capacités selon Amartya Sen) qui s’inscrit dans la
durée (apprentissage, cumul ; création d’un capital culturel)38. On peut décrire ainsi la
complémentarité entre les deux libertés jumelles : une formation permet d’acquérir un capital
culturel : un langage et/ou un savoir permettant d’apprendre, de s’exprimer, de produire. Une
information est la mise à disposition d’un savoir circonstancié.
L’unité de l’acte de formation / information permet d’éclairer le couplage à respecter, dans
l’interprétation comme dans la mise en œuvre, entre les droits à l’éducation et à une
information adéquate. Ce couple est essentiel pour mettre en lumière la logique des droits
culturels.
1.4.
Le défi culturel
Le défi culturel consiste à remplacer une conception « naturaliste », non par une conception
« culturaliste » (qui consisterait à relativiser l’universalité des droits humains au contexte
culturel) mais « intégrée » : la prise en compte de l’ « épaisseur » culturelle d’un droit de
l’homme n’est pas seulement la considération d’une dimension parmi d’autres, mais de la
capacité d’intégrer les diverses dimensions du social.
1.5.
L’information centrée sur les sujets
La désinformation se caractérise généralement par la fabrication et l’entretien de leurres au
détriment des conditions d’existence concrète des personnes. Le droit à une information
adéquate est premièrement le droit pour chacun de communiquer avec autrui, de condition
concrète à condition concrète. Il ne s’agit pas de nier l’importance des détours par
l’information sur les systèmes, mais de comprendre que la compréhension du singulier est le
meilleur gage de la prise en compte de la complexité. Le but est la vérité de l’homme, d’un
homme, de chaque homme. Cela justifie l’importance du reportage, de l’anecdote, du
témoignage, toutes les informations qui mettent en valeur les sujets dans leurs milieux. Le
témoin est lui-même un nœud d’informations.
2. Propositions pour une gouvernance démocratique des systèmes
d’information
2.1.
Un choix et un objectif politiques
Au regard de ce droit de l'homme, la priorité politique est de reconnaître que l’information /
formation est un bien public juridiquement protégé, comme la condition première de
l’exercice des droits, libertés et responsabilités, et donc comme le facteur principal de toute
culture démocratique. Le but est de relier tout homme à la réalité qui est autour de lui, d’où le
38
Elles peuvent être, l’une et l’autre, diversement orientées vers la compréhension pure (développement du savoir et capacité
d’analyse) et/ou vers une action spécifique. C’est pourquoi une information peut être purement théorique (ex. une
découverte scientifique, une exposition de peinture…) et contribuer ainsi au capital culturel de ceux qui l’acquièrent. Si
elle est orientée vers la pratique, elle conditionne immédiatement l’exercice des libertés.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 48
________________________________
terme d’ « adéquation ». il convient que ce choix politique soit de plus en plus affirmé, c’est à
la fois un préalable pour garantir ces droits, et c’est aussi leur objectif.
2.2.
La définition d’un système culturel
Il est essentiel de passer d’une vision binaire (un producteur et un récepteur d’information à
travers un canal) à une approche qui prenne en compte la complexité (approche
systémique). Dans cette perspective, un système d’information est l’ensemble des acteurs
en interaction - avec les instruments dont ils disposent – qui recueillent, trient, protègent,
partagent, corrigent, produisent, transmettent, de l’information. Dans un tel système, il n’y
pas d’un côté les producteurs et de l’autre les récepteurs ou bénéficiaires, ou
consommateurs. Il y a certes des asymétries, elles sont même fondamentales, car elles
constituent la diversité et la richesse du système : il faut qu’il y ait des acteurs qui disposent
d’un savoir rare. Mais l’asymétrie ne peut occulter la réciprocité.
Un tel système suppose, certes, une industrie, à savoir des entreprises de récolte et de
production d’information ou « médias », mais celles-ci s’appuient, comme toutes les autres
entreprises, sur leurs différentes parties prenantes ou partenaires. Ceux-ci constituent un
« espace public », ce qui confère à l’économie de l’information sa nature de bien public. Il
s'agit, par exemple, d'établir un débat permanent sur les objectifs éthiques (l'effectivité du
droit à une information adéquate) entre les bailleurs de fonds d'un journal (propriétaires et
annonceurs), ses lecteurs, sa rédaction, ses fournisseurs et intermédiaires, ses concurrents,
des représentants de la société en général.
2.3.
Le travail d’information et la fonction « médiatrice » des institutions
Travailler une information, c’est la rendre adéquate : c'est vérifier son degré de vérité interne
(cohérence, fiabilité des sources, croisement des informations, etc.) et externe (cohérence
avec les milieux concernés, traitement de la diversité culturelle) et au besoin établir les
médiations :
- vers les savoirs connus : délivrer, rappeler ou indiquer les fragments nécessaires de
formation
- vers les milieux concernés : le milieu de recueillement et celui de lecture.
Chacun est amené à faire pour lui-même et pour autrui ce travail de médiation. La capacité
d’observation (recueil), de tri à l’entrée, d’utilisation, de tri à la sortie et de distribution (ciblée
ou publication) est un des problèmes majeurs de toute institution. Cette capacité
d’information mesure aussi bien la capacité économique d’une entreprise que la capacité
politique d’une institution publique ou non-gouvernementale.
On peut estimer que la légitimité démocratique d’une institution est proportionnelle à la
qualité de sa participation au système d’information.
2.4.
L’éducation à la citoyenneté par l’information
L’objectif pédagogique – au sens d’une pédagogie politique ou éducation permanente à la
citoyenneté - est de rendre perceptible à chaque citoyen les canaux (instruments) et les
langages par lesquels il peut exercer son droit, sa liberté, mais aussi sa responsabilité dans
l’exercice, pour lui et pour autrui, du droit à une information adéquate. Dit autrement,
l’objectif est que chaque personne, dès qu’elle le peut, soit un acteur autonome du système
de l’information, contribuant notamment à sa richesse.
11.9. DS 9. Le nœud culturel des libertés. Strasbourg 2003
Extrait de la Synthèse d’un colloque tenu à Strasbourg en décembre 2003, retravaillé pour la
publication (Voir Un nœud de libertés en bibliographie, paru en décembre 05) et soumise à
un colloque de méthodologie du dialogue interculturel et interreligieux en décembre 2005
Patrice Meyer-Bisch
Enjeux
§1. Les seuils culturels
Interpréter la liberté de conscience et ses libertés connexes dans le domaine religieux, c’est
placer le dialogue entre les religions en son enjeu fondamental : les limites de la base
commune dans la compréhension de la dignité humaine. Cela revient à interpréter ce
faisceau de libertés dans la logique des droits culturels, ces droits qui garantissent à chacun
les libertés d’accès et de participation aux patrimoines, aux traditions et aux activités qui
mettent en jeu l’identité et le sens de l’existence. Les traditions religieuses sont à cet égard
des écoles de pensée pour les droits humains, dans la mesure où elles acceptent d’être
elles-mêmes évaluées par cette exigence universelle.
§2. Les trois dialogues interdépendants
Ainsi trois dialogues sont interdépendants : le dialogue entre les religions, celui qui se
développe à l’intérieur de chacune et enfin celui qui s’exerce entre les communautés
religieuses et la société civile. Dans les trois cas, il ne suffit pas de réaliser la coexistence
dans une tolérance mutuelle. C’est la reconnaissance qu’il convient de viser. Celle-ci ne
signifie pas l’acceptation intégrale des valeurs de l’autre, mais son droit à être respecté et à
contribuer au débat commun.
Le dialogue inter-religieux ne se réduit pas au respect des fois et des pratiques, il implique
un lent travail commun de réinterprétation des valeurs, souvent des sources, communes.
Le dialogue intra-religieux implique également un effort permanent de réinterprétation des
sources, fondé sur une foi commune dans la liberté et les capacités de chaque croyant, pour
autant qu’il partage cette « bonne foi », pour autant qu’il cherche de bonne foi cet
approfondissement en suscitant et recueillant la critique mutuelle.
Enfin, le dialogue (extra-religieux) entre les communautés religieuses, les autres acteurs de
la société civile et les autorités publiques, ne se réduit pas à un aménagement mutuellement
accepté des sphères d’influence ; il implique également un lent travail d’interprétation : a)
des valeurs éthiques et politiques dont la communauté religieuse est ou devrait être
porteuse, b) des façons pour celle-ci de recevoir – et de s’approprier - les valeurs et
principes constitutifs des droits humains dont la communauté politique est ou devrait être
porteuse.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 50
________________________________
1. L’espace public ou commun
§3. Fragilité de l’espace public
L’espace public, entendu comme lieu de débat, d’exercice et de développement permanents
des valeurs démocratiques par le dialogue institué et garanti par les autorités publiques à
tous les niveaux, est un espace toujours fragile. Il est constamment remis en question par les
actes de dénigrement, d’exclusion, de légitimation des intolérances et de la violence. Cet
espace doit rester libre en ce sens qu’il ne peut imposer à chacun une morale définie. Mais il
n’est pas neutre au sens où il serait vide de valeurs ; il est au contraire délimité par des
«interdits fondateurs», sous-tendu par la base universelle et imparfaite que constituent les
droits humains, conçus non comme une morale mais comme des seuils à partir desquels les
différentes moralités peuvent exister. Ce n’est pas un terrain vague justifiant l’expression de
n’importe quelle opinion, un vide d’éthique à occuper par leur tradition. Ce « vide »
nécessaire au jeu des libertés permet la diversité culturelle, mais celle-ci est fondée sur un
universel également culturel. Ce seuil est défini essentiellement par les droits humains selon
une voie négative comme un développement du « Tu ne tueras pas ». En ce sens, cet
espace politique libre est une expérience commune de résistance en faveur de la dignité
humaine, une responsabilité culturelle. La responsabilité à l’égard du maintien et du
développement de cet espace public est une responsabilité commune qui engage toute
personne et toute communauté.
