Le rôle d`une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires

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Université de Lyon
Université lumière Lyon 2
Institut d'Études Politiques de Lyon
Le rôle d'une Révision Générale des
Prélèvements Obligatoires dans une sortie
de crise économique et budgétaire
Marie-Line BILLAUDAZ
Mémoire de Séminaire
Aide à la décision publique : limites et ambitions de l'économie
Sous la direction de : Yves CROZET
(Soutenu le : 30 août 2012 )
Membres du jury : Messaoud SAOUDI
Table des matières
Remerciements . .
Introduction . .
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques . .
A. Les faiblesses du système de prélèvements obligatoires français . .
A.1. Des faiblesses internes . .
A.2 Des faiblesses externes . .
B. La crise, une opportunité pour réformer ? . .
B.1 Une crise des finances publiques en France et en Europe . .
B.2. Comment réformer le système fiscal francais ? . .
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance . .
A. Comparatif du système entrepreneurial français et du système entrepreneurial allemand
..
A.1. Le mirage d'un modèle allemand uniquement basé sur une répartition de la VA
favorable au capital . .
A.2 Le vrai modèle allemand : des PME innovantes et exportatrices . .
B. Renforcer la compétitivité et l'attractivité de la France au travers de la politique fiscale
..
B.1. Développer l'attractivité du territoire et la compétitivité coût . .
B.2. Soutenir la compétitivité hors-coût . .
B.3 Lutter contre la fraude fiscale internationale . .
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration
fiscale européenne : les prochains défis fiscaux . .
A. Les conséquences économiques et sociales d'une politique fiscale de la compétitivité
..
A.1. La hausse de la pression fiscale sur les bases non mobiles et ses
conséquences . .
A.2 Les conditions pour une réforme fiscale à l'impact économique et social positif
..
B. L'avenir de la souveraineté fiscale dans l'Union Européenne . .
B.1. La fiscalité naissante de l'Union Européenne . .
B.2 Vers une harmonisation des politiques fiscales et budgétaires de l'Union
Européenne? . .
Conclusion . .
Bibliographie . .
Ouvrages . .
Rapports
38
38
45
49
50
55
61
68
68
69
76
81
82
88
98
100
100
100
..
Rapports Budgétaires
Articles de Presse
5
6
11
11
12
20
26
27
33
38
101
..
102
..
Communications de la Commission Européenne
Documents Audiovisuels
104
104
..
Documents Statistiques EUROSTAT
..
..
105
Autres documents statistiques
Sites internet consultés
Annexes . .
..
..
106
107
109
Remerciements
Remerciements
La réalisation de ce mémoire a été rendu possible grâce au concours de plusieurs personnes. Je
remercie M. Yves Crozet, directeur du mémoire, pour son encadrement tout au long de l'année
et pour son aide concernant la direction de mes recherches qui m'ont permis d'aboutir à ce sujet
d'étude. J'adresse également mes remerciements à M. Jorge Branco pour ses conseils et avis qui ont
nourri ma réflexion, ainsi que pour son soutien sans faille. Enfin, je tiens à remercier mes parents,
M. Elie Billaudaz et Mme Françoise Jubin pour leurs relectures et corrections.
Billaudaz Marie-Line - 2012
5
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Introduction
« Il est vraisemblable qu'une réforme fiscale serait l'élément le plus important
1
d'une possible relance de la croissance en France » Michel AUJEAN et JeanHervé LORENZI
L'actuelle situation économique de la France est totalement inédite. Inédite tout d'abord car,
pour la première fois de son histoire, le pays se retrouve simultanément confronté à un
niveau extrêmement élevé de dette publique et à une croissance économique ralentie de
longue date. Inédite aussi car cette « crise de la dette » touche de nombreux autres pays
européens, et parce que l'évolution de leur situation est susceptible d'impacter directement
la nôtre. Inédite car, dans le cadre de l'Union Européenne, les réponses à cette crise ne
peuvent être que collectives. Cet impératif remet en cause notre manière de concevoir la
politique et met à l'épreuve notre capacité à collaborer avec nos partenaires européens.
Cette crise, qui dure depuis maintenant plus de quatre ans, se caractérise également par
l'impuissance des pouvoirs publics à formuler des solutions durables pour y mettre un terme.
L'enjeu est pourtant de taille, car, en l'absence de maîtrise efficace de la dette, c'est une
partie de notre souveraineté budgétaire qui pourrait nous être retirée.
Après avoir insisté sur la nécessité de réduire les dépenses publiques -ensemble de
politiques économiques qualifiées de « mesures d'austérité » - les décideurs européens
semblent désormais s'interroger sur la manière de faire redémarrer la croissance dans
la zone euro. Si agir sur les dépenses est indispensable au désendettement des États,
ce dernier ne peut véritablement démarrer que si la croissance économique est au
rendez-vous. Retrouver la croissance permettrait d'augmenter les recettes des États
sans forcément augmenter le niveau des prélèvements obligatoires. L'augmentation des
recettes publiques permettrait, conjointement à une politique budgétaire de maîtrise des
dépenses, de réduire le déficit. Stopper ou ralentir l'endettement permettrait de commencer
à rembourser la dette accumulée depuis des années. Enfin, le début du désendettement
lié à la croissance enclencherait un cycle économique vertueux, en restaurant la confiance
des acteurs économiques.
Mais aujourd'hui, quelles solutions sont envisageables pour relancer la croissance ?
Premièrement, une politique de conjoncturelle de relance par la consommation semble
proscrite. Depuis les années 70, on sait que toute politique de relance keynésienne profite
peu aux économies nationales et a tendance à « exporter la croissance ». De plus, de
telles politiques financées par l'emprunt public sont actuellement impossibles au vu des
niveaux de dette déjà atteints. Une autre hypothèse consisterait à financer une politique
de relance par des Euro Bonds, c'est à dire des obligations de la zone euro, émises par la
Banque Centrale Européenne. Néanmoins, tous les pays – en particulier l'Allemagne- ne
semblent pas prêts à une telle mutualisation de la dette publique. La création des Project
Bonds semble plus probable : il s'agirait d'emprunter pour financer exclusivement des projets
d'investissement. Cela s'apparenterait donc davantage à une politique structurelle, destinée
à accompagner la transformation des économies nationales.
1 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance, Paris : PUF, 2011, 100p, page 7
6
Billaudaz Marie-Line - 2012
Introduction
Deuxième option disponible, la mise en œuvre de réformes structurelles de l'économie.
Ces réformes ont pour objectif la transformation profonde de l'économie pour l'adapter à
un contexte économique nouveau. Elles ont pour avantage de nécessiter moins de fonds
publics qu'une relance conjoncturelle kéynésienne. Il peut en effet s'agir tout simplement
d'adapter la législation encadrant les différentes activités économiques. Le point faible des
réformes structurelles repose sur le fait qu'elles déploient leurs effets positifs sur le long
terme alors que les réformes conjoncturelles impactent rapidement les indicateurs macroéconomiques. Néanmoins, les effets des réformes structurelles ont l'avantage d'être plus
pérennes.
La dernière réforme budgétaire structurelle française a été votée en 2001 et a été mise
en œuvre progressivement tout au long des années 2000-2010. La LOLF (Loi Organique
relative aux Lois de Finances) s'est essentiellement intéressée aux dépenses publiques, à
la manière de les ordonner, de les mettre en œuvre et d'en évaluer l'efficacité. Le but était
déjà de limiter la spirale de l'endettement par une gestion moderne des finances publiques.
Malgré ces efforts et les différentes autres mesures prises par les gouvernements successifs
(non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, règle « zéro-valeur »
dans les finances de l'Etat etc.), le niveau de dette publique s'est emballé au cours de la
2
précédente décennie .
On peut faire l'hypothèse que l'échec partiel de la LOLF viendrait du fait que la réforme
s'est uniquement intéressée aux dépenses publiques, en oubliant les recettes, c'est à
dire les prélèvements obligatoires. Or, de nombreux économistes considèrent le système
fiscal français comme peu performant économiquement, peu attractif et peu redistributeur
« le système fiscal français (…) est le résultat de superposition de différents dispositifs,
3
accumulés sans aucune réflexion d'ensemble » . Mener cette « réflexion d'ensemble »
pourrait constituer l'une des réformes structurelles qui participeraient à la relance de
l'économie française. Une RGPO -révision générale des prélèvements obligatoires- avait
bien été envisagée au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy avant d'être mise aux
oubliettes pour cause de crise. La crise rendait pourtant encore plus importante une telle
réforme.
De plus, dans le cadre de la zone euro, la politique budgétaire demeure la dernière
fenêtre d'action économique souveraine des États qui n'ont pas encore transféré à la BCE
leurs prérogatives budgétaires et fiscales. Si la politique budgétaire est sous la contrainte
des critères du Pacte de Stabilité et de Croissance (qui ne sont pour l'instant pas respectés
par la majorité des États mais qui constituent un idéal-type influençant profondément les
stratégies budgétaires des États), la politique fiscale reste entièrement discrétionnaire.
L'objectif de ce mémoire est donc de s'interroger sur la manière dont une réforme
fiscale, une véritable RGPO, pourrait contribuer à stimuler la croissance en France et
à accélérer le désendettement. Selon l'économiste britannique S. Tilford, le premier pas
pour renouer avec des comptes publics stables serait une politique fiscale favorable à la
4
croissance .
2 Cf. Annexe 1
3 Institut Montaigne, Une fiscalité au service de la « social-compétitivité » , [en téléchargement], mars 2012, 104p, [consulté
le 10/06/2010] <http://www.institutmontaigne.org/une-fiscalite-au-service-de-la-social-competitivite-3586.html> page 17
4 S. TILFORD, Stable public finances require stronger business investment , [en ligne], mars 2012, [consulté le 10/06/2012],
< http://www.cer.org.uk/publications/archive/bulletin-article/2012/stable-public-finances-require-stronger-business-investme >, « If
Billaudaz Marie-Line - 2012
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Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Le but d'une telle réforme ne serait pas forcément d'agir sur le taux des prélèvements
obligatoires. Réduire leur niveau serait probablement contre-productif dans le contexte
actuel : on ne peut se passer d'aucune recette alors que le budget de l'État est déficitaire.
Augmenter leur niveau semble être aussi une mauvaise solution : accroître la pression
fiscale freinerait certainement la consommation et l'investissement, deux sources de
croissance.
Plutôt que d'orienter le débat sur le niveau des prélèvements obligatoires, on peut
s'intéresser à l'organisation globale du système fiscal français, aux assiettes des impôts,
à leurs taux, à leur efficacité et à leur pertinence. On peut en effet imaginer une nouvelle
répartition des prélèvements obligatoires, sans pour autant toucher à leur volume.
Puisqu'une politique de la demande n'est actuellement pas envisageable, il faut
chercher du côté de l'offre des leviers de croissance. Les entreprises apparaissent
aujourd'hui comme les seuls acteurs économiques capables de créer de la croissance, en
employant et en investissant. On pourrait notamment penser à orienter la réforme fiscale
en faveur de leur compétitivité.
La compétitivité de la France, c'est à dire sa capacité à faire face à la concurrence
étrangère sur les marchés extérieurs et intérieurs, s'est globalement dégradée au cours
de la dernière décennie. La France a perdu des parts de marché vis-à-vis du reste du
monde mais également vis-à-vis de l'Union Européenne (le constat doit être néanmoins
nuancé en fonction des secteurs économiques). En conséquence, la balance commerciale
5
française est déficitaire depuis 2003 . Restaurer la compétitivité française et augmenter nos
exportations seraient une source de croissance du PIB.
La compétitivité est le fruit de nombreux facteurs; néanmoins, on peut distinguer deux
sources de compétitivité qui pourraient être stimulées par une politique fiscale volontariste.
Premièrement, renforcer la compétitivité coût, en s'attaquant notamment au coût du travail
en France, qui pénalise le prix de nos exportations. Si la France et l'Allemagne présentent
un coût horaire quasiment identique, la France n'a pas su se spécialiser dans des produits
hauts de gamme, des produits de niches, capables de constituer un avantage comparatif.
Une politique fiscale de l'offre pourrait donc également tendre à renforcer la compétitivité
hors-coût de la France, en incitant les entreprises à l'investissement et à l'innovation pour
les positionner sur de nouveaux marchés.
Si une telle réforme axée sur la compétitivité semble séduisante, il convient de
garder à l'esprit que les prélèvements remplissent dans la tradition française trois
fonctions différentes : rendement (en donnant à l'État les moyens de son action),
régulation économique (en orientant les comportements des agents économiques par des
mécanismes fiscaux d'incitation et de dés-incitation) et redistribution (en organisant la
correction partielle des inégalités économiques).
Une réforme doit veiller à ce que ces trois objectifs soient non seulement préservés (on
ne peut pas, par exemple, réduire drastiquement les rendements ou la redistribution au profit
d'incitations fiscales), mais aussi renforcés. Le nouveau contexte économique international
incite à moderniser la manière d'appréhender chacun de ces trois piliers.
Premièrement, du côté du financement de l'action de l'État, l'impôt doit être repensé
dans le cadre de la mondialisation. Ce phénomène de mondialisation permet à certains
investment is to recover, Europe needs to do a number of things. First, fiscal policies must be consistent with a return to economic
growth.
»
5 Cf. Annexe 2
8
Billaudaz Marie-Line - 2012
Introduction
revenus d'échapper à l'imposition grâce à la circulation des capitaux. Comme le souligne
Nicolas DELALANDE, historien de l'impôt « la contradiction entre la dimension territoriale
de la souveraineté de l'État fiscal et la circulation transnationale des capitaux n'a ces s
6
é de se creuser » . Les États voient des quantités astronomiques de recettes fiscales
leurs échapper chaque année, notamment à cause des paradis fiscaux et du recours à des
fraudes fiscales toujours plus complexes. Une réforme doit être l'occasion de repenser, tant
au niveau national qu'international, les moyens de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale.
Cet effort est nécessaire pour éviter l'érosion des assiettes fiscales de certains impôts et
pour préserver leur rendement.
En ce qui concerne la régulation économique, on ne peut désormais plus considérer le
système fiscal dans un cadre uniquement national. Dans le contexte de la mondialisation et
de la construction européenne, la France est en concurrence avec d'autres États pour attirer
et retenir les investissements des acteurs économiques du monde entier. Le système fiscal
français pourrait être réformé à de nombreux niveaux pour renforcer l'attractivité de notre
territoire et y favoriser les investissements. Selon les membres du Cercle des Économistes,
« La fiscalité est le critère de comparaison qui , dans un marché européen unique, influe
7
le plus sur les localisations d'investissements »
Enfin, en ce qui concerne la redistribution des revenus, il convient de garder à l'esprit
qu'elle est à la base de notre contrat social. Cette redistribution, même coûteuse, est
efficace. Tout au long des années 2000, le taux de pauvreté n'a cessé de reculer en France,
8
passant de 16 à 12,9 % entre 2000 et 2009 . Toujours selon N. DELALANDE, les conditions
du consentement à l'impôt sont « la répartition équitable des prélèvements et la correction,
9
même limitée, des inégalités produites par le libre jeu des forces du marché » . Sans une
telle redistribution, on peut redouter un rejet de l'impôt et une augmentation de la fraude.
Une baisse du consentement à l'impôt de la population peut être bien plus dommageable
pour les finances publiques que le financement d'une politique sociale. Le cas de la Grèce
est exemplaire sur ce point.
Notre réflexion tentera donc de prendre en compte les impacts d'une réforme fiscale
sur ces trois piliers de l'impôt. Il peut en effet s'avérer difficile de concilier ces trois objectifs.
L'incompatibilité majeure d'une réforme axée sur la compétitivité des entreprises repose en
l'état sur la conciliation des objectifs d'équité sociale et de compétitivité. On sait par exemple
qu'une hausse du PIB / habitant peut tout à fait s'accompagner d'une hausse du taux de
pauvreté si la qualité de la redistribution diminue. Néanmoins, en l'état actuel des finances
publiques et comme le souligne l'Institut Montaigne : « le prochain gouvernement devra
10
mettre l'accent sur la compétitivité » . Le retour de la croissance est en effet la condition
sine qua none du désendettement et dela préservation de notre système social.
Nous développerons en trois temps notre interrogation sur la manière dont une réforme
fiscale pourrait contribuer à tirer la France de la crise économique et budgétaire.
6 N. DELALANDE,
Les Batailles de l'impôt, consentement et résistance de 1789 à nos jours , Paris : Le Seuil, 2011, 425p,
page 409
7 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance, ibid, page 10
8
EUROSTAT, «
Personnes à risque de pauvreté après transferts sociaux par sexe
» [en ligne], juin 2011, [consulté le
10/06/2010], <http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/dataset?p_product_code=TSDSC350>
9 N. DELALANDE, Les Batailles de l'impôt, consentement et résistance de 1789 à nos jours, ibid, page 416
10 Institut Montaigne, Une fiscalité au service de la « social-compétitivité », ibid, page 4
Billaudaz Marie-Line - 2012
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Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Dans une première partie (I), nous reviendrons sur la manière dont le système français
de prélèvements obligatoires est peu adapté à une politique de soutien de l'offre. Nous nous
interrogerons également sur les difficultés politiques d'une réforme de la fiscalité et sur la
manière de les surpasser.
Dans une seconde partie (II), nous dresserons la liste des objectifs à atteindre pour
moderniser le système fiscal français en faveur d'un plus grand dynamisme économique.
Premièrement, il s'agit de faire l'état des lieux des faiblesses de l'économie française
notamment en termes de compétitivité. Deuxièmement, il convient de souligner que le
système fiscal peut être adapté pour tenter de combler ces faiblesses et favoriser la
croissance.
Dans une dernière partie (III), nous reviendrons sur la difficile conciliation entre équité
et efficacité économique du système fiscal. Ces objectifs semblent de moins en moins
« tenables » dans les politiques publiques actuelles, même si des compromis peuvent
être envisagés. De plus, il convient de repenser ces objectifs dans le cadre européen d'un
probable rapprochement des systèmes fiscaux.
10
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Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal
et des finances publiques
Notre postulat de départ est qu'il existe un lien entre crise des finances publiques et crise
du système fiscal. Bien entendu, la crise des finances publiques, qui se caractérise par
un endettement équivalent à 85,8% du PIB en 2011 et une dette publique atteignant les
11
5,2% du PIB est le résultat de nombreux autres facteurs. Pour autant, si les derniers
gouvernements se sont beaucoup intéressés à la maîtrise des dépenses publiques, le
système fiscal qui est à la source des recettes publiques a rarement été considéré
comme une variable d'amélioration des finances publiques. Les prélèvements obligatoires
(ensemble des impôts, taxes et cotisations sociales prélevés par l'État pour le financement
des Administrations Publiques) sont généralement réformés à la marge, sans vision
d'ensemble incluant la totalité des prélèvements qui pèsent sur les agents économiques. Si
12
20% du Code Général des Impôts sont modifiés tous les ans , c'est essentiellement pour
y ajouter des ajustements mineurs (création ou suppression de « niches fiscales », de taux
spéciaux, de tranches d'imposition, de plafonnement des crédits d'impôt etc.) qui ont pour
inconvénient de rendre le système encore plus complexe.
Cette non-réforme, ce statu-quo, a profondément affaibli le système des prélèvements
obligatoires en France. Ses nombreux points faibles mériteraient d'être amendés : ils ont
un impact direct sur l'économie et par ricochet, sur les finances publiques (A). D'autre part,
il semble que la période de crise traversée actuellement par l'Europe plaide également en
faveur d’une telle réforme (B).
A. Les faiblesses du système de prélèvements
obligatoires français
Les faiblesses du système de prélèvements obligatoires français sont de deux ordres.
Premièrement, des écueils liés au système fiscal en lui-même (A.1). L'organisation fiscale,
qui s'est construite tout au long du XXème siècle sur des bases d'équité et de progressivité
a progressivement dérivé. Les recettes publiques sont désormais essentiellement assurées
par des prélèvements à la fois non progressifs, peu propices à la création d'activités
économiques et parfois peu rentables pour les caisses de l'État (A.1.1). La conséquence
de ce système de moins en moins performant socialement et économiquement est une
diminution du consentement à l'impôt en France, qui pourrait à terme impacter la cohésion
nationale (A.1.2).
11 INSEE, Comptes nationaux des administrations publiques - Année 2011, [en ligne], mars 2012 [consulté le 10/06/2012], <http://
www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=37&date=20120330>
12 Institut Montaigne, Une fiscalité au service de la « social-compétitivité », ibid, page 77
Billaudaz Marie-Line - 2012
11
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Deuxièmement, des faiblesses liées à la mondialisation et à la circulation
transfrontalière des capitaux et des revenus (A.2). La France fait difficilement face à la
concurrence fiscale européenne et mondiale. De nombreuses caractéristiques du système
fiscal handicapent le pays pour attirer et retenir les investisseurs étrangers (A.2.1). D'autre
part, la fraude fiscale internationale s'ajoute à la fraude nationale et prive le pays de
ressources publiques supplémentaires (A.2.2).
A.1. Des faiblesses internes
A.1.1 Des déséquilibres structurels au niveau des recettes fiscales
a. Le poids respectif des prélèvements progressifs et non progressifs
Le premier déséquilibre à mettre en avant dans la structure des recettes fiscales est la
primauté des prélèvements non progressifs sur les prélèvements progressifs. Selon les
estimations du projet de loi de finance 2012, la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée), qui est
une taxe proportionnelle, rapportera 136,9 milliards d'euros cette année, contre seulement
58,4 milliards pour l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP). La TICPE
(Taxe Intérieure sur la Consommation de Produits Énergétiques – ex-TIPP), elle aussi
13
proportionnelle, rapportera 14 milliards supplémentaires . Enfin, les droits sur l'alcool et le
tabac représentent eux plus de 4 milliards d'euros pour les caisses de l'État.
D'autres recettes importantes des Administrations Publiques sont calculées selon un
barème proportionnel : la CSG (91 milliards), la CRDS (6 milliards) ou encore l'ensemble
des cotisations sociales payées par les employeurs et salariés (320 milliards).
Ce premier constat remet en cause une idée reçue selon laquelle le système fiscal
français serait progressif. Si l'impôt sur le revenu l'est effectivement, la plupart des impôts
payés en France sont calculés sur une base proportionnelle. La progressivité de l'impôt
sur le revenu se justifie par la volonté de limiter les écarts de revenus et par la théorie de
l'utilité marginale décroissante du revenu. En d'autres termes, chaque euro supplémentaire
de revenu est un peu moins vital que le précédent. Plus le revenu augmente, plus l'utilité
sociale décroît (la capacité du revenu à assurer les besoins de première nécessité) et plus
l'utilité individuelle augmente. En conséquence, c'est la capacité à participer aux dépenses
collectives qui augmente.
La TVA, la TICPE ou encore les droits d'accise sur l'alcool et le tabac sont des taxes
proportionnelles au prix du bien ou du service consommé et payées par les consommateurs.
Les agents économiques paient donc la même somme indifféremment de leur revenu quand
ils achètent un bien identique.Néanmoins, l'instauration de ces taxes tout au long de la
deuxième partie du XXème siècle n'a pas freiné la hausse de la consommation des produits
concernés. En d'autres termes, la TVA et les autres taxes à la consommation sont souvent
considérées à tort comme indolores, car elles sont réputées ne pas modifier les choix
économiques des acteurs. Pourtant, elles pèsent directement sur le revenu disponible des
ménages. Selon l'économiste Thomas Piketty, l'ensemble des impôts sur la consommation
prélève 15 % des revenus des 10 % les plus pauvres de la population contre seulement 5%
14
du revenu des 10 % les plus riches .
13 Projet de Loi de Finance 2012,
Rapport « Les Chiffres clés » [en téléchargement] Septembre 2011, [consulté le 10/06/2012],
< http://www.budget.gouv.fr/projet-de-loi-de-finances-pour-2012-dispositions >, page 3
14 T. PIKETTY, C.LANDAIS et E.SAEZ, Pour une révolution fiscale, Paris : Le Seuil, 2011, 133p, page 52
12
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
La TVA est depuis les années 70 la première ressource de l'Etat. Néanmoins,
cette situation n'est pas une exception française. Après la seconde guerre mondiale, les
politiques publiques des États se sont étoffées pour faire face à des demandes en termes
d'équipements, de services publics et de protection sociale. Bien qu'inéquitables, les taxes
sur la consommation sont apparues comme un moyen simple de collecter des ressources
fiscales importantes. Assises sur une assiette extrêmement large - la consommation -,
ces taxes assurent un rendement très important. Le raisonnement est le même en ce qui
concerne les cotisations sociales, calculées sur les salaires, une autre base extrêmement
large. La hausse de ces taxes apparaît donc comme la conséquence de l'émergence de
l'Etat providence.
Inventé en France en 1954, la TVA fut adoptée par tous les États de la Communauté
Européenne dans les années 60. Le total de recettes collectées par la France correspond à 7
% de son PIB. C'est exactement la moyenne européenne, mais relativement peu comparé à
d'autres Etats de l'Union. Eurostat place la France au 19ième rang en termes de rendement
de la TVA par rapport au PIB. La TVA représente 9,9 % du PIB au Danemark, 9,8% en
15
Suède et 7,3 % en Allemagne . Cette constatation fait dire à de nombreux économistes qu'il
existe à ceniveau une marge de manœuvre permettant une hausse de la TVA en France.
Si cette primauté des taxes proportionnelles dans les ressources des administrations
publiques n'est pas une particularité française, d'autres déséquilibres sont bien plus
spécifiques au système fiscal français, notamment lorsqu'il s'agit de l'impôt des particuliers
et des entreprises.
b. La fiscalité des particuliers
Deux dispositifs de la fiscalité des particuliers concentrent les critiques des économistes :
l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), qui taxe les revenus issus du travail
et du capital, et l'impôt sur la fortune (ISF) qui taxe le patrimoine à partir d'un certain niveau.
Concernant l'IRPP, la première critique qui lui est adressée est son manque de
progressivité. Censé être le garant de la limitation des inégalités de revenu, le système
de progressivité devrait aboutir à ce que le taux moyen d'imposition des ménages les plus
riches soit supérieur à celui des ménages des classes moyennes et inférieures. Or, selon
les auteurs du livre Pour une Révolution Fiscale , les taux moyens d'imposition déclinent
à partir d'un revenu mensuel du ménage supérieur à 6900 euros. Au final, les 0,1 % de la
population les plus riches bénéficient d'un taux d'imposition effectif moyen de 35 %, contre
45 % pour les 80 % de ménages français dont les revenus mensuels sont compris entre
1000 et 6900 euros. Le système fiscal serait en réalité régressif au sein des 5 % les plus
16
riches .
Cette faillite du système de progressivité, également mise en lumière par un rapport du
17
Conseil des Prélèvements Obligatoires est la conséquence de la multiplication des niches
15 EUROSTAT, [en téléchargement] Taxation Trends in the European Union , 2012 Edition, Mai 2012 [consulté le 10/10/2012], <
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/publication?p_product_code=KS-DU-12-001 > 274p, page 186
16 T. PIKETTY, C.LANDAIS et E.SAEZ, Pour une révolution fiscale, ibid, pages 48-49
17 Conseil des Prélèvements Obligatoires,
Prélèvements obligatoires sur les ménages, Progressivité et effets redistributifs,
[en téléchargement] mai 2011, [consulté le 12/03/2012] 389 pages, <http://www.ccomptes.fr/Actualites/Archives/Prelevementsobligatoires-sur-les-menages.-Progressivite-effets-redistributifs>
Billaudaz Marie-Line - 2012
13
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
18
fiscales, qualifiées par Alexis Spire « d'évitement légalisé de l'impôt » . Ces niches, qui se
développent à partir des années 70, remettent en cause le caractère universel de l'impôt, le
principe selon lequel à revenu égal imposition égale. La première de ces niches n'est autre
que le quotient familial, qui pénalise fortement les célibataires. Il existait en 2011 190 niches
fiscales, soit autant de manières de réduire la base imposable du revenu et de se livrer à
de l'optimisation fiscale.
En plus de réduire la progressivité de l'impôt, les niches fiscales sont extrêmement
19
coûteuses : leur suppression totale rapporterait 85 milliards d'euros aux recettes publiques.
Autre faiblesse de l'IRPP : son assiette très réduite. Seulement la moitié des foyers
fiscaux sont imposables en France : les foyers dont les revenus annuels après déductions
sont supérieurs ou égaux à 5963 euros. D'autres pays imposent tous les revenus : les USA
prélèvent par exemple un impôt fédéral de 10 % sur les petits revenus. La philosophie fiscale
du pays n'est néanmoins pas la même qu'en France.
Enfin, la conséquence des deux caractéristiques précédentes est le faible rendement
de l'impôt sur le revenu. Alors que le taux de prélèvements obligatoires ne cesse
d'augmenter, le rendement de l'IRPP est de plus en plus faible. La collecte représentait 5
% du PIB au début des années 1980, 4,5% dans les années 1990, et son rendement est
tombé à 2,5 % du PIB à la fin des années 2000. En termes de comparaison, l'impôt sur
le revenu allemand à un rendement équivalent à 9,9 % du PIB. Même en incluant CGS et
CRDS, le niveau des prélèvements français sur le revenu est relativement faible (7% du
PIB). Alors que le PIB a doublé entre 1990 et 2010, les recettes sont passées uniquement
de 45 à 50 milliards. Ce simple effondrement des recettes aurait dû alerter les décideurs
politiques sur la nécessité d'une réforme.
Au total, toutes ces faiblesses tendent à délégitimer l'impôt sur le revenu, pourtant à la
base de notre système fiscal moderne. Pour les 80 % des ménages imposables des classes
moyennes dont parle T. Piketty, c'est l'impression de payer deux fois. A la fois pour les
pauvres qui sont exclus du système fiscal du fait de leurs faibles revenus et pour les riches
dont les revenus leurs permettent de profiter des niches fiscales. Aufinal, c'est la cohésion
sociale qui est menacée : comme le souligne T.Piketty « Chacun suspecte son voisin de
20
mieux tirer profit que lui du système en vigueur » .
Deuxième dispositif de la fiscalité des particuliers : l'Impôt Sur la Fortune, qui taxe le
patrimoine mobilier et immobilier des ménages à partir de 1,3 millions d'euros.
L'instauration de cet impôt a été justifiée par deux types d'arguments. Premièrement, la
non-prise en compte du patrimoine dans la fiscalité introduisait une discrimination entre les
agents ayant accumulé un capital et ceux n'en étant pas dotés. Les personnes possédant un
capital ont à revenu égal moins besoin d'épargner que les autres, ce qui justifie une taxation
supplémentaire. Deuxièmement, le but était aussi d'orienter l'épargne des hauts revenus
vers des investissements productifs en décourageant la détention de biens immobiliers.
Alors que les pays de l'OCDE ont connu un engouement pour les impôts sur la fortune
dans les années 70, la plupart d'entre eux l'ont supprimé dans les années 90 (Italie, Autriche,
Danemark, Allemagne, etc.). La France, la Finlande, la Norvège et l'Espagne font figure
18 N. DELALANDE, Les batailles de l'impô t, ibid , page 390
19 Institut Montaigne, Une fiscalité au service de la « social-compétitivité » , ibid, page 49
20 T. PIKETTY, C.LANDAIS et E.SAEZ, Pour une révolution fiscale, ibid, page 7
14
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
d'exceptions pour l'avoir conservé. Suivant l'exemple des pays l'ayant abandonné, certains
21
économistes plaident pour sa suppression sur la base de plusieurs arguments .
Tout d'abord, il y a l'argument selon lequel l'ISF inciterait à la fuite des capitaux.
L'Irlande, le Danemark et les Pays-Bas ont d'ailleurs expressément supprimés leur impôt
sur la fortune pour attirer des capitaux. Néanmoins, cet argument semble peu scientifique,
comme le souligne Christopher Heckly :« l'importance réelle des fuites de capitaux est
22
difficile à évaluer » . Deuxième argument, le coût de gestion élevé et le rendement limité de
cet impôt. En effet, l'ISF nécessite la mobilisation d'un grand nombre d'agents des finances
publiques pour la vérification des déclarations, alors qu'il rapporte très peu : seulement 4,4
milliards de recettes prévues en 2012. Enfin, force est de constater que la mise en place
23
de l'ISF n'a pas empêché le creusement ni des inégalités de revenus , ni des inégalités de
24
patrimoine . Paradoxalement, le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) estime que
comparativement à l'IRPP, l'ISF participe plus à la réduction des inégalités, et ce malgré
25
son très faible rendement .
Même si l'idée de taxer le stock de capital semble pertinente pour limiter les inégalités,
l'ISF tel qu'il est appliqué actuellement ne semble pas véritablement remplir cet objectif.
Selon Christopher Heckly, il serait plus efficace de taxer davantage les successions.
Cela permettrait de lutter contre l'accumulation du capital, de récolter des recettes bien
supérieures et d'accroître l'effet redistributif de la taxation des fortunes. En 2012 les droits
de mutation à titre gratuit devraient rapporter 7,6 milliards à l'État. Pourtant, le CPO souligne
qu'en 2005, déjà 70 % des successions étaient exonérées de toute taxation. La loi TEPA
de 2007 a ensuite eu pour effet de relever à 150 000 euros l'abattement de taxation en
cas de transmission aux enfants. En conséquence, seul 1 héritier en ligne directe sur 10
26
voit le capital qui lui est transmis taxé . Des marges de manœuvre importantes existent
donc pour améliorer la fiscalité des successions. De plus, afin de rendre cette fiscalité plus
juste, le CPO propose également de moduler les taux de taxation en fonction du niveau de
patrimoine de l'héritier.
En résumé, la fiscalité directe des ménages, qui rapporte peu aux caisses de l'État,
ne remplit pas véritablement le premier objectif assigné à un impôt qui est celui du
rendement. Deuxièmement, l'IRPP comme l'ISF peinent à être des instruments de limitation
des inégalités : l'objectif de redistribution n'est donc également pas atteint. Quant à l'objectif
de régulation économique, on peut dire qu'il est atteint, dans le sens où les français profitent
largement des niches fiscales, qui ont pour but d'inciter à certains comportements. Les axes
d'améliorations de la fiscalité des particuliers sont donc très nombreux.
c. La fiscalité des entreprises
Les entreprises payent un impôt direct assis sur les bénéfices : l'impôt sur les sociétés
(IS). Cet impôt est très paradoxal : alors que le France possède le deuxième taux marginal
d'imposition des sociétés le plus élevé de l'Union Européenne, le produit de cet impôt ne
21 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , Paris : LGDJ, 2006, 154p, page 141-145
22 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , ibid, page 141
23 P. LOMBARDO, Les niveaux de vie en 2009, INSEE PREMIERE , Août 2011, n° 1335, page 1 à 4
24 H. CHAPUT, Les inégalités de patrimoine s'accroissent entre 2004 et 2010, INSEE PREMIERE, Novembre 2011, page 1 à 4
25 Conseil des Prélèvements Obligatoires, Prélèvements obligatoires sur les ménages, ibid, page 288
26 Conseil des Prélèvements Obligatoires, Prélèvements obligatoires sur les ménages, ibid, page 289
Billaudaz Marie-Line - 2012
15
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
représentait en 2010 que 1,9 % du PIB Français. Le pays se classait 19ième sur 27 en
termes de rendement de l'impôt sur les sociétés. La moyenne n'est certes que de 2,7 %
dans l'Union Européenne, mais certains pays présentent des taux d'imposition beaucoup
plus bas, et parviennent néanmoins à récolter un pourcentage plus élevé de recettes. C'est
le cas par exemple de l'Irlande, dont le rendement de l'IS représente 2,6 % du PIB, du
Royaume-Unis (3,1 % du PIB), de l'Italie (2,3%), du Danemark (2,8 % du PIB) ou encore
27
du Luxembourg (5,7 %) .
Encore une fois, la faiblesse du rendement de l'impôt français s'explique
essentiellement par la prolifération de niches fiscales qui permettent aux entreprises de
réduire leur base imposable. La France utilise également des modalités de calcul des
bénéfices différents des autres Etats européens, ce qui contribue à expliquer les différences
constatées.
Si l'impôt sur les sociétés n'est donc pas synonyme de rendements (il rapportera tout de
même 32 milliards en 2012), il n'est pas non plus un instrument de régulation économique.
Avec un taux marginal d'imposition des entreprises de 33%, la France est peu attractive
28
pour les investisseurs étrangers. Bien que le taux effectif d'imposition s'établisse à 20 % ,
les investisseurs sont davantage sensibles au taux marginal pour leur choix de localisation.
L'impôt sur les sociétés pénalise donc l'économie nationale et l'exemple de nos voisins
montre qu'il serait possible de bâtir un instrument fiscal à la fois plus rentable pour les
finances publiques et plus attractif pour les investisseurs étrangers.
Les autres éléments de fiscalité qui pèsent sur les entreprises sont essentiellement les
cotisations sociales. Quasiment la moitié du total des recettes publiques françaises provient
des cotisations sociales : 39,7 % en 2010. Ce taux est proche de celui de l'Allemagne (40,8
%), des Pays-Bas (38 %) ou encore de l'Espagne (36 %). Là où la France se distingue, c'est
par le pourcentage de cotisations qui pèsent sur les employeurs. En France, 26,6 % des
recettes fiscales totales proviennent des employeurs contre 9,6 % des salariés. L'Allemagne
(17,8 % employeurs – 16,6 % salariés) et les Pays-Bas (12,8 %-15,5 %) présentent un
29
partage plus équilibré .
Si les cotisations sociales jouent un rôle très important dans le financement des
administrations publiques de sécurité sociale et dans la limitation des inégalités, on peut
critiquer leurs effets pervers en termes de dynamisme économique. Les cotisations sociales
payées par les employeurs renchérissent le coût du travail et freinent les entreprises dans
leur volonté d'embaucher. L'Allemagne et les Pays-Bas présentent tous deux des taux de
30
chômage bien inférieurs à la France : respectivement 5,4 et 7,6% en avril 2012. Bien
sûr, le niveau des cotisations sociales n'est pas le seul facteur d'explication du chômage
en France, mais il y contribue sans aucun doute. De plus, alors que la France peine à
exporter sa production, réduire le coût du travail permettrait de proposer des produits bien
plus compétitifs sur le marché mondial.
