Les marques de territoires révèlent la diversité des stratégies cap-com.org/content/derriere-la-marque Hasard du calendrier, le 18 octobre dernier, deux marques de territoire ont été lancées simultanément : la marque du département de la Seine-Saint-Denis In Seine-Saint-Denis dans les locaux de l'agence BETC à Pantin, et celle de la ville et de la métropole de Metz Inspire Metz au centre logistique Ikéa de la Maxe. Et pour le coup, ce n'est pas un hasard si les deux lancements ont eu lieu dans les locaux de grandes entreprises implantées localement : ils symbolisent le dynamisme économique du territoire, et soulignent l'importance du monde entrepreneurial dans la réussite des démarches de marketing territorial. À l'instar de ces collectivités, les territoires sont de plus en plus nombreux à se doter d'une marque. Le signe visible de la place grandissante que prend le marketing territorial dans les collectivités, tant en terme de préoccupation qu'en terme de moyens, comme le révèle les premiers résultats de l'étude Cap’Com - Inkipit - Chaire Attractivité et Nouveau Marketing territorial ci-dessous. Profitons de la sortie concomitante de ces deux nouvelles marques pour regarder un peu derrière la vitrine médiatique qu'elles constituent, et qui a tendance à faire oublier la diversité des stratégies. Construire les outils communs du langage territorial Quelle que soit l'échelle territoriale, l'un des enjeux récurrents d'une marque est de proposer des outils communs pour parler d'un territoire de façon cohérente et renforcer la fierté d'appartenance. « Nous nous sommes rendus compte que les habitants de Metz adorent leur territoire mais n'en parlent pas et ne savent pas le vendre » explique Anne Prémel-Valleton, directrice de la communication de Metz Métropole. « L'idée c'est de casser cette façon d'être en créant un langage commun pour que tout le monde ait les mêmes outils pour parler du territoire ». « La marque est née de cette volonté d'offrir aux habitants un outil pour véhiculer un regard positif sur leur territoire », ajoute Axelle Poulaillon, directrice-adjointe de la communication du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Derrière la marque, des valeurs et un positionnement qui reflètent un territoire Base de ce langage commun : le positionnement et les valeurs de marques. Et dans ces deux territoires, leur 1/4 définition s'est appuyée sur un processus participatif pour aboutir à des résultats qui reflètent bien la spécificité de chaque territoire. « Le 4 juillet dernier, nous avons lancé l'idée de la marque In SeineSaint-Denis et mis à disposition une charte de valeurs pour qu'elle soit complétée par les ambassadeurs », explique Axelle Poulaillon. Trois propositions de logo sont également soumises au vote du public. « L'agence de communication du département a invité des graphistes du territoire à faire des propositions dont certaines ont été sélectionnées par le service communication puis par le collège de préfigurateurs de la marque qui se sont rencontrés en juin. En septembre nous sommes donc arrivés avec un logo choisi par le public, une charte étoffée par des ambassadeurs. Et déjà des propositions de certains d'entre eux, comme par exemple celle du club de foot Red Star qui a proposé la présentation officielle du logo en ouverture d'un match mi-septembre. » Le logo de In Seine-Saint-Denis traduit les valeurs de la marque : des cœurs surperposés pour exprimer à la fois le lien des ambassadeurs avec leur territoire et l’idée du mouvement qui fait bouger les lignes, des couleurs contrastées à l’image de la diversité des habitants de Seine-Saint-Denis, une typographie spécifique qui souligne l’importance du fait main et de la dimension participative. « On appelle ça une marque de cœur parce qu'elle met de l'enthousiasme », précise la dircom adjointe. Le positionnement s'appuie sur quatre piliers : porter un nouveau regard sur la Seine-Saint-Denis, faire émerger de nouveaux talents, promouvoir le made in Saint-Denis, mettre en réseau les ambassadeurs. Parmi les premières actions, un concours ouvert aux écoles et centres de formations sur la réalisation d’une animation visuelle sur la Seine-Saint-Denis avec une contrainte : intégrer des éléments graphiques constitutifs du logo. « Au-delà de la désignation du gagnant du concours, c'est l'initiative des ambassadeurs, qui vont aller prendre du temps pour écouter et rencontrer les jeunes, qui est importante ». À Metz, la construction de la marque s'inscrit dans