§4. Le culturel médiateur entre le politique et le religieux
Dans l’opposition entre le politique et le religieux, le public et le privé, il manque le culturel,
en tant que terme ou domaine médiateur. Conçu comme l’espace au sein duquel toutes les
activités humaines prennent sens, espace de discussion, de pratique des valeurs et
d’hospitalité, le culturel est le cœur de toute société. C’est l’espace d’adoption et de
réalisation des objectifs de toute communauté autonome. C’est dans le culturel qu’interfèrent
les sciences, les religions, les arts, les techniques et les coutumes. Les religions ont
puissamment contribué à cet espace fondateur du politique.
§5. L’universel
Dans la même opposition entre le politique et le religieux l’Etat est présenté comme le garant
de l’universel alors que les religions soutiennent des morales particulières. L’Etat n’a pas le
monopole de l’universel : chaque religion est porteuse et responsable devant tout homme
d’une approche singulière de l’universel. L’universel réconcilie par la mise en lumière d’une
expérience de foi commune et multiple dans la dignité, dans les capacités humaines
d’admiration, de création et de solidarité. La diversité possible de ces approches de
l’universel constitue la richesse culturelle fondamentale, dont les intellectuels de toutes
confessions sont spécifiquement responsables. Cette reconnaissance de la diversité comme
richesse, et non comme objet de tolérance, peut être considérée comme le facteur principal
de la paix.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 51
________________________________
§6. Compréhension : l’interférence des interprétations
Toutefois les traditions religieuses se développent dans des contextes politiques qui ne sont
pas tous acquis à l’universalisme de la dignité humaine, et par ailleurs beaucoup de groupes
religieux, ou se prétendant tels, agissent comme des facteurs de discrimination, et de guerre.
Les trois formes de dialogue indiquées au § 1 sont une condition nécessaire au
développement des droits humains : à la fois au niveau des fondements de la dignité
humaine et de son interprétation spirituelle et anthropologique, et à la fois au niveau de leur
expérience de foi et de leur témoignage transnational et transhistorique. L’humanité a besoin
du concours de toutes les religions à cette fin, et chaque tradition religieuse a besoin du
concours critique des autres.
2. Connexion des libertés
§7. Droits, libertés, responsabilités
L’opposition couramment admise entre les droits ou les libertés qui caractériseraient l’ordre
démocratique et les devoirs dont la prééminence spécifierait l’ordre spirituel, n’est pas
fondée. Chaque droit humain est à la fois un droit à l’égalité, une liberté d’exercer ses
capacités et une responsabilité à l’égard de ses propres droits et de ceux d’autrui. Selon
l’expression d’Emmanuel Lévinas, les droits de l'homme sont d’abord les droits de l’autre
homme. Cette compréhension du bien commun dans les droits humains facilite leur
interprétation par les religions.
§8. Liberté, fidélité, vérité
De même les libertés de pensée, de conscience et d’opinion sont souvent opposées aux
devoirs de fidélité envers la communauté et de soumission à la vérité. Cependant, les
libertés publiques ne peuvent être comprises comme autorisant le relativisme culturel, elles
sont au contraire au service du débat général qui ne reconnaît que « le tribunal de la
raison » ; elles ne se comprennent que dans un esprit de fidélité à la raison, et donc au
savoir accessible. Dans les faits, il est vrai que le sous-développement des droits culturels,
notamment du droit de participer à la vie culturelle de la communauté, n’a sans doute pas
permis de placer le respect de la vérité accessible à la place qui lui est due dans l’espace
démocratique. Les notions de fidélité et de vérité cependant appartiennent aussi bien à
l’ordre civil qu’à l’ordre religieux, même si elles se déclinent différemment . De même, la
pratique du débat rationnel - l’interprétation avec toutes les libertés qu’elle suppose - est
fondatrice de la pérennité des traditions religieuses aussi bien que démocratiques.
§9. Le nœud des trois libertés internes
Les trois libertés, de pensée, de conscience et d’opinion constituent une gerbe aux liens
entremêlés, les liens qui tissent et tendent l’espace de la conscience dans le respect de la
vérité accessible. Chaque liberté peut être tour à tour considérée comme fondement et
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 52
________________________________
condition des deux autres, selon le principe d’indivisibilité valable pour l’ensemble des droits
humains.
§10. Le nœud des quatre libertés externes
Aux trois libertés internes s’ajoutent les deux libertés d’expression et d’association, ainsi que
les deux libertés jumelles d’information et de formation. Elles se conditionnent mutuellement,
et elles montrent en outre les droits / libertés / responsabilités communs essentiels de
transmettre le savoir, ses instruments, ses pratiques et ses traditions d’interprétation. Ces
sont ces libertés jumelles qui permettent la continuité et le développement des traditions.
§11. Dans le champ des religions
Les libertés religieuses peuvent dès lors être comprises comme l’exercice de ces sept
libertés entendues en même temps comme des droits et des responsabilités. Exercées dans
le domaine religieux, ces sept libertés prennent toute leur dimension culturelle : cela signifie
que l’individu est obligé de prendre en compte la consistance des traditions et des
communautés. Ces libertés s’exercent en des milieux culturels tissés par une très grande
richesse de savoirs. Si le culturel se caractérise par une circulation du sens au travers de
toutes les activités de façon à tisser les liens, le religieux pousse à la limite la logique
culturelle en ce qu’il établit un sens fondamental traversant de part en part les dimensions
matérielles et spirituelles des activités humaines.
§12. Le principe : la contrainte libère
La difficulté de principe réside dans l’interprétation de la contrainte exercée par le milieu
culturel – ici le milieu religieux – sur la liberté des personnes. Une limitation dans l’exercice
de la liberté peut être nécessaire pour assurer la cohérence d’un choix, d’une tradition, d’une
communauté, mais cela ne signifie pas une diminution de la liberté réelle des personnes. Au
contraire, le milieu religieux (tradition et communauté) est une source et une ressource pour
la liberté des personnes qui s’y reconnaissent : elles y trouvent des témoignages de foi, de
savoirs (avec leurs disciplines), et de libertés accomplies. Le respect de ces patrimoines
vivants justifie qu’on ne puisse entrer et sortir d’une communauté religieuse sans prendre en
compte les droits d’autrui, notamment des personnes qui se reconnaissent dans ces
patrimoines.
§13. L’interne et l’externe
Cependant, la légitimité de cette frontière entre l’interne et l’externe ne peut justifier des
discriminations arbitraires ; elle ne peut porter atteinte aux principes des droits humains,
arrêtant les interdits fondateurs de toute société. Bien au contraire, chaque religion peut
prétendre apporter une interprétation plus exigeante – jamais moins – des droits humains,
fondée sur une conception plus haute de la dignité. L’interpénétration dans les espaces
public et religieux des sept libertés limite les risques de discrimination et relativise
l’étanchéité de la frontière entre l’interne et l’externe de chaque communauté, dont l’objectif
ne saurait être que la valorisation de l’universel en l’humain. C’est pourquoi, un non-respect
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 53
________________________________
des droits fondamentaux, compris avec leur dimension culturelle, est incompatible avec
l’authenticité d’une tradition religieuse.
3. Une responsabilité commune dans l’interprétation des seuils
§14. Une responsabilité commune
Toutes les traditions, civiles et religieuses ont en commun la responsabilité du maintien de
l’espace public, espace éthique du dialogue au sein de toute communauté politique. L’Etat
démocratique est le garant de l’effectivité des droits humains qui sous-tendent cet espace.
Loin d’être neutre quant à l’éthique, il a la responsabilité proprement éthique d’organiser le
débat sur les valeurs et de garantir l’autonomie légitime des communautés religieuses qui
sont respectueuses du nœud des libertés.
§15. La responsabilité des communautés religieuses
Les communautés religieuses ont cependant une responsabilité plus grave. Elles détiennent
une expérience originale des connexions entre le spirituel et le temporel ; elles ont
l’expérience du lien entre liberté, vérité et fidélité, c’est pourquoi elles ont à répondre devant
la société de l’authenticité de leur tradition. Le critère de cette authenticité semble pouvoir
être défini par la pratique interdépendante et rigoureuse des trois dialogues définis plus haut.
Les communautés religieuses ont ainsi la responsabilité de contribuer à l’espace public en
général par le témoignage de leur tradition vivante, ce qui suppose qu’elles admettent de
recevoir la critique externe.