Encore une fois, l'exemple de nos voisins semble nous indiquer qu'un système de
taxation des entreprises plus pertinent, capable de combiner rendements et stimulation
de l'activité économique est envisageable. Améliorer le rendement de l'IS permettrait par
27 EUROSTAT, Taxation Trends in the European Union, ibid , page 198
28 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance , ibid page 38
29 EUROSTAT, Taxation Trends in the European Union, ibid , pages 205 et 207
30 EUROSTAT, [en ligne],
Taux de chômage, moyennes mensuelles, par sexe et par groupe d'âge
<http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/dataset?p_product_code=UNE_RT_M>
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Billaudaz Marie-Line - 2012
[consulté le 12/06/12]
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
exemple de réduire les cotisations sociales employeurs. On pourrait également penser à
réduire les cotisations sans toucher à l'IS, ce qui pose l'épineuse question du transfert des
recettes fiscales sur une autre base imposable.
A.1.2. Un système fiscal qui met en jeu la cohésion nationale
Le risque qu'implique ce système peu performant d'imposition directe -peu rentable, peu
favorable au dynamisme économique et peu propice à la limitation des inégalités- est un
rejet progressif de l'impôt au sein de la population. Or le système fiscal est à la base
de la cohésion sociale : il assure la redistribution verticale et horizontale, le financement
des services publics et de l'investissement public. Il est donc essentiel que les agents
économiques continuent d'y participer volontairement, sans chercher à frauder. C'est ce que
l'on appelle le consentement à l'impôt (« La manière dont les individus et groupes sociaux
31
acceptent ou non de le payer ») . Selon Nicolas Delalande, ce sont davantage les modalités
32
de partage des charges publiques que le principe de la taxation qui sont remises en cause .
Le consentement à l'impôt est en France affaibli par deux phénomènes, qui sont
la conséquence de l'organisation fiscale que nous venons de décrire. Premièrement, un
sentiment d'incompréhension des acteurs sociaux face à un système fiscal très complexe.
Deuxièmement, la prolifération de la fraude fiscale.
a. Un système fiscal peu propice à l'acceptation de l'impôt
De nombreux facteurs font du système fiscal français une construction juridique très
complexe.
Premièrement, la loi fiscale en elle-même. Tous les pays possèdent des règles
complexes pour le calcul des différents impôts, règles qui peuvent parfois paraître très
obscures aux non-initiés. Là où se distingue la France, c'est par le nombre de prélèvements
obligatoires : alors que la plupart des pays de l'OCDE font fonctionner leur système fiscal
33
avec une cinquantaine de prélèvements, on en dénombre plus d'une centaine en France .
Cette prolifération des prélèvements complexifie à l'extrême le système, car à chaque
régime correspond des exonérations particulières, des niches, des taux réduits, etc.
Les modalités de calcul de l'IRPP sont un exemple de cette complexité : le revenu
annuel est d'abord dégrevé des différentes réductions fiscales et niches que le ménage
a choisi de mobiliser ; il est ensuite divisé par le nombre de parts du foyer fiscal ; puis,
en fonction du barème, chaque tranche du revenu imposable se voit appliquer le taux
correspondant ; enfin, le résultat est remultiplié par le nombre de parts. Il n'existe donc
pas de barème unique garantissant à deux personnes touchant le même revenu annuel de
payer le même impôt.
Autre exemple, le système français est si complexe que la même base est parfois
imposée plusieurs fois. C'est le cas des revenus du travail, sur lesquels pèsent l'IRPP, les
cotisations sociales et la CSG. Ce système pourrait être simplifié, en fusionnant les trois
assiettes et en prélevant en une seule fois les différents impôts. Les Pays-Bas ont par
exemple fusionné cotisations sociales et IRPP pour plus de simplicité et de lisibilité.
31 N. DELALANDE, Les batailles de l'impôt, ibid , page 11-12
32 N. DELALANDE, Les batailles de l'impôt, ibid , page 16-17
33 Projet de Loi de Finance 2012,
Rapport sur les Prélèvements Obligatoires [en téléchargement] Septembre 2011, 68p,
[consulté le 12/06/2012] page 46 à 52 <http://www.budget.gouv.fr/projet-de-loi-de-finances-pour-2012-dispositions>
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Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Dernier exemple, notre système taxe différemment les revenus issus du travail et ceux
issus du capital (intérêts, dividendes, plus-values) dans le cadre de l'IRPP. En effet, les
détenteurs de revenus issus du capital ont depuis 1965 le choix entre intégrer ces revenus
au calcul de leur IRPP via la technique du barème progressif ou payer un « prélèvement
libératoire » sur l'ensemble des revenus du capital. Ce prélèvement était de 19 % en 2011.
Ce dispositif permet donc à une partie des revenus d'échapper au barème progressif et de
bénéficier d'un impôt dont les modalités de calcul sont bien plus avantageuses.
La conséquence de cette loi très complexe est un sentiment d'inéquité « beaucoup de
français ont toujours l'impression que leur voisin tire un meilleur profit qu'eux du système
34
fiscal » . Les PME soupçonnent les grands groupes de profiter d'astuces fiscales connues
des seuls experts fiscaux ; les petits contribuables ont l'impression que les plus riches payent
moins d'impôts qu'eux. Ces impressions sont parfois fausses. Néanmoins, la loi française
laisse d'importantes marges de manœuvre à qui voudrait réduire son impôt, à condition de
connaître les failles du système ou d'avoir les moyens de s'offrir les services d'un avocat
fiscaliste. En réalité, l'un des piliers du consentement à l'impôt, qui est que la loi fiscale
soit la même pour tous, n'est pas respecté en France. Pour les contribuables français, la
norme est devenue de bénéficier d'un des nombreux régimes de réduction d'impôt. Etre
taxé normalement, selon les règles de bases, serait devenu anormal, voire inacceptable.
Si la loi fiscale est complexe, on pourrait au moins s'attendre à ce qu'elle pare à toutes
les éventualités d'évitement de l'impôt et à ce qu'elle soit une arme efficace contre la fraude.
Au contraire, il semble que plus la loi se complexifie, plus la fraude devienne difficile à
détecter. Cela entraîne un cercle vicieux puisque la loi tente de s'adapter à ces nouvelles
35
fraudes par des dispositions de plus en plus obscures .
b. La fraude fiscale
Un système fiscal qui apparaît comme étant inéquitable est très préjudiciable. Il favorise la
36
fraude, entraîne une instabilité économique et des troubles sociaux . Concernant la fraude,
il est intéressant de noter que ses conséquences sont de deux ordres : financières bien sûr,
mais aussi psychologiques.
Premièrement, la fraude fiscale (définie par Pierre Beltrame, professeur à l'Université
Aix-Marseille III comme « une infraction à la loi commise dans le but d'échapper à l'imposition
ou d'en réduire le montant ») constitue un énorme manque à gagner pour les finances
publiques. Selon un rapport du Syndicat National Unifié des Impôts, les estimations du
37
montant global de la fraude oscillent entre 20 et 50 milliard par an . Cette fourchette très
vague s'explique par le fait qu'il n'existe pas de méthode officielle d'évaluation de la fraude
reconnue par l'administration et que chaque organisme (Union Européenne, CPO, Ministère
du budget, syndicats...) utilise son propre calcul.
Deuxièmement, la fraude fiscale entraîne des déséquilibres fiscaux entre les
contribuables, et plus grave, une distorsion de concurrence entre les entreprises vertueuses
et celles qui trichent.
34 Institut Montaigne, Une fiscalité au service de la « social-compétitivité » , ibid, page 76
35 A. BARILARI, Le Consentement à l'impôt, Presses de Sciences-Po : Paris, 2000, 146p., Pages 68-69
36 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , ibid, page 58
37 Rapport du SNUI sur l'état de la lutte contre la fraude fiscale [en téléchargement], avril 2008, 68p. [consulté le 12/06/2012]
< http://www.snui.fr/agt_adh/actualite/2008/avril/rapportSNUI_lutte_contre_fraude_fisca_150408.pdf .>
18
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
Enfin, la fraude est à la fois la conséquence et la cause d'une baisse du consentement
à l'impôt. Nicolas Delalande insiste sur le fait que la fraude est moins préjudiciable par
les sommes qu'elle soustrait aux finances publiques que par les croyances qu'elle diffuse
au sein de la population. Notamment l'idée selon laquelle l'État serait incapable de faire
respecter la loi fiscale. De plus, la prolifération de la fraude fait passer les contribuables
honnêtes pour des naïfs tandis que les fraudeurs sont glorifiés pour leur audace et leur
astuce. Au final, les individus se détournent de l'impôt, puisque pourquoi payer si les autres
ne le font pas ? André Barilari souligne également ce phénomène en parlant « d'enjeux
38
civiques » de la fraude . Selon lui, tout le monde aurait déjà ressenti de l'injustice en matière
fiscale, par exemple vis à vis d'une personne travaillant au noir et qui n'aurait jamais été
sanctionnée.
Selon le SNUI, dans ce même rapport, « un impôt juste et consenti ne peut que
s'accompagner d'une lutte efficace contre toutes les formes de fraudes ». Or, seulement 16
milliards d'euros de droits et de pénalités ont été recouvrés par les services de l'inspection
39
des impôts en 2010 . Freiner la fraude, démasquer les tricheurs et les punir sévèrement
seraient autant de manières de renforcer le consentement à l'impôt et de lutter contre le
sentiment d'iniquité.
Néanmoins, selon André Barilari, la lutte contre la fraude fiscale a des limites et on
ne peut établir une équation entre les estimations de la fraude et des recettes budgétaires
supplémentaires. En effet, il souligne que des formes de résistance à l'impôt ont existé de
tout temps, et que vouloir contrôler de manière approfondie et inquisitoriale tous les citoyens
entraînerait des coûts psychologiques contre-productifs en renforçant le rejet de l'impôt.
C'est à l'État de trouver à chaque période les conditions du consentement, le pacte fiscal
garantissant la participation de tous et l'équilibre entre désirs individuels et collectifs.
c. L'avenir du consentement à l'impôt
Selon Nicolas Delalande, la plupart des sociétés européennes se sont bâties tout au long du
XXème siècle sur un compromis fiscal entre les classes, compromis qui a rendu supportable
les écarts de richesses. Il souligne que ce compromis tend à être remis en cause dans de
nombreuses régions d'Europe, où, à l'intérieur de pays, certaines régions « riches » clament
leur droit à payer moins d'impôt pour les régions « pauvres »: les Flamand en Belgique, les
Italiens du Nord ou encore les Catalans en Espagne. En France, les modifications apportées
à l'IRPP depuis les années 80 (diminution du taux marginal de l'impôt sur le revenu, création
de niches fiscales, baisse du nombre de tranches, bouclier fiscal, etc) ont profondément
réduit sa progressivité et son rendement, alors que les inégalités ne diminuaient pas. Les
systèmes fiscaux tendraient donc de moins en moins à assurer la cohésion sociale.
Néanmoins, il serait faux de dire que les hauts revenus auraient abandonné leur
participation au pacte fiscal : en novembre 2011, un groupe de 45 milliardaires étasuniens
a signé un manifeste pour réclamer une taxation supérieure de leurs revenus et la fin des
avantages fiscaux accordés depuis 2001 aux grandes fortunes. Dans leur sillage, plusieurs
grands patrons français (Maurice Lévy, Pierre Bergé...) ont également demandé une hausse
de la taxation des hauts revenus. Plus récemment, 150 autres milliardaires étasuniens
se sont engagés à léguer 95 % de leur fortune à des œuvres philanthropiques. Ces selfmade-men s'opposent ainsi vigoureusement au principe de l'héritage et de la transmission
38 A. BARILARI, Le Consentement à l'impôt, Presses de Sciences-Po : Paris, 2000, 146p., Page 60
39
Rapport 2010 d'activité de la Direction Générale des Finances Publiques [en téléchargement], juin 2011, 38p, [consulté le
12/06/2012] < http://www2.impots.gouv.fr/documentation/rapports/activites/dgfip/2010/le_rap_2010_1807.pdf .>
Billaudaz Marie-Line - 2012
19
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
de la fortune, préférant donner l'opportunité à d'autres membres de la société de s'élever
socialement. Ces mouvements d'opinion en faveur d'un nouveau compromis fiscal peuvent
être vus comme des fenêtres d'opportunités pour une réforme du système des prélèvements
obligatoires.
Quoi qu'il en soit, les gouvernements auraient tout intérêt à éviter de telles situations
d'incompréhension entre les différentes catégories de la population. L'histoire montre que
l'impôt est un puissant vecteur de mobilisation collective. L'indépendance des USA (1776),
ou encore la Révolution Française (1789), ont pour source une contestation de la répartition
des charges fiscales au sein de la population. Selon Nicolas Delalande « Le consentement
des français à l'impôt n'a certes pas vacillé, mais le sentiment d'injustice et d'inégalité
40
pourrait à terme le fragiliser » .
Les arguments en faveur d'une réforme fiscale sont donc très nombreux, au- delà même
de la volonté de trouver une issue à la crise des finances publiques. Le système français
de prélèvement semble en effet beaucoup moins performant que celui de ses voisins,
notamment en termes de rendement et d'incitation économique. Nous allons maintenant
voir que ce système, étudié dans un contexte international, présente d'autres faiblesses,
qui pénalisent également l'économie nationale et les finances publiques de l'État.
A.2 Des faiblesses externes
A.2.1 La faible attractivité du système fiscal français pour les investisseurs
étrangers
Comme nous l'avons déjà souligné, la mondialisation oblige désormais les gouvernements
à ne plus considérer le système fiscal dans les seules bornes de leur territoire. Les États
sont en effet en concurrence pour attirer les investisseurs internationaux, et le critère fiscal
est une des variables de choix les plus importantes pour ces derniers. Ce sont donc des
enjeux de croissance économique qui se jouent au niveau de l'attractivité fiscale.
a. L'apparition de la concurrence fiscale européenne
La concurrence fiscale au sein de l'Union Européenne est le résultat d'une bizarrerie
des traités européens. Alors que ces derniers ont organisé le marché commun, puis le
marché unique et enfin une zone monétaire commune à 17 Etats, alors que les politiques
industrielles, monétaires et budgétaires sont désormais strictement encadrées, voire même
transférées aux autorités européennes, la fiscalité reste un des rares domaines où les Etats
jouissent d'une latitude quasi-totale. De plus, alors que le Traité de Lisbonne a fait de la
décision à la majorité qualifiée la règle pour les votes du Conseil et du Conseil Européen, la
fiscalité reste un des rares domaines soumis à l'unanimité, bloquant ainsi toute possibilité
de politique commune.
Les Etats ont ainsi vu dans la fiscalité des entreprises un moyen de se démarquer
de leurs voisins et d'attirer à eux les entreprises cherchant à s'établir sur le territoire
européen, en leur proposant des taux d'imposition attractifs. L'arme fiscale est devenue
encore plus importante à partir des années 80, moment où la Commission s'est mise à
surveiller de très près l'interdiction faite aux États de subventionner les entreprises privées.
La concurrence fiscale, dont ont énormément usé l'Irlande et le Royaume-Uni, s'est accrue
avec l'élargissement de 2004. Alors que le taux moyen d'imposition des entreprises était
40 N. DELALANDE, Les batailles de l'impôt, ibid , page 415
20
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
chez le groupe des 15 de 31 %, ce taux était de 19 % au sein du groupe des 12 nouveaux
entrants. La plupart de ces nouveaux entrants, dont la Pologne, la Slovaquie ou encore la
Hongrie, ont même réduit le taux d'imposition des sociétés en prévision de leur intégration
au marché unique. En 2012, le taux d'imposition moyen des sociétés dans la zone euro est
41
de 26,1 % . Les chiffres tendent à montrer que la concurrence fiscale a fait drastiquement
chuter les taux d'imposition des entreprises. En moyenne, l'IS s'établissait à 34,4 % dans
les États de la zone euro en 2000, soit une perte de 8 points en 12 ans.
Cette dérive à la baisse met en jeu la capacité des États à continuer sur le long
terme leurs missions publiques. On peut notamment se demander jusqu'où les taux vontils baisser. En réalité, si on assiste à une baisse de la taxation des entreprises, considérées
comme des bases « mobiles », la taxation de la consommation, une base imposable « nonmobile », évolue dans le sens inverse. Les taux de TVA n'ont certes pas augmenté dans
la même proportion qu'ont baissé les taux d'IS, mais le taux moyen de TVA dans l'Union
42
est tout de même passé de 19,2 à 21 % entre 2000 et 2012 (en hausse linéaire sur toute
la période).
Pourtant, les États européens auraient tout intérêt à se mettre d'accord sur des règles
d'imposition communes en ce qui concerne les entreprises. Tous ensemble, les 27 pays
européens sont en position de force et pourraient imposer aux entreprises le niveau de
taxation qu'ils souhaiteraient. Or ce qui se joue en Europe -et plus largement dans le monderessemble à un cercle vicieux : chacun souhaite proposer un taux plus avantageux que le
voisin, baisse son taux d'imposition, le voisin baisse son taux pour suivre le mouvement et
ainsi de suite.
Cette étrange concurrence est justifiée au niveau européen par plusieurs facteurs.
Premièrement la fiscalité serait depuis le Moyen-Âge très liée au pouvoir régalien des États.
Ce serait donc une matière trop délicate, trop souveraine, pour la transférer à l'Union.
Pourtant, une matière tout aussi importante du point de vue de la souveraineté que le droit
de seigneuriage a été transférée avec succès aux institutions européennes. Deuxièmement,
certains États ont volontairement freiné toute tentative d'harmonisation des taux. Selon ces
pays (Irlande, pays de l'Europe de l'Est), les taux très bas qu'ils proposent aux entreprises
sont une compensation pour les désavantages dont elles pâtissent en venant s'installer sur
leur sol plutôt que dans un autre État. L'Irlande justifie ainsi le taux de 12,5 % proposé
aux entreprises comme une compensation pour sa situation géographique, excentrée par
rapport à la « banane européenne », et pour son coup du travail supérieur à celui pratiqué
en Asie.
Néanmoins, une question se pose : le taux d'imposition des entreprises joue-t-il
véritablement un rôle dans la localisation des investissements ? Sur ce point, les avis des
économistes divergent. Pour certains «la fiscalité est le critère de comparaison qui, dans un
43
marché européen unique, influence le plus sur les localisations d'investissements » . Pour
d'autres, le parallèle entre niveau d'imposition des sociétés et attractivité est exagéré. Selon
44
Sophie Baziadoly , le critère fiscal ne joue qu'a la marge et bien d'autres facteurs expliquent
l'attractivité d'un territoire (niveau de formation de la main-d'oeuvre, infrastructures,
administration, sécurité...). D'autres économistes dénoncent une surenchère à la baisse des
41 EUROSTAT, Taxation Trends in the European Union, ibid , page 36
42 EUROSTAT, Taxation Trends in the European Union, ibid , page 28
43 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance , ibid , Page 10
44 S. BAZIADOLY, Systèmes Fiscaux Comparés , Ellipses : Paris, 2010, 103p.
Billaudaz Marie-Line - 2012
21
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
taux face aux craintes de délocalisation « on surestime trop souvent le poids du paramètre
fiscal : ce dernier n'est qu'un élément de la prise de décision (…). Il n'en demeure pas moins
45
vrai que la fiscalité constitue un instrument de gestion important »
.
b. Un système national qui peine à faire preuve d'attractivité
Premier facteur ou non de choix, l'imposition des entreprises mériterait certainement une
réforme. Premièrement, ce fameux taux français de 33 % de l'IS pollue le débat public : les
entreprises se servent de ce taux élevé par rapport à la moyenne européenne pour obtenir
auprès des pouvoirs publics des avantages (déductions, régime dérogatoires etc.), alors
que le taux effectif d'imposition des entreprises n'est en France que de 20%.
Deuxièmement, ce taux de 33% est loin d'être attractif pour un investisseur étranger qui
hésiterait entre plusieurs pays européens pour installer son activité. En effet, le fait que le
taux d'imposition effectif ne soit que de 20 % n'est pas connu des investisseurs, tout comme
ils ne sont pas au courant que le taux marginal de 33% est compensé par une multitude
de mesures de réduction.
De plus, cet impôt rapportant plutôt peu aux finances publiques par rapport aux IS de
nos voisins, la France aurait tout intérêt à le réformer. Un taux plus bas serait davantage
attractif et rapporterait tout autant, voire plus, aux finances publiques s’il était couplé à un
élargissement de l'assiette (c'est à dire une suppression des régimes dérogatoires, des
niches fiscales etc.). Au final, plus d'entreprises seraient soumises à l'IS, mais l'impôt serait
plus équitablement réparti entre elles.
Le niveau important des cotisations sociales pénalise aussi l'attractivité de notre
territoire. Les investisseurs étrangers ignorent également qu'ils sont partiellement exonérés
de charges pour les salariés touchant un salarie inférieur à 1,6 SMIC. Plusieurs pistes que
nous étudierons plus en avant existent pour tenter de réduire ce handicap.
Outre la fiscalité des entreprises, d'autres éléments du système fiscal pourraient être
optimisés pour renforcer l'attractivité de la France.
Premièrement la complexité de la loi fiscale en France joue un rôle de repoussoir.
L'Institut Montaigne considère ce point comme un facteur défavorable à la compétitivité des
entreprises installées en France.
Enfin, l'administration fiscale n'a pas toujours joué un rôle de facilitatrice lorsqu'il
s'agissait de promouvoir la qualité du service disponible pour les entreprises installées sur le
46
territoire français. André Barilari avait listé en 2000 un ensemble d'améliorations à apporter
à l'administration fiscale pour la moderniser. La RGPP a accompli la majeure partie de
ces recommandations : donner un interlocuteur fiscal unique aux contribuables en ce qui
concerne le calcul et le paiement de leur impôt (depuis la fusion Impôts-Trésor), améliorer
la qualité de service (possibilité pour les entreprises de prendre des RDV de « conseils »,
élargissement des plages horaires d'ouverture des services, réponse aux questions dans
47
des délais raisonnables, etc.) . Le but a été de transformer la culture de l'administration
fiscale, en axant son rôle social sur le conseil plutôt que sur la répression.
45 P. RASSAT, T.LAMORLETTE, T.CAMELLI, Stratégies Fiscales Internationales , Maxima : Paris, 2010, 358p. Page 37
46 A. BARILARI, Le Consentement à l'impôt, Presses de Sciences-Po : Paris, 2000, 146p., Chapitre 14
47
Performance
22
Projet
du
de
loi
Programme
de
Finance
n°156,
2012,
[en
Présentation
téléchargement],
Stratégique
2011,
Billaudaz Marie-Line - 2012
333p.,
du
Projet
[consulté
le
Annuel
de
03/08/2012],
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
A.2.2. Le système français face à la fraude internationale
Les problèmes causés au système fiscal par la fraude internationale et les paradis fiscaux ne
sont pas, au contraire des autres faiblesses que nous avons listées, spécifiques à la France.
Ces nouvelles formes d'évitement de l'impôt sont apparues parallèlement à l'accélération
de la mondialisation et à la diffusion des NTIC dans les années 80 (même si les paradis
fiscaux sont très anciens). Tous les États qui ne sont pas des paradis fiscaux font face aux
effets pervers de ce phénomène. Ces effets sont semblables à ceux causés par la fraude
nationale : une distorsion de concurrence entre les agents économiques et un manque à
gagner pour les finances publiques. Néanmoins, là où leproblème diffère est que ce type de
fraude s'organise à une échelle internationale, impliquant la mise en relation de plusieurs
territoires. Les États ont donc énormément de mal à lutter contre ces montages financiers
et économiques frauduleux qui dépassent le cadre de leur territoire.
a. Des fraudes fiscales internationales de plus en plus complexes
Les entités se livrant à des fraudes fiscales internationales sont essentiellement des
sociétés multinationales. Le principe est de se servir des différentes implantations à
l'étranger pour organiser un montage juridique et financier illégal permettant d'échapper
à l'imposition. Ces fraudes se sont énormément complexifiées, et l'administration peine
souvent à les détecter et à adapter la législation à ses nouvelles formes.
Encadré n° 1 Fraude, Evasion et Optimisation Fiscale Il convient de souligner
qu'il existe en droit français comme en droit international un flou autour de
la définition des notions de fraude, d'évitement de l'impôt et d'optimisation
fiscale Ces processus par lesquels les contribuables -et plus particulièrement
les entreprises- parviennent à réduire leur imposition n'ont pas de définition
universelle reconnue par l'ensemble des États. De plus, certaines pratiques,
comme l'évasion fiscale, sont autorisées dans des états (la Suisse par exemple) et
réprimées dans d'autres On peut néanmoins tenter de proposer des définitions de
synthèse : L'optimisation fiscale est le fait d'utiliser des dispositifs réglementaires
ou législatifs pour réduire son imposition. En France, un contribuable peut tout
à fait faire le choix d'utiliser une niche fiscale pour réduire son imposition. La
fraude fiscale est caractérisée par deux conditions. Premièrement, le mécanisme
utilisé pour réduire l'impôt doit être illégal. Deuxièmement, la manœuvre doit être
intentionnelle, c'est-à-dire ne pas relever d'un oubli ou d'une méconnaissance
de la loi. Puisque cette deuxième condition laisse la place à l'interprétation, seul
un juge peut qualifier de fraude une opération fiscale. La fraude se caractérise
par la volonté d'échapper totalement à l'impôt. L'évasion fiscale est un mélange
d'optimisation et de fraude. L'idée est d'utiliser des dispositifs légaux, mais pour
se soustraire totalement à l'imposition, pas uniquement pour la réduire. L'évasion
se caractérise la plupart du temps par le fait de déclarer l'impôt dans un état à la
fiscalité plus avantageuse.
Le type de fraude fiscale impliquant une organisation sur plusieurs États la plus
courante en Europe est la fraude carrousel à la TVA. L'Union Européenne estime le manque
à gagner lié à cette fraude à plus de 200 milliards d'euros annuels. Il existe une multitude
de schémas de fraude carrousel, la plupart extrêmement complexes, impliquant souvent
< http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/ressources-documentaires/lois-projets-de-lois-et-documents-annexes-par-annee/
exercice-2012/plf2012-ministere-budget-comptes-publics-et-reforme-de-letat.html#resultat>
Billaudaz Marie-Line - 2012
23
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
des dizaines de sociétés, véritables ou fictives, certaines se cachant derrière des activités
légales et déclarées. Parfois, les entreprises sont impliquées dans le circuit de la fraude sans
même le savoir. Au-delà des problèmes économiques posés par la fraude carrousel, elle
implique également des enjeux de sécurité internationale. Les circuits de la fraude sont en
effet utilisés par les organisations mafieuses et terroristes, notamment pour blanchir l'argent.
Encadré n° 2 Le mécanisme de la fraude carrousel Jusqu'à l'instauration du
marché unique, le régime de TVA pour les achats et ventes de biens et de services
entre différents pays de la communauté européenne était le même que pour
les achats et ventes avec les pays du reste du monde, le régime « importationexportation ». Le pays A vendait à un pays B un bien ou service hors taxe, et B
taxait la marchandise à son propre taux de TVA national à l'arrivée du produit sur
le territoire. Avec l'instauration du marché unique, la commission européenne
proposa que la TVA soit facturée dans le pays A d'origine de la marchandise,
l'acheteur du pays B pouvant ensuite demander une déduction de la TVA dans
son pays une fois le bien revendu ou inclus dans le processus productif. La
France et le Royaume Uni s'opposèrent à cette proposition. Un régime de TVA
« transitoire » est en place depuis 1993, le régime des « livraisons-acquisitions ».
Ce régime prévoit qu'une entreprise A vende hors taxe une marchandise à une
entreprise B située dans un autre pays de l'UE. L'entreprise B est censée payer à
son administration fiscale la TVA au taux et conditions nationales à la livraison de
la marchandise par l'entreprise A. Cas n° 1, l'entreprise B respecte les règles de la
TVA communautaire : Elle paie la TVA à son administration fiscale, le montant de
la TVA lui sera ensuite remboursée une fois qu'elle aura revendu la marchandise,
en l'état ou transformée. Ce système, qui est le même utilisé pour le régime
des exportations et importations avec le reste du monde, fonctionne très bien, à
condition d'avoir des outils permettant aux administrations douanières de contrôler
les quantités de marchandises entrant et sortant du territoire. Dans le cadre du
marché unique, les contrôles douaniers et les procédures administratives relatives
au commerce avec les autres États de l'Union Européenne ont été supprimés. En
résumé, les États n'ont aucun moyen de connaître les quantités de marchandises
entrant sur leur territoire et redevables de la TVA. Le régime transitoire, couplé
aux nouvelles règles du marché unique a ouvert la porte à la fraude. Cas n° 2,
l'entreprise B ne respecte pas les règles de la TVA communautaire : La fraude
consiste ici à ne pas reverser la TVA à l'administration fiscale à la livraison du bien
et à écouler les marchandises auprès d'une entreprise C en lui facturant la TVA,
sans bien évidemment la reverser au fisc. L'entreprise C va ensuite facturer à ses
propres clients la TVA, la reverser au fisc, mais demander le remboursement de
la TVA qu'elle a préalablement payé à B. D'une part le fisc n'aura jamais reçu la
TVA payé par C à B, d'autre part il devra rembourser une somme qu'il n'a jamais
perçu. La fraude est difficile à détecter dans le sens où l'administration n'a pas
connaissance de la présence de la marchandise sur son territoire. Ce schéma est
un cas extrêmement simple de fraude carrousel.
On parle de « carrousel » en référence à un manège qui tourne. Dans la plupart
des fraudes carrousel, toutes les entreprises sont complices et les marchandises
« tournent » entre elles. Des ventes fictives de marchandises ont lieu entre ces entreprises,
qui récupèrent la TVA auprès des administrations nationales sans que rien n'ait été
véritablement vendu. Le but est de répéter un nombre maximum de fois la même opération,
avec les mêmes marchandises qui ne sortiront jamais du circuit. Une fraude démasquée
24
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
en 2008, l'affaire « Eurocanyon », avait impliqué un circuit d'entreprises françaises,
luxembourgeoises et anglaises pendant 7 ans pour un préjudice estimé à 100 millions
48
d'euros .
Malgré le fait que cette fraude pénalise tous les États de l'Union Européenne, ces
derniers semblent avoir du mal à se mettre d'accord sur une stratégie de lutte, qui ne peut
passer que par une refonte du système actuel de TVA communautaire. Les états refusent
toujours le principe de la taxation des livraisons inter-communautaires dans l'état membre
de départ : le Conseil a de nouveau rejeté cette option en 2008.
Autre exemple de fraude: le Treaty Shopping ou Chalandage fiscal. Cette fraude
n'est pas spécifique à l'Union Européenne et s'est développée dans le monde entier ces
dernières années. Pour éviter la double imposition des sociétés multinationales (le fait
que les bénéfices soient imposés dans deux États différents quand ils sont transférés de
l'un à l'autre, pour être distribués aux actionnaires, par exemple), certains États ont mis
en place des conventions bilatérales. Par exemple, le traité signé entre les Etats-Unis et
les Pays-Bas prévoit que les dividendes versés par une société domiciliée dans un de
ces états à un actionnaire situé dans l'autre seraient exonérés d'imposition. Le Treaty
Shopping revient à ce qu'une personne non résidente des USA ou des Pays-Bas cherche
à profiter de l'exonération de taxation sur les dividendes. Un actionnaire français d'une
société étasunienne peut par exemple créer une société aux Pays-Bas pour qu'elle récolte
les dividendes exonérées de taxation et les rapatrier ensuite en France.
Impliquant plusieurs états, les procédures pour démasquer et stopper les fraudeurs
sont longues et nécessitent la coopération des services administratifs et de sécurité. Si des
États ont signé des conventions d'échange d'informations fiscales, le problème est encore
plus épineux lorsque certains États, sous couvert du secret bancaire, refusent de coopérer.
C'est notamment le cas des paradis fiscaux.
b. Le problème encore en suspens des Paradis Fiscaux
La notion de paradis fiscal remonte au Moyen-Âge, où certaines villes avaient décidé
d'accorder des exonérations de taxes à certaines activités économiques pour accroître leur
pouvoir et leur opulence. Aujourd'hui, la plupart des États ou territoires qualifiés de Paradis
Fiscaux sont nés dans les années 30. D'abord réservés à quelques personnes fortunées,
ils ont été rapidement utilisés pour le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et
enfin par les groupes multinationaux dans le cadre de leur stratégie fiscale.
On distingue trois différents types de paradis fiscaux.
Premièrement, les « zero-haven » ou zones sans impôts (essentiellement des microéconomies : Saint-Marin, Iles Caîman, Bermudes, Bahamas …). Les sociétés sont
uniquement redevables d'un droit annuel payé au gouvernement en fonction du capital
détenu par la société.
Deuxièmement, les zones où l'imposition des sociétés est très limitée, soit par un taux
réduit (Irlande, Chypre...), soit par un impôt de substitution (au Liechtenstein, un impôt
équivalent à 0,2% du capital de l'entreprise), soit par un régime de non-imposition pour les
sociétés off-shores (Iles Vierges Britanniques).
48
C.L.
TVA : une escroquerie à 100 millions d'euros
[en ligne], publié le 05/03/2008, [consulté le 12/06/2012], <http://
www.lefigaro.fr/impots/2008/03/05/05003-20080305ARTFIG00308-tva-une-escroquerie-a-millions-d-euros-.php>
Billaudaz Marie-Line - 2012
25
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Enfin, des territoires qui accordent à certaines activités des avantages fiscaux (les
« pavillons de complaisance » accordés aux sociétés maritimes par Chypre, Panama, les
Iles Caïman etc.).
49
Selon les estimations de Transparency International , 50 % du commerce international
transite par les paradis fiscaux en termes de transactions. Un tiers des investissements
directs à l'étranger et la moitié des prêts bancaires internationaux passent également par
les paradis fiscaux.
La fraude via les paradis fiscaux passe essentiellement par la création de sociétés
écrans, où les fraudeurs peuvent transférer des actifs ou des revenus qui échapperont à
l'imposition. Les estimations font état de l'existence de plusieurs millions de sociétés écrans,
dont au moins un million serviraient à couvrir des activités criminelles.
Depuis la crise de 2008, la lutte contre les paradis fiscaux a pris une nouvelle ampleur
sous l'égide du G20. Néanmoins, aucun instrument contraignant n'existe pour forcer ces
États et territoires à abandonner leur pratique du secret bancaire et de la faible taxation.
Cette lutte n'est pas non plus sans hypocrisie : des paradis fiscaux notoires comme Andorre,
les Bahamas, les Bermudes, ou encore Jersey, font désormais parti de la « liste blanche » de
l'OCDE, qui répertorie les états vertueux en matière fiscale. Pour sortir de la « liste noire », ils
se sont tout simplement engagés à respecter les standards de transparence de l'OCDE. Ils
ont également signé, comme le prévoient les critères de l'OCDE, au moins 12 conventions
d'échange d'informations fiscales. L'astuce réside dans le fait que les paradis fiscaux ont
souvent conclu ces conventions les uns avec les autres.
***
Les faiblesses du système français sont autant d'incitations à une remise à plat de notre
système fiscal, et plus largement de l'ensemble du système de prélèvements obligatoires.
Si dans certains domaines la solution dépend aussi du bon vouloir des autres Etats
(fraude internationale), de nombreuses améliorations peuvent être apportées par une action
nationale, tant sur le plan du rendement, de l'incitation au dynamisme économique que de
l'équité.
B. La crise, une opportunité pour réformer ?
Au-delà des faiblesses du système fiscal français, la période de crise économique que nous
traversons est une opportunité pour nous interroger sur le système fiscal français. Cette
crise économique, caractérisée par une très faible croissance depuis 2008 a profondément
dégradé les comptes publics, en France comme à l'étranger (B.1). En France, la faible
50
progression des recettes publiques liée au ralentissement de la croissance nous invite à
nous interroger sur les efforts qui pourraient être faits pour rétablir une situation financière
de l' État soutenable (B.1.1). L'exemple de la Grèce et de l'Espagne doit inciter à cette
réforme des finances publiques, comprenant une réforme fiscale, sachant allier économies
et stimulation de la croissance (B.1.2).
49 SNUI, Quelle Europe Fiscale ?, Syllepse : Paris, 2008, 150p, page 10
50 De 49,9 % du PIB en 2008 à 50,7 % du PIB en 2011, contre des dépenses publiques qui passent de 53,3 à 55,7 % du PIB (Source :
EUROSTAT Déficit public de la zone euro et de l’UE27)
26
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
Néanmoins, même si le contexte pousse à une remise à plat du système fiscal, des
facteurs politiques sont aussi à prendre en compte dans le cadre d'une réforme (B.2). La
politique fiscale est en France comme dans de nombreux autres États, un exemple du
phénomène politique de path dependance (B.2.1). De plus, pour être acceptée auprès de
l'opinion publique, une telle réforme doit être un véritable levier de croissance et doit tenter
de corriger les insuffisances du système de prélèvements français (B.2.2).
B.1 Une crise des finances publiques en France et en Europe
B.1.1. En France, la croissance en berne n'aide pas au rétablissement des
finances publiques
a. La soutenabilité de la Dette : des efforts à faire tant du côté des recettes
que des dépenses
En 2011, alors que les recettes publiques s'établissaient à 50 % du PIB, les dépenses
51
publiques dépassaient les 56 % . Ce différentiel correspond à 103 milliard d'euros, qui
sont venus augmenter une dette s'établissant déjà à 1 717 milliard d'euros. Plus la dette
augmente, plus se pose la question de sa soutenabilité, c'est à dire de la capacité de l'Etat à
la rembourser sur le long terme. Comme pour la Grèce ou l'Espagne, la France risque de voir
ses taux d'emprunt augmenter en cas de dérive de ses comptes publics. Une hausse des
taux d'intérêts provoquerait un renchérissement du coût de la dette et une augmentation des
fonds publics consacrés au remboursement des intérêts. Le deuxième poste de dépenses
publiques du budget 2012 était déjà celui des charges de la dette et représentait 15 % du
budget. Il est indispensable que ce pourcentage n'augmente pas pour que l'État puisse
continuer à assurer ses missions auprès des citoyens.