la continuité de la création en 2015 du Club des Ambassadeurs de Metz. Pour faire ressortir ce qui caractérisait le mieux le territoire, Metz métropole a travaillé avec le cabinet CoManaging pendant plus d'un an : enquêtes de terrain, réunions de concertation, etc. La marque a été co-construite par un comité stratégique regroupant de nombreux chefs d’entreprise et avec la participation d'un « focus groupe », composé de jeunes, d’experts et d’Ambassadeurs de Metz Métropole. La démarche a abouti à une marque qui a vocation à inspirer en donnant à voir une nouvelle Metz : innovante, créative et naturellement européenne. L’innovation, la culture et l'art de vivre se retrouvent dans le positionnement « Tech et Art, notre atout d’avenir » et le concept Inspire Me.: « dénominateur comment entre Tech et Arts, milieu ingénieur ou artistique, l’inspiration est l’élément clé pour faire évoluer ces deux disciplines. « Me » (moi en anglais) démontre que cette inspiration est bénéfique à chacun. Il correspond aux deux premières lettres de Metz et permet de jouer avec un grand nombre d’accroche ». La marque vise elle aussi quatre objectifs : faire du quartier de l’Amphithéâtre le quartier totem, devenir une ville campus grâce aux étudiants qui sont un levier de la démocratie et de l’attractivité résidentielle, mettre en avant la culture de l’ingénieur du territoire, rendre visible les secteurs d’excellence et consolider les filières socle, élargir la perspective et porter le regard sur l’espace économique européen du QuattroPole. Le QuattroPole, réseau créé en 2000 par quatre villes (Luxembourg, Metz, Saarbruck et Trèves) est un élément central du bloc marque d'Inspire Metz qui en reprend la forme. Un choix graphique qui insiste sur l’importance du territoire pour la ville de Metz (et rappelle aussi les aux formes géométriques du bâtiment de la BAM (Boite à Musique), salle emblématique de la ville.). Ce bloc-marque est un des éléments d'un code de marque complet (bloc-marque, univers iconographique, sémantique, etc.) mis à la disposition des ambassadeurs sur le site de la marque. Il est 2/4 complété par un film. Quel est le territoire pertinent ? La stratégique créative de la marque Inspire Metz traduit une approche territoriale qui dépasse les périmètres institutionnels. La démarche, portée par la ville de Metz, Metz Métropole et Metz Métropole Développement (MMD), agence de développement économique au service de la Ville et de la Métropole, s'appuie sur le bloc-marque qui représente la forme du QuattroPole, réseau transfrontalier auquel appartient Metz, et illustre l'un des enjeux de la marque : rendre plus collectif et élargi le territoire. Cette approche renvoie à une question devenue incontournable en matière de marketing territorial avec la redistribution des cartes liée à la réforme territoriale : celle du territoire pertinent. La problématique ne se pose effectivement pas de la même manière pour la Seine-Saint-Denis, le département apparaissant comme légitime pour prendre la parole en région parisienne. Même si la réforme territoriale n'est jamais très loin : « Avec le développement de la métropole, c'est la visibilité de la Seine-Saint-Denis qui est renforcée », ajoute la dircom adjointe. L'étude menée par Cap'Com et Inkipit sur les collectivités et le marketing territorial et dont les résultats seront présentés au Forum de Marseille, pose à nouveau cette question centrale du territoire pertinent. Si les premiers éléments de l'enquête soulignent que les démarches de marketing territorial sont majoritairement portées par des collectivités chefs de file en matière économique, elle met en exergue deux approches : celle liée au territoire vécu, au bassin de vie qui dépasse les périmètres institutionnels, et celle qui envisage la pertinence du territoire en fonction d'une thématique et/ou de publics cibles. Des données qui alimenteront les débats lors d'une controverse sur le sujet au Forum de Marseille. Le moteur du marketing territorial : une démarche d’abord positive basée sur des facteurs déclencheurs Si la volonté de valoriser un territoire constitue le socle commun de toute démarche de marketing territorial, la dynamique n'est forcément pas la même selon l'impulsion qui lui est donnée au départ. Selon l'étude sur le marketing et les collectivités de Cap'Com et Inkipit, le projet politique et la mise en service d’équipements structurants sont les premiers facteurs déclencheurs d'une démarche de marketing territorial, suivis, dans