Syndrome métabolique, diabète et maladies cardiovasculaires : un

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Impact global
Syndrome métabolique,
diabète et maladies
cardiovasculaires :
un lien avéré
Hermes Florez, Ana Palacio, Leonardo Tamariz
Le syndrome métabolique est en train de deve-
Dans la pratique clinique, les deux critères les plus utilisés à
nir un problème de santé publique au niveau
l’heure actuelle pour diagnostiquer le syndrome métabolique ont
mondial. Les personnes touchées sont exposées
à un risque plus élevé de souffrir d’une crise
cardiaque ou d’un accident cérébrovasculaire
– et d’en mourir – que les personnes non atteintes du syndrome. L’ensemble de facteurs qui le
caractérise est étroitement lié à la progression
du diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires et d’autres maladies chroniques à
l’échelle mondiale. Les décès précoces et les
invalidités associés menacent de paralyser
les budgets de la santé des pays développés
et en développement. Les critères appliqués
pour diagnostiquer le syndrome métabolique
combinent différents facteurs de risque cardiométaboliques. Les auteurs de cet article
se penchent sur les deux définitions les plus
utilisées et sur l’utilité de celles-ci en termes de
santé publique pour limiter la charge croissante
des maladies chroniques au niveau mondial.
été proposés par l’American Heart Association/ National Heart,
Lung, Blood Institute (AHA/NHLBI) et la Fédération Internationale
du Diabète (FID) (voir tableau page 22). Ces définitions impliquent
la présence de trois des cinq facteurs de risque cardiométabolique
suivants : obésité abdominale, hypertension, glycémie à jeun
élevée, taux élevé de triglycérides et/ou faible cholestérol HDL. La
valeur prédictive de ces définitions peut dépendre de la prévalence
de ces composants clés au sein d’une population donnée.
La définition de la FID prévoit des
différences ethniques pour les
seuils d’obésité abdominale.
Pour diagnostiquer le syndrome, la définition de la FID impose
l’obésité abdominale plus deux facteurs supplémentaires. Elle
prévoit en outre des différences ethniques et nationales pour les
seuils d’obésité abdominale. Des analyses récentes menées aux
Etats-Unis (entre 1999 et 2002) ont montré que cette définition
menait à des estimations de prévalence du syndrome métabolique
plus élevées (39 %) que la définition basée sur les critères de
l’AHA/NHLBI (34,5 %).1
Une étude menée récemment en Norvège a utilisé à la fois la
définition de la FID et celle de l’AHA/NHLBI. Elle a révélé que
la prévalence du syndrome métabolique augmentait considéra-
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Impact global
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Tableau : Critères pour le diagnostic clinique du syndrome métabolique
Mesure clinique
a
AHA/NHLBI
FID
b
c
Obésité abdominale
Tour de taille ≥102 cm (asiatiques ≥90 cm) (hommes)
Tour de taille ≥88 cm (asiatiques ≥80 cm) (femmes)
Tour de taille ≥94 cm (asiatiques ≥90 cm) (hommes)
Tour de taille ≥80 cm (asiatiques ≥80 cm) (femmes)
Hypertension
≥130 mmHg systolique
≥85 mmHg diastolique
ou traitement pharmacologique spécifique
chez les personnes atteintes d’hypertension
≥130 mmHg systolique
≥85 mmHg diastolique
ou traitement pharmacologique spécifique chez
les personnes atteintes d’hypertension
Glycémie à jeun élevée
≥5,6 mmol/l (100 mg/dl), diabète
ou traitement pharmacologique spécifique
≥5,6 mmol/l (100 mg/dl) ou diabète
(TAG aussi acceptée)
Taux élevé de triglycérides
≥1,7 mmol/l (150 mg/dl)
ou traitement pharmacologique spécifique
≥1,7 mmol/l (150 mg/dl)
ou traitement pharmacologique spécifique
Faible cholestérol HDL
<1,03 mmol/l (40 mg/dl) (hommes)
<1,29 mmol/l (50 mg/dl) (femmes)
ou traitement pharmacologique spécifique
<1,03 mmol/l (40 mg/dl) (hommes)
<1,29 mmol/l (50 mg/dl) (femmes)
ou traitement pharmacologique spécifique
a
b
c
L a présence de trois composants sur cinq entraînent le diagnostic du syndrome métabolique.