Il est donc avant tout nécessaire de réduire le déficit annuel pour limiter l'augmentation
de la dette. Pour cela, des efforts peuvent être faits tant du côté des dépenses publiques
(réduction) que du côté des recettes (augmentation) : autant de politiques parfois qualifiées
par les médias de «mesures d'austérité ».
La marge de manœuvre du côté des dépenses publiques est néanmoins faible :
même si leur réduction peut permettre à court terme un rétablissement des finances
publiques, cela pourrait également anéantir le peu de croissance nationale en privant
les acteurs économiques de leur capacité de consommation et d'investissement. La
croissance en France est en effet très liée au poids du secteur public : les cinq millions
de fonctionnaires français au pouvoir d'achat inchangé, l'indemnisation des chômeurs ou
encore les investissements publics des collectivités locales, sont autant d'interventions
étatiques qui ont permis de maintenir à flot l'économie française durant la crise.
Néanmoins, la France s'est engagée aux côtés de ses partenaires européens à
supprimer tout déficit de fonctionnement et à ne s'autoriser le recours à l'endettement
que pour des dépenses d'investissement (la « Règle d'Or »). Dans ce contexte, il semble
indispensable de penser à une stratégie progressive de retour à l'équilibre des comptes
publics.
51
EUROSTAT,
Déficit public de la zone euro et de l’UE27 ,
[en ligne], Communiqué de Presse du 23 avril 2012 [consulté le
10/06/2012] <http://www.touteleurope.eu/fr/actions/economie/euro/presentation/comparatif-le-deficit-public-dans-la-zone-euro.html>
Billaudaz Marie-Line - 2012
27
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Du côté des dépenses publiques, plusieurs pistes de réduction qui impacteraient peu la
croissance peuvent néanmoins être dégagées. L'inspection Générale de Finances identifiait
52
récemment plusieurs sources d'économies .
Premièrement, le gel des investissements militaires (9,5 milliards par ans) et la
réduction des frais de fonctionnement des armées. La fin de l'engagement français en
Afghanistan devrait permettre à l'armée d'économiser plusieurs centaines de millions
d'euros par an.
L'IGF préconisait également la poursuite du non-remplacement d'un fonctionnaire sur
deux partant à la retraite. Si cette mesure a un impact direct en termes de qualité du
service public, elle ne viendra pas forcément pénaliser la croissance, à la seule condition
que les entreprises créent suffisamment d'emplois permettant de compenser la baisse du
53
nombre d'emplois publics. La Cour des Comptes proposaitdans un récent rapport des
pistes d'économies similaires, à savoir une baisse de la masse salariale de l'État (qui a
continué de croître en 2011 malgré les mesures de non-remplacement). Tout comme l'IGF,
la Cour des Comptes insistait également sur la nécessité de développer l'évaluation des
politiques publiques pour s'assurer de leur impact économique et social positif.
Du côté des recettes, des hausses de certains impôts pourraient être envisagées.
Bien qu'inéquitable, une hausse de la TVA permettrait de récolter rapidement des recettes
supplémentaires sans pour autant impacter profondément la consommation. De plus,
comme nous l'avons précédemment souligné, d'importantes marges de manœuvres
existent quant à l'amélioration du rendement de l'IRPP et de l'IS, notamment via la
suppression des niches fiscales, c'est à dire un élargissement de l'assiette des impôts.
Pour mener avec succès cette entreprise d'assainissement des finances publiques, la
croissance économique est nécessaire. Vouloir sacrifier la croissance pour retrouver à tout
prix un niveau bas de déficit serait contre-productif. La disparition de la croissance peut
être bien plus catastrophique qu'un renchérissement du coût de la dette. L'exemple de la
Grèce et de l'Espagne montre que l'austérité peut entraîner un cycle déflationniste durable
et dégrader encore davantage les comptes publics.
Une politique axée sur la reprise de la croissance est donc à privilégier même si
certaines mesures ponctuelles d'austérité ne sont pas à exclure. Or, la crise économique
a impacté la structure de la croissance française à plusieurs niveaux et il s'agit de trouver
de nouveaux leviers de croissance.
b. Les perspectives de croissance
La croissance française a été impactée par quatre phénomènes simultanés liés à la crise
des subprimes.
Premièrement, la croissance a pâti d’un ralentissement de l'accumulation de capital. La
perte de confiance sur les marchés financiers après la crise boursière de 2007-2008 et la
hausse des primes de risque ont considérablement réduit les possibilités d'endettement des
entreprises. L'investissement s'est donc ralenti, à la fois à cause de ce tarissement du crédit
et de la baisse des commandes liée à la chute de la demande. Le taux d'investissement
(FBCF / PIB) en France est reparti à la hausse en 2011 après un recul sur la période
52 IFRAP, Finances Publiques,
Les rapports veulent tous la même chose , [en ligne], 8 juin 2012, [consulté le 16/06/2012],
<http://www.ifrap.org/Finances-publiques-les-rapports-veulent-tous-le-meme-changement,12736.html>
53 IFRAP, Finances Publiques,
28
Les rapports veulent tous la même chose , ibid
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
2008-2010. Néanmoins, ce taux n'a que moyennement reculé dans la zone euro, passant
54
de 19 à 17,1 % entre 2008 et 2011 .
Deuxièmement, la hausse du PIB a été impactée par des destructions d'emplois.
Ces destructions d'emplois peuvent se transformer en un chômage structurel en éloignant
durablement des travailleurs du marché de l'emploi, notamment les moins qualifiés ou
ceux spécialisés dans une activité économique qui disparaît. Ce phénomène de chômage
conjoncturel a toutes les chances de devenir durable si une politique de formation des
adultes n'accompagne pas ces chômeurs dans une reconversion professionnelle. En
France le taux de chômage est passé de 7,8 à 9,7 %, entre 2008 et 2011, tandis qu'il évoluait
55
sur la même période en zone euro de 7,6 à 10,2 % de la population active .
Troisièmement, un ralentissement de la consommation. Cette diminution est liée, d'une
part au chômage (diminution du revenu de nombreux ménages), d’autre part à l'instabilité
économique poussant les individus à épargner davantage. Néanmoins, l'impact de ce
facteur a été moins important que les deux précédents : si le taux d'épargne des ménages
a eu tendance à grimper de plusieurs points en 2009, 2010 marque le retour d'une baisse
56
de l'épargne en France et dans la zone euro .
Quatrièmement, les produits français ont énormément perdu de parts de marché à
l'exportation depuis 2000. La demande extérieure joue donc un faible rôle dans la croissance
française, au contraire de notre voisin l'Allemagne, premier exportateur mondial. Selon
l'institut Coe-Rexecode, si les parts de marché françaises s'étaient maintenues depuis 20
57
ans, 117 milliards d'exportations supplémentaires auraient été réalisées en 2011 .
En conséquence, les taux de croissance du PIB en volume ont été faibles depuis 2008 :
58
0,1% en 2008, -2,7 % en 2009, 1,5 en 2010 et 1,7 en 2011 . Les prévisions de croissance
pour 2012 sont pessimistes : la croissance du premier trimestre en France a été nulle, et
l'OCDE prévoit entre 0,3 et 0,6 % de croissance pour l'année.
De plus, certains secteurs industriels français ont été détruits par la crise. La part
59
de la VA de l'industrie dans le PIB est passée de 14,5 % en 2007 à 12,7 % en 2009 .
Cette tendance semble être spécifique à la France puisque la production industrielle s'est
maintenue dans la zone euro.
En conséquence, si la France veut maintenir son potentiel de croissance, de
nouveauxsecteurs, tant du côté des services que de l'industrie – et pourquoi pas de
l'agriculture – devront prendre la place des activités détruites pendant la crise. Le
54 EUROSTAT, Investissement des Entreprises , [en ligne], [consulté le 15/06/2012], <http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/
table.do?tab=table&init=1&plugin=0&language=fr&pcode=tsier140>
55
EUROSTAT,
Taux de Chômage, moyennes annuelles
, [en ligne], juin 2012, [consulté le 15/06/2012], <http://
appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=une_rt_a&lang=fr>
56 EUROSTAT, Taux d'épargne des Ménages , [en ligne], juin 2012, [consulté le 15∕06/2012], <http://epp.eurostat.ec.europa.eu/
portal/page/portal/product_details/dataset?p_product_code=TSDEC240>
57 COE-REXECODE,
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Billaudaz Marie-Line - 2012
29
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
développement d'activités innovatrices permettrait en outre de restaurer les parts de marché
françaises à l'exportation si la compétitivité est au rendez-vous.
L'orientation de l'activité économique vers ces secteurs d'activité pourrait tout à fait
être accompagnée par une politique fiscale incitative à destination des entreprises. Cette
politique pourrait être financée par de nouvelles recettes fiscales ou par un redéploiement
des avantages fiscaux accordés aux entreprises en faveur de ces secteurs (niches fiscales).
A terme, le redressement de l'économie est indispensable au rétablissement de comptes
publics équilibrés et soutenables.
Construire une politique volontariste, tournée vers l'avenir et qui tente de répondre aux
faiblesses de l'économie française permettrait peut-être de relancer la croissance et d'éviter
le recours à des politiques d'austérité de grandes ampleur dont les conséquences de long
terme sont tout simplement catastrophiques.
B.1.2. Les leçons à tirer des crises européennes
a. Des crises de l'endettement public
La première des leçons à tirer de la crise grecque est bien évidemment la nécessité de
limiter les niveaux d'endettement. La dette grecque, au contraire de pays comme le Portugal,
l'Espagne ou même la France, n'a pas vu son niveau s'emballer à cause des dépenses liées
à la crise : hausse des prestations sociales liées au chômage, baisse des rentrées fiscales,
voire dépenses liées à des « plans de relance ». La dette grecque avait déjà atteint le niveau
de 113 % de son PIB en 2008. Frappé par la crise comme les autres pays européens, l'État
grec c'est retrouvé dans l'impossibilité de faire face aux remboursements de cette dette et à
ses dépenses de fonctionnement sans l'aide européenne. Malgré les efforts consentis par
les grecs, la dette n'a cessé d'augmenter depuis 2008, atteignant 165 % du PIB en 2011.
On peut tirer trois enseignements de cette situation financière très difficile.
Premièrement, les périodes de croissance, même limitées, doivent être mises à
profit par les États pour se désendetter. Les crises financières sont récurrentes -même
si leur impact est plus ou moins fort- et les États doivent se préparer à voir leurs
niveaux d'endettement augmenter durant ces périodes de chômage et de ralentissement
économique. La France, comme la Grèce, n'a pas su mener une politique budgétaire contracyclique permettant au pays de se désendetter au cours des années 90 et 2000. Cela
requiert un certain courage de la part des décideurs politiques, mais une politique de limite
des dépenses publiques sera toujours moins douloureuse par temps de croissance qu'en
période de crise et de chômage massif. Cette mauvaise gestion des temps de croissance a
60
été dénoncée en mai 2010 par le rapport Cotis et Champsaur . De plus, comme le montre
le cas de la Grèce, faire de l'austérité par temps de crise peut aggraver l'état des finances
publiques. Les États ont donc tout intérêt à mettre à profit les périodes de prospérité.
Deuxièmement, à partir d'un certain niveau de dette, il semble que même des efforts
drastiques d'austérité ne suffisent plus à contrer la spirale de l'endettement. Dans le cas
de la Grèce, cette spirale de l'endettement s'explique essentiellement par les taux d'intérêt
extrêmement élevés que l'État doit payer pour emprunter sur les marchés. Début 2012, le
taux d'intérêt des obligations grecques à 10 ans est monté à 33 %, avant de redescendre
à 18 %. Comparativement, la France s'endettait à 10 ans pour 2,2 % en Mai 2012, et
60
P. CHAMPSAUR et J-P COTIS,
Rapport sur la situation des Finances Publique s, [en téléchargement], [consulté le
15/06/2012], avril 2010, <http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000234/index.shtml>
30
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
l'Allemagne à 1,2 %. Le Portugal était aussi en difficulté, avec des taux de 11%. Plus l'écart
entre le taux de croissance (qui conditionne le rendement des prélèvements obligatoires)
et les taux d'intérêt augmente, plus la dette augmente rapidement. Se développe alors un
effet « boule de neige », car l'augmentation du niveau de la dette provoque une nouvelle
hausse du taux d'intérêt et ainsi de suite. La Grèce est en récession depuis 2008, avec un
recul du PIB qui a atteint -7 % en 2011. L'écart entre le taux de croissance et le taux d'intérêt
est donc immense, expliquant ainsi l'effet d'emballement.
Troisièmement, cette crise est aussi le résultat d'un système fiscal très dégradé. Tout
au long des années 2000, le taux de prélèvements obligatoires n'a cessé de diminuer en
Grèce, alors même que la dette augmentait : le taux est passé de 34,6 % en 2000 à 32,6
% en 2008. En 2011, la Grèce présentait toujours le niveau de prélèvements obligatoires
le plus bas de la zone euro à 30,1 %, bien en dessous de la moyenne de la zone qui
s'établissait à 36,4 %. Cette situation de recul des recettes publiques est venue aggraver la
situation financière de l'État. Elle s'explique notamment par la corruption rampante au sein
de l'administration fiscale (entre 40 et 50 fonctionnaires sont condamnés pour corruption
tous les ans), par l'importance de l'économie souterraine sur laquelle aucune taxe n'est
prélevée (elle représenterait 40 à 60 % du PIB) ou encore par des exonérations d'impôts
61
touchant l'église grecque et les armateurs, c'est à dire les fortunes nationales . Face à ce
système injuste et au manque d'autorité de l'État pour faire respecter la loi, les grecs se
sont montrés réticents à payer les taxes et impôts. Preuve de ce faible consentement à
l'impôt et de la fraude généralisée, les professions libérales déclaraient au fisc en moyenne
en2008 un revenu annuel de 10 493 euros et les chefs d'entreprises de 13 236 euros, bien
62
en dessous du niveau réel des salaires .
Cet exemple grec doit servir de base pour améliorer notre système de prélèvements
obligatoires pour éviter une telle spirale de l'endettement. Premièrement, acter de
l'obligation pour les gouvernements à prendre les mesures nécessaires pour réduire
l'endettement en période de croissance, dans le but de faire face plus sereinement aux
prochains chocs. Deuxièmement, chercher à limiter au maximum le déficit et l'accumulation
de dette pour continuer à profiter de taux d'intérêts bas. Enfin, renforcer le consentement à
l'impôt par une lutte contre la fraude et un système fiscal plus performant.
b. Les conséquences de l'austérité
On peut décomposer les mesures d'austérité prises par la Grèce, l'Espagne et le Portugal
en deux catégories différentes. D’abord, les mesures visant à limiter les dépenses de l'Etat.
Ensuite, des politiques de l'offre destinées à stimuler l'activité économique.
En ce qui concerne le premier groupe de mesures, il a essentiellement concerné le
niveau de rémunération des fonctionnaires, leur nombre, ainsi que le niveau des transferts
sociaux organisé par l'État (baisse des pensions de retraite, des indemnités chômage, etc.).
Ces politiques de rigueur, cumulées à la hausse du chômage, ont profondément réduit le
pouvoir d'achat des populations, pénalisant la croissance et compliquant les conditions de
vie de nombreuses familles. Elles ont provoqué énormément de mécontentement parmi la
population, donnant lieu à de grands mouvements sociaux de contestation. Les premiers
ministres grec, espagnol et portugais ont tous été écartés du pouvoir par des élections en
2011 et 2012. Leurs successeurs ont pourtant amplifié ces mesures. Si la situation politique
61 C.GEORGOUTSOU, En Grèce, G. Papandréou veut enrayer la fraude fiscale généralisée , Le Monde, 15/01/2010, page 8
62 N.KADRITZKE, Comment l'injustice a creusé la dette grecque, Le Monde Diplomatique , [en ligne], Mars 2010, [consulté
le 16/06/2012], <http://www.monde-diplomatique.fr/2010/03/KADRITZKE/18886>
Billaudaz Marie-Line - 2012
31
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
semble stable au Portugal et en Espagne, la Grèce, qui a le plus souffert de politiques
d'austérités drastiques depuis 2010 fait face à une forte instabilité politique.
Le second groupe de mesures a essentiellement consisté en une libéralisation de
secteurs économiques protégés et en une réforme des codes du travail. S'il on prend
l'exemple du Portugal, de nombreuses mesures ont été adoptées pour améliorer la
compétitivité coût des entreprises : suppression de plusieurs jours fériés, augmentation du
temps travail légal sans compensation salariale, suppression du treizième mois, etc.
Concernant l'Espagne et la Grèce, elles pâtissaient toutes deux d'économies très
peu diversifiées (l'une centrée sur la construction, l'autre sur le tourisme), et donc peu
résilientes aux chocs. L'idée était donc à la fois de baisser le coût du travail pour stimuler
les exportations et de favoriser la création de nouvelles activités économiques.
Ce second groupe de mesures, semble avoir eu peu d'impact sur la croissance des
pays concernés. En ce qui concerne la consommation, la baisse du coût du travail, donc
des salaires, a entraîné un cycle déflationniste, ralentissant la demande des ménages, qui
ne permet plus de soutenir la croissance.
De plus, l'incertitude économique, le tarissement du crédit, l'instabilité économique et
politique, ne constituent en aucun cas un contexte propice à l'investissement. Pour preuve
les flux d'Investissement Direct à l'Etranger (IDE) dans ces trois pays n'ont pas connu de
sérieux rebonds après la mise en place de ces mesures (un important rebond est observé au
Portugal en 2011, mais il est certainement lié à la vente massive des entreprises publiques à
63
des compagnies étrangères) . De même, le taux d'investissement des entreprises dans les
64
trois pays chute sans rebond sur toute la période 2008-2011 . Néanmoins, les exportations
de ces trois pays ont fortement augmenté au cours de la même période, preuve que la
65
politique de baisse du coût salarial a eu un impact sur la compétitivité coût des pays .
Le résultat de ces politiques est donc très contrasté. Les coûts en termes sociaux
sont extrêmement lourds, et peuvent conduire à des situations politiques où les partis
extrêmes apparaissent comme les seules solutions, comme en Grèce. Ces réactions de
mécontentement montrent que les populations ne peuvent supporter de telles politiques
de rigueur indéfiniment. L'histoire européenne nous invite à la plus grande prudence face
à la place de plus en plus importante prise par les partis extrémistes sur les scènes
politiques locales. Quant aux politiques économiques de l'offre, celles-ci, faute de moyens,
se sont concentrées sur des modifications du cadre juridique d'exercice des entreprises.
Les entreprises auraient été davantage aidées par des politiques publiques d'aide à la
reconversion, à l'innovation ou au soutien de l'investissement.
Encore une fois, les expériences de nos voisins doivent étayer notre réflexion sur la
marche à suivre pour sortir de la crise. Il semble que des politiques de rigueur extrême
ne soient adaptées, ni au désendettement, ni à la croissance. Si une politique de baisse
du coût du travail semble être positive pour la reprise des exportations, elle devient
difficilement supportable socialement lorsqu'elle s'accompagne de coupes drastiques dans
les prestations sociales. En tout état de cause, les conséquences sociales et politiques de
63 EUROSTAT, Les Investissements directs étrangers en provenance du reste du monde, [en ligne], Juin 2012, [consulté le
16/06/2012], <http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/dataset?p_product_code=TGIBC410>
64 EUROSTAT, Investissement des Entreprises , ibid
65 EUROSTAT,
Commerce intra et extra-UE par État membre et par groupe de produit , [en ligne], Mai 2012, [consulté le
16/06/2012], <http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/submitViewTableAction.do>
32
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
la rigueur ne peuvent être ignorées. De plus, libéraliser les marchés ne suffit ni à attirer les
IDE ni à inciter les entreprises nationales à l'investissement.
Dans ce cadre-là, une politique fiscale de l'offre favorisant l'investissement, la
reconversion sur des activités compétitives et / ou innovantes aurait peut-être plus de
succès. Cette politique pourrait tout à fait se coupler avec une politique de rigueur salariale
permettant de limiter la hausse du coût du travail sur une période donnée. L'alliance de ces
deux mesures pourrait permettre d'améliorer la compétitivité coût et qualité des exportations
françaises.
Néanmoins, si la France dispose d'une marge de manœuvre grâce à l'instrument fiscal
et des taux d'intérêt encore bas sur ses obligations, la mise en place de mesures pour
stimuler la croissance doit être la plus rapide possible. Encore faut-il que le contexte politique
se prête à une telle réforme.
B.2. Comment réformer le système fiscal francais ?
B.2.1 Le système fiscal français est-il réformable ?
a. Un exemple de Path Dependance
La situation de blocage de la politique fiscale française est un parfait exemple du phénomène
politique de Path Dependance, ou en français, de dépendance au chemin emprunté. Cette
notion qui vient de l'économie vise à désigner une situation dans laquelle même si les
décideurs connaissent une solution plus pertinente à un problème, la solution politique
retenue n'est pas la plus efficace. C'est actuellement le cas dans le domaine de la fiscalité :
comme nous l'avons vu, alors que le système est loin d'être optimal, il n'est pas réformé.
66
Le politiste américain Paul Pierson a mis en lumière l'existence de ces phénomènes
au niveau politique. Selon lui, plusieurs facteurs expliquent cette difficulté à réformer.
Premièrement, le poids de l'action collective en France : les mobilisations pour la
défense de droits collectifs sont très courantes et découragent les politiques à entreprendre
de grandes réformes. Deuxièmement, le fait que les politiques publiques soient des
traductions de représentations sociales. Une fois ces représentations installées, elles
deviennent la norme du plus grand nombre. Cet « idéal » est ensuite difficilement
questionnable (c'est le cas par exemple pour notre système de sécurité sociale, de
retraite...).
Enfin, des facteurs institutionnels : les institutions qui gèrent les politiques publiques
ont une tendance de résistance au changement et cultivent la stabilité. Il est aussi parfois
très coûteux de devoir changer les modes de régulations (création de nouvelles institutions,
formation du personnel etc.).
Ces trois facteurs sont encore renforcés par deux autres tendances. Tous d'abord le fait
que les institutions soient pensées pour assurer la stabilité et pour résister aux alternances
politiques. Il est donc très difficile d'en changer le fonctionnement et la régulation. De plus,
le fait est que les décideurs politiques choisissent toujours la solution politique la moins
coûteuse sur le court terme. Or les bénéfices de réformes structurelles présentent des
bénéfices de long terme.
66 L. BOUSSAGUET,
Dictionnaire des Politiques Publiques , 3ième édition, Paris : Presses de Science-Po, 2010, 771p,
page 411 à 419
Billaudaz Marie-Line - 2012
33
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Comme exemple de ce phénomène, on peut se référer aux propositions de François
Hollande durant la campagne électorale pour les élections présidentielles. Abordant le sujet
de la réforme fiscale, il avait mis en avant deux propositions, l'une de l'économiste Thomas
Piketty : fusionner l'IRPP et la CSG, l'autre du CPO : supprimer le quotient familial en
le remplaçant par un crédit d'impôt pour les familles les plus modestes. Ces propositions
ont provoqué une levée de boucliers parmi l'opinion publique, alors même que les détails
de la réforme n'étaient pas connus. Le candidat à la présidentielle a du ensuite revenir
sur ses propositions, en indiquant que le quotient familial ne serait pas supprimé, mais
modulé. Quant à la fusion IRPP et CSG, elle a été définitivement écartée. Cet exemple est
caractéristique de l'impossibilité à réformer en profondeur le système français. La réforme
fiscale ainsi proposée par François Hollande a été qualifiée à juste titre de « réforme a
67
minima » par les médias .
Ce cas de Path Dependance en matière fiscale n'est pas spécifique à la France : « La
68
France n'est pas la seule à éprouver des difficultés pour réformer son système fiscal » .
De plus, C. HECKLY souligne que l'étude des politiques fiscales menées par les pays de
l'OCDE depuis 1980 prouve une véritable difficulté à modifier les systèmes de prélèvements
69
obligatoires: les réformes de profondeur sont qualifiées d'« assez exceptionnelles » .
b. Les conditions pour une réforme fiscale
L'économiste Christophe HECKLY a tenté de dégager les conditions favorables à la mise
70
en œuvre d'une réforme fiscale par l'étude d'expériences étrangères .
Selon lui, la première condition d'une réforme réussie est une réforme intervenant au
début du mandat d'une nouvelle majorité arrivant au pouvoir. La popularité du gouvernement
est alors à son paroxysme et la population est prête à accepter de grands bouleversements.
Inversement, les réformes de fin de mandat seraient davantage vouées à l'échec. La France
semble actuellement, et pour encore quelques mois, remplir cette caractéristique.
Deuxièmement, la réforme doit faire l'objet d'un minimum de consensus entre les
principaux partis politiques. En effet, pour être efficaces, les choix fiscaux ne doivent pas
être remis en cause tous les quatre ou cinq ans. Ce point-ci semble plus incertain. La culture
politique française n'étant pas celle du consensus comme en Allemagne, on peut redouter
qu'une réforme fiscale soit combattue vivement par l'opposition. Aux USA, l'absence de
consensus fiscal entre démocrates et républicains bloque toute réforme fiscale. Pourtant, le
pays fait lui aussi face à une situation financière précaire.
Christophe Heckly précise néanmoins que des réformes fiscales ont pu porter leurs
fruits sur le long terme même en cas de désaccord profond entre les partis politiques.
Dans ce cas-là, les réformes doivent être motivées par une situation de blocage ou des
déséquilibres insupportables du système fiscal. De telles réformes sont intervenues au
Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Sans être en situation de blocage, la crise impose des
réformes profondes de l'économie, dont une réforme fiscale pourrait faire partie.
67 S. LAURENT, Quotient Familial : François Hollande propose une réforme
a
minima , Le Monde, [en ligne], 26/01/2012,
[consulté le 16/06/2012], <http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/01/27/quotient-familial-hollande-presenteune-reforme-a-minima_1635203_1471069.html>
68 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , ibid, page 73
69 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , ibid, page 45
70 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , ibid, pages 72-73
34
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
La situation semble donc actuellement propice à une réforme fiscale en France. Cette
fenêtre d'opportunité ne doit pas être gâchée et doit être l’occasion de mettre la fiscalité à
contribution de la relance économique.
B.2.2 Une réforme de la fiscalité comme levier de croissance et de
désendettement
a. Accompagner par la fiscalité le phénomène shumpétérien de « destruction
créatrice »
Si nous convenons que le moment est idéal pour une réforme de la fiscalité, encore fautil savoir quels contours lui donner pour que cette dernière soit un levier de croissance et
participe à la prospérité du pays. Les objectifs de rendement, de stimulation économique et
d'équité de l'impôt pouvant parfois être contradictoires, il s'agit de déterminer des priorités.
En termes de rendements, nous avons vu qu'augmenter brutalement le taux de
prélèvements obligatoires serait défavorable à la reprise de la croissance, notamment
en période de chômage. Une telle politique de rigueur priverait les acteurs économiques
de leurs capacités de consommation et d'investissement, dont le pays a besoin pour
faire redémarrer la croissance. Néanmoins, une hausse de quelques points du taux de
prélèvement peut être envisagée. Nous avons par exemple vu que les rendements de l'IS et
de l'IRPP peuvent être améliorés en élargissant leur assiette, ce qui reviendrait à augmenter
le taux de prélèvements. On peut également penser à une augmentation de quelques points
de la TVA. Néanmoins, la stratégie budgétaire de désendettement doit avant tout compter
sur une hausse des recettes fiscales liée à la croissance, non sur une hausse du taux de
prélèvements obligatoires.
En termes d'équité et de redistribution, nous avons vu que des progrès peuvent être
apportés au système fiscal. Au niveau de l'IRPP, la suppression de nombreuses niches
fiscales (voire même du quotient familial) et un nouveau barème d'imposition plus progressif
auraient pour objectif de restaurer la progressivité du système sans pour autant réduire le
rendement de l'impôt. Le problème des taxes proportionnelles que sont la CSG, la CRDS et
les taxes sur la consommation est plus épineux. On pourrait néanmoins penser à fusionner
IRPP, CSG et CRDS pour rendre ces taxes progressives, bien que cette option ait été
écartée par le nouveau gouvernement. La réforme de l'IRPP aurait l'avantage de donner
des gages à la population dans le cadre d'une politique qui favoriserait essentiellement les
entreprises.
En effet, c'est l'objectif de stimulation économique et de compétitivité qui doit être visé
par la politique fiscale. L'idée est de soutenir activement les entreprises dans leur stratégie
d'investissement et d'innovation pour restaurer leurs parts de marché sur les théâtres
français, européen et mondial. Si la France perd actuellement des activités industrielles,
l'État peut néanmoins accompagner par la fiscalité la transition vers de nouvelles industries.
71
Chaque crise économique s'accompagne d'un phénomène de « destruction créatrice »
: la destruction d'anciennes activités au profit de nouvelles. Soit ces activités deviennent
obsolètes par l'arrivée d'innovations techniques, soit elles sont transférées pour des raisons
de coûts dans d'autres États. Face à la concurrence internationale, l'État a tout intérêt à
accompagner ce phénomène pour aider les entreprises à se positionner sur de nouveaux
marchés, sources de croissance et d'emplois. Pour concourir à cet objectif, deux axes
fiscaux peuvent être dégagés.
71 J. Schumpeter,
Capitalisme, Socialisme et Démocratie , Paris : Payot, 1972, 417p
Billaudaz Marie-Line - 2012
35
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Premièrement, réduire le coût du travail en France, en diminuant en partie la
contribution des employeurs. Le montant de ces contributions devra être transféré sur
d'autres bases fiscales. Les allemands ont au début des années 2000 compensé la baisse
des cotisations sociales employeurs par une hausse de la TVA. Néanmoins, rien n'interdit
de penser à d'autres solutions, comme par exemple un financement du manque à gagner
par la taxe sur les transactions financières, taxe qui devrait voir le jour prochainement en
72
Europe . Cette baisse du coût du travail permettra de gagner en compétitivité coût et de
faire repartir à la hausse les exportations.
En contrepartie de cette baisse des cotisations sociales, les entreprises pourraient voir
de nombreuses niches fiscales disparaître et l'assiette de l'IS s'élargir.
Deuxième axe d'action fiscale : réorganiser les niches fiscales en faveur de l'innovation
et de l'investissement productif. Des activités déjà implantées en France peuvent être
dynamisées par une stratégie d'innovation. L'exemple de la société Seb montre que, via
l'innovation, des firmes françaises peuvent être plus compétitives que des firmes asiatiques
dont les coûts de production sont pourtant inférieurs. La firme a par exemple vendu plus
de 4,8 millions de friteuses haut de gamme « Acty'fry » à travers le monde depuis 5 ans
73
et a ainsi doublé sa masse salariale en France . De plus, l'Etat pourrait également offrir
des exonérations partielles aux start-up présentes sur des secteurs d'avenir. L'idée est ici
de jouer sur la compétitivité hors-coût et de proposer des produits à forte valeur ajoutée sur
des marchés de niches.
La crise peut donc être vue de manière positive, comme une opportunité de transformer
nos activités industrielles et commerciales. Néanmoins, cette politique d'accompagnement
de la destruction créatrice doit comporter en complément de cette réorientation fiscale
d'autres volets pour être efficace. Elle doit notamment mettre l'accent sur une véritable
stratégie de formation des adultes, travailleurs comme chômeurs, mais aussi d'incitation à la
mobilité géographique. De plus, les secteurs économiques d'avenir doivent être précisément
identifiés.
b. Quels secteurs de croissance ?
Dans son rapport Les Nouveaux Secteurs de la croissance : une projection à l'horizon 2030
74
, le Centre d'Analyse Stratégique a identifié plusieurs secteurs d'avenir pour l'économie
française, en tenant compte de la montée en gamme des industries des pays émergents.
Selon les estimations du CAS, qui a tablé sur plusieurs scénarios de croissance,
les créations d'emplois sur la période 2010-2030 seraient comprises entre 1,6 (dans le
scénario pessimiste) et 2,2 millions (dans le scénario le plus optimiste). Trois secteurs
concentreraient les créations d'emplois, qui sont aussi trois secteurs abrités de la
concurrence : les services collectifs (éducation, santé, social) et à la personne ; les
services d'intermédiation (commerce, logistique, finance) et la construction ; les services
aux entreprises.
72 Cf. III
73
R. RIVAUD,
Seb Invente la machine à innover,
Challenges [en ligne], juin 2012, [consulté le 17/06/2012], <http://
www.challenges.fr/entreprise/20120614.CHA7502/seb-invente-la-machine-a-innover.html>
74 Centre d'Analyse Stratégique , Les Secteurs de la Nouvelle Croissance, Une projection à l'Horizon 2030, [en téléchargement],
janvier 2012, [consulté le 17/06/2012], <http://www.strategie.gouv.fr/content/les-secteurs-de-la-nouvelle-croissance-une-projectionlhorizon-2030-note-de-synthese-259-jan>
36
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 1 : Une crise du système fiscal et des finances publiques
Les pertes d'emplois seraient elles concentrées dans les activités polluantes et les
industries basses et moyennes.
La croissance de demain n'est donc pas exclusivement une croissance tournée vers
l'exportation : le marché intérieur va aussi participer à cet effort de croissance. Néanmoins,
ces secteurs sont peu exposés à la concurrence internationale, l'effort de soutien de la part
de l'Etat n'est pas aussi fondamental à leur développement qu'il peut l'être pour les secteurs
plus concurrentiels.
Le CAS souligne que deux domaines seront au cœur des luttes concurrentielles
mondiales au cours des prochaines décennies. Premièrement, l' « économie verte »,
dont les contours sont très vastes : transports, énergie, logement etc. Deuxièmement,
les industries de pointe, essentiellement les nano et biotechnologies. Ces deux branches
de l'industrie ont des applications dans de nombreux domaines économiques, les plus
prometteuses étant celles concernant la santé et la protection de l'environnement.
Ces deux grands secteurs ouverts à la concurrence devraient également créer de
nombreux emplois. L'appui de la puissance publique peut être dans ces deux domaines
décisif. En effet, les dépenses de R&D des firmes sont stables depuis 2002, alors que le
développement de ces domaines pointus nécessite de gros efforts financiers pour soutenir
l'innovation.
***
Dans cette période de crise européenne, et malgré des indicateurs macro-économiques
nationaux plutôt pessimistes (croissance à peine positive, chômage très élevé, déficit de la
balance commerciale etc.), les marges de manœuvres dont la France dispose pour sortir
de l'ornière de l'endettement sont minces mais réelles. La France possède le capital humain
nécessaire à une reconversion de son appareil productif : vers une montée de gamme
de son industrie et le développement de produits adaptés à une nouvelle économie verte.
Accompagnées par une stratégie fiscale encourageante, les entreprises pourraient avoir
tout intérêt à évoluer vers ces domaines et à abandonner des activités plus polluantes,
moins concurrentielles ou en déclin. Cette réactivation de la croissance serait également le
premier pas vers le désendettement.
Billaudaz Marie-Line - 2012
37
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité
comme source de croissance
Dans le cadre d'une politique fiscale de l'offre, il convient de dresser le bilan des difficultés
structurelles qui pèsent sur les entreprises françaises. L'Allemagne est souvent citée comme
un exemple à suivre, que cela soit par les responsables politiques de tous bords ou
par les médias. Il semble donc pertinent de s'intéresser aux différences entre la France
et l'Allemagne, nous permettant de mettre en lumière des axes d'amélioration du tissu
économique français qui pourraient passer par une nouvelle politique fiscale des entreprises
(A).
Après cet état des lieux, il convient de détailler les solutions fiscales qui pourraient
être envisagées pour mettre en œuvre cette amélioration. Nous retiendrons trois pistes de
réformes : renforcer l'attractivité du territoire pour les investisseurs étrangers, stimuler la
croissance par l'innovation et lutter contre la fraude et l'évasion fiscale (B).
A. Comparatif du système entrepreneurial français et
du système entrepreneurial allemand
Le « modèle Allemand » est souvent salué pour deux aspects différents de sa politique en
faveur des entreprises (A).
Premièrement, une refonte du partage de la valeur ajoutée au début des années 2000
ayant permis de stimuler l'investissement, l'emploi et la compétitivité (A.1.1). Néanmoins,
nous verrons que si cette politique a permis à l'Allemagne de renforcer sa compétitivité, les
effets sur l'investissement de ces réformes ont été très paradoxaux (A.1.2).
Deuxièmement, c'est le modèle allemand des PME qui est loué. Des PME dynamiques,
innovantes, exportatrices, créatrices d'emploi et travaillant conjointement avec les grands
groupes (A.2.1). Ce modèle pourrait tout à fait être repris pour dynamiser les PME
françaises, au travers de plusieurs réformes (A.2.2).
A.1. Le mirage d'un modèle allemand uniquement basé sur une
répartition de la VA favorable au capital
A.1.1 Une stratégie de partage de la VA en faveur des profits pour stimuler
investissements et compétitivité
a. La maîtrise des coûts salariaux en Allemagne
La maîtrise des coûts salariaux chez nos voisins allemands a comporté deux volets.
Premièrement une réduction d'une partie des cotisations patronales sur les salaires financée
38
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
par une hausse d'un point de la TVA. Deuxièmement, une modération des hausses de
salaires durant la dernière décennie, décision fruit d'un consensus patronat-syndicats
destiné à favoriser la compétitivité et la création d'emplois. Le but était de réduire le coût
salarial unitaire (CSU), c'est-à-dire le coût moyen du facteur travail pour une entreprise.
Source : Eurostat
75
La baisse des coûts salariaux, ou du moins leur stabilisation, correspond sur le long
terme à une dévaluation des produits allemands sur le marché international. En effet,
les produits allemands ont vu leurs prix augmenter plus lentement que ceux de leurs
concurrents grâce à cette maîtrise du coût du facteur travail.