11.10.
DS 10. Fonction des interdits fondateurs dans l’interprétation
interculturelle des droits à l’éducation et à l’information, Bucarest
2004
A l’issue des travaux de ce colloque à Bucarest, le 28 – 30 octobre 2004 (actes publiés en
2006) organisé dans le cadre des programmes de l’Observatoire de la diversité et des droits
culturels en lien avec la Francophonie, et dans le cadre du réseau des chaires UNESCO
pour le dialogue interculturel et interreligieux, la proposition méthodologique suivante a été
adoptée en tant qu’hypothèse de travail pour l’Observatoire et ses partenaires, ainsi que
pour le Réseau de chaires UNESCO.
1. L’hypothèse générale
§ 1. Il est difficile de trouver des indicateurs qui permettent d’évaluer l’effectivité d’un droit de
l’homme, car on se trouve face à deux positions :
-
des indicateurs classiques, essentiellement quantitatifs qui mesurent des résultats
sans pouvoir réellement prendre en compte ni la dynamique, ni la complexité des
interdépendances, ni les libertés individuelles ;
- des valeurs morales présentées comme des objectifs et des vœux : appels à la
tolérance, au dialogue interculturel, à la responsabilité de tous les acteurs ;
A cela s’ajoute la difficulté d’identifier le système moral propre à chaque société
observée : comment elle définit le bien et le mal, la liberté et la contrainte.
§ 2. La mesure de l’effectivité d’un droit demande une approche à la fois normative et
dynamique, avec une dimension pédagogique permettant de comprendre la norme comme
résultat d’une évolution qui, tout en la réaffirmant, demande une interprétation toujours
nouvelle. Chaque droit de l’homme peut être considéré comme un interdit d’une forme
d’inhumain, un « inter-dit » fondateur de l’espace public démocratique. En indiquant
clairement les pratiques qui sont contraires au respect de la dignité humaine, ces interdits
indiquent le sens d’une dynamique démocratique. Cette approche en voie négative permet
de concilier le caractère normatif des droits humains et le respect de la diversité culturelle.
La démocratie n’est pas ici considérée comme un modèle politique culturel particulier, mais
comme un système politique de valorisation de la diversité. Chaque droit de l’homme permet
en ce sens de définir un interdit, ou une connexion d’interdits, dont l’ensemble doit permettre
de fixer le « bornage » d’une dynamique démocratique dans la diversité des cultures. Tels
sont les interdits du meurtre, de la discrimination, du vol, du mensonge, de la pollution
irrémédiable.
§ 3. Les droits culturels prennent une place particulière dans cette approche, dans la mesure
où ce sont les droits qui garantissent :
-
le respect et la mise en valeur (valorisation) de la diversité culturelle
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 55
________________________________
-
le respect et la mise en valeur des libertés culturelles, dans la formation des identités
la qualité de l’espace public que l’on peut définir en voie négative par un seuil
d’interdit du mensonge.
§ 4. Notre hypothèse est qu’il est possible de créer une liste de valeurs à mesurer, puis
d’indicateurs, à partir des différents droits culturels. Cette liste ne peut être comprise que
comme une série d’entrées d’évaluation d’un système, en interdépendance systémique et
dynamique, conformément à l’indivisibilité et à l’interdépendance de tous les droits de
l'homme.
§ 5. Parmi les droits culturels, la connexion entre les droits à la formation (éducation) et à
l’information revêt une importance stratégique particulière, car elle assure un facteur
essentiel de progrès démocratique. L’hypothèse est que ce couple de droits permet de
construire des indicateurs et d’identifier des processus déterminant des dynamiques de
démocratisation permettant d’évaluer la qualité d’un espace public par son degré
d’intolérance à l’égard du mensonge et des différents types de désinformation.
2. L’observation d’une action et non d’un état
§6. Il s’agit d’observer des processus de démocratisation et non un niveau de démocratie.
Chaque droit est un indicateur d’une dynamique d’accomplissement à partir d’un « socle » un interdit - qui est le fondement d’une liberté et le principe des responsabilités qui lui
correspondent.
§7. Il convient de s’assurer que ce « bornage » d’une dynamique démocratique par le droit
permet de coupler :
-
Une logique progressive (verticale) par gradation, ou élévation des seuils ;
Une logique d’élargissement et de diversification, ou valorisation de la diversité.
§8. Il est classique de distinguer entre les normes à atteindre et les procédures qui
permettent de les atteindre. Les procédures sont, pour une bonne part, définies par les droits
civils qui fournissent des indicateurs classiques de la dynamique démocratique : respect des
libertés d’association, d’expression, de pensée et de conscience, ainsi que des droits du
justiciable et de participation politique. Les droits culturels permettent de faire un progrès
dans la compréhension d’une démocratisation. Ils permettent de lier les principes garantis
par les droits civils au respect de la diversité culturelle, non dans une perspective relativiste,
mais dans la considération qu’une culture est la ressource première de tout développement,
individuel et collectif. Non seulement un système juridique et politique ne peut se développer
que s’il n’est pas imposé comme un modèle externe, mais plus généralement, la réalisation
du droit commence par son « appropriation » par tous les acteurs de la société,
responsables de son interprétation en fonction des ressources culturelles propres.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 56
________________________________
3. Le champ des valeurs à observer, classées par droits culturels
§9. L’approche qui suit est plus classique, puisqu’elle constitue une liste d’entrées. Il est
cependant important de s’entendre sur ce que recouvre le champ culturel, et de vérifier si
une liste cohérente peut être établie à partir d’une liste de droits culturels. La liste suivante
est un recueil des analyses échangées lors de notre colloque et n’est donc qu’à l’état
indicatif. Il reste qu’une approche dynamique systémique (organisation et interdépendance
des indicateurs) n’exclut pas une vérification systématique (il ne faut pas oublier une valeur
importante).
§10. L’aspect dynamique apparaît cependant de trois façons :
1. La plupart des droits / libertés / responsabilités sont de nature dialectique (liberté
d’adhérer ou de ne pas adhérer à une communauté, de revendiquer ou de ne pas
revendiquer une identité distincte.
2. Chaque droit peut être décomposé en une « corbeille » de droits permettant de
définir plusieurs valeurs et indicateurs.
3. Les droits indiqués peuvent se retrouver sous plusieurs entrées, ce qui conduit à
chercher des principes d’organisation pour une approche systémique.
§11. Liste indicative par droits culturels
Accès au patrimoine
-
identification des patrimoines dans leurs diverses dimensions (objets, savoirs et
savoir-faire), dans leur environnement naturel, social et culturel, et dans le respect de
la complexité des évolutions historiques
interdit de la falsification historique : respect des acquis historiques et des diversités
d’interprétation (enseignement et information)
respect du droit à la mémoire avec la garantie des libertés d’interprétation
qualification juridique, et pas seulement morale, des fautes
accès à la connaissance scientifique, y compris aux bibliothèques et bases de
données
Participation à la vie culturelle
-
accès (la notion d’accès est à interpréter de façon participative) à la pratique des arts
et aux spectacles
accès à la communication interculturelle par les arts
accès à la pratique des valeurs de la citoyenneté par les arts
libertés de conscience et de pratique religieuses et accès au dialogue interreligieux
Liberté de référence à une communauté culturelle
-
identification et participation des acteurs culturels aptes à apporter à l’espace public
leurs propres valeurs, savoirs et traditions
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 57
________________________________
-
participation politique respectant la diversité culturelle sans imposer des obligations
d’amalgame ; interdit de toutes les formes d’amalgame
prise en considération des histoires de vie, révélatrices de la complexité et des
libertés
respect de la mobilité
Droit à l’éducation
-
à la connaissance des patrimoines dans leur diversité
éducation à la citoyenneté démocratique : droits humains, développement durable,
vie associative
éducation à l’usage des médias
droit à l’orientation (droit à l’information sur les formations)
interpénétration entre les acteurs de la formation et les autres acteurs culturels, à
commencer par les acteurs de l’information
Droit à l’information
-
à une information valorisant les diversités
à une information valorisant la citoyenneté
définition des seuils d’intolérance à l’égard de la violence verbale dans les débats
publics, et de la représentation de la violence physique et des autres formes de
désinformation
interpénétration entre les acteurs de l’information et les autres acteurs culturels, à
commencer par les acteurs de la formation
Droit de participer aux politiques culturelles, ou gouvernance des systèmes
culturels
Coordination des systèmes culturels entre eux (éducation, information, valorisation des
patrimoines, beaux-arts, économie de la culture,…), selon des politiques culturelles intégrées
-
coordination de tous les acteurs (notamment formels et informels) à l’intérieur de
chaque système culturel, selon des politiques culturelles participatives
coordination des échelles de gouvernance : du micro au macro, régional, national,
international, transnational, avec une valorisation des espaces frontières
prise en compte des spécificités et des disparités territoriales : centres –périphéries,
villes - campagnes, zones de transhumance.
Garanties réelles assurées par les pouvoirs publics en faveur de l’effectivité de
l’ensemble des droits définis ci-dessus.
