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6REPÈRES ET TENDANCES 4CONJONCTURES
4DOSSIER
4LIVRES ET IDÉES
CONTROVERSE
pHilippe trainar
*
La mondialisation fait
reculer la pauvreté !
La mondialisation est-elle responsable d’une
aggravation de la pauvreté sur la planète, comme
le soutiennent les anti et alter-mondialistes ? Non
: la pauvreté et les inégalités ont reculé au cours
des deux dernières décennies – celles où la mondialisation s’est accélérée de façon spectaculaire.
Les pays en développement ne s’y trompent pas :
ils sont, dans l’ensemble, demandeurs d’une intégration plus poussée dans l’économie globale. Les
responsabilités des échecs, en matière de développement, sont à chercher ailleurs, et sont partagées entre le « sud » et le « Nord » : d’un côté,
une absence de gouvernance politique ou des
erreurs de stratégie économique ; de l’autre, une
instabilité financière chronique et un manque de
clairvoyance dans la distribution de l’aide aux
A
en croire ces critiques, la mondialisation serait responsable de la plupart de nos maux et conduirait à un
recul sans précédent de l’humanité1. Elle
soumettrait les populations du monde
entier aux pressions du capital transnational et au pouvoir sans partage des
entreprises multinationales. Elle canton-
nerait les pays en développement dans
la production de biens et services sans
avenir, tandis qu’elle détruirait les
emplois, notamment peu qualifiés, dans
les pays développés. Elle projetterait des
populations de plus en plus nombreuses
dans l’univers sans protection de l’immigration. Les contraintes de la compé-
* Directeur des Affaires économiques, financières et internationales à la Fédération française des
sociétés d’assurance.
titivité réduiraient à la pauvreté un nombre croissant de personnes, parmi les
plus fragiles dans le monde, notamment
les femmes, les handicapés, etc. La loi du
marché forcerait les populations locales à
des adaptations coûteuses, incertaines et
inégalement réparties. Ce faisant,
elle accroîtrait les inégalités et minerait le
consensus social fragile sur lequel repose
l’autorité des Etats démocratiques.
Dans ce monde régi par la seule
concurrence, l’environnement et les
générations futures seraient sacrifiées
à la recherche d’un profit de court
terme. Les forts deviendraient de plus
en plus forts et les faibles de plus en
plus faibles. Inégalités sociales croissantes, domination de la superpuissance
capitaliste américaine, montée des
mafias politico-économiques et du crime
organisé, éclatement des nations faibles
victimes de la guerre civile et du terrorisme ne seraient que les conséquences
de la mainmise du capital international
sur l’ensemble des rouages de la société.
Il est difficile de répondre à toutes ces
critiques, tout simplement parce que la
plupart d’entre elles ne sont pas
1 Cf. J.H. Mittelman (2000), The Globalization
Syndrome : Transformation and Resistance,
Princeton University Press.
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« contestables », étant fondées sur des
modèles d’interprétation a priori qui ne
sont susceptibles d’aucune vérification
empirique. L’appropriation médiatique
de la défense des pauvres « contre le
capital apatride » semble constituer une
légitimation suffisante pour ces « pieux »
mensonges. Nombre d’intellectuels,
d’élus, de syndicalistes et de journalistes
– notamment français – se retrouvent
dans ce discours.
Les données empiriques acquises
récemment sur les inégalités et la pauvreté mondiales nous montrent que ce
sont les pauvres qui subissent le plus le
préjudice de considérations erronées
car, pour eux, la phase de mondialisation
a été liée à une amélioration concrète
de leur niveau de vie et à une réduction
des inégalités dans le monde. Les pauvres n’ont donc a priori aucun intérêt
à relayer le discours et les actions des
alter et anti-mondialistes. N’est-ce pas
ce que le nouveau président brésilien,
Lula, a bien compris dès son arrivée au
pouvoir ?