Dans le même temps en France, une stratégie inverse a été choisie. Le partage de la
valeur ajoutée n'a globalement pas été modifié depuis les années 1990, restant toujours de
75
EUROSTAT,
Shéma
généré
le
2/07/2012,
<http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?
tab=table&plugin=0&language=fr&pcode=tipslm20>
Billaudaz Marie-Line - 2012
39
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
76
1/3 en faveur du capital contre 2/3 en faveur du travail . Néanmoins, le CSU a énormément
augmenté dans les années 2000, alors même que la balance commerciale de la France se
dégradait de plus en plus. Beaucoup d'analystes imputent à la réforme des « 35 heures »
le déficit commercial français récurrent depuis 2005 puisqu'elle a eu pour effet une hausse
du CSU. Selon l'INSEE, le coût du travail en France, tous secteurs confondus, s'élevait à
31,5 euros contre 28,9 euros en Allemagne et 26,2 euros dans la zone euro.
b. L'augmentation du taux de marge
La maîtrise des coûts salariaux permet un partage de la valeur ajoutée plus favorable au
capital. Comme on peut le voir sur le graphique n°1, le CSU allemand continue d'augmenter
après 2000 mais très lentement. Au contraire en France, le CSU évolue très rapidement
à partir des années 2000 après plusieurs années de stabilisation dans la décennie
précédente. Conséquence de cette stabilisation du CSU, l'excédent brut d'exploitation
(EBE) bondit en Allemagne alors qu'il reste stable en France. Plus l'EBE augmente, plus le
taux de marge de l'entreprise (EBE/VA *100) progresse.
76 INSEE, Rapport sur le partage de la valeur ajoutée , [en téléchargement], mai 2009, 90p. [consulté le 2/06/2012], <http://
www.insee.fr/fr/publications-et-services/dossiers_web/partage_VA/rapport_partage_VA.pdf>, page 9
40
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
Source : Eurostat
77
L'EBE correspond à la Valeur Ajoutée d'une entreprise, retirée des dépenses de
rémunération du facteur travail (salaires, primes, épargne salariale). Cette somme va
permettre aux entreprises de s'acquitter de leurs obligations financières envers l'Etat
(paiement de l'impôt sur les sociétés) et leurs créditeurs (paiement des intérêts aux
banques).
Une fois déchargées de leurs obligations, les entreprises disposent de ce que l'on
appelle le Profit Brut. Ce profit brut a trois destinations principales : la rémunération
des actionnaires, l'autofinancement de l'investissement et l'accumulation de réserves de
trésorerie.
77
EUROSTAT,
Shéma
généré
le
2/07/2012,
<http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?
tab=table&plugin=0&language=fr&pcode=tec00015>
Billaudaz Marie-Line - 2012
41
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Source : Eurostat
78
On comprend donc que toutes choses étant égales par ailleurs, la stabilisation du coût
salarial, et donc de la rémunération du facteur travail, permet de dégager plus de profit
brut, permettant aux entreprises d'autofinancer leur investissement. L'autofinancement est
extrêmement avantageux pour les entreprises dans le sens où elles n'ont pas à payer
d'intérêts, ce qui leur permet de stabiliser sur le long terme leur profit brut et de ne pas être
dépendantes de taux d'intérêts parfois volatils.
Les entreprises seraient donc plus disposées à investir si elles n'ont pas à payer
d'intérêts. Cette augmentation de l'autofinancement était l'autre effet attendu de la rigueur
salariale pour permettre aux entreprises d'investir, d'embaucher et de créer de la croissance.
Cela étant, les effets de la rigueur salariale allemande ont eu des contenus mitigés.
Malgré une hausse du taux de profit, le taux d'investissement des firmes n'est pas reparti à
78
EUROSTAT,
Shéma
généré
le
2/07/2012,
<http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?
tab=table&plugin=0&language=fr&pcode=tec00100>
42
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
la hausse dans les années 2000. Néanmoins, cette réforme du partage de la valeur ajoutée
a permis de stimuler la compétitivité coût de l'Allemagne.
A.1.2 Des effets paradoxaux
a. Des investissements allemands en berne...
Alors qu'une hausse du taux d'investissement en Allemagne était attendue dans les années
2000, il semblerait que la hausse du taux de profit ait davantage servi à augmenter la
rémunération des actionnaires et/ou les réserves de trésorerie.
Source : Eurostat
79
Le vrai problème du financement des investissements n'est donc pas le partage
de la valeur ajoutée, mais le partage du taux de profit. On est typiquement face à un
79
EUROSTAT,
Shéma
généré
le
2/07/2012,
<http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?
tab=table&plugin=0&language=fr&pcode=tec00011>
Billaudaz Marie-Line - 2012
43
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
comportement opportuniste des entreprises qui se servent des réformes fiscales pour
favoriser la rémunération du capital au profit de l'augmentation de capital. Il est intéressant
de noter qu'on assiste à la même évolution de la hausse du taux de profit et à la stagnation
du taux d'investissement en France. Les données de l'INSEE révèlent que la part de l'EBE
affectée à la rémunération du capital est en hausse depuis le début des années 80. Ce n'est
donc pas qu'un comportement opportuniste, mais une vraie tendance générale de privilégier
dans la gestion de l'entreprise un retour sur investissement rapide pour les actionnaires au
détriment de l'investissement dans du capital productif, dont le rendement n'est pas assuré.
Source : INSEE
80
De plus, un tel partage du taux de profit s'explique aussi par des arbitrages de gestion.
Un investissement productif représente toujours un risque financier, d'autant plus si cet
investissement doit s'accompagner de nouveaux recrutements. Or il est bien plus aisé pour
80
INSEE, Rapport sur le partage de la valeur ajoutée, le partage du profits et les écarts de rémunération en France, [en
téléchargement], mai 2009, [consulté le 1/07/2012], <http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/default.asp?page=dossiers_web/
partage_VA/partage_VA.htm>, 90p., page 17
44
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
les entreprises d'utiliser leurs réserves de trésorerie pour investir dans des actifs financiers
dont le risque est jugé moins important et le rendement supérieur.
Redonner plus de place au capital dans le partage de la valeur ajoutée ne suffit donc
pas à favoriser l'investissement.
b. ...mais une vraie compétitivité coût et hors-coût
Le véritable effet de la politique de rigueur salariale allemande a été un excédent structurel
de la balance commerciale. Alors que la France a vu sa balance commerciale se dégrader
depuis 2003 (le dernier excédent commercial remonte à 2002 et s'établissait à 3,5 milliards
d'euros), l'Allemagne a multiplié par 10 le montant en valeur de l'excédent de sa balance
commerciale entre 1999 et 2009, passant de 11,7 à 116 milliards.
De plus, l'Allemagne ne cesse de gagner des parts de marché en Europe. Les
exportations allemandes à destination de l'UE représentent 30 % de ces exportations
totales. En France, cette part des exportations intra-communautaires recule depuis 2002
(de 16,5 % à 12 %). Il est bien plus profitable pour les entreprises d'échanger avec les pays
de l'Union plutôt qu'avec l'espace extra-communautaire dans le sens où il n'y a ni droits de
douane, ni risque de change dans les transactions au sein du marché unique.
Enfin, dernier exemple de cette réussite de l'exportation allemande, le nombre
d'entreprises exportant une partie de sa production. L'Allemagne a créé 56 000 entreprises
exportatrices entre 2000 et 2010 (de 308 000 à 364 000), alors que le nombre d'entreprises
81
exportatrices françaises stagnait sur la même période (de 90 000 à 90855) .Plus inquiétant,
le nombre de PME exportatrices a reculé en France, passant de 4507 en 2005 à 4195 en
82
2009 .
La France, en cherchant à s'inspirer de la réussite de notre voisine l'Allemagne ferait
bien de ne pas appliquer « en bloc » son modèle. Si la stabilisation de la progression du
CSU permet de renforcer la compétitivité, ce dont la France a cruellement besoin pour faire
repartir ses exportations et ses emplois, une telle stabilisation n'est pas suffisante pour faire
repartir l'investissement. Il faut donc trouver d'autres leviers pour stimuler l'investissement.
Stimuler l'investissement et réduire le coût salarial unitaire sont deux objectifs pouvant
être atteints par une politique fiscale et qui peuvent faire l'objet de plusieurs propositions
différentes (cf. II.B).
Néanmoins, le modèle allemand ne se cantonne pas à la baisse du CSU. Les
chiffres exceptionnels de l'économie allemande sont aussi le résultat du positionnement
des entreprises allemandes sur des marchés de niche (hautestechnologies, machinesoutils, voitures haut de gamme...), d'un tissu de PME nombreuses et innovantes, travaillant
main dans la main avec les grands groupes allemands pour développer leur potentiel
à l'exportation. Comme nous l'avons précédemment souligné, la politique économique
française doit inciter les entreprises à investir de nouveaux marchés capables de porter la
croissance de demain.
A.2 Le vrai modèle allemand : des PME innovantes et exportatrices
81
INSTITUT MONTAIGNE, De la naissance à la croissance : comment développer nos PME, [en téléchargement], juin 2011,
[consulté le 1/07/2012], <http://www.institutmontaigne.org/entreprise--comment-developper-nos-pme-3425.html> 95p., page 16
82
INSTITUT MONTAIGNE, De la naissance à la croissance : comment développer nos PME, ibid, page 3
Billaudaz Marie-Line - 2012
45
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
A.2.1 Les PME en France
a. Le rôle des PME dans l'économie
Les PME (Petites et Moyennes Entreprises, entre 20 et 250 salariés) ont un rôle fondamental
dans le dynamisme de l'économie. Sur les 2,7 millions d'emplois créés en France entre
1987 et 2007, 2,3 millions l'ont été par des PME.
Contrairement à une idée très répandue, la France est un pays très dynamique
en termes de création d'entreprises. 620 000 entreprises ont été créées en 2010
contre seulement 225 000 en 2005, montrant que les français sont finalement assez
entrepreneuriaux. Pour preuve, selon un sondage Opinion Way de 2010, 34 % des 18-30
83
ans se rêvent en chefs d'entreprises, contre seulement 18 % fonctionnaires . De plus en
plus de jeunes sont donc prêts à prendre les risques financiers et personnels pour se lancer
dans l'aventure de l'entrepreneuriat. La création récente du statut d'auto-entrepreneur a
facilité les démarches et incite de plus en plus de français à sauter le pas.
84
Néanmoins, comme le souligne l'Institut Montaigne dans son récent rapport , ces autoentreprises ont peu de chance de devenir un jour des PME. En effet, il semble que la fiscalité
et les modes de financement de l'investissement freinent ces mini-entreprises (88 % des
entreprises fondées en 2008 ne comprenaient aucun salarié) dans leur développement, les
condamnant à demeurer de Très Petites Entreprises (TPE, moins de 20 salariés).
Si la France compte de très nombreuses TPE (2,7 millions) et PME (164 000), leur taille
et leur chiffre d'affaire sont souvent trop limités pour pouvoir développer des innovations
et les exporter. Si le tissu économique allemand se distingue du français, ce n'est pas
tant du côté des PME que de celui des Entreprises de Taille Intermédiaire. Les ETI
(qui comptent entre 250 et 5000 salariés) disposent elles des ressources financières,
humaines et logistiques pour prendre des risques d'innovation et se lancer sur des marchés
émergents.
b. Le manque d'ETI en France
Les ETI françaises se distinguent à plusieurs niveaux des ETI allemandes, qui constituent
le coeur du dynamisme économique de ce pays. Premièrement, les ETI y sont deux fois
plus nombreuses : 4195 en France contre 10 492 en Allemagne. Deuxièmement, les ETI y
comptent plus d'employés, en moyenne 989 contre 768 en France. Enfin, elles réalisent en
moyenne presque 150 millions d'euros de bénéfices supplémentaires : 368 millions d'euros
contre 217 millions d'euros en France.
C'est cette forte concentration d'ETI en Allemagne qui explique le dynamisme
exportateur du pays, davantage que la rigueur salariale. L'exportation et l'innovation ont
des coûts et représentent donc des risques financiers : risque de non-paiement, risque
de change, prospection etc. Les entreprises ont besoin d'atteindre une taille critique pour
supporter ces coûts. En d'autres termes, plus une entreprise grandit, plus elle est capable
d'innover, de créer de l'emploi et d'exporter une partie de sa production.
En plus de ce déficit numérique d'ETI, PME et ETI françaises sont marginalisées dans
l'espace économique français au profit des Grandes Entreprises.
83
OPINION
WAY
pour
KPMG,
«
La
génération
Y
face
à
l'entreprise
»,
[en
ligne],
octobre
2010,
[consulté le 1/07/2012], <http://www.youscribe.com/catalogue/etudes-et-statistiques/ressources-professionnelles/analyses-et-etudessectorielles/une-generation-y-qui-reve-d-entreprenariat-299479>
84
46
INSTITUT MONTAIGNE, De la naissance à la croissance : comment développer nos PME, ibid
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
c. Les PME, des acteurs économiques marginalisés au profit des Grandes
Entreprises
La France est la championne de l'Union Européenne en ce qui concerne les grandes
entreprises, au quatrième rang mondial après les USA, le Japon et la Chine. Elle compte 39
85
entreprises au sein du classement Fortune Global 500 , le classement des 500 entreprises
mondiales en termes de chiffre d'affaire. Néanmoins, cette apparente réussite pénalise les
entreprises françaises de taille plus modeste, tant les grandes entreprises sont en position
de force.
En France, les stratégies de développement des PME sont contraintes par les relations
qu'elles entretiennent avec leurs donneurs d'ordres. Les PME et ETI sont bien souvent
les sous-traitantes des grandes entreprises (plus de 5000 salariés). Plutôt qu'une stratégie
de symbiose et de gains partagés, les grandes entreprises ont tendance à profiter de leur
position dominante pour imposer aux PME et ETI des pratiques illégales, qui compliquent
gravement le développement de ces dernières. Parmi ces pratiques on trouve le quick
saving, une pratique proche du racket, qui consiste à mettre en concurrence les soustraitants et à offrir les contrats à celui qui offrira à la direction le plus d'argent. L'appropriation
des innovations des sous-traitants par les donneurs d'ordre est aussi chose courante, tout
comme l'accaparement inéquitable de la quasi-totalité de la marge. Ces pratiques, pourtant
réprimées par la loi, pénalisent les sociétés françaises.
De plus, les donneurs d'ordres français sont très mauvais payeurs, puisque le délai
moyen de paiement des sous-traitants en France est de 67 jours contre 58 jours en moyenne
86
dans la zone euro . Ces délais extrêmement longs compliquent la gestion de trésorerie des
PME et précarisent leur situation.
Au contraire en Allemagne, les Grandes Entreprises appuient le développement des
entreprises plus petites, par exemple via des fonds d'investissements sectoriels permettant
aux PME de se lancer sur les marchés internationaux. De tels fonds existent également
au Japon, en Italie ou au Royaume-Uni. En France, le Fond de Modernisation des
Equipementiers Automobile (FMEA) fait exception dans ce domaine.
87
De plus, selon une étude du Conseil des Prélèvements Obligatoires , le taux
d'imposition effectif des entreprises du CAC 40 s'établit à 8 %, contre 19-20 % pour
les entreprises comptant entre 2000 et 50 salariés. La fiscalité française, par tous les
mécanismes d'optimisation fiscale qu'elle permet, favorise donc énormément les grandes
entreprises au détriment des PME. Ce facteur, qui s'ajoute aux précédents, contribue à
expliquer le faible dynamisme des PME française sur les marchés extérieurs.
A.2.2 Les pistes pour une politique en faveur des PME
a. Faciliter le financement de l'investissement
Le principal obstacle auquel se heurtent les PME dans leur développement se situe au
niveau du financement des investissements. Les PME françaises peinent à atteindre la
"taille critique" nécessaire pour faire d'elles des ETI capables d'innover et de se porter sur les
marchés étrangers. La chose est encore plus complexe pour les jeunes pousses, qui n'ont ni
85
INSTITUT MONTAIGNE, De la naissance à la croissance : comment développer nos PME, ibid, page 16-17
86
87
INSTITUT MONTAIGNE, De la naissance à la croissance : comment développer nos PME, ibid, page 51
INSTITUT MONTAIGNE, De la naissance à la croissance : comment développer nos PME, ibid, page 17
Billaudaz Marie-Line - 2012
47
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
historique, ni fonds propres en grande quantité. Pourtant, les statistiques montrent que plus
les capitaux investis dès le démarrage d'une entreprise sont importants, plus l'entreprise a
88
de chance de se développer .
Les PME peuvent faire appel à quatre canaux pour trouver des financements
d'investissements : les banques, les particuliers (les "Business Angels"), les compagnies
d'assurance qui collectent l'épargne des ménages et l'Etat.
L'Institut Montaigne propose d'améliorer l'allocation des ressources vers les PME
en revoyant les modalités de certains de ces modes de financement. Premièrement en
réformant les subventions étatiques. Ces dernières constituent une aide précieuse aux
entreprises qui démarrent et permettent de soutenir la création d'entreprise. Néanmoins,
on peut regretter que les collectivités publiques attribuent parfois des aides sans même
avoir validé le Business Plan de l'entreprise, conduisant parfois à soutenir des entreprises
non-viables. En d'autres termes, cela conduit à un gaspillage d'argent public. L'Institut
Montaigne propose donc d'utiliser les systèmes de matching public-privé en vigueur
dans de nombreux pays de l'UE. Les Business Angels ou investisseurs institutionnels
(banques, fonds d'investissements, etc.) proposent aux collectivités publiques de soutenir
conjointement des jeunes pousses. Les collectivités sont donc certaines que le Business
Plan est solide et validé par des professionnels du secteur, mais aussi que les investisseurs
privés feront tout pour aider et soutenir l'entreprise dans son expansion.
Deuxième piste pour faciliter l’allocation de ressources vers les PME, utiliser le levier
fiscal pour orienter l'épargne des ménages vers les entreprises. Les ménages bénéficient
en effet de peu d'incitations fiscales à investir leur épargne dans les entreprises, alors que le
risque encouru est bien plus important qu'en ce qui concerne un investissement immobilier.
Ces incitations fiscales pourraient ne pas concerner uniquement les ménages à forte
capacité d'épargne comme c'est déjà le cas (niches sur l'ISF concernant l'investissement
dans les PME), mais aussi les ménages des classes moyennes.
Si améliorer les canaux de financement de l'investissement est une étape nécessaire
pour une véritable politique en faveur des PME, il s'agit également de favoriser l'innovation
de ces entreprises. Plutôt que de vouloir copier les productions d'entreprises étrangères, les
entreprises françaises auraient tout intérêt à développer leur savoir-faire dans des domaines
spécifiques comme ont su le faire les allemands. La mise en relation des entreprises et des
chercheurs est dans ce sens indispensable.
b. Mettre l'accent sur l'innovation
Inciter à l'innovation peut passer par des réformes fiscales (cf. II.B.2.1) mais aussi
par des réformes structurelles impactant le lieu principal de la création du savoir :
l'université. La première piste que les universités françaises pourraient suivre est celle
de la cross-fertilization. Cette pratique consiste à mettre en relation des chercheurs de
disciplines différentes pour faire émerger des innovations. Bien souvent le cloisonnement
entre les disciplines ne permet pas aux chercheurs de prendre conscience que leurs travaux
de recherches fondamentales peuvent avoir des applications concrètes dans d'autres
disciplines. Certains pays comme le Royaume-Uni ou l'Australie ont testé avec succès cette
cross-fertilization.
Deuxième piste de réflexion possible, l'orientation plus stratégique que pourrait prendre
le CNRS. Si le CNRS est un fleuron de la recherche fondamentale européenne, avec
seize prix Nobel et onze médaille Fields, l'institution peine à transformer ses découvertes
88
48
INSTITUT MONTAIGNE, De la naissance à la croissance : comment développer nos PME, ibid, page 20
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
en procédés ou produits commercialisables. Pourtant au-delà de l'accumulation de la
connaissance, le rôle des chercheurs n'est-il pas aussi de concourir à l'amélioration de
la vie des citoyens en développant des innovations dans tous les domaines ? Même si
de nombreux progrès ont été faits en France en ce qui concerne la mise en relation du
monde de la recherche et des entreprises (notamment via les pôles de compétitivité), le
CNRS pourrait par exemple dédier une partie de ses crédits à la commercialisation de ses
nombreux brevets via des start-up.
Autre possibilité pour rapprocher le monde de l'entreprise et celui de la recherche,
inciter les fonds de capital-risque et de capital développement à créer des entités de
89
"prospection technologique et scientifique" , capables de mener une veille au sein des
laboratoires de recherche et de détecter les travaux de recherche pouvant avoir des
applications industrielles ou commerciales.
Dernière piste de réflexion, le développement de filières "entrepreneuriat" au sein
des universités. Ces parcours qui existent essentiellement dans les écoles de commerce
pourraient être copiés par les universités et les écoles d'ingénieurs. Elles permettent
de former les étudiants à l'élaboration d'un projet commercial, d'un Business Plan, aux
recherches de partenaires et de financements, etc. Être un chef d'entreprise ne s'improvise
pas, et permettre aux étudiants (ou aux travailleurs) qui le souhaitent de recevoir une
formation dédiée constituerait certainement un facteur d'amélioration du développement
des jeunes entreprises.
***
Les réformes mises en place en Allemagne -et ailleurs en Europe- à destination des
PME peuvent constituer une source d'inspiration très intéressante. Même si le taux de
croissance de l'Allemagne n'est pas bien plus élevé que celui de la France depuis 2008, le
pays continue d'enregistrer des excédents commerciaux, connaît un faible taux de chômage
et attire des immigrés diplômés de toute l'Europe. Malgré une dette publique plus élevée
que celle de la France, ce dynamisme économique pérenne permet également au pays
d'emprunter sur les marchés financiers à des taux ridiculement bas. L'Allemagne est donc
souvent citée comme un exemple, avec raison. Néanmoins, ces réformes doivent être
adaptées au contexte français et tenir compte des limites de ces politiques allemandes
(notamment en termes sociaux). La question est maintenant de savoir quel type de politique
fiscale de l'offre pourrait être appliqué en France pour renforcer la compétitivité du pays et
stimuler la croissance.
B. Renforcer la compétitivité et l'attractivité de la
France au travers de la politique fiscale
La fiscalité peut intervenir pour améliorer tant la compétitivité coût (B.1) que la compétitivité
hors-coût (B.2) des entreprises. Premièrement, l'attractivité fiscale du territoire français ne
tient pas uniquement au système de prélèvements en lui-même, mais également à un
environnement juridique clair et sécurisant pour les entreprises (B.1.1). Deuxièmement, des
pistes existent pour réduire le coût du travail en France, l'un des plus élevés au monde, ce
qui pourrait concourir à renforcer l'attractivité du territoire (B.1.2).
89
INSTITUT MONTAIGNE, De la naissance à la croissance : comment développer nos PME, ibid, page 69
Billaudaz Marie-Line - 2012
49
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
En ce qui concerne la compétitivité hors-coût, de nombreux dispositifs fiscaux
d'incitation à l'investissement productif (B.2.1) et à l'innovation (B.2.2) ont été expérimentés
par d'autres pays, et pourraient constituer une base de réflexion sur l'amélioration de la
compétitivité française.
Enfin, la France doit également adapter ses moyens de lutte à une fraude et une évasion
fiscale qui deviennent de plus en plus complexes (B.3). L'optimisation fiscale des firmes se
confond avec la fraude (B.3.1) tandis que l'administration française peine à moderniser le
contrôle fiscal pour l'adapter à ces nouveaux enjeux (B.3.2).
B.1. Développer l'attractivité du territoire et la compétitivité coût
B.1.1 Quels leviers d'attractivité ?
Une étude, menée auprès de 450 chefs d'entreprises, cadres supérieurs et membres
de conseil d'administration en 2009 par le cabinet d'avocats fiscalistes Taj, fut riche
90
d'enseignement sur l'attractivité de notre système fiscal . De cette étude, on peut retenir
que les décideurs économiques se focalisent sur deux facteurs fiscaux pour apprécier
l'attractivité d'un territoire. D'une part une loi fiscale claire et sécurisante, d'autre part un
impôt sur les sociétés au taux bas et à l'assiette large. La France aurait tout intérêt à
s'inspirer de ces préconisations pour accroître son attractivité internationale.
a. Clarifier le droit fiscal français
Premier enseignement de l'étude de Taj, les dirigeants d'entreprises considèrent dans leur
majorité que la simplicité de la norme fiscale et sa clarté sont plus importantes qu'un taux
d'imposition bas.
Comme nous l'avons précédemment souligné, la spécificité française en termes de
complexité de la norme fiscale tient dans l'accumulation des prélèvements, plus d'une
centaine, alors que la majorité des pays des pays de l'OCDE se contentent d'une
91
cinquantaine. André Barilari insistait déjà en 2000 sur le fait que de nombreux efforts
pouvaient être faits pour simplifier la loi. Une codification de tous les textes existants ainsi
qu'une simplification de ces textes, voire leur rassemblement, pourraient être envisagés.
Donnée tout aussi importante pour les sondés de Taj : la stabilité de la norme. Les
sondés affirment qu'ils préfèrent payer plus d'impôts plutôt que d'en payer peu mais de
voir les règles d'imposition changer continuellement. Ces changements représentent en
effet des coûts importants en termes de gestion des entreprises : modification des objectifs
annuels, de la prévision financière, besoin de formation des personnels dédiés à la gestion
financière et sociale de l'entreprise etc. Preuve de cette instabilité, entre 2002 et 2009, le
régime de l'impôt sur les sociétés a été modifié plus de quarante fois. Cette variation n'est
pas propice à susciter la confiance des entrepreneurs : ils sont 77 % à penser que le système
fiscal français n'est pas favorable à l'investissement.
De plus, le système français n'assure pas la sécurité juridique des entreprises dans
le domaine fiscal. Les Projets de Loi de Finance Rectificatifs (PLFR) peuvent modifier les
règles d'imposition des bénéfices ou les taxes sur le chiffre d'affaire en cours d'année, et
90 TAJ,
L’influence de la fiscalité sur la stratégie des entreprises
[en ligne], Février 2009, [consulté le 17/06/2012], <http://taj-
strategie.fr/spip.php?article7>
91 A. BARILARI, Le Consentement à l'impôt, ibid, Chapitre 13
50
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
perturber gravement les comptes et prévisions des entreprises. Les nouvelles dispositions
d’un PLFR s'appliquent avec rétroactivité, c'est-à-dire sur des transactions ayant été
conclues avant le vote du PLFR. Cette caractéristique française influence elle aussi très
négativement l'investissement en créant un facteur d'incertitude supplémentaire.
92
93
A ce titre, deux Think Thanks français, l'Institut Montaigne et l'Institut de l'Entreprise,
ont proposé dans leurs derniers rapports un moratoire de cinq ans sur les dispositions
fiscales en vigueur. L'idée est de faire en sorte que les dispositions relatives à une réforme
fiscale soient adoptées en début de mandat par le parlement et que la stabilité de la norme
fiscale soit assurée pour le reste des 5 ans.
L'idée vaut peut-être la peine d'être expérimentée pour observer son impact sur les
décisions d'investissement. Néanmoins, la mise en œuvre d'une mesure si restrictive pour
l'Etat est-elle une si bonne idée dans une période de forte instabilité économique ? Après
tout, les entreprises, qui réclament souvent plus de flexibilité pour s'adapter à un contexte
mondial très mouvant peuvent-elles réclamer tant de stabilité à l'État qui lui aussi doit
s'adapter aux turbulences de l'économie mondiale ? Plutôt qu'un moratoire de cinq ans,
on pourrait penser à une limitation annuelle des modifications apportées à la taxation des
entreprises dans les PLFR.
En tout état de cause, la forme de la loi fiscale semble être un facteur d'attractivité
aussi important que son contenu. Ce critère d'attractivité mérite d'être amélioré en France,
d'autant plus que sa mise en œuvre ne coûte rien en termes de rentrées fiscales. La
simplification de la loi fiscale et sa stabilisation dans le temps pourraient attirer des
investisseurs, notamment des pays émergents. En effet, les systèmes fiscaux de ces pays
n'ont pas encore atteint le degré de sophistication des nôtres. Leurs investisseurs peuvent
donc être moins à l'aise avec un système aussi complexe que le nôtre. La France aurait
tout à gagner à réduire les facteurs d'incertitudes liés aux investissements en développant
la transparence de son système fiscal.
b. Une baisse du taux d'imposition
Autre enseignement de l'étude Taj, les dirigeants sont 88 % à préférer une imposition des
bénéfices à taux bas prélevé avec une assiette élargie plutôt qu'un taux élevé accompagné
d'une multitude de régimes dérogatoires et d'avantages fiscaux. Le système fiscal français
est donc largement désapprouvé. Cette demande en faveur d'une assiette large et d'un
taux bas est à relier à la demande précédente de simplification et de clarté de la loi fiscale.
En effet, les niches fiscales et autres avantages fiscaux sont considérés comme précaires
et pouvant être facilement abrogés. Les entreprises préfèrent donc un système simple et
stable, où toutes les entreprises sont imposées sur l'ensemble de leurs bénéfices (avec pas
ou peu de possibilité légale de réduire la base imposable), mais à des taux moins élevés.
Comme nous l'avons précédemment vu, des États de l'UE qui utilisent ce système
parviennent à obtenir un rendement plus performant de l'impôt sur les sociétés que le nôtre.
La France aurait donc deux raisons de modifier son système d'imposition des bénéfices :
pour le rendement et pour l'attractivité.
92 Institut Montaigne, Une fiscalité au service de la « social-compétitivité » , ibid, page 78
93 Institut de l'Entreprise, Pour un Choc de Compétitivité, [en téléchargement], janvier 2012, [consulté le 19/06/2012], page
12 <http://www.institut-entreprise.fr/index.php?id=1567>
Billaudaz Marie-Line - 2012
51
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
D'autre part, on voit que ce sont les États ayant adopté une telle taxation des bénéfices
qui sont plébiscités par les entreprises : Irlande (taux à 12 %), Pays-Bas (25 %), RoyaumeUni (28 %).
En résumé, l'attractivité de la France peut être très simplement renforcée. Si l'objectif de
simplification de la loi sera difficile à atteindre, celui relatif à sa stabilité peut être facilement
rempli. Quant à la baisse du taux et à l'élargissement de l'assiette, elle serait salutaire pour
la croissance et les finances publiques. Néanmoins, cela reviendrait à supprimer la majorité
des niches fiscales, ce qui n'irait pas sans contestations, comme le souligne le Cercle des
Économistes « Dans (…) ces vraies niches se cachent de très gros bénéficiaires qui ne se
94
laisseront pas déposséder sans combattre d'un privilège fiscal si avantageux » .
Au final, ces modifications amélioreraient la compétitivité coût et l'attractivité de la
France, en permettant de réduire l'incertitude liée aux investissements en France, ainsi
que les coûts engendrés par une loi fiscale complexe et instable. Néanmoins, le véritable
handicap de la France en termes de compétitivité coût réside dans le coût du travail.
B.1.2. Comment baisser le coût du travail ?
a. Le coût du travail et productivité en France et en Europe
L'impact du coût du travail sur la compétitivité française a été largement ignoré par les
pouvoirs publics durant les dernières décennies. L'idée dominante a longtemps été qu'une
main-d'oeuvre nationale hautement qualifiée et productive, alliée à des infrastructures
publiques de qualité, suffirait à garantir l'attractivité du territoire.
En fait, la place de plus en plus importante prise par des pays comme le Brésil, l'Inde ou
la Chine dans le commerce international invite à revoir ces perspectives. L'enrichissement
de ces pays conduit à une amélioration de la qualification de la main-d'oeuvre, maind'oeuvre qui devient aussi de plus en plus productive. D'ici quelques années, ces pays
formeront des ingénieurs, cadres commerciaux et financiers tout aussi qualifiés et productifs
que les travailleurs français, mais dont le CSU sera inférieur. Même si la France peut
compter sur des secteurs abrités pour assurer sa croissance, elle doit également renforcer
sa compétitivité coût face aux pays émergents. Réduire le coût du travail, ou au minimum
en limiter la hausse, est fondamental dans cette stratégie de préservation des potentiels de
croissance d'avenir.
Au sein même de l'UE, la France se distingue de ses principaux concurrents par un
coût du travail supérieur, alors que la productivité, les qualifications de sa main-d'œuvre, ou
encore les infrastructures publiques, sont quasiment semblables entre les pays.
Si certains pays présentent un coût élevé du travail dans certains secteurs en lien avec
leur spécialisation (par exemple, au Luxembourg le coût du travail dans le secteur financier
est le second le plus élevé de l'UE, alors que le coût du travail dans les autres secteurs est
conforme à la moyenne de la zone euro), la France se distingue par un coût élevé du travail
dans tous les secteurs économiques. Eurostat a produit des statistiques sur le coût horaire
du travail dans l'industrie, la construction, le secteur de l'énergie, le commerce, l'hôtellerie95
restauration et les services financiers . Dans ces six secteurs la France arrive dans le TOP
6 des pays ayant le coût du travail le plus élevé. La France est même la première dans le
94 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance , ibid page 20
95
EUROSTAT,
Labour Market Statistics , [en téléchargement], 2011 édition, [consulté le 19/06/2012], page 90, <http://
epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/publication?p_product_code=KS-32-11-798>
52
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
secteur de l'énergie, certainement à cause de la filière nucléaire. Finalement, on retrouve
toujours les mêmes pays dans le haut du classement: la France, la Belgique, le Danemark,
la Suède et les Pays-Bas. Le coût horaire du travail en Allemagne est inférieur à celui de la
France dans les six secteurs, sauf dans l'industrie.
En ce qui concerne le coût horaire moyen du travail, il était selon Eurostat en France
en 2008 de 31,53 euros, contre 29,91 euros en Allemagne. Le coût du travail français est
seulement surpassé par ceux du Danemark, de la Belgique et de la Suède.
96
D'autre part, les statistiques du Bureau International du Travail montrent une tendance
au rattrapage rapide des gains de productivité du travail par les économies asiatiques et,
dans une moindre mesure, d'Amérique Latine. Malgré la crise, la productivité annuelle par
travailleur croit énormément en Chine (+9,1 % en 2010), Corée du Sud (+4,9%), Indonésie
(+3,9%), aux Philippines, ou encore au Vietnam. La hausse est également forte en Inde
(+5,6 %) ou au Brésil (+4,1%). Dans le même temps, les gains de productivité de la
France se sont stabilisés, n'augmentant que de 0,9 % depuis 2000. L'Allemagne présente
le même ralentissement, lié au niveau de PIB déjà atteint par nos économies. En résumé,
la productivité de la main-d'oeuvre ne suffira plus dans les prochaines décennies à justifier
économiquement un coût du travail très élevé. Néanmoins, il est important de préciser que,
selon les données du BIT, la productivité des travailleurs français reste largement supérieure
à celle des travailleurs allemands, et que le gap entre la productivité moyenne en Europe
97
et en Asie reste très important .
Face à ce rattrapage inéluctable et progressif, la France doit dès à présent adapter son
coût du travail à un marché mondial de plus en plus compétitif.
b. Les propositions de l'OCDE : réduire les cotisations sociales
Le coût du travail est composé de deux principaux facteurs : d'une part le salaire, d'autre
part les cotisations sociales. Les pays présentant un coût du travail élevé sont ceux dont la
part des cotisations sociales dans le coût total du travail est la plus élevée (28, 3 % pour la
98
France et la Belgique, 29, 7 % pour la Suède...) .
Le taux de cotisations sociales dans le coût du travail n'est en Allemagne que de
21,5%, alors que le système social allemand est équivalent au notre. L'Allemagne a en
effet fait le choix au début des années 2000 de transférer une partie de ces cotisations
sociales sur la TVA pour améliorer la compétitivité de ses entreprises. Cette stratégie s'est
également doublé d'une austérité salariale ayant réduit la hausse des salaires. Avec un taux
de chômage de 5,9 % en 2011 et la première place mondiale d'exportateur, cette stratégie
semble avoir été payante pour le pays.
99
C'est cette solution que l'OCDE et la majorité des institutions internationales
promeuvent dans le cadre d'une relance de l'économie. Augmenter le taux de TVA
pénaliserait peu la croissance en n’affectant que très faiblement les niveaux de
96 BIT,
Key Indicators of the Labour Market,
[en ligne],
Labour Productivity KILM 17 , [consulté le 19/06/2012], pages
8-11 <http://kilm.ilo.org/kilmnet/pdf/kilm17EN.pdf>
97
Cf. Annexe 3
98 EUROSTAT, Labour Market Statistic, ibid, page 91
99
OCDE,
TAX POLICY REFORM and FISCAL CONSOLIDATION,
[en téléchargement], décembre 2010,
[consulté le 19/06/2012], page 5, <http://www.oecd.org/document/11/0,3746,en_2649_37427_46583947_1_1_1_37427,00&&enUSS_01DBC.html>
Billaudaz Marie-Line - 2012
53
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
consommation. Par contre, diminuer les cotisations sociales permettrait aux entreprises
de baisser le prix de leurs produits et d'améliorer leur compétitivité coût sur les marchés
extérieurs. Cette solution a d'autre part l'avantage de faire participer les importations au
financement de la protection sociale.
Le potentiel de hausse de la TVA est important en France : l'OCDE estime que la
France a le taux de TVA implicite le plus faible de tous ses états membres : 16 %. La France
accorde en effet de très nombreux taux réduits de TVA. Les taux réduit de 5,5 % semblent se
justifier pour les produits de base (eau, nourriture, certains médicaments...). Mais comment
expliquer que les transports, les services à la personne, les travaux, la restauration, la
presse, l'audiovisuel, ou encore les livres et les spectacles, bénéficient d'un taux de 7 %
alors que tous ces secteurs sont abrités de la concurrence internationale ? Augmenter le
taux de TVA de ces activités ne réduirait pas forcément leur consommation. Transférer une
partie des cotisations sociales sur la TVA est donc envisageable.
On peut faire plusieurs propositions quant à une réforme de la TVA en France.
Premièrement, accroître de quelques points notre taux standard pour le rapprocher de celui
de nos voisins. Deuxièmement, revoir les produits devant véritablement bénéficier d'un taux
réduit. Les taux réduits pourraient par exemple être réservés aux produits de base et aux
secteurs intensifs en travail, dans le but de favoriser l'emploi. Dans ce cadre, les services à
la personne, le bâtiment et la restauration resteraient soumis à un taux réduit. Enfin, rétablir
une TVA sur les produits de grand luxe, exclusivement consommés par les contribuables les
plus à même de faire un effort fiscal supplémentaire : fourrures, caviar, bijouterie-joaillerie,
yacht, avions privés etc. Ces modifications permettraient d'accroître les recettes fiscales
issues de la TVA.