Ces critères ont remplacé les critères définis en 2001 par l’étude National Cholesterol Education Program /Adult Treatment Panel III (NCEP/ATP III).
Pour les populations d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, la FID a recommandé les mêmes valeurs seuils que pour les populations asiatiques tandis que
pour les populations d’Afrique sub-saharienne, de Méditerranée orientale et du Moyen Orient (arabes), elle recommande d’utiliser les mêmes valeurs seuils que
pour les Européens.
blement avec l’âge.2 En Italie, chez les populations caucasiennes
cardiovasculaires.7 Dans le même ordre d’idée, un rapport de
non atteintes de diabète, les critères de la FID entraînaient une
la Framingham Heart Offspring Study révélait que le syndrome
augmentation des estimations de prévalence du syndrome, en
métabolique contribuait au risque de maladie cardiovasculaire
particulier chez les personnes plus âgées, par rapport aux critères
et de maladie coronarienne à raison de 34 % et de 29 % res-
de l’AHA/NHLBI. La définition de l’AHA/NHLBI semble toutefois
pectivement chez les hommes et de 16 % et 8 % respectivement
plus efficace que celle de la FID pour identifier les personnes
chez les femmes.8
atteintes de tolérance abaissée au glucose.3
Les recherches ont montré une hausse de
Dans une étude transversale réalisée sur des adultes grecs, la
78 % du risque d’accident cardiovasculaire
prévalence des maladies cardiovasculaires chez les personnes
et de décès chez les personnes
atteintes du syndrome métabolique était plus élevée, indépendam-
atteintes du syndrome métabolique.
ment de la définition utilisée. Cette augmentation était toutefois
plus nette en utilisant les critères de l’AHA/NHLBI.4 Chez les
Dans cette analyse, les composants du syndrome les plus déter-
Coréens, la prévalence du syndrome métabolique était plus éle-
minants en termes de maladies cardiovasculaires étaient l’hyper-
vée avec la définition de la FID qu’avec celle de l’AHA/NHLBI ;
tension (33 %) et les faibles taux de cholestérol HDL (25 %). Une
cette dernière était toutefois plus étroitement associée aux troubles
méta-analyse récente de 37 études longitudinales a révélé une
cardiovasculaires. Une étude menée en Chine a révélé que
augmentation de 78 % du risque d’accident cardiovasculaire et
les critères de la FID semblaient mieux adaptés que les critères
de décès chez les personnes atteintes du syndrome métabolique.9
de l’AHA/NHLBI pour le dépistage et l’estimation du risque de
Sa capacité prédictive pour les maladies cardiovasculaires peut
syndrome métabolique chez les Chinois.
varier en fonction de l’appartenance ethnique, du sexe et de la
5
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présence ou non d’hyperglycémie.
Troubles cardiovasculaires
L’importance du syndrome métabolique en termes cliniques et
Diabète
de santé publique reste incertaine. Un rapport sur sa valeur
Le syndrome métabolique non seulement accompagne mais précède
prédictive a conclu que le syndrome métabolique pourrait être
et prédit le diabète de type 2. Les chercheurs de la San Antonio
à l’origine d’environ 7 % des décès et de 17 % des maladies
Heart Study ont comparé les résultats du test oral de tolérance au
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Impact global
Les personnes âgées sont plus
susceptibles de développer
le syndrome métabolique, ce
qui peut augmenter le risque
de développer plusieurs
maladies chroniques.
Une revue récente d’études prospectives a révélé que le syndrome métabolique contribuait à plus de 52 %
au risque de développer un diabète
de type 2.7 Dans l’étude de cohorte de Framingham, la présence du
syndrome métabolique au début de
l’étude s’imposait également comme
un prédicateur puissant du diabète de
type 2, avec une contribution de 62 %
chez les hommes et de 47 % chez les
femmes.8 Sans surprise, une hyperglycémie égale ou supérieure à 5,6
mmol/l (100 mg/dl) était associée à
une plus forte contribution (62 %) dans
le cas du diabète de type 2, tandis que
la combinaison de l’hyperglycémie,
de l’obésité abdominale et de faibles
taux de cholestérol HDL multipliait par
douze le risque de diabète.
