1 Intervention de Jacqueline Picoche – AFEF – 8 février 2014 Jacqueline Picoche, lexicologue et historienne de la langue, professeure honoraire à l’université Jules Verne d’Amiens en Picardie a présenté de manière très brève, synthétique et compréhensible les principes, disons théoriques, qui encadrent un enseignement-apprentissage du vocabulaire dont le contenu fera l’objet d’une progression de la grande section de maternelle à la 5ème du collège. Cette seconde partie sera développée par Bruno Germain, professeur à l’université Paris 5-René Descartes, chargé de mission au Ministère de l’Éducation Nationale (Maitrise de langue française). J. Picoche qui succède à Alise Lehmann précise d’emblée que son approche du lexique ne relève pas de la morphologie. Si dès le début de ses recherches lexicologiques elle s’est intéressée à la pédagogie (didactique ?) du vocabulaire, ce n’est qu’à partir de 1981 qu’elle a eu une « révélation » avec les recherches d’Etienne Brunet pionnIer dans la lexicométrie littéraire à partir de l’outil informatique. De ses travaux (Le Vocabulaire français de 1789 à nos jours, Slatkine-Champion, 1981) sur la fréquence des mots dans le Trésor de la langue française, (TLF), J. Picoche a retenu cette notion de très haute fréquence qui permet d’entrer efficacement dans un « océan » de mots. En effet, sur 7000 mots, 907 représentent 90% des occurrences décroissantes du TLF dont J. Picoche rappelle qu’il est en ligne et qu’il est l’un des meilleurs dictionnaires. Thésée peut ainsi dérouler la pelote de fil que lui a remise Ariane. Par ailleurs il s’agit d’organiser la grande polysémie de ces mots de très haute fréquence par le biais de la dérivation non-morphologique, mais aussi de la synonymie, de l’antonymie, de l’adjectivation, enfin par le biais de toutes sortes d’ « isotopies » entre les catégories grammaticales. Selon 4 principes fondamentaux : - Connaitre les outils sémantiques avant de les utiliser. Des outils sémantiques très complexes qui sont des mots de haute fréquence généralement très polysémiques. Donc voir comment se structure cette polysémie et comment on peut essayer de faire foisonner un réseau lexical autour de cette polysémie. - Partir de ce que les élèves savent déjà même très jeunes car ils ne sont pas une table rase du moins les élèves francophones. Il faut donc arriver à faire dire, à faire sortir aux élèves par toutes sortes de moyens pédagogiques usuels : questions, dessins, etc., le vocabulaire qu’ils connaissent déjà. 2 - - Priorité au verbe parce que le verbe est le « moteur » de la phrase. J. Picoche souligne qu’il est plus facile de trouver les noms à partir des verbes que le contraire. Ne pas séparer l’activité lexicale de celle de la grammaire car le verbe est dans un contexte phrastique. En conséquence, très tôt, tous les élèves doivent apprendre des catégories comme le sujet, les compléments d’objet (essentiels/non-circonstanciels) si on travaille à partir d’un verbe. Comme on le voit, à partir des mots à étudier, on amène les élèves à produire à l’oral comme à l’écrit et on les amène à une réflexion sur les collocations sémantiques (et les collocations grammaticales (colligations)?). Mais si depuis quelques années on a beaucoup (trop ?) insisté sur la découverte du sens d’un mot par son seul contexte d’emploi à l’échelle d’un énoncé textuel (oral ou écrit), pour J. Picoche ce sont les mots qui sont des « machines sémantiques ». « Démonter et remonter les « machines », les faire fonctionner en synergie les unes avec les autres, voilà ce qui passionnera les élèves.» (cf. site « VocaNet ») J. Picoche termine par la présentation de « VocaLire « et, non sans l’humour et la verve qui l’animent, nous en a donné le prix à la cantonade : 9,52 euros dans sa version numérique ! Puis, elle ajoute qu’on trouvera toutes les informations complémentaires sur le site « VocaNet » et donne la parole à B. Germain. On notera la présence dans la salle de Jean-Claude Rolland, chargé d’études honoraire au CIEP, co-auteur avec J. Picoche du « Dictionnaire du français usuel », De Boeck 2001 (442 articles et 15 000 mots) et duquel est issu « VocaLire » paru en2012 (7500 mots). J. Picoche toujours aussi empreinte d’une grande civilité, n’oublie pas de nous présenter Ada Teller, docteure en philosophie et éditrice, la personne qui gère le site « VocaNet ». Dans le N° 131 du « Français Aujourd’hui » (sept.2000) qui a pour titre : Construire les compétences lexicales (p. 12), on pouvait lire : « Les relations entre lexique et grammaire mériteraient d’être repensées, autour, par exemple, d’une conception du mot qui deviendrait, comme le suggère Francine Mazières, l’unité didactique ouvrant sur une réflexion sur la langue (…) » ; mais, depuis longtemps déjà, Jacqueline Picoche n’avait-elle pas réussi ce pari ? Philippe Normand