L'OCDE reprend elle aussi dans son rapport l'idée d'une baisse des taux d'imposition
sur le revenu, sur les bénéfices et un élargissement des assiettes. D'autre part, l'institution
préconise la hausse des taxes sur la propriété du logement. L'idée est toujours la même :
taxer davantage les bases captives (travailleurs, consommateurs, propriétaires) et diminuer
l'imposition des bases mobiles (bénéfices et revenus du capital).
100
L'OCDE propose dans un autre rapport une typologie de l'organisation fiscale la
moins pénalisante pour la croissance sur la base d'une étude de 21 pays sur la période
1970-2005. Selon l'OCDE, les recettes de l'Etat devraient provenir par ordre décroissant :
des taxes sur la propriété, de la TVA, des taxes sur le revenu, des cotisations sociales et
enfin des taxes sur les bénéfices.
Agir sur les cotisations sociales pour baisser le coût du travail sans toucher aux salaires
aurait pour effet de ne pas freiner la consommation domestique. Avec sa politique de rigueur
salariale, l'Allemagne a vu sa consommation intérieure se comprimer. En d'autres termes,
le niveau de vie des Allemands a eu tendance à reculer, et leur consommation ne joue pas
un rôle de moteur de la croissance. Si les Allemands exportent beaucoup, l'excédent de
leur balance commerciale doit aussi au fait qu'ils importent peu pour leur consommation
intérieure. La France aurait tout intérêt à viser l'équilibre de la balance commerciale plutôt
101
qu'un excédent, qui peut être synonyme de baisse du niveau de vie .
100
OCDE,
Taxation and Economic Growth , [en téléchargement], 2008, 85p., [consulté le 19/06/2012], page 42 <http://
www.oecd.org/LongAbstract/0,3425,en_2649_33733_40958797_119684_1_1_1,00.html>
101
S. PORCHER, B. SILVERSTON,
Ce que la France et l'Allemagne peuvent s'apprendre mutuellement en matière de
politique industrielle , Le Monde, [en ligne], 22/06/2012, [consulté le 24/06/2012], <http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/21/ceque-la-france-et-l-allemagne-peuvent-mutuellement-s-apprendre-en-matiere-de-politique-industrielle_1721659_3232.html>
54
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
L'économiste Christian Saint-Etienne propose, lui, de supprimer la cotisation sociale
de 5,4% sur les salaires qui finance la politique familiale. Cette suppression permettrait de
ramener le coût du travail français au niveau allemand sans toucher à la TVA. De plus, ce
serait peut-être l'occasion de réformer le système d'allocations familiales français. Il est en
effet étrange que le financement d'une politique universelle pèse sur les entreprises.
Si cette stratégie de baisse des cotisations employeurs aurait pour effet de renforcer
la compétitivité coût du pays, elle remettrait en partie en cause le partage équitable
des charges fiscales entre les acteurs économiques, en diminuant la participation des
entreprises à l'effort national et en accroissant celle des ménages. D'autre part, agir sur cette
branche de la compétitivité est nécessaire mais non suffisant. La France, même en baissant
son coût du travail, ne peut faire concurrence aux pays émergents en ce qui concerne
l'industrie moyenne et basse. Le pays doit donc se concentrer sur de nouveaux secteurs de
pointe encore peu concurrentiels et y bâtir un savoir-faire gage de la compétitivité qualité
de demain.
B.2. Soutenir la compétitivité hors-coût
B.2.1. Des dispositifs fiscaux d'incitation à l'investissement
a. Orienter l'épargne des ménages vers les PME plutôt que vers le logement
Augmenter le taux d'investissement des entreprises serait favorable à la compétitivité
hors coût du pays. L'amélioration du capital matériel et immatériel est en effet un facteur
d'amélioration de la qualité des produits. Néanmoins, les entreprises ont fait face depuis
la crise à un tarissement du crédit lié à des tensions sur les marchés financiers et à une
situation financière européenne précaire. Bien que les marchés financiers -via les banquesdemeurent les acteurs principaux du financement de l'investissement des entreprises, on
pourrait penser à développer davantage d'autres sources de financement. En l'occurrence,
l'épargne des ménages participe très peu au financement direct des investissements des
entreprises. Deux raisons expliquent cette situation.
Premièrement, la plupart des dispositifs d'épargne profitent d'avantages fiscaux sur
les intérêts (assurance vie en euros, Plan d'Epargne Logement, épargne salariale, etc.).
Néanmoins, les niches fiscales sont concentrées sur l'épargne non-risquée, à hauteur 9
milliards de dépenses fiscales, au détriment de l'épargne risquée (PEA, comptes-titres etc.)
qui ne bénéficie que de 2,4 milliards de dépenses fiscales. Cette concentration des niches
sur les produits d'épargne non-risqués décourage la possession d'actifs mobiliers risqués
(actions, obligations) : 82 % de l'épargne française des ménages est détenue sur des
supports non risqués, qui ne participent pas au financement des entreprises.
Deuxièmement, lorsque les ménages veulent investir leur épargne, là encore les
niches fiscales découragent les ménages à se tourner vers l'investissement dans les
entreprises au profit de l'investissement immobilier. Les dispositifs fiscaux d'encouragement
au financement des entreprises (Avantage Madelin, Fond Commun de Placement dans
l'Innovation ou encore Fond de Placement de Proximité) sont plafonnés bas, peu connus,
mais surtout concurrencés par les nombreux dispositifs en faveur de l'immobilier. Si les
avantages fiscaux liés à l'immobilier ont été rabotés en 2011 (investissement dans les
résidences de tourisme, en Outre-Mer, dans les résidences meublés, etc.), les dispositifs
concernant l'investissement dans les entreprises n'ont pas été revalorisés.
Billaudaz Marie-Line - 2012
55
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
102
L'Institut Montaigne
comme l'Institut de Recherche sur les Administrations
103
Publiques (IFRAP) proposent de réorienter l'épargne des ménages vers le financement
des entreprises, en supprimant les niches fiscales sur l'épargne non risquée et liquide. Les
particuliers n'ont pas besoin d'encouragement pour détenir de l'épargne non risquée. Par
contre, le risque pris en investissant dans une entreprise doit être récompensé. Si l'épargne
des ménages pourrait permettre de dynamiser l'investissement des entreprises, notamment
des PME qui peinent parfois à obtenir des financements, d'autres barrières d'ordre fiscal
freinent l'investissement, notamment en ce qui concerne l'autofinancement.
b. Réduire les taxes sur les facteurs de production pour favoriser
l'investissement
104
Dans son dernier rapport, l'Institut Montaigne pointe du doigt une étrangeté du système
fiscal français. Les entreprises, en plus d'être soumises à une imposition légitime de leurs
bénéfices, payent également des taxes sur les facteurs de production, que l'entreprise fasse
des bénéfices ou non. Cette imposition qui concerne la masse salariale et le chiffre d'affaire
est très pénalisante pour les entreprises : elle alourdit leurs charges d'exploitation courantes,
freine les emplois et réduit l'investissement. Elles sont d'autant plus lourdes à assumer
pour les petites entreprises faisant peu de bénéfices ou les entreprises qui démarrent
une activité qui n'est pas encore rentable. En résumé, elles sont un frein au dynamisme
économique. Elles privent notamment les entreprises d'un profit brut suffisant pour alimenter
des opérations d'autofinancement de l'investissement.
Les taxes sur la masse salariale sont très nombreuses et pénalisent l'emploi. Elles
financent des politiques publiques extrêmement variées, allant du transport public urbain
(versement transport), au logement social (contribution au fond national d'aide au logement),
au soutien aux salariés (versement à l'association nationale de garantie des salaires) ou
encore à l'aide aux personnes en situation de handicap (taxe de financement de la Caisse
Nationale de Solidarité pour l'Autonomie [CNSA]).
L'entreprise apparaît ici comme une véritable réserve de recettes publiques pour l'État,
finançant un peu tout et n'importe quoi. Or, la première fonction sociale de l'entreprise est
de produire et de distribuer des revenus. Ces taxes sont plutôt contre-productives, car elles
incitent au contraire les entreprises à être très prudentes quant à une augmentation de
leur masse salariale ou de leur capital, étant donné que toute augmentation se répercute
directement sur leur imposition.
L'Institut Montaigne propose de supprimer certaines de ces taxes, notamment l'aide
au logement social (2,4 milliards par an) et la contribution à la CNSA (1,8 milliards).
Il est étrange que les entreprises financent seules des politiques sociales universelles,
qui devraient être prises en charge par l'impôt. Certaines contributions sont néanmoins
justifiées, comme la taxe d'apprentissage ou le versement transport : les entreprises
bénéficient directement des politiques publiques dans ces deux domaines.
D'autres taxes viennent frapper le chiffre d'affaires, là aussi sans prise en compte du
bénéfice et des charges de production de l'entreprise. Les entreprises versent par exemple
la Contribution Sociale de Solidarité des Entreprises, qui finance à hauteur de 5 milliards
102 Institut Montaigne, Une fiscalité au service de la « social-compétitivité » , ibid, page 66
103 IFRAP, 21 mesures pour 2012 , [en téléchargement], octobre 2011, [consulté le 20/06/2012], < www. ifrap .org/IMG/
pdf/ Ifrap2012 _BAT_19_10.pdf >, 20p, page 4
104 Institut Montaigne, Une fiscalité au service de la « social-compétitivité » , ibid, page 31
56
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
annuels le régime de retraite des indépendants. On citera également la taxe pour les frais
des chambres de commerce, la taxe sur les voitures d'entreprises, ainsi que toutes les taxes
sectorielles qui frappent le capital : taxe à l'essieu, taxe sur les abattoirs, taxe sur les débits
de boisson, etc.
Si certains de ces prélèvements sont déductibles de l'IS, les entreprises ne faisant pas
de bénéfices y sont quand même soumises et ne peuvent pas les déduire puisqu'elles ne
paient pas l'IS. Le système est donc pervers, et pénalise les jeunes entreprises et celles
connaissant des difficultés.
L'IS a rapporté 56 milliards en 2011, lorsque ces taxes ont rapporté 25 milliards pour
celles assises sur la masse salariale et 50 milliards pour celles assises sur les actifs fixes
(taxes sur le chiffre d'affaires, les actifs matériels et les taxes foncières). Il est incohérent de
taxer davantage les facteurs de production que les bénéfices. Encore une fois, ce constat
plaide en faveur d'une réforme de l'IS capable d'augmenter ses rendements et de favoriser
la création de richesse.
La suppression de ces taxes favoriserait tant la compétitivité coût que hors coût. La
suppression des taxes pesant sur la masse salariale permettrait de réduire le coût du travail
tandis que la suppression des taxes sur le capital et le chiffre d'affaires dégagerait des
ressources pour l'autofinancement de l'investissement.
Des modifications du système fiscal français pourraient donc favoriser l'investissement
des entreprises. Un accès facilité au financement de l'investissement est une condition
nécessaire au développement d'entreprises innovantes. La fiscalité peut aussi intervenir
directement au niveau de l'incitation à l'innovation.
B.2.2. Des dispositifs fiscaux d'incitation à l'innovation
a. Les faiblesses du système français d'innovation
L'innovation est un levier important de la croissance économique. Elle permet d'accroître
la productivité des facteurs par des processus de production plus efficaces, d'améliorer les
produits et services déjà existants et d'en faire émerger de nouveaux qui seront à l'origine
d'une nouvelle demande. De plus, les innovations (que ce soit des ressources matérielles
ou immatérielles) ne profitent pas uniquement à la firme qui en est l'origine, mais aussi à
d'autres firmes et individus qui vont eux-mêmes s'en servir et les améliorer. Les dépenses en
termes de Recherche et Développement préparent donc la croissance de demain. Si le pays
veut assurer sa croissance future, les entreprises doivent impérativement se positionner sur
des domaines de haute technologie requérant un effort d'innovation important.
Comparativement aux autres puissances mondiales, la France accuse un déficit
en termes de budget consacré à l'innovation. La stratégie de Lisbonne de l'Union
Européenne (visant à faire de l'économie européenne la première économie mondiale de la
connaissance) prévoit que tous les pays arrivent à un effort en Recherche et Développement
équivalent à 3 % du PIB d'ici à 2020. Certains pays de l'UE, dont la Finlande, la Suède
105
et le Danemark dépassaient déjà cet objectif en 2010 . Néanmoins, la plupart des pays
membres affichait des taux très inférieurs : France (2,3%), Belgique (2%), Pays-Bas, Irlande
et Royaume-Uni (1,7%), Italie (1,3).
105 EUROSTAT, Science, Technologie and Innovation in Europe [en téléchargement], Edition 2012, [consulté le 19/06/2012],
page 29, <http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/publication?p_product_code=KS-GN-12-001>
Billaudaz Marie-Line - 2012
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Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Le cas de la France n'est donc pas isolé. Néanmoins, la France se distingue par le
fait qu'en dépit d'être la cinquième puissance économique mondiale, elle ne se classe
qu'à la onzième place en termes de dépenses liées à l'innovation. L'Allemagne, quatrième
puissance mondiale, se classe quant à elle à la huitième place (2,8 % du PIB, un effort
équivalent à celui des USA).
Le système français d'innovation connaît plusieurs faiblesses.
Premièrement, la faible intensité en R&D (le ratio dépenses de R&D / Chiffre d'Affaires)
des petites et moyennes entreprises françaises. Ce ratio est pour les PME et les ETI
françaises deux fois inférieur à celui des entreprises étasuniennes. La R&D est concentrée
en France au sein des grandes entreprises. Cette concentration empêche le dynamisme
du tissu de PME et l'émergence de « petites »innovations industrielles et commerciales, au
profit de « grands » projets industriels, parfois moins compétitifs. L'histoire contemporaine
françaises est truffé de ces grands projets industriels qui se sont révélés être des échecs
commerciaux : le Concorde, le Rafale ou encore le Minitel. D'autres innovations comme le
TGV ou les centrales nucléaires ont néanmoins eu plus de succès.
Deuxièmement, le positionnement sectoriel des entreprises françaises réduit leur
capacité d'innovation. Les industries françaises sont en effet spécialisées sur les industries
de moyenne et de basse technologie, au faible potentiel d'innovation. Au contraire, les EtatsUnis, le Japon et l'Allemagne, qui ont accompagné la transition de leurs entreprises (petites,
moyennes et grandes) vers les hautes technologies, sont à l'origine de plus d'innovations,
le secteur étant plus porteur.
Enfin, le taux de renouvellement des entreprises est relativement faible en France
106
comparativement à d'autres pays de l'OCDE . Des travaux ont démontré qu'un taux
élevé de renouvellement des entreprises est un critère favorable à l'innovation. Ce
renouvellement, c'est-à-dire la naissance et la mort rapide des entreprises (sur l'exemple
de la Silicon Valley aux USA), permet de faire émerger quantité de nouveaux projets et
procédés. La forte concurrence entre les entreprises les incite également à accroître leur
budget consacré à la R&D.
La France semble pourtant être sur la bonne voie : les dépenses de R&D par rapport
au PIB ont augmenté de 0,2 point par rapport à 2008. La progression est faible, mais
intéressante à relever dans un contexte de crise. De plus, si cette hausse se poursuit au
même rythme au cours des prochaines années, la France aura atteint l'objectif de 3 % fixé
par la stratégie de Lisbonne avant 2020. Les incitations fiscales mises en place par l'Etat
via le Crédit Impôt Recherche expliquent certainement cette hausse.
D'autres initiatives fiscales pourraient inciter les entreprises à se tourner davantage vers
les secteurs émergents de l'économie et à renforcer la compétitivité hors coût de la France.
b. Les incitations fiscales à l'innovation
Pour favoriser l'innovation, le secteur public peut intervenir à plusieurs niveaux.
Premièrement, en aidant à la recherche fondamentale, via le financement des universités
et des laboratoires de recherche. Deuxièmement, en incitant les entreprises à se tourner
vers l'innovation. L'innovation est en effet un processus financièrement risqué pour la
firme. Malgré les études de marché, la firme ne peut jamais véritablement prévoir si les
ventes du nouveau produit seront suffisantes pour couvrir les frais liés à la R&D. De
plus, l'entreprise, notamment s'il s'agit d'une PME ou d'une start-up, n'est jamais certaine
106 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance , ibid page 57-58
58
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
de trouver les capitaux nécessaires à la phase d'amorçage, c'est-à-dire au passage du
prototype à l'activité économique. Les banques se montrent en effet frileuses quant au
soutien des produits innovants, sur lesquels aucun recul commercial n'existe.
Ces facteurs de risque ajouté au fait que l'innovation est la croissance de demain
justifient la mise en place de dispositifs fiscaux d'incitation à l'innovation. De plus, il semble
qu'offrir des crédits d'impôts soit moins coûteux qu’offrir des subventions « R&D tax
provisions are typically preferred to R&D discretionary grants as fewer public ressources
107
are needed » .
Le principal dispositif d'incitation fiscal à l'innovation en France est le Crédit Impôt
Recherche. Le CIR existe depuis 1983, mais a été réformé à denombreuses reprises, les
dernières fois en 2004 et 2008. Le régime actuel prévoit un crédit d'impôt équivalent à 30
% des dépenses de R&D jusqu'à 100 000 euros. Au-delà, le crédit d'impôt équivaut à 5 %
des sommes engagées. Ce dispositif semble avoir eu un impact positif sur la recherche des
entreprises. En effet, le CIR a représenté pour l'Etat une dépense fiscale de 1,7 milliard en
2007, contre 4,8 milliards en 2010. Ces chiffres sont à mettre en corrélation avec la hausse
de la part du PIB consacrée à la R&D entre 2008 et 2010.
Néanmoins, certains économistes plaident pour que le CIR soit recentré sur la haute
108
technologie . Le CIR vise en effet des secteurs parfois incongrus, tels que « les dépenses
liées à l’élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises du secteur textile109
habillement-cuir » . En d'autres termes, le CIR subventionne le secteur de l'habillement
de luxe. Même si ce secteur est important en terme d'exportations, on peut se demander si
ce secteur a véritablement besoin d'aides fiscales pour se maintenir.
Les chiffres d'Eusostat montrent que les indicateurs de brevets de la France sont
110
relativement faibles dans les hautes technologies
: en 2008, seulement 29 brevets
de haute technologie déposés par million d'habitants, contre 41 au Danemark, 37 en
Allemagne, 47 aux Pays-Bas, 78 en Suède et 42 au Japon. De même, seulement 5 % des
brevets français concernaient en 2007 les biotechnologies, contre 7 % aux Pays-Bas et 12
111
% au Danemark. Néanmoins, la France dépassait l'Allemagne, la Suède et le Finlande .
Le CIR pourrait donc être recentré sur les nouvelles technologies, sans pour autant
abandonner les autres domaines de la recherche. On pourrait notamment penser à
augmenter le crédit d'impôt pour les activités de haute technologie et le réduire pour les
autres.
D'autres types d'avantages fiscaux peuvent être envisagés.
Premièrement, on pourrait penser à un dispositif permettant d'appliquer un taux réduit
sur les revenus issus des dépenses de R&D. Les Pays-Bas appliquent un taux réduit d'IS sur
107 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance , ibid , page 72
108 M. AUJEAN et J-H LORENZI,
requis en terme d'innovation
Fiscalité et Croissance ,
ibid
, chapitre 2.c. «
La fiscalité est-elle adaptée à l'effort
»
109 MINISTERE DU REDRESSEMENT PRODUCTIF, Le Crédit Impôt Recherche , [en ligne], [consulté le 20/06/2012], <http://
www.industrie.gouv.fr/enjeux/innovation/credit-impot-recherche.php>
110 EUROSTAT,
European high-technology patents per million inhabitants , [en ligne], juin 2012, [consulté le 20/06/2012],
<http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/dataset?p_product_code=TSC0001>
111 EUROSTAT, Science, Technologie and Innovation in Europe, ibid, page 86
Billaudaz Marie-Line - 2012
59
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
les bénéfices provenant de la R&D développée par la firme (procédés, produits, matériels).
La Chine, la Corée du Sud et l'Inde offrent même une absence de taxation pour ces firmes.
Deuxièmement, une exemption ou un taux réduit d'imposition sur les royalties issues
de l'utilisation d'un procédé ou d'un produit inventé et breveté par le firme. Ce dispositif est
utilisé en Belgique, Suisse et en Corée du Sud.
Enfin, des dispositifs fiscaux pourraient être améliorés pour orienter l'épargne des
ménages vers les PME innovantes. « L'avantage Madelin » permet déjà aux ménages
de déduire de leur IRPP 25 % d'un apport de capital à une PME innovante (PME en
phase d'amorçage de moins de 50 salariés). Cette niche fiscale méconnue et utilisée
essentiellement par les hauts revenus mérite d'être popularisée auprès du grand public.
Une entreprise pourrait tout à fait faire appel à l'épargne d'une multitude de ménages aux
revenus moins élevés pour financer un projet innovant. Les banques pourraient jouer un rôle
de mise en relation des entreprises et des ménages désireux de participer à ce dispositif.
Encadré 3 : Les dispositifs non-fiscaux d'aide à l'innovation à l'étranger Ces
incitations fiscales pourraient être couplées avec d'autres dispositifs non
fiscaux existant à l'étranger. « Small Business Innovation Research » : ce
programme lancé par les USA en 1981 est doté chaque année de 2 milliards
de dollar. Les chercheurs reçoivent des subventions très élevées pour créer
des produits et services totalement nouveaux. Une fois l'innovation développée,
l'administration américaine pousse les chercheurs à créer leur propre entreprise
pour commercialiser l'innovation. Les subventions servent notamment à soutenir
les start-up dans la phase d'amorçage. 300 des entreprises qui ont été ainsi
accompagnées sont désormais côtées en Bourse et le programme sponsorise
actuellement 4000 entreprises. Ce modèle qui met l'accent sur la créativité des
chercheurs, sur leur rôle d'entrepreneur et sur la volonté de faire émerger des
PME innovantes a été imité par le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Les BusinessAngels : dotées de hauts revenus, ces personnes (cadres supérieurs, chefs
d'entreprises …) sont prêtes à investir leur épargne personnelle dans des projets
de start-up et à mettre leur réseau au service de la croissance de ces jeunes
entreprises. 550 000 Business-Angels officient actuellement aux USA, alors
qu'ils ne sont que 8000 en France. Certaines des plus grandes entreprises
étasuniennes doivent leur succès au soutien de ces investisseurs individuels :
c'est notamment le cas de Google qui a bénéficié d'une subvention de 100
000 dollars pour commencer ses activités. Les Business-Angels sont souvent
regroupés en association pour accroître leur force de frappe : chaque université
américaine dispose de son association d'anciens élèves Business Angels. Cette
organisation assure la proximité entre les chercheurs et les capitaux privés.
La mise en œuvre de ce programme de soutien fiscal aux entreprises innovantes
requerrait un effort budgétaire supplémentaire. Néanmoins, des ressources financières
peuvent être dégagées par la suppression des niches fiscales peu performantes, dans le
cadre de l'élargissement de l'assiette de l'IS. Il s'agirait donc d'un recentrage des avantages
fiscaux sur le financement de l'innovation.
L'adaptation de la fiscalité peut donc constituer un levier important pour la compétitivité
de la France et son attractivité. L'amélioration de la compétitivité coût et hors coût nécessite
une modification des prélèvements qui pèsent sur les entreprises (IS et cotisations sociales)
ainsi qu'un redéploiement des avantages fiscaux leur étant accordés. Néanmoins, si la
60
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
France doit accroître son attractivité, elle doit également veiller à ce que des recettes fiscales
ne lui échappent pas, en renforçant ses mécanismes de lutte contre la fraude fiscale.
Comme le soulignent les auteurs de l'ouvrage Stratégies Fiscales Internationales , les
États doivent désormais adopter une attitude qu'ils qualifient de «duale» : « La tâche des
administrations fiscales n'est pas aisée : d'un côté elles ont pour rôle de réprimer l'évasion
fiscale (…) ; dans le même temps, les États doivent maintenir l'attractivité souvent d'ordre
112
fiscal sur leur territoire pour accueillir les capitaux étrangers »
B.3 Lutter contre la fraude fiscale internationale
B.3.1 L'optimisation fiscale, entre légalité et illégalité
a. Les différentes stratégies d'optimisation fiscale
La stratégie fiscale internationale des sociétés multinationales peut se construire à plusieurs
niveaux. Le but est à chaque fois de trouver la meilleure combinaison permettant de réduire
au maximum le montant de l'impôt.
Premièrement, le choix de la structure du groupe. Les entreprises souhaitant
développer une activité dans un pays étranger ont le choix entre deux structures
d'installation dont les conséquences en matière fiscale sont différentes.
Tout d'abord la filiale, qui juridiquement possède une personnalité morale distincte de la
société mère. Ceci signifie que les filiales sont traitées indépendamment des sociétés mères
sur le plan fiscal et sont imposées en fonction des règles du pays où elles sont installées.
Autre conséquence, les pertes enregistrées par la filiale ne sont pas déductibles des impôts
de la société mère et la remontée de bénéfices à la société mère ne peut avoir lieu que sous
forme de dividendes, calculés après impôt.
Autre option d'installation à l'étranger, l'établissement, qui n'est pas une entité juridique
distincte, mais le prolongement de la société mère, sans personnalité juridique propre. Si
l'Etat impose sur une base territoriale (prise en compte des résultats et pertes réalisés dans
le pays uniquement), comme la France par exemple, la société mère ne peut pas prendre
en compte les résultats et pertes de l'établissement dans le calcul de son propre impôt. Si
en revanche l'établissement est installé dans un État qui impose sur une base mondiale
(prise en compte de tous les revenus du groupe empochés au niveau mondial), les résultats
et pertes de cet établissement sont additionnés à ceux de la société mère.
La plupart des États imposant sur une base mondiale, il peut être très intéressant pour
une société mère situé dans un Etat imposant fortement les bénéfices de pouvoir déduire
les pertes de ces établissements pour réduire son impôt. Néanmoins, si les établissements
font des bénéfices, cette configuration peut renchérir la taxation de la société.
Cette dichotomie fiscale entre filiales et établissements peut être dépassée par un autre
mécanisme d'optimisation : la consolidation fiscale. Certains États permettent aux sociétés
de faire la somme de leurs résultats et de leurs pertes au niveau mondial sans distinction
des entités juridiques.
L'Allemagne prévoit un régime fiscal de consolidation : l'Organschaft. La société mère
allemande peut consolider les résultats de toutes ses filiales à condition qu'elles soient
situées en Allemagne. Ce régime n'est donc pas destiné aux sociétés multinationales.
112 P. RASSAT, T.LAMORLETTE, T.CAMELLI, Stratégies Fiscales Internationales , Maxima : Paris, 2010, 358p. Page 167
Billaudaz Marie-Line - 2012
61
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Les USA permettent eux une consolidation internationale à condition que les filiales soient
détenues à au moins 80 % par la société mère étasunienne. En France, le mécanisme de
consolidation de« l'intégration fiscale » est très restrictif, puisque la filiale doit être détenue
à 95 % par la société mère et être située en France.
La Commission européenne travaille depuis plusieurs années sur un régime de
consolidation au niveau européen pour éviter les entraves au commerce communautaire.
C'est un des impôts européens en projet. (Cf. III).
Dernier mécanisme d'optimisation, les prix de transfert, « On désigne par prix de
transfert les prix retenus pour les transactions entre sociétés apparentées, résidentes
113
d'Etats différents » . Ces échanges de biens et de services entre sociétés d'une même
groupe (filiale-filiale; société mère filiale etc.), également appelés « commerce intragroupe », représentent 60 % du commerce mondial.
Ces transactions peuvent être l'occasion pour les entreprises de se livrer à une fraude
fiscale. Une entreprise A située dans un état à forte taxation peut être tentée de limiter ses
bénéfices en ne vendant pas directement sa production, mais en la transférant à une entité
B du même groupe. Pour effectuer ce transfert de bénéfices,
A va vendre à B ses biens à un prix fortement minoré. Le bénéfice qu'elle va tirer de
cette vente sera minime, voire nul, ce qui lui permettra de limiter le montant de son bénéfice
imposable. B, située dans un État à faible taxation, va lui revendre les biens à un prix de
marché normal. Son bénéfice peut être très haut puisqu'il est peu imposé. Ce n'est que
récemment, depuis les années 80, que cette pratique a été définie comme une fraude.
Les sociétés multinationales disposent donc de nombreuses ressources, plus ou moins
légales, pour réduire leur imposition en construisant une stratégie fiscale adaptée à leurs
implantations, capable de mettre à profit leurs localisations dans des États taxant faiblement
les bénéfices. La frontière entre optimisationfiscale et fraude est très mince, ce qui rend sa
détection complexe.
b. Sociétés écrans, paradis fiscaux et prix de transferts
Les manipulations des prix de transfert et les sociétés écrans situées dans les paradis
fiscaux constituent les deux sources principales de fraude fiscale internationale. De plus,
ces deux mécanismes frauduleux sont intimement liés.
Concernant les prix de transfert, un des montages les plus typiques consiste à faire
transiter les marchandises -du moins la transaction intra-groupe- par un paradis fiscal. La
société située dans le paradis fiscal achète des marchandises très peu cher àla filiale située
dans un pays à la taxation classique, pour les revendre au prix de marché à une entité
extérieure au groupe. Les bénéfices sont donc enregistrés par la société située dans le
paradis fiscal. On comprend mieux pourquoi 50 % du commerce international transitent par
les paradis fiscaux. Cette fraude appelée fraude à la société de refacturation consiste une
délocalisation des bases imposables.
Un mécanisme semblable, la fraude à la plateforme d'exploitation, s'est énormément
développé dans les pays en développement, notamment en Afrique dans le secteur de
l'exploitation des ressources naturelles (pétrole, cuivre, etc.). Des filiales situées dans des
paradis fiscaux proches (notamment l'île Maurice) achètent à prix dérisoires les productions
africaines pour les revendre parfois x fois plus cher sur le marché international. Ces
bénéfices ne sont pas taxés et ne profitent donc pas aux populations locales. Ces fraudes
113 P. RASSAT, T.LAMORLETTE, T.CAMELLI, Stratégies Fiscales Internationales , ibid , page 129
62
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
sont absolument dramatiques pour ces pays, qui voient les mannes d'argent liées à
l'exploitation des ressources naturelles échapper à toute taxation. Dans le même temps, ces
pays sont ceux dont les populations souffrent le plus du manque d'infrastructures publiques.
Ces fraudes aux prix de transfert sont intimement liées à l'existence des paradis fiscaux.
Sans l'existence de la règle du secret bancaire et sans la possibilité de créer des sociétés
off-shore dans ces territoires, lutter contre la fraude aux prix de transferts se limiterait à une
coopération administrative efficace entre les États.
Dans les paradis fiscaux, il est possible de créer des sociétés off-shore (sociétés dont
l'activité commerciale ou industrielle n'est pas située sur le territoire) qui jouent le rôle de
société écran. Ces sociétés se limitent à un compte en banque couvert par le secret bancaire
et une boîte postale. Dans la plupart des paradis fiscaux, des sociétés « vendent » des
sociétés écrans « clé en main », dotées d'un nom, d'une adresse, d'un compte en banque
et d'un représentant national. Une heure suffit à la création d'une telle société écran, par
laquelle pourront transiter en toute discrétion les transactions liées à la manipulation des
prix de transfert. Ces sociétés écrans peuvent aussi servir à abriter les revenus d'activités
illégales (ventes au marché noir, activités criminelles etc.).
Si les exemples présentés sont les cas de fraude les plus courants, l'imagination des
fraudeurs est sans borne, et les fraudes ne cessent de se diversifier et de se complexifier.
Malgré les dégâts causés par l'existence des paradis fiscaux, que ce soit au niveau du
développement des pays les plus pauvres, ou au niveau de la criminalité et du terrorisme,
les armes à la disposition des administrations fiscales paraissent bien faibles. Comme le
souligne Vincent Drezet du SNUI «Les moyens de frauder s’accroissent tandis que la lutte
contre la fraude demeure nationale et peu évolutive. C’est ce risque de décrochage qui
114
constitue le principal défi [de la lutte contre la fraude] »
B.3.2 L'adaptation progressive des systèmes de contrôle fiscal
a. Les progrès insuffisants faits dans la réglementation des prix de
transferts
L'OCDE a commencé son travail pour lutter contre les manipulations de prix de transferts à
la fin des années 70. En 1995, l'organisation a publié un rapport détaillant ses préconisations
pour la fixation des prix de transfert entre sociétés appartenant à un même groupe.
Comprenant que les prix de transfert menaçaient l'assiette de l'IS, 30 des États de l'OCDE
ont adopté ces règles.
Elles reposent sur le principe de « pleine concurrence ». Cela signifie que le prix
pratiqué entre deux sociétés d'un même groupe doit correspondre au prix de marché. Le prix
ne doit être ni sur, ni sous-évalué, et les sociétés doivent agir comme si elles n'étaient pas
partenaires. L'organisation a de plus défini des méthodes permettant aux sociétés de fixer
des prix de transferts acceptables et des méthodes permettant aux administrations fiscales
de comparer les transactions intra-groupe avec les opérations de marché. D'autre part, des
procédures permettant aux entreprises de justifier des prix pratiqués ont été mises en place.
En 2002 l'Union Européenne s'est saisie du problème en créant le Forum Conjoint sur
les Prix de Transfert (FCPT). Il est basé sur les principes de l'OCDE en matière de prix
114 V. DREZET,
Fraude Fiscale, une lutte sans moyens , Politis, [en ligne], 12 juin 2008, [consulté le 21/06/2012], <http://
www.politis.fr/Fraude-fiscale-une-lutte-sans,3950.html>
Billaudaz Marie-Line - 2012
63
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
de transfert et s'assure du respect du principe de pleine concurrencedes transactions intragroupe.
Néanmoins, cet encadrement normatif pâtit d’un manque de moyens humains pour
procéder à des vérifications. Comme le souligne l'ONG Transparency International,
surveiller les prix de transfert revient bien souvent à chercher une aiguille dans une botte de
foin. Par exemple, la société fraudeuse peut pratiquer des prix légaux sur une partie de sa
production et ne manipuler les prix que sur une infime partie des marchandises vendues.
Le fisc américain a par exemple découvert qu'une imprimante avait été facturée 179 000
115
dollars par une filiale colombienne à sa société mère étasunienne .
En France, la lutte contre la fraude au prix de transfert a rapporté en moyenne 1,9
116
milliards de pénalités chaque année entre 2008 et 2011 . Pourtant, la Cour des Comptes
a souligné dans son dernier rapport annuel les faiblesses du système français de contrôle
117
des grandes entreprises . Ces contrôles sont effectués par les 480 agents de la Direction
des Vérifications Nationales et Internationales, une direction spécialisée sur le contrôle des
entreprises possédant des filiales ou établissements à l'étranger. Le nombre d'agents dédié
au contrôle paraît faible quand on connaît le nombre d'entreprises françaises concernées
par les transactions intra-groupe : 94 409 en 2010. De plus, la Cour des Comptes souligne
le fait que la majorité de ces entreprises utilisent des stratégies d'optimisation fiscale
pouvant masquer de la fraude, ce qui complexifie le travail des agents. Les agents se
heurtent également à la coopération difficile avec certaines administrations étrangères. La
Cour des Comptes a également critiqué le fait que ces opérations soient laissées à de
jeunes vérificateurs sans expérience, alors qu'il faut 3 ans à un agent pour être pleinement
opérationnel. La Cour préconise de limiter le turn-over dans cette direction, en y fixant des
agents expérimentés, capables de déjouer les mécanismes frauduleux mis en place par les
experts fiscaux des sociétés multinationales. Enfin, elle souligne que le contrôle des prix de
transferts est insuffisant, les mêmes agents étant également chargés de veiller au contrôle
de l'IS et de la TVA.
Le contrôle fiscal des grandes entreprises est donc grandement perfectible. Cette
amélioration est d'autant plus nécessaire dans le contexte de tension des finances publiques
actuel et alors que les contribuables vont certainement connaître des hausses d'impôts dans
les prochains mois.
Puisque l'élimination des paradis fiscaux semble être un vœu pieux, renforcer le
contrôle fiscal apparaît comme le seul moyen capable de lutter contre la manipulation des
prix de transfert. On peut néanmoins souligner que des améliorations au système français
de lutte contre la fraude internationale ont été apportées depuis quelques années.
b. Les améliorations apportées au niveau national
Depuis 2009, des avancées majeures ont été accomplies par l'administration fiscale
française pour s'adapter à une fraude de plus en plus complexe et internationalisée.
115 TRANSPARENCY INTERNATIONAL, Impossible développement : les paradis fiscaux responsables , [en téléchargement],
[consulté le 21/06/2012], 5p, pages 4-5, <http://www.transparence-france.org/ewb_pages/div/Crise-financiere-et-paradis-fiscaux-etjudiciaires.php>
116
Ministère du Budget,
Dossier de Presse sur la Fraude Fiscale , [en téléchargement], Novembre 2011, [consulté le
21/06/2012], 43p, page 4, <http://www.budget.gouv.fr/dnlf/controle-fiscal-et-lutte-contre-fraude-bilan-2010-et-nouvelles-mesures>
117 Cour des Comptes,
Le pilotage national du contrôle fiscal , [en téléchargement], février 2012, [consulté le 21/06/2012],
37p, <http://www.ccomptes.fr/index.php/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2012>
64
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
La première étape de cette évolution fut la mise en place en 2009 d'une nouvelle
procédure judiciaire d'enquête fiscale. Cette procédure permet à l'administration de déposer
une plainte AVANT que tout délit fiscal n'ait été constaté, c'est à dire en cas de
présomption de fraude. Cette procédure permet de commencer une enquête sans attendre
la constatation d'une fraude. En effet, des signes avant-coureurs peuvent laisser présumer
de la mise en place d'une fraude : mouvements de fonds internationaux, mouvements
répétés d'argent entre des sociétés apparemment sans liens, etc. Dans le cadre de
cette procédure, la personne physique ou morale visée par l'enquête n'est pas prévenue
qu'une plainte a été déposée à son encontre. Ceci permet aux enquêteurs d'agir en toute
discrétion, notamment par des écoutes téléphoniques. Cette nouvelle procédure répond à
une faiblesse de l'ancien système : le fait de ne pouvoir ouvrir une enquête qu'une fois la
fraude constatée. Entre le moment de la fraude et celui de sa constatation, de nombreuses
preuves pouvaient avoir été détruites, rendant très difficile la condamnation des personnes
impliquées.