desVÉritÉsdifficilesà
faireadmettre
L
es inégalités et la pauvreté auraient
donc explosé du fait du processus de
mondialisation observé au cours des
vingt dernières années. En mai 1998,
Ignacio Ramonet écrit : « La progression
dramatique de la mondialisation et du
néo-libéralisme (…) s’est accompagnée
d’une explosion des inégalités et d’un
retour de la pauvreté de masse » (Le
Monde Diplomatique). Le Rapport sur le
développement humain du Programme des
Nations Unies pour le Développement
(PNUD) conclut de la même façon en
1999 : « La pauvreté est partout (…). Les
écarts entre les plus pauvres et les plus
riches, au niveau tant des personnes que
des nations, ont continué à se creuser. »
Et ATTAC de renchérir en février 2003 :
« La mondialisation néo-libérale développe et renforce les inégalités (…) entre
pauvres et riches, entre ceux qui n’ont
pas et ceux qui ont. » Curieusement, ces
affirmations ne sont jamais étayées par
des données cohérentes, sans d’ailleurs
que les lecteurs ou les militants s’en
offusquent, bien au contraire.
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Seuls, les propos du PNUD ont suscité
de vives réactions, qui ont conduit à diligenter une enquête statistique dont les
conclusions ont été sévères. La tonalité
des rapports du PNUD a nettement
changé depuis lors. Dans le rapport
2003, il n’est ainsi plus question de stigmatiser la montée des inégalités et de la
pauvreté dans le monde, mais de se
demander objectivement si leur baisse
est suffisante par rapport aux objectifs
de la communauté internationale ! En
revanche, du côté du Monde diplomatique
ou d’ATTAC, aucune actualisation du
message ne semble à l’ordre du jour.
Et pourtant, le jour où le politique
s’arroge le droit d’imposer sa propre
version des faits, « la vérité est morte »,
selon le titre de la célèbre pièce de théâtre d’Emmanuel Roblès.
Les données de base pour apprécier les
inégalités et la pauvreté dans le monde
sont fournies par les enquêtes nationales
sur la consommation et le revenu des
ménages. Malheureusement, ces enquêtes ne sont que partiellement harmonisées par la Banque mondiale. En outre,
elles ne couvrent pas tous les pays (les
pays de l’Est sont notoirement mal couverts). Il en résulte une conséquence
majeure : l’appréciation des inégalités et
de la pauvreté dans le monde, ne pouvant être tirée de la lecture directe des
chiffres disponibles, résulte d’estimations, elles-mêmes nécessairement fondées sur des jeux d’hypothèses par
définition contestables. Trois études
récentes2 ont fait un bilan statistique
exhaustif du sujet. Elles utilisent les
mêmes sources, mais se différencient par
les hypothèses qu’elles retiennent pour
le traitement des trois points suivants :
– l’écart croissant entre les revenus tirés
des comptes nationaux et ceux tirés des
enquêtes auprès des ménages. Lorsqu’on
se fie aux seules enquêtes, on sousestime systématiquement les revenus, et
on surestime, de ce fait, la pauvreté dans
le monde ;
– la sous-déclaration des hauts revenus. Elle
explique en partie l’écart entre les enquêtes et la comptabilité nationale. Lorsqu’on
néglige ce phénomène, on sous-estime les
inégalités et, dans l’hypothèse où les don-
nées d’enquête sont corrigées par les
données de la comptabilité nationale, on
sous-estime aussi la pauvreté ;
– la conversion des revenus nationaux en
monnaie commune. Cette conversion est
nécessaire pour rendre comparables les
données nationales. Les taux de change
courants ne sont pas pertinents en raison de leurs fortes fluctuations conjoncturelles, et les experts retiennent donc
des taux de change recalculés de façon à
assurer la parité des pouvoirs d’achat de
la consommation ou du PIB.
lapauVretÉet
lesinÉGalitÉsreculent
depuisVinGtans
L
es résultats des trois études citées
ci-dessus, qui font autorité en la
matière, reflètent assez bien le jeu des
hypothèses qu’elles retiennent sur ces
trois points :
– L’étude de la Banque mondiale (Chen
et Ravaillon) se fonde exclusivement sur
les données des enquêtes auprès des
ménages, ne tient pas compte de la sousdéclaration des hauts revenus, et convertit les revenus nationaux en monnaie
commune sur la base des parités de
pouvoir d’achat de la consommation.