une moindre mesure, de la réorganisation territoriale, et des difficultés sur le territoire (départ d’une entreprise ou d’une institution, perte d’habitants, crise médiatique… ). En Seine Saint-Denis, la mise en place de la marque « fait partie d'une stratégie de développement territorial cohérente dont le marketing n'est qu'un volet et qui a permis depuis plusieurs années l'installation de grands groupes sur notre territoire », explique Axelle Poulaillon. Le projet politique est bien là en en toile de fond mais c'est justement un déficit d'image lié au traitement médiatique autour du département qui constitue l'un des points de départ de la création d'une marque départementale. Le constat : changer l'image plutôt négative que véhiculent les médias peut être long. Le besoin : trouver un autre moyen de donner un regard positif sur le territoire. L'impulsion : la volonté exprimée par les partenaires de la collectivité de mettre en avant les choses positives qu'ils font sur le territoire. À Metz, le déficit d'image et l'envie de positif précèdent également la réflexion stratégique mais avec en arrière-plan, le lancement d'un centre des congrès « On devient une destination d'affaire et l'Est n'est pas forcément une destination évidente. On s'est donc demandé comment faire pour qu'elle soit mieux reconnue » explique Anne Premel-Valleton. La création de la marque messine s'inscrit dans une dynamique initiée il y a quelques années et qui prenait déjà sa source dans la mise en place d'un équipement : le Centre Pompidou Metz. Son ouverture a été accompagnée d'une grande campagne de promotion du territoire : « Je veux Metz ». Un rapport communication / marketing territorial protéiforme « La campagne "Je veux Metz" avait ouvert les esprits , explique Anne Premel-Valleton. Les communicants sont allés voir les élus pour leur proposer d'aller plus loin en créant une marque. Les dircoms ont été moteur sur le dossier. ». En Seine Saint-Denis, l'initiative vient du président du département et des différents partenaires culturels, économiques, éducatifs, qui expriment le souhait de pouvoir faire émerger la vitalité de leur territoire. « Ce n'est pas 3/4 une opération de communication, on veut vraiment que la marque vive, que ce soit les ambassadeurs qui s'en emparent et la fasse vivre », précise Axelle Poulaillon. Pour autant la communication a une fonction support. En lien avec les personnes en charge de la promotion du territoire au sein du département, elle a structuré le positionnement, la stratégie et le plan de communication. Les ressources internes du service sont mobilisées pour assurer notamment une partie du développement des sites internet et le suivi éditorial avec l'accompagnement de deux agences dans le cadre des marchés publics de communication existants. La communication accompagne la démarche et rend efficient les outils de communication tandis que le suivi du développement et de l'animation du réseau est assuré par le service en charge de la promotion du département, porte d'entrée pour les ambassadeurs qui eux mettent en place les initiatives avec le soutien logistique du département. Pour Metz, la situation est un peu différente. La gouvernance est tricéphale : les services communication de la ville, de la métropole et de l'agence de développement économique ont travaillé ensemble avec l'aide de deux agences : CoManaging pour la phase de caractérisation, et MMAP pour la création de la marque. « En interne, c'est la ville de Metz qui pilote le dossier », précise Anne Premel-Valleton. Fonction support ou stratégique, la place de la communication dans la démarche de marketing territorial varie d'une collectivité à l'autre. Les résultats de l'étude Cap'Com/Inkipit, qui seront dévoilés au prochain Forum à Marseille le 8 décembre , permettront de mieux comprendre le rapport complexe et multiforme entre communication et marketing territorial. À LIRE AUSSI Marketing territorial : on n'implique pas assez les entreprises (27/04/2016) La mise en récit des territoires : une exigence renouvelée, selon le géographe Daniel Behar (25/04/2016) C'Chartres, une marque et des ambassadeurs (2/02/2016) Guide du marketing territorial dans les départements (28/10/2015) Marques de territoire : caprice ou nécessité ? (02/06/2014) À VOIR AUSSI Renforcer l'attractivité des territoires - Comptes-rendus des 3 e Rencontres nationales communication et marketing territorial Crédits photos et visuels : département de la Seine-Seine-Denis, Metz Métropole 4/4