Bien évidemment, ces procédures sont rarissimes et ne concernent que les fraudes
les plus graves, notamment celles en lien avec le recours à des comptes situés dans les
paradis fiscaux et / ou en lien avec le financement d'activités illégales.
Deuxième nouveauté, la création de la police fiscale en 2010 : la Brigade Nationale de
Répression de la Délinquance Fiscale (BNRDF). Rattachée au Ministère de l'intérieur, cette
brigade est composée d'une vingtaine d'agents, pour partie des inspecteurs des finances
publiques ayant reçu une formation de policier, pour autre partie d'officiers de police ayant
reçu une formation spéciale en fiscalité. Cette Brigade a d'abord été créée dans l'objectif
de vérifier les situations des contribuables apparaissant sur la liste HSBC. En 2009, un
ancien informaticien de la banque suisse avait remis aux autorités françaises une liste
de 3000 comptes non-déclarés détenus par des français. Les contribuables sont en effet
dans l'obligation de déclarer tous leurs comptes détenus à l'étranger. La brigade s'occupe
désormais d'enquêter sur les fraudes les plus complexes (fraude carrousel, paradis fiscaux
118
etc.), dont l'enjeu financier est souvent très important .
Bien qu'existent depuis maintenant plusieurs décennies les Brigades Financières de
la Police Judiciaire, ces brigades n'avaient pas pour objectif de mettre à jour des fraudes
fiscales, même si elles en découvraient parfois au cours de leurs enquêtes. La nouvelle
Brigade complète donc les Brigades Financières, en ayant une spécialisation sur la fraude
fiscale.
D'autres améliorations ont été apportées en ce qui concerne la détection de la fraude.
Depuis août 2010 les banques ont l'obligation de signaler à l'administration fiscale tout
virement vers un ETNC (Etat ou Territoire Non Coopératif). En 2011 plus de 40 000 virements
ont été répertoriés et ont donné lieu à une enquête. Néanmoins, ce dispositif pourrait être
amélioré avec une véritable liste des ETNC.
D'autre part le fichier « EVAFISC » a été créé en 2009 pour recenser toutes les
personnes physiques et morales sur lesquelles pèsent des soupçons de fraude de grande
ampleur. Il contient désormais plus de 94 000 entrées qui centralisent les données bancaires
et fiscales sur les personnes « à risque » et facilitent le travail des enquêteurs.
Enfin, les sanctions ont été durcies à l'encontre des fraudeurs. La fraude fiscale
aggravée est désormais punie de 7 ans de prison maximum et d'un million d’euros
d'amende, contre 5 ans de prison et 375 000 euros d'amende auparavant. Autre avancée
118 S. ROQUELLE, G. DE MONTALEMBERT, La brigade qui traque les super-fraudeurs , Le Figaro Magazine, 13/04/2012,
pages 42-44
Billaudaz Marie-Line - 2012
65
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
importante, la possibilité de poursuivre pour complicité les avocats, notaires, fiscalistes...
qui auraient participé à la mise sur pied de la fraude. Ils risquent désormais des amendes,
des peines d'emprisonnement et une radiation de leur corps professionnel.
c. Des propositions d'amélioration du système de contrôle fiscal français
Malgré les améliorations apportées tant du point de vue de la détection, de l'enquête, que
des sanctions, le bilan de la modernisation du contrôle fiscal est mitigé. Au vu de l'ampleur
de la fraude, on peut véritablement se demander si la création d'une brigade de vingt
personnes est suffisante pour décourager les fraudeurs. En effet, sur 58 dossiers ouverts
par le BNRDF depuis 2010, seulement 6 avaient été bouclés en avril 2012. Pour pallier cette
complexification du travail de contrôle, le syndicat SNUI propose d'augmenter les effectifs
de la Direction Générale des Finances Publiques. Selon le syndicat « Les emplois de la
DGFiP sont budgétairement rentables : ainsi, chaque agent travaillant dans la sphère du
contrôle fiscal dégage en moyenne un montant annuel de « redressement fiscal » de 1,3
119
million d’euros » .
La Cour des Comptes a également proposé plusieurs axes d'amélioration du contrôle
120
fiscal dans son rapport annuel 2012 . Parmi ces propositions, la Cour proposait de créer
une unité de veille stratégique sur la fraude internationale, de recentrer le management
local sur la qualité plutôt que sur la quantité du contrôle, ainsi que le développement d'une
gestion plus dynamique des ressources humaines (fidélisation, diversification des profils
d'encadrement, etc.).
Enfin, si les sanctions financières ont été récemment aggravées, d'autres types de
sanction peuvent être imaginés pour renforcer la force du droit et dissuader les fraudeurs,
notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises.
Premièrement, on pourrait imaginer une levée du secret fiscal pour les fraudes
aggravées, notamment la dissimulation de bénéfices dans les paradis fiscaux. Si des
affaires de redressement fiscal « fuitent » parfois dans la presse, l'administration n'a pas
le droit de divulguer le nom des fraudeurs au nom du droit à la vie privée et du secret
des affaires. Or, la réputation étant désormais un élément très important du marketing
des entreprises, nul doute que cette mesure aurait pour effet de dissuader les fraudeurs.
Les consommateurs seraient certainement très intéressés par ce type d'information à un
moment où la rigueur budgétaire risque de les frapper.
Deuxièmement, les entreprises confondues pour fraude fiscale, quelles que soient
sa nature et sa gravité, pourraient figurer sur une « liste noire » pendant x années, les
empêchant de participer aux marchés publics ou aux partenariats public-privé.
Ces propositions pourraient tout à fait s'intégrer à une réflexion sur une Révision
Générale des Prélèvements Obligatoires en France. Durcir les sanctions contre les tricheurs
pourrait renforcer à la fois l'efficacité de l'impôt en termes de rendements, de régulation
économique, et participerait à une meilleure acceptation de l'impôt, notamment dans le
cas d'une augmentation du taux de prélèvements obligatoires. De plus, cette stratégie est
complémentaire d'une politique fiscale favorable à l'offre. Elle permet de s'assurer que les
avantages fiscaux accordés aux entreprises ne se traduisent pas par une augmentation de
119
SNUI,
Lutter contre les paradis fiscaux et la fraude, vraiment ?
[en ligne], avril 2012, [consulté le 22/06/2012] <http://
snuisudtresor.fr/blogfiscal/index.php?post/2012/04/14/Lutter-contre-les-paradis-fiscaux-et-la-fraude-fiscale%2C-vraiment
120 Cour des Comptes, Le pilotage national du contrôle fiscal , ibid, page 256-257
66
Billaudaz Marie-Line - 2012
>
Chapitre 2 : Une réforme de la fiscalité comme source de croissance
la fraude, mais qu'ils incitent au contraire les firmes à adopter des comportements conformes
à la loi.
***
Dans l'hypothèse de la mise en œuvre d'une politique fiscale favorable à l'offre, il
convient maintenant de s'intéresser à ses effets économiques et sociaux sur les autres
acteurs économiques, notamment les ménages. Il sera en effet complexe de favoriser dans
le même temps efficacité économique et équité.
Billaudaz Marie-Line - 2012
67
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité
économique et de l'équité ; gestion de
l'intégration fiscale européenne : les
prochains défis fiscaux
Une politique fiscale axée sur la compétitivité et l'attractivité du territoire n'a jamais été
développée en France. Mettre en place cette politique reviendrait, ni plus ni moins, à
participer à la course à la concurrence fiscale européenne, jeu auquel le pays s'est toujours
refusé de participer. Ce serait reconnaître que notre modèle fiscal ne peut être construit en
ignorant les régimes fiscaux de nos voisins. Si une telle politique paraît au premier abord
vouée à remettre en cause le compromis fiscal en faveur des entreprises, elle pourrait tout
aussi bien concilier équité et compétitivité (A).
De plus, s'interroger sur une réforme fiscale urgente pour restaurer la croissance et la
stabilité des comptes publics peut être l'occasion de se pencher sur une stratégie fiscale
de plus long terme. Cette stratégie, s'inscrivant dans le cadre de l'Union Européenne,
consisterait à substituer une politique fiscale européenne à la concurrence fiscale que se
livrent actuellement les États (B).
A. Les conséquences économiques et sociales d'une
politique fiscale de la compétitivité
Pour la France, la politique fiscale de la compétitivité reviendrait à augmenter la pression
fiscale sur les bases captives, en d'autres termes sur les consommateurs, travailleurs et
propriétaires (A.1). Même si des recettes fiscales supplémentaires peuvent être attendues
d'une amélioration du rendement de l'IS et de l'IRPP, ainsi que de la suppression de
certaines niches fiscales, la réforme fiscale de la compétitivité comprendrait une hausse
de la TVA, voire même des cotisations sociales salariées dans le but de réduire le coût du
travail. De plus, de nouvelles niches de soutien à l'innovation et à l'investissement verraient
le jour, sans qu'on puisse affirmer la possibilité de faire comptablement coïncider le montant
issu de la suppression des niches inefficaces avec celui de la création de nouvelles niches.
Cette politique, bien que séduisante dans une optique de relance de la croissance,
s'inscrit en réalité dans un mouvement mondial de convergence des politiques fiscales dont
les effets économiques sont incertains (A.1.1). Au final, une telle politique de l'offre est
difficilement conciliable en l'état avec une politique fiscale se donnant aussi pour objectif la
justice sociale (A.1.2).
Néanmoins, il suffirait d'enrichir la réforme fiscale de nouveaux éléments pour faire
coïncider les deux objectifs (A.2). L'Institut Montaigne a proposé une telle synthèse
68
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
fiscale, appelée « réforme de la sociale compétitivité » (A.2.1). D'autres pistes peuvent
être également envisagées, comme le développement de la Responsabilité Sociale des
Entreprises (RSE) via la notation fiscale ou la contractualisation entre l'Etat et les entreprises
dans le cadre de la réforme fiscale (A.2.2)
A.1. La hausse de la pression fiscale sur les bases non mobiles et ses
conséquences
A.1.1 Un mouvement mondial de hausse de la taxation des bases non
mobiles
a. Un « formatage » mondial des politiques fiscales ?
Depuis la seconde guerre mondiale, on a assisté en France et dans d'autres pays
occidentaux à deux tendances fiscales successives. Après la guerre, on a vu la continuation
du mouvement de hausse des prélèvements obligatoires impulsé au début du XXème siècle.
Ces prélèvements sont venus financer l'intervention accrue de l'Etat dans la régulation
sociale et économique : entreprises publiques, services publics, investissement, protection
sociale. A partir du ralentissement de la croissance dès la fin des années 70, le consensus
fiscal des trente glorieuses, caractérisé par des impôts aux taux élevés, a été attaqué.
121
Nicolas Delalande parle d'une « crise de l'impôt »
: alors que le poids des cotisations
sociales augmente pour faire face à la crise, l'Etat providence ne parvient pas à endiguer le
chômage de masse qui apparaît à cette époque. Parallèlement, des déficits budgétaires et
des niveaux élevés de dette apparaissent sans que la hausse de prélèvements obligatoires
ne parvienne à inverser la tendance.
La théorie économique du monétarisme, qui apparaît comme une réponse à la crise
du keynésianisme, tente d'apporter une réponse à ces problèmes budgétaires. Elle prône
notamment une modération du taux de prélèvements obligatoires, basé sur la modélisation
économique de la « courbe de Laffer ». En 1978, Arthur Laffer présente sa théorie sur la
relation entre hausse de l'imposition et hausse des recettes fiscales de l'Etat. Selon lui, la
relation est positive jusqu'à un certain point : à partir d'un certain niveau de taxation, les
recettes fiscales cessent d'augmenter et diminuent, les acteurs économiques étant incités
à réduire leur travail, à frauder ou à s'installer à l'étranger dans le but de réduire leur impôt.
Il existerait donc un niveau maximum de taxation, point au-delà duquel la pression fiscale
deviendrait insupportable et injuste aux yeux des agents économiques.
Cette courbe de Laffer est le point de départ d'un nouveau paradigme fiscal. Selon
C. Heckly, on passe de politiques fiscales caractérisées par de forts taux de prélèvements
122
obligatoires à des politiques dont les taux tendent à la modération . Ces politiques
présentent toutes trois caractéristiques communes, faisant parler à certains auteurs de
123
«formatage» des politiques fiscales.
Première caractéristique de ces politiques, un objectif de baisse de la pression fiscale.
Néanmoins, l'augmentation des dépenses de sécurité sociale n'a pas permis à la plupart
121 N. DELALANDE, Les batailles de l'impô t, ibid , page 294
122 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , ibid, chapitre 2
123 ATTAC, Vive les impôts , Paris : Milles et Unes Nuits, 2005, 214p, page 153
Billaudaz Marie-Line - 2012
69
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
des États de remplir cet objectif. Certains pays, comme le Japon et les USA, sont tout de
même parvenus à stabiliser leur taux de prélèvements obligatoires.
Deuxième caractéristique, la recherche d'une plus grande neutralité de l'impôt. Il ne
doit pas être un instrument de régulation économique entre les mains de l'Etat cherchant à
favoriser telle ou telle activité économique. Pour ne pas fausser le marché, l'impôt devrait
être le plus neutre possible, c'est à dire ne pas modifier le comportement des acteurs
économiques. C'est dans ce cadre que la TVA s'est énormément développée à travers le
monde, adoptée désormais par plus d'une cinquantaine d'États.
Enfin, ces nouvelles politiques fiscales ont pour dernière caractéristique une baisse du
taux de la plupart des impôts, notamment de l'IS et de l'IRPP. Ces deux impôts ne sont pas
considérés comme suffisamment neutres, et leurs taux élevés décourageraient les acteurs
économiques à travailler et à investir.
Ces réformes ont été justifiées par deux arguments. Premièrement, la volonté
d'augmenter les recettes de l'Etat, en favorisant le consentement à l'impôt ; deuxièmement,
favoriser la croissance par la baisse des prélèvements obligatoires, qui permettrait de
dynamiser l'investissement et la consommation. Ces principes ont été repris par de
nombreux pays, mais aussi par des organisations internationales, qui les promeuvent
comme des « bonnes recettes » de gestion publique. Les propositions de 2008 de
l'OCDE concernant une réforme fiscale capable de favoriser la croissance sont directement
124
inspirées de cette philosophie monétariste .
Si la France n'a pas réussi à limiter la hausse de son taux de prélèvements obligatoires,
les impôts dits « neutres » ont pris de plus en plus de place dans les recettes de l'Etat (TVA,
droits d'accises, CSG, CRDS) alors que le taux de l'IS et de l'IRPP n'a cessé de reculer.
Le taux d'IS est passé progressivement de 50 % en 1985 à 33 % en 2012 et l'IRPP a vu le
nombre de ses tranches diminuer, de même que son taux marginal maximum. La politique
fiscale française présente donc certains aspects monétaristes.
Avec l'accélération de la mondialisation, cette philosophie fiscale s'est enrichie d'autres
données. Dans le cadre de la mobilité du capital et de la concurrence entre les États,
la pression fiscale sur les bases « mobiles » (ménages à haut revenu et capital) s'est
allégée, dans le même temps que les bases « non mobiles » (ménages au revenu médian,
travail, consommation et propriété foncière) ont vu la pression fiscale s'accroître. Offrir
des conditions fiscales attractives aux entreprises semble être devenu indispensable. Le
manque à gagner pour les caisses de l'Etat est compensé par une hausse de la taxation des
bases non mobiles. C. Heckly parle de « convergence vers des taux élevés de TVA et de
125
cotisations sociales » pour qualifier cette évolution défavorable aux bases non mobiles.
La réforme proposée ci-dessus est directement inspirée du paradigme monétariste,
même si l'idée d'introduire des niches fiscales favorables à l'investissement et à l'innovation
est contraire à ce courant d'analyse. Il s'agirait avec cette réforme de stimuler la croissance
et de consolider les recettes fiscales, comme le prône le paradigme fiscal monétariste.
Néanmoins, les effets supposés positifs de cette politique de l'impôt peuvent être discutés.
b. Des effets sur la croissance et la hausse des recettes fiscales discutés
Les économistes et décideurs publics sont partagés quant aux effets d’une politique fiscale
basée sur la théorie de la courbe de Laffer. Plusieurs d'entre eux soulignent le peu de
124 OCDE, Taxation and Economic Growth, ibid
125 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , ibid, page 73
70
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
fondements théoriques de la modélisation : « la courbe de Laffer a donné lieu à plusieurs
126
tentatives de vérifications empiriques dont beaucoup se sont révélées négatives » . Selon
le même auteur, le raisonnement de Laffer aurait été élargi de manière abusive, faisant
conclure hâtivement que tout accroissement de la pression fiscale aurait pour effet de
freiner la croissance. Pour Sophie Baziadoli, il n'y aurait pas de corrélation entre baisse
127
des prélèvements et accroissement du dynamisme économique . Certains économistes
vont même jusqu'à parler de « croyance » : « La relation entre ces variables [taux de
prélèvements obligatoires et taux de croissance du PIB] relève plus d'une croyance que
128
d'une vérification empirique »
Selon une économiste de la Brookings Institution aux Etats-Unis, il n'y aurait pas non
plus de corrélation entre taux de taxation du capital élevé et évolution à la baisse du PIB
129
aux USA entre 1950 et 2011 .
On trouve effectivement des contre-exemples à la théorie de Laffer. Premièrement,
des pays peuvent connaître simultanément un haut niveau de prélèvements obligatoires
et un fort dynamisme économique (les pays scandinaves par exemple), laissant à penser
à une synergie des dépenses publiques et privés favorisant la croissance. Néanmoins,
cette relation n'est pas mécanique : la Suisse et les USA, qui présentent un PIB / habitant
supérieur à 30 000 dollars, ont des taux de prélèvements obligatoires avoisinant 30 %, ce
qui est extrêmement faible pour des pays industrialisés.
Deuxièmement, d'autres pays peuvent cumuler niveaux de prélèvements très faibles
et faible activité économique (les pays d'Afrique sub-saharienne, par exemple, où le niveau
des prélèvements oscille entre 15 et 20%).
Concernant la hausse des recettes fiscales, les défenseurs de la courbe de Laffer,
dont Arthur Laffer lui-même, soulignent les vertus d'une modération du taux d'imposition.
A. Laffer cite notamment l'exemple des baisses d'impôts sous J. Kennedy, qui ont permis
130
au gouvernement fédéral d'augmenter très rapidement les recettes fiscales . Le même
phénomène s'est reproduit sous la présidence de R. Reagan. Laffer impute également aux
baisses d'impôts le progressif redressement de l'économie américaine dans les années 80
(baisse du taux de chômage, stabilisation de l'inflation, diminution des taux d'intérêt...). De
même, un ancien ministre néo-zélandais relate dans un article comment les recettes fiscales
131
ont augmenté après une baisse des impôts et une simplification du système fiscal .
En conclusion, la mise en œuvre d'une réforme fiscale qui allégerait la charge fiscale
des entreprises conduirait paradoxalement à une hausse des recettes fiscales issues des
entreprises. L'effet sur la croissance semble lui plus discuté. Les exemples contradictoires
des pays scandinaves et des USA montrent que les relations entre taux de prélèvements
126 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , ibid, page 38
127 S. BAZIADOLY, Systèmes Fiscaux Comparés , ibid , page 39
128 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance , ibid page 45
129 L. BURMAN, No Obvious Relationship between Capital Gains Tax Rates and Economic Growth , [en ligne], mars 2012,
[consulté le 26/06/2012], <http://taxvox.taxpolicycenter.org/2012/03/19/no-obvious-relationship-between-capital-gains-tax-rates-andeconomic-growth/>
130
A. LAFFER,
The Laffer Curve : Past, Present and Future , [en ligne], juin 2004, [consulté le 25/06/2012], <http://
www.heritage.org/research/reports/2004/06/the-laffer-curve-past-present-and-future>
131
M.P MACTIGUE,
Réduire l'Etat à ses justes proportions , [en ligne], juillet 2011, [consulté le 25/06/2012] <http://
www.contrepoints.org/2011/07/06/33825-reduire-letat-a-ses-justes-proportions-la-nouvelle-zelande>
Billaudaz Marie-Line - 2012
71
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
obligatoires et croissance du PIB ne vont pas que dans un sens. Les effets sur la croissance
d'une telle réforme fiscale relèveraient donc du pari politique. Tout dépendrait en effet du
comportement des entreprises face à la réforme.
c. Un effet incertain de la politique fiscale sur l'investissement
La politique fiscale de compétitivité proposée ci-dessus aurait un impact positif sur la
croissance à condition que les entreprises décident de jouer le jeu, c'est- à-dire de profiter
des baisses et des déductions d'impôts pour investir, créer des emplois et développer de
nouvelles activités. C'est l'effet escompté, mais rien ne peut présager du comportement des
entreprises. Comme nous l'avons vu avec l'exemple de l'Allemagne, la baisse d'imposition
pourrait tout aussi bien permettre aux firmes d'augmenter leurs marges ou la rémunération
des actionnaires, sans que le profit supplémentaire dégagé par la baisse d'impôt ne serve
à accroître les investissements.
Selon l'économiste britannique S. Tilford, la baisse de taxation des entreprises depuis
20 ans en Europe n'a pas permis de relancer l'investissement alors que les profits
augmentaient. Il insiste également sur le fait que le revers de lamédaille de telles
132
politiques fiscales a été une stagnation du revenu des ménages et donc de la demande .
Toujours selon S. Tilford, l'investissement en Europe est à son plus bas niveau depuis
1950. En France, cette tendance se confirme, puisque le taux d'investissement recule
133
tendanciellement depuis 1949 .
A la source de ce paradoxe, l'économiste identifie deux phénomènes. Premièrement, le
«deleveraging » des firmes, c'est-à-dire le fait que les profits ontt été utilisés pour réduire la
dette des entreprises. Deuxième phénomène -et le plus important- : le fait que les dirigeants
des grandes entreprises soient rémunérés en fonction des résultats immédiats de la firme.
Ils n'ont donc aucun intérêt à se servir des bénéfices pour investir, puisque cela aurait
tendance à limiter leur rémunération. Pourtant, l'UE a besoin de l'investissement privé pour
faire redémarrer la machine économique.
Pour Tilford, le lobbying des firmes en Europe a payé : elles ont obtenu des baisses
d'impôts sans fournir à la société ce que l'on attendait d'elles, c'est-à- dire des emplois et de
la croissance. On est donc face à un comportement économique opportuniste de la part des
entreprises. Ceci fait ainsi dire à d'autres économistes que l'adage économique selon lequel
« Les profits d'aujourd'hui font l'investissement de demain et l'emploi d'après-demain » serait
134
inexact. Ce serait « très incertain, voire faux et mensonger » .
Pourtant, une politique de l'offre semble être actuellement le seul moyen de relancer
la croissance. Dans cette situation, on pourrait penser à enrichir la réforme fiscale
de mécanismes permettant d'éviter les comportements opportunistes des entreprises
(cf. A.2.2). Néanmoins, se pose l'épineuse question de la manière de réguler ces
comportements sans décourager les entreprises étrangères à s'installer sur notre sol.
Vouloir trop contrôler les entreprises pourrait avoir l'effet inverse que celui recherché par la
réforme en termes d'attractivité.
Après s'être intéressé aux effets économiques de la mise en œuvre d'une telle politique
fiscale, il convient de s'intéresser à ses possibles impacts sociaux.
132 S. TILFORD, Stable public finances require stronger business investment , ibid
133 INSEE, Rapport sur le partage de la Valeur Ajoutée , ibid, page 67
134 ATTAC, Vive les impôts , ibid , page 121
72
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
A.1.2. L'apparente incompatibilité des objectifs de compétitivité et de justice
sociale
a. Un abandon des objectifs fiscaux de régulation sociale pour favoriser la
compétitivité ?
Selon C. Heckly, si tous les experts tombent d'accord sur le fait que les citoyens doivent être
égaux devant l'imposition, c'est-à-dire que celle-ci soit équitablement répartie en fonction
des capacités contributives de chacun, la question du rôle de l'impôt reste plus débattue.
En l'occurrence, la question est de savoir si l'impôt doit être un instrument de réduction des
inégalités ou un simple outil destiné à couvrir les frais de fonctionnement de l'Etat.
Cette question relève davantage de choix politiques qu'économiques. Par exemple,
le consensus fiscal français est fondé sur l'idée de progressivité et de redistribution. Au
contraire, les américains sont réticents à l'idée de prélèvements élevés et à celle de
redistribution massive via l'impôt. La régulation économique et sociale n'y est pas assurée
par les prélèvements obligatoires : cela est moins coûteux pour les finances publiques, mais
tend à perpétuer les inégalités économiques et sociales.
135
La baisse de la progressivité de l'impôt est prônée par l'OCDE . Selon l'organisation,
un impôt sur le revenu très progressif est défavorable au travail : il devient plus intéressant,
financièrement parlant, pour certaines personnes de ne pas travailler et de toucher des
aides sociales plutôt que d'accepter un emploi faiblement rémunéré. C'est ce que l'on
appelle la « trappe à pauvreté ». Le RSA mis en place en 2008 vise justement à inciter
les personnes sans emploi à reprendre une activité en leur fournissant un complément
de revenu compensant les pertes financières liées à leur reprise d'activité. L'OCDE pense
que ce système de trappe à pauvreté est très défavorable à la croissance : il crée du
chômage, donc fait augmenter les dépenses de sécurité sociale et prive le pays d'un surplus
de production par l'éloignement de ces travailleurs du marché du travail. Ces arguments
conduisent l'OCDE à promouvoir une Flat-Tax, c'est à dire une taxe proportionnelle au
revenu, calculée sur la base d'un taux unique quel que soit le montant du revenu. Une
telle taxe serait favorable à l'emploi et à l'entreprenariat en récompensant la prise de
risque économique. L'impôt progressif favoriserait, lui, la fraude et l'évasion fiscale. Certains
économistes contestent néanmoins cette idée de la Flat-Tax « Si les avantages d'un taux
d'imposition réduit sont bien établis par la littérature économique, les avantages d'un taux
136
unique ne sont quant à eux pas établis »
L'application d'une telle politique consisterait en un abandon du principe de
progressivité et donc de régulation sociale par l'impôt. Les ménages pauvres se
retrouveraient à supporter un poids fiscal bien plus important que celui des ménages aisés.
Même si l'idée d'une telle politique fiscale n'a jamais été abordée en France, le fait
qu'une organisation internationale prenne position en faveur de telle ou telle réforme est très
important d'un point de vue politique. Cela confère poids et crédibilité à ladite proposition.
On sait que les institutions internationales jouent un rôle de plus en plus important dans la
137
fabrique des politiques publiques nationales , ce qui laisse à penser que cette proposition
pourrait faire son apparition dans les débats nationaux.
135 OCDE, Taxation and Economic Growth, ibid, page 29
136 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance , ibid page 50
137 L. BOUSSAGUET, Dictionnaire des Politiques Publiques , ibid , page 443-445
Billaudaz Marie-Line - 2012
73
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Dans un moment où la croissance économique est au cœur des débats et où sa
réactivation est la priorité, on peut se demander si une telle proposition ne pourrait
pas voir le jour, puisque la Flat-Tax est promue comme étant un des impôts les plus
favorables à la croissance. D'autant plus que certains think tanks et hommes politiques
138
la soutiennent , tout comme la plus importante association française de contribuables
(Contribuables Associés).
Les effets d'une telle réforme conduiraient certainement à une hausse des inégalités,
alors même que la hausse de la fiscalité sur les bases imposables les moins mobiles est une
tendance qui se confirme avec la continuation de la mondialisation. Dans ses propositions
139
pour restaurer la compétitivité française, l'Institut de L'Entreprise proposait de transférer
une partie plus importante du financement de la sécurité sociale sur les ménages, au
travers de la fiscalité indirecte (TVA, CSG, taxes écologiques, etc.). Puisque le système de
protection sociale relève de préférences collectives, « c'est aux ménages qu'il en revient
en premier lieu d'assurer la charge ». De plus, une telle mesure aurait vocation à faire
participer les inactifs au financement de la protection sociale, qui pèserait trop lourdement
sur les entreprises. Si une hausse modérée de la fiscalité indirecte est envisageable, un
transfert trop important en faveur des entreprises aurait pour effet une baisse du niveau de
vie des ménages les moins fortunés. Par exemple, on sait que la TVA est un impôt régressif,
absorbant 8,1 % du revenu des 10 % les plus pauvres contre seulement 3,4 % du revenu
140
des 10 % les plus riches .
En résumé, ce discours laisse à penser qu'un système fiscal favorable à la croissance
économique ne pourrait pas assurer dans le même temps un objectif de régulation sociale.
A l'autre bout de l'échiquier politique et économique, une autre conception de l'impôt tend à
promouvoir un impôt extrêmement élevé sur les entreprises et les hauts revenus en faveur
d'un rôle redistributif accru des prélèvements. Encore une fois, régulation sociale et efficacité
économique apparaissent comme étant inconciliables.
b. Une taxation alourdie des hauts revenus pour favoriser l'équité ?
Certains économistes prônent une hausse des prélèvements, ou au moins une redistribution
des prélèvements sur les entreprises en faveur des ménages. Cetteredistribution se
traduirait par une hausse de la taxation des entreprises, une baisse de la TVA et un
141
accroissement de la fiscalité des hauts revenus . Un candidat à la présidentielle française
142
de 2012 a proposé la taxation à 100 %des revenus supérieurs à 360 000 euros annuels .
Ces propositions peuvent paraître séduisantes, mais comme le souligne T. PIKETTY, un
économiste pourtant favorable à la progressivité de l'impôt et à la redistribution « régler tous
143
les problèmes en taxant le capital, c'est une illusion » . De même, tous les problèmes ne
peuvent être réglés en taxant démesurément les hauts revenus. Certes, il est anormal qu'un
138 N. LECASSIN, Un candidat propose la flat tax , Institut de Recherches Économiques et Fiscales, [en ligne], 16/02/2012,
[consulté le 25/06/2012], <http://irefeurope.org/content/un-candidat-ump-propose-la-flat-tax>
139 Institut de l'Entreprise, Pour un Choc de Compétitivité, ibid, page 67
140 ATTAC, 15 idées reçues sur la fiscalité , Paris : Les liens qui libèrent, 2012, 121p, page 37
141 ATTAC, Vive les Impôts ! , ibid, page 176
142 PLACE AU PEUPLE,
Taxer les hauts revenus, propositions et comparaison , [en ligne], mars 2012, [consulté le 26/06/2012]
<http://www.placeaupeuple2012.fr/taxer-les-hauts-revenus-comparaison-des-propositions/>
143
74
. PIKETTY, Pour une révolution fiscale , ibid, page 23
T
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
couple avec deux enfants, gagnant 100 000 euros par an, subisse une imposition globale
144
du revenu de 17 % contre 24 % pour un couple au revenu annuel de 36 000 euros . La
suppression de la majorité des niches fiscales et une refonte du barème de l'IRPP suffiraient
certainement à combler une grande partie de cet écart, sans avoir recours à des mesures
confiscatoires.
Néanmoins, ce discours a le mérite de rappeler que croissance économique ne signifie
pas automatiquement diminution des inégalités économiques et sociales. Une intervention
politique, qui passe notamment par la politique fiscale et la redistribution des revenus, est
nécessaire pour atteindre ces objectifs. La France parvient grâce aux transferts sociaux à
faire baisser le taux de pauvreté de 25 à 13 % de la population nationale (chiffres 2010,
145
comparaison entre le taux de pauvreté avant et après transferts sociaux ). Les mêmes
chiffres sont de 24 à 15 % pour l'Allemagne, ou encore de 29 à 13 % pour le Danemark.
La redistribution et la progressivité de l'impôt permettent clairement de maintenir des taux
de pauvreté relativement bas.
Ce discours rappelle également que la redistribution des revenus et la limitation des
inégalités est à la source de la cohésion nationale française. Néanmoins, cette conception
de l'impôt vise à favoriser uniquement l'aspect redistributif de l'impôt, sans s'intéresser
aux conséquences économiques d'une telle politique. Si, dans la conception favorable
aux entreprises, on considère que les ménages peuvent payer des impôts sans fin, cette
conception considère inversement que les entreprises peuvent être imposées à des taux
très élevés sans aucun effet sur l'activité économique du pays.
c. Un débat idéologique
Pour ces deux discours antagonistes, on serait face à l'impossibilité d'assurer dans le même
temps équité et efficacité économique. Cela étant, les deux conceptions font l'impasse sur
des éléments du débat fiscal, ce qui doit inviter à réfléchir sur une manière de dépasser
leurs faiblesses respectives.
Le premier discours tend à favoriser une faible imposition des entreprises et un
alourdissement de la fiscalité des ménages. On peut reprocher trois éléments à cette
approche de l'impôt.
Premièrement, elle oublie qu'une trop forte taxation des ménages est défavorable à la
demande, donc aux entreprises. Comme le souligne S. Tilford, les économies européennes
146
ont besoin des salaires les plus élevés possibles pour faire redémarrer la consommation .
Une certaine modération de la rigueur fiscale imposée aux ménages serait donc favorable
aux entreprises.
Deuxièmement, elle oublie que les entreprises profitent d'externalités positives
générées par des politiques publiques financées par l'impôt : main-d'oeuvre formée,
universités et centres de recherches, infrastructures de transport performantes, sécurité
144 CGT FINANCES, Une fiscalité juste pour combattre les crises , [en téléchargement], juin 2010, [consulté le 26/06/2012],
< http://www.justicefiscale.fr/spip.php?rubrique8 > page 12
145 EUROSTAT, taux de risque de pauvreté après transferts sociaux , ibid et taux de risque de pauvreté avant transferts
sociaux , [en ligne], juin 2012, [consulté le 26/06/2012], <http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/dataset?
p_product_code=TESOV250>
146 S. TILFORD, Stable public finances require stronger business investment , ibid
Billaudaz Marie-Line - 2012
75
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
publique, etc. Il est donc tout à fait légitime que les entreprises participent au financement
des dépenses collectives.
Enfin, cette conception tend à présenter les entreprises comme des institutions ayant
une fin en elles-mêmes. Or, les entreprises existent parce qu'elles ont une utilité sociale,
qui est de produire et de distribuer des revenus aux agents économiques. Leur objectif
final, même si on l'oublie souvent, n'est pas d'amasser indéfiniment de l'argent ou de ne
le partager qu'entre les quelques individus au sommet de la hiérarchie de l'entreprise.
Payer des impôts est une autre manière pour les entreprises de participer à cet objectif de
distribution des revenus.
Le deuxième discours, qui prône une taxation élevée des entreprises et hauts revenus,
semble nier deux éléments du débat fiscal. Premièrement, c'est nier le fait que les
entreprises sont effectivement des bases mobiles, qui n'hésiteront pas pour certaines à
quitter le territoire en cas de taxation démesurée par rapport à nos voisins du marché
unique, ce qui nuirait à la croissance. Deuxièmement, c'est nier que l'activité économique
a besoin d'être stimulée et récompensée par des taux d'imposition raisonnables. Taxer
démesurément les bénéfices serait totalement défavorable à la croissance économique :
qui accepterait de prendre des risques en fondant une entreprise s'il ne restait quasiment
plus rien après déduction des impôts ?
Tous ces éléments doivent faire partie du débat fiscal, et aucun ne doit être occulté.
Au final, ces deux conceptions de l'impôt sont démagogiques, dans le sens où elles
tendent à vouloir favoriser certains groupes sociaux au profit d'autres et à imputer la seule
responsabilité des problèmes de croissance et de finances publiques que nous connaissons
actuellement à l'un ou à l'autre des groupes.
La théorie keynésienne ayant beaucoup perdu de son influence, le discours dominant
tend à être le discours monétariste, en faveur d'une baisse de la progressivité -voire à
sa suppression- et à l'accroissement de la taxation les bases non mobiles. Pourtant, des
solutions existent pour tenter de concilier ces deux objectifs et tenter de produire une
réforme fiscale équilibrée, dépassant l'idée qu'il doit y avoir des perdants et des gagnants.
A.2 Les conditions pour une réforme fiscale à l'impact économique et
social positif
A.2.1 Une tentative de la part de l'Institut Montaigne pour allier compétitivité,
rendements et équité au sein d'une réforme fiscale globale
a. Une réforme pour améliorer la compétitivité des entreprises
La première réforme prônée par l'Institut Montaigne(IM) est la hausse de la TVA. Selon
les économistes de l'IM, les taux réduits pratiqués dans certains secteurs économiques
seraient de véritables « cadeaux fiscaux » qui n'auraient pas fait leurs preuves en termes
de consommation et d'emploi. De plus, TVA élevée ne signifierait pas forcément société
inégalitaire : les sociétés qui imposent le plus la consommation (Danemark, Finlande,
Suède... autour de 25 %) sont aussi les plus redistributives, car cette TVA élevée permet
de financer des transferts sociaux. Augmenter la TVA pour financer les cotisations sociales
pèserait au final peu sur le budget des ménages, préserverait notre système social et
permettrait d'accroître la compétitivité des produits français, en faisant l'effet d'une minidévaluation.
76
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
Le transfert proposé par l'IM serait d'une grande ampleur, puisqu'il se monterait à
30 milliards d'euros. Concernant l'exonération de charges patronales, deux voies sont
proposées. Soit baisser pour toutes les entreprises les cotisations familiales et maladies qui ont une vocation universelle- et les financer par l'impôt. Soit cibler les exonérations sur
le secteur industriel, très soumis à la concurrence extérieure. Les entreprises industrielles
acquittant 33 milliards de cotisations sociales annuelles, on pourrait largement stimuler la
compétitivité française.