Elle estime le nombre de pauvres vivant
avec moins de 1 dollar par jour3 en 1998
à 1,2 milliard, en baisse par rapport au
début de la décennie.
– L’étude de Sala-i-Martin, économiste
espagnol réputé qui a notamment travaillé avec Robert Barro, corrige les données d’enquête par les résultats de la
comptabilité nationale, ne tient pas
compte de la sous-déclaration des hauts
revenus, et convertit les revenus nationaux en monnaie commune sur la base
des parités de pouvoir d’achat au niveau
2 Cf. S. Chen et M. Ravaillon (2001), How did
the World Poorest Fare in the Nineties ?,
document de travail de la Banque Mondiale ;
X. Sala-i-Martin (2002), The World Distribution of
Income, document de travail n°8933, NBER ; S.
Bhalla (2002), Imagine There’s no Country : Poverty,
Inequality and Growth in the Era of Globalization,
Institute for International Economics.
LA MONDIALISATION FAIT RECULER LA PAUVRETÉ !
Quelles sont les principales leçons de
ces travaux ? L’étude de Bhalla paraît
– et de loin – la plus complète et la plus
rigoureuse. Elle montre que les inégalités
dans le monde, qui auraient augmenté
jusqu’au début des années 80, diminueraient depuis lors. Soulignons que la
mesure concernée des inégalités porte
sur le monde considéré comme une
communauté unique, et qu’elle intègre
donc tout autant les inégalités à l’intérieur des pays que les inégalités entre les
pays (graphique 1).
Parallèlement, le taux de pauvreté se
situerait sur un trend de baisse bien
antérieur aux années 80. Si l’on retient
les estimations de Bhalla comme les plus
probables, le taux de pauvreté serait
aujourd’hui de 15 % : il aurait donc déjà
atteint le niveau de l’objectif retenu pour
2015 par le Sommet du Millenium ! La
baisse aurait été particulièrement rapide
entre 1980 et 2000 (graphiques 2 et 3).
En dépit de la forte progression de
la population mondiale, ce mouvement
se traduit par une baisse significative du
nombre de pauvres vivant au-dessous
0,68
Niveau de l'indice de Gini
0,67
0,66
0,65
0,64
0,63
Sala-i-Martin
Bhalla
0,62
0,61
1960
1970
1980
2000
1990
Graphique2.tauxdepauvretédanslemonde
(moinsde1$parjour)
60 %
Banque Mondiale
Sala-i-Martin
50 %
% de la population mondiale
– L’étude de Bhalla, économiste indien
spécialiste des problèmes de pauvreté,
comme celle de Sala-i-Martin, corrige les
données d’enquête par les résultats de la
comptabilité nationale et convertit les
revenus sur la base des parités de pouvoir d’achat au niveau du PIB. Elle essaie
par ailleurs de prendre en compte la
sous-déclaration des hauts revenus et
aboutit à un niveau de pauvreté intermédiaire entre les deux études précédentes, de l’ordre de 0,7 milliard de
personnes. Elle fait aussi ressortir un
trend de baisse de la pauvreté et des inégalités plus rapide.
Graphique1.lesinégalitésdanslemonde
Bhalla
40 %
30 %
20 %
10 %
0%
1960
1970
1980
2000
1990
Graphique3.nombredepersonnesvivant
avecmoinsde1$parjour
1600
1400
1200
Millions de personnes
du PIB. Elle conclut à un niveau sensiblement inférieur de la pauvreté dans le
monde, qui s’inscrit sur un trend de
baisse au cours des vingt dernières
années. Elle fait aussi ressortir une diminution des inégalités.
1000
800
600
400
200
Banque Mondiale
Sala-i-Martin
Bhalla
0
Il s’agit de 1 dollar en pouvoir d’achat de
1993.