4. Des indicateurs de qualité pour évaluer l’espace public
§12. Le lien formation /information. L’hypothèse soumise au colloque, non seulement de
l’importance des droits à la formation et à l’information comme facteurs de démocratisation,
mais de leur connexion comme axe central de démocratisation, a été explorée et se
présente comme une bonne façon de construire des indicateurs concrets de qualité de
l’espace public.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 58
________________________________
§13. L’espace public est un espace de vérification. L’espace public est l’espace de débat
dans lequel les savoirs et les intérêts s’échangent et interfèrent d’une façon ouverte, c'est-àdire le plus rationnellement possible. Il ne s’agit pas seulement de consultation, mais d’une
argumentation contradictoire de fond qui conditionne et légitime les processus de décision à
tous les niveaux. Un degré de démocratisation est alors proportionnel à la qualité des
espaces publics d’une société.
§14. Evaluer la qualité démocratique d’un système, c’est mesurer sa richesse en
information : diversité, production, circulation / transmission, utilisation pour la création et
l’orientation du système.
La diversité culturelle – diversité des acteurs et des savoirs – est considérée comme la
première richesse d’une société : un système politique est démocratique dans la mesure où
il l’exploite, c'est-à-dire qu’il fait interagir les acteurs et leurs savoirs.
Les droits culturels apparaissent comme autant d’indicateurs de circulation, d’interaction et
de création de savoir (des indicateurs de communication).
§15. Qualité des procédures démocratiques : indicateurs de la diversité et de la qualité
des espaces publics. Voici une première liste de valeurs transversales pour lesquelles des
indicateurs pourraient être construits :
1. identification, reconnaissance et participation de la diversité des acteurs impliqués
dans un système social
2. qualité des procédures de débat (clarté, durée avant, pendant et contrôle après), y
compris définition des seuils de tolérance à l’égard du mensonge, et de la violence
verbale dans les débats publics
3. mise à disposition du savoir disponible (participation des communautés scientifiques
et autres communautés de savoir aux décisions qui requièrent tout le savoir dispersé
dans la société)
4. diversification des espaces publics de concertation, de contradiction, de croisement
des savoirs et de décision, en fonction des domaines
5. responsabilité de tous les acteurs dans le suivi et les conséquences des décisions
6. transparence dans les engagements des partenaires et leurs financements
7. qualité de la communication interne / externe.
5. Poursuite de la recherche
§16. Programme de travail
La vérification et le développement de cette hypothèse méthodologique est soumise à tous
les partenaires de l’observatoire de la diversité et des droits culturels ; sa version provisoire
est soumise au colloque de Cotonou, les 18-20 novembre, et sera communiquée lors d’une
des réunions préparatoires du Sommet de la Francophonie à Ouagadougou, le 22 novembre
2004.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 59
________________________________
§17. Programmes de recherche envisagé
Plusieurs programmes de recherche ont été évoqués par les différents acteurs et seront
communiqués dans les semaines qui suivent.
§18. Développement d’une méthodologie du dialogue interculturel
Le document de création du Réseau UNITWIN des Chaires UNESCO pour le dialogue
interculturel et interreligieux dont une première version a été élaborée lors du colloque, devra
s’accompagner d’un plan d’action dont l’objectif proposé est en particulier le développement
de la méthode proposée ci-dessus. Le dialogue interculturel et interreligieux ne peut se
limiter à des relations de respect mutuels et à des appels à la tolérance. Il implique la
recherche d’un fondement concret qui favorise le lien social et politique. Les interdits
fondateurs ouvrent une voie à la fois normative et progressive. Les traditions religieuses
possèdent à cet égard une grande richesse d’interprétation utile à toutes les autres
dimensions de la culture. Un document de base, pouvant servir à ce plan d’action, sera
prochainement soumis.
§19. Instruments pédagogiques
Au fur et à mesure de l’élaboration des méthodes indiquées ci-dessus, il conviendra de les
transposer dans l’acte pédagogique : buts de l’éducation à la citoyenneté démocratique,
matériels, formation permanente, pour et avec, les enseignants, les journalistes et les autres
acteurs culturels.
11.11.
DS 11. L’effectivité des droits économiques, sociaux et
culturels, fins et moyens du développement, Cotonou 2004
A l’issue des travaux de ce troisième colloque (Cotonou, le 18 – 20 novembre 2004, Actes
publiés à Cotonou. Voir Bibliographie) organisé dans le cadre des programmes de
l’Observatoire de la diversité et des droits culturels, la proposition méthodologique suivante a
été proposée, en complément à celle qui est issue du colloque de Bucarest, en tant
qu’hypothèse de travail pour l’observatoire et ses partenaires, notamment dans le cadre du
réseau des Instituts des droits de l'homme de la paix et de la démocratie de l’OIF.
1.
Retour au sujet et à la complexité
§1. Les droits économiques, sociaux et culturels (desc) sont, au même titre que les autres
droits de l'homme, des droits qui exigent des obligations immédiates et dont l’effectivité – les
retards de la mise en œuvre - ne peut être subordonnée aux ressources disponibles des
Etats. La notion de « ressource disponible » est une notion-clé qui demande une
interprétation large et dynamique, bien au-delà d’une enveloppe budgétaire.
§2. L’effectivité des droits de l'homme, compris dans leur indivisibilité et interdépendance,
n’est donc pas seulement fin, mais aussi moyen, ou ressource de développement. L’individu
n’est pas seulement bénéficiaire, il est sujet de ses droits, libertés et responsabilités. C’est
pourquoi l’effectivité ne se réduit pas à un certain nombre de prestations pour satisfaire des
besoins, mais à la réalisation pour chacun de ses libertés civiles, culturelles, économiques,
politiques et sociales.
§3. Ce retour au sujet, auteur et principale ressource du développement, s’accompagne
d’une prise en compte de la complexité sociale : à l’interdépendance des droits de l'homme
ne peut que correspondre une stratégie intégrée de développement. Bien des Etats, des OIG
et des ONG agissent encore avec des « kits intellectuels », en lieu et place de stratégies
intégrées. L’effectivité d’un droit de l'homme suppose cet entremêlement des dimensions
exprimées par la diversité des droits ; elle ne peut être réduite à une vision linéaire et
programmatique. Les desc ne signifient pas forcément une conception plus interventionniste
de l’Etat, mais une prise de conscience de la responsabilité commune à l’égard de la
complexité sociale. Parmi les indicateurs d’effectivité, une place importante devra être
accordée aux indicateurs d’interaction, permettant de garantir des « boucles de
responsabilité ».
2.
Les droits culturels, facteurs de valorisation de la diversité culturelle,
fins et moyens du développement
§ 4. Le respect /valorisation de la diversité culturelle est un élément essentiel de cette
complexité : il signifie la prise en compte de
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 61
________________________________
• la diversité des acteurs et de leurs apports à la responsabilité commune
• des libertés culturelles en tant que fins et ressources du développement39
Ce respect est une condition essentielle de l’effectivité puis que sans lui, l’appropriation du
droit par les populations n’est pas possible.
Quand le droit ignore la réalité dans sa diversité, celle-ci ignore le droit.
Les droits culturels sont des droits qui permettent la communication des savoirs et donc le
recueil de la diversité
§5. Les droits culturels, tout en étant des fins en eux-mêmes (respect et développement des
libertés et responsabilités culturelles de chacun) ont une fonction de recueil de la diversité
culturelle. Ils permettent de développer les valeurs culturelles en tant que valeurs choisies et
partagées, et non comme marques imposées. Enfin ils garantissent l’exercice collectif du
droit individuel, par la constitution d’acteurs culturels aux fonctions bien définies : il n’y a pas
de gouvernance réellement démocratique qui ne passe pas d’abord par le respect de
l’autonomie et de la responsabilité culturelles de ses divers acteurs.
§6. L’espace public, cœur et principe de toute culture démocratique, est une mise en
pratique de l’ensemble des droits de l'homme, notamment des libertés publiques (libertés
d’opinion, d’expression, d’association, etc.) et des droits culturels (éducation, information,
participation à la vie culturelle de la communauté, etc.). L’espace public permet l’échange et
la « capitalisation » des savoirs dans une société complexe.
§7. L’effectivité des droits humains, en particulier des desc ne pourra être obtenue tant qu’on
évalue principalement la qualité d’un régime à la tenue d’élections libres, et non à la qualité
de son espace public, espace critique d’observations croisées. Bien des pouvoirs ont été
installés sur la base d’élections plus ou moins régulières et sont très loin d’être
démocratiques.
3.
L’observation de l’espace public : un recueil des ressources
§8. L’observation est une action politique d’information et de formation, c’est donc l’obligation
première. L’objectif est de parvenir à une cohérence de la parole publique, à une raison
commune qui définit l’espace nécessaire de confiance. Ce capital de confiance, ou capital
culturel, fin et moyen de tout développement, s’entretient et se développe par un processus
permanent de recueil de la diversité des savoirs, des objectifs et de confrontation de leurs
raisons. L’observation et l’analyse vont de pair.