Cette baisse des cotisations sociales patronales serait financée par la hausse du taux
de TVA normal à 23 % (+20,4 milliards), la suppression du taux réduit pour des secteurs nonsoumis à la concurrence (restauration : +3 milliards ; hôtellerie : +930 millions ; thermes :
+40 millions). Enfin un taux de TVA ramené à 33 % sur les biens de luxe (+2 milliards). Le
reste serait récupéré sur une nouvelle fiscalité écologique.
La réforme comprendrait également le reciblage des avantages fiscaux liés à l'épargne
en faveur de l'épargne tournée vers les PME, mais aussi l'allègement de 29 milliards de
charges annexes qui pèsent sur le cycle de production (versement transport, taxe pour les
chambres de commerce, taxe sur les voitures d'entreprises, etc.).
L'IM propose également de réformer la Contribution Économique Territoriale (CET) qui
est venue remplacer la taxe professionnelle (TP). Cette taxe, en partie assise sur la valeur
ajoutée, est très défavorable au dynamismeéconomique puisqu'elle frappe les entreprises
qu'elles aient ou non réalisé un bénéfice. Il serait donc judicieux de basculer cette taxe sur
la même assiette que l'IS, faisant de la CET une sorte d'IS local. Par contre, l'autre partie
de la CET assise sur les bases foncière ne changerait pas.
Le renforcement de la compétitivité passerait dans cette réforme uniquement par la
baisse des charges sociales, sans s'intéresser au taux de l'IS. Comme le souligne C.Heckly,
« C'est sans doute cet élément des charges sociales plus que la fiscalité proprement dite
147
qui grève le plus lourdement la compétitivité des entreprises françaises » .
Ces propositions destinées à favoriser le dynamisme économique des entreprises sont
complétées par des réformes visant à améliorer l'équité par une réforme de l'IRPP, de l'ISF
et des droits de succession.
b. Une réforme qui vise à renforcer l'équité entre les citoyens
Selon les propositions de l'IM, la réforme de l'IRPP pourrait passer par deux canaux.
Premièrement, la suppression totale de toutes les niches fiscales, pour un gain annuel de 34
milliards pour les finances publiques. Seul le quotient familial serait maintenu. Parallèlement,
il est proposé de revoir le barème de l'IRPP en remontant le plafond des revenus exonérés
d'impôts (de 5 963 à 8000 euros) pour compenser la suppression de la prime pour l'emploi,
et de monter le taux marginal maximal d'imposition à 45 %. Dans cette configuration, l'IRPP
rapporterait entre 70 et 65 milliards par an, contre 50 milliards actuellement. Deuxième
option proposée, laisser le barème inchangé et ne supprimer que les niches les plus
inefficaces, pour un gain de 10 milliards annuels. De plus, le recours aux niches serait
plafonné plus durement pour rapporter 5 milliards supplémentaires par an.
Au final, quelle que soit la formule retenue, l'IM table sur un gain supplémentaire de 15
milliards issu de l'IRPP. Néanmoins, si les propositions sont ambitieuses du côté des niches
fiscales, on peut les qualifier de « tièdes » en ce qui concerne une refonte du barème de
l'impôt, qui ne renforce pas vraiment la progressivité, d'autant plus que la TVA connaîtrait
147 C.HECKLY, Fiscalité et mondialisation , ibid, page 70
Billaudaz Marie-Line - 2012
77
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
une augmentation. A ce titre, les propositions de T. Piketty semblent bien plus correspondre
148
aux besoins de refonte de la progressivité .
Toujours concernant les propositions de T. Piketty et C. Landais, l'IM rejette l'idée
d'une fusion CSG/IRPP. Selon eux, cette réforme se traduirait par de nouvelles pressions
pour obtenir des niches ou des abattements. Ceci risquerait d'affaiblir la CSG, qui pour
l'instant est un impôt qui fonctionne bien et rapporte beaucoup puisqu'il ne bénéficie d'aucun
abattement. Pour l'IM il vaut mieux conserver la CSG en l'état et réduire les abattements
qui pèsent sur l'IRPP.
En ce qui concerne la fiscalité du patrimoine, l'IM propose de revenir sur les
exonérations d'impôts des mutations à titre gratuit (donations et successions) mises en
place par la loi TEPA, qui exonèrent 90 % des héritiers en ligne directe de toute taxation.
Le retour sur cette mesure conduirait à un gain de 2 milliards d'euros. L'IM propose aussi
d'augmenter un peu le barème des droits de succession pour un gain supplémentaire de
500 millions.
Concernant l'ISF, l'IM pense que sa suppression est inenvisageable dans le contexte
actuel de crise économique : ce serait un très mauvais message politique envoyé à la
population. L'IM propose d'autre part de supprimer l'ensemble des niches fiscales de l'ISF
(hormis l'abattement ISF-PME qui permet le financement des PME), dont l'abattement
sur la résidence principale et sur les œuvres d'art. Au final, ces modifications de l'ISF
rapporteraient 500 millions d'euros.
c. L'apparition de la fiscalité écologique
Dernier volet de la réforme fiscale proposée par l'IM, la véritable apparition de la fiscalité
écologique. Fiscalité qui passe pour l'instant plutôt inaperçue en France, puisque les
recettes fiscales qui en sont issues ne représentent que 2 % du PIB contre 5 % au
Danemark. La plus connue des taxes environnementale est la TICPE, ex-TIPP.
Bien que poursuivant des objectifs louables destinés à modifier les comportements
polluants des français, on peut penser que les nouvelles taxes envisagées par l'IM (+6,5
milliards) viendraient renforcer la précarité énergétique des ménages les moins fortunés.
Ces nouvelles taxes comprennent notamment l'alignement de la taxation du gazole sur celle
de l'essence, ou encore l’augmentation de la Contribution au Service Public de l'Energie
(CSPE) payée sur les factures d'électricité.
Autre mesure envisagée : une taxe carbone aux frontières de l'UE pour éviter les
distorsions de concurrence liées à une législation de plus en plus stricte sur les rejets
polluants dans l'Union. Mais la mise en œuvre d'une telle taxe se heurte à l'obligation
d'obtenir un nécessaire consensus européen.
Cette réforme globale proposée par l'IM est donc plutôt équilibrée : sa mise en place
149
permettrait au final d'augmenter les recettes fiscales de 250 millions d'euros , renforcerait
la compétitivité des entreprises, tout en donnant des gages d'équité aux ménages. Elle
permettrait d'améliorer la progressivité, notamment en renforçant la taxation des biens de
luxe, du patrimoine, des successions élevées et en élargissant la base de l'impôt sur le
revenu par la suppression des niches fiscales. Les impacts économiques de la mise en
œuvre de la fiscalité écologique auraient tout intérêt à être évalués. Il serait par exemple
juste que les ménages modestes ne soient pas concernés par la hausse de la CSPE.
148 T. PIKETTY, Pour une révolution fiscale , ibid, page 79
149 Institut Montaigne, Une fiscalité au service de la « social-compétitivité » , ibid, page 80-81
78
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
Néanmoins, cette proposition de réforme laisse toujours en suspens la question de
la lutte contre l'opportunisme des entreprises. Rien n'obligerait les entreprises à se servir
des fonds dégagés par les baisses d'impôts dans une optique favorable à la croissance :
création d'emplois, formation des salariés, investissements, innovation, etc. De plus,
l'activité d'une entreprise sur un territoire ne se réduit pas à des impacts économiques,
mais produit également des effets sociaux (santé des travailleurs, conditions de travail,
rémunération…), sociétaux (participation à la vie locale par le financement d'initiatives
locales, développement d'infrastructures...) et environnementaux (pollution, lutte contre les
externalités négatives, protection du milieu naturel…). Les avantages fiscaux accordés à
une entreprise pourraient tout à fait être modulés en fonction de l'évaluation de son impact
global sur la société qui l'entoure.
A.2.2. Préserver la cohésion sociale en luttant contre l'opportunisme des
entreprises
a. Moduler l'impôt sur les sociétés en fonction du comportement des firmes
Le candidat François Hollande a proposé durant la campagne de l'élection présidentielle la
distinction dans le calcul de l'IS entre les bénéfices réinvestis dans la société (taxation à
20 %) et ceux distribués aux actionnaires (taxation à 40 %). Cette proposition qui reprend
un mécanisme déjà existant en Allemagne semble pertinente car elle récompenserait les
entreprises engagées dans une dynamique de croissance sur le long terme. Comme nous
l'avons déjà souligné, la faiblesse de l'investissement vient essentiellement de la culture de
gestion à court terme des entreprises, guidée par un objectif d'accumulation rapide de profit.
Autre modulation de l'IS possible, un barème simple et clair indiquant pour chaque
taux de bénéfice réinvesti un taux correspondant d'IS. Plus l'entreprise réinvestirait son
bénéfice en France, chez elle ou une de ses filiales, moins le taux d'imposition serait élevé.
Cette modulation permettrait aussi de récompenser les entreprises ayant un comportement
favorable à la croissance et au développement de l'emploi.
Autre possibilité de lutte contre les comportements opportunistes, la mise en place
de contrats de performance avec les représentants des différents secteurs économiques.
Dans le public, l'État se sert des contrats de performance pour fixer aux établissements
publics des objectifs précis en termes de missions et de qualité de service. On pourrait tout à
fait imaginer que des avantages fiscaux accordés à des activités économiques spécifiques
soient soumis à un contrat entre l'État et les acteurs du secteur concerné.
Par exemple, le passage à la TVA à 5,5 % dans la restauration, qui s'est traduit par une
perte de ressources fiscales pour l'Etat, aurait pu s'accompagner d'un contrat entre l'État et
les organisations représentatives du secteur. Ces dernières auraient pu s'engager sur des
objectifs chiffrés en termes de créationd'emploi et de baisse des prix. L'INSSE aurait ensuite
évalué ces objectifs, évaluation qui aurait déterminé la reconduite ou non de la baisse de
la TVA.
b. Développer la notation sociale au côté de la notation financière
A côté de ces mesures qui visent à inciter les entreprises à redistribuer de manière
« responsable » les profits supplémentaires issus des baisses d'impôt, on pourrait
développer d'autres mesures beaucoup moins contraignantes dont l'objectif serait de
modifier en profondeur la culture des entreprises. L'idée de la notation sociale est
Billaudaz Marie-Line - 2012
79
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
d'apprécier les performances des entreprises non seulement à partir d'indicateurs
économiques, mais aussi d'indicateurs extra-économiques et extra-financiers. Cette
appréciation de la performance rentre dans le cadre d'une nouvelle approche de l'entreprise,
autant basée sur le rôle économique que social, sociétal et environnemental de la firme.
C'est ce qu'on appelle la responsabilité sociale des entreprises (RSE).
La RSE peut être définie comme « la prise en considération par l'entreprise de problème
que vont au-delà de ses obligations économiques, techniques et légales minimales et des
150
réponses que celle-ci apporte à ces problèmes » . Il est en effet paradoxal de qualifier de
« performantes » les entreprises qui certes font des profits, mais sont aussi impliquées dans
la pollution des milieux naturels, dans des systèmes corruptifs, ou encore qui emploient des
salariés dans de très mauvaises conditions, en profitant des faiblesses de la législation du
travail de certains pays.
151
Plusieurs ONG et fondations militent depuis les années 2000 pour rendre obligatoire
le reporting social (gestion des ressources humaines, prise en compte de l'environnement...)
au côté du reporting financier. Rendu public, ce reporting permettrait d'informer les
consommateurs sur les conséquences parfois négatives de l'activité productive des
entreprises.
Cette problématique ne se limite pas qu'aux pays en voie de développement, mais
concerne également les firmes françaises. La loi Grenelle 2 (art. 225) a introduit l'obligation
pour les entreprises de plus de 500 salariés de fournir un reporting social intégré au reporting
152
financier annuel . Ce reporting comprend des données concernant l'emploi (évolution des
rémunérations, licenciements, embauches, formation, parité hommes-femmes, conditions
de travail, etc.), l'environnement (gestion des déchets, rejet de gaz à effet de serre,
prévention et formation des salariés au développement durable, consommation d'eau et
d'électricité, etc.) et l'impact sociétal (impact régional en matière d'emploi, partenariat avec
la société civile, relations avec les sous-traitants, etc.). Selon la loi, le reporting devra être
validé par un organisme tiers indépendant (certainement l'AFNOR, l'Agence Française de
Normalisation). Mais la norme relative à la validation des données du reporting social (la
norme NF X30-024) ne devrait pas voir le jour avant 2013.
Établir un reporting des données extra-financières permettrait de donner des notes
sociales aux entreprises. Des agences de notations sociales, comme il en existe pour
l'évaluation des facteurs financiers, pourraient établir une notation et un classement des
firmes les plus vertueuses pour la société. Associée à l'évaluation financière, l'évaluation
sociale donnerait un aperçu exhaustif de l'impact économique et social de l'activité
productive de la firme.
Cette mise sous les projecteurs du comportement des firmes par des acteurs
indépendants (agences de notation sociale) pénaliserait fortement les firmes se livrant
à des pratiques dommageables en termes social et environnemental. La publicisation
pourrait inciter les entreprises à se montrer plus vertueuses et à réduire leur comportement
opportuniste de court terme. La rentabilité économique ne deviendrait plus le seul critère
150 S. BUFFA, C. GAINET,
Optimisation fiscale de la politique éthique des entreprises , [en téléchargement], janvier 2008,
[consulté le 26/06/2012], < http://www.aderse.org/docatelecharger/congres_aderse_2008/actes.htm > 16p, page 1
151 On peut citer pour les ONG
OXFAM et CCFD-Terre Solidaire ; Pour les Fondations The Global Reporting Initiative
et Integrated Reporting .
152
Informations réglementaires demandées par l'art. 225 de la loi Grenelle 2 , [en ligne], avril 2012, [consulté le 27/06/2012]
<http://www.institutrse.com/images/stories/Tableau_de_correspondance_Institut_RSE.png>
80
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
d'appréciation de la performance, incitant les entreprises à développer l'emploi, la formation,
l'innovation organisationnelle, l'investissement de long terme dans les technologies
« vertes » et des relations de coopération avec leurs sous-traitants.
En ce qui concerne l'opportunisme fiscal, les données extra-financières déjà définies
par l'article 225 de la loi Grenelle 2 pourraient être enrichies de données concernant le
civisme fiscal de l'entreprise : condamnation pour évasion fiscale, utilisation de sociétésécrans dans les paradis fiscaux, évaluation de la fixation des prix de transferts, etc.
Au final, aucune entreprise ne serait forcée d'atteindre ces objectifs de responsabilité
sociale. Le but est d'agir par la médiatisation pour inciter les entreprises à abandonner
leurs comportements opportunistes. La notation sociale est un des instruments qui peut
permettre à l'Etat de mettre sous pression les entreprises sans passer par un alourdissement
de la réglementation. Ce serait une autre manière de s'assurer d'un retour positif pour la
collectivité des baisses d'impôts accordées et de vérifier que la réforme concilie efficacité
économique et redistribution des revenus dans la société.
***
Produire une réforme fiscale équilibrée, remplissant des objectifs de compétitivité
et d'équité n'est donc pas chose simple, notamment en raison du mouvement actuel
tendant à favoriser la compétitivité et l'attractivité en sacrifiant l'idée de redistribution et de
progressivité de l'impôt. Néanmoins, l'Institut Montaigne a démontré que les deux aspects
étaient conciliables dans une réforme d'envergure des prélèvements obligatoires permettant
même de dégager des rendements supplémentaires. Renforcer l'équité et la compétitivité
ne coûterait donc pas plus cher. Le travail de l'Institut Montaigne a démontré une fois de
plus à quel point le système fiscal français est organisé de manière inefficace.
On peut pourtant se demander si l'avenir fiscal doit être uniquement envisagé dans les
bornes du territoire national et si une organisation fiscale plus efficace ne passerait pas par
la création d'une zone fiscale commune en Europe, superposée au marché unique ou à la
zone euro.
B. L'avenir de la souveraineté fiscale dans l'Union
Européenne
Si une politique fiscale de l'offre telle que nous l'avons présentée aurait pour effet de
participer à la relance de la croissance et au désendettement, elle serait, même en y incluant
des éléments participant à la préservation de l'équité, une contribution à la concurrence
fiscale européenne. Poussée à l'extrême, cette concurrence fiscale est néfaste pour tous les
États de l'Union, entraînant la chute des taux d'imposition sur les bases mobiles, une baisse
des recettes fiscales et donc une dégradation des services rendus par l'Etat aux citoyens.
Dans ce cadre, pourquoi ne pas construire une politique européenne fiscale ? Cela
permettrait de déplacer le centre de gravité de la concurrence entre Etats sur des
bases plus saines (innovation, productivité, compétitivité, etc.). Tous ensemble, les États
européens seraient en mesure d'imposer au marché mondial la fiscalité qu'ils souhaitent.
Les entreprises ne délaisseraient pas brutalement le territoire de l'UE, deuxième économie
mondiale, même en cas de hausse de la taxation dans certains pays. A terme, continuer
durant la prochaine décennie le même jeu de moins-disant fiscal pourrait être dangereux,
Billaudaz Marie-Line - 2012
81
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
comme le soulignent certains économistes « si aucune concertation communautaire n'est
153
menée, une véritable guerre fiscale pourrait s'engager » .
L'introduction d'un socle de fiscalité européenne au côté des régimes fiscaux nationaux
connaît ces dernières années un certain succès au sein des institutions européennes, avec
plusieurs impôts européens en projet (B.1.1). Néanmoins, l'observation des faiblesses du
système fiscal actuel du marché unique laisse à penser qu'une intégration fiscale serait un
échec (B.1.2).
Pourtant, de plus en plus d'experts et de décideurs politiques semblent voir l'intégration
fiscale et budgétaire comme la solution aux problèmes actuels des finances publiques
(B.2.1). Mais ce renforcement de l'intégration fiscale ne peut pas être uniquement subi
comme une conséquence de la crise que nous traversons. Il doit aussi s'accompagner d'une
réflexion globale sur le sens à donner à un éventuel rapprochement des modèles sociaux
et fiscaux (B.2.2).
B.1. La fiscalité naissante de l'Union Européenne
B.1.1. Des impôts européens en projet
a. L'Assiette Commune Consolidé d'Imposition sur les Sociétés
L'Assiette Commune Consolidé d'Imposition sur les Sociétés (ACCIS) serait un impôt
européen sur les bénéfices des entreprises exerçant leurs activités dans plusieurs pays
de l'Union Européenne. Cette taxation commune, en projet depuis le début des années
154
2000 a finalement fait l'objet en 2011 d'une proposition de la Commission qui devrait être
présentée au vote du Conseil courant 2013, pour une application effective en 2015-2016. Ce
projet poursuit les objectifs de simplification du droit fiscal et de lutte contre la concurrence
fiscale entre états.
Le principe est de permettre aux entreprises européennes exerçant une activité dans
plusieurs pays de l'UE de payer en une seule fois leur impôt sur les bénéfices réalisés au
sein du marché unique. On parle « d'assiette commune consolidée » puisque les règles
de calcul du revenu imposable seraient communes à tous les États et les résultats du
groupe seraient consolidés (agrégation de tous les résultats des différentes entités d'un
même groupe se trouvant sur le territoire de l'UE). Chaque État concerné se verrait attribuer
une part de cette assiette en fonction de l'activité qu'il abrite sur son territoire. Chaque
État appliquerait à cette quote-part le taux national de l'impôt sur les bénéfices, les États
pourraient donc conserver leur propre taux de l'IS. L'impôt ainsi calculé serait ensuite payé
à un guichet unique européen, qui répartirait ensuite les recettes fiscales entre les États.
Ce projet présente plusieurs avantages. Premièrement, il permettrait de réduire les
coûts de gestion comptable des entreprises, en simplifiant le système, et supprimerait
le risque de double imposition des bénéfices. Deuxièmement, il renforcerait la sécurité
juridique des entreprises et leur permettrait de compenser leurs gains et pertes au niveau
européen entre filiales (ce qui n'est pas actuellement possible dans la plupart des régimes
fiscaux, ou de manière très restrictive).
153 P. RASSAT, T.LAMORLETTE, T.CAMELLI, Stratégies Fiscales Internationales, ibid , page 299
154 COMMISSION EUROPÉENNE, COM/2011/121, [en ligne], 2011, [consulté le 28/06/2012],<http://ec.europa.eu/taxation_customs/
taxation/company_tax/common_tax_base/index_fr.htm#accis>
82
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
Néanmoins, plusieurs obstacles se dressent quant à la mise en place du régime
de l'ACCIS. Tout d'abord l'opposition de certains États (Royaume-Uni et Irlande) laisse
à penser que le dispositif devra faire l'objet -au moins dans un premier temps- d'une
coopération renforcée. De plus, un tel impôt nécessiterait la mise en place d'un système
d'échange d'informations entre États, centralisant les informations des entreprises ayant
choisi le régime ACCIS. Un système « d'assistance mutuelle » existe déjà, permettant aux
administrations fiscales de collaborer ponctuellement sur des dossiers de contribuables
soupçonnés de fraude. Désormais, il faudra mettre en place un système permanent
d'échange d'informations sur les entreprises. Ceci pose la question de l'accès à ce fichier,
de son contrôle...il n'est pas certain que les États laissent les administrations étrangères
avoir accès à des informations confidentielles sur leurs entreprises nationales.
En termes d'efficacité économique, cet impôt devrait plutôt avoir tendance à favoriser
la croissance en simplifiant les démarches fiscales liées à une installation dans un autre
pays de l'UE. La disposition est explicitement destinée aux PME pour favoriser leur
développement européen, même si les grandes entreprises pourront aussi bénéficier de
ce régime. De plus, l'instauration de l'ACCIS devrait permettre de maintenir le rendement
des recettes fiscales issues de l'IS puisque chaque pays pourrait continuer à imposer
les bénéfices à son propre taux. C'est donc un mécanisme fiscal commun plutôt souple,
permettant aux états de conserver une partie de leur souveraineté en pouvant fixer le
taux de leur choix. L'ACCIS aurait aussi pour effet d'améliorer la concurrence entre les
entreprises européennes puisque les règles concernant le calcul de l'assiette seraient
communes. Comme nous l'avons précédemment souligné, les États utilisent actuellement
des modalités de prise en compte des bénéfices différentes : le régime français est, par
exemple, plus favorable que le régime allemand en limitant l'assiette de l'impôt par toute
une série d'exonérations.
Par contre, on voit mal comment ce dispositif permettrait de lutter contre la concurrence
européenne sur les taux d'imposition des sociétés. Les États conserveraient effectivement
toujours des taux différents, ce qui permettrait aux entreprises de continuer à pratiquer
l'optimisation fiscale au sein de l'UE. Néanmoins, l'ACCIS pourrait être un premier pas vers
une harmonisation du taux d'imposition des entreprises en Europe.
b. La Taxe sur le Carbone Ajouté
Une fiscalité sur le carbone, responsable du changement climatique, aurait plusieurs
avantages. Une telle taxe permettrait une réorientation de la croissance, une réduction de la
dépendance aux exportations de matières premières énergétiques, et fournirait de nouvelles
recettes fiscales aux États.
Plutôt que de taxer la production finale en fonction de son contenu en carbone, certains
économistes proposent une taxe sur le carbone ajouté (TCA) conçue sur le même modèle
155
que la TVA . Le contenu en carbone serait taxé à chaque étape de la production, incitant
toutes les entreprises sur la chaîne de valeur à adopter des modes de production pauvres
en carbone. L'avantage réside également dans le fait que les importations seraient aussi
imposées sur le contenu carbone accumulé lors du cycle de production hors UE. Cela
supprimerait donc l'avantage des marchandises venant de pays n'imposant pas le carbone.
D'autres économistes préféreraient un dispositif sur le contenu carbone des
importations pour éviter de pénaliser les produits intensifs en carbone fabriqué en UE. Mais
155 M. AUJEAN et J-H LORENZI, Fiscalité et Croissance , ibid page 13
Billaudaz Marie-Line - 2012
83
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
il n'est pas certain qu'une telle taxe de protectionnisme « vert » soit compatible avec les
engagements pris vis à vis de l'OMC.
Néanmoins, cette TCA ne fait pour l'instant l'objet d'aucun consensus politique dans
l'UE. Premièrement, nombreux sont les pays qui considèrent qu'une telle taxe pénaliserait
la compétitivité de la production européenne. Le contexte actuel de croissance molle
ne semble pas propice à la prise d'un tel risque. Deuxièmement, cette taxe pénaliserait
directement le pouvoir d'achat des ménages, ce qui rendrait la mesure très impopulaire.
Commencer à installer un système fiscal européen par une taxation impopulaire serait un
très mauvais calcul politique.
La TCA soulève également des interrogations quant à l'affectation de son produit. Mise
en commun pour venir abreuver le budget européen ? Distribution aux pays et utilisation
laissée à leur discrétion ? Concernant une utilisation nationale, la TCA pourrait être utilisée
en relation ou non avec l'environnement : financement de projets d'investissement liés aux
nouvelles énergies ou à l'économie verte, basculement sur la TCA d'une partie du coût du
travail, etc.
c. La Taxe sur les Transactions financières
La Taxe sur les Transactions financières est le projet d'impôt européen actuellement le
plus avancé, pouvant entrer en vigueur dès 2013. Taxer les transactions réalisées sur les
marchés financiers est une idée ancienne remontant aux années 70. James Tobin suggérait
alors de créer une taxe permettant de décourager la spéculation sur les marchés des
changes, sans empêcher les investisseurs de se livrer à des opérations de couverture. En
1978, l'économiste fait la proposition selon laquelle 20 % des fonds récoltés par les États
dans le cadre de cette taxe pourraient servir à l'aide au développement des pays les plus
pauvres. Elle pourrait également servir d'aide permettant aux pays abritant des activités
criminelles (on pense notamment aux paradis fiscaux) de développer une économie saine.
Cette taxe fait ensuite sa réapparition dans le débat public au cours des années 90, sous
l'égide du Programme des Nations-Unies pour le Développement et de l'association ATTAC.
L'idée d'une telle taxe a été réactivé une nouvelle fois par la crise bancaire de 2008,
d'abord comme une tentative pour dissuader la spéculation, puis comme une potentielle
source de revenus publics supplémentaires. En outre, il apparaissait de plus en plus anormal
que ces transactions soient vierges de toute taxation étatique. Dans le contexte actuel de
crise économique, l'idée de reverser une partie des fonds aux pays en développement a
été abandonnée.
La France a voté début 2012 la mise en œuvre d'une taxe sur les transactions
financières de très faible échelle. Devant rapporter 1 milliard en 2012, elle ne concerne que
les ventes à nu de CDS et les opérations de trading à haute fréquence, deux opérations
spéculatives, taxées à 0,01%. Cette taxe française peut être qualifiée de « timide » quand
on sait que la taxe britannique sur ces mêmes opérations est fixée à 0,5 % (le « stamp
duty »). En tout, 10 États de l'UE appliquent une taxe sur les transactions financières, à des
taux et modalités très variables.
Récemment, certains États de l'Union Européenne semblent s'être mis d'accord pour
créer une taxe commune sur une partie des transactions financières. La commission
a proposé un projet en 2011, auquel se sont rattachées la France, l'Allemagne, l'Italie,
l'Espagne, la Grèce ou encore l'Autriche. D'autres États y étant farouchement opposés
(Royaume-Uni, Suède, Malte, Pays -Bas...), cette taxe ne concernera pas l'ensemble des
pays de l'Union Européenne, mais devrait faire l'objet d'une coopération renforcée associant
84
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
au moins 9 États sur 27. L'affectation de cette taxe est encore floue : le projet de base de
156
la Commission prévoyait qu'elle remplace les contributions des États au budget de l'UE ,
tandis que certains médias parlent maintenant de son affectation au mécanisme de stabilité
157
financière . De plus, puisque le principe d'un plan de relance équivalant à 1 % du PIB de
la zone euro a récemment été acté, on pourrait penser affecter cette taxe au financement
de cette politique. Cette taxe devrait frapper à 0,1% les ventes d'actions et obligations,
tandis que les produits dérivés seraient eux taxés à 0,01%. La taxe ne concernerait pas
les échanges de devises, qui représentent pourtant 50 % des échanges quotidiens sur les
marchés.
Encadré n°4, Les arguments des opposants à une taxe sur les transactions
financières Les détracteurs de la taxe avancent plusieurs arguments pour s'y
opposer : La substitution d'actifs : la taxation de certains produits va déplacer la
spéculation sur d'autres instruments de marché non-taxés, préexistants ou créés
ex nihilo. Au final on assisterait à une forme de fraude, comme il en existe sur tous
les impôts. Le rendement décroissant de la taxe : la dissuasion ou le déplacement
de la spéculation va provoquer un rendement décroissant de la taxe, qui ne peut
pas constituer une ressource fiscale pérenne. Déplacement des flux financiers :
la mise en place de cette taxe va déplacer les transactions financières vers des
places non régulées des paradis fiscaux, rendant encore plus instable le système
financier mondial. Des objections politiques de principe : pour certains libéraux la
mise en place de cette taxe serait une réglementation supplémentaire accroissant
le pouvoir de la bureaucratie et perturbant l'allocation des ressources sur les
marchés. Certains partis politiques d'extrême gauche s'opposent également à
cette taxe, perçue comme une amélioration apportée au système capitaliste, le
rendant plus supportable.
La taxe sur les transactions financières serait le premier impôt dont le taux serait
harmonisé entre plusieurs États de l'Union Européenne. La TVA, seul impôt commun
à tous les États de l'Union, ne possède pas un taux unique. Néanmoins, développer
une coopération renforcée revient à prendre le risque de voir se cristalliser une nouvelle
concurrence fiscale au sein de l'UE. Les flux financiers pourraient tout à fait se déplacer
vers les places financières n'appliquant aucune taxation. On peut cependant penser que le
contexte des finances publiques de la plupart des États européens les incitera à rejoindre
cette initiative, une potentielle source de revenus fiscaux très élevés. Si elle était appliquée
par les 27 États, la taxe permettrait de lever 57 milliards annuels.
Cette taxe est intéressante dans le sens où on peut penser qu'elle n'aurait aucun impact
sur la croissance des entreprises. La mise en place de taxes sur les transactions financières
dans certains pays d'Europe ou d'ailleurs n'a pas freiné les échanges sur les marchés. Elle
serait donc indolore pour les entreprises et les ménages. Enfin, il est probable que cette
taxation sera populaire auprès des citoyens européens et favorisera leur adhésion à un
socle fiscal commun.
156
COMMISSION EUROPÉENNE, COM/2011/594,
de taxe sur les transactions financières,
Proposition de directive du Conseil établissant un système commun
[en téléchargement], septembre 2011, [consulté le 27/06/2012], <
http://ec.europa.eu/
taxation_customs/taxatio n/other_taxes/financial_sector/index_fr.htm> 33p, Page 12
157 LA PRESSE CANADIENNE,
Taxe sur les transactions financières : l'Europe Divisée , [en ligne], 26/06/2012, [consulté
le 27/06/2012] <http://www.finance-investissement.com/nouvelles/economie-marches/taxe-sur-les-transactions-financieres-l-europedivisee/a/42678>
Billaudaz Marie-Line - 2012
85
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Ces trois impôts européens pourraient constituer la base d'un socle fiscal européen.
Ils permettraient d'augmenter les ressources fiscales des États membres ou de venir
abreuver le budget européen. Cependant, la mise en œuvre d'une zone fiscale commune
se heurterait aux problèmes de fraude fiscale et à la présence de paradis fiscaux sur le
territoire du marché unique. Dans ces conditions, il semble difficile de fonder une zone
fiscale homogène, capable de mettre un terme à la concurrence fiscale et de lever des
recettes fiscales suffisantes pour assurer la pérennité des modèles d'intervention étatique
européens.
B.2.2. L'Union Européenne : une zone fiscale non optimale
a. Le problème non réglé de la fraude à la TVA européenne
158
La Commission à réitéré en 2008 des propositions
concernant la lutte contre cette
fraude extrêmement coûteuse pour les finances publiques des États membres de l'Union
Européenne.
Premièrement, la Commission a de nouveau proposé de taxer les livraisons
intercommunautaires dans l' État membre de départ, proposition que la Commission
tente de faire adopter depuis 1987. Ce système permettrait de lutter contre la fraude,
puisque les administrations fiscales nationales ont le moyen de contrôler la conformité
entre les marchandises vendues par une entreprise et la TVA acquittée. L'acheteur
européen serait donc contraint de payer à l'entreprise vendeuse un prix comprenant la
TVA, qui irait directement dans les caisses de l' État de départ de la marchandise. Ce
système avantagerait donc fortement les pays exportateurs, qui verraient les recettes de
la TVA augmenter. La Commission proposait donc de mettre en œuvre un système de
compensation garantissant à tous les pays la pérennité des recettes issues de la TVA.
Malgré cela, cette proposition a été une fois de plus rejetée par le Conseil en 2008, les
États n'étant pas prêts à dépendre de transferts internationaux pour assurer leurs recettes
fiscales.
Après plus de vingt ans de lutte pour imposer un tel système de taxation, la Commission
a annoncé en 2011 qu'elle y renonçait et qu'elle s'attacherait à proposer des moyens de
159
lutte contre la fraude à la TVA conformes au principe de taxation dans le pays d'arrivée .
Le régime transitoire est donc implicitement devenu définitif.
Autre proposition rejetée : rendre le fournisseur responsable de la perte de TVA générée
par son client défaillant auprès du fisc d'un autre état membre. Le fournisseur aurait été tenu
pour responsable uniquement s'il avait omis de signaler à sa propre administration fiscale
la vente d'une marchandise à une entreprise domiciliée dans un autre état membre. Dans
la plupart des fraudes carrousels, le fournisseur est tout à fait conscient qu'il participe à la
fraude et que son acheteur ne s'acquittera pas de la TVA.
Les propositions de 2008 ont néanmoins permis la création de EUROFISC, une base
de données d'informations fiscales, comptables et patrimoniales, concernant les entreprises
européennes commerçant au sein du marché unique, et opérationnelle depuis janvier 2011.
Fin 2011 le bilan de ce système de base de données avait donné lieu à la collecte de 45000
158 COMMISSION EUROPEENE, COM/2008/109 et COM/2008/805, [en téléchargement], 2008, [consulté le 22/06/2012], <http://
ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/vat/control_anti-fraud/reports/index_fr.htm>
159 COMMISSION EUROPÉENNE, COM/2011/851, [en téléchargement], novembre 2011, [consulté le 22/06/2012], page 5,
<http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/vat/key_documents/communications/index_fr.htm>
86
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
informations portant sur 16000 sociétés. Plus de 4000 d'entre elles avaient été placées sous
160
surveillance de leur administration fiscale à la suite des échanges d'informations .
Les États ont donc acté leur préférence pour la fraude en refusant obstinément le
principe d'une taxation dans le pays de départ, ne souhaitant pas même expérimenter ce
système dans les États volontaires. Le régime de TVA européen est donc lui aussi un
exemple probant de path dependance. Les 200 milliards d'euros qui s'évaporent tous les
ans dans le cadre de la fraude carrousel sont autant de ressources en moins pour permettre
aux États de redresser leurs comptes nationaux et d'améliorer leur situation économique
via des politiques publiques de soutien de l'offre.
L'incapacité des États à lutter contre la fraude fiscale à la TVA fait de l'UE un système
fiscal a priori très inefficace. L'UE a en effet énormément de mal à faire respecter la loi et à
punir les fraudeurs. Avec ces faiblesses, on peut se demander si d'autres impôts européens
ne seraient pas confrontés aux mêmes difficultés : fraude massive, manque de coopération
entre les États, mise en œuvre de « régimes dérogatoires » bancals, etc. Un système fiscal
efficace et fiable est pourtant la base d'une organisation politique solide et pérenne. D'autre
part, s'ajoute à cette fraude massive l'existence de paradis fiscaux sur le territoire de l'UE, qui
remettent en question tout projet de véritable harmonisation et de lutte contre la concurrence
fiscale entre États.
b. Les paradis fiscaux dans l'Union Européenne
Comme nous l'avons à plusieurs reprises souligné, la lutte engagée par le G20 en 2008 pour
mettre fin aux pratiques dommageables des paradis fiscaux a peu fait évoluer la situation
réelle. Les paradis fiscaux notoires n'ont pas abandonné leur pratique du secret bancaire
et autorisent toujours la création de sociétés offshore. L'instrument dont s'était doté le G20
s’était finalement révélé très faible : une liste noire répertoriant les pays n'acceptant pas
de coopérer avec les autres administrations fiscales. Les plus grands paradis fiscaux ont
rapidement pu quitter cette liste en signant des conventions de coopérations avec d'autres
États. Néanmoins, l'efficacité de ces conventions est très limitée.
L'ancienne ministre du budget Valérie Pecrésse soulignait cette limite dans son discours
161
du 24 novembre 2011 . Elle y affirmait explicitement son doute quant à l'efficacité des
conventions d'échange d'information conclues avec des États considérés comme des
paradis fiscaux. Selon les chiffres cités par la ministre, plus de 230 requêtes avaient
été formulées au cours du premier semestre 2011 à 18 pays ou territoires (Jersey,
Malte, Andorre, Suisse etc.), pour seulement 71 réponses, soit un taux de réponse de
30%. Ces États semblent extrêmement réticents à dévoiler des éléments relatifs aux
contribuables (soldes des comptes, rémunération, etc.) et se contentent bien souvent de
valider l'exactitude des données déjà détenues par l'administration française, sans se livrer
à un véritable échange d'informations, comme le prévoient les conventions.
En d'autres termes, des pays se trouvant dans l'UE rechignent à coopérer avec les
administrations fiscales d'autres États de l'Union pour débusquer des fraudeurs.
160 Ministère du Budget, Dossier de Presse sur la Fraude Fiscale , ibid, page 33
161
Valérie
téléchargement],
PECRESSE,
24/11/2011,
Conférence
[consulté
le
de
29/06/2012],
Presse
page
«
6,
Lutte
contre
la
fraude
fiscale
»
,
[en
<http://www.economie.gouv.fr/archives-presse-budget/
discours discours_set1=01%2F11%2F11&discours_set2=30%2F11%2F11&discours_set4=5745&discours_set3=&x=58&y=13>
?