3
1960
1970
1980
2000
1990
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du seuil de 1 $ par jour, entre 1980
La protection de la liberté d’entreet 2000. Si l’on retient les estimations
prendre et d’échanger, ainsi que celle des
de Bhalla, le nombre de pauvres aurait
investissements étrangers, constituent
diminué de moitié en
donc une dimension essenvingt ans, alors qu’il avait
tielle des politiques de
La protection de
augmenté de 20 % au cours
développement. Les pays en
la liberté d’entredes vingt années précédendéveloppement en sont de
tes. Il serait revenu à
plus en plus conscients, et
prendre et
700 millions de personnes
particulièrement la Chine
d’échanger, ainsi
en 2000.
et les principaux asiatiques.
que celle des
Il n’y a pas jusqu’à l’Afrique
Il est donc clair que les inéqui ne reconnaisse ce prininvestissements
galités, le taux de pauvreté
cipe d’économie politique,
étrangers,
et le nombre de pauvres
par la voix du président
constituent une
diminuent dans le monde.
sénégalais ou dans le cadre
Les anti et alter-mondialisde l’initiative du NEPAD.
dimension
tes ne le voient pas pour
Cette « conversion » relatiessentielle des
des raisons de confort
vement récente de l’Afrique
politiques de
idéologique, mais aussi
n’est en rien le produit de la
parce qu’ils se sont focalipression d’organisations
développement.
sés sur une vision par
internationales « inféodées
nation, accordant autant
au capitalisme américain ».
d’importance à un pays d’un million
Elle résulte bien plutôt d’une conviction
d’habitants comme la Guinée-Bissau
qui s’est forgée à partir des expériences
qu’à un pays dépassant le milliard d’hamalheureuses du passé. Les politiques
bitants comme la Chine. Or, la pauvreté
qui concentraient leurs efforts sur des
a justement diminué rapidement dans
objectifs peu réalistes, comme la stabilices pays très peuplés d’Asie, qui représation des prix des matières premières
sentent près la moitié de la population
ou la protection des industries naissanmondiale.
tes, avaient fait l’impasse sur ce qui constitue le ressort même du décollage,
c’est-à-dire
la diversification des activités
desconVersionsà
vers
les
secteurs
insérés dans la concurla« mondialisation
rence
mondiale.
libÉrale »
P
our Bhalla et Sala-i-Martin, on l’a
vu, la baisse des inégalités et de la
pauvreté s’est produite essentiellement
au cours des vingt dernières années :
les années 80 marquent un retournement. Comme cette décennie et la suivante correspondent aussi à une
période d’intense mondialisation, et qui
plus est de mondialisation « libérale »,
c’est-à-dire de libéralisation des échanges de biens et d’idées, et d’ouverture
des mouvements de capitaux et de personnes, force est de constater que la
mondialisation « libérale » est associée
à de réels progrès économiques et
sociaux. De ce point de vue, la remise
en cause globale du phénomène, ou
même de sa dimension « libérale », ne
peut être qu’une mauvaise nouvelle
pour les moins fortunés dans le monde,
qui aspirent à de meilleures conditions
sociales et économiques.
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De fait, le discours anti et alter-mondialiste ne permet pas de poser les vrais
questions : pourquoi la mondialisation
a-t-elle si bien réussi en Europe, en
Amérique du Nord et en Asie ? Pourquoi,
au contraire, l’Afrique, ainsi que certains
pays de l’Est, n’ont-ils pas réussi à s’insérer dans l’économie mondiale ? Ces deux
grandes régions du monde ne sont pas
victimes de la mondialisation, mais au
contraire de leur incapacité à s’insérer
sur le marché « global ».
Les véritables sujets de préoccupation
sont donc les obstacles politiques,
sociaux ou économiques à la mondialisation, qui ne sont manifestement pas globaux, mais locaux. Certes, les situations
particulières résultent d’une histoire
souvent longue et complexe. Mais le
succès de l’Asie en développement nous
montre bien que la cause des situations
désespérées n’est pas imputable à la
mondialisation.
lescausesdu
mal-dÉVeloppement
Q
uelles sont ces causes locales ?