Un observatoire des droits peut être considéré comme un auditoire, processus de recueil et
d’interprétation de la parole et du témoignage en vue d’un pilotage social. Dans cet espace,
le mensonge est proscrit, c’est la dignité qui est partagée ou mise à honte, c’est pourquoi on
peut parler, non seulement de qualité, mais aussi de dignité de l’espace public. Le terme
d’ « auditoire » est plus exigeant puisqu’il intègre, toujours de façon interactive, une analyse
éthique. Cependant, et pour cette raison, il paraît très dur dans certaines langues et peut
être perçu comme une « mise en examen ».
39
Voir le rapport du PNUD 2004, consacré aux libertés culturelles.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 62
________________________________
§9 Le premier défi de l’observation de la diversité culturelle est la déconstruction des
amalgames. Ceux-ci sont à l’origine des jugements sommaires qui considèrent les cultures
comme des blocs, notamment par
• continents (culture africaine / occidentale…),
• religions (chrétienne /islamique…),
• époques ou mode de vie (communautaire / capitaliste)
• valeur morale ou norme sociale considérée comme dominante (solidarité africaine
/individualisme occidental),
• origine nationale ou ethnique (patriotes /apatrides ou étrangers)
Ces amalgames sont autant de paresses de pensée qui conduisent aux discriminations, aux
guerres, aux cloisonnements sociaux de toutes sortes et de façon générale, assignent
nombre de personne à un statut de dominant ou de dominé, culturellement,
économiquement, politiquement. Elles ignorent et méprisent les libertés autant que
l’universalité que l’observation / audition de la diversité culturelle recueille : des individus, des
familles, des communautés vivent contradictoirement ces caractéristiques supposées
collectives, et expriment des valeurs qui permettent des proximités interculturelles
étonnamment profondes.
Les amalgames culturels sont les sources et les prétextes de toutes les insécurités, ce sont
des mots qui expriment et véhiculent des rapports sociaux de pouvoir discriminants ; au
contraire, la valorisation des libertés et responsabilités culturelles dans leur diversité est le
premier facteur de sécurité humaine.
§10. En complément des propositions faites lors du colloque de Bucarest, il apparaît que la
création d’indicateurs est inséparable de l’instauration de multiples systèmes d’observation
impliquant tous les acteurs concernés. La mise en place des réseaux internes / externes
d’observation, première condition de l’effectivité devrait être une priorité pour toute société
démocratique, et une obligation de résultat pour chaque Etat.
§11. La notion de « ressources disponibles », très souvent utilisée pour justifier l’inaction, les
limites d’action ou les retards d’action des Etats dans une perspective de droits
« programmatiques », sont à réinterpréter d’une façon positive et dynamique : une
communauté politique ne connaît pas ses ressources disponibles, qui sont d’abord des
ressources humaines et culturelles. C’est pourquoi, sa première obligation est de les
inventorier et de les mobiliser en favorisant toutes les conditions qui assurent leur synergie.
Cette obligation inclut la collaboration transfrontière.
4.
Quelques principes permettant d’orienter les indicateurs de qualité de
l’espace public
§12. Les « violations alarmantes ». Par la Déclaration OIF de Bamako (§5) les Etats
prennent l’engagement d’instaurer une évaluation permanente des pratiques de la
démocratie, dans le but notamment de contribuer à la mise en place d’un système d’alerte
précoce. Or l’expérience montre qu’on connaît le plus souvent les régions à risque, qu’il
s’agisse de guerre, de violences internes, de faim, de mort par maladie ou de pollution. La
même déclaration prévoit des mécanismes d’intervention par les Etats membres lors de
violations graves (§5,2) ou massives (§5,3), reprenant ici les expressions usuelles. Mais
lorsque que la violence s’est répandue et se déchaîne, il est bien tard pour intervenir. C’est
pourquoi, la volonté légitime de déclencher des mécanismes d’alerte précoce nous conduit à
proposer de démarquer les « violations alarmantes » : celles qui dénaturent la qualité de
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 63
________________________________
l’espace public, celles qui inversent sa fonction de clarification et recueil de la diversité pour
le transformer en appareil producteur d’amalgames. Ces violations sont relativement claires,
elles peuvent être combattues de façon internationale et transnationale, ainsi que cela se fait
déjà partiellement par l’interdit légal des appels au racisme, à la haine et à toutes les formes
de discrimination. Il s’agit d’évaluer l’effectivité de cet interdit.
Afin de parvenir à cet objectif, et en complément aux valeurs indiquées dans le rapport de
synthèse de Bucarest, afin aussi d’éviter une interprétation moraliste qui constituerait un
autre amalgame, les débats ont fait apparaître quelques principes d’indication, ou
« concepteurs », qui peuvent contribuer à organiser les indicateurs.
§13. La clarification des droits. Les droits de l'homme apparaissent à beaucoup encore
comme séparés en générations. Le sous-développement de l’effectivité juridique des desc
risque de décourager tout espoir de lutte contre la pauvreté ; plus grave encore, il semble
l’expliquer. De même, le manque d’analyse des responsabilités qui incombent à toute la
société et pas seulement aux Etats, ne concourt pas à la mise en jeu des ressources et de la
volonté de tous les acteurs. La « volonté politique » est trop souvent interprétée comme celle
des gouvernants alors qu’elle incombe au peuple dans une culture démocratique.
Ainsi, l’éducation aux droits de l'homme n’a guère de chance de réussite, tant que ces
clarifications ne sont pas faites dans l’espace public. Les droits de l'homme ne sont pas un
« kit intellectuel » que l’on pourrait divulguer comme une propagande.Leur universalité ne
peut être comprise que dans leur appropriation.
§14. La clarification des délits et des fléaux. Dans la mesure où un fléau comme la
corruption est présenté comme un tout dans lequel se mélangent des actes de natures très
différentes, aucun moyen de lutte ne paraît possible et les populations se croient devant une
fatalité. Il en va de même pour la pauvreté, le sous-développement, ou pour les
conséquences néfastes de la mondialisation. La clarification des facteurs en jeu est la
première condition pour envisager une issue, puis pour participer au choix, à l’appropriation
et la mise en œuvre de stratégies ciblées.
§15. Les espaces d’interprétation culturelle. Tant que les cultures sont considérées
comme des blocs, il ne peut y avoir de place pour l’exercice des libertés culturelles. Une
priorité doit être accordée, non seulement aux médiations culturelles, mais aux processus
interactif d’interprétation des tradition et d’évaluation des argumentations produites pour
justifier les pratiques controversées.
§16. L’importance stratégique du couple de droits structurant l’espace public. Les
analyses ont confirmé l’hypothèse définie lors du colloque de Bucarest sur l’importance
stratégique du couple de droits à la formation et à l’information. L’éducation et l’information
adéquates au développement des libertés doit cependant être complétée par une
clarification des sanctions encourues en cas de transgression des interdits fondateurs. On
évite ainsi les discours moralistes et présente plus ouvertement les conséquences d’une
exclusion de l’espace de confiance. Cela signifie une clarification du droit pénal, mais aussi
des autres formes de sanctions sociales qui concourent à l’effectivité des droits. Cette
stratégie tripartite est particulièrement probante dans le cas de la lutte contre la corruption.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 64
________________________________
5.
Poursuite de la recherche
a. Programme de travail
-
-
la vérification et le développement de cette hypothèse méthodologique est soumise à
tous les partenaires de l’observatoire de la diversité et des droits culturels ; sa version
provisoire est communiquée lors d’une des réunions préparatoires du Sommet de la
Francophonie à Ouagadougou, les 22-23 novembre 2004.
Les communications du colloque, adaptées et corrigées pour la publication, sont
rassemblées pour le 15 décembre ; le comité scientifique du colloque est en charge de la
publication.
Après vérification et amélioration, les deux documents de synthèse (Bucarest et
Cotonou) seront intégrés, en consultation avec nos partenaires, en une seule hypothèse
de travail proposée à l’Observatoire pour 2005-2006.
b. Programmes de recherche envisagés
Outre la poursuite des analyses sur l’effectivité et les indicateurs, le programme de
recherche proposé lors du colloque de Fribourg (juillet 2004, programme 1) concernant les
analyses comparées sur les principaux termes des droits de l'homme dans de nombreuses
langues a été spontanément et très largement repris. Il sera mené à partir de janvier 2005
dans le cadre du projet déposé et accepté par le Réseau Droits fondamentaux de l’AUF.
c. Instruments pédagogiques
Les quatre chaires représentées appartenant au Réseau des chaires UNESCO des droits de
l'homme, de la paix et de la démocratie, devront contribuer au partage, au sein de ce réseau
et du réseau des Instituts des droits de l'homme, de la paix et de la démocratie de l’OIF, de
leur matériel didactique concernant la nature et l’effectivité des desc, afin de contribuer au
développement de la formation dans ce domaine.
11.12.
DS 12. Principes d’éthique de la coopération internationale
évaluée selon l’effectivité des droits de l'homme. Document de
Bergamo40
Observatoire de la diversité et des droits culturels
Chaires Unesco de Bergamo, Cotonou et Fribourg
Version au 17 octobre 2005
L’éthique de la coopération internationale repose sur le respect de la dignité humaine,
garantie par l’effectivité des droits de l'homme indivisibles et interdépendants41. Ceux-ci
impliquent le droit de chacun à participer à un ordre démocratique au sein de nations
souveraines42.