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87
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Le rapport le plus récent du Fond Monétaire International (FMI) relatif aux centres
162
offshore identifiait plusieurs États ou territoires faisant partie de l'UE : Chypre, Irlande,
Lettonie, Luxembourg, Malte, Royaume-Uni, ou associés à l’UE, en tant que « dépendances
de la Couronne britannique » : Jersey, Guernesey, Île de Man. Le FMI définit un centre
offshore comme «a country or jurisdiction that provides financial services to nonresidents on
163
a scale that is incommensurate with the size and the financing of its domestic economy » .
En refusant d'accepter les normes de transparence bancaire, ces États ou territoires
participent volontairement à la fraude et à l'évasion fiscale et acceptent implicitement de
« couvrir » les comptes d'organisations mafieuses et criminelles.
L'incapacité des États à s'accorder sur des problèmes fiscaux aussi importants que
la fraude à la TVA et les paradis fiscaux laisse à penser que la zone est peut-être
politiquement immature pour commencer une harmonisation fiscale. Le problème fiscal est
symptomatique du mode de fonctionnement de l'UE : les égoïsmes nationaux semblent
passer devant l'intérêt de tous. Ceci n'est pas vrai pour tous les pays, mais certains
« grands » pays semblent être passés maîtres dans cette manière de raisonner. Plutôt
que de rejoindre une union fiscale certains états préféreront toujours négocier des régimes
dérogatoires, des aménagements au droit européen, etc. L'intégration fiscale européenne
ne semble donc pas être la panacée pour régler les problèmes de concurrence fiscale.
En transposant le concept de R. Mundell des zones monétaires optimales au domaine
fiscal, on peut conclure de ces observations sur les paradis fiscaux et la fraude que l'UE
est une zone fiscale non-optimale. On pourrait définir une union fiscale optimale comme un
territoire sur lequel s'applique un système fiscal clair, simple, favorisant le consentement à
l'impôt, capable de faire respecter la loi fiscale et de condamner les fraudeurs, favorable à la
croissance, à la concurrence entre entreprises, mais aussi un système capable de fournir les
ressources d'intervention nécessaires au bon fonctionnement des États. Malgré ces facteurs
de sous-optimalité, la crise de la dette pourrait bien conduire à un approfondissement de
la construction économique de l'UE, qui pourrait notamment passer par une harmonisation
fiscale.
B.2 Vers une harmonisation des politiques fiscales et budgétaires de
l'Union Européenne?
B.2.1. Le transfert des prérogatives budgétaires à l'Union comme réponse à
la crise immédiate
a. Pourquoi aller vers plus d'intégration fiscale et budgétaire ?
L'émission d’euro-obligations sur les marchés financiers est vue par certains économistes
164
comme une solution à la crise des dettes publiques traversée par l'UE . Comme nous
l'avons précédemment souligné, certains pays (Espagne, Italie, Portugal, Grèce) sont
actuellement obligés d'emprunter sur les marchés à des taux très élevés, aggravant encore
162
IMF,
Concept of Offshore Financial Centers: In Search of an Operational Definition,
[en téléchargement], 04/2007,
[consulté le 29/06/2012], page 19, <http://www.imf.org/external/pubs/cat/longres.aspx?sk=20583.0>
163
I
MF, Concept of Offshore Financial Centers: In Search of an Operational Definitio, ibid, page 7
164 P. ARTUS, On ne pourra pas éviter les euro-bond , Flash Economie n° 607, Natixis, [en ligne], avril 2011, [consulté le 30/06/2012],
<http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=59533>
88
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
davantage le niveau de leur dette publique. L'idée des euro-obligations consisterait à créer
une agence des obligations européennes, émettant sur les marchés des obligations au nom
de toute la zone euro. L'argent ainsi levé serait ensuite redistribué entre les pays de la zone
en fonction de leurs besoins. Ce mécanisme est plébiscité pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, il permettrait de stopper la spéculation sur les dettes européennes.
Il n'existerait plus qu'une seule dette, celle de la zone euro. Les États seraient donc
tous solidaires des dettes contractées par leurs voisins, rétablissant ainsi la confiance
des investisseurs qui seraient certains de voir leurs intérêts payés en fin d'échéance.
En conséquence, les pays actuellement en difficulté pourraient refinancer leur dette à un
taux très bas grâce à la "caution" apportée par les États en bonne santé financière, leur
permettant peut-être de casser la spirale de l'endettement. De plus, les investisseurs ne
sauraient pas à qui les obligations seraient destinées, puisqu'un seul type d'obligation
existerait pour toute la zone. Le marché obligataire retrouverait de la liquidité et aucun pays
ne serait confronté au risque de défaut de paiement.
Néanmoins, un tel projet de mutualisation de la dette ne pourrait pas être acté sans un
renfort du contrôle collectif des budgets nationaux assuré par les autres pays de la zone
euro solidaires de la dette au travers des institutions communautaires. De plus, la zone euro
aurait besoin d'une représentation politique, puisque seule une autorité gouvernementale
est légitime pour lever de la dette sur les marchés. A ce titre, les cercles politiques européens
semblent être en cours de préparer des projets de deux ordres.
Au niveau budgétaire, la Commission européenne est actuellement en train de rédiger
un « Master Plan », c'est-à-dire les grandes lignes d'une réforme encore tenue confidentielle.
Ce projet implique le président de la Commission (José-Manuel Barroso), le président du
Conseil Européen (Hermann Van Rompuy), le chef de l'euro-groupe (Jean-Claude Juncker)
et le président de la Banque Centrale Européenne (Mario Draghi). Une réforme vers plus
165
d'intégration budgétaire serait donc en route .
Répondant à ce projet d'intégration budgétaire, d'autres leaders européens
plancheraient quant à eux sur un nouveau projet politique de l'Union. Ce projet, qui
aboutirait lui aussi à une modification des traités européens, entérinerait la création
d'un gouvernement européen élu, pouvant notamment assumer politiquement la dette
naissante de l'Union. C'est Laurence Parisot, secrétaire nationale du MEDEF, qui a fait cette
166
annonce passé inaperçue lors d'une interview radiodiffusée « Vous avez beaucoup de
personnes qui réfléchissent...vendredi dernier j'étais avec le vice-premier ministre belge
Didier Reynders, c'est un sujet sur lequel il travaille avec d'autres ministères des affaires
étrangères déjà depuis un certain temps ».
Au niveau budgétaire, l'hebdomadaire allemand DER SPIEGEL décrivait dans une
167
édition récente ce que pourraient être les contours du projet de réforme . Un État de la
zone euro qui souhaiterait emprunter aux marchés financiers devrait préalablement obtenir
le feu vert des ministres des finances de la zone euro. Sans cet accord, l'État ne pourrait
pas emprunter. Dans le cas d'un accord –subordonné, on l'imagine, à l'état des finances
165 C. OLLIVIER, ARTE JOURNAL, Vers une future union fiscale en Europe ? [en ligne], 15/06/2012, [consulté le 29/06/2012]
<http://videos.arte.tv/fr/videos/vers_une_future_union_fiscale_en_europe_-6747904.html>
166 RTL, Le Grand Jury, [en ligne], 27 Mai 2007, [consulté le 29/06/2012] <
http://www.rtl.fr/emission/le-grand-jury/ecouter/
laurence-parisot-etait-l-invitee-du-grand-jury-7748672622 > 50''
167 K. VON HAMMERSTEIN, C.PAULY, C. SCHULT, Dame mit Unterleib, DER SPIEGEL , édition du 11/06/2012,
pages
18-20
Billaudaz Marie-Line - 2012
89
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
publiques et aux perspectives de croissance- l'État concerné recevrait des euro-obligations.
Le dispositif serait placé sous le contrôle de représentants des parlements nationaux de
la zone euro. Ce mécanisme aurait le mérite de mettre fin au système des sanctions
financières en cas de non-respect des critères de Maastricht, sanctions qui aggravent
encore plus la situation budgétaire des États déjà en difficulté.
Ce dispositif aurait aussi pour objectif d'inciter les États à appliquer la règle d'or et à
voter des budgets en équilibre. Or, on peut se demander si une marge de manœuvre de
déficit ne pourrait pas être laissée aux États (de l'ordre de quelques % de leur PIB) sans
avoir besoin de demander une autorisation aux institutions européennes.
Ce dispositif serait au final un compromis entre la France et l'Allemagne. L'Allemagne
accepterait de revenir sur son opposition aux euro-obligations et à la mutualisation de
la dette, tandis que la France accepterait de déléguer la souveraineté budgétaire des
parlements nationaux au conseil européen. Pourtant, officiellement, l'Allemagne reste
toujours opposée aux euro-obligations.
Bien évidemment, toutes ces informations sont à prendre au conditionnel, et le projet
qui sera finalement présenté par les institutions européennes pourrait être totalement
différent. Néanmoins, il semble que des réformes d'envergure sur le plan budgétaire, et plus
largement sur la gouvernance de l'Union, soient en préparation.
b. Vers un modèle plus central que fédéral ?
Si la presse parle souvent de fédéralisme européen pour évoquer cette question d'une plus
forte intégration budgétaire et fiscale de l'Union, la mise sous tutelle des budgets nationaux,
telle que présentée par le magazine Der Spiegel, serait un modèle bien plus contraignant
que celui du fédéralisme.
Dans le fédéralisme, le budget des états fédérés est voté par les parlements locaux
composés de représentant élus. L'Etat fédéral n'a aucun contrôle sur le budget des États
fédérés, qui empruntent en leur nom, définissent eux-mêmes les dotations budgétaires
attribuées aux politiques publiques de leur ressort et votent le taux et les modalités de calcul
des impôts acquittés par les citoyens de leur état. Le budget de l' État fédéral est, lui, voté
par les représentants élus au niveau national. On voit bien que chaque étape budgétaire
est contrôlée par des représentant élus, tant pour la levée des recettes que pour la mise
en œuvre des dépenses.
Le modèle de validation du budget par le conseil des ministres des finances pose
problème dans le sens où il ne répond pas aux normes démocratiques. Les parlements
nationaux ne posséderaient plus la souveraineté budgétaire en ce qui concerne les
dépenses. De plus, l'interdiction faite à un pays de s'endetter correspondrait in fine à une
obligation de réduire ses dépenses ou à celle de lever de nouveaux impôts. Le contrôle par
des membres des parlements nationaux est insuffisant dans le sens où ils ne disposeraient
pas du dernier mot.
Au final, plutôt qu’au fédéralisme budgétaire, ce système ressemblerait plus à une
organisation politique centralisé. Avant les lois de décentralisation de 1982, les budgets
des communes étaient par exemple contrôlés a priori par les préfets. On se retrouverait un
peu dans la même situation de tutelle budgétaire et de contrôle des budgets a priori, à une
échelle bien supérieure.
90
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
Cela étant, ce système permettrait effectivement de s'assurer de la santé financière des
États composant la zone euro en bloquant tout endettement dépassant les normes fixées
par le nouveau pacte budgétaire de 2011.
c. D'autres modèles budgétaires en débat
En proposant des modèles éloignés de l'idéal démocratique, les dirigeants européens
semblent avoir oublié le principe qui a guidé de nombreuses révoltes populaires par le
168
passé: « No taxation without representation » . Si le vote des recettes resterait entre les
mains des parlements nationaux, le contrôle des dépenses, qui est la seconde face du
pouvoir budgétaire, serait exercé par un organe exécutif. De plus, une censure pourrait
signifier de revenir sur les recettes publiques. Or, rien ne garantit aux citoyens que le conseil
des ministres de la zone euro n'essaye pas d'influencer le cours des affaires intérieures
ou des politiques publiques nationales en l'échange de « permis d'emprunter ». A terme,
ce contrôle pourrait être un moyen d'imposer telle ou telle politique aux États. Pourtant, si
l'on considère que l'intégration budgétaire est une étape indispensable à la sortie de crise,
d'autres modèles respectant davantage les souverainetés nationales peuvent être mis en
débat.
Premièrement, un contrôle de l'endettement national, non pas par le conseil des
ministres, mais par la commission des finances du parlement européen. Même si ce
système correspondrait aussi à une mise sous tutelle, cette tutelle serait exercée par des
représentant élus représentant les citoyens européens. Néanmoins, ce système romprait
lui aussi le lien entre budget et nation puisque le budget d'une nation serait in fine validé par
des représentants ne faisant pas tous partie de la nation. Cela aurait peut-être pour effet
d'intéresser plus étroitement les citoyens à l'élection des députés européens, qui prendraient
une envergure beaucoup plus importante.
Deuxième option disponible, une organisation proche du système budgétaire fédéral,
avec deux niveaux budgétaires. Premier niveau, le niveau national : chaque État resterait
maître de ses impôts et de son budget. Tous les États auraient droit d'emprunter chaque
année sur les marchés une certaine somme, correspondant à x % de leur PIB via des
euro-obligations. Ce n'est qu'une fois passé ce niveau d'endettement que l'emprunt sur les
marchés serait soumis à l'avis d'une institution européenne. Deuxième niveau de budget,
le budget européen. Ce budget européen pourrait être alimenté par des impôts européens
(TCA, Taxe sur les Transactions Financières...) et être un véritable budget d'intervention
capable de financer de grands projets ou des politiques publiques européennes. Ce budget
serait géré par le Parlement Européen.
Au final, on voit mal comment une réforme budgétaire faisant céder aux Parlements
nationaux leurs prérogatives budgétaires pourrait être acceptée par les peuples européens
sans garanties en termes démocratiques. Dans la Constitution française, la prérogative
budgétaire appartient entièrement et exclusivement aux représentants de la Nation (art. 14
de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, préambule de la Constitution de
1958). Des fonctions budgétaires ne peuvent être exercées par l'exécutif.
Le projet de réforme des institutions européennes aurait donc tout intérêt à se
rapprocher d'un modèle fédéral préservant au maximum les compétences desParlements
nationaux et n'organisant une intervention des institutions européennes qu'en cas
168 Signifiant «
Pas de taxation sans représentation [au Parlement] », ce slogan a été le premier leitmotiv des indépendantistes
des 13 colonies britanniques d'Amérique du Nord dés 1750.
Billaudaz Marie-Line - 2012
91
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
exceptionnels. De plus, il est absolument inconcevable que des prérogatives budgétaires
soient exercées par des organes exécutifs.
Ces projets élaborés dans la hâte de la crise budgétaire et focalisés sur le contrôle
des budgets nationaux ne doivent pas repousser une réflexion plus sereine sur un
éventuel rapprochement des systèmes fiscaux. L'intégration fiscale et budgétaire ne peut
se faire uniquement de manière subie, à la marche forcée de la crise. Elle doit impliquer
gouvernements, institutions européennes et citoyens dans une réflexion sur un projet
commun, tant économique que social.
La stratégie nationale de redressement de la compétitivité et de stimulation de la
croissance via une réforme de la fiscalité que nous avons imaginée pour la France pourrait
tout à fait être déclinée au niveau de l'UE. Cette stratégie pourrait se combiner avec le
contrôle supranational de l'endettement des États, quelles que soient les modalités retenues
dans les prochains mois pour ce contrôle. De plus, il s'agit de s'interroger sur l'utilité et
l'opportunité de la création d'un véritable budget d'intervention européen.
B.2.2. Une stratégie fiscale commune pour préparer l'avenir
a. Une stratégie fiscale pour répondre aux objectifs du processus « Europe
2020 »
Le processus Europe 2020 est une feuille de route stratégique adoptée en 2010 par le
169
Conseil Européen sur proposition de la Commission . Cet agenda s'inscrit dans la droite
ligne du processus de Lisbonne (2000-2010) qui avait lui aussi défini des objectifs à atteindre
dans 5 domaines : innovation, emploi, éducation, développement durable et réduction de la
pauvreté. Ces deux stratégies successives ont pour objectif de faire de l'UE l'économie de
la connaissance la plus avancée d'ici à 2020.
Lorsqu'on s'intéresse aux indicateurs définis par la Commission pour jauger les progrès
des États dans la mise en œuvre de la stratégie, on s'aperçoit que les objectifs sont très
170
ambitieux . Si on prend l'exemple de la France, voici le chemin qu'il reste à parcourir dans
les différents domaines d'action.
En ce qui concerne le taux d'emploi des 20-64 ans, l'objectif est fixé à 75 % de la
population, alors que nous atteignons en 2011 les 69 %. Les émissions de gaz à effet de
serre devraient être réduites de 12 points par rapport à leur niveau actuel. La part des
énergies renouvelables dans le mix énergétique n'est que de 11%, alors que le but est
d'atteindre les 23 %. Nous devrions également accroître de 43 à 50 % la part de la population
titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur et faire chuter à 9 % le taux de jeunes en
échec scolaire contre 12 % actuellement. Enfin le taux de pauvreté et le taux de personnes
en situation de privation matérielle sévère devraient être limités à 20 millions de personnes
sur toute la zone de l'Union.
Cette stratégie est également audacieuse au niveau budgétaire, puisque la dépense
publique est au cœur du processus. Les objectifs en termes d'éducation, d'emploi, de lutte
contre l'exclusion, ou encore de lutte contre le changement climatique, nécessitent tous un
169 COMMISSION EUROPÉENNE, COM/2010/2020, Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, [en ligne]
, Mars 2010, [consulté le 30/06/2012] , <http://ec.europa.eu/prelex/detail_dossier_real.cfm?CL=fr&DosId=199073>
170 EUROSTAT,
Indicateurs clés « Europe 2020 », [en ligne], [consulté le 30/06/2012], <http://epp.eurostat.ec.europa.eu/
portal/page/portal/europe_2020_indicators/headline_indicators>
92
Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
engagement financier important de la puissance publique, même si le secteur privé vient
en appui de cet effort collectif. En d'autres termes, cette stratégie affirme le rôle central
de l'intervention publique dans la croissance et le développement des pays. Les États
européens ont donc besoin de ressources fiscales solides capables d'appuyer les dépenses
nécessaires à la concrétisation de l'agenda Europe 2020. De plus, cette stratégie vise aussi
à favoriser une croissance soutenue et dynamique dans les domaines d'avenir (technologies
numériques, biotechnologies, industrie de pointe, innovations environnementales, etc.).
Bâtir une stratégie fiscale commune pour appuyer ces objectifs paraît donc tout à fait adapté.
On peut avancer plusieurs idées concernant une telle stratégie fiscale. Premièrement,
il s'agit d'abandonner l'idée d'harmonisation pure et simple des impôts nationaux, car cette
solution priverait les États de toute marge de manœuvre. On pourrait par exemple imaginer
que les institutions européennes se contentent de définir des règles fiscales communes
permettant de limiter la concurrence fiscale, de stabiliser les recettes fiscales et de favoriser
la croissance.
Le système pourrait combiner un mécanisme de surveillance des déficits nationaux, et
faire coexister impôts nationaux et impôts européens, s'il est décidé de créer un véritable
budget d'intervention européen. Concernant les règles communes à adopter, celles-ci
devraient répondre à trois objectifs, selon l'économiste Alain Fabre, membre du Think Tank
171
européen la Fondation Robert Schuman .
Tout d'abord, évoluer vers des systèmes fiscaux aux bases larges et aux taux modérés.
Comme nous l'avons précédemment souligné, cette caractéristique des systèmes fiscaux
permet de lever des recettes fiscales importantes tout en incitant à l'activité économique.
Deuxièmement, adopter des systèmes fiscaux stables, c'est à dire une loi fiscale simple,
claire et peu mouvante. On a vu que cette caractéristique permettait de garantir la sécurité
juridique des entrepreneurs, incitait à la prise de risque économique et renforçait l'attractivité
des territoires.
Enfin, il s'agirait de limiter l'amplitude de variations des taux des différents impôts. C'est
l'idée du « serpent fiscal européen », basé sur le concept du « serpent monétaire » qui était
utilisé dans les années 70 pour limiter les fluctuations des taux de change des monnaies
des états de la CEE. Le taux des différents impôts pourrait ne varier qu'entre un niveau
minimum et maximum commun à tous les États. Cette idée est également défendue par le
syndicat français des impôts SNUI qui considère que le serpent fiscal permettrait de lutter
172
contre la concurrence fiscale en imposant un taux minimum commun .
Ces trois mesures simples permettraient de combiner rendement de l'impôt, attractivité
du territoire, incitation à l'activité économique et lutte contre la concurrence fiscale. Ce sont
les conditions fiscales minimales nécessaires à l'accomplissement de l'agenda « Europe
2020 », qui pourraient être complétées par des dispositifs d'incitation à l'innovation et de
baisse du coût du travail dans les États dont la compétitivité recule.
Au final, l'instauration de ce type de règle entraînerait un rapprochement progressif
des systèmes fiscaux, sans pour autant que celui-ci ne soit imposé unilatéralement par
Bruxelles. Les États resteraient libres de moduler le taux de leurs impôts en fonction des
besoins des politiques nationales, tout en s'inscrivant dans un ensemble fiscal homogène.
171
A. FABRE,
Les enjeux d'une stratégie fiscale européenn e, [en ligne], mars 2011, [consulté le 30/06/2012] <http://
www.robert-schuman.eu/question_europe.php?num=qe-198>
172 SNUI, Quelle Europe Fiscale ?, Paris : Syllepses, 2008, 150p, page 135
Billaudaz Marie-Line - 2012
93
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Enfin, de véritables mesures de lutte contre les paradis fiscaux en Europe doivent être
prises. Les États qui pratiquent le secret bancaire doivent au minimum s'engager à divulguer
leurs informations sur les contribuables d'autres États européens soupçonnés de fraude,
comme le prévoient les conventions d'échange d'information. De plus, pour une question
de crédibilité, les institutions européennes ne peuvent pas, d'un côté réclamer le retour à
l'équilibre des comptes publics, ce qui implique des efforts supplémentaires de la part des
contribuables, et de l'autre laisser prospérer de tels refuges de l'évasion fiscale sur le sol
européen. Selon un sondage Eurobaromètre, 89 % des européens réclamaient en Mai 2011
des mesures plus sévères à l'endroit des paradis fiscaux, ce qui prouve que les citoyens
173
attendent plus d'exemplarité et de sanction face à la situation actuelle .
Cela établi, la définition du projet européen ne doit pas être uniquement économique
mais aussi sociale.
b. « A market for citizen » : remettre les citoyens au cœur du projet européen
Si cette stratégie fiscale vise à renforcer la compétitivité et la croissance de l'économie
européenne, il convient de ne pas oublier que la stratégie Europe 2020 se donne également
des objectifs en termes de réduction de la pauvreté. En d'autres termes, le projet européen
doit également inclure des politiques de redistribution et de limitation des inégalités qui
doivent se concrétiser dans une réforme fiscale équilibrée. Comme nous l'avons déjà
souligné, il est parfois difficile au niveau d'un État d'arbitrer entre les impératifs de
rendements, d'encouragement économique et de progressivité de l'impôt. Cet arbitrage est
encore plus complexe à un niveau supranational.
La protection sociale est une caractéristique des sociétés européennes. Comme l'a mis
174
en lumière le sociologue britannique Richard Titmuss , l'aide sociale est perçue comme
stigmatisante dans la plupart des sociétés dans le monde. En Europe, la protection sociale
et les prestations qui s'y rattachent font partie du contrat social sans dimension de mise à
l'index des personnes en bénéficiant. Malgré ce cadre favorable à la protection sociale l'Europe est de plus le berceau des modèles de sécurité sociale- l'UE n'a jamais conçu de
politique à dimension sociale, pour la simple raison et bonne raison que cela n'a jamais fait
partie des traités européens.
Comme le souligne Alain Fabre « Le rôle dévolu à l'Etat providence au sein de la
175
société est au cœur des divergences fiscales implicites entre États » . En effet, ce qui
fait le cœur de la politique des États est leur politique sociale, la nature des relations
entre la puissance publique et la société, et le rôle de l'Etat par rapport aux citoyens. La
politique sociale, qui passe par des mécanismes de redistribution ne peut être acceptée
176
que par un groupe partageant une histoire et un avenir communs : une nation . Même si
les institutions européennes bâtissaient un projet social européen, on peut douter que les
français acceptent de payer pour financer la redistribution en Autriche et inversement.
La question n'est pas tant celle de la protection sociale que celle de la place des
citoyens dans les politiques de l'Union. Si on peut convenir que les différences économiques
173
EUROBAROMETRE,
Les Européens, l'Union Européenne et la Crise , [en téléchargement], août 2011, [consulté le
1/07/2012], < http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb75/eb75_fr.htm > 31p., page 25
174 R. TITMUSS, Essays on the Welfare State , Londres : Allen and Unwin, 1976, 262p.
175 A. FABRE, Les enjeux d'une stratégie fiscale européenne , [en ligne], ibid
176 E. RENAN, Qu'es-ce qu'une nation ?, Discours à Paris, Université de la Sorbonne, 1882
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Billaudaz Marie-Line - 2012
Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
entre États et l'inexistence d'une nation européenne empêchent la mise en place d'un
modèle social européen, les politiques européennes pourraient davantage se tourner vers
les citoyens et leur bien-être. L'UE est bien souvent vue sous le prisme d'un gouvernement
supranational ne faisant qu'imposer des normes et réglementations, et proposant peu de
nouveaux droits aux citoyens. Dans ce contexte, comment reprocher aux européens leur
désintérêt pour les questions européennes ? Une organisation comme l'UE qui se veut
libérale devrait pourtant s'attacher à développer les droits des individus, principe qui est la
base philosophique du libéralisme. On pourrait penser, par exemple, penser à développer
des niveaux minimaux en termes de droit à la formation professionnelle tout au long de la
vie, de droit à l'initiative économique, de droit à la santé... ces droits ne devraient pas rester
des déclarations d'intentions, mais se concrétiser par de vraies mises en œuvre à l'échelle
de l'Union.
177
Dans son rapport « A Market for citizens » , le symposium HEC Europe propose
de mettre les citoyens au centre des politiques européennes. Premièrement, les experts
proposent de reformer les politiques de l'emploi et du marché du travail autour de la notion
« d'employabilité ». Les politiques européennes devraient mettre l'accent sur la formation
des personnes peu ou pas qualifiées, favoriser l'emploi des seniors, mais aussi l'intégration
par le travail des migrants arrivant en Europe. Les salariés doivent pouvoir bénéficier tout
au long de leur vie de formations pour changer de métier ou évoluer professionnellement.
Le rapport propose également de mettre l'accent sur la santé et de développer à l'échelle de
l'Europe des outils permettant d'accompagner le vieillissement de la population en évitant
de faire peser sur les générations plus jeunes un coût de la santé exorbitant. La prévention
pourrait notamment permettre de réduire les dépenses de santé. Dernier exemple de
propositions : permettre aux citoyens européens d'intenter des « class actions » lorsqu'ils
s'estiment victimes d'abus des firmes. Cette mesure permettrait une implication plus directe
des citoyens dans la politique économique européenne et leur permettrait de faire valoir
leurs droits de consommateurs.
En outre, les sondages de la Commission européenne montrent que les attentes des
citoyens européens en termes de politiques publiques communes ne sont pas remplies.
Les politiques européennes se concentrent actuellement sur l'aide à l'agriculture et les
investissements régionaux. Ces deux domaines sont jugés comme étant prioritaires par
respectivement 19 et 14 % des européens. Au contraire, les européens souhaiteraient voir
l'argent du budget européen utilisé pour développer des politiques sociales et d'emploi (42
%), pour stimuler la croissance économique (40 %), ou encore la formation professionnelle
178
(39 %) et la santé (32 %) . On est donc bien dans l'attente d'un vrai budget européen
d'intervention, capable de concrétiser ce que Alain Fabre appelle l'« idéal européen de
179
civilisation » .
Il est intéressant de remarquer que les attentes des citoyens sont semblables aux
objectifs de l'agenda « Europe 2020 ». De plus, la mise en œuvre de telles politiques
communes ou le financement de grands projets européens pourraient favoriser le sentiment
d'appartenance des citoyens à l'UE, en commençant peut-être à bâtir la nation européenne
de demain.
177 HEC EUROPE SYMPOSIUM, A market for citizens , [en téléchargement], février 2008, [consulté le 1/06/2012], < http://
www.hec.fr/europe-symposium/ > 18 p.
178 EUROBAROMETRE,
Les européens et le budget de l'Union Européenne , [en téléchargement], août 2011, [consulté le
1/07/2012], < http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb75/eb75_fr.htm >, 23p., page 15
179 A. FABRE, Les enjeux d'une stratégie fiscale européenne , [en ligne], ibid
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95
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Néanmoins, une telle concrétisation passe par la création d'un vrai budget d'intervention
européen. Cette idée signifie des changements à plusieurs niveaux. Premièrement, ce
budget devrait être abreuvé par des impôts levés à l'échelle européenne, ce qui est
techniquement possible. Deuxièmement, ce budget devrait être voté par le Parlement
Européen, qui existe déjà, mais aussi être piloté par un vrai gouvernement démocratique
européen, qui lui n'existe pas encore. Il s'agirait donc d'une véritable organisation fédérale,
qui nécessiterait la révision des traités et des transferts de compétences dans certains
domaines.
c. Vers un gouvernement de la zone euro ?
Si le gouvernement européen répondait au besoin de doter l'UE d'une institution capable
de mettre en œuvre des politiques publiques communes sur le territoire de l'Union,
cette création viendrait également pallier les faiblesses de « la gouvernance », le mode
de régulation actuellement en vigueur. La gouvernance repose sur le principe de la
coordination, du volontariat et du consensus. C'est ce mode de gestion qui prévaut
actuellement puisqu'aucune institution n'a de légitimité suffisante pour passer au- dessus
des gouvernements. Si la Commission est souvent dépeinte comme un gouvernement
européen, capable d'imposer ses volontés aux Etats, il n'en est rien. La Commission ne fait
que proposer des politiques, qui doivent toutes être approuvées par le Conseil, c'est à dire
par les gouvernements.
Ce mode de régulation est incapable de fonctionner en cas de crise : les membres des
gouvernements défendent avant tout l'intérêt de leur État, pas celui de l'ensemble de l'Union.
C'est par exemple le cas de l'Allemagne, qui s'oppose à toute idée de dévaluation de l'euro :
cette décision pourrait pourtant permettre de faire repartir la croissance de nombreux pays
qui souffrent de l'euro fort. L'euro fort ne bénéficie finalement qu'à l'Allemagne, mais ce pays
étant le première économie de la zone et un membre fondateur, son poids pèse plus dans la
balance de la gouvernance européenne. La mise sous tutelle des budgets nationaux ne peut
être acceptée dans une telle situation de domination de certains pays (France, Allemagne
et Royaume-Uni dans une moindre mesure) sur tous les autres.
Remplacer la Commission européenne par un gouvernement issu de la majorité élue
au parlement européen, doté de pouvoirs de décisions et d'un budget d'action, permettrait
de répondre à la faiblesse de la gouvernance et à l'impasse actuelle sur la sortie de crise.
On serait donc dans le cadre d'une organisation fédérale, où le gouvernement européen
pourrait avoir la capacité d'imposer son avis dans certains domaines délégués. La politique
monétaire de la zone euro pourrait en faire partie, avec une réappropriation par le pouvoir
politique des prérogatives monétaires de la BCE. Une politique fiscale européenne pourrait
voir le jour, qui, de concert avec la politique industrielle et monétaire, serait capable de
soutenir activement la croissance, sur le modèle de la politique économique des Etats-Unis.
Ce serait l'occasion de vraiment mettre en œuvre les agendas décennaux du type processus
de Lisbonne et Europe 2020. Néanmoins, se pose la question de la manière de gérer la
politique économique dans une zone comportant plusieurs monnaies. Ainsi, on pourrait dans
un premier temps penser à ce que ce gouvernement européen soit limité à la zone euro,
les autres États restant sous le régime politique du traité de Lisbonne.
De plus, les traités européens affirment le principe de subsidiarité comme un des
principes fondateurs de l'UE. Ce principe signifie que seules les matières étant plus
efficacement gérées au niveau supranational doivent être déléguées à l'Union. Face à
la crise, on voit bien que la gouvernance économique est une impasse, et qu'il faut un
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Chapitre 3 : Conciliation de l'efficacité économique et de l'équité ; gestion de l'intégration fiscale
européenne : les prochains défis fiscaux
gouvernement de la zone euro, démocratique, légitime et capable de mettre en place une
politique favorable au plus grand nombre.
Concernant les transferts de compétences liés à une organisation fédérale, rien
n'oblige de concevoir un fédéralisme dual, qui, comme dans la constitution américaine,
organise une séparation stricte des domaines de compétences. Le fédéralisme coopératif
allemand semble bien plus intéressant : les états fédérés et l'état fédéral partagent certaines
politiques. Cela permettrait au gouvernement de la zone euro d'intervenir dans les domaines
de l'emploi, de la santé, ou encore du développement durable, sans empêcher les États
de mener des politiques spécifiques. Ainsi il subsisterait une vie politique nationale et des
spécificités propres à chaque État.
Néanmoins, plusieurs questions se posent quant à la réalisation d'un tel projet.
Premièrement, les peuples ne sont peut-être pas prêts à un tel pas en avant, même s'il
permettrait de donner beaucoup plus d'efficacité et de légitimité à l'action de l'Union. Cet
approfondissement de la construction ne doit pas se faire à marche forcée, et doit respecter
l'avis des citoyens.
Deuxièmement, la création d'une nouvelle entité politique pose à nouveau des
questions relatives au budget. La mutualisation de la dette signifierait que le gouvernement
de la zone euro assume la dette issue des euro-obligations, et donc la contrôle. Cela dit,
quelles règles de soutenabilité imposer à ce gouvernement en termes de dette, de déficit ?
***
Un approfondissement de l'intégration européenne n'a rien d'inéluctable. L'idée d'un
gouvernement démocratique de la zone euro ne semble pas à l'ordre du jour et la balance
semble pencher du côté d'un simple mécanisme de contrôle des déficits au contenu
démocratique très faible. Encore une fois, les citoyens risquent d'avoir l'impression que
l'UE n'est qu'un organe destiné, non pas à sublimer, mais à brider les politiques nationales.
Ceci risque d'éloigner encore plus les citoyens des institutions européennes. Au contraire,
une intégration qui renforcerait les aspects démocratiques de l'Union, avec notamment
la création d'un budget européen d'intervention, aurait toutes les chances de développer
la conscience européenne. En effet, selon André Barilari, impôts et citoyenneté sont
180
intimement liés, puisque « l'Impôt matérialise le lien de citoyenneté démocratique » .
180 A. BARILARI, Le Consentement à l'impôt, ibid, page 114
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97
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
économique et budgétaire
Conclusion
La presse a l'habitude de formuler les solutions disponibles pour régler la crise sur le ton
du catastrophisme. Les citoyens n'auraient le choix qu'entre un retour à des politiques
nationales, c'est-à-dire le démantèlement de l'UE, ou un accroissement du contrôle de
Bruxelles sur les politiques nationales sans contrepartie démocratique. Il s'agit de choisir
entre deux mauvaises solutions, ou comme le dit l'expression populaire,de choisir « entre
la peste et le choléra ». La première provoquerait des difficultés économiques peut-être
encore pires que celles que nous connaissons. La seconde serait peut-être le début d'une
UE aux penchants dictatoriaux. Pourtant, d'autres solutions alternatives existent, tant pour
redresser les économies nationales des États que pour renforcer les pouvoirs de l'UE dans
l'optique de prévenir de nouvelles crises budgétaires.
Dans toutes les solutions que nous avons évoquées tout au long de ce mémoire, nous
avons vu que la politique fiscale pouvait venir en appui des autres branches de la politique
économique pour une action renforcée sur la croissance et la compétitivité. Nous avons
également souligné le fait que tout ne se joue pas qu'au niveau des dépenses et de leur
gestion, mais aussi au niveau des recettes fiscales. Dans ce sens, la mise en œuvre d'une
véritable RGPO, une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires, paraît s'imposer,
tant le système fiscal semble sclérosé et peu propice à la création de richesse dont le
pays a tant besoin. Si les citoyens ne doivent pas être oubliés dans une réforme de la
gouvernance économique de la zone euro, ils ne doivent pas l'être non plus d'une révision
de la politique fiscale de la France. L'équité entre les citoyens pourrait être renforcée à de
nombreux niveaux et servir ainsi à l'amélioration de la cohésion sociale. Comme on le sait, la
croissance ne suffit pas à la prospérité d'un pays si elle ne s'accompagne pas de cohésion.
Cette cohésion doit non seulement être préservée par des règles nationales
garantissant la participation de chacun en fonction de ses moyens au système public, mais
aussi par un effort fait au niveau international pour réduire au maximum l'existence des
paradis fiscaux qui abritent la fraude fiscale. Punir les paradis fiscaux ne suffit pas, il faut
aussi leur permettre de développer de nouvelles activités économiques leur garantissant
une croissance économique tout aussi élevée que celle générée par les activités bancaires
qu'ils abritent. Les fraudeurs, quant à eux, pourraient être d'avantage punis. Puisqu'ils ont
refusé de participer à la collectivité en payant leur impôt, leurs droits civiques liés au vote
et à l'éligibilité pourraient leur être provisoirement retirés. Cette sanction aurait le mérite de
l'exemplarité et de la symbolique.
Comme on le voit, au niveau fiscal aussi, la mondialisation a rebattu les cartes du jeu.
Désormais, trois niveaux intimement imbriqués, ayant des répercussions les uns sur les
autres sont en interaction dans la définition des politiques fiscales : le niveau national, le
niveau continental et le niveau mondial. La coordination entre ces trois niveaux devient
de plus en plus complexe, notamment avec l'apparition de la concurrence fiscale entre
États. Ce type de concurrence appelle à renforcer la compétitivité, la capacité d'innovation,
mais aussi la qualité du facteur humain des États. Ce n'est qu'au prix de cette évolution,
pouvant être favorisée par la politique fiscale, que la France pourra conserver un taux de
prélèvements obligatoires élevé et entamer le désendettement de l'État. La concurrence
risque d'ailleurs de se renforcer avec la montée en puissance des BRICS.
98
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Conclusion
En résumé, croissance et fiscalité n'ont jamais été autant liées que dans ce contexte
de sortie de crise européenne et de poursuite de la mondialisation.
Billaudaz Marie-Line - 2012
99
Le rôle d'une Révision Générale des Prélèvements Obligatoires dans une sortie de crise
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Annexes
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