Laissant de côté le cas des régimes qui se sont détournés de la mondialisation délibérément et pour ainsi
dire « de fondation », à travers des pratiques protectionnistes (et dans un
cadre politique souvent dictatorial), à
l’instar de la Russie soviétique, de la
Chine de Mao et du Cuba de Fidel
Castro, on peut déceler cinq facteurs
d’échec : la mauvaise gouvernance politique, les politiques économiques déséquilibrées, l’insuffisante ouverture des
pays en développement entre eux, l’instabilité financière internationale, et
enfin le caractère peu discriminant de
l’aide internationale.
– La mauvaise gouvernance politique
est de façon générale corrélée avec
l’échec économique. L’absence de contrepouvoirs, la corruption et le non-respect
du droit sont générateurs de coûts et
d’incertitudes graves qui inhibent l’entreprise et l’innovation et dissuadent l’effort,
puisqu’ils offrent aux individus des
moyens plus directs et plus sûrs de
détourner des ressources à leur profit. A
cet égard, l’absence ou la quasi-absence
d’un droit de propriété reconnu et transférable, comme c’est le cas pour la propriété immobilière en Afrique et en
Amérique latine, est très dommageable
pour le développement économique. En
empêchant l’utilisation du capital en
garantie de la bonne fin des prêts, elle
tarit la principale source du financement
de l’économie locale. Tous ces aspects de
la mauvaise gouvernance mettent les pays
concernés en très mauvaise position
pour affronter la concurrence internationale et les empêchent d’en tirer bénéfice.
– La non maîtrise des finances publiques,
le développement d’un secteur public
pléthorique, l’interventionnisme tatillon
et les politiques monétaires laxistes,
non seulement accroissent les coûts
de production, mais détournent les
ressources financières limitées de ces
pays vers des secteurs improductifs.
LA MONDIALISATION FAIT RECULER LA PAUVRETÉ !
L’ouverture à la concurrence internationale va sanctionner immédiatement
l’insuffisante compétitivité des entreprises locales, obérée par des coûts publics
trop élevés et par une mauvaise allocation des ressources. Si le pays n’est pas
en mesure de se réformer et de modifier sa politique économique, il a alors
objectivement intérêt à se replier sur
lui-même. Simplement, le venin qui le
ronge va agir plus progressivement. A un
soubresaut salutaire, il va préférer un
lent déclin économique.
– L’insuffisante ouverture des pays en
développement entre eux, si elle ne
constitue pas à elle seule une cause suffisante d’échec, rend en revanche beaucoup plus difficile le succès. Selon la
Banque mondiale, les deux-tiers des
bénéfices que les pays en développement pourraient tirer de l’ouverture
viendraient de la libéralisation des
échanges de biens et services, ainsi que
des mouvements de capitaux, entre ces
pays eux-mêmes, et plus particulièrement entre ceux qui appartiennent
à la même zone géographique. Aujourd’hui encore, plus de 70 % des droits de
douane qui pèsent sur les produits
manufacturés exportés par les pays
en développement sont imposés par
d’autres pays en développement, alors
que les échanges de ces pays entre eux
(hors Asie) ne représentent que 15 % de
leur commerce extérieur. Dans l’Asie
émergente, ce ratio atteint 43 %.
– L’instabilité financière internationale
sanctionne de façon identique, par simple contagion, des pays bien gérés et des
pays mal gérés. Ce faisant, elle réduit l’incitation que les gouvernements peuvent
avoir à mener des politiques économiques « vertueuses ». Ce phénomène d’aléa moral est aggravé par le fait
que la communauté internationale est
contrainte d’apporter son soutien financier dans les mêmes conditions, sachant
qu’elle n’est pas en mesure d’identifier la
responsabilité des pays concernés dans
la crise qui les frappe. En réaction, ces
pays sont incités à mettre en place des
mécanismes destinés à les isoler pour
éviter la contagion, ou même à refermer
leurs économies lorsqu’ils jugent que
les coûts de l’instabilité l’emportent
sur les bénéfices de la concurrence
internationale.
dans des secteurs en déclin. Elles doivent
anticiper ces conséquences de façon à
réaliser les adaptations souhaitables « à
froid » et sans précipitation.