A. Cette valeur commune peut être définie comme le développement humain fondé sur
le respect de la dignité humaine ; cette valeur est atteinte dans la coopération par un
engagement commun selon les principes d’une gouvernance démocratique, à
l’interne comme à l’externe.
B. Ce respect est confronté aux grandes asymétries de pouvoir entre les nations et les
acteurs qui coopèrent.
A. PRINCIPES COMMUNS : DEVELOPPEMENT HUMAIN ET GOUVERNANCE DEMOCRATIQUE
1. Valeur commune : le développement humain
40
Ce document a été élaboré lors du colloque L’éthique de la coopération internationale et l’effectivité
des droits humains, qui s’est tenu à Bergamo en Italie, à l’invitation des chaires UNESCO de
Bergamo, Cotonou et Fribourg, les 12 – 14 mai 2005. Il a été ensuite remanié et amélioré grâce à
de nombreux apports de participants et de personnalités extérieures. Il est soumis à titre de
document de travail, et d’orientation pour les travaux de la Chaire UNESCO pour les droits de
l'homme et l’éthique de la coopération de l’Université de Bergamo.
41
Selon la Charte des droits humains des Nations unies ainsi que les traités principaux. Voir aussi la
Déclaration sur le droit au développement 1986, préambule : « pour promouvoir le développement, il
faudrait accorder une attention égale et s'intéresser d'urgence à la mise en oeuvre, à la promotion et
à la protection des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et qu'en conséquence
la promotion, le respect et la jouissance de certains droits de l'homme et libertés fondamentales ne
sauraient justifier le déni d'autres droits de l'homme et libertés fondamentales », et Déclaration de
Vienne 1993,: « Tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et
intimement liés » (§.5 ). « Les organismes de coopération pour le développement devraient être
conscients des relations d'interdépendance entre développement, démocratie et droits de l'homme,
chacun de ces éléments contribuant à renforcer l'autre » (§74).
42
Sur la démocratie, voir en outre les documents de l’Organisation internationale de la Francophonie,
notamment la Déclaration de Bamako, 3,4 : Proclamons « Que la démocratie pour les citoyens - y
compris, parmi eux les plus pauvres et les plus défavorisés – se juge, avant tout, à l’aune du respect
scrupuleux et de la pleine jouissance de tous leurs droits, civils et politiques, économiques, sociaux
et culturels, assortis de mécanismes de garanties ».
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 66
________________________________
L’éthique de la coopération internationale définit les principes de confiance mutuelle au
service d’un objectif commun : le développement humain fondé sur le respect de la dignité
humaine. Le développement humain désigne ci-après :
•
•
•
la garantie de la sécurité humaine, comprise dans ses multiples dimensions (à chaque
droit de l’homme correspond une dimension de sécurité : alimentaire, sanitaire,
écologique, éducative, civile, sociale, politique..),
une augmentation des capacités de choix pour tous,
une gouvernance démocratique qui assure la qualité des institutions, à l’interne comme à
l’externe.
Le développement humain est durable dans la mesure où il réalise les droits civils, culturels,
économiques, politiques et sociaux, avec leurs dimensions écologiques. L’effectivité de
chaque droit de l’homme est à la fois une fin et un moyen du développement, car chaque
droit correspond à la protection et au développement d’une ressource humaine. Ils ne
peuvent donc pas être considérés comme un secteur parmi d’autres, car ils constituent un
ensemble cohérent de valeurs qui traversent toutes les dimensions de la société. C’est
pourquoi l’effectivité de l’ensemble indivisible et interdépendant, est la véritable mesure du
développement.
2. Confiance commune dans la gouvernance démocratique
L’exercice politique de toutes les libertés contenues dans l’ensemble des droits humains,
ainsi que des responsabilités qui leur correspondent, définit la substance et le
fonctionnement d’une gouvernance démocratique. La reconnaissance en tant que valeur
commune de la confiance dans la gouvernance démocratique, à l’interne comme à l’externe,
est la base de la réciprocité des relations de coopération entre des nations qui se
considèrent dès lors comme des partenaires43. La gouvernance démocratique signifie ici :
•
•
•
•
le respect des principes de l’Etat de droit démocratique ;
le respect et la mise en œuvre des droits civils, culturels, économiques, politiques et
sociaux, compris à la fois comme fins et moyens du développement ;
la participation de tous les acteurs de la société à la gouvernance, qu’ils soient publics,
privés ou civils ; cela signifie que les partenaires de la coopération ne sont pas
seulement les Etats, mais l’ensemble des acteurs qui trouvent ainsi plus de ressources,
de stimulations et de légitimité dans leur participation à l’espace public ;
l’interdépendance entre gouvernances démocratiques interne et externe44.
3. Participation tripartite
8ème objectif de la Déclaration du millénaire : « instaurer un partenariat mondial à l’appui du
développement ». Sans une application immédiate de cet objectif, tous les autres sont largement
hypothéqués et facilement pervertis.
44
Bamako, op. cit., 3, 7 : « que les principes démocratiques dans toutes leurs dimensions, politique,
économique, sociale, culturelle et juridique, doivent également imprégner les relations
internationales ».
43
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 67
________________________________
Une gouvernance démocratique implique la reconnaissance et l’implication des acteurs
publics, privés et civils à l’espace public et aux décisions qui les concernent. Cela implique
que soient clairement définies les conditions de leurs légitimités respectives. Si les trois
types d’acteurs peuvent et doivent ainsi mutuellement se contrôler, ils participent à une
dynamique de renforcement mutuel, dont les institutions publiques nationales et
internationales sont les garants.
4. Relation de réciprocité entre partenaires
La référence à cette valeur commune conditionne la légitimité des contrôles administratifs et
financiers. Ceci implique que priorité soit donnée au dialogue politique interne et commun
permettant de :
•
•
•
choisir les priorités de la coopération, chaque nation restant souveraine dans le choix de
sa propre politique ;
définir les valeurs - communes et/ou distinctes - de richesse et, a contrario, de pauvreté ;
mettre clairement à jour les contradictions possibles, notamment entre :
o les intérêts, communs et / ou concurrentiels des partenaires,
o les différents secteurs politiques,
o les intérêts, les légitimités ou manque de légitimité, des divers acteurs
publics45, privés et civils.
5. Equilibre des systèmes sociaux spécifiques
Chaque secteur politique implique le pilotage démocratique d’un système social
correspondant (d’éducation, de santé, judiciaire, économique,..) auquel participent des
acteurs nombreux et divers. La cohérence et l’interaction entre ces systèmes doivent être
constamment observées et développées. Ceci implique au moins trois niveaux :
•
•
•
Intégration des projets dans la gouvernance du, ou des, systèmes (secteurs) concernés ;
évaluation de chaque système selon les indicateurs d’acceptabilité, d’adaptabilité,
d’accessibilité et de dotation adéquate46 ;
communication des systèmes entre eux : la prise en compte de l’interdépendance des
droits humains implique une recherche systématique des synergies et une action
permanente de veille contre les cloisonnements.
6. Priorité à l’observation
La légitimité et l’efficacité de toute action politique démocratique est proportionnelle à la
performance du système d’observation permanente mis en place. L’éthique et l’efficacité de
cette observation signifient notamment :
45
L’obligation de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de l'homme implique, à chaque fois
que cela est nécessaire celle de faire appel à la coopération internationale, voir en particulier, le
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art, 11, ainsi les observations
générales du Comité.
46
Définis dans l’Observation générale 13 du Comité des droits économiques et sociaux
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 68
________________________________
•
•
la reconnaissance de l’implication de tous les acteurs concernés au sein de chaque
système ;
leur participation dès l’amont (élaboration et appropriation des valeurs à mesurer)
jusqu’à l’aval (utilisation des résultats).
L’éthique de l’observation est elle-même comprise comme l’effectivité d’un droit de l’homme,
le droit de chacun à l’information : l’effectivité de ce droit est la condition première de toute
gouvernance démocratique.
7. Contrôle mutuel
Toute institution est tentée de placer sa propre préservation avant les objectifs de service qui
constituent et conditionnent pourtant sa légitimité. La sécurité administrative, pour autant
qu’elle soit nécessaire à l’exercice durable des droits des personnes, ne peut être prétexte à
occulter la sécurité humaine. Le principe de la gouvernance démocratique suppose un
contrôle mutuel des acteurs de même niveau et de niveaux différents. Du point de vue
international, ceci implique que les contrôles mutuels ne sont légitimes que s’ils se réfèrent
explicitement aux instruments internationaux et aux engagements des Etats lors des grandes
Conférences.
B. EQUITE DANS LES RELATIONS ASYMETRIQUES
8. Ethique de la relation asymétrique
L’asymétrie dans les rapports de forces n’autorise pas à justifier les ingérences sous le
prétexte d’une « aide » désintéressée. La coopération en situation asymétrique ne peut
porter atteinte à la réciprocité ; elle implique des droits et obligations mutuels précis qui
doivent être constamment et équitablement contrôlés, négociés et adaptés.