Le syndrome métabolique
pourrait générer des
problèmes de santé
publique majeurs, en plus
du diabète et des maladies
cardiovasculaires.
glucose et du syndrome métabolique pour prédire le diabète.10 C’est
Cependant, les combinaisons de facteurs de risque qui n’incluaient
la présence de tolérance abaissée au glucose dans le test oral de
pas l’hyperglycémie multipliaient également par cinq le risque de
tolérance au glucose qui affichait la valeur prédictive la plus forte
diabète de type 2. Ces données confirment l’hypothèse selon laquelle
(43 %) mais le syndrome métabolique accentuait également de
la combinaison de facteurs de risque du syndrome métabolique re-
façon indépendante (31 %) le risque de diabète. Même chez les
flète le développement sous-jacent d’une insensibilité à l’insuline.
personnes atteintes de tolérance abaissée au glucose, la présence
du syndrome métabolique augmentait le risque de progression
Autres maladies chroniques
vers le diabète de type 2, bien que des études complémentaires
En raison des différents mécanismes liés à l’âge, les personnes âgées
soient nécessaires pour confirmer cette observation.
sont plus susceptibles de développer le syndrome métabolique.
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Impact global
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Ce dernier peut augmenter le risque de développer plusieurs
maladies chroniques. Le syndrome métabolique augmente considérablement le risque de néphropathie chronique, en partie en
raison de la présence d’hyperglycémie et d’hypertension. Plusieurs
études ont mis en évidence le fait que le syndrome métabolique
et ses composants étaient associés au développement du cancer
colorectal, tandis que d’autres suggéraient un lien possible avec les
cancers du sein et de la prostate. Les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde affichent une plus forte prévalence du syndrome
métabolique. Chez ces personnes, l’inflammation peut également
provoquer une augmentation du risque d’athérosclérose.
Hermes Florez, Ana Palacio, Leonardo Tamariz
Hermes Florez est professeur au sein du Humana Health Service
Research Center de l’Université de Miami, endocrinologue et
gériatre auprès du Miami Veterans Affairs Healthcare System, Miami,
Etats-Unis, et professeur invité à l’Université de Zulia, Maracaibo,
Venezuela.
Ana Palacio est professeur au sein du Humana Health Service
Research Center de l’Université de Miami et interniste auprès du
Miami Veterans Affairs Healthcare System, Miami, Etats-Unis.
Leonardo Tamariz est professeur au sein du Humana Health Service
Research Center de l’Université de Miami et interniste auprès du
Miami Veterans Affairs Healthcare System, Miami, Etats-Unis.
Enfin, le syndrome métabolique est associé à un risque accru de
troubles cognitifs, de dépression, de troubles neuromoteurs et
d’incontinence. Deux composants physiologiques du syndrome
métabolique – l’insensibilité à l’insuline et l’inflammation – sont
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associés à une faiblesse musculaire, une mauvaise tolérance à
l’exercice physique et une baisse de la mobilité. Le syndrome métabolique peut donc contribuer considérablement à l’accélération
du vieillissement et du déclin fonctionnel, susceptible d’entraîner
des problèmes de santé publique majeurs dans un avenir proche,
parallèlement au diabète et aux maladies cardiovasculaires.
Le syndrome métabolique
permet d’attirer l’attention et les
ressources sur les personnes.
Gestion
Le principal objectif chez les personnes atteintes du syndrome
métabolique est de réduire le risque de développer le diabète,
une maladie cardiovasculaire ou d’autres maladies chroniques.
Dans un premier temps, l’accent doit être mis sur la modification
des facteurs de risque sous-jacents (insensibilité à l’insuline,
obésité, inflammation) à travers une adaptation du mode de vie
(intensification de l’activité physique, alimentation cardioprotectrice et perte de poids).
Un traitement pharmacologique spécifique peut s’avérer adéquat
pour traiter les composants cliniquement significatifs du syndrome
– hypertension, dyslipidémie ou hyperglycémie, par exemple.
Cependant, l’intérêt d’adapter un traitement à une combinaison
spécifique de critères n’a pas été étudié. Le syndrome métabolique
a le mérite d’attirer l’attention et les ressources sur les personnes
exposées à un risque élevé de développer un diabète de type 2,
des troubles cardiovasculaires et d’autres maladies chroniques.
Mai 2008 | Volume 53 | Numéro spécial
10 L orenzo C, Okoloise M, Williams K, et al. The metabolic syndrome as
predictor of type 2 diabetes: the San Antonio Heart Study.
Diabetes Care 2003; 26: 3153-9.
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