– A l’aide internationale s’applique le principe du « corruptio optimi pessima » (la corruption du plus vertueux est la pire). Elle
Non moins nécessaire, une mobilisation
constitue certes un instrument très préde la communauté mondiale pour mettre
cieux pour garder la maîtrise de certaines
de l’ordre dans les aides bilatérales et
situations de crise ou pour traiter des
multilatérales versées aux pays en diffiproblèmes humanitaires. Mais, en même
culté, et garantir la stabilité internatemps, étant une source d’artionale. Sur le premier point,
gent facile et une aubaine
il faut rendre l’aide au
Plus de 70 %
pour les pays bénéficiaires,
développement plus discrides droits de
elle ne peut que susciter la
minante, en l’orientant vers
corruption et créer un cercle
les pays qui en ont le plus
douane qui
vicieux de dépendance écobesoin et qui ont marqué
pèsent sur les
nomique, qui peut se transleur détermination à mettre
produits
former en véritable culture
en œuvre une bonne
de la dépendance. Les bénéfigouvernance et à appliquer
manufacturés
ciaires finissent parfois par
des politiques économiques
exportés par les
s’habituer à l’aide au point de
reconnues vertueuses. Sur le
pays en
ne plus pouvoir s’en passer,
second point, la communauté
concentrant alors tous leurs
internationale ne pourra
développement
efforts, non à créer des
continuer à se désintéresser
sont imposés
richesses, mais à « capturer »
indéfiniment de la coordipar d’autres
l’aide à leur profit. Ces effets
nation des politiques éconosecondaires sont d’autant
miques et de change dans le
pays en
plus négatifs que la politique
monde. Le déclin du G7 / G8
développement.
du pays ou de l’organisme
laisse un vide qu’il est urgent
donateur est peu discrimide combler, et ne saurait
nante en fonction de la qualité de la gouexonérer les grands pays industrialisés de
vernance ou de la politique économique.
leur responsabilité collective vis-à-vis du
reste du monde. Les récentes crises
financières nous ont montré le coût
lesVraisremèdes
croissant pour l’ensemble de la planète,
n le voit, les échecs de la mondiade ce « chacun pour soi » généralisé.
lisation ne sont pas intrinsèques à
la mondialisation elle-même. Leurs cauUne analyse correcte de la mondialisases se trouvent aussi bien dans les pays
tion est d’une importance capitale, car
concernés que dans la communauté
elle évite de se focaliser sur des soluinternationale. L’anti-mondialisme, en se
tions irréalistes et, à terme, dangereuses.
focalisant sur un faux problème, masque
Une fois mis en évidence le fait que
la réalité.
la mondialisation n’est pas en soi un
facteur d’appauvrissement du monde et
La solution passe d’abord par une
d’accroissement des inégalités, il sera
mobilisation des pays concernés : il leur
possible de s’attaquer aux vraies quesfaut améliorer leur gouvernance, maîtions, qui sont celles de la mauvaise goutriser leurs finances publiques, rendre
vernance, des politiques économiques
plus efficaces leurs interventions, contedéséquilibrées, de l’instabilité financière
nir l’inflation. Naturellement, les politiinternationale et de l’inefficacité d’aides
ques de reconversion, sous forme d’aide
non discriminantes. Les solutions ne
financière ou de formation propeuvent certes pas être univoques,
fessionnelle, sont des ingrédients impormême si certaines recommandations
tants d’une adaptation réussie. Mais elles
s’imposent plus que d’autres. Mais la pire
ne doivent pas viser à ralentir ou à
façon de traiter un phénomène de cette
bloquer les conséquences de la mondialiampleur est de l’observer à travers les
sation, au risque de piéger des salariés
lunettes de l’idéologie. g
O
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