9. La dimension historique de la pauvreté et du développement
Les asymétries entre les nations coopérantes sont nombreuses et multi-dimensionnelles,
c’est pourquoi elles ne peuvent être réduites aux couples Nord / Sud, développés / en voie
de développement, avancés / les moins avancés, riches / pauvres, occidental - moderne /
traditionnel, ou tout autre dualisme réducteur des complexités. De tels amalgames laissent
croire :
•
•
que le développement est unidimensionnel et que les pays « bénéficiaires » ont tout à
attendre des pays « donateurs », sans pouvoir offrir de contrepartie et donc sans
capacité réelle de négociation ;
que les pays « donateurs » proposent une relation d’aide, sans que puisse être dressé le
bilan complet des autres dimensions des relations internationales, notamment dans le
domaine économique (exploitation des ressources, libertés du commerce, fuite des
ressources humaines) ;
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 69
________________________________
•
que les blessures de l’histoire, notamment les exploitations passées, ne pèsent pas de
tout leur poids sur le présent et ne demandent pas une analyse permanente et une
réparation à chaque fois que c’est possible.
10. Subsidiarité et autonomie
L’asymétrie des rapports de force ne peut être prétexte au non-respect des souverainetés
nationales et de l’autonomie légitime des différents acteurs. Le principe de subsidiarité, pris
de façon générale, signifie que l’acteur qui intervient en renforcement des capacités d’un
autre respecte et développe l’autonomie de celui-ci. Cela signifie que les relations de
dépendance unique soient exclues et que les capacités de choix de chaque acteur soient
prioritairement visées dans les politiques de renforcement (empowerment et capacity
bulding).
En retour, cela signifie aussi qu’un acteur ne se défausse pas sur un autre de ses propres
responsabilités. Ceci s’applique en particulier :
• aux relations entre partenaires nationaux
• aux relations internes entre les acteurs, ce qui implique que l’Etat ne se défausse pas de
ses responsabilités, notamment sur les ONG
• aux relations transnationales entre les acteurs.
11. L’exception humanitaire
Une attention spéciale doit être portée à l’aide humanitaire car elle comporte de nombreux
effets pervers. Sa puissance d’intervention peut désorganiser les équilibres des populations
victimes et son impact médiatique en fait une arme puissante pour les gouvernements
donateurs et receveurs tentés de l’instrumentaliser. Toute aide humanitaire doit s’inscrire
dans le principe de subsidiarité et être évaluée selon le critère de l’effectivité de tous les
droits de l'homme dans un développement durable.
12. Conditionnalité réciproque
L’inclusion de conditions relatives au respect des droits humains dans les accords de
coopération sont légitimes aux conditions suivantes :
•
•
•
•
qu’elles respectent l’indivisibilité et évitent ainsi les effets pervers sur l’effectivité de
certains droits ;
que les différents partenaires soient également soumis aux mêmes conditions ;
qu’elles soient négociées à part égale par les partenaires ;
que soit évalué le coût de ces conditions, ainsi que le partage équitable de ce coût.
13. Ethique des rapports monétaires
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 70
________________________________
Le rapport monétaire n’est pas le seul rapport de force, mais il en est le canal principal, c’est
pourquoi une véritable éthique monétaire doit être élaborée et contrôlée. Celle-ci implique en
particulier la garantie d’une cohérence:
•
•
entre la durée de l’activité et celle du financement ;
entre la flexibilité exigée par toute activité interactive efficace, organisant des
réévaluations et réorientations régulières, et l’adaptabilité du financement et de ses
contrôles.
Propositions
Au niveau national :
Une approche multi-acteurs implique un renforcement du rôle de coordination et de contrôle
de tous les secteurs politiques impliqués dans la coopération internationale. Cette fonction
pourrait être assurée par les institutions nationales de droits de l'homme, ou par un autre
organisme institué à cet effet, avec une participation parlementaire et une représentation des
acteurs publics, civils et privés concernés.
Au niveau international :
Renforcement de l’efficacité du système onusien de surveillance des traités: à l’heure
actuelle, les Etats parties au traités principaux des droits de l'homme dans le cadre des
Nations Unies doivent fournir autant de rapports périodiques. Une réforme envisagée
consiste à produire un seul rapport, avec des annexes spécifiques pour répondre aux
dispositions des différents traités. Un rapport national régulier, établi en concertation avec
tous les acteurs concernés:
•
•
•
obligerait chaque nation à développer un processus contrôlé d’observation et de
négociation ;
permettrait aux acteurs de connaître et de s’approprier l’ensemble des droits de l'homme
servirait de « bilan social » dans les rapports internationaux, y compris bilatéraux, pour
évaluer les actions de coopération.
Chaire UNESCO, Droits de l'homme et éthique de la coopération internationale,
Université de Bergamo, Italie
Chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie, Université
d’Abomey-Calavi, Bénin
Chaire UNESCO pour les droits de l'homme et la démocratie, Université de
Fribourg, Suisse
11.13.
DS 13. Les indicateurs du droit à l’éducation de base au
Burkina Faso
Une recherche menée sur l’effectivité du droit à l’éducation de base de l’effectivité du droit à
l’éducation de base au Burkina Faso, en partenariat entre ce pays et la Suisse, montre
comment, alors que les données statistiques relèvent un taux extrêmement important
d’analphabétisme, il est possible de déceler des indicateurs dynamiques qui montrent les
causes de dysfonctionnement et instruisent ainsi des stratégies nouvelles.
Les statistiques indiquant le nombre d'alphabétisés-es ne suffisent pas à mesurer l'effectivité
du droit à l'éducation de base, car l'éducation est vivante et elle s'exprime dans un milieu,
auquel elle doit être intégrée. Ce droit est évalué dans cette expérience comme un ensemble
de liens qui relient les personnes à leurs communautés et leur permettent d'avoir une plus
grande maîtrise de leur vie. C’est tout le système d’éducation qui est ainsi évalué, par une
implication de ses acteurs, des secteurs formel et non formel. La méthode consiste à partir
des quatre capacités relevées par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels
des Nations Unies47 : acceptabilité et adaptabilité (notamment en fonction de la diversité
culturelle), dotation adéquate et accessibilité. Il s'agit de mesurer ces quatre capacités dans
le but de les renforcer: ce sont les capacités des individus et du système dans son
ensemble, à répondre aux besoins et aux droits fondamentaux des personnes.
La construction d'indicateurs ne doit pas se réduire à un simple exercice d’évaluation du
système éducatif mais prendre en compte les réelles attentes et les demandes des acteurses concernés-es pour une plus grande effectivité du droit. Un tableau de bord, contenant 52
indicateurs a été produit et est actuellement testé. Le but d’un tel tableau n’est pas
seulement de fournir une mesure de l’effectivité du droit à l’éducation, c’est un instrument de
pilotage qui inclut tous les acteurs-es concernés-es, dans le travail d’observation, comme
dans son utilisation au niveau du pays, d’une région, d’une province ou d’une commune. Il
s’agit d‘un outil à trois fonctions : gouvernance : (instrument de dialogue social, culturel et
démocratique), information et d’alerte (permet de déceler les gaspillages et les
dysfonctionnements), développement et prospective (permet d’évaluer les progrès réalisés
et de faire des projections). L’ouvrage en français est paru en décembre 2005
(bibliographie).
• Une des conclusions importantes est que le rôle des indicateurs ne se limite pas au
contrôle (ex post) avec fonction de correction des programmes, mais est essentiel à la
définition même des objectifs (ex ante), dans la mesure où les indicateurs sont forgés au
cours d’un processus permanent engageant les acteurs concernés, dans un processus
de gouvernance démocratique.
• Les enquêtes de terrain ont par ailleurs montré que, même en partant d’un droit
particulier et restreint - le droit à l’éducation de base - les observations révèlent
l’interdépendance entre tous les droits (alimentation, santé, logement, information,
libertés d’expression et d’association, etc.). L’analyse par droits a l’avantage d’être
concrète et de remonter ainsi les différents facteurs de pauvreté.
Actuellement, le manuel, traduit en quatre langues du Burkina, est utilisé. Un des enjeux
pour 2006 est d’assurer la pérennisation du groupe de pilotage, en observatoire burkinabé
du droit à l’éducation. La duplication de l’étude dans d’autres pays est envisagée.
47
Nations unies, CESC (Comité des droits économiques sociaux et culturels), commentaire général
concernant l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels,
novembre 1999, Genève.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 72
________________________________
11.14.
DS 14. Le grenier à mots. Anthropologies des droits humains
par les étymologies comparées
Grenier à mots
Etat au 27.12. 2005
Enjeu : La valeur des mots
La richesse anthropologique contenue dans la diversité des langues est un patrimoine
culturel commun trop peu exploité, notamment dans le domaine des droits humains. A partir
des mots principaux qui constituent les droits humains, nous voulons recueillir et comparer
une grande diversité de compréhensions afin d’approfondir l’universalité de notre patrimoine
commun. Le but est :
•
•
un enrichissement des sources anthropologiques des droits humains, puisées par le
moyen des langues dans la diversité des cultures,
un enjeu pédagogique majeur : permettre aux différentes populations de s’approprier les
droits humains à partir de leurs ressources culturelles.
Valoriser les mots et les expressions, c’est valoriser les personnes dans leur singularité,
ainsi que la diversité des chemins pour le recueil de l’universel. Il est plus qu’opportun
aujourd’hui d’engranger48 les mots porteurs d’expérience, pour répondre :
•
au respect des patrimoines culturels, notamment linguistiques,
•
au droit de chacun de connaître les droits de l'homme et de participer à leur
enrichissement,
•
au droit de chacun de voir respecter son identité et de participer à la vie culturelle.
La prise en compte de la diversité culturelle est inséparable du droit de chacun à vivre dans
l’originalité de sa langue les valeurs universelles, comme autant de « lieux communs »,
d’espace de communication.
48
Le « grenier à mots » est l’expression employée en langue moore, langue des mossis, Burkina Faso
et pays voisins, pour transposer le terme de « dictionnaire ». Cela fait penser au Wortschatz
allemand (trésor de mots).
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 73
________________________________
1. Objectif
Mieux comprendre la richesse culturelle de l’universalité des droits humains, par la mise à
jour des « lieux communs »49 que véhiculent les termes principaux des droits de l’homme,
•
en observant, recueillant et comparant dans une grande diversité de langues une
meilleure compréhension de l’universalité des significations et sources
anthropologiques des droits humains ;
•
en identifiant les différents types de protection et de violation des droits culturels,
comparés aux ressources des acteurs culturels, notamment en situation d’extrême
pauvreté.
2. Liste d’entrées à partir du français : le « panier » de mots proposé
L’individuel
Le social
Le politique
•
•
49
Référence plutôt
anthropologique
Référence plutôt
Juridique / éthique
Etre humain
personne
Dignité
Universalité /
Egalité
/équité
Diversité
/discrimination
Femme / homme
Famille
Valeur
Liberté
Responsabilité
Tolérance
Solidarité
Individu / Communauté
Peuple
Référence plutôt
Onto - logique
Bien commun
Justice
Droit / loi
Droit / devoir
Interdit
Cette présentation du champ sémantique (panier de mots) concernant les droits humains
peut varier d’une langue à l’autre, d’un milieu à un autre ; l’objectif est de comparer une
diversité significative de visions dynamiques du champ sémantique.
Ici, la figuration en tableau privilégie des liens verticaux et horizontaux entre les
concepts, comme un tissage, ou texture, entre des termes voisins par leur sens. La
proximité des mots peut se prendre selon le sens et/ou la généalogie étymologique (un
seul lien – étymologique et de sens « communauté / bien commun » – est figuré ici).
C’est pourquoi on peut imaginer d’autres présentations avec des liens entrecroisés, des
mots en réseau, comme autant de « paysages sémantiques ».
On entend par « lieux communs » (Topoi) au sens d’Aristote les concepts fondamentaux
incontournables, nécessairement communs à toutes les approches : ce son autant de lieux de
rencontre entre les cultures, d’espaces de communication. La coquille St-Jacques peut en être une
image.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 74
________________________________
•
•
Parmi les relations de voisinage entre les mots et concepts, on repèrera les couples
d’opposés : certains peuvent avoir des opposés différents (ex. en arabe, droit / loi et
droit/devoir).
Enfin d’autres langues feront intervenir d’autres concepts et négligeront certains qui nous
ont paru importants.
3. Méthode de récolte et d’interprétation
A partir de l’établissement de cette première liste d’entrées en français, et du choix d’un
premier cercle de correspondants en différentes langues, on établira dans chaque langue les
moments suivants, dans un ordre et un niveau d’approfondissement qui peuvent être
adaptés selon les spécificités de la recherche et les capacités des partenaires.
Présentation
1. Une brève notice sur la langue étudiée : son extension territoriale, le nombre
approximatif de locuteurs et sa parenté avec d’autres langues.
Interprétation du panier de mots proposé
2. Une représentation du panier de mots dans la langue analysée correspondants
au panier français proposé ci-dessus, sous forme de tableau ou de présentation des
connexions avec les termes voisins (identification des regroupements significatifs
pour notre champ et description de leur organisation) ; éventuellement autre entrée à
introduire (ou à retrancher) existant en langue française ; autre entrée à introduire
n’existant pas en langue française ; explication globale de cette représentation du
champ.
Récolte par mots ou groupe de concepts voisins (une fiche par mot ou groupe de mots)
3. Mot(s) correspondant (s), si besoin, alphabet original et transcription ;
4. Etymologie et usages divers de ce mot; on veillera, selon les cas, à distinguer des
niveaux ou domaines d’interprétation ;
5. Expressions, sentences, ou courts récits qui livrent une partie de la teneur du mot
ou groupe de mots
Analyse conceptuelle
6. Oppositions de sens que ce mot recouvre. Nous cherchons en particulier les
oppositions de sens importantes pour notre champ. Notre hypothèse est que les
concepts universels sont le plus souvent – si ce n’est toujours - constitués de
couples dialectiques. Ces oppositions constituent des lieux logiques essentiels, ou
lieux communs qui sous-tendent la dynamique des droits de l'homme. L’objectif est
de vérifier si on peut établir et interpréter une liste de ces lieux communs avec, ou
non, une opposition dialectique correspondante.
Par exemple :
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 75
________________________________
Lieux communs
dialectiques
Dignité
innée et acquise
Humain
individuel et social
Liberté
liberté d’être et liberté de choix
4. Résultats escomptés
•
•
•
•
•
Une méthodologie et un programme pour le recueil des termes fondateurs des droits de
l'homme dans un grand échantillon de langues ; première liste de langues analysées,
avec les répercussions intéressantes sur la diversité de conceptions de la démocratie50.
Une analyse des oppositions universelles, les « lieux communs », que contiennent bon
nombre de termes principaux.
Ces résultats pourront être utilisés à des fins diverses : pour orienter et instrumenter la
collecte d’informations pour les observatoires, pour aider à la constitution de
dictionnaires et manuels spécialisés
Une première exploration des méthodes et champs d’observation des violations des
droits culturels et du non - respect de la diversité culturelle, et recherche d’indicateurs
d’alerte précoce.
Un ensemble d’analyses, d’exemples, de proverbes et de courts récits qui pourront
donner lieu à des publications intermédiaires puis à une publication synthétique.
5. Calendrier
Juillet – Décembre 2005
Contrôle de la méthode avec le premier groupe de
partenaires.
Définition des mandats pour la recherche.
Premier recueil d’observations
Séance lors du colloque de Fribourg les 12-13
décembre.51
Janvier – Juin 2006
Premiers retours et comparaisons.
Réunions multilatérales.
Discussion des résultats intermédiaires lors d’un
atelier en mai, intégré au colloque de
l’Observatoire, à Fribourg ou à Paris
Juillet – Décembre 2006
Extension du projet.
50
En référence à la Déclaration de Bamako : 2. « pour la Francophonie, il n'y a pas de mode d'organisation
unique de la démocratie et que, dans le respect des principes universels, les formes d'expression de la
démocratie doivent s'inscrire dans les réalités et spécificités historiques, culturelles et sociales de chaque
peuple. »
51
Une séance avait été prévue à Rabat les 14-16 décembre lors du colloque qui a du été annoncé par l’OIF.
OBSERVATOIRE Rapport 2005, page 76
________________________________
Colloque à Tunis ou à Nouachkott
Contrôle des hypothèses méthodologiques.
Second recueil d’observations.
Janvier – Juin 2007
Publication des fiches par langues.
Analyses transversales/comparées par thèmes.
Publication finale et présentation publique.
6. Partenaires institutionnels
Réseau des Instituts francophones au sein de l’Agence intergouvernementale de la
Francophonie (AIF),
L’AIF est partenaire de l’Observatoire
Plus particulièrement dans ce réseau :
•
•
La Chaire UNESCO pour les droits de l'homme, la démocratie et la paix de
l’Université d’Abomey-Calavi, Cotonou
L’Institut arabe des droits de l'homme, Tunis
•
L’Institut des droits de l'homme et du droit humanitaire de l’Université de Paris 2
Agence universitaire de la Francophonie (AUF)
Partenaire universitaire de la recherche
Direction du développement et de la coopération
Nous souhaitons collaborer étroitement avec la DDC et opérer une bonne synergie avec les
personnes ressources qui pourraient être intéressées, au siège et sur les différents sites.
UNESCO
Les liens avec l’UNESCO, Paris, Direction de la culture et Division des droits de l'homme,
sont constants. Mais il n’y a pas de partenariat financier.
ONG
• Plate forme d’ONG intéressées à la diversité et aux droits culturels, constituée auprès de
la Commission des droits de l'homme à Genève
• Association pour la promotion de l’éducation non formelle (APENF, Ouagadougou)
Patrice Meyer-Bisch, Coordonnateur IIEDH
Caroline Bieger-Merkli, Collaboratrice scientifique IIEDH
12. Violations. Observations par pays sur les violations et les
bonnes pratiques concernant la diversité et les droits culturels
(en annexe)
13. Le grenier à mots. Recueils de mots par langues (en